République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 18 février 1994 à 17h
53e législature - 1re année - 4e session - 5e séance -autres séances de la session
No 5
Vendredi 18 février 1994,
soir
Présidence :
M. Hervé Burdet,président,
puis
Mme Françoise Saudan,première vice-présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Philippe Joye, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme et MM. Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond et Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes Claire Chalut, Liliane Charrière Urben, Laurette Dupuis, Isabelle Graf et M. David Revaclier, députés.
3. Accueil de l'équipage de la navette spatiale Endeavour.
Le président. Nous allons maintenant recevoir l'équipage de la navette spatiale Endeavour. Je prie les huissiers de faire entrer nos hôtes.
(Précédé de deux huissiers en manteau rouge et jaune, l'équipage de la navette spatiale fait son entrée dans la salle du Grand Conseil. L'assemblée accueille M. Nicollier et les autres membres de l'équipage par une standing ovation.)
Mesdames et Messieurs les députés,
Avant de vous présenter les membres de l'équipage de la navette spatiale Endeavour, permettez-moi de saluer à la tribune quelques éminents représentants de la communauté scientifique :
- M. le Professeur André Maeder, directeur de l'Observatoire de Genève,
- M. le Professeur Bernard Hauck, directeur de l'Institut d'Astronomie de l'Université de Lausanne,
- Mme Daria Robinson, représentant l'ESA, Agence Spatiale Européenne,
- M. Peter Creola, chef de la délégation suisse à l'ESA,
- et Messieurs les membres de la délégation suisse à l'ESA.
(Applaudissements.)
Voici maintenant toute l'équipe d'Endeavour. Tout d'abord l'équipage à bord :
- Le commandant : M. Richard Covey. (Applaudissements.)
- Le pilote : M. Kenneth Browersox. (Applaudissements.)
Les spécialistes de mission sortie extra-véhiculaire :
- Mme Kathryn Thornton. (Vifs applaudissements.)
- M. Story Musgrave. (Applaudissements.)
- M. Tom Akers. (Applaudissements.)
- M. Jeffrey Hoffman. (Applaudissements.)
- et notre compatriote, Claude Nicollier, spécialiste de mission, responsable du bras manipulé. (Longs et chaleureux applaudissements.)
Tout aussi importante est la coordination de cette gigantesque entreprise qui est assumée par M. Milt Helfin, directeur du vol à la NASA.
(Applaudissements.)
Enfin, les astronautes avaient besoin d'un pilote pour les guider dans notre canton, et c'est à M. Luc Weber, recteur de l'université de Genève, que revient cette agréable mission. (Rires et applaudissements.)
Au nom de la population genevoise, je vous souhaite, Madame et Messieurs, une cordiale bienvenue. Celle-ci s'adresse, bien sûr, également à vos conjoints ici présents dont le soutien a certainement joué un rôle non négligeable dans votre succès. (Applaudissements.)
Madam, Gentlemen, in the name of the people of Geneva, I wish you a warm welcome wich I extend, of course, also to your spouses who are with us here today.
On dit des Suisses que pour voir le ciel, ils doivent se coucher sur le dos. Notre horizon est, vous le savez, limité par les montagnes. C'est sans doute la raison pour laquelle nous sommes attirés par les étoiles, bien que le rêve ne soit pas la principale de nos qualités.
A l'époque de la Révolution française, un Genevois, Horace Bénédict de Saussure, a fait la seconde ascension de la plus haute montagne d'Europe, le Mont-Blanc, pour effectuer quelques expériences à plus de 4800 mètres d'altitude, en particulier pour tester la transparence de l'air. Par un étonnant parallèle, deux cents ans plus tard et tournant à plus de 480'000 mètres d'altitude, Claude Nicollier, qui a fait une partie de ses études à l'université de Genève, a, avec l'aide de ses compagnons, réparé le télescope Hubble. Or, celui-ci est destiné à explorer l'Univers, loin précisément des turbulences atmosphériques qui intriguaient de Saussure.
Un des plus petits pays du monde, la Suisse, et Genève peuvent s'enorgueillir de participer à la fois à l'exploration de l'infiniment petit, grâce au CERN, et à celle de l'infiniment grand, à travers l'ESA. Rejoignant les alchimistes du passé qui déclaraient que ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, les scientifiques modernes détectent d'étonnantes similitudes entre l'organisation de l'Univers et celle des atomes.
Madame, Messieurs, en venant nous rendre visite, vous nous faites un grand honneur. Nous sommes fiers qu'un enfant de notre pays ait pu participer, à part entière, à l'exploit que votre équipe a réalisé, en remettant en état de fonctionnement cette fabuleuse machine à remonter le temps qu'est Hubble.
Madam, Gentlemen, you do us a great honour by visiting us here. We are proud that one of our countrymen could share in your team's achievement, wich was to repair that fabulous time machine, the Hubble space telescope.
Une hypothèse astronomique veut qu'à partir d'un noyau la Terre ait été formée peu à peu par un conglomérat de poussières d'étoiles et que, par conséquent, nous sommes tous issus de cette noble matière. Voilà qui nous rattache singulièrement à l'Univers que non seulement vous explorez, mais dans lequel vous travaillez.
En témoignage de notre estime, j'aimerais vous remettre maintenant, au nom du Grand Conseil, un petit souvenir de votre passage en nos murs, un modeste produit de notre technologie locale et terrestre. (Les huissiers remettent le traditionnel stylo-souvenir à l'équipage d'Endeavour.) (Applaudissements.)
As a token of our esteem, let me, in the name of the Parliament of Geneva, present you with a little something to remind you of your visit to this city - a modest product of our local technology. (The gentlemen ushers give the traditional ball-point pen to the Endeavour's crew.) (Applause.)
M. Luc Weber, recteur de l'université de Genève.
Monsieur le président du Grand Conseil,
. .
Mesdames et Messieurs les députés,
Messieurs les représentants du Conseil d'Etat,
Dear commander Covey and crew members of mission STS-61,
Cher Claude,
La présence de six astronautes de la NASA et un astronaute de l'ESA, par ailleurs Suisse romand, atteste du relief de cette journée pour Genève et pour son université.
En effet, l'université a la chance et l'immense plaisir d'accueillir dans ses murs tout l'équipage de la mission STS-61 qui a procédé avec un succès total à un service d'entretien d'une rare complexité au télescope spatial Hubble, cela en décembre dernier.
Ce matin, ils étaient à l'Observatoire de Genève, à Sauverny, qui est, comme vous le savez, le lieu de travail des astronomes des universités de Genève et de Lausanne. Après cette réception, nous les recevrons à l'université, notamment pour une conférence publique à l'auditoire Piaget qui sera retransmise en semi-différé à la télévision, ce soir à 22 h 15, dans l'émission «Télescope».
L'université a l'immense plaisir de pouvoir donner aux activités de recherche de l'une de ses subdivisions, l'espace d'une journée, la visibilité qu'elle mérite. Il faut bien reconnaître qu'en règle générale ces chercheurs travaillent plutôt dans l'ombre, dans leurs livres, derrière leurs microscopes ou devant leurs écrans d'ordinateurs. Comme vous pouvez vous en douter, les candidats à l'organisation de cette journée étaient très nombreux. Ce n'est donc pas un hasard si leur périple européen d'une dizaine de jours les a amenés à passer par Genève. Cela tient à deux rencontres, ou deux rendez-vous si l'on parle en termes d'astronomie.
Le rendez-vous, le 5 décembre dernier, entre la navette spatiale Endeavour et le satellite Hubble lancé en avril 1990. Ce rendez-vous n'était rien d'autre qu'un rendez-vous entre les mécaniciens de l'espace, comme on les appelle maintenant, qui venaient réparer et entretenir un télescope, et la science qui compte sur cet instrument exceptionnel pour mieux connaître l'origine et l'évolution de notre univers. Mais cette rencontre entre la technologie de la NASA et de l'ESA et la science avait cela de particulier pour Genève et son université qu'une personne a fait le lien entre les deux. Vingt ans après avoir fait de la recherche et avoir obtenu un certificat de troisième cycle en astrophysique à l'université de Genève, Claude Nicollier a permis d'établir un lien absolument unique entre la science astronomique enseignée et développée à l'Observatoire de Genève et la réparation du télescope.
C'est en effet lui qui, comme spécialiste de mission, avait la très lourde responsabilité de capter le satellite avec le bras articulé. Mais tout ceci - si vous me permettez une très brève rétrospective - nous le devons au sein de l'université de Genève à une personne, le professeur Marcel Golay, ancien directeur de l'Observatoire, maintenant professeur honoraire. C'est en effet lui qui avait vu, en 1960, qu'il était déterminant pour la science astronomique en Suisse que notre pays participe au programme européen de recherche spatiale et qui a su en convaincre les autorités fédérales. Mais il ne s'est pas limité à cela. C'est aussi lui qui a vu en Claude Nicollier un astrophysicien par ailleurs pilote, la personne capable de devenir un jour astronaute de l'ESA et qui a réussi maintenant à s'imposer comme un astronaute professionnel au milieu d'astronautes américains.
Grâce à Marcel Golay, grâce à Claude Nicollier, grâce à l'excellente équipe de chercheurs actuellement active à l'Observatoire, Genève et son université sont devenus, l'espace d'un jour, la capitale de la découverte spatiale. Voilà pourquoi c'est avec émotion - vous l'aurez entendu - et grande reconnaissance qu'au nom de l'université je remercie très vivement le Grand Conseil et le Conseil d'Etat d'avoir voulu contribuer à cette journée en organisant cette rencontre inhabituelle et d'y avoir associé le recteur de votre université. (Vifs applaudissements.)
Le président. Madam, Gentlemen, strict adherence to a time-table was the key to your mission's success. If - on a humbler level - we are to achieve success in ours, we must now take leave of you. You have your programm to follow and we have ours. Thank you again for the honour you have bestowed upon us with your visit. We wish you a safe journey home.
Mesdames, Messieurs, le succès de toute mission dépend d'un horaire précis. Nous n'y échappons pas et devons malheureusement prendre congé de nos hôtes pour leur permettre de poursuivre avec succès leur séjour à Genève et, pour nous, de reprendre nos débats. Nous les remercions de leur visite et leur souhaitons bon voyage. (Applaudissements.)
M. Richard Covey, commander. Sir, Ladies and Gentlemen, it is indeed our privilege and honour to be here with you today and to have you invite us to the Chambers of the canton de Genève. We have had an opportunity to learn much about Switzerland from Claude Nicollier, even during our flight we had Swiss cheeses, Swiss chocolates, Swiss knifes... (Laughs.) Swiss army knifes, right ! But mostly we had a fantastic Swiss astonaut, a representant of the European space but nevertheless Swiss and we were better for it. Some day, Claude Nicollier will return to Switzerland perminently and it will be our lost and the United States and your gain and we will missing him. We're glad to having with us now. Thank you. (Applause.)
C'est en effet un privilège et un grand honneur d'être parmi vous aujourd'hui et d'avoir été invités au Parlement de la République et canton de Genève. Nous avons eu l'opportunité d'apprendre beaucoup sur la Suisse grâce à Claude Nicollier, car même pendant les vols nous avions droit à du fromage suisse, du chocolat suisse, des couteaux suisses... (Rires.) Mais nous avions principalement un fantastique astronaute suisse, un représentant de l'ESA, et nous n'en étions à ce titre que meilleurs. Un jour, Claude Nicollier retournera en Suisse définitivement. Ce sera alors notre perte, celle des Etats-Unis, il nous manquera, mais ce sera un atout pour la Suisse. En tous les cas, nous sommes très heureux de l'avoir parmi nous maintenant. (Applaudissements.)
M. Claude Nicollier, astronaute. Merci commandant ! Notre mission, comme vous le savez, avait pour objectif de restituer la santé et la bonne vue du télescope Hubble, cet extraordinaire instrument qui a été lancé dans l'espace il y a trois ans, qui souffrait malheureusement d'un défaut d'optique qui a été entièrement corrigé lors de notre mission, ainsi que tous les systèmes de bord dont nous avions la responsabilité. Tous ces systèmes ont été entièrement remis à neuf, si l'on peut dire. Il s'agit d'un instrument totalement nouveau et performant qui est maintenant à disposition des chercheurs et des astronomes du monde entier, en particulier des astronomes de la Suisse, des observatoires de Zurich, de Bâle, de Berne, de Genève et de Lausanne.
Je dois vous dire que c'était un très grand privilège pour l'équipage de cette mission de rencontrer aujourd'hui les astronomes de Lausanne et de Genève et de voir à quel point ils étaient enthousiastes à la suite du succès de la réparation de Hubble et de la qualité des images que l'on peut obtenir avec ces instruments. Merci aux autorités genevoises de nous recevoir ici. Croyez-moi, tout l'équipage est très sensible à votre hospitalité et je souhaite aux astronomes du monde entier, mais en particulier aux astronomes de Genève et de Lausanne, de pouvoir profiter de ce merveilleux instrument qu'est Hubble après le travail de réparation de cette équipe. (Chaleureux applaudissements.)
Je voudrais remettre aux autorités genevoises un souvenir de la mission. Un assemblage de photos qui ont été prises lors de cette extraordinaire aventure, avec un insigne, l'insigne officiel en étoffe de la mission, qui a volé avec nous sur cette mission, qui a effectué les 163 révolutions autour de la Terre entre le 2 et le 13 décembre de l'année dernière, et qui a parcouru 7 millions de kilomètres autour de notre planète.
(M. Nicollier remet les cadeaux au président Burdet sous le crépitement des flashs des photographes. Longs applaudissements. Les invités se lèvent sous les applaudissements alors que le président leur serre la main. Ils quittent la salle précédés des membres du Conseil d'Etat.)
*
* * *
Présidence de Mme Françoise Saudan, première vice-présidente.
4. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
Mme Fabienne Bugnon(Ve). Nous avons modifié la résolution figurant au point 23. Il s'agit de la résolution 268 (assassinat de Kassem Radjavi) et, en accord avec tous les signataires, elle sera déposée, lorsqu'elle sera tapée, sur tous les pupitres.
5. Correspondance.
La présidente. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :
Cette lettre sera transmise au Conseil d'Etat.
Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence :
Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.
Par ailleurs, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes :
Il en sera fait ainsi.
6. Annonces et dépôts :
a) de projets de lois;
La présidente. Les projets de lois suivants sont parvenus à la présidence :
Ils figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
b) de propositions de motions;
La présidente. Les propositions de motions suivantes sont parvenues à la présidence :
Mme Elisabeth Reusse-Decrey(S). Vu l'urgence de la situation, que des jeunes sont passés dans la clandestinité depuis quelques jours pour éviter des renvois, je demande que cette motion soit traitée aujourd'hui encore, à la fin des points concernant le département de M. Ramseyer.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
La présidente. Les autres motions figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
c) de propositions de résolutions;
Néant.
d) de demandes d'interpellations;
La présidente. Les demandes d'interpellations suivantes sont parvenues à la présidence :
Cosignataires : Jean-Pierre Lyon, Laurent Moutinot, Fabienne Bugnon, Claire Torracinta-Pache, Sylvie Châtelain.
Cosignataires : Micheline Spoerri, Nicolas Brunschwig, Bernard Annen, Claude Basset, Janine Berberat.
Elles figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
e) de questions écrites.
Néant.
M. François Chaix est assermenté.
(Applaudissements.)
M. Raymond Courvoisier est assermenté.
(Applaudissements.)
Mme Nicole Valli-Jaquet est assermentée.
(Applaudissements.)
10. Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. D. A. G. , 1947, Italie, comptable.
Recourt contre le solde de la peine d'emprisonnement.
M. Roger Beer (R), rapporteur. M. D. A. G. est âgé de 47 ans, d'origine italienne, comptable de profession. Il est marié, père de deux filles, une de 23 ans, étudiante à l'université et l'autre de 22 ans, employée de banque.
La situation pécuniaire de M. D. A. G. est évidemment très difficile. Il était engagé à titre temporaire par la Ville de Genève, au service de la Gérance immobilière. Entre nous, et pour couper court à toute rumeur de collusion, je vous signale qu'il s'agit d'un service qui n'a rien à voir avec le SEVE et qu'avant cette affaire je n'avais jamais entendu parler de M. D. A. G.. Depuis le 1er février dernier, il est incarcéré.
M. D. A. G. a été condamné par la Cour d'assises en février 1992 pour gestion déloyale et faux dans les titres. Son recours en cassation a été rejeté en mai 1993, ensuite, le Tribunal fédéral a rejeté son recours en droit public en septembre 1993. Aujourd'hui, sa dette envers ses anciens amis atteint près de 3 millions de francs.
J'ai abordé ce cas avec un préavis tout à fait défavorable parce que c'était une histoire de gestion déloyale et de faux dans les titres et que, personnellement, ces «crimes» me déplaisent profondément. J'ai étudié à fond le dossier, je suis même allé voir M. D. A. G. en prison et, à partir de là, j'ai eu des doutes, doutes m'ayant amené à rédiger le présent rapport.
Comment un homme aussi simple, aussi honnête et reconnu comme tel, un homme sans histoire, a-t-il pu se mettre dans une situation pareille ?
L'histoire de M. D. A. G. est aussi simple que consternante. M. D. A. G. a travaillé comme contrôleur de factures; il a toujours officié comme comptable, comme expert fiduciaire, comme fiscaliste ou même comme conseiller pour de nombreux patrons. Il a alors donné entière satisfaction. Son comportement scrupuleux, presque excessivement scrupuleux, son dévouement sans faille ont fait que tous ses employeurs n'ont jamais cessé de tarir d'éloges à son endroit. Finalement, en plus de son emploi officiel, il satisfait une multitude de gens qui lui confient de la petite comptabilité et des dossiers fiscaux. Il rend service à de nombreux amis en remplissant bénévolement d'innombrables feuilles d'impôts.
Parmi ses amis intimes, il compte la famille G. et un M. M.. Pour eux, il remplit les déclarations d'impôts, fait des petites courses, enfin, il leur rend de nombreux services. Ces gens étaient fortunés. Etaient, car aujourd'hui ils ne le sont malheureusement plus. Ces personnes lui ont confié leurs économies - environ 2,5 millions. M. D. A. G. y a rajouté ses propres fonds - ses économies personnelles et celles de la famille de sa femme pour un total de 800 000 F - pour les confier de bonne foi à l'un de ses amis qui brillait dans la gestion de fortune, le fameux C..
