République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 décembre 1993 à 17h
53e législature - 1re année - 2e session - 43e séance
PL 7038-A et objet(s) lié(s)
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Le 15 octobre 1993, sous la présidence de Mme Calmy-Rey, la commission de l'énergie et des Services industriels a étudié le projet de loi relatif au budget des Services industriels pour l'année 1994.
Assistaient à la séance, M. Jean-Philippe Maitre, chef du département de l'économie publique, M. Jean-Pascal Genoud, délégué à l'énergie et, pour les Services industriels, M. Louis Ducor, président, assisté de MM. Florio, secrétaire général, Blondin, Rufenacht, Mattacia, Rollier et Wohlend.
1. Introduction
L'article 26, alinéa 3, de la loi sur l'organisation des Services industriels stipule que le Grand Conseil se prononce sur le budget des Services industriels, le 30 novembre au plus tard.
Le conseil d'administration des SIG, qui a préparé le projet de budget 1994, comporte des représentants de presque tous les groupes politiques représentés au Grand Conseil.
2. Avant-propos
L'entrée des commissaires est saluée par un groupe de manifestants, auquel se joignent certains commissaires, scandant des slogans, notamment: «Ducor, t'as tort !».
Avant même l'ouverture des travaux de la commission, Mme Reusse-Decrey fait une déclaration au nom du parti socialiste, du PEG et du PdT, contestant le bien-fondé de la politique énergétique menée par les SIG en ce que, en dépit de l'article 160C de la Constitution genevoise, ils achètent à l'EDF de l'électricité produite partiellement au moyen de l'énergie nucléaire et font des investissements dans l'EOS qui profitent à l'industrie nucléaire.
M. Nissim annonce un rapport de minorité.
Le président du département et plusieurs commissaires rejettent la personnalisation des accusations formulées par les protestataires et en contestent le bien-fondé.
La présidente prend acte de la déclaration des partis socialiste, écologiste et du travail, qui lui ont d'ailleurs adressé une lettre dans le même sens, annonçant qu'ils refuseraient d'assister à cette séance de la commission.
Elle déclare que les travaux de la commission peuvent se poursuivre nonobstant l'absence de certains commissaires. Sur quoi, Mme Reusse-Decrey, MM. Nissim, Schneider et Urben quittent la séance.
3. Travaux en commission -Budget des Services industriels de Genève
M. Ducor indique que les dernières tendances constatées au niveau de la consommation de l'eau et de l'électricité font penser qu'il n'y aura pas d'augmentation en 1994; qu'en revanche, pour le gaz, on attend une croissance de 15 %, notamment en raison d'un contrat conclu avec le CERN.
En ce qui concerne les charges, certains fournisseurs des SIG, dont l'EOS, ont augmenté leurs tarifs.
Il n'y aura pas de modification des frais financiers. Le financement pour 1993-1994 est assuré par des emprunts à 6 %.
En ce qui concerne le personnel, la politique instaurée en 1992 a été maintenue. L'effectif est inférieur de 5 % (70 postes) à celui autorisé par le budget. Cette politique sera maintenue en 1994.
Pour l'instant, la capacité d'autofinancement (70 millions) est insuffisante. Le ratio fonds propres/fonds étrangers est de 30/70 %, alors qu'il se situait, ces dernières années, à 40/60 %.
Les SIG ont fait de gros efforts en matière de politique énergétique et d'entreprise. Dès 1991, une réflexion a été conduite qui va au-delà des objectifs fixés par la Constitution.
Depuis 1980, d'importantes dépenses ont été faites pour renouveler les moyens de production et de distribution: près de 800 millions ont été investis dont 250 millions en 1992.
Des réformes importantes ont été annoncées tout récemment en matière d'application informatique (coût 10 millions), en ce qui concerne le fonctionnement de l'entreprise, la mise en place de nouveaux concepts, la création d'un département intitulé «Marché clients». La presse n'en a retenu que le salaire au mérite.
Ces améliorations sont destinées à rendre l'entreprise plus performante. Elles devraient être achevées avant le déménagement de l'entreprise au Lignon.
En ce qui concerne le budget d'investissement, M. Ducor mentionne la réfection de la station d'élévation de pression de la Florence, la reconstruction de deux puits au plateau de Champel, le bon fonctionnement des nouvelles installations des réservoirs de Bernex. Il espère que la construction d'un réservoir sur la rive droite pourra être entreprise, de même que la construction de l'usine de Vessy.
Quant au service du gaz, une nouvelle conduite sera installée pour le Lignon. Le budget de la dernière campagne publicitaire pour le gaz a été de 600 000 F. On s'efforce de généraliser les installations de gaz dans les immeubles, mais il reste du travail à faire. L'expérience de la pile à combustion est très positive.
Pour le service de l'électricité, un certain nombre d'investissements ont été réalisés:
- galerie de liaison entre Meyrin-Satigny et La Renfile (46 millions);
- Verbois: remplacement d'un poste âgé de 35 ans normalement attaqué par la corrosion. La rénovation de la troisième machine de Verbois est bientôt terminée.
Pour Chancy-Pougny, les crédits ne sont plus au budget, car c'est la société qui a repris les études.
Enfin pour Conflan, le problème va être abordé prochainement en liaison avec la situation de Chancy-Pougny.
Plusieurs questions qui ne sont pas directement liées au budget sont posées par les commissaires. Le chef du département, le président des SIG et ses collaborateurs y apportent des réponses dont on retiendra ce qui suit.
Le Conseil d'Etat a fixé les augmentations des tarifs pour 1993, 1994 et 1995. Les recettes dépendent à la fois du tarif et de la quotité de la fourniture d'énergie, laquelle est liée à la conjoncture.
Il est à souhaiter qu'en 1995, les recettes bénéficient de la reprise économique sans augmentation tarifaire. En l'état, il n'est pas prévu de modifier les chiffres arrêtés pour 1994 et 1995.
Les augmentations tarifaires liées à la suppression de la redevance fixe sont ressenties différemment pour les types d'utilisateurs: ceux qui ont une grosse consommation, qu'ils ne peuvent modifier, sont sérieusement touchés; il n'est pas exclu que des mesures conjoncturelles doivent être prises en faveur de certaines industries en particulier.
La question de la récupération de l'énergie utilisée par le CERN est fréquemment soulevée. L'opinion des SIG est que ce qui s'est dit à ce sujet a été fortement exagéré en ce qui concerne la rentabilité énergétique envisageable.
M. Maitre rappelle, suite à une question relative à la construction de la nouvelle ligne à haute tension que, depuis 17 ans que le projet existe, on perd chaque année 8 % de l'énergie transportée par année en raison du sous-dimensionnement de la ligne.
