République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 avril 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 6e session - 12e séance
PL 7073
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit:
Art. 177, al. 2 (nouvelle teneur)
al. 3 (nouveau, l'al. 3 ancien devenant l'al. 4)
2 Si l'acte du Grand Conseil a été précédé d'une étude par une commission, le président en informe cette dernière. Après avoir pris l'avis de la commission, le bureau peut charger le Conseil d'Etat de préparer la réponse au recours, qui est soumise à l'appréciation de la commission avant sa signature par le président.
3 Si l'acte du Grand Conseil n'a pas été traité préalablement par une commission, le projet de réponse est soumis à l'appréciation de la commission législative.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il est de pratique constante que la réponse aux recours interjetés auprès du Tribunal fédéral contre une loi votée par le Grand Conseil soit traitée par la commission ayant étudié la loi attaquée, ce qui est conforme au texte de l'article 177 de notre règlement.
Cet article comporte toutefois une lacune dans la mesure où il n'évoque pas le cas - exceptionnel - où une loi ou un acte du Grand Conseil n'ont pas été traités en commission du fait qu'ils ont été adoptés en discussion immédiate. Le présent projet de loi vise à réparer cette lacune, mise en évidence à la suite de deux récents recours contre une loi et une décision du Grand Conseil, lacune d'autant plus regrettable que ce sont précisément les textes approuvés en discussion immédiate qui peuvent poser des problèmes juridiques dus au fait qu'ils n'ont pas été examinés en commission avec la sérénité habituelle de ce mode de faire.
Le présent projet de loi vise également à consacrer l'usage selon lequel la réponse au Tribunal fédéral est faite au nom du Grand Conseil et signée par son président.
Préconsultation
M. Christian Ferrazino (AdG). Le projet de loi qui vous est présentement soumis vise simplement à combler une lacune du règlement du Grand Conseil en ce sens que la pratique actuelle veut que, lorsqu'une loi est votée par ce Grand Conseil, et qu'elle fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral, ce soit la commission parlementaire qui a examiné le projet de loi en question qui examine la question et réponde au Tribunal fédéral.
Le règlement, il s'agit de son article 177, contient une lacune pour les cas où il y aurait recours. Nous avons connu deux cas, ces derniers temps, d'une loi qui, faisant l'objet d'un recours, n'avait pas été préalablement examinée par une commission.
Dans ces cas-là, pour suivre l'esprit de notre règlement qui consiste à laisser au Grand Conseil la possibilité de se déterminer dans le cadre de la réponse d'un éventuel recours au Tribunal fédéral, il conviendrait de compléter cette disposition, cet article 177, afin de permettre à la commission législative, en l'occurrence, d'examiner le dossier et d'apporter la réponse du Grand Conseil qui, en dernière instance, conformément à la pratique et aux textes du règlement, est signée par le président du Grand Conseil.
M. Claude Lacour (L). Le projet de loi qui vous est soumis n'est pas aussi innocent qu'il en a l'air. Lorsque le Grand Conseil prend une décision, il est souverain. Comment prend-il une décision à l'heure actuelle ? Il commence, s'il le veut bien, par demander l'avis d'une commission puis, ensuite, il en discute en séance plénière et prend une décision.
Il arrive parfois, c'est exact, qu'il soit estimé que cette décision a été mal prise et qu'un recours à une instance supérieure, le Tribunal fédéral, par exemple, soit déposé. Dans ce cas, c'est le Bureau du Grand Conseil qui rédigera la réponse à ce recours et le texte de la loi actuelle dit qu'il peut ou doit demander l'avis de la commission qui avait donné un préavis et qui, par conséquent, peut l'aider à rédiger sa réponse.
Qu'en est-il du nouveau système proposé ? Lorsque le Bureau va rédiger sa réponse au recours, on voudrait que sa réponse soit, cette fois-ci, non pas soumise à l'avis, mais à l'appréciation de la commission qui a statué. Et, si aucune commission n'a statué, on voudrait qu'il soit soumis à l'appréciation de la commission législative, comme si celle-ci en savait plus que le Grand Conseil.
Ce système me paraît totalement faux du point de vue de la logique juridique. En effet, le Grand Conseil est souverain. Il prend l'avis des commissions à l'amont. Mais on ne peut imaginer qu'après coup il soit contrôlé par une commission qui, en fait, lui est dévouée, mais qui n'a pas de pouvoir supérieur. Cela reviendrait à appliquer la méthode du : «qui peut le moins peut le plus».