Il a tout perdu !
A un moment donné, M. D. A. G. a été littéralement séduit par C. qui était lui-même embrigadé dans la sombre histoire de la Princesse russe avec de Gorsky; C. était la cheville ouvrière dans l'affaire infernale de la Financial Trust. Pour une raison qu'il ne s'explique même pas lui-même aujourd'hui, M. D. A. G. a fait aveuglément confiance à C.. Il lui a prêté son propre compte en banque, du papier à lettre, etc. En soi, ces actes sont courants entre gens qui se font confiance. Mais, dans le cas particulier, C. étant une canaille, et on a reproché à M. D. A. G. d'être son complice. Toutes les personnes qui le connaissent rejettent catégoriquement cette accusation. Elles la trouvent complètement farfelue.
Dans toute cette affaire, il est extrêmement difficile, pour un député comme moi, de se faire une idée précise de ce montage financier et de la justice qui a été rendue. Nous n'avons pas à refaire le procès ni à nous placer comme jury. Nous devons accepter le verdict. Toutefois, notre éminent Grand Conseil a une faculté extraordinaire : celle de pouvoir accorder la grâce. Elle n'est pas l'affaire de la loi, mais de l'appréciation personnelle. C'est la conscience du député qui est interpellée. Cette grâce a été demandée par M. D. A. G..
M. D. A. G. a été condamné à deux ans de prison. S'il avait été condamné à moins de 18 mois, donc quatre de moins, il aurait pu bénéficier d'un sursis. Les personnes que j'ai contactées aujourd'hui confirment que l'on aurait pu accorder, sans aucun risque de récidive, un sursis de nombreuses années.
M. D. A. G. a été ébranlé par cette affaire; il en a même été sérieusement affecté dans sa santé. Il a été abusé par sa confiance aveugle en un homme que le Crédit Suisse lui-même encensait pour sa réussite en affaires.
L'histoire a bien montré que Daverio s'était trompé, comme le Crédit Suisse, d'ailleurs. Même M. D. A. G. a été abusé. Je vous rappelle qu'aux économies de ses deux amis, il avait ajouté ses propres économies, étant persuadé qu'il pouvait faire confiance à Crisafulli. Il a tout perdu.
Sans apporter des excuses à M. D. A. G. pour ses actes, j'ai été personnellement choqué, en étudiant ce dossier, par la sévérité de la peine qui excluait tout sursis.
Daverio a déjà exécuté deux mois et 18 jours de préventive. Sa santé en a été ébranlée. Il a souffert. Il a perdu successivement toute possibilité de travail pour finalement se retrouver au chômage. Et c'est là qu'en fin de droit il a été placé à la Ville de Genève pour remplacer un collaborateur subitement absent. Depuis, il s'est montré utile et efficace et son employeur en est pleinement satisfait.
On sent chez M. D. A. G. un repentir sincère et un regret incroyable pour tout le mal qu'il a fait à ses amis proches. Il demande pardon !
Alberto Daverio peut rendre service; malgré d'énormes difficultés pour rembourser ses dettes, il veut travailler et essayer de se «refaire». Cette place de travail qu'il occupe actuellement est sa dernière chance. A 47 ans, avec son récent passé, Daverio ne retrouvera pas si facilement du travail. Pourtant, aujourd'hui son employeur - la Ville de Genève - en est entièrement satisfait.
Si M. D. A. G. doit effectuer ses deux ans fermes, il perdra évidemment cette seule, unique et dernière chance de rachat et, surtout, ce qui me semble encore plus important, de réinsertion dans notre société.
M. D. A. G. a-t-il fait amende honorable par rapport à ses fautes ? Qui peut le dire ? Comment juger ? Je reste persuadé que pour cette gestion déloyale - largement imputable à une négligence et à une confiance qui confine à de la naïveté coupable - M. D. A. G. doit être puni. Aujourd'hui, c'est un homme brisé qui s'accroche à nous, à vous.
Pour lui donner cette dernière chance, la commission de grâce vous propose de réduire la peine de M. D. A. G. à six mois, afin de lui permettre de la subir en semi-détention. De la sorte, il pourra conserver son travail et poursuivre une réinsertion sans être à la charge de la société. Cette dernière raison a semblé essentielle, voire même déterminante, à la commission de grâce.
Je vous remercie de suivre le préavis de la commission de grâce.
Présidence de M. Hervé Burdet, président.
M. Pierre-François Unger (PDC). Notre collègue Roger Beer vient de faire une excellente et émouvante plaidoirie concernant M. D. A. G.. Nous ne pouvons être insensibles à certains arguments qu'il a développés; certes le condamné est le maillon le plus périphérique dans cette histoire. Sans doute a-t-il été naïf. Peut-être même n'est-il qu'un sot. Il n'en reste pas moins que M. D. A. G. a été condamné en 1992 en Cour d'assises par un jury composé de citoyennes et de citoyens responsables. Ce jury a eu connaissance de tous les éléments à charge et à décharge dans cette affaire. Le jugement est clair et le rôle de la commission de grâce, comme celui du Grand Conseil, n'est pas de refaire la justice.
La grâce est une mesure extraordinaire qui permet à l'autorité politique de remettre une peine ou de la commuer en une peine plus douce. A partir de cela, la grâce ne devrait s'appliquer que dans des conditions exceptionnelles qui pourraient schématiquement être de deux ordres. Premièrement, la présence d'un fait nouveau, qu'il soit lié à des modifications relatives à la situation personnelle du condamné ou qu'il soit lié à des motifs extérieurs. Or dans cette affaire, de fait nouveau il n'y en a pas. Mais la grâce pourrait également être accordée au cas où notre pouvoir politique voudrait adresser un signal à l'appareil judiciaire parce qu'il estime qu'il dysfonctionne.
Or, n'avons-nous pas souvent et parfois avec force pesté contre les difficultés que notre justice éprouve à débusquer puis à condamner cette criminalité économique et cette criminalité en col blanc ? Il est clair que, si nous accordions la grâce, nous adresserions au pouvoir judiciaire un signal dans lequel nous lui signifierions qu'il est trop sévère en la matière. Non, nous devons au contraire confirmer à la justice le rôle que chacun d'entre nous attend d'elle dans ce type de criminalité. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de rejeter le recours en grâce qui nous est proposé.
Mme Janine Hagmann (L). Il est toujours difficile d'avoir à se prononcer sur une demande de grâce ou, en l'occurrence, sur une demande de diminution de peine. Il est évident que, faisant appel à notre affect, nul n'a envie de mettre la tête sous l'eau d'une personne condamnée, surtout pour des gestions déloyales et faux dans les titres, et qui demande de l'aide. Faisant appel à notre réflexion et en prenant du recul vis-à-vis de l'inculpé, nous réalisons que nous ne sommes pas là ni pour refaire le procès, ni comme correctif d'une instance politique par rapport aux pratiques d'une justice pénale, ni comme pondération aux imperfections de la loi, ni surtout pour contester le verdict d'un jury populaire.
Quels éléments nouveaux ultérieurs à la condamnation sont-ils intervenus ? Je vous rappelle que deux recours ont été rejetés. Le fait que M. D. A. G. a trouvé du travail est-il un élément suffisant qui permettrait de prendre une décision sans hésitation ? Personnellement, je ne trouve pas cet argument suffisamment valable pour modifier une décision sanctionnelle judiciaire qui a été prise avec toutes les garanties de procédure et qui paraît équitable et légitime.
M. Jean Spielmann (AdG). De notre côté, il y a bien entendu relativement peu de sympathie par rapport à ce type de délits et nous aurions a priori toutes les raisons de rejeter un tel recours. Je crois que, malgré cela - et il faut rendre justice au rapporteur qui a fait un travail important - il y a une série de questions auxquelles nous devons quand même apporter des réponses. Il nous faut examiner si, effectivement, depuis la condamnation et par le comportement et les conséquences de l'exécution de la peine, il y a aujourd'hui des faits nouveaux ou des éléments devant permettre à ce Grand Conseil d'accorder la grâce à M. D. A. G..
Je considère qu'une demande de grâce pure et simple n'aurait aucune légitimité. Par contre, une incarcération avec libération conditionnelle qui, étant donné le comportement et l'acceptation de M. D. A. G. des erreurs commises et la volonté de purger cette peine, sortirait donc le 9 avril 1995 avec la conséquence de lui faire perdre son emploi et de poser d'importants problèmes de recyclage, sans parler des problèmes liés à sa famille, n'est pas souhaitable.
Il y a aussi le fait que M. D. A. G. a accepté totalement la peine qui lui a été infligée, il ne la conteste pas. Il a, dans cette affaire, tout perdu, y compris ses économies personnelles et aujourd'hui la proposition de la commission de grâce est de lui donner la peine de prison la plus longue possible, c'est-à-dire une peine de six mois de détention en semi-liberté, qui lui permette de continuer à assumer l'emploi qu'il a retrouvé. Je crois que cette chance-là nous devons la lui donner, parce qu'elle permettrait à M. D. A. G. de continuer à faire preuve de sa volonté de se racheter et de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille et de ses proches tout en exécutant sa peine.
Il y a donc un fait important qui, pour ma part, m'incite à accepter la proposition du rapporteur qui n'est pas la grâce pure et simple, mais qui est l'application de la peine la plus longue que l'on puisse donner avec la possibilité de continuer à travailler la journée. Je vous propose d'accepter la proposition de la commission de grâce qui a d'ailleurs été approuvée à une très large majorité au sein de la commission.
M. Roger Beer (R), rapporteur. Je ne crois pas que nous devons aborder ce cas sous l'angle juridique de la grâce, mais bien par une approche liée à notre conscience, à la valeur humaine et bien évidemment personnelle. Je crois également que la place de travail, la possibilité de réinsertion et le souci de ne pas être à la charge de la société sont des éléments très importants. J'aimerais dire à Mme Hagmann que ce n'est en tout cas pas sans hésitation mais bien avec une profonde et longue réflexion que j'en suis arrivé à proposer cette solution - je n'étais pas le seul - en commission de grâce.
Je vous demanderai de suivre la large majorité de la commission qui a proposé la réduction de la peine d'emprisonnement à six mois.
Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de la peine d'emprisonnement à six mois) est adopté.
M. A.K. , dit M., 1966, Liban, manoeuvre.
Recourt contre le solde de la peine d'expulsion judiciaire qui prendra fin au mois de septembre 1995.
M. Luc Barthassat (PDC), rapporteur. Il s'agit du cas de M. A.K., né le 5 janvier 1966, originaire du Liban. Suite à un refus d'une demande d'asile déposée en 1990, M. A.K. a été soumis à une interdiction d'entrée en Suisse valable du 17 décembre 1991 au 16 décembre 1996. Malgré cette interdiction, M. A.K. échappe à la police zurichoise lors de son transfert à l'aéroport de Kloten. Le 20 septembre 1992, il est arrêté à Genève pour vol à l'étalage dans trois grands magasins de la place. Le 24 septembre 1992, M. A.K. fait l'objet d'une expulsion judiciaire ferme valable du 24 septembre 1992 au 24 septembre 1995 et d'une condamnation à 10 jours d'emprisonnement.
Le 17 novembre 1992, il est de retour à Genève et se marie à une ressortissante suisse d'origine marocaine qui a un enfant de 5 ans d'un premier mariage. M. A.K. obtient un permis B valable depuis le 10 septembre 1993, l'office cantonal de la population n'ayant pas fait la relation entre la mesure d'expulsion judiciaire et l'interdiction d'entrée. Le 3 septembre 1993, lors d'un contrôle d'usage effectué chez son épouse, M. A.K. fut arrêté et conduit à Champ-Dollon; son épouse ignorait sa condamnation d'interdiction d'entrée en Suisse. Le 6 septembre 1993, il est condamné à 20 jours de prison puis renvoyé au Liban. Le 29 septembre 1993, arrêté à nouveau à Genève chez son épouse, il saute du troisième étage et passe plusieurs semaines à l'hôpital cantonal pour fracture au tibia et plaies diverses. Le 3 novembre 1993, il est condamné à 11 jours de prison.
M. A.K. vit actuellement au Liban et souhaite pouvoir vivre auprès de son épouse et l'enfant de celle-ci. Il recourt contre le solde de la peine d'expulsion judiciaire qui prendra fin au mois de septembre 1995. Le préavis du procureur est négatif, celui de la commission de grâce aussi. Je vous prie donc de suivre le préavis de la commission.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
Dans sa séance du 27 septembre 1993, la commission judiciaire, présidée par M. Michel Jacquet, a étudié le projet de loi 7031. Elle était assistée dans ses travaux par M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat alors chef du département de justice et police, ainsi que par MM. Rémy Riat et Bernard Duport, secrétaire adjoint au département de justice et police.
But de la loi
En raison de la modification du code pénal suisse en matière d'infractions contre l'intégrité sexuelle, le Conseil d'Etat a proposé d'adapter l'article 4 de la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale et d'attribuer de nouvelles compétences au Tribunal de police pour connaître des infractions prévues aux articles 188 CPS (actes d'ordre sexuel avec des personnes dépendantes), 192 CPS (actes d'ordre sexuel avec des personnes hospitalisées, détenues ou prévenues) et article 193 CPS (abus de la détresse).
Le Conseil d'Etat proposait en outre une adaptation technique de l'article 4, chiffre 24, aux motifs que le code pénal a remplacé le terme «publication obscène» par «pornographie» et modifié la numérotation, la teneur de l'ancien article 204 CPS étant contenue dans le nouvel article 197 CPS.
Travaux de la commission
L'article 4 de la loi d'application du code pénal (LACP) précise quels sont les délits, à savoir les infractions sanctionnées par l'emprisonnement comme peine la plus grave, qui sont de la compétence du Tribunal de police.
Cette liste est exhaustive.
En effet, c'est la Cour correctionnelle qui connaît des infractions passibles de l'emprisonnement et les exceptions à cette règle, énumérées à l'article 4 LACP, permettent de soulager la Cour correctionnelle.
Les commissaires se sont posé la question de savoir s'il était judicieux de «tribunaliser» des délits contre l'intégrité sexuelle, sachant que la procédure devant le Tribunal de police est beaucoup moins solennelle que devant la Cour correctionnelle.
Psychologiquement, il est, effectivement, plus impressionnant pour un accusé de comparaître devant la Cour correctionnelle plutôt que devant le Tribunal de police.
Malgré l'argument selon lequel le législateur fédéral a quelque peu réduit la gravité des infractions d'ordre sexuel dans les nouvelles dispositions entrées en vigueur le 1er octobre 1992, la majorité des commissaires estimèrent qu'il ne fallait pas, de surcroît, minimiser le formalisme de la procédure, notamment pour des infractions dont les victimes sont dans une relation de dépendance avec l'accusé, comme c'est le cas en l'espèce.
Après un vote d'entrée en matière accepté à l'unanimité, l'amendement tendant à abroger les chiffres 22, 23 et 23 bis de l'article 4 LACP a été accepté par 7 voix (2 S/2 E/2 R/1 DC), 3 oppositions (2 L/1 MPG) et une abstention (1 L).
Commentaires article par article
Article 4 - chiffre 22
Cette disposition donnait compétence au Tribunal de police pour connaître des infractions à l'ancien article 198, alinéa 1 CPS relatif au proxénétisme.
Ces infractions étant maintenant contenues dans le nouvel article 195 dont la peine menace est de 10 ans de réclusion, elle ne peut plus être de la compétence du Tribunal de police selon le système procédural actuellement en vigueur.
Article 4 - chiffre 23
Mêmes remarques que pour le chiffre 22.
Article 4 - chiffre 24
Il s'agit d'une modification purement technique, l'article 204 ayant changé de numérotation pour devenir 197 et la note marginale «publication obscène» ayant été remplacée par «pornographie».
** *
Ainsi et au bénéfice des explications qui précèdent, la majorité de la commission judiciaire vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi 7031 ainsi amendé.
Premier débat
M. Claude Lacour (L). La question posée par ce projet de loi peut se résumer comme suit : faut-il «tribunaliser» - je m'excuse du mot, il est paraît-il officiel - c'est-à-dire faire juger par le Tribunal de police les infractions sexuelles commises à l'encontre de personnes dépendantes hospitalisées ou en détresse ? La réponse de la majorité de la commission judiciaire est négative, car si je reprends les arguments de cette commission, la Cour correctionnelle normalement compétente apporte un plus en ce sens que la procédure de la Cour correctionnelle est plus solennelle, elle est plus impressionnante pour l'accusé et elle ne minimise pas le formalisme procédural. C'est du moins les arguments que j'ai trouvés dans le rapport.
Alors, la question que je vous pose est la suivante : Pensez-vous qu'un délinquant sexuel, soit par définition un être qui agit sous l'empire d'une violente passion physique ou autre, va renoncer en pensant à la solennité de la Cour correctionnelle par rapport au Tribunal de police ? Le vrai problème est de savoir quelle différence il y a entre la Cour correctionnelle et le Tribunal de police au point de vue de la justice. Or, je crois qu'il faut savoir que ces deux tribunaux appliquent exactement les mêmes lois, peuvent infliger exactement les mêmes peines et, finalement, dans leur composition se ressemblent beaucoup.
En effet, le Tribunal de police est constitué par un juge et deux assesseurs quasi professionnels puisqu'ils restent là de nombreuses années, alors que la Cour correctionnelle, vous me direz, est composée de six jurés. Mais en fait il y a deux Cours correctionnelles : une avec jury et une sans jury. Je puis vous assurer que pour toutes les infractions dites de type sexuel, le délinquant choisit toujours d'être jugé par la Cour correctionnelle sans jury, c'est-à-dire par trois juges professionnels, soit donc le même nombre et la même qualité de juges. Les seules différences qu'il y a entre ces deux tribunaux sont simplement que la procédure devant le Tribunal de police est plus simple, plus rapide, autrement dit le délinquant est jugé plus rapidement et elle revient, dans l'absolu, moins cher. Un autre avantage : il est plus facile d'obtenir un huis clos devant le Tribunal de police.