4. Conclusions
Vu les explications détaillées et les réponses fournies, notamment par le président des SIG et par ses collaborateurs représentant ses différents services, la commission accepte l'entrée en matière du projet de loi 7038 à l'unanimité (3 libéraux, 2 radicaux, 2 PDC, 1 MPG). La présidente ne participe pas au vote
Ensuite de quoi, Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'énergie et des Services industriels préavise également à l'unanimité l'acceptation du projet de loi 7038 approuvant les budgets d'exploitation et d'investissement des Services industriels de Genève pour l'année 1994, conformément aux chiffres suivants:
Budget d'exploitation:
a) recettes: 631 323 050 F
b) dépenses: 638 745 030 F
Budget d'investissement: 167 189 400 F.
Annexes:
1. Compte de résultat prévisionnel de l'exercice 1994 (p. 14 et 15 du budget des SIG).
2. Prévision de trésorerie 1994 (p. 16 et 17 du budget des SIG).
3. Déclaration concernant le budget des Services industriels, vendredi 15 octobre 1993.
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Les commissaires des partis du travail, socialiste et écologiste ont quitté la séance de la commission qui devait être consacrée au budget des Services industriels de Genève (SIG). Nous nous sommes expliqués en partie devant la commission, mais nous devons encore une explication écrite au plénum, c'est la raison du présent rapport de minorité.
Les faits qui ont motivé notre départ remontent aux années 88, 89 et 90, mais nous n'avons pas réalisé leur amplitude ni leur gravité à l'époque, vu l'information restreinte dont ils ont fait l'objet. En effet, en 1988, 89 et 90, un contrat en trois parties fut signé entre EOS et EDF, portant sur un achat très important de courant nucléaire français, achat portant au total sur 1.3 milliards de francs suisses, et sur 300 MW pendant 26 ans, soit jusqu'en 2016. Les représentants genevois au Conseil d'Administration d'EOS ont voté en faveur de ce crédit d'investissement, malgré le fait que l'article 160C de la Constitution, entré en vigueur en 1988, stipule que: «Les autorités cantonales s'opposent par tous les moyens politiques et juridiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires... dans le canton et au voisinage de celui-ci». On peut difficilement soutenir que «s'opposer par tous les moyens» consiste à voter en faveur d'un contrat de 250 millions (la part «genevoise» de ce contrat) dans l'industrie en question !
La réalité économique démontre d'autre part la profondeur de l'erreur des gestionnaires de l'argent de nos factures d'électricité: D'une part la consommation tend aujourd'hui à baisser, ce qui rend bien inutile un tel investissement, surtout à aussi long terme. D'autre part, il faut souligner que le même argent, investi intelligemment dans la création d'emplois dans les économies d'énergie, aurait rapporté presque autant d'énergie, sans pollution due aux déchets radioactifs, et en plus il y aurait eu création de 250 emplois locaux de qualité. Sur la quantité d'énergie qu'on peut «produire» dans les économies d'énergie une étude concrète réalisée à Lucerne montre que les kWh économisés coûtent entre 6 et 20 centimes, alors que le courant que nous achetons à EDF nous coûte 7 ct/kWh environ, selon l'heure et la saison. Les chiffres ci-dessus montrent bien que les économies d'énergie sont en gros presque compétitives par rapport au nucléaire, et n'oublions pas qu'elles ne produisent aucun déchet toxique !
Au surplus, si la réalité économique ne suffisait pas, il nous suffirait de relire la loi sur l'énergie pour nous convaincre de l'erreur profonde de ceux qui ont voté en faveur de ce crédit, MM. Maitre et Ducor en particulier.
Que dit la loi ?
«La présente loi a pour buts:
a) de favoriser un approvisionnement énergétique suffisant, sûr, économique, diversifié et respectueux de l'environnement;»
Le nucléaire est-il respectueux de l'environnement ?
«b) d'encourager les économies d'énergie et son utilisation rationnelle;»
Or le nucléaire a un très mauvais rendement, de l'ordre de 30 %, l'un des plus mauvais en comparaison avec la plupart des processus actuels.
«c) de réduire ou d'éviter la dépendance de certains agents énergétiques importés;»
C'est clairement le nucléaire que nous visions dans cette disposition.
«d) de développer les sources d'énergie indigène;»
Le nucléaire français ne l'est pas.
«e) d'encourager l'utilisation des énergies renouvelables.»
Le nucléaire français ne l'est pas.
Nous constatons donc que les 5 premiers alinéas de cette loi, entrée en vigueur en 1988 également, sont transgressés par cet investissement !
Vous comprendrez bien, Mesdames et Messieurs les députés, notre irritation devant cette politique délibérément pro-nucléaire des SIG. Et notre refus d'entériner un budget qui comprend des dépenses et des recettes liées à ce contrat. Signalons en outre qu'une partie non négligeable de la dernière hausse des tarifs ( 3 fois 6 % en trois ans) est liée aux dépenses entraînées par ce contrat !
Signalons encore qu'en commission, M Ducor nous a dit tout d'abord qu'il avait demandé un avis de droit à ce sujet, et qu'il lui fut répondu que «Fessenheim et Cattenom n'étant pas au voisinage de celui-ci», il pouvait voter cet investissement les yeux fermés. Nous aimerions beaucoup voir cet avis de droit, ne serait-ce que pour rire !
Dans une discussion ultérieure, après que nous ayons réalisé que Malville se trouve aussi couvert par le contrat en question, puisque celui-ci couvre le parc français dans son ensemble, il nous fut répondu par M Ducor que «Malville n'appartient pas à EDF mais à la NERSA», et que donc cette centrale n'est pas concernée par ce contrat. Eclats de rire, le consortium NERSA est propriété à 51 % d'EDF !
Cette politique délibérément pro-nucléaire des SIG, (et vraisemblablement anticonstitutionnelle) se poursuit depuis des années. Et il y a de nombreuses années que nous la dénonçons, par conférences de presse et manifestations diverses, cette politique. Et que nous demandons la démission des responsables, sans beaucoup de succès d'ailleurs. Je voudrais profiter de ce bref rapport pour rappeler les scandales les plus marquants, découverts par nous l'année dernière:
1. Premier scandale
Vous le savez peut-être, les SIG vont déménager leurs bureaux de la rue du Stand, pour s'installer au Lignon. On aurait pu s'attendre à ce qu'ils profitent de cette occasion pour construire un bâtiment exemplaire du point de vue énergétique, pour se conformer à la Constitution, et pour faire avancer la recherche en matière de construction économe en énergie. Or, c'est le contraire qui s'est passé: le nouveau bâtiment des SIG consommera LE DOUBLE de la totalité des bâtiments actuels, toutes énergies confondues ! (consommation actuelle: 11305 MWh/an, consommation du nouveau bâtiment: 22 616 MWh/an, si on additionne chauffage + électricité, d'après les chiffres officiels). Certes, les SIG font valoir que le nouveau bâtiment aura un bien meilleur indice énergétique, vu que sa surface est quadruplée par rapport aux surfaces des bâtiments actuels, (pour le même nombre de travailleurs !!). Mais il n'en reste pas moins que les SIG consommeront 2 fois plus d'énergie pour le même service rendu à la collectivité. De plus, les SIG s'enfoncent dans l'hypocrisie en déclarant pour se justifier qu'en terme de facture énergétique, le nouveau bâtiment ne coûtera pas plus cher que les anciens. C'est peut-être vrai, parce qu'ils bénéficient d'un tarif préférentiel pour le gaz, mais il n'en reste pas moins que le gaz, même payé bon marché, pollue quand même !!