Cela signifie que le Grand Conseil, ayant pris une décision après délibération, verrait tout d'un coup sa décision, par le biais du préavis devant le Bureau du Grand Conseil qui devrait répondre à ce dernier - vous choisirez le verbe qui vous plaira dans la liste que je vous donne - amendée, amenuisée, censurée, interprétée, limitée, minimisée, j'irai même jusqu'à dire, sabotée par une commission qui n'aurait peut-être pas été du même avis que le Grand Conseil ou même qui n'aurait pas du tout donné de préavis. C'est mettre le monde à l'envers, et nous estimons qu'il n'y a pas lieu de donner suite à ce projet de loi.
M. Christian Ferrazino (AdG). Je désire répondre à quelques inexactitudes soulevées par M. Lacour dans son intervention. Tout d'abord, la pratique ne fait que refléter le texte clair du règlement que vous avez lu, mais pas au complet, qui veut que la commission qui a traité d'un projet de loi avant qu'il ne soit adopté par ce Grand Conseil soit consultée.
Le règlement ne dit rien - en termes juridiques, on appelle cela une lacune, Monsieur Lacour - en ce qui concerne les projets de lois adoptés par le Grand Conseil, sans avoir été préalablement examinés par une quelconque commission. Que faire de ces projets de lois ? Deux hypothèses se présentent, dont celle que vous semblez suggérer sans le dire.
A savoir, soit de vous décharger de la réponse, qu'il vous incombe pourtant de donner en tant que député, sur un juriste que le Conseil d'Etat voudra bien désigner, soit de choisir, ce qui est proposé par ce projet de loi, de conserver votre responsabilité de député.
Je vous rappelle que les commissions parlementaires, y compris la commission législative, sont composées proportionnellement, et que votre parti n'est pas en reste par rapport aux différents groupes parlementaires qui composent cette enceinte.
Par conséquent, la commission législative, car c'est la plus à même de traiter des questions d'ordre juridique, pourrait cette fois-ci se déterminer et apporter la réponse du Grand Conseil.
Je vous rappelle que - vous avez utilisé des verbes comme censurer, grignoter ou raboter - lorsque des avis divergent, et heureusement cela arrive, on peut toujours voter et la commission peut se déterminer à la majorité.
Je ne comprends pas vos craintes. Cette commission législative, Monsieur Lacour, peut à ce moment, au nom du Grand Conseil, apporter la réponse que le Grand Conseil doit donner à une loi qui aurait été attaquée auprès du Tribunal fédéral.
Alors, si vous souhaitez donner cette responsabilité, en d'autres termes, décharger les députés de leur responsabilité pour la transférer à un juriste du Conseil d'Etat, ce qui se pratique déjà, il faut le dire.
Mais ce projet de loi propose précisément de conserver au Grand Conseil, par l'entremise de sa commission législative, la possibilité de répondre à une décision attaquée par quelqu'un auprès du Tribunal fédéral, décision qui - je le rappelle - n'a pas été l'objet, au préalable, d'un examen par une quelconque commission de ce parlement.
M. Claude Lacour (L). Je demande...
Des voix. T'as pas le droit !
Le président. M. Lacour renonce.
M. Claude Lacour (L). Non, je ne renonce pas. Je demande si j'ai le droit de répondre.
Le président. Non, vous n'avez pas le droit !
M. Claude Lacour (L). Bon, alors cela règle le problème ! (Rires.)
Le président. Conformément à l'article 232 du règlement, si ce projet est pris en considération, il sera renvoyé à une commission qui sera celle des droits politiques.
Nous allons voter la prise en considération de ce projet de loi.
Celles et ceux qui souhaitent qu'il soit pris en considération lèvent la main.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La prise en considération de ce projet de loi est rejetée par 44 non contre 42 oui.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). Au sujet de la demande de discussion immédiate sur le projet de loi 7073, les projets de lois sont renvoyés directement en commission.
Le président. Madame Calmy-Rey, j'ai pris la peine de vous citer l'article 232 de notre règlement qui crée une disposition spéciale pour les modifications de notre règlement. Cet article dit : «Toute proposition ayant pour objet de modifier le présent règlement doit, si elle est prise en considération, être renvoyée à une commission.». Il y a donc exception par rapport au reste des projets de lois.