Finalement, je crois qu'il faut revenir à la question fondamentale. Qu'est-ce qui dissuadera un criminel de commettre ce genre d'infraction ? Parce que c'est cela que l'on veut obtenir. Or toutes les statistiques, tous les théoriciens, tous les praticiens de la justice vous répondront que ce qui dissuade un criminel de commettre un crime ce n'est pas la gravité ou la durée de la peine. Il n'y a qu'à voir les pays qui connaissent et ceux qui ne connaissent pas la peine de mort, les statistiques n'ont absolument pas changé qu'on la maintienne ou non. Deuxième argument, est-ce que vraiment la solennité ou la classe du tribunal va détourner un criminel ? Je me permets d'en douter. La dureté de la détention ? Tout le monde sait que le criminel ne pense jamais à cela avant d'agir. Alors, qu'est-ce qui empêche vraiment un criminel d'agir ? Tous les spécialistes vous le diront, il n'y a qu'une seule chose, c'est les «chances d'être pris». C'est le seul fait, si bête soit-il, qui dissuade les criminels d'agir et qui réduit la criminalité.
Dans ce genre de délits sexuels qui est l'objet de notre problème aujourd'hui, comment est-on pris ? Ces délits, par définition, ne se commettent pas dans la rue ou en public. On est pris uniquement lorsque la victime dénonce son agresseur. Donc, la poursuite n'existe pratiquement que sur plainte de la victime. Or les victimes, vous le savez, dans les délits sexuels hésitent beaucoup à dénoncer leur agresseur. Pourquoi ? Parce que cela n'est pas facile. Premièrement, elles sont déjà victimes d'une agression extrêmement pénible, ensuite elles doivent aller réexpliquer leur malheur devant un juge d'instruction, puis aller de nouveau devant un tribunal réexpliquer ce qui leur est arrivé et être victime d'un battage médiatique qui n'est guère agréable.
Si je reviens au problème du Tribunal de police et de la Cour correctionnelle, je pense pour ma part que les gens qui seraient jugés plutôt par le Tribunal de police que par la Cour correctionnelle dans ces cas-là bénéficieraient, en ce qui concerne la victime cela me paraît important, de la même justice et de la même sévérité de peine, mais par contre l'atteinte à leur vie privée et intime serait moins violente. Sachant cela, ils hésiteraient moins à déposer plainte et, par conséquent, plus de criminels de ce type seraient enfin jugés et seraient l'objet des foudres de la justice. C'est la raison pour laquelle je pense, pour ma part, qu'amender le projet de loi qui vous est soumis c'est aller à fin contraire du but que nous recherchons tous.
M. Laurent Moutinot (S), rapporteur ad interim. Le problème n'est pas exclusivement du point de vue du condamné. Nous avons un système qui classifie les infractions en fonction des juridictions qui ont à les connaître et la commission judiciaire a voulu montrer que ce type d'infractions sexuelles sont d'un degré de gravité certain, raison pour laquelle a été choisie la Cour correctionnelle plutôt que le Tribunal de police. D'autre part, c'est une reconnaissance, à l'égard de la victime, de la gravité de ce qu'elle a subi que de lui dire : «la personne qui a commis un acte contre vous va passer devant la Cour correctionnelle, ce n'est pas de la simple broutille renvoyée au Tribunal de police.». Je crois que sous ces deux angles, la proposition de la commission judiciaire mérite d'être suivie par le Grand Conseil.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Les remarques pertinentes de M. Lacour ont été développées en commission. Je n'y reviens donc pas. Il s'agit d'un projet visant à adapter la loi genevoise d'application du code pénal à la suite de diverses modifications de certaines de ses dispositions. La commission judiciaire, certes, n'a pas entièrement suivi les propositions du Conseil d'Etat pourtant entérinées par le pouvoir judiciaire. C'était bien entendu son droit le plus strict et cela n'affectera en tous les cas pas la bonne marche de la justice. En résumé, nous considérons qu'il s'agit d'un projet de caractère technique, nous n'avons pas d'autres remarques particulières à formuler et, pour ma part, je partage donc les conclusions du rapporteur.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales
en matière pénale
(E 3 3)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975, est modifiée comme suit:
Art. 4, ch. 22 (abrogé)
Art. 4, ch. 23 (abrogé)
Art. 4, ch. 24 (nouvelle teneur)
24. pornographie (art. 197, code pénal);
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- la nécessité d'inventer et de réaliser en Suisse des technologies d'avant-garde afin de conserver une place de pointe dans le développement;
- le besoin de mettre en chantier des ouvrages importants afin de créer des emplois;
- les possibilités offertes par des financements mixtes de grands travaux dans un développement commun des infrastructures;
- le besoin de renforcer les liaisons transfrontalières et européennes de notre canton, en y rattachant Genève;
- les polémiques qui accompagnent comme souvent en Suisse un projet innovateur,
invite le Conseil d'Etat
- à prendre un intérêt actif à l'élaboration du projet Swissmétro et à lui apporter le soutien des autorités genevoises;
- à mettre au point avec les cantons romands un programme de promotion du projet Swissmétro, et à faire à ses auteurs des propositions concrètes dans ce sens;
- à faire rapport au Grand Conseil en 1994 encore sur les supports apportés et sur l'état d'avancement du projet.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La situation de crise économique que nous traversons souligne à l'évidence la nécessité pour une économie socio-libérale de rester constamment en recherche de projets et de nouveautés. Au moment où près de 3 milliards d'êtres humains ont devant eux la possibilité, par une production propre, d'accéder de manière réelle à la satisfaction de leurs besoins de consommation, il faut, en Occident, se concentrer sur des technologies avancées et abandonner les productions simples de masse devenues non rentables et provoquant l'onde de chômage actuelle. C'est en subissant la concurrence mordante des pays en voie d'industrialisation que nous perdons des postes de travail, alors que notre excellence est dans l'innovation, la curiosité du nouveau et la production de forte valeur ajoutée.
Il faut, pour créer neuf et visionnaire, avoir un courage certain et accepter le risque de telles entreprises. La normalité, la garantie, l'acquis et les habitudes doivent être bannis au profit de la découverte et d'un certain goût de l'aventure.
Malgré jalousies en contestations au sein même de l'EPFL, exprimées sans considération ni retenue, l'équipe de recherche poursuit sa tâche au-delà des conservatismes.
Le professeur Rodolphe Nieth fait partie de ces gens-là. Dès 1974, il a imaginé la création d'un métro souterrain reliant les principales cités de Suisse. Il propose de creuser deux tunnels de 5 m de diamètre chacun, dans lesquels se déplaceront des rames de 200 m de long. Ces véhicules, aux cabines pressurisées comme dans les avions, pourront transporter 800 personnes à 400 km/h.
Lorsqu'il fut lancé, ce projet fut jugé inventif par les autorités mais, surtout, par trop utopiste. Pour que Swissmétro devienne réalité, il faudrait créer un vide d'air dans les tunnels afin que les rames puissent se déplacer grâce à un système de sustentation et guidage magnétiques, un procédé qui paraissait beaucoup trop compliqué à l'époque.
Cependant, le professeur lausannois et d'autres collègues n'ont cessé de perfectionner Swissmétro. Sa construction coûterait 13 milliards de francs suisses pour la ligne Genève/Saint-Gall. Les travaux, pour leur part, s'étaleraient sur dix ans et alors, la région franco-genevoise ne serait plus qu'à une heure de métro de Zurich.
Une société anonyme a été créée en 1992 afin de poursuivre ces travaux. Plusieurs villes, comme Nyon par exemple, ont apporté leur soutien financier. Les Chemins de fer fédéraux, d'abord sceptiques, viennent d'annoncer leur intérêt. Swissmétro prend de l'ampleur, en acquérant une dimension européenne; il pourrait se muer en Eurométro reliant Lyon à Munich, en passant par Genève, Zurich et Saint-Gall. Par la voix de plusieurs de ses représentants, le gouvernement genevois a, lui aussi, marqué son intérêt pour ce projet d'Eurométro.
Swissmétro/Eurométro incarne l'avenir des relations transfrontalières en Europe. Il importe donc que Genève relève ce défi.
C'est pour ces raisons que nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
Débat
M. Armand Lombard (L). Je suis extrêmement malvenu de parler d'un projet si terre à terre, et même si souterrain, après les envolées glorieuses que nous avons eues devant nous avec la présentation des astronautes tout à l'heure. Il s'agit quand même là d'un projet d'ouverture, de relance et bousculant un certain nombre d'habitudes et de pratiques.
Le projet Swissmetro présente des technologies d'extrême avant-garde. On a pu le taxer d'utopie et de projet risqué et, à l'évidence, c'est un projet qui a une certaine utopie, qui a un certain nombre de risques, mais je pense que parallèlement il a un potentiel remarquable dans ses applications futures. Il est une incitation pour la Suisse et pour les milieux concernés par son étude, et après, par sa réalisation, à redevenir compétitifs, à venir sur les marchés internationaux avec un projet tel qu'on ne l'a jamais vu jusqu'ici. Il est aussi la possibilité, quand bien même ce n'est pas une possibilité à très court terme, d'ouverture de chantier et d'ouverture d'emplois intéressante.
Si nous avons jugé bon de présenter cette motion, c'est au vu de la grande mollesse de la réception du projet. Il y a longtemps que l'on parle de ce projet de Swissmetro, et ses promoteurs, les chercheurs, les quatre ingénieurs qui s'occupent de ce projet à l'EPFL, ont recherché - vous le savez et je ne vous referai pas tout l'historique - 14 millions pour une première étude de faisabilité de ce projet. 7 millions ont été trouvés dans les milieux privés et, petit à petit, lentement et en se faisant extrêmement tirer l'oreille, le Conseil fédéral a finalement lui aussi accepté une participation de 7 millions pour cette première étude de faisabilité.
Ça a été lent. Pendant ce temps, vous aurez aussi lu dans la presse que le projet global qui était estimé à 13 milliards aurait trouvé son financement auprès des Japonais. Il n'a bien sûr pas été accepté par les promoteurs qui en sont restés à leurs positions acquises puisqu'à l'évidence ce projet serait alors totalement vendu à l'étranger et n'aurait plus une base helvétique. Vous avez vu également que ce projet a récemment été salué par une opposition intérieure, comme on sait si bien le faire chez nous, mais d'une sommité très respectable et très respectée en la personne du professeur Bovy. Je considère cela comme extrêmement regrettable et comme à l'image bien trop fréquente de nos facultés et de nos universités qui ne savent pas s'ouvrir, s'attacher et s'unir autour d'un projet qui promet beaucoup, quand bien même il est risqué.
Nous avons évoqué dans l'exposé des motifs la position du professeur Nieth. Je vous rappelle que ce professeur, qui est à la base de ce projet, ne dispose même pas d'un secrétariat pour faire son travail et se trouve en fait tout seul pour mener son opération sur le plan administratif. Cette motion a pour but de donner un encouragement actif à ces promoteurs et à l'équipe qui les entoure, de donner un encouragement actif à ceux qui, dans l'économie, devront soutenir ce projet et donner un encouragement actif à cette nécessité d'un travail en commun du secteur privé, du secteur public et des mass médias et de la pression populaire qui devront tous s'unir autour d'un pareil projet aussi lourd et aussi important pour pouvoir le faire réussir.
Le but de cette motion est donc une stimulation, de dire allons de l'avant, de dire on peut encore croire à des choses chez nous, à des projets nouveaux bien davantage d'ailleurs qu'une motion qui donnerait un certain nombre de conseils techniques qu'à l'évidence nous ne sommes pas capables de donner. Je souhaite ainsi que vous puissiez suivre les motionnaires en renvoyant cette motion au Conseil d'Etat dans l'idée simplement d'un appui à court terme très psychologique, surtout psychologique, et par la suite d'un soutien à envisager pour ce projet très enthousiasmant.
Mme Micheline Calmy-Rey (S). C'est bien dommage pour la Suisse que les auteurs de cette motion n'aient pas été présents à la descente olympique de Lillehammer. Nous aurions certainement gagné quelques médailles, tant ils sont rapides ! A les lire, on a le sentiment que Swissmetro est un projet déjà prêt pour la réalisation alors que l'on en est encore au stade de la recherche et que, d'après M. Ogi, la réalisation sera pour l'an 2040, voire l'an 2050 ! Ce qui ne signifie pas qu'il ne faille pas soutenir ce projet de recherche, car l'idée présente en effet quelque intérêt.
Swissmetro pourrait constituer une alternative au trafic aérien sur les moyennes distances sous forme d'un Eurometro. Avec 500 kilomètres de liaisons rapides, on pourrait par exemple relier des villes comme Milan, Munich ou Lyon. Un Eurometro qui accélérerait les temps de transports publics de l'Europe alpine serait un atout commercial majeur pour la Suisse et pour Genève en particulier.
Le Swissmetro, ou l'Eurometro, est aussi un projet industriel important, et il n'est d'ailleurs pas sûr que la Suisse puisse s'offrir toute seule ce type de technologie. Mais une telle entreprise, à n'en pas douter, favorisera la créativité et l'avance technologique.
Dans la mesure où nous sommes convaincus qu'il est indispensable que la notion de croissance qualitative qui inclut les critères sociaux et écologiques doit devenir une norme de référence, l'avenir dépend d'une reconversion écologique nécessitant une utilisation optimale des capacités d'innovation et d'amélioration de la productivité. C'est pourquoi un pays comme le nôtre doit investir dans la productivité, dans les infrastructures, dans la recherche et dans la formation, et Swissmetro entre en plein dans cette cible-là.
Reste néanmoins que Swissmetro n'a pas que des aspects positifs. Un certain nombre d'arguments nous viennent d'opposants à ce projet. Ils craignent, premièrement, que ce type de moyen de transport ne se fasse qu'au bénéfice de quelques centres et au détriment du trafic régional. Le Swissmetro relierait les grands axes comme Genève, Saint-Gall, Zurich, en gros les lignes intercity, et ne laisserait au CFF que les lignes régionales et les lignes directes, c'est-à-dire les lignes actuellement déficitaires. Soyons alors clairs sur la mission des CFF et sur leur mode de financement. Si nous souhaitons que les CFF continuent à assurer un réseau de base, il faudra les subventionner plus qu'actuellement dans le cas où Swissmetro serait réalisé, car ce réseau de base ne pourra plus être couvert par le bénéfice des lignes intercity.
Le deuxième argument avancé est que, si l'idée d'un Eurometro est attachante, elle se heurte néanmoins aux différences de technologies développées dans les pays qui nous entourent. Tous les autres réseaux qui nous entourent sont en effet axés sur des technologies lignes à grande vitesse et non pas sur Swissmetro.
Il semble donc que le besoin pour un Swissmetro n'existe pas à l'extérieur des frontières suisses. On peut se demander d'ailleurs si le gain de temps procuré par le Swissmetro par rapport aux lignes à grande vitesse mérite des investissements aussi conséquents et un système différent. Il s'agit donc de se renseigner sur les potentialités européennes de Swissmetro.
Troisièmement, Swissmetro s'intégrera dans un ensemble de transports existants. Il ne s'agit pas de tout faire, d'empiler les moyens de transports, simplement pour faire quelque chose, mais il s'agit bien de privilégier l'instrument qui pollue le moins et ce compte tenu des effets sur l'environnement de la mobilité.
Théoriquement, en réduisant la pression dans un tunnel, on peut atteindre entre 400 et 500 km/h sous terre sans utiliser plus d'énergie que le chemin de fer. Dès lors, Swissmetro pourrait viser un transfert modal des utilisateurs de l'auto et de l'avion. Actuellement, aucune discussion n'a lieu sur ce point et pourtant les mesures d'accompagnement de Swissmetro sont un sujet fondamental pour les protecteurs de l'environnement. De plus, c'est un sujet qui mérite également d'être étudié.
Enfin, les opposants nous disent : «Est-ce vraiment si important de gagner du temps ?». Si l'on met Zurich à une demi-heure de Genève, que deviendra Genève ? une banlieue de Zurich ? La question n'est évidemment pas sans intérêt pour Genève.
En conclusion, la motion telle que présentée ce soir n'est pas réaliste, parce qu'elle parle d'un projet alors qu'en réalité on en est au stade de la recherche et parce qu'elle ignore complètement les aspects de type écologique, urbanistique ou sociologique qui devaient légitimer une telle recherche.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons le renvoi de cette motion en commission. Pour être en mesure de soutenir le projet de recherche Swissmetro dans ses implications techniques, économiques, sociologiques et environnementales, nous souhaitons en effet pouvoir modifier la première invite.
M. Laurent Rebeaud (Ve). Nous ne pouvons pas accepter telle quelle la motion de notre collègue M. Lombard, notamment pour les raisons que vient d'exposer Mme Micheline Calmy-Rey et auxquelles j'aimerais ajouter une considération concernant le Conseil d'Etat. Si nous transmettons cette motion au Conseil d'Etat, nous lui donnons le devoir de prendre parti maintenant, de manière catégorique, dans une polémique scientifique qui vient de commencer. C'est beaucoup trop tôt !
Monsieur Lombard, vous aviez l'air - et entre les lignes on peut le comprendre comme cela - de considérer M. Bovy - quels que soient par ailleurs son honorabilité et le respect qu'on lui doit - un peu comme un savant jaloux d'un de ses collègues qui aurait acquis une certaine notoriété grâce à ce projet révolutionnaire. Il ne s'agit pas du tout de cela, et j'espère que, tout comme moi, vous avez lu le commentaire de M. Bovy, il est extrêmement convaincant. La critique qu'il fait du projet est fondée scientifiquement, c'est vraiment du travail de savant. La discussion au niveau scientifique ne fait que commencer à l'intérieur de l'Ecole polytechnique.