2. Deuxième scandale: Le chauffage électrique
Rappelons pour les nouveaux députés que le chauffage électrique est soumis à un régime d'autorisation exceptionnelle, cela figure dans la Constitution cantonale depuis fin 1986 (garantie fédérale accordée le 20 juin 1988), dans la loi cantonale depuis le 16 septembre 1989, dans le droit fédéral depuis 1992 seulement.
Pourquoi ? Parce que l'électricité est l'énergie la plus «noble» que nous ayons à disposition, et que c'est un gaspillage inconsidéré de l'utiliser pour des usages à basse température comme le chauffage. Pour de basses températures, mieux vaut utiliser les combustibles. Or, les SIG ont continué aussi longtemps que possible, sollicitant toutes les manoeuvres possibles, à accorder des autorisations de raccordement pour le chauffage électrique, précisément parce que celui-ci, à cause de son mauvais rendement énergétique, encourage en fait le nucléaire ! Je vous joins en annexe la réponse des SIG à l'une de nos conférences de presse, dans laquelle nous dénoncions l'autorisation accordée à Satigny, à La Boverie, en 1988, au mépris de la volonté populaire clairement exprimée. Certes, la loi stricto sensu était respectée, puisque la garantie fédérale ne fut accordée qu'après cette autorisation, et qu'au surplus la nouvelle loi ne fut promulguée que 6 mois après l'enregistrement de l'autorisation. Mais quel mépris de la volonté populaire !
On le voit, les achats de courant nucléaire français ne sont qu'un des épisodes de notre longue lutte contre la politique anti-économique et anticonstitutionnelle des SIG. (Pourquoi anti-économique me direz-vous ? Mais oui, souvenez vous du début de ce rapport, je vous disais que chaque million investi dans les économies d'énergie crée un emploi de qualité à long terme, et 2 500 000 kWh/an, ce qui fait qu'une économie basée sur l'utilisation rationnelle de l'énergie comme celle du Japon, qui consomme 30 % de moins d'énergie par habitant que l'Europe, tourne mieux qu'une économie basée sur le gaspillage. Aux USA par contre, qui consomment 2 fois plus par habitant que nous, la productivité est bien moindre ! Pensez-y, Mesdames et Messieurs les députés libéraux, pour une fois nous sommes en train de vous proposer une politique qui crée des emplois, qui renforce notre compétitivité et qui dynamise notre économie !).
Le double mandat des Services industriels
M Ducor nous a avoué une fois en commission que pour lui le mandat essentiel des SIG était celui des articles 158 et suivants, qui obligent les SIG à fournir à la demande. L'article 160C, qui leur recommande d'économiser passe après, dans la mesure où il est partiellement contradictoire avec le premier. Selon nous, il n'y a pas contradiction entre ces 2 articles de la Constitution: C'est précisément en limitant le gaspillage, en se battant pour augmenter le rendement des appareils, qu'il sera possible à long terme de fournir toujours assez. En limitant nos besoins, on accroît la sécurité de l'approvisionnement. Quand à la question de l'équilibre budgétaire, et du taux d'autofinancement de l'entreprise, il faudra bien admettre un jour que des kWh «propres» (or les kWh les plus propres sont les kWh économisés !) valent plus cher que des kWh nucléaires; le public sera prêt à en payer le juste prix en constatant que sa consommation baissant, ses factures restent raisonnables.
(Au surplus, dois-je vous le rappeler ? le nucléaire produit des déchets radioactifs impossibles aujourd'hui à gérer, des déchets dont personne ne veut, des centrales qui deviendront un jour des sarcophages radioactifs terriblement toxiques et mortels, des déchets et des centrales dont nos descendants auront à s'occuper, s'ils n'oublient pas où ils se trouvent, afin que leurs enfants n'aillent pas jouer sur des cimetières radioactifs...).
La politique du personnel
Il me reste encore à évoquer brièvement, dans ce rapport, la politique du personnel des SIG. Il semble que l'embauche d'apprentis ait été ralentie, ce qui laisse mal augurer de la suite, de la formation, de la relève. L'introduction du salaire au mérite, aussi, pose problème: traditionnellement, la droite aime bien le salaire au mérite, parce qu'il motive les travailleurs; la gauche ne l'aime pas, parce qu'il est élitaire. N'y a-t-il pas moyen de prendre les avantages sans subir les inconvénients ? En ne l'appliquant, par exemple, que sur demande ? Qui pourrait apprécier les mérites du patron, selon quels critères ? Autant de questions que nous n'avons pu poser en commission, et que nous voudrions évoquer brièvement en plénière.
Les terrains de la rue du Stand
Ces terrains ont été vendus très cher par les SIG, si cher qu'il sera impossible de construire du logement social à cet endroit. Un de mes collègues a calculé que la charge foncière représentera 500 F par mois pour un 4 pièces, ce qui est assez cher !! Au lieu de spéculer sur les terrains, les SIG ne pourraient-ils pas envisager de monter le prix de leur courant de 1 ct. environ, ce qui leur rapporterait la même somme, encouragerait les économies et ferait un joli cadeau à la collectivité sous forme de logements sociaux ?
Cleuzon-Dixence
Vous avez tous entendu parler de ce méga-projet, la béquille du nucléaire français, qui sert à pomper la nuit du courant nucléaire, pour le restituer à bon prix le jour. Le rendement global de ce projet est de 21 %, si on compte 33 % pour le rendement du nucléaire et 70 % pour le rendement des pompes. 1 milliard investi pour aider le nucléaire français, et ramasser au passage quelques bénéfices douteux, cela vaut-il la peine ?
Pour toutes ces raisons, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce budget des SIG, afin de les obliger à respecter un peu mieux dans leur nouveau budget, le mandat populaire.
Annexes mentionnées.
ANNEXE 1
ANNEXE 2
Premier débat
M. Bernard Annen (L), rapporteur ad interim. A la lecture du rapport de mon collègue Nissim, un seul adjectif m'est venu à l'esprit : «outrageant». Je pense, chers collègues, que le peuple a eu la même réaction que la mienne et qu'il a sanctionné votre groupe, comme il le méritait, aux dernières élections. (Manifestation de réprobation.)
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je ne voulais outrager personne, même pas M. Annen ! Je tiens seulement à exprimer ce que j'ai sur le coeur. Depuis que j'ai rédigé ce rapport, il m'est arrivé un malheur supplémentaire.
Une voix. Oohh !
M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. J'ai vu pendant cinq minutes, sur une des chaînes de la télé, une émission sur les 13 000 enfants de Tchernobyl qui se sont retrouvés à Cuba. Je n'ai même pas compris s'ils se trouvaient dans un sanatorium et si on les soignait. J'ai seulement eu le temps de voir quatre ou cinq gamines de 12 ou 13 ans qui n'avaient plus de cheveux, qui étaient comme vous, Monsieur Annen, mais pas pour les mêmes raisons ! (Grands éclats de rires et applaudissements.) Je ne sais pas si cela était dû à la chimiothérapie ou aux séquelles du cancer. Une de ces adolescentes disait qu'elle voulait devenir danseuse. Cela m'a fait tellement mal que j'ai éteint la télévision et que j'ai préféré ne pas regarder la suite de l'émission.
Je suis convaincu avec vous, Monsieur Annen, qu'aucun de nous ne peut vouloir pour nos enfants ce qui est arrivé aux enfants de Tchernobyl. La population genevoise a voté à cinq reprises à ce sujet. Deux fois en 1979 pour exprimer le rejet du nucléaire, une fois en 1986 pour «Energie : notre affaire» dont le vote s'est exprimé une fois de plus contre le nucléaire et deux fois en 1990 avec les deux initiatives jumelles dont les résultats étaient défavorables au nucléaire. La population genevoise, comme vous, j'en suis convaincu, est, en gros et en majorité, antinucléaire. Lorsqu'elle vote, au moins le jour où elle vote, elle est conséquente avec ses idées et elle est prête à payer le prix de ce vote antinucléaire. Ce que les gens disent, ce que les gens pensent, ce qu'ils sentent confusément parce qu'ils ne connaissent pas les chiffres dans les détails, c'est qu'ils sont prêts à payer le prix.
Moi je sais, parce que je suis ingénieur, que le kilowattheure nucléaire français est importé grosso modo par les SI à 7 centimes, suivant les heures, etc. Par contre, en effectuant un couplage chaleur/force, le kilowattheure se paye entre 16 et 18 centimes. Si vous économisez du courant le kilowattheure se paye entre 10 et 20 centimes. C'est cela le supplément à payer pour se passer du nucléaire, quelques centimes par kilowattheure ! Bien sûr, comme vous en consommez tous beaucoup, cela représente une certaine somme à la fin du mois, mais la population était prête à payer ce prix lorsqu'elle a voté antinucléaire. En tout cas, je veux le croire !
La grosse question qui se pose à nous depuis très longtemps avec les Services industriels est que ces derniers ne sont pas prêts à respecter cette volonté populaire. Je tiens à vous rappeler de mémoire un tout petit article de «Energie : notre affaire» qui est en vigueur depuis sept ans maintenant et qui stipule : «...les autorités cantonales s'opposent par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition à la construction de centrales nucléaires dans le canton et au voisinage de celui-ci.».
Cela veut dire que les Services industriels et nous, Grand Conseil, devons nous y opposer par tous les moyens juridiques et politiques à notre disposition. C'est ce que fait très bien M. Haegi lorsqu'il se déplace à Paris pour supplier les Français de ne pas remettre Malville en marche. M. Haegi fait son travail de conseiller d'Etat.
Certaines personnes ne sont pas d'accord, aux Services industriels, avec le mandat populaire de l'article 160 C, et votent régulièrement, même après l'adoption de cet article, des sommes faramineuses. EOS a pris la décision en 1988, 89 et 90, d'investir grosso modo 1 milliard 300 millions. La part des Services industriels dans cet investissement est de 250 millions et M. Ducor a voté dans ce sens en 1990, alors que le vote de la population genevoise était clair. Nous prétendons qu'il n'est pas possible de continuer comme cela, alors que nous connaissons des alternatives possibles même si elles sont un peu plus onéreuses. On ne peut pas continuer à investir votre argent, (M. Nissim appuie sur : «votre».) Mesdames et Messieurs les députés, dans des entreprises anticonstitutionnelles.
De plus, cet investissement de 250 millions est également antiéconomique pour plusieurs raisons. En 1990, nous avons signé un contrat qui nous engage jusqu'en l'an 2016 à importer 300 mégawatts supplémentaires de courant nucléaire français. Or, il s'avère qu'en raison de la conjoncture nous consommons de moins en moins chaque année, ce qui signifie que nous n'avons pas besoin de ces 300 mégawatts supplémentaires. Mais nous sommes engagés par contrat à continuer à les importer et à les payer jusque-là. Même d'un strict point de vue capitaliste, c'est donc un mauvais investissement. Aujourd'hui, n'importe quel économiste vous dirait qu'il regrette d'avoir investi autant d'argent, votre argent !
Ce point s'ajoute aux raisons qui sont stipulées dans mon rapport de minorité, qui n'a rien d'outrageant, Monsieur Annen. C'est le non-respect de la volonté populaire qui est outrageant ! C'est que les Services industriels continuent à investir bêtement et à gaspiller l'argent des contribuables dans des décisions anticonstitutionnelles qui est outrageant !
Je demanderai une fois de plus à M. Maitre - c'est la quatrième fois que je le demande, mais je persiste - de me faire parvenir l'avis de droit qu'un avocat a «pondu» - M. Ducor nous en a parlé en commission - lequel, paraît-il, l'a autorisé à investir de cette manière. Je tiens à l'obtenir, ne serait-ce que pour pouvoir «rigoler» ! Comment un avocat a-t-il pu «pondre» un avis de droit permettant à M. Ducor d'investir une telle somme dans le nucléaire français, alors que c'est contraire à la constitution qui stipule : «...s'oppose par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition.». C'est tout à fait fou ! Je voudrais bien voir cet avis de droit, Monsieur Maitre !
M. Bernard Annen (L), rapporteur ad interim. M. Nissim a l'habitude de prendre des raccourcis à sa manière. Il est tellement convaincant que j'en arrive presque à le croire !
Sa dernière phrase est significative à cet égard. Il prétend que l'investissement de 250 millions est un viol de la constitution sous prétexte que les autorités cantonales doivent utiliser tous les moyens politiques et juridiques à leur disposition. Ce faisant, il vous laisse supposer qu'il y a une suite. La suite, je vais vous la lire, puisqu'il l'a écrite. C'est vrai que c'est un monsieur honnête, je le connais depuis longtemps. Il écrit : «...s'oppose par tous les moyens politiques et juridiques à disposition à l'installation de centrales nucléaires», Monsieur Nissim !
Vous connaissez la constitution comme moi. La constitution oblige les Services industriels à fournir de l'énergie. Monsieur Nissim, nous sommes d'accord sur un point : la qualité de la vie. Dans «qualité de la vie», il y a le mot «vie». Or la vie aujourd'hui, ce sont les emplois, la vie aujourd'hui, c'est l'énergie. Alors, ne vous opposez pas à tout systématiquement, vous savez très bien que la consommation d'énergie à Genève provient de l'énergie nucléaire dans une proportion de 40%. Si vous supprimiez cette énergie demain, je vous laisse imaginer ce qui se passerait à Genève sans ces 40% !