Si M. Bovy a fait cette intervention, c'est qu'il n'avait pas envie que le prestige de l'école soit engagé totalement dans un projet pouvant se révéler vain et qui pourrait aller à vau-l'eau. Vous dites qu'en Suisse on ne sait pas faire de grands projets. On est prudent, et avec juste raison, parce que l'on est un pays minuscule. Je vous rappelle que les Suisses ont lancé quelquefois de grands projets. Il y a eu le P 16 qui a fini, comme vous le savez, dans le lac de Constance. Il y a eu, dans les années 50, la filière suisse en matière de production d'énergie nucléaire, qui a terminé sa carrière à Lucens dans les conditions peu glorieuses que vous connaissez, après que la Suisse, dans ce projet trop prétentieux pour le petit pays qu'elle était aussi bien du point de vue financier qu'au point de vue technique, eut perdu quelques millions et un petit peu d'enthousiasme.
Je crois qu'il est juste de cultiver l'enthousiasme, mais il ne faut pas soutenir avec enthousiasme un projet dont on maîtrise mal les dimensions et dont le professeur Bovy nous montre qu'il a toutes les chances d'être trop ambitieux pour la Suisse. Je veux bien que l'on encourage la recherche, je suis prêt à soutenir la motion dans la forme que vous propose maintenant Micheline Calmy-Rey, mais je ne veux pas donner au Conseil d'Etat le devoir maintenant, en toute méconnaissance de cause, de se lancer à corps perdu dans un projet enthousiasmant, mais encore tellement plein d'inconnues et tellement prétentieux dans tous les sens du terme pour nous, Monsieur Lombard, que vraiment c'est lui demander d'assumer une tâche impossible.
J'ajoute que si vous voulez faire de la relance avec ce projet, c'est vraiment une pure illusion. Il n'y aura pas de chantier Swissmetro avant 30 ans, si jamais ça se réalise en Suisse. Vous voyez loin, Monsieur Lombard, mais pour les années qui viennent il n'y aura pas de grands travaux dans ce sens !
M. Pierre Vanek (AdG). Je ne reprendrai pas les propos qu'ont tenus mes préopinants à l'instant. Je prends note, dans l'exposé des motifs, que MM. les motionnaires pensent qu'il s'agit aujourd'hui de bannir la normalité et de redécouvrir un certain goût de l'aventure. J'aimerais quand même que l'on revienne à une procédure un tant soit peu normale par rapport à un objet aussi important que celui-ci. A l'évidence, la normalité voudrait que l'on ait un débat de fond sérieux, prenant en compte les critiques, les oppositions formulées par rapport à ce projet. L'exposé des motifs de cette motion est traité avec légèreté et manque de sérieux.
Il est absurde qu'après un quart d'heure de débat ce soir, nous engagions les autorités de la République et canton de Genève à soutenir ce projet. Il demande évidemment à être débattu, il demande à l'être sur la base de rapports un peu plus complets que ce petit feuillet et, à l'évidence, on devra revenir sur cette question. Mais pour le moment, je crois que les motionnaires sont en train d'essayer de nous mener en bateau...
Des voix. En métro !
M. Pierre Vanek. ...et à l'évidence il s'agit de refuser cette motion. (Protestations.)
M. Chaïm Nissim (Ve). Je voudrais juste amener quelques lumières...
L'assemblée. Aaah !
M. Chaïm Nissim. ...les modestes lumières d'un ingénieur dans ce débat. Vous savez qu'au «poly», dont je suis un ancien étudiant, le débat fait rage. Je ne prétends pas moi trancher ce débat. Je voudrais simplement vous dire un petit peu de quoi on parle au «poly» depuis cinq ans, car le débat est violent et il y a dans toutes les revues professionnelles des questions posées et des réponses apportées, le débat est vraiment ardu. Je voudrais juste vous parler de deux des questions essentielles dont nous débattons en ce moment. La première, c'est celle de la sécurité. Certains se demandent ce qui se passerait si, dans ce boyau souterrain où il y aura le vide d'air, cette espèce de fusée qui va circuler dans ce boyau...
Une voix. Suppositoire !
M. Chaïm Nissim. ...tombait en panne et qu'il n'y ait plus de courant pour la faire avancer ou reculer. Comment ferez-vous pour aller sauver les gens qui seront coincés ? D'autres ont des réponses partielles à apporter, convaincantes ou non.
Le deuxième débat qui fait rage également concerne le problème des portes. Vous savez que cette espèce de suppositoire, comme dit mon collègue, vole dans le vide. Mais pour faire le vide dans le couloir et pour que les gens puissent entrer quand même dans la fusée, il faut qu'il y ait des sas. Ces sas vont ressembler à des portes d'avion. On sait faire des portes d'avion qui résistent bien au vide, ce n'est pas un problème, mais le problème c'est l'étroitesse de ces portes. Comment allez-vous procéder pour faire entrer les gens qui vont monter à Lausanne ou descendre à Berne ? Comment vont-ils faire pour monter à travers des portes qui seront relativement étroites, à travers deux sas, un qui va leur permettre d'entrer dans la fusée et l'autre qui leur permettra de passer au dehors ? Comment vont-ils faire en deux minutes ? C'est le calcul qui est fait par les promoteurs du projet.
Une voix. Est-ce qu'il y aura des stores ou des fenêtres ? (Rires, quolibets.)
M. Chaïm Nissim. On ne sait pas ! N'empêche que c'est un débat très sérieux, sur lequel de doctes ingénieurs se penchent en ce moment, et on ne connaît pas la réponse. Certains disent que c'est impossible en deux minutes, d'autres qu'il n'y a aucun problème, on peut le faire en deux minutes. Tout ça pour vous dire que le débat n'est pas tranché. En dernier lieu, j'aimerais vous parler de quelques doutes philosophiques qui ne sont plus techniques.
Des voix. Aaah !
M. Chaïm Nissim. Nous avons besoin d'aventure, besoin d'espoir et c'est parfaitement vrai. Cela nous stimulerait et nous en avons tous besoin. Nous sommes coincés dans un manque de perspectives, un manque d'aventure. Cela dit, je me demande si c'est dans cette aventure-là que j'ai envie de risquer mon temps et mon argent juste maintenant. Je vais vous dire pourquoi. Dans des aventures mal pensées, on investit beaucoup d'argent, cela pour permettre à quelques hommes d'affaires pressés de gagner deux heures sur le trajet Genève-Zurich. On perd quelquefois de vue tous les gens qui ont besoin d'aller à Sallanches et qui n'ont pas de moyens parce qu'il n'y a pas d'argent investi dans ces moyens-là. Quelquefois on fait gagner beaucoup de temps à quelques privilégiés qui vont très vite de Genève à Zurich et, pendant ce temps, des centaines de gens ne peuvent pas aller très vite de Genève à Sallanches et il arrive quelquefois que dans des projets mal pensés on y perde globalement socialement dans l'ensemble.
Cette question-là est aussi une question importante, ce n'est pas une question d'ingénieur mais une question de philosophe. Pour ces trois questions-là, je crois que nous aurions intérêt à réfléchir un petit peu comme l'ont dit certains de mes préopinants, éventuellement accepter l'amendement de notre camarade Micheline, mais en tout cas pas nous précipiter la tête dans un sac.
M. Jean-Luc Ducret (PDC). Je veux revenir sur terre. Je ne suis ni ingénieur ni philosophe. Je veux simplement vous dire que le groupe DC approuve les considérants des motionnaires, avec toutefois une seule réserve. Si cette motion devait être acceptée, je trouverais dommage que les motionnaires aient limité leur réflexion au canton de Genève et aux cantons romands en particulier.
L'amendement que je me propose de déposer vise simplement à supprimer dans les considérants l'allusion au canton de Genève et, dans la deuxième invite, à se borner à parler «des autres cantons», sans parler des cantons romands.
M. Jean-Pierre Lyon (AdG). Il y a des choses intéressantes dans cette motion. On apprend ce soir beaucoup de choses, notamment qu'il y a un changement d'attitude du parti libéral vis-à-vis des transports publics et c'est quelque chose d'important qu'il faut relever. On a eu des adversaires farouches contre les transports publics. (Protestations des députés libéraux.) Alors, ce soir, nous avons un élément positif. J'espère retrouver ces motionnaires pour un projet concernant les transports auquel je pourrais m'associer.
En 1988, le peuple genevois avait voté un programme fixant le développement et le financement des transports publics. Depuis deux ans, on ne l'applique plus puisque l'on a réduit de plus de 10 millions la subvention aux TPG. Chaque année, nous avons donc réduit de 20 millions et nous ne pouvons pas appliquer ce programme. Alors, essayons quand même de favoriser le déplacement des Genevois rapidement et vous verrez que ce sera intéressant parce que, pour aller prendre Swissmetro, s'il faut attendre devant sa maison pendant un certain temps, ça n'ira pas. Il faut aussi parallèlement soutenir les transports publics genevois. On a appris quelque chose de formidable ce soir, c'est que nous étions dans une économie néo-libérale; depuis aujourd'hui, nous sommes dans une économie socio-libérale !
Des voix. Bravo !
M. Jean-Pierre Lyon. C'est quand même intéressant. C'est un changement profond dans la vie genevoise et je m'interroge. J'espère que M. Lombard pourra me répondre. Que pensent les chefs de l'Association Feu-Vert de cette initiative ? Eux qui ne sont pas très transports publics. Qu'en pensent-ils puisqu'ils sont dans vos rangs ?
Mme Marlène Dupraz (AdG). Pour «atterrir» dans la salle du Grand Conseil, je me pose la question suivante. Faut-il des rames pressurisées pour atteindre des vitesses intéressantes, ne faudrait-il pas attendre pour prendre son train, son métro devant la porte que toutes les conditions soient requises avant que l'on puisse y pénétrer ? Attendre comme devant un avion et encore attendre trois quarts d'heure pour en sortir ? Si je veux me rendre à Zurich, je mettrai trois quarts d'heure pour prendre le train, trois quarts d'heure pour le quitter, et cela pour la vitesse de 400 km/h.
Je pense que l'on peut faire plaisir à M. Lombard en renvoyant cette motion en commission. Il en discutera pendant deux ou trois séances, mais, personnellement, ce projet tel qu'il est rédigé, tel que l'exposé des motifs est présenté, me semble assez stérile. C'est un projet qui coûtera cher aux contribuables, vu le nombre de séances que nous passerions dessus.
M. Armand Lombard (L). Je suis passionné, moi aussi, par le débat que soulève cette motion et, à l'évidence, certaines remarques faites sont intéressantes, sans toutefois pouvoir être d'accord avec toutes. Je relève un intéressant puzzle aux couleurs normales de notre Grand Conseil. M. Nissim, première réaction, parle sécurité. Attention, on pourrait tomber du train ! (Ton sarcastique de l'orateur.) (Rires.) M. Vanek parle normalité et acquis : Défendons ce qui existe, mon Dieu, restons conservateurs parce que l'avenir ce n'est jamais précis avec de nouvelles choses ! M. Rebeaud, qui avait légèrement dit dans la presse qu'après tout pourquoi pas, pourquoi ne pas faire ça plutôt qu'autre chose ! (Légère ironie dans le ton de l'orateur.) (Sourires.) Il a tout à coup trouvé M. Bovy. S'il y a M. Bovy, je rappelle qu'il y a aussi quatre autres professeurs et qu'effectivement ils sont en train de se trucider à l'intérieur de l'EPFL.
Je voudrais également dire que la parole de M. Bovy n'est pas plus fondamentale que celle des autres. Je l'ai plutôt entendu sur des traversées de rade, des histoires de voitures, je ne l'avais pas encore vu jusqu'à maintenant dans des problèmes de haute technologie pour lesquels les quatre autres professeurs me paraissaient plus compétents et destinés à mieux mener à bien cette recherche.
En ce qui concerne M. Lyon, l'ennui c'est que Mme Dupraz dit le contraire et a défloré sa belle remarque sur l'ouverture libérale aux transports publics. Pour moi, les associations Feu-Vert, Feu-Rouge ou Feu-Orange quelles qu'elles soient, devraient pouvoir s'allier si elles ont un minimum de dynamique, d'espoir et de vue à long terme derrière ce projet qui est un beau projet de transports publics. A l'évidence, c'est un projet de transports publics longue distance. Vous avez vu que maintenant il y a une extension, je dirais rêvée pour ne pas avoir l'air d'être trop matérialiste, de Lyon ou Munich.
Cela ne règle effectivement pas le problème pour la personne qui veut aller à Sallanches ! Je suis désolé, Monsieur Nissim, il faudra trouver autre chose. Si vous prenez un long courrier ou un Boeing 747, il ne pourra pas non plus vous poser à Sallanches et ce n'est pas une raison pour que le Boeing ne soit pas utile pour certaines personnes. Quant aux remarques de Mme Calmy-Rey, que ce soit un projet ou de la recherche, je m'entendrai avec elle sur «projet de recherche», si vous le voulez bien !
Sur la deuxième partie consistant à élargir la base d'étude de ce projet, de l'envisager sous plusieurs de ses composantes, je pense effectivement que c'est très nécessaire. Je pensais simplement, en vous proposant de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, créer un choc, un enthousiasme, un soutien à cette équipe qui travaille sans aucun soutien, qui ne travaille qu'avec des remarques comme celles que vous venez de faire pendant un quart d'heure.
Si l'on veut, on peut changer l'objectif et ouvrir une discussion. Vous voyez l'intérêt de discuter technique avec M. Nissim et moi-même ! D'ailleurs, sur les problèmes de savoir si l'on pourra sortir de ce train ou faire couler l'eau pour se laver les mains quand on sera coincé dans un wagon, (Rires.) je veux bien aller en discuter en commission. Il y aura peut-être un certain nombre d'apports intéressants, mais je ne crois pas que ce sera le soutien et le support que nous souhaitions. Mais ce dernier viendra un petit peu plus tard, je l'espère !
M. Jean Opériol (PDC). Je ne peux pas m'empêcher d'invoquer une certaine tristesse à l'audition du débat qui s'est instauré sur cette motion. Je suis triste, mais j'ai le secret espoir que l'on mette fin à ce débat en renvoyant cette motion au Conseil d'Etat. Il y a une heure environ, il y avait dans cette salle M. Nicollier, astronaute, et je suis bien content qu'il ne soit pas resté à la tribune pour écouter nos débats parce que M. Nicollier incarne et synthétise aujourd'hui une évolution technologique que nous avons tous applaudie tout à l'heure. Nous étions tous debout, à gauche comme à droite, pour applaudir à l'évolution technologique que ce personnage synthétise.
Cette motion, je l'ai signée, parce qu'il m'a plu que, dans notre République et dans ce pays, il y ait une idée peut-être un peu folle, peut-être un peu utopique, mais en tout cas enthousiasmante, qui réveille un tout petit peu la classe politique et qui la fasse un peu phosphorer sur ce qui se trouve être un petit peu décoiffant pour certains. Vous m'excuserez d'être un peu amer, mais je trouve dommage qu'au moment où nous applaudissons à une évolution technologique qui envoie des hommes dans l'espace, nous nous battions dans un manichéisme de bas étage sur des couleurs de portes ou sur des acheminements de voyageurs à la gare de Berne, alors que le problème est bien ailleurs.
Je demande que l'on fasse un retour sur soi-même et que l'on renvoie cette motion au Conseil d'Etat simplement pour qu'il nous aide à réfléchir sur un grand projet. Ils ne sont pas aussi nombreux que ça.
M. Jean Spielmann (AdG). Je pense qu'il convient quand même de repréciser un certain nombre d'éléments par rapport à la politique globale des transports dans laquelle entend s'intégrer ce projet. Premièrement, il y a une nécessité urgente de poursuivre les investissements pour finir la réalisation de Rail 2000 qui a été échelonnée dans le temps. Il est clair que si l'on procède au niveau des transports sur le plan fédéral de la même manière qu'on le fait sur le plan cantonal, en avançant des projets intéressants et novateurs dans le but de faire retarder l'application du plan des transports et la mise en place de réelles prestations à la population, cela posera bon nombre de problèmes.
Il n'est pas surprenant que cette proposition vienne du côté de ceux qui tentent de retarder les applications et qui ont même remis en cause - par exemple pour la votation de dimanche - des décisions prises par le peuple concernant le transport et le transfert sur le rail du transit des marchandises par la route alors que le peuple a décidé de trancher. On essaie aujourd'hui, par des mesures dilatoires, de dire que personne ne s'occupe de ce projet. Cela est totalement faux puisque ce projet a le soutien des CFF et de nombreux organismes nationaux pour tenter de le faire avancer au niveau théorique et de le rendre concret.
La sustentation magnétique n'est pas un phénomène extraordinairement nouveau. Ce qui est nouveau, c'est le tunnel, mais la sustentation magnétique existe déjà en Allemagne et au Japon puisque des lignes sont à l'essai. Sur le fond, il y a certainement un intérêt à séparer le trafic à grande vitesse du trafic normal des trains pour permettre simplement le maintien du trafic régional. Il y a, en effet, une incompatibilité entre les trains à grande vitesse et le trafic régional sur les mêmes lignes, mais tout cela ne veut pas dire que l'on doit aujourd'hui se lancer dans cette direction-là et vous suivre dans votre volonté de retarder politiquement et financièrement l'application de Rail 2000 au niveau national, de remettre en cause le trafic régional, de diminuer les subventions des CFF et de réduire les prestations à la population.
Il y a là une contradiction importante et ce n'est pas en vous réfugiant derrière des projets d'avenir extraordinaires que vous arriverez à sauver la mise qui est votre responsabilité politique dans les retards que prennent aujourd'hui les transports publics dans notre pays. Il y a là deux éléments. Je ne suis pas opposé à ce que l'on fasse de grands projets, mais si cela vous conduits à prendre des mesures dilatoires et à ne pas faire face à vos responsabilités, nous ne sommes pas prêts de vous suivre.
C'est exactement ce qu'a également dit M. Bovy. Il a dit qu'il y avait aujourd'hui d'autres urgences, mais cela ne veut pas dire que l'on ne doive pas examiner ce projet. Toutefois, on le réalisera dans 30 ans seulement, dans le meilleur des cas. Ces projets sont en route et ont des soutiens financiers. Il n'est pas question que le politique tranche aujourd'hui des objets qui sont des propositions d'avenir et des progrès technologiques qui ont de toute manière le soutien qu'ils méritent.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. On discute à perte de vue sur cette motion, mais j'ai l'impression que l'on n'est pas très éloigné les uns des autres. Le projet Swissmetro en est au stade de la recherche de fonds pour financer l'étude principale, c'est donc bien dire que l'on est au stade de l'étude d'un projet. Le canton de Genève, concrètement, pourrait soutenir le projet Swissmetro de deux manières.