Cela étant, je voudrais revenir sur deux petites choses. Monsieur Nissim, vous dites que le Conseil d'Etat et M. Ducor transgressent la loi. Vous demandez notamment si le nucléaire est respectueux de l'environnement. Alors, Monsieur Nissim, je vous pose une question. Les centrales thermiques respectent-elles mieux l'environnement qu'une centrale nucléaire ? Certes, vous avez raison de citer Tchernobyl et on en entendra parler encore longtemps. J'aimerais quand même que par honnêteté vous disiez où se trouve cette centrale. Vous pourriez également dire que dans ce pays il y a d'autres centrales tout aussi dangereuses que celle de Tchernobyl. Mais reconnaissez que les centrales d'Europe occidentale ne présentent pas les mêmes dangers que celle de Tchernobyl. Il me semble donc que les raccourcis que vous utilisez sont largement exagérés.
En ce qui concerne l'encouragement aux économies d'énergie, Monsieur Nissim - je vous l'ai déjà dit plusieurs fois dans ce parlement - les associations que vous défendez s'opposent depuis de nombreuses années, dix ans en tout cas, à l'installation de la ligne de 400 kilovolts que vous connaissez bien. Nous savons que la déperdition de ces lignes pourrait alimenter une ville comme Onex - vous voyez que M. Nissim est honnête, puisqu'il acquiesce - en matière d'énergie.
Je crois que nous ne pouvons pas avoir deux langages. Nous devons essayer - nous l'avons fait à maintes reprises ensemble - de trouver l'équilibre entre ce qui peut être fait ou non. Nous vous avons soutenu lorsque vous avez proposé de promouvoir l'énergie solaire, et en matière de géothermie également. Ce n'est tout de même pas de notre faute si ces deux sources d'énergie n'ont pas donné les résultats escomptés, pour l'instant en tout cas. Enfin, tous vos milieux s'opposent à l'énergie électrique produite par les usines hydroélectriques. Alors, il ne faut pas tenir deux discours contraires. Il faut essayer de construire ensemble, mais ne continuez pas sur cette voie. Je pense, effectivement, qu'il est outrageant de condamner M. Ducor et M. Maitre, alors que vous savez très bien qu'ils répondent aux responsabilités qui sont les leurs et qui sont prévues par la constitution, consistant à approvisionner ce canton en énergie.
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, Messieurs les députés...
Des voix. Mesdames !
M. Pierre Vanek. ...et Mesdames, excusez-moi ! Je prévoyais de commencer par là, mais j'ai été polarisé par les deux messieurs au centre. Si j'avais eu une dame en face... Excusez-moi, Mesdames !
Je voudrais répondre aux propos de M. Annen qui me semblent sinon outrageants, en tout cas «à côté de la plaque», et je reste poli !
Une voix. ...de la plaque électrique !
M. Pierre Vanek. ...de la plaque électrique, ouais !
Au sujet de la sanction populaire du vote, je signale que je suis ici en bonne partie parce que des électeurs ont voulu que la voix des antinucléaires soit entendue dans ce parlement. (M. Vanek est interrompu et le président remet de l'ordre.) Je signale aussi que je ne suis pas le seul. Pour ce qui est de Contratom qui mène depuis six ou sept ans une activité intense pour que soit appliqué l'article 160 C de la constitution, nous sommes quatre ou cinq membres du comité à nous trouver ici et à avoir été portés par le suffrage universel, lequel, comme l'a indiqué mon collègue M. Nissim, a systématiquement condamné les positions de ceux qui voulaient persister dans la voie du nucléaire.
Certes, 40% de notre approvisionnement énergétique provient du nucléaire. Nous pouvons en tirer deux conclusions différentes : soit qu'il est bien dommage d'être obligé de passer par cette voie, et d'arrondir les angles un peu gênants de cet article 160 C de la constitution, soit, au contraire - et c'est ma position- qu'il faut agir avec une extrême énergie...
Des voix. Aahh !
M. Pierre Vanek. Oui, il faut agir avec une extrême énergie - et je vous promets que nous n'en manquerons pas - pour pouvoir se donner les moyens d'en sortir dans les délais qui nous sont impartis par le moratoire nucléaire voté, cela sans être précisément pieds et poings liés au nucléaire. C'est une première réponse aux propos de M. Annen.
M. Annen a bien voulu nous faire la leçon en reprenant la phrase de la constitution citée par M. Nissim, et en faisant remarquer qu'il s'agissait de s'opposer à l'installation de toute centrale nucléaire. Nous avons déjà eu toute une polémique à ce sujet. J'ai souvenir des débuts de la campagne de Contratom contre Malville pendant laquelle Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat, président du département - ici présent et j'en suis heureux - nous expliquait avec beaucoup de finesse juridique que l'on ne pouvait pas s'opposer à Creys-Malville parce que la constitution prévoyait de s'opposer aux installations à venir mais non à celles déjà effectuées, et que, par conséquent, on ne pouvait rien faire.
Je crois que cette interprétation a été «liquidée» par les faits et qu'un consensus juridique et politique existe sur le fait que cet article veut bien dire que l'on doit s'opposer aux installations nucléaires qui nous fournissent du nucléaire. Alors je regrette que M. Claude Haegi ne soit pas présent, parce que j'étais avec lui à Paris en mai 1992 devant une commission du parlement français qui nous a auditionnés. Je salue - comme l'a fait mon ami Nissim - le brio avec lequel il s'est opposé à Creys-Malville. Je dois dire que ces messieurs les «nucléocrates» français lui ont dit, je résume : «Vous êtes drôle, vous condamnez Creys-Malville et par ailleurs vous importez du courant français !». Il s'en est sorti avec cette aisance rhétorique que vous lui connaissez, mais il est vrai qu'il y a un problème, voire une contradiction.
Or, lorsque nous avons mis le doigt sur l'investissement dans le nucléaire français, M. Ducor a écrit une lettre, dont vous avez peut-être eu connaissance, indiquant que ces importations venaient du parc nucléaire français, mais pas de Malville et en dehors d'EDF. C'est une grossière méconnaissance des faits. En effet, Creys-Malville appartient à la NERSA dont la majorité des actions sont détenues par EDF. L'argument essentiel des représentants d'EDF pour faire démarrer Malville, c'est d'avancer que cette installation a été payée fort cher et qu'il faut absolument amortir cet investissement en produisant du courant, sans tenir compte des risques encourus.