Il pourrait, par exemple, souscrire à des actions de Swissmetro SA, actions qui seraient à fonds perdus puisque les buts de Swissmetro SA sont de faire la promotion du projet et d'obtenir une concession fédérale. D'autres collectivités publiques sont déjà devenues actionnaires de Swissmetro. Ce sont, pour mémoire, la commune de Nyon, celle de Lausanne, Bâle-Campagne et l'Etat de Fribourg. Autre possibilité, l'Etat de Genève pourrait manifester son intérêt à participer à cette étude avec un apport de fonds propres, mais il pourrait, par exemple, utiliser ces fonds en les affectant au travail de notre université ou de nos Services industriels.
Nous pouvons donc accepter que cette motion soit renvoyée pour examen à la commission des transports. Lors de cet examen, la commission pourrait inviter une personne compétente - et elles sont nombreuses - sur le plan technique ainsi qu'une personne de Swissmetro pour s'informer sur les différentes possibilités de soutenir ou non ce projet. Le Conseil d'Etat devrait pouvoir, quant à lui, présenter en 1994 encore un rapport au Grand Conseil sur l'état d'avancement du projet.
Pour terminer, permettez-moi deux remarques. La première pour dire qu'effectivement les motionnaires se font des illusions lorsqu'ils parlent de relance au sujet de ce projet. Vous l'avez vu, c'est un projet extraordinairement novateur et donc complexe et ce n'est pas demain que l'on creusera. La deuxième remarque rejoint ce qu'a dit M. Ducret. Je regrette que l'on ne parle que des cantons romands au moment où, précisément, ce projet a besoin d'un impact au niveau de l'ensemble du pays. Nous pourrons cependant, ultérieurement et si vous le souhaitez, rectifier le tir.
En conclusion, le Conseil d'Etat accueille favorablement cette motion. Il souhaite effectivement que la seconde invite soit modifiée puisqu'il ne souhaite pas être contraint d'assurer la promotion avant que nous ayons étudié le projet, mais si ce projet est renvoyé à la commission des transports, c'est très volontiers que nous l'étudierons ensemble.
M. Laurent Rebeaud (Ve). Je soutiens cette motion si elle est renvoyée en commission. J'aimerais, puisque j'ai la parole, profiter de m'excuser auprès de M. Opériol pour l'avoir attristé. Ce n'est pas vraiment le but. Le but c'est que l'on y voie clair et, dans le cas particulier, votre motion demandait quelque chose d'impossible. J'aimerais vous dire, Monsieur Opériol, que j'ai participé comme vous à la cérémonie de tout à l'heure et que si nous avions ici à soutenir la NASA pour un projet de cette ampleur j'aurais moins d'hésitations. Toutefois, il ne s'agit pas d'un projet mondial, mais d'un projet suisse et nous devons mesurer nos capacités à engager des forces rares et modestes dans un projet de cette ampleur. Renvoyons ce projet en commission et l'on en discutera plus tard.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette motion à la commission des transports est adoptée.
Débat
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG). Je ne veux pas développer à nouveau l'ensemble des considérants qui nous amènent à déposer cette résolution. L'affaire est connue. Néanmoins, j'aimerais expliquer pourquoi nous maintenons la résolution alors même que le Conseil fédéral vient d'agir.
Vous vous souvenez qu'il y a quelque temps, en janvier dernier, la commission des affaires étrangères du Conseil national s'adressait par lettre au Conseil fédéral pour demander la mise en oeuvre d'une procédure d'arbitrage dans l'affaire de l'expulsion vers l'Iran à partir de Paris des deux assassins présumés de Kassem Radjavi qui devaient être livrés fin décembre à la justice suisse.
J'aimerais tout d'abord saluer la détermination de M. Koller, conseiller fédéral, qui, comme on le sait, a déclaré que le Conseil fédéral allait porter plainte auprès du Conseil d'Etat français, comme l'a fait dans un précédent récent le gouvernement britannique dans une autre affaire. Pour votre information, je puis vous dire que cette autre affaire concernait Hong-Kong. En 1992, le gouvernement anglais s'était adressé à l'Etat français pour demander que la France livre à Hong-Kong un escroc réfugié en France. La France avait refusé d'obtempérer et l'Angleterre s'était adressée au Conseil d'Etat français, instance comparable à un Tribunal administratif amenée à juger des raisons pour lesquelles le gouvernement avait refusé de livrer cet escroc. (Brouhaha. L'oratrice s'interrompt.)
Je ne peux pas parler comme ça !
Le président. Continuez, Madame !
Mme Erica Deuber-Pauli. J'aimerais bien que l'on se taise un peu, car je n'arrive pas à me concentrer. (Manifestations diverses.)
La commission des droits de l'homme n'entre en matière qu'en cas de conflit entre signataires de la Convention européenne pour la lutte contre le terrorisme et, par conséquent, n'ouvre de procédure d'arbitrage - procédure pouvant conduire à la condamnation de l'Etat accusé d'une faute - qu'après échange bilatéral entre les deux Etats concernés, en l'occurrence entre la Suisse et la France. Cela signifie, dans l'affaire des assassins de Kassem Radjavi qui devaient être livrés à la justice suisse par la justice française et qui ont été «libérés» vers Téhéran par le gouvernement français, que le Conseil fédéral demande d'abord ses raisons à l'Etat français.
Il peut le faire par une note diplomatique. Or, les éminents juristes de M. le conseiller fédéral ont trouvé ce fameux précédent anglais de Hong-Kong. Aussi, le Conseil fédéral a-t-il demandé au Conseil d'Etat français de trouver les raisons des décisions du gouvernement français qui sont apparues, vous vous en souviendrez, comme une gifle d'abord pour la famille Radjavi dont, je le rappelle, les enfants vivent à Genève et sont citoyens suisses, pour la population genevoise, pour la justice de notre pays, en l'occurrence pour la justice vaudoise, enfin pour le Conseil fédéral et la Suisse toute entière.
Lorsque ces raisons auront été fournies par le gouvernement français et s'il s'avère que M. Pasqua a bel et bien roulé tout le monde et enfreint les termes de la convention, Berne pourra aller à Strasbourg et obtenir l'ouverture d'une procédure d'arbitrage, comme le demande la commission des affaires étrangères du Conseil national. C'est la raison pour laquelle nous maintenons notre projet de résolution, puisque nous entendons soutenir dans sa démarche la commission des affaires étrangères qui, dans cette affaire, était unanime.
Cette proposition de résolution comporte une invite, celle d'adresser au Conseil fédéral une demande identique à celle de la commission des affaires étrangères et de faire ce qui est en son pouvoir, non seulement pour que l'enquête ne soit pas close, mais pour que les assassins présumés du professeur Radjavi soient déférés devant la justice. Au demeurant, nous exprimons notre satisfaction aux autorités fédérales d'avoir entrepris cette démarche auprès du Conseil d'Etat français.
Enfin, nous demandons au Conseil d'Etat de tenter de mettre fin à l'action des services secrets iraniens sur le territoire genevois, qui n'en sont pas à leur premier assassinat, et à tout entreprendre pour éviter le renouvellement de tels actes. Dans cette perspective, il serait urgent de réduire la très forte représentation d'agents iraniens sur notre sol, et notamment ceux attachés à la mission iranienne auprès des Nations Unies.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je ne désire pas allonger le débat. J'aimerais dire que le Conseil d'Etat partage pour l'essentiel cette résolution émanant de l'ensemble des groupes du Grand Conseil. J'ai observé en passant, mais cela est tout à fait formel, que le texte sous le chiffre 268 n'est pas le même que celui de la précédente résolution et donc que ce deuxième texte devrait porter un chiffre amendé. J'aimerais également vous faire une remarque concernant le second paragraphe des considérants. C'est aussi une remarque de pure forme mais il n'est pas juste de dire que les tueurs ont été identifiés. Actuellement, il n'est pas établi que les deux Iraniens faisant partie de ce groupe de treize soient effectivement les tueurs, et donc l'enquête n'est pas close.
Quant au fond, j'aimerais simplement vous rappeler que cette affaire relève de la compétence du Département fédéral des affaires étrangères et que c'est bien aux autorités fédérales que nous devons nous adresser. J'ajoute que la police genevoise a collaboré pendant toute l'enquête avec la police vaudoise et la police fédérale et qu'elle est évidemment prête à assurer dans le futur une telle collaboration. Enfin, en ce qui concerne la dernière invite, il faut savoir que le nombre d'agents diplomatiques iraniens sur le territoire genevois est fonction de l'accord de siège passé entre la Confédération et les organisations internationales et que seules ces dernières sont à même d'accréditer les diplomates étrangers auprès de leurs sièges respectifs. Nous pouvons donc tout au plus émettre un voeu, étant entendu qu'il s'agit d'une affaire du ressort fédéral. Cela dit, je rappelle que le Conseil d'Etat partage totalement l'indignation soulevée par l'issue provisoire, je l'espère, de ce dossier.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
RÉSOLUTION
concernant l'assassinat de Kassem Radjavi
Considérant les faits suivants:
Le 26 avril 1991, Kassem Radjavi, citoyen iranien en exil et, en tant que professeur à l'université de Genève et militant des droits de l'homme, l'une des personnalités marquantes de la Genève internationale, était assassiné devant son domicile à Tannay par un commando de tueurs venus de Téhéran.
Grâce à la police genevoise, les tueurs et leurs auxiliaires, onze agents des services secrets iraniens basés à Genève, ont pu être identifiés rapidement.
L'assassinat ayant été commis sur territoire vaudois, l'enquête a été confiée au juge Châtelain, de Lausanne, qui, depuis quatre ans, tente en vain d'obtenir que soient exécutées à Téhéran ses nombreuses commissions rogatoires.
Il y a un peu plus d'un an, les services du contre-espionnage de la Direction de la surveillance du territoire ont arrêté sur sol français les deux tueurs de Kassem Radjavi. Sur demande extraditionnelle de la Suisse, la justice française a décidé de livrer les deux hommes à la justice vaudoise. La Suisse a été dûment avertie de cette décision. Or, le 29 décembre dernier, le ministre de la Justice Pasqua a fait expulser les deux tueurs vers Téhéran, les soustrayant ainsi à la justice suisse.
La conduite du gouvernement français est apparue comme un camouflet pour Genève, pour la famille de Kassem Radjavi dont les enfants résident à Genève et sont citoyens suisses, ainsi que pour toute la population genevoise. L'impunité de ce crime crée un grave précédent sur notre territoire, d'autant plus que les tueurs de Téhéran ont déjà opéré en toute impunité dans notre ville, quai du Mont-Blanc, il y a quelques années, en assassinant l'un de leurs compatriotes.
La Suisse, comme la France, est signataire de la Convention européenne pour la lutte contre le terrorisme qui prévoit, en cas de conflit entre signataires, une procédure d'arbitrage et une condamnation de l'Etat fautif.
Réunie ce mois de janvier à Berne, la commission des affaires étrangères du Conseil national a adressé par lettre au Conseil fédéral la demande de mettre en oeuvre cette procédure d'arbitrage.
Depuis le dépôt de la présente résolution, un fait nouveau important est survenu, à savoir la décision prise le 16 février par le Conseil fédéral et dont il faut se féliciter, à savoir la saisie du Conseil d'Etat français d'une plainte pour le non-respect par le Gouvernement français de la convention d'entraide judiciaire liant la France à la Suisse. Cette initiative du Conseil fédéral démontre que ce dernier est sensible aux réactions de l'opinion publique de notre pays et justifie donc le maintien de la résolution dont les conclusions seront complétées en conséquence.
Le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat:
- à faire part au Conseil fédéral de la satisfaction des autorités genevoises quant à l'initiative qu'il a prise de saisir le Conseil d'Etat français de la violation par le Gouvernement français de la convention d'entraide judiciaire liant la Suisse et la France;
- à adresser néanmoins au Conseil fédéral une demande similaire à celle de la commission des affaires étrangères du Conseil national quant à la mise en oeuvre de la procédure d'arbitrage prévue dans la Convention européenne pour la lutte contre le terrorisme, tout en invitant le Conseil fédéral à faire tout ce qui est en son pouvoir non seulement pour que l'enquête ne soit pas close, mais pour que les assassins présumés du professeur Radjavi soient déférés à la justice;
- subsidiairement, Genève ayant déjà subi les méfaits des services secrets iraniens, à tout entreprendre pour éviter le renouvellement de tels actes et pour réduire le nombre des agents iraniens sur le territoire genevois.
Le 18 novembre 1993, le Grand Conseil a reçu une pétition signée de M. Trachsel, représentant les établissements Trachsel, dont voici le texte:
PÉTITION
Affaire Dogru
Monsieur le président,
Nous vous remettons sous ce pli une coupure de journal concernant une affaire dont vous avez eu à vous occuper, celle de M. Dogru Ridwan, indiqué comme apatride de Crimée, condamné à dix ans d'expulsion, gracié par votre Haute Autorité, autorisé à séjouner dans notre pays et à y travailler.
A la suite d'une annonce d'offre d'emploi que nous avons fait paraître, nous avons engagé cette personne, en juillet 1992, un peu rapidement, par nécessité et tout semblait aller bien, au début. Très rapidement, elle nous a offert de reprendre l'entreprise, ce que nous cherchions effectivement, en faisant état de multiples contacts, en particulier fi nanciers, dans de nombreux pays! Nous ne l'avons pas prise au sérieux, mais elle a tellement insisté, tous les jours, que nous avons fini par nous dire, après, tout, cela pourrait être vrai et nous avons signé avec elle un accord préalable, stipulant que rien ne pouvait être fait avant le versement initial prévu par elle-même!
Cela a marqué le début d'ennuis de toutes sortes, car, contrairement à ce qui était prévu, M. Dogru a engagé illicitement du personnel, pris des contacts avec des fournisseurs, fait des propositions «abracadabrantes» et irréalisables à nos clients, qui nous connaissent depuis plus de quarante ans et apprécient notre matériel, sur du papier à lettre photocopié.
Dès que nous avons eu connaissance de ces faits, nous avons eu un entretien avec M. Dogru, et avons fait des réserves sur notre accord, car nous y croyions encore, il avait engagé un directeur, qui devait participer avec un montant important et nous avait présenté quelques financiers!!!
Sans y être pour rien, nous avions été confrontés à de multiples problèmes depuis neuf mois et, en plus, nous avons constaté que les travaux qu'il nous avait indiqué comme exécutés, ne l'étaient pas en réalité, ce qui signifie que nous l'avons payé pour rien et que nous devons les refaire.
Cela nous amène à nous demander si la grande clémence dont vous avez fait preuve était bien justifiée, car nous nous sommes basés là-dessus et l'administration qui délivre les autorisations, consultée, Contrôle de l'habitant, n'a fait aucune réserve.
Ce n'est que plus tard que nous avons appris que M. Dogru avait un dossier assez éloquent pour justifier son expulsion, qu'une autorisation ne lui avait été accordée que pour n'être plus à la charge de l'Hospice général et l'on nous a demandé finalement de déposer plainte contre lui. Naturellement que si nous avions été renseignés plus tôt, nous n'aurions rien traité avec ce personnage.
En tant que citoyen suisse, de vieille souche, le soussigné aimerait profiter de l'occasion pour vous exposer d'autres problèmes sans doute au moins aussi intéressants concernant notre entreprise, étant donné qu'il est beaucoup question en ce moment d'industrie, d'économie, d'énergie et autres:
1. Depuis 1981, en plus, nous avons eu des ennuis avec du personnel étranger à plusieurs reprises, liés au fait que nous avons eu à faire face à des exigences administratives, non uniformes, sans rapport avec la réalité et accompagné de faits curieux. Ce qui nous a mis depuis dans une situation intolérable et inadmissible, avec, en prime, de graves ennuis de santé.
2. Lorsque nous avons eu l'occasion de remettre l'entreprise, il y a quelques années, à des frontaliers, il nous a été spécifié que ces derniers ne pouvaient acquérir plus de 40% du capital à deux, alors qu'ils ont pu monter une société anonyme, ce qui n'est pas un cas isolé.
3. Plus en arrière, puisqu'il s'agit de la période de la Deuxième Guerre mondiale, le soussigné a assuré, comme seul décideur, de combler le déficit d'approvisionnement de l'Hôpital cantonal, 7000 tonnes par an, plus gros consommateur du canton et prioritaire à notre avis, après le refus du département de l'énergie, de toute attribution supplémentaire, au détriment de ses intérêts, car il aurait eu la possibilité et le droit d'écouler cette marchandise sur le marché parallèle à de tout autres conditions, ceci grâce à des efforts assez exceptionnels, il n'est pas exagéré de le dire.
De même, l'approvisionnement normal de 75% des boulangers de la place, qui n'était pas assuré.
Plus le fonctionnement de nombreuses entreprises industrielles et commerciales de la place et à l'extérieur, grâce à une idée originale qui a toujours cours.
Peut-être tout cela n'est-il pas tout à fait clair, mais l'ensemble du sujet est assez difficile à expliquer, c'est pourquoi nous restons à votre disposition si nécessaire. Il y a encore d'autres aspects qui ont été laissés volontairement de côté, pour ne pas trop allonger.
Veuillez recevoir, Monsieur le président, nos sincères salutations.
N.B.: 1 signature
Etablissements Trachsel
11, route des Acacias
1211 Genève 24
Les travaux de la commission
La commission des pétitions présidée par M. Bernard Lescaze décide de traiter cette pétition le 13 décembre 1993 bien que, malgré son titre, elle ne ressemble en rien aux pétitions habituelles.
Il semble qu'il s'agit plus d'une malheureuse affaire d'escroquerie relatée longuement par la presse en automne 1993. D'une part, M. Trachsel cherche à faire partager son amertume et sa déception, d'autre part, il a été soulagé par l'attention de la commission.
Déroulement des faits
M. Ridwan Dogru né le 10 décembre 1946, ressortissant turc, est entré illégalement en Suisse et y a commis plusieurs délits. Il est connu du département de justice et police et des transports dès 1983.
Après moult épisodes qui lui valent une interdiction d'entrée en Suisse du 27 janvier 1984 au 27 janvier 1989 et plusieurs refus d'asile de différents pays européens, il est condamné le 14 avril 1986 par la Cour correctionnelle de Genève à 20 mois d'emprisonnement et 10 ans d'expulsion.
Libéré le 31 octobre 1986 avec un délai d'épreuve, mais malgré le maintien de la peine d'expulsion, il revient illégalement en Suisse.
Le 12 mars 1992, sur préavis de la commission de grâce, le Grand Conseil lui accorde la remise du solde de sa peine. A la même époque, sa demande d'asile est rejetée. Il obtient cependant une tolérance de séjour, à défaut de papiers d'identité.
En juillet 1992, M. Dogru est engagé, avec l'accord de l'office cantonal de la population dans les établissements Trachsel, en tant que «technicien-dépanneur». Donnant satisfaction à son employeur, qui a 76 ans, il agit de manière très rusée et arrive à lui faire croire qu'il a des appuis financiers.
Il lui propose de racheter son entreprise en lui promettant des versements qui n'arrivent jamais.
Il engage, sans y être autorisé, du personnel, qui, faute d'avoir été réellement engagé, s'adresse au Tribunal des prud'hommes et crée beaucoup d'ennuis financiers et de torts moraux à M. Trachsel.
Après différents faux dans les titres et escroquerie, il est enfin arrêté en avril 1993 et fait 28 jours de prison.
Refoulé vers la Turquie le 21 mai 1993, M. Dogru revient en Suisse en septembre 1993.
Arrêté le 1er novembre 1993, il est en ce moment à Champ-Dollon.
Auditions
La commission a entendu
- le lundi 20 décembre 1993 M. Trachsel pétitionnaire, qui s'est présenté avec son épouse, M. Jean-Pierre Ott, directeur technique de l'Hôtel Intercontinental, et M. Gard, ami de la famille.
Lors de son audition, M. Trachsel a précisé qu'il souhaitait attirer l'attention des autorités concernées pour que M. Dogru ne s'installe pas en Suisse et qu'il ne puisse plus profiter des gens âgés et un peu faibles. Il a longuement raconté la manière dont il s'est fait abuser par M. Dogru qui, en parfait escroc, donnait une impression d'honnêteté. Il a fourni à la commission une abondante documentation sur cette affaire.
Le montant des dommages qu'il a subis est élevé et il a même été condamné à verser une somme à l'un des employés engagés par M. Dogru. Quant à sa réputation de commerçant auprès de ses partenaires, elle s'en est trouvée fortement altérée.
Il a beaucoup de peine, vu son âge, à traverser ces moments difficiles.
- Le lundi 24 janvier 1994, M. Félix Goetz, directeur de l'office cantonal de la population.
M. Goetz a corroboré les faits cités plus haut. Il a expliqué avec précision le cursus de M. Dogru. Du fait que M. Dogru n'avait pas de papier, il était difficile de le refouler. L'office cantonal de la population l'a autorisé à exercer temporairement une activité lucrative afin qu'il ne soit pas à la charge de la collectivité publique. Un permis de travail a effectivement été délivré, malgré les antécédents de M. Dogru, l'aspect humanitaire ayant été pris en compte. M. Goetz a pu établir que M. Dogru n'était pas apatride mais vraiment turc seulement en octobre 1993, date de la réception de son acte de naissance en provenance du Consulat de Turquie.
A ce moment-là de nombreux délits avaient déjà été commis.
M. Dogru est bel et bien un escroc de haut vol qui, même en prison, a essayé d'obtenir de meilleures conditions de détention en promettant 12 000 F à un autre détenu.
Le juge Trembley a demandé une prolongation de détention. Il va faire passer sur le plan pénal le dossier qui est aux mains des Prud'hommes.
Discussion
Dans ce dossier où politiciens, fonctionnaires, journalistes, employeurs ou militants de causes humanitaires ont été abusés, la commission des pétitions ne peut qu'éprouver de la compassion à l'endroit de M. Trachsel.
La suite de cette affaire est du ressort de la Justice.
C'est pourquoi la commission propose de conclure au dépôt de la pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.
Vote
Unanimité des 14 membres présents.
Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il y a un environ un an et demi notre Grand Conseil avait voté une motion invitant le Conseil d'Etat à surseoir aux renvois de ressortissants de l'ex-Yougoslavie. Cette décision avait permis à de nombreuses familles, en particulier en provenance du Kosovo, d'échapper à un refoulement.
Aujourd'hui, après avoir épuisé de nouvelles procédures, quelques-unes de ces familles, ainsi que de jeunes déserteurs ou réfractaires sont confrontés à un ordre de départ. Que faire ? Ne pas soutenir cette nouvelle motion équivaudrait à reconnaître que nous nous sommes trompés il y a un an, alors même que la situation, au contraire de se calmer, empire de semaine en semaine.
Quelques faits sous forme de rappel:
- Des églises de cantons suisses-alémaniques sont transformées en refuge depuis plusieurs mois, afin d'éviter à des familles un retour vers ce qui aujourd'hui déjà est un lieu de répression et qui demain pourrait être l'enfer. Les plus hautes instances des deux Eglises catholique et protestante, la Communauté israélite, ainsi que des conseillers nationaux de divers partis ont d'ailleurs tenu conférence de presse pour dénoncer la politique de renvoi menée par les autorités suisses.
- Le Kosovo est une province serbe, sous embargo, dans laquelle vivent essentiellement des Albanais. En raison de cet embargo, les conditions de vie sont de plus en plus précaires, et la véritable politique d'apartheid menée à l'encontre des Albanais du Kosovo instaure un vrai régime de terreur.
- La Conférence pour la sécurité du Conseil de l'Europe (CSCE), Amnesty International, la Commission des droits de l'Homme de l'ONU, la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme, Caritas Suisse, ainsi que des nombreux rapports rendus par des délégations parlementaires d'Europe et des Etats-Unis, sont unanimes (et contraires au seul avis de l'Office des Réfugiés): les conditions de vie au Kosovo pour les Albanais sont désastreuses, et la répression y est de plus en plus violente et arbitraire. Au surplus les jeunes Albanais risquent d'être enrôlés de force pour être envoyés au front, dans une guerre à laquelle ils sont totalement étrangers.
- En raison de l'embargo, la capitale Prishtina n'est plus accessible (même l'aide humanitaire est bloquée). Jusqu'à l'automne 1993 les autorités suisses avaient trouvé le moyen, pour expulser les Albanais du Kosovo, de les expédier sur la Macédoine, avec l'accord des autorités de cette République. Ces dernières, conscientes qu'elles collaboraient à envoyer des gens à des arrestations, des mauvais traitements ou des tortures, ont annoncé au mois d'octobre 1993 ne plus accepter les Kosovars refoulés de Suisse. A l'heure actuelle les autorités suisses tentent d'imaginer des solutions pour refouler ces ressortissants par tous les moyens: avion jusqu'à Budapest (Hongrie), puis bus via Zagreb (Croatie) jusqu'à Prishtina (Serbie) !
- De nombreux spécialistes avouent que le conflit de l'ex-Yougoslavie risque fort de s'étendre au Kosovo. D'ores et déjà des délégués américains sillonnent certaines régions des Balkans à la recherche de lieux propices pour des camps de futurs réfugiés kosovars.
Et de notre côté, nous devrions continuer d'accepter, dans l'indifférence et le silence le plus total, que des hommes, des femmes et des enfants soient renvoyés au Kosovo ?
Nous pensons qu'au contraire il est de notre devoir de dénoncer de tels procédés, de signifier notre refus et d'intervenir pour que ces personnes puissent poursuivre temporairement leur séjour en Suisse, dans l'attente d' une amélioration de la situation dans leur pays.
C'est pour cette raison qu'il nous semble essentiel que vous apportiez, Mesdames et Messieurs les députés, votre appui à cette motion.
Débat
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je serai très brève sur cette motion. Une chose est claire, la situation au Kosovo est catastrophique, il y est mené une véritable politique d'apartheid envers les Albanais et nous ne pouvons, sans autre, mettre des gens dans des avions à destination de ce pays. C'est pourquoi cette motion demande de surseoir aux renvois.
J'aimerais évoquer deux points. Le premier concerne une objection qui revient souvent. Un certain nombre de travailleurs du Kosovo rentrent au pays à l'occasion des congés parce qu'ils n'ont pas d'autres moyens pour faire parvenir de l'argent à leur famille pour survivre là-bas. Je vous rappelle que cette province est sous embargo, c'est une province serbe. Ils font ce choix et prennent donc le risque de rentrer pour pouvoir aider les leurs restés sur place.
L'autre objection, c'est que les jeunes déserteurs et les jeunes réfractaires - en l'occurrence il y en a trois qui sont cachés depuis quelques jours parce que menacés de renvoi - présentent souvent de faux documents. J'aimerais que l'on comprenne bien pourquoi ils en arrivent là. Les autorités suisses demandent à ces jeunes réfractaires et déserteurs de produire des ordres de marche pour déposer une demande d'asile. Or, dans les villes et les villages, là-bas, lorsque les ordres de marche commencent à arriver, les jeunes ne vont pas les retirer et s'enfuient. Arrivés en Suisse, on leur dit : «Ou bien vous présentez un ordre de marche, ou bien c'est le billet d'avion avec retour immédiat.». Ils n'ont donc guère d'autre choix que de présenter de faux documents.
Voilà pourquoi je vous demande de confirmer le vote que ce Grand Conseil avait fait il y a environ une année et demi, à savoir de surseoir, tant que la situation n'est pas moins tendue dans cette région, au renvoi des ressortissants du Kosovo.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord remercier Mme Reusse-Decrey d'avoir eu la loyauté de m'informer au préalable de son intervention. Depuis maintenant plusieurs années, le Conseil d'Etat est très soucieux de la situation en ex-Yougoslavie, en particulier au Kosovo. Il s'en est ouvert à plusieurs reprises aux autorités fédérales. Il remercie donc les motionnaires de leur intervention et accepte cette motion. En attendant le résultat de ses nouvelles démarches auprès de l'autorité fédérale, le Conseil d'Etat continuera de procéder comme il l'a fait jusqu'à maintenant en ce qui concerne les Kosovars, avec un maximum de prudence et d'ouverture.
Pour les cas de Kosovars déboutés de leurs requêtes d'asile, j'ai donné pour instruction à l'office cantonal de la population de procéder avec la plus grande compréhension et de tenter de résoudre ces situations extrêmement difficiles. Ceux qui sont donc appelés à quitter la Suisse sont reçus personnellement à plusieurs reprises, les délais de départ sont négociés, si bien que les retours éventuels sont finalement tous volontaires et ne se font jamais sous la contrainte, sauf pour les cas pénaux évidents qui sont hélas assez fréquents en matière de trafic de drogue à partir de cette malheureuse province.
C'est de cette manière humaine, mais qui reste compatible avec nos obligations de canton confédéré tout en aboutissant de fait à surseoir momentanément aux renvois ainsi que le demande la deuxième invite de votre motion, que seront traités les rares cas de Kosovars déboutés de leurs requêtes. A ce jour, il n'y aura, en date du 15 avril 1994, que douze cas de Kosovars, ce qui correspond à quinze personnes qui feront l'objet d'une décision exécutoire.
Pour le reste, il va de soi que le Conseil d'Etat s'engage à vous rendre compte ultérieurement du résultat de ses démarches auprès de l'autorité fédérale.
Le président. Je précise que dans son libellé actuel la motion n'a plus qu'une invite, soit la deuxième du texte primitif.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant le renvoi des ressortissants du Kosovo
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- la motion M 807 du 19 juin 1992 largement soutenue par ce Grand Conseil,
- la répression de plus en plus violente menée au Kosovo à l'encontre des Albanais et le risque d'élargissement du conflit de l'ex-Yougoslavie jusque dans cette région,
- la récente décision des autorités macédoniennes signifiée à la Suisse et refusant de poursuivre leur collaboration dans le cadre des refoulements de ressortissants albanais du Kosovo,
- l'accord enfin donné par les autorités serbes à deux délégations (Caritas et Eper) de se rendre sur place au Kosovo,
invite le Conseil d'Etat
- à surseoir momentanément aux renvois du canton de Genève des ressortissants du Kosovo et à les autoriser à travailler afin d'éviter de devoir les assister financièrement.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Bernex, commune dont de nombreux habitants se déplacent en ville de Genève pour travailler, souhaite développer son secteur de l'artisanat, du commerce et de l'industrie, en construisant des locaux conviviaux, à des prix concurrentiels afin de créer des conditions favorables pour conserver ses artisans, voire favoriser l'implantation de nouveaux ateliers ou petites entreprises sur son territoire et combler, ainsi, une situation lacunaire au niveau d'un manque évident de zone d'activités pour créer des emplois.
Il a été prouvé que ce secteur pourrait se développer pour le plus grand bien-être des habitants. Sous-jacente, se profile la volonté de dynamiser les entreprises de la construction, lesquelles, grâce au voisinage de l'autoroute, trouveraient à Bernex des accès privilégiés.
Il est facile de démontrer qu'une gestion autonome, contrôlée par les autorités, favorise l'initiative par un souffle nouveau et garantit une plus grande liberté d'action.
Cette raison essentielle motive la décision de distraire le Centre artisanal projeté de la gestion purement communale et d'en confier l'intendance à une fondation de droit public qui aura pour mission:
- d'acheter, vendre ou échanger des immeubles, droit de superficie ou terrains non bâtis;
- de procéder à la construction de nouveaux bâtiments, transformation et rénovation de bâtiments existants;
- d'octroyer des baux en priorité à ses habitants.
En créant la Fondation de la commune de Bernex pour l'artisanat, le commerce et l'industrie, les autorités communales n'entendent pas reculer devant leurs obligations, mais au contraire les remplir au travers d'un organe souple et polyvalent, appelé Conseil de Fondation.
En effet, les personnes du Conseil de Fondation, en gestionnaires avisés, veilleront à la bonne marche du système en tenant compte des diverses composantes économiques régionales et mèneront à bien la réalisation des projets à moyen ou long terme élaborés au fil des législatures.
Ce sont là, Mesdames et Messieurs les députés, les considérations qui justifient le dépôt du présent projet de loi que nous vous recommandons d'adopter.
Préconsultation
M. Alain-Dominique Mauris (L). Considérant l'urgence de l'entrée en vigueur du projet de loi 7068 concernant la constitution de la Fondation de la commune de Bernex pour l'artisanat, le commerce et l'industrie, nous demandons la discussion immédiate. A l'heure où plusieurs centres commerciaux et artisanaux recherchent des locataires, le nouveau centre artisanal de Bernex dont la construction sera achevée d'ici quelques semaines pourrait afficher complet. Une quinzaine d'artisans attendent de signer les baux pour occuper leurs locaux.
Repousser l'entrée en vigueur de la loi signifierait, pour des raisons administratives, refuser à ces artisans de pouvoir travailler et les pénaliser économiquement. Cette demande de discussion immédiate est exceptionnelle, elle est surtout dictée par l'urgence des faits et de permettre à la fondation de signer au plus vite les baux avec les artisans. Pour terminer, nous vous rappelons que le Conseil municipal de Bernex a voté à l'unanimité les statuts de cette fondation communale. Il s'agit donc d'un problème purement communal.
Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.
Premier débat
Le Le président. Nous sommes en préconsultation. Un exposé par groupe de cinq minutes, dix minutes pour le Conseil d'Etat, un seul conseiller d'Etat. (Protestations.) Quelqu'un souhaite-t-il s'exprimer sur l'entrée en matière ?
M. Claude Blanc (PDC). Puisque, sur la proposition de M. Mauris, nous avons décidé de passer à la discussion immédiate, nous sommes donc en premier débat et la discussion doit s'engager en premier débat comme si le projet revenait de commission.
Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Ce projet est adopté en deuxième et troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
concernant la constitution de la Fondation de la commune de Bernex
pour l'artisanat, le commerce et l'industrie
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 175 de la constitution genevoise;
vu l'article 72 de la loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984;
vu la délibération du Conseil municipal de la commune de Bernex, du 21 septembre 1993;
vu l'arrêté du Conseil d'Etat, du 27 octobre 1993,
approuvant ladite délibération
Décrète ce qui suit:
Article 1
1 Il est créé sous le nom «Fondation de la commune de Bernex pour l'artisanat, le commerce et l'industrie» une fondation de droit public au sens de la loi sur les fondations de droit public, du 15 novembre 1958.
2 Cette fondation est dotée de la personnalité juridique. Elle est placée sous la surveillance du Conseil municipal de la commune de Bernex.
Art. 2
Les statuts de la Fondation de la commune de Bernex pour l'artisanat, le commerce et l'industrie, tels qu'ils ont été approuvés le 21 septembre 1993 par délibération du Conseil municipal de la commune de Bernex, joints à la présente loi, sont approuvés.
Bernex
Titre I
Article 6
Article 11
Article 14
Article 18
Chapitre 2
Article 26
Titre IV
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 72 de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984;
vu l'article 2 de la loi sur les fondations de droit public, du 15 novembre 1958;
vu la décision du Conseil municipal du 22 juin 1993, approuvée par le Conseil d'Etat le 20 octobre 1993,
Décrète ce qui suit:
Article unique
Les modifications des articles 9, alinéa 3, et 18, alinéa 2, des statuts de la Fondation pour le logement de la commune de Thônex, du 15 mai 1984, sont approuvées dans la nouvelle teneur suivante:
Art. 9, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Ils sont rééligibles. Est réputé démissionnaire tout membre du conseil, élu conformément à l'article 8, lettres a) et b), qui transfère son domicile hors de la commune. La limite d'âge est fixée à 70 ans maximum au moment de l'élection.
Art. 18, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Il peut confier la gestion des immeubles à un ou des tiers.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le Conseil municipal de la commune de Thônex a procédé à la modification de deux articles des statuts de la Fondation communale pour le logement.
Il s'agit de modifications mineures approuvées par le Conseil municipal le 22 juin 1993.