Le problème est donc aigu. Il est évident que nous ne pouvons pas du jour au lendemain nous passer de ce courant et qu'il est scandaleux d'investir des sommes aussi faramineuses sur une durée si longue, un quart de siècle, ce qui nous porte à 2016. Ces sommes devraient être investies à Genève dans des économies d'énergie, dans ce que les Américains - et MM. les libéraux qui aiment se référer à l'Amérique feraient bien de voir ce qui s'y fait - appellent la production de négawatts. Cela veut dire que les investissements se font dans les économies d'énergie, car, à long terme, surtout en tenant compte des coûts cachés, cela revient meilleur marché. L'argent devrait être investi dans une source d'énergie indigène qui donnerait du travail, ici et maintenant, à Genève.
M. Bernard Annen, rapporteur ad interim de majorité. Je n'ai pas compris !
M. Pierre Vanek. Ecoutez, je veux bien répéter si on rallonge mes dix minutes ! (Réflexions et quolibets fusent.) Je répète pour M. Annen qui a de la peine à comprendre !
En ce qui concerne les déperditions de la ligne à très haute tension, il est évident que, si une augmentation de la consommation est programmée à long terme, il faut l'augmenter pour que le rendement soit meilleur et que les pertes soient moindres. Mais si on programme, comme on doit le faire, une baisse de la consommation - elle est d'ailleurs en train de baisser, vous le savez, mais pour d'autres raisons - les investissements doivent se faire ailleurs. Est-il si délirant, ou si outrageant, de remettre en cause ces investissements ? J'ai eu le plaisir de recevoir - M. Maitre vous le confirmera - un téléphone...
Des voix. Aahh ! C'est un scoop !
M. Pierre Vanek. Non, ce n'est pas un scoop ! Je l'ai déjà dit, cela a été écrit dans certains organes de presse que vous ne lisez apparemment pas ! Je vous recommande la lecture du «Courrier» qui est très bien renseigné. J'ai donc eu un téléphone de M. Maitre, par lequel il déplorait que l'on personnalise le débat et qu'on le rende responsable de cette décision douteuse...
Une voix. M. Ducor aussi !
M. Pierre Vanek. M. Ducor aussi ! (M. Vanek est interrompu.) Monsieur le président !
Le président. Monsieur Vanek, il vous reste une minute !
M. Pierre Vanek. D'accord ! Alors, je vais être bref !
Une voix. T'auras des prolongations !
M. Pierre Vanek. Effectivement, je devrais avoir droit à des prolongations !
Donc, M. Maitre m'a exprimé son regret que le débat soit personnalisé, qu'effectivement il y avait un problème majeur, qu'il était d'accord de rendre publics les avis de droit sur cette question - c'est une réponse à M. Nissim - et que, personnellement, s'il avait dû se prononcer sur cette décision - je reproduis ses propos - il se serait probablement abstenu. Or nous avons mis le doigt sur un problème qui existe et on ne peut pas se contenter de le rejeter en disant que c'est outrageant, que ce sont des bêtises et que c'est Chaïm Nissim qui délire ! Le problème est là, il est aigu et je pense que tant qu'il ne sera pas clarifié, il sera impossible, pour des gens conséquents, d'appuyer la continuité du fonctionnement des Services industriels dans ces conditions et le budget des Services industriels par la même occasion.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président, vous êtes le seul à prononcer mon nom comme on le prononçait dans mon pays quand j'étais petit !
Je tiens à apporter deux ou trois réponses à M. Annen. La part du nucléaire importée est effectivement de 40%. La question dont on discutait en 1990 était d'importer 300 mégawatts en plus de ces 40%, alors que nous n'en avons pas besoin aujourd'hui puisque notre consommation est en baisse. Cet investissement est donc irrationnel. Nucléaire ou gaz, lequel est le plus polluant ?
Une voix. Mazout !
M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Moi, je ne le sais pas, mais ce que je sais c'est que le mazout ou le gaz ne provoquent pas de déchets radioactifs qui restent, précisément, actifs pendant des centaines de milliers d'années, Monsieur Annen. C'est vraiment très grave !
En ce qui concerne la ligne THT, il est évident que si on la construisait, on économiserait la quantité de courant utilisée par la ville d'Onex. C'est d'ailleurs pourquoi, après des années de bagarres, nous avons accepté la construction de cette ligne THT, à l'exception d'un tout petit tronçon qui va du CERN 2 à Verbois. C'est un tronçon inutile puisque Verbois n'a pas de centrale nucléaire !
Vous dites qu'il y a une contradiction entre l'article 158 et l'article 160 C de la constitution. Il n'y a pas forcément de contradiction. On peut très bien dire que pour respecter l'article 158, pour pouvoir toujours fournir, il faut faire des économies. En effet, si vous avez des robinets toujours ouverts au bout de tuyaux qui s'allongent et qui se multiplient de plus en plus, au bout
d'un an vous n'aurez plus assez d'eau. Si, par contre, vous apprenez aux gens à fermer les robinets quand il le faut, à éteindre la lumière lorsqu'ils ne sont pas là, nous serons toujours sûrs d'avoir assez d'eau...
M. Bernard Annen, rapporteur ad interim de majorité. D'eau ou de lumière ?
M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. C'était une analogie, une parabole ! Je voulais dire que les économies d'énergie permettent de fournir du courant à long terme. Par contre, si vous n'économisez pas, vous ne pourrez plus fournir au bout d'un certain temps.
M. Rebeaud m'a apporté un exemplaire de la constitution et j'ai oublié de vous en faire part. C'est super bien trouvé ! Article 6, les investissements énergétiques des collectivités publiques s'inscrivent dans les objectifs du présent article.
M. Bernard Annen, rapporteur ad interim de majorité. Je n'ai jamais dit le contraire !
M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Mais si ! Vous prétendiez tout à l'heure qu'il fallait faire une différence entre une centrale déjà installée et une nouvelle installation. Mais oui, Rebeaud, vous soulignez un article en rouge ! Les investissements énergétiques s'inscrivent dans les buts du présent article. Vous n'avez donc pas à investir 250 millions dans le nucléaire français ! C'est écrit là, lisez, Monsieur Annen ! (Rires.)
M. Max Schneider (Ve). La maffia du nucléaire est présente. (Manifestation de réprobation.) La maffia du nucléaire s'est implantée en Russie et elle commence à vendre du plutonium partout dans le monde. Un jour peut-être la verrons-nous, ou nos enfants la verront-ils ! Je pense que cette maffia va bien encourager les terroristes. C'est ce qui se cache derrière les centrales nucléaires, Monsieur Annen ! Vous posez la question de savoir ce qui est plus dangereux d'une centrale nucléaire ou d'un couplage chaleur/force en utilisant le mazout ou le gaz. C'est le véritable débat qui nous touche aujourd'hui, puisque le ministre de l'énergie et de l'industrie russe, qui est venu au parlement européen, a dit qu'il ne pouvait plus contrôler les ventes d'uranium, car, comme personne ne veut aider la Russie financièrement, ils se voient obligés de vendre ces produits. C'est reconnu officiellement.