Si la loi sur l'administration des communes ne prévoit pas expressément que les modifications des statuts d'une fondation communale de droit public doivent faire l'objet d'un projet de loi, en revanche, la loi sur les fondations de droit public du 15 novembre 1958 (E 1 5) stipule que toutes modifications de statuts sont de la compétence du Grand Conseil.
C'est la raison pour laquelle nous vous présentons ce projet de loi.
Les modifications proposées portent, d'une part, sur une précision relative à la limite d'âge d'un membre du conseil de fondation, et, d'autre part, sur la modification de l'article 18, alinéa 2, relatif à la délégation de compétence, la première phrase étant supprimée dès l'instant qu'il s'agit d'une redondance de l'article 16.
Au vu des explications qui précèdent, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent projet de loi.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur la pêche, du 22 janvier 1988, est modifiée comme suit:
Article 1, al. 1 (nouvelle teneur)
al. 2 (abrogé)
Champ
d'application
1 La présente loi régit, dans les eaux du domaine public, ainsi que dans celles du domaine privé, la conservation et la capture des poissons, des écrevisses et des organismes leur servant de pâture.
Art. 4, lettre a (nouvelle teneur)
a)
par la loi fédérale sur la pêche, du 21 juin 1991 (ci-après loi fédérale) et son ordonnance d'application, dont la présente loi vaut loi d'application;
Art. 13 (nouvelle teneur)
Exclusion de
la pêche
sans permis
Sont exclues de la pêche sans permis les personnes auxquelles le permis de pêche ou le droit de pêcher a été retiré.
Art. 26, al. 1 (nouvelle teneur)
Obstacles
1 Les plantations, les clôtures et les installations de nature à rendre le passage impossible ou dangereux doivent être enlevées ou modifiées dans le délai imparti par le département.
Art. 28, al. 1 (nouvelle teneur)
En général
1 A l'expiration des 3 premiers jours de la période de protection, fixée par le Conseil d'Etat, il est interdit de transporter, d'aliéner, d'acquérir ou de servir dans des restaurants ou autres établissements analogues des poissons ou des écrevisses capturés dans les eaux définies à l'article 1. Cette disposition ne s'applique toutefois pas à la conservation et à la commercialisation de poissons par des pêcheurs professionnels.
Art. 31, al. (nouvelle teneur)
Travaux
1 Le département est consulté lorsque des travaux doivent être exécutés dans le lac, dans les rivières, les ruisseaux et les canaux de dérivation.
Art. 32, al. 1 (nouvelle teneur)
Autorisation
Autorité
compétente
1 Le département est l'autorité compétente pour délivrer les autorisations prévues à l'article 8 de la loi fédérale sur la pêche.
Art. 33 (nouvelle teneur)
Débit
résiduel
minimal
Le service donne son autorisation pour les prélèvements d'eau tombant sous le coup de l'article 29 de la loi fédérale sur la protection des eaux, du 24 janvier 1991.
Art. 36 (nouvelle teneur)
Passage
à cheval,
à vélo
Le franchissement d'un cours d'eau à cheval ou au moyen d'un autre équidé monté, ainsi qu'à vélo, n'est autorisé que perpendiculairement à la rive ou aux endroits admis.
Art. 36 (abrogé)
Art. 46, al. 1 (nouvelle teneur)
Immersion
1 Toute immersion de poissons, d'écrevisses ou d'autres animaux aquatiques dans les eaux libres est soumise à autorisation.
Art. 49, al. 1 (nouvelle teneur)
al. 2 (abrogé)
Fonds
piscicole
Il est créé un fonds affecté au financement des mesures d'aménagement piscicole, notamment les mesures d'empoissonnement et celles destinées à l'amélioration et à la protection des habitats naturels du poisson.
Art. 50, lettre c (nouvelle teneur)
c) les dommages-intérêts;
Art. 51, lettre b (abrogée,
la lettre c ancienne devenant la lettre b)
(dernière phrase)
Art. 52, al. 1-2, lettres a, b, c et d
(nouvelle teneur)
Composition
..., à raison d'un représentant par parti siégeant au Grand Conseil et 12 par le Conseil d'Etat.
2 Les membres nommés par le Conseil d'Etat doivent comprendre:
a)
8 représentants des pêcheurs sportifs;
b)
1 représentant des pêcheurs professionnels;
c)
1 représentant des Services industriels de Genève;
d)
2 représentants des milieux de protection de la nature.
Art. 53 (nouvelle teneur)
Compétences
1 La commission préavise:
a)
les décisions relatives à l'exercice de la pêche, particulièrement dans les rivières;
b)
le coût des permis;
c)
les requêtes en vertu de l'article 8 de la loi fédérale sur la pêche.
2 Elle propose toute mesure technique relative à la pêche ou à l'aménagement et à la protection piscicole.
3 Elle est tenue informée de l'utilisation du fonds piscicole.
Art. 65A (nouvelle teneur)
Renouvel-
lement
La commission consultative de la pêche est renouvelée immédiatement après l'entrée en vigueur de la loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 1er janvier 1994 est entrée en vigueur une nouvelle loi fédérale sur la pêche. Celle-ci répartit différemment les tâches entre la Confédération et les cantons, la première focalisant son action sur la protection des espèces, l'exploitation piscicole des eaux relevant des seconds.
Ces nouvelles distributions nécessitent certains ajustements de notre loi cantonale.
Par ailleurs, la nouvelle loi fédérale sur la protection des eaux fixe de nouvelles normes pour les débits résiduels dans les cours d'eau, impliquant là aussi un alignement de nos dispositions cantonales.
Enfin, nous avons profité de l'occasion pour y ajouter quelques modifications en relation avec un litige qui a surgi au sein des sociétés de pêcheurs sportifs et avec une utilisation imprudente du fonds piscicole. Elles portent en particulier sur la désignation des pêcheurs au sein de la commission de pêche, afin de lui assurer une représentativité aussi complète que possible, et sur les compétences de cette commission.
Vu les explications qui précèdent, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter les présentes modifications apportées à notre loi cantonale sur la pêche.
Préconsultation
M. Roger Beer (R). Nous venons de terminer la révision complète de la loi sur la faune. Nous avons fait une excellente loi, et je suis très heureux, et le groupe radical avec moi, que cette révision de la loi sur la pêche se fasse aussi aujourd'hui. Il y a deux raisons à cela. C'est l'officialisation de la représentativité des deux associations de pêcheurs qui représentent plusieurs milliers de personnes. Je crois savoir que ça se fait déjà, mais ainsi cela sera officiel.
D'autre part, ce qui me paraît beaucoup plus important d'un point de vue écologique et d'un point de vue de protection de la nature, c'est l'adaptation à la loi fédérale sur la protection des eaux avec les fameux débits résiduels dont on a beaucoup parlé dans le cadre de la politique de l'eau à Genève.
Enfin, je suis personnellement très heureux que cette loi puisse être discutée, étudiée et terminée en commission avec M. Eric Matthey, inspecteur cantonal des forêts, qui arrivera prochainement au terme de sa carrière professionnelle. On aura ainsi refait toutes les lois. Alors, merci de renvoyer ce projet en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
que le vote du budget est l'acte politique essentiel,
que le vote du budget a lieu en fin d'année,
que les élections au Grand Conseil ont lieu au mois d'octobre,
que les élections au Conseil d'Etat ont lieu au mois de novembre,
que le renouvellement des élus tant au législatif qu'à l'exécutif peut être quantitativement important,
invite le Conseil d'Etat
à explorer les avantages et les inconvénients d'un déplacement des élections au mois de février ou mars.
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'élaboration puis le vote du budget représentent l'acte essentiel qui concrétise les choix politiques effectués tant par le Grand Conseil que par le Conseil d'Etat. C'est en effet à travers l'élaboration et l'adoption du budget que sont décidées les priorités dans les domaines sociaux, économiques, éducatifs, culturels, de l'aménagement du territoire ou fiscaux, pour n'en citer que quelques-uns.
Or l'élaboration du budget se fait patiemment tout au cours de l'année avant d'aboutir à son vote ou son rejet en fin d'année.
Tous les quatre ans, le parlement et le gouvernement sont renouvelés à l'occasion d'élections qui ont lieu respectivement en octobre et en novembre. En fonction du nombre de nouveaux députés, respectivement du nombre de nouveaux conseillers d'Etat, la situation actuelle est susceptible de mener à l'adoption ou au rejet d'un budget par un parlement dont une majorité n'a pas suivi les travaux qui ont présidé à son élaboration.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, afin qu'il puisse évaluer les avantages et inconvénients d'un déplacement des élections du parlement et du gouvernement à la fin de l'hiver.
Débat
M. Pierre-François Unger (PDC). Je dois à la gentillesse de M. Armand Obrist, chef de service du service du Grand Conseil, d'avoir appris que tous les quatre ans le taux de renouvellement des députés est compris entre 30 et plus de 50 %. 31 nouveaux députés en 1981, 40 en 1985, 39 en 1989 et 52 lors des dernières élections.
Six semaines après ces élections, plus de la moitié des nouveaux députés se sont prononcés sur le budget, que ce soit d'ailleurs en l'approuvant ou en s'y opposant. Il ne fait nul doute que chacune et chacun avait travaillé avec pugnacité pour métaboliser ce budget, mais je dois humblement vous avouer que, pour ma part, je ne suis pas absolument persuadé d'en avoir immédiatement saisi toutes les subtilités. M'en étant ouvert à d'autres élus de fraîche date, je crois pouvoir dire que mon sentiment était alors partagé par nombre d'entre eux quelles que soient leurs convictions politiques. Néanmoins, tous nous avions compris que le vote du budget constituait l'acte politique par excellence puisque c'est à travers lui que le parlement établissait les priorités dans les domaines sociaux, éducatifs, culturels, fiscaux, économiques, et la liste n'est pas exhaustive.
Et puis, mais cela n'était qu'un rêve, j'en suis venu à penser qu'un conseiller ou une conseillère d'Etat fraîchement élu pourrait avoir à défendre des options budgétaires radicalement opposées à ses convictions intimes. Mais ce n'était qu'un rêve. Dès lors, il nous est apparu qu'il serait peut-être opportun de réfléchir à modifier la date des élections et c'est la raison pour laquelle nous vous invitons à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour que, fort de son rapport, nous puissions par la suite en commission des droits politiques confronter ce projet avec d'autres en cours, tel celui concernant la durée des mandats électifs ou la simultanéité des élections entre le Grand Conseil et le Conseil d'Etat.
M. Laurent Moutinot (S). La motion de nos collègues part de prémices exactes. Le budget est effectivement l'acte politique par excellence, mais les invites sont tout de même assez surprenantes, précisément parce que si l'on venait à renouveler le Grand Conseil et le Conseil d'Etat après les votations sur le budget, les nouveaux élus seraient, pendant à peu près une année, liés par les décisions de leurs prédécesseurs, et s'il est une caractéristique commune à tous les gouvernements, c'est d'être appelé à un moment ou à un autre à changer, de même que les parlements.
Par conséquent, la logique veut précisément que les nouveaux élus adoptent le budget et se donnent les moyens de leur politique, qu'il s'agisse des élus du parlement ou du gouvernement, et non pas qu'ils suivent le travail précédent. Alors il est vrai, Monsieur Unger, que cela nécessite pour les nouveaux élus - puisque j'en suis aussi - un gros travail de mise en train pendant quelques semaines. Vous avez réussi à le faire, j'ai réussi à le faire, et je crois que l'on peut demander de nos successeurs qu'ils réussissent également à faire cet effort. Par rapport au travail que nous avons dû faire et par rapport au principe qui est en jeu, je crois que ce sont les principes qui doivent l'emporter. On peut bien supporter les quelques désagréments de nuits blanches passées à étudier le budget, par contre il serait véritablement contraire à toute logique politique que des autorités nouvellement élues doivent appliquer une politique anciennement votée.
Je pense que l'on pourrait renvoyer directement cette motion en commission parce que fort prudemment vous avez demandé qu'elle explore les avantages et les inconvénients. Il est vrai que dans les modalités des élections, il y a un certain nombre de problèmes qui peuvent prêter à discussion, mais pas dans le sens que vous souhaitez.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer cette motion à la commission des droits politiques est adoptée.
M. Pierre Vanek (AdG). (Exclamations de toute l'Entente.) Je n'ai pas l'intention de faire monter la vapeur par rapport à cette question - je ne crois pas avoir à le faire - simplement, je pense qu'il serait heureux que nous fassions le point et que l'on ait quelques éléments de clarification sur la manière dont la République et canton de Genève va continuer à s'opposer à Creys-Malville. Il s'agit bien de continuer - il ne s'agit pas d'un débat faisant l'objet de controverses - à s'opposer jusqu'au bout à cette menace que représente le surgénérateur de Creys-Malville qui se trouve, je le rappelle, à 70 km de Genève.
On m'a dit tout à l'heure que j'étais conservateur. En tout cas sur un point j'entends conserver la possibilité pour la population d'habiter normalement ce canton, car un accident majeur à Creys-Malville en cas de redémarrage est à craindre jusqu'à ce que cette installation soit démontée dans des conditions satisfaisantes.
Quel est l'état de la question ? Je ne ferai pas un long rappel sur les aspects techniques concernant Superphénix. Je rappelle que c'est une centrale qui n'a jamais fonctionné de manière satisfaisante, elle a fonctionné quelque chose comme six mois durant toute la durée de son existence. Je rappelle que c'est une installation expérimentale, c'est un prototype qui ne fonctionne pas dans les conditions prévues initialement. Je rappelle également que c'est un réacteur nucléaire qui est très différent de tous les autres réacteurs que nous connaissons partout dans le monde, que les caractéristiques précises de ce réacteur font qu'il est possible qu'il soit le lieu d'une réelle explosion nucléaire comme une bombe atomique, contrairement à ce qui est normalement le cas pour des réacteurs standards à eau pressurisée.
Ce réacteur contient des quantités absolument phénoménales de plutonium, qui est la substance la plus toxique que l'on connaisse et pouvant être mortelle à l'échelle du millionième de gramme. Ce réacteur en contient quelque chose comme sept tonnes. Il est également refroidi à l'aide de milliers de tonnes de sodium liquide, un métal qui explose au contact de l'eau, qui s'enflamme au contact de l'air et tout cela se trouve dans une installation qu'il est question aujourd'hui de faire redémarrer alors qu'aucune des garanties minimales par rapport à la sécurité n'est réunie.
Je crois qu'à l'évidence le canton de Genève - et nous y sommes d'ailleurs tenus par l'article 160 C de la Constitution - doit continuer à s'opposer, comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant, à cette menace majeure. Or le réacteur est à l'arrêt depuis bientôt quatre ans. Les autorités françaises ont décidé de ne pas le faire redémarrer en 1992 à la suite d'un rapport sur la sécurité nucléaire, rédigé en français et réalisé par les instances officielles de l'Etat, qui mettait en évidence le fait qu'il était fort probable que cette installation connaîtrait des «pépins», qu'il y avait des problèmes réellement sérieux de sécurité, de contrôle de l'enceinte, de risque de feu de sodium possible qui avaient été sous-estimés au départ. Il a été admis dans ce rapport de sécurité de 1992 que le danger pouvait prendre une ampleur catastrophique. Bref, il a été décidé à l'époque de ne pas faire redémarrer ce réacteur.
Or, nous nous trouvons dans une situation où les autorités françaises et les «nucléocrates» français ont entamé un processus de redémarrage avec toute une série de choses relativement inquiétantes. Une enquête publique a eu lieu avant que les rapports sur la sécurité n'aient été clairement établis, avant que les éléments aient été rendus publics. Cette enquête est une parodie de procédure démocratique puisque plus de 95 % des avis exprimés étaient hostiles au redémarrage, beaucoup d'avis venant de notre canton et de notre région. Les conclusions de la commission pilotée par les exploitants de la centrale ont abouti au fait qu'il fallait faire redémarrer cette centrale.
Nous sommes vraiment dans une situation où il s'agit de savoir comment l'on réagit sur les deux plans que la Constitution nous oblige à prendre en compte, à savoir le plan juridique et le plan politique. J'en viens rapidement aux questions précises que j'aimerais poser. La première concerne l'opposition juridique. Vous savez que la Ville de Genève, un bon nombre de communes de ce canton, des associations de défense de l'environnement et l'Etat de Genève ont déjà mené des batailles juridiques et ont remporté des succès sur la question de Creys-Malville. A l'évidence, il faudra se relancer sur ce terrain en cas de décision de redémarrage.
Ma question est de savoir s'il ne serait pas préférable qu'il y ait une concertation plus étroite et une coordination, voire une seule démarche juridique commune entre la Ville, le canton et les associations ? Jusqu'à maintenant, ces actions ont été menées en parallèle et il y a probablement une certaine duplication des efforts et des investissements. Nous avons mis pas mal d'argent dans cette affaire. La deuxième question que je me pose concerne la dimension politique de l'opposition que nous devons mener d'après les termes de l'article 160 C de la Constitution. Je crois que la démarche juridique n'est pas suffisante et, dans ce cadre-là, j'aimerais porter à votre attention les faits suivants.
Une audition a été organisée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de l'Assemblée nationale française, sous la présidence de M. Claude Biraud, député de Haute-Savoie. L'Etat de Genève et les associations, notamment celle dont je fais partie, Contratom, étions présents lors des auditions qui se sont tenues au mois de décembre. Nous avons eu dans ce cadre un débat, et les conclusions du rapporteur ont été formulées dans un rapport dont je ne vous donnerai pas connaissance, mais l'un des éléments importants de ce rapport figure dans une lettre que nous avons reçue en tant qu'association. Les conclusions disent que, lors de l'audition publique du 16 décembre sur Superphénix, il est apparu, et je le souligne : «un large consensus sur l'éventualité d'ouvrir l'instruction technique de sûreté à une expertise extérieure au système administratif actuel.».
Aujourd'hui, tout se passe dans le sérail du nucléaire français et il y a là un réel problème d'ouverture, de transparence et il devrait y avoir une expertise extérieure pour valider d'éventuels résultats d'une appréciation sur l'état technique actuel et les problèmes de sécurité posés par Superphénix. Cette conclusion a été le produit unanime d'auditions tenues à Paris et a été court-circuitée par la procédure actuelle. Le rapport de la direction de sûreté des installations nucléaires a été rendu sans qu'une telle contre-expertise ait eu lieu, et là il y a un problème politique sur lequel j'aimerais que nous mettions le doigt et à propos duquel l'Etat de Genève devrait adopter une position tout à fait claire.