Il existe une véritable maffia du plutonium sur cette terre. C'est très dangereux, car cette politique gagne nos pays. La banalisation du danger du nucléaire est très néfaste. Nous ne pouvons passer outre et il faut prendre des mesures ! S'il y a eu des erreurs dans le passé, il faut changer de politique. Les émissions de CO2 qui augmenteraient certainement si on utilisait des couplages chaleur/force - des études l'ont démontré - devraient être contrôlées et rester stables si on diminue dans le même temps les émanations des transports. Cela est donc possible sur le plan de l'environnement.
Le 9 novembre 1990, nous avions déjà relevé dans un rapport de minorité que j'avais écrit un «investissement scandaleux». Je remercie beaucoup M. Chaïm Nissim de soulever à nouveau ce point avec toute sa fraîcheur et son humour. Nous avons fait un investissement erroné en France. Aujourd'hui, nous avons besoin de cet argent à Genève pour recréer des emplois dans les économies d'énergie. 250 millions injectés dans ce secteur produiraient tout autant que cet investissement tout en apportant des emplois. Nous avons des électriciens, des petits artisans qui pourraient être employés dans ce secteur si on avait su le développer, tout cela sans toucher quoi que ce soit de la Confédération. Cela diminuerait le gaspillage énergétique et permettrait d'obtenir un meilleur rendement de la consommation actuelle.
Il n'est peut-être pas trop tard, grâce aux grands juristes que nous avons au Conseil d'Etat et à l'Etat, pour tenter de récupérer cet argent. Je ne fais aucun procès d'intention, ni à M. Maitre, ni à M. Ducor. Je leur demande simplement de tout faire pour récupérer l'argent que nous avons «donné» à la France.
Je crois que l'exemple des 13 000 enfants de Tchernobyl - comme Chaïm Nissim l'a souligné tout à l'heure - a plus de valeur que ces 250 millions. Je l'ai souvent dit en commission, et je le répète ici en plénière, il ne faut pas investir dans un pays où un accident semblable pourrait se produire mettant la vie d'enfants en danger, tout cela parce que des Suisses ont voulu acheter du courant en France. La vie des enfants vaut beaucoup plus que ces 250 millions, même la vie d'une dizaine d'enfants, que ce soit à Fessenheim, au Bugey ou même à Creys-Malville. Je crois qu'il n'est pas trop tard. Il n'est pas trop tard ! C'est du reste notre devoir, durant ces prochaines années, de récupérer cette somme pour l'investir à Genève qui en a grandement besoin. C'est par là qu'il faut commencer.
La vie c'est l'énergie, comme vous l'avez dit, Monsieur Annen, ou l'énergie c'est la vie, mais la vie doit être de qualité et il faut la défendre.
En ce qui concerne ces 250 millions, nous avons quitté la commission des Services industriels - le groupe du PDT, les socialistes et les écologistes - en raison du manque de discussion flagrant à ce sujet. L'article de la constitution encourage les économies d'énergie et la lutte contre le nucléaire, et on investit dans le nucléaire, pendant que, à Genève, les électriciens rencontrent de gros problèmes alors qu'ils pourraient bénéficier de l'énorme potentiel du canton de Genève. Cest grave ! Dans le canton de Vaud une petite compagnie d'électricité fait faillite. Bref, nous faisons tout à l'envers !
Mon grand souhait est que les sept membres du nouveau Conseil d'Etat, avec tout le dynamisme qu'ils veulent injecter dans l'économie genevoise, puissent récupérer l'argent versé à la France et le réinvestir à Genève. C'est peut-être utopique, mais je me battrai pour cela. C'est un acte de solidarité que nous devons avoir vis-à-vis de nos amis français qui sont très choqués que la Suisse investisse 250 millions, soit 1 milliard 300 000 pour l'EOS. Les écologistes européens ne comprennent pas non plus notre attitude et le jeu de notre canton qui se prétend antinucléaire et qui se fait «rouler» dans cette affaire. Il y a pour le moins une désinformation choquante de la population. En effet, personne ne connaît l'investissement énorme qui a été fait en France, alors que nous avons besoin de cet argent. Nous souhaiterions beaucoup plus de transparence dans les prochaines années.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). En préambule, j'aimerais réaffirmer un point. Nous sommes en train - il faut peut-être le rappeler - de parler du budget des Services industriels et, si nous refusons même d'entrer en matière sur ce budget, ce n'est pas une question de chiffres, ni de remise en question ou doute sur la comptabilité, mais bien une décision politique.
Depuis un certain nombre d'années, nous faisons des efforts de discussion, de dialogue et de nombreuses propositions. Nous avons alerté les autorités. Nous avons conclu il y a quelque temps une «paix de l'énergie» avec M. Maitre et ses services. Nous avons assisté à de nombreuses séances pour lesquelles nous n'avons rien touché - j'aimerais quand même le souligner - afin de défendre notre cause, mais les résultats ont tous été à peu près nuls. Alors, il est vrai, nous avons dû organiser des conférences de presse pour dénoncer ce qui se passait. Mais les Services industriels donnent l'impression d'être engagés sur un rail, comme une machine qui avance à toute vitesse et qui n'est plus capable de modifier sa trajectoire.
Les exemples cités dans le rapport, Monsieur Annen, ne sont pas outrageants, ce sont simplement des réalités explicites et les derniers étant gravissimes, nous avons jugé que cela suffisait. C'est pour cela que nous avons quitté la séance prévue pour débattre du budget et refusé d'entrer en matière.
Nous avons parlé tout à l'heure de chiffres pour comparer le coût de l'énergie nucléaire à celui d'autres provenances énergétiques. En affirmant que le courant nucléaire est meilleur marché, Monsieur Annen, vous oubliez le coût provoqué par la gestion des déchets. Je vous donne un chiffre. La CEDRA, à l'heure actuelle, a consacré 450 millions de francs uniquement à la recherche d'un site. Elle ne sait toujours pas quoi faire de ces déchets et ne sait toujours pas ce que ça lui coûtera. Il faudrait ne pas oublier de comptabiliser ces dépenses dans les coûts de l'énergie nucléaire.
Un dernier point enfin : lors de la dernière séance, nous avons parlé de la constitution suite à l'incompatibilité de certains députés élus. Nous avons alors déclaré très clairement que nous n'étions pas d'accord avec ce principe et nous pensions que le peuple avait tort, mais qu'en tout état de cause la démocratie et le choix du peuple devaient être respectés. Nous étions prêts à suivre la décision du souverain. Nous continuerons à nous battre pour essayer de changer la constitution dans ce domaine, mais, en attendant, nous la respectons.
Ce soir, je vous demande la même chose, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, respectez la constitution, même si elle ne vous plaît pas, même si lors de la campagne sur le nucléaire vous vous êtes battus contre cet article. Aujourd'hui il est là, c'est un choix du peuple, et comme nous l'avons fait à la dernière séance sur un autre sujet, nous vous demandons, ce soir, de respecter la constitution et de prendre conscience que, à travers certains actes politiques, les Services industriels violent cette dernière.