Cette position serait de dire que nous soutenons l'idée d'une contre-expertise parfaitement indépendante, qu'il faudrait que cette contre-expertise soit menée, bien entendu, préalablement à toute décision de redémarrage de Superphénix, qu'elle devrait être étendue évidemment aux parties extérieures...
Le président. Monsieur le député, il vous reste une minute pour conclure.
M. Pierre Vanek. C'est parfait, je conclus, j'en ai pour une minute ! ...et qu'elle se fasse dans des conditions de transparence qui n'ont pas cours aujourd'hui, c'est-à-dire que tous les éléments des dossiers techniques concernant Superphénix soient publiés, que cette expertise contradictoire soit rendue publique de la manière la plus large et fasse ensuite l'objet d'une consultation démocratique des habitants de la région.
J'aimerais, en se fondant sur ces éléments, qui ne sont pas des appréciations unilatérales de notre part mais qui ont fait l'objet du consensus que j'ai évoqué, que l'Etat de Genève prenne une position politique ferme demandant à ce que toute décision de redémarrage de Superphénix soit remise avant que ces conditions, qui sont des conditions élémentaires...
Le président. Monsieur le député, votre temps est écoulé.
M. Pierre Vanek. Oui, tout à fait ! ...Deux questions. L'une sur l'unité en matière du front uni genevois relative aux démarches juridiques, et l'autre sur le fait d'avoir une position politique ferme sur la question, de ne pas accepter de redémarrage avant l'établissement d'un processus clair et ouvert de contre-expertise auquel nous apporterions notre appui.
M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Je pourrais saisir l'occasion de cette interpellation pour vous donner un certain nombre de renseignements, mais en fait, M. Vanek a souhaité exprimer ici des sentiments personnels et pas simplement interpeller le gouvernement.
J'aimerais faire les remarques suivantes. Les renseignements que nous pouvons découvrir au fil des semaines nous montrent bien qu'il y a une volonté de redémarrage de la part de l'autorité française. Les enjeux économiques, nous les connaissons, la politique de l'EDF dans ce domaine, nous la connaissons aussi, et tout sera certainement entrepris pour qu'il y ait redémarrage. Simultanément, l'autorité française ajoute, ou déclare, qu'elle entend prendre toutes les mesures de sécurité qui s'imposent en pareille circonstance.
A partir de là naît un certain flou, car les rapports dont nous avons pris connaissance expriment ou touchent des points précis, demandent des travaux importants qui prennent du temps et engagent des sommes substantielles. Mais nous parlons néanmoins de plus en plus d'un redémarrage à 50 %, par exemple, et sur ce point nous attendons une décision avant la fin de ce semestre. Il y a un mois, Monsieur le député, vous vouliez intervenir d'urgence parce que vous pensiez qu'à Paris des ministres s'étaient réunis pour évoquer ces sujets et vous pensiez qu'on allait nous annoncer en fin de soirée le redémarrage de la centrale. Je vous avais fait savoir en aparté que tel n'était pas le cas d'après les renseignements que j'avais, car nous sommes, en effet, en relation permanente avec les autorités françaises qui n'ont jamais fait de la rétention d'information sur ce sujet, mais qui se donnent la peine de nous informer sur leurs intentions.
Depuis des mois nous savons qu'après le dépôt du rapport il y aurait des relations interministérielles de manière à évaluer les possibilités de redémarrage et d'évaluer les mesures de sécurité nécessaires et celles qui pourraient être engagées immédiatement. C'est la raison pour laquelle je vous dis ce soir encore qu'une décision, d'après les renseignements que nous avons, ne devrait pas arriver au cours de ces toutes prochaines semaines, à moins qu'il y ait un changement d'attitude, mais selon les déclarations qui ont été faites, elle devrait arriver d'ici la fin du premier semestre.
Monsieur le député, vous avez évoqué tout à l'heure un problème qui me paraît intéressant et qui marque une certaine évolution de la réflexion sur ce sujet. Vous avez signalé que le député Biraud avait déposé devant l'Assemblée nationale un rapport sur la sécurité qui révèle un certain nombre de préoccupations, car, en effet, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques présidé par Claude Biraud, député de Haute-Savoie, a présenté un rapport de 259 pages le 3 février. Il dénonce des dysfonctionnements profonds dans le cadre de la sécurité nucléaire, le manque de suivi médical des travailleurs d'entreprises extérieures qui interviennent sur les centrales nucléaires pour les révisions et les opérations de maintenance, l'absence en France d'une véritable autorité de radio-protection, des lacunes dans l'organisation du transport des matières nucléaires.
M. Biraud recommande la mise sur pied d'une charte du transport nucléaire concernant Superphénix. Il dénonce également le fait que la procédure suivie soit la même que celle concernant un échangeur routier ou la construction d'une discothèque, dit-il. M. Biraud souhaite que soit constitué un fichier d'experts extérieurs afin de fournir un avis indépendant. Ce rapport de M. Biraud montre indiscutablement une évolution des choses sur le territoire français et la possibilité d'aborder ce sujet en décrispant, en quelque sorte, les discussions qui pouvaient avoir lieu jusqu'à présent et en donnant à la sécurité la place qu'elle aurait toujours dû avoir dans une affaire de cette importance.
Sur le problème de la sécurité, d'abord nous nous réjouissons de cette évolution, d'autre part nous participerons à tous les contacts et tous les échanges possibles avec les autorités françaises. Mais nous tenterons également d'agir au niveau européen parce que, Monsieur le député, quand vous parlez d'une distance de 70 km pour Creys-Malville, je me sens parfois un peu gêné que l'on situe Genève par rapport à Creys-Malville, car, en réalité, le problème couvre un territoire tellement plus vaste et la vie à Genève ne vaut pas plus que la vie ailleurs et dans un rayon de 200 ou 300 kilomètres autour de Creys-Malville au moins. C'est donc un problème de société, c'est un problème de territoire européen, et c'est au niveau des instances européennes que l'on devrait enfin décider de l'intervention d'experts neutres dans des affaires de cette importance.
Pour répondre aux deux questions que vous avez posées : est-ce qu'une seule démarche ne serait pas préférable à ces deux actions engagées simultanément par la Ville, d'autres communes, vos associations, des communes vaudoises et d'autre part par l'Etat de Genève ? Je l'ai déjà dit, ces actions n'engagent pas de redondances, mais au contraire elles sont complémentaires et l'action engagée par l'Etat de Genève s'inscrit dans le cadre des relations privilégiées que ce dernier a avec les autorités françaises. Et ce serait dommage de se priver de ce type de relations qui, indiscutablement, nous permettent d'avoir des informations que nous n'aurions pas si nous étions dans une autre situation. C'est la raison pour laquelle je crois que nous sommes plus efficaces de cette manière-là, ce qui ne nous empêche pas de coordonner nos actions, d'avoir de nombreux contacts, et c'est ce que nous faisons.
J'ai l'occasion de rencontrer assez régulièrement vos associations pour travailler dans ce sens et je suis à leur disposition lorsqu'elles me sollicitent. Au sujet de la contre-expertise, les propos que vous avez tenus montrent bien la complexité du sujet. On ne lance pas une contre-expertise dans un domaine comme celui-ci comme on pourrait le faire au sujet d'un bâtiment. Il s'agit d'une matière extrêmement complexe et cette contre-expertise, là encore, ne peut être envisagée que dans un cadre, à mon sens international. C'est une affaire que nous suivons, car en effet, là aussi on assiste à une nouveauté. Jusqu'à présent on n'avait pas entrouvert cette porte permettant de réaliser une contre-expertise et c'est la raison pour laquelle nous suivons avec attention et nous examinerons dans quelles conditions elle pourrait être engagée.
Monsieur le député, j'ajoute tout de suite que nous n'obtiendrons pas des autorités françaises qu'une contre-expertise soit réalisée avant que celles-ci ne prennent une décision. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que l'autorité française entend garder une totale liberté quant au redémarrage de la centrale. Si redémarrage il devait y avoir, ce que nous regretterions, car vous savez que nous menons un combat constant et que nous le menons dans le cadre du respect de la constitution genevoise, nous sommes déjà prêts pour engager une nouvelle procédure, engager un nouveau recours. Le sujet est suffisamment important pour que même si vous ne développiez pas d'interpellation sur ce sujet, vous soyez renseigné régulièrement sur l'évolution de cet important dossier. Il en sera fait ainsi.
M. Pierre Vanek (AdG). Je voudrais encore prendre la parole sur quelques points. Tout d'abord, sur la nature de la décision qui va être prise, sur ce qu'il faut savoir.
M. Haegi a indiqué qu'une décision devrait intervenir d'ici la fin du semestre. En fait, deux décisions vont être prises, dont l'autorisation de Superphénix comme installation nucléaire de base. A ce jour, à ma connaissance, Superphénix n'existe pas au registre des installations nucléaires françaises. Des autorisations sont échues et cette décision-là pourrait, d'après mes informations, arriver très très rapidement.
Quant à la deuxième décision, elle consistera à autoriser le redémarrage effectif de l'installation en question. Je crois qu'il est possible que l'urgence soit supérieure à ce que M. le président nous a communiqué. Par ailleurs, concernant la question de la contre-expertise, je suis bien conscient du fait que nous n'obtiendrons probablement pas des autorités françaises qu'elles surseoient au redémarrage dans l'attente de celle-ci. C'est fort probable, mais je pense qu'il s'agit d'un combat ayant un côté politique et un côté juridique et que, politiquement, nous devrions souligner que c'est une exigence normale, qu'une telle contre-expertise devrait avoir lieu, et il serait dommage de ne pas mettre le doigt sur cet aspect-là. A ce titre, il serait regrettable que les Français ne nous suivent pas.
Nous avons beaucoup investi dans les démarches juridiques. Je ne reviendrai pas ce soir sur l'aspect de coordination, mais nous avons essentiellement investi dans ce domaine-là. L'argent voté par les collectivités publiques a servi utilement à payer des avocats pour travailler sur ces dossiers. A mon avis, c'est marcher sur une seule jambe par rapport à ce dossier-là, et nos avocats, entre autres, ont pu tirer profit d'un certain nombre d'expertises indépendantes qui ont été réalisées par rapport à ce dossier. Je fais référence à l'expertise de M. Béléqué, financée par l'Association pour l'appel de Genève, l'APAG, il y a un certain temps. Plus récemment, Greenpeace a mandaté des experts allemands pour élaborer un autre rapport. C'est également un financement tout à fait indépendant qui s'est fait dans ce domaine.
Je trouve que les investissements de notre Etat, pour être rentables par rapport à ces dossiers, pour avoir des armes politiques, devraient aussi se situer sur ce terrain-là. Il existe. Nous pouvons trouver des experts reconnus internationalement, indépendants de l'establishment nucléaire, et leur proposer, au nom de la partie que nous constituons dans cette affaire, un mandat d'étude des problèmes de sécurité posés par Superphénix. Nous pouvons également - et les rapports privilégiés que vous indiquez avec les autorités françaises font précisément de l'Etat de Genève un partenaire particulièrement indiqué - aller dans ce sens parce que nous sommes en mesure de demander la transparence sur un certain nombre de dossiers techniques et de solliciter un certain nombre de dossiers qui ne sont pas forcément à disposition d'experts indépendants mandatés par des associations de défense de l'environnement. C'est ce type de démarches qui devraient être engagées sans attendre.
Il n'y a aucune raison d'attendre une décision de redémarrage, l'affaire est déjà préjugée. Comme l'a indiqué M. Haegi, on devrait entreprendre cette démarche dès aujourd'hui. Je crois que la rentabilité d'un investissement dans ce domaine, la rentabilité politique par rapport à la fermeture à terme de Superphénix, serait en tout cas aussi grande que celle du financement d'un certain nombre d'études juridiques sur les lacunes dans le domaine juridique que le gouvernement français aura laissé passer dans ce processus de décision. La première fois, nous avons obtenu gain de cause sur un aspect technique mineur parce que le Premier ministre n'avait pas signé un décret qu'il aurait dû signer sachant que nous sommes accrochés à leurs basques par rapport à cela. Il est probable que d'un point de vue juridique, en regard du droit français, les décisions que vont prendre les autorités françaises seront probablement moins attaquables qu'elles ne l'ont été par le passé.
Je pense qu'il faut que l'on se batte vraiment sur le terrain technique, et politique également, sinon on mène un combat unilatéral du point de vue de l'Etat de Genève et on laisse à des associations la charge d'appliquer un des volets de cette exigence de l'article 160 C de la Constitution.
M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. J'aimerais vous dire, Monsieur le député, que nous sommes sur le terrain politique, que sur le plan juridique nous avons connu quelques succès, que le problème technique n'est en effet pas un problème de simple mécanique.
Je vous l'ai dit tout à l'heure, et vous le savez bien, c'est d'une folle complexité et je vois difficilement notre seule petite République conduire une contre-expertise sur un surgénérateur, et le faire seul. Ce que je vous ai signalé, c'est que nous explorions les possibilités de la contre-expertise, mais, dans un cadre beaucoup plus général, nous devons absolument défendre l'intervention d'experts neutres dans des affaires comme celles-ci. Je partage totalement votre point de vue, j'ai eu l'occasion de le défendre au Conseil de l'Europe à Strasbourg et je persiste dans cette direction. Mais il faut que nous soyons réalistes, il y a des choses que nous pouvons faire - et j'entends avoir devant vous un langage de vérité - et d'autres que nous ne pouvons pas raisonnablement engager.
Une contre-expertise sur le surgénérateur, ce n'est pas Genève toute seule qui peut le faire. Par contre, nous pouvons étudier cette possibilité, et je vous affirme que nous explorons tout ce qui est réalisable de ce côté-là. Mais n'oublions pas quelles sont les limites de nos possibilités. Quant à notre détermination, elle est constante.
L'interpellation est close.
M. Laurent Moutinot (S). Dans le système des immeubles subventionnés, le taux hypothécaire est répercuté à la hausse et à la baisse. Ces dernières années, il l'a été de manière massive à la hausse en raison de l'augmentation des taux bancaires. Par conséquent, il importe qu'ils soient répercutés également à la baisse maintenant que ces taux baissent. De surcroît, cela est socialement nécessaire, car les locataires qui habitent ces immeubles sont notamment ceux qui sont le plus touchés par la crise.
Il existe dans la législation deux possibilités : soit le locataire s'adresse lui-même à l'office pour demander une baisse de loyer, soit l'office, spontanément, peut décréter des baisses des états locatifs.
Ma première question à M. Haegi consiste à savoir combien de locataires ont demandé des baisses, et combien de baisses ont été accordées ?
Toutefois, il s'agit là d'un aspect secondaire du problème. L'aspect essentiel consiste à savoir à combien de baisses de loyer, le service de surveillance des loyers a-t-il procédé d'office, sachant que le propriétaire a l'obligation d'annoncer les modifications de ses charges.
Il y a trois hypothèses à considérer. Tout d'abord, le loyer ne baisse pas et l'économie d'intérêts profite au propriétaire, ce qui n'est pas conforme au système des loyers subventionnés puisque, dans ce système, le rendement du propriétaire est garanti et ne doit être ni inférieur ni supérieur à ce qui a été convenu. Dans la deuxième hypothèse, le loyer baisse, et c'est le locataire qui en profite. Troisièmement, on ne baisse pas le loyer, mais en lieu et place on réduit la subvention. Je crois me souvenir que, lors de la dernière baisse du taux de l'intérêt hypothécaire, la politique avait été de baisser les loyers lorsque ceux-ci étaient élevés et, en revanche, de baisser les subventions lorsque les loyers étaient modestes. J'aimerais savoir si cette politique est toujours appliquée actuellement.
En résumé, s'agissant des baisses que l'office peut spontanément accorder, j'aimerais savoir combien de dossiers ont été examinés, combien de baisses ont été accordées et si l'office est en mesure d'effectuer ce travail dans des délais raisonnables.
Enfin, je souhaiterais savoir si on tient compte de la surtaxe ou de l'allocation, car il est évident que, si l'on baisse des loyers dans un immeuble où il y a de nombreuses surtaxes, le résultat est une augmentation du produit de la surtaxe, ce qui est peut-être bienvenu pour l'Etat de Genève, mais qui est une opération blanche pour les locataires.
A l'inverse, une baisse des loyers dans des immeubles où de nombreux locataires sont au bénéfice d'allocations a toujours pour effet une opération blanche pour les locataires; mais, en revanche, une telle baisse entraîne un allégement du montant des allocations versées. Voilà, Monsieur le président du Conseil d'Etat, les différentes questions que je souhaitais vous poser.
M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Au mois de décembre dernier, dans le cadre d'une question presque similaire, j'avais signalé que 6 000 dossiers avaient été traités par la direction générale du logement. De 6 000 dossiers au mois de décembre, nous avons passé à 8 500 dossiers, soit 2 500 dossiers supplémentaires. 7 000 logements ont bénéficié d'une baisse de loyer de plus de 5%. La baisse du taux hypothécaire ayant compensé les facteurs de hausse, le loyer de 1 000 logements a été stabilisé.
Ce n'est pas à vous, Monsieur le député, qu'il faut expliquer quelle est la complexité d'un plan financier. Il est évident que le montage financier d'une opération influence directement les loyers, soit les baisses ou les hausses qui peuvent intervenir selon l'évolution du taux hypothécaire.
Monsieur le député, afin que vous ne soyez pas le seul à bien comprendre les mécanismes en question et conformément au règlement, je répondrai par écrit à votre interpellation et ainsi vous aurez la possibilité, avec vos collègues, de voir exactement comment nous procédons dans les différents cas d'espèce que vous avez cités, selon les financements de l'immeuble concerné. Cela vous permettra d'apprécier les conditions dans lesquelles des hausses ou des baisses peuvent être réalisées.
Le président. Nous prenons acte que le Conseil d'Etat répondra par écrit à l'interpellation de M. Moutinot.
La séance est levée à 19 h 35.