Nous ne demandons pas que les Services industriels cessent tout investissement demain et bloquent toute importation de courant nucléaire. Il est évident que nous en avons besoin. Nous aimerions simplement que les Services industriels tentent par tous les moyens - comme cela est stipulé dans la constitution - de diminuer ces importations, ce qu'ils ne font pas pour l'instant.
M. Michel Balestra (L). A la lecture du rapport de minorité de M. Chaïm Nissim, la première question que je me suis posée a été celle-ci : pourquoi l'Alliance de gauche, le parti socialiste et le parti écologiste continuent à revendiquer des sièges au conseil d'administration des SI.
M. Pierre Meyll. Pour le contrôler ! (Rires.)
M. Michel Balestra. Et puis, tout de suite après, une autre question m'est venue à l'esprit : pourquoi l'Entente majoritaire les leur donne ?
Plaisanterie mise à part, Monsieur Nissim, il est vrai que la constitution précise que les autorités cantonales doivent s'opposer par tous les moyens politiques et juridiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires dans le canton et au voisinage de celui-ci. Mais avant tout - nous l'avons déjà dit ce soir - et c'est le mandat le plus important, EOS et les SI ont l'obligation de garantir l'approvisionnement en électricité de notre canton. Reconnaissez que cette obligation est nécessaire, voire même indispensable. Imaginez l'industrie arrêtée, les ménages privés d'électroménager, l'hôpital fonctionnant sur générateur... (Manifestation houleuse des bancs de la gauche.) ...Bref, pour employer un mot très vaudois : «le petchi» !
Ce que vous proposez - cela vous prouve que j'ai lu votre rapport dans le détail - ce sont des économies d'énergie qui, selon vous, reviennent moins chères que l'énergie produite. Or vous savez - reconnaissez-le - que 40% de notre consommation électrique sont d'origine nucléaire. Je me refuse à croire, Monsieur Nissim, que selon votre raisonnement, ayant constaté que deux ans de croissance zéro - ce que vous souhaitiez ici, dans cette enceinte, il y a quelques années - avait permis d'économiser 4% d'électricité, vous êtes en train de nous déclarer ce soir qu'il faudrait une décroissance de 10% pour arriver à ne plus avoir de production électrique nucléaire. Mais je vous rappelle qu'avec une croissance zéro il y a déjà 16 000 chômeurs et que nous devons faire quelque chose pour eux. Imaginez la catastrophe qu'induirait une décroissance de 10% !
Alors, soyez sérieux ! Regardez la réalité en face ! L'électricité est une composante indispensable de l'industrie et du standard de qualité de vie que souhaitent les citoyens genevois.
Quant à vos critiques sur la connotation élitaire du salaire au mérite, elles sont adorables et sympathiques comme vous. Mais figurez-vous que les employés qui s'engagent dans une entreprise souhaitent être reconnus. Lorsque l'on parle de salaire au mérite, il ne s'agit pas de pénaliser mais, bien au contraire, de mieux récompenser ceux qui le méritent. Cela n'est pas élitaire, mais simplement juste et logique. Vous reconnaissez dans votre rapport, Monsieur Nissim, que le gaz naturel pollue. J'aimerais de tout mon coeur que, comme vos collègues américains, vous franchissiez encore un pas et reconnaissiez que le nucléaire pollue moins que le gaz et que vous deveniez comme eux des promoteurs de ce type d'énergie.
Quant à lui, M. Schneider prétend résoudre le problème du CO2 en arrêtant le trafic automobile et le trafic routier. Je pense qu'il veut que nous transformions le parc automobile et le trafic routier en automobiles et camions électriques qui seraient, eux, alimentés avec de l'énergie nucléaire. On pourrait ainsi produire de l'énergie au gaz pour les ménages. Enfin, bref, on n'en sort pas ! Rien ne se trouve, rien ne se perd ! Nous avons une consommation électrique globale. Deux ans de croissance zéro ont permis 4% d'économies, nous avons 40% d'importation nucléaire, le reste c'est de la poésie. Les SI ne sont pas parfaits, ils sont comme vous et moi, c'est-à-dire perfectibles. En attendant ils sont utiles, nécessaires et indispensables. Ils ont besoin d'un budget, c'est pourquoi nous voterons le rapport de minorité...
Une voix. ...de majorité ! (Hurlements de rires et applaudissements.)
M. Pierre Vanek (AdG). Les choses sont tout à fait claires. M. Balestra a eu le gros mérite de les clarifier. Il a lui-même reconnu qu'il y a deux articles dans la constitution, l'article 158 et l'article 160 C, mais que l'un des deux est plus sérieux et plus important que l'autre et qu'il faut le respecter à tout prix.
Je ne suis pas juriste, comme vous l'avez peut-être remarqué, mais je crois que l'interprétation de M. Balestra est inexacte. Il y a deux articles de la constitution qui ont et qui doivent avoir un poids parfaitement égal. J'affirme qu'il est possible de respecter ces deux articles. C'est du reste dans ce sens que j'ai posé ma candidature au conseil d'administration des SI, candidature que vous avez refusée. Pourquoi admet-on encore des socialistes dans ce conseil d'administration ? Je pose une autre question : pourquoi y admet-on des gens qui disent au parlement qu'il y deux articles dans la constitution, mais que seul doit être respecté l'article 158 ?
C'est faux ! C'est inadmissible ! Je vous jure que cela va changer. Cela changera peut-être parce que nous gagnerons un jour la majorité dans cette enceinte... (Quolibets fusent.) ...ou cela changera rapidement parce que nous aurons - j'en viens à un autre aspect de ce qu'a dit M. Annen - ailleurs que dans les steppes de l'ex-Union soviétique un autre Tchernobyl. C'est tout à fait possible. M. Annen a voulu nous faire un petit laïus en présentant les centrales nucléaires occidentales comme étant des modèles de sécurité et de vertu. Or, c'est complètement faux ! Nous sommes face à une génération de centrales vieillissantes en France qui connaissent des problèmes de plus en plus accrus de fissurations. Je ne vais pas vous faire une conférence technique, mais la situation actuelle comporte des risques majeurs y compris en France. M. Pierre Tonguy, inspecteur général de la sécurité d'EDF, chiffrait ce risque sur une dizaine d'années à quelques pour-cent, 3-4% de risques d'accident majeur avec dégagement de radioactivité à l'extérieur de la centrale pour le parc nucléaire français. Or c'est une personne du sérail nucléaire, et s'il l'a dit c'est en parfaite connaissance de cause. Il a probablement sous-estimé ce risque, mais ce risque, même dans ces proportions, est inadmissible. La surface des zones qui devraient être évacuées dans la région de Tchernobyl représente la surface du plateau Suisse. C'est un risque que nous n'avons pas le droit de courir.
J'aimerais dire aussi, même en admettant le raisonnement développé par M. Annen, que des gens des Forces motrices du Nord-Ouest de la Suisse qui défendent comme lui l'électricité, le «pince-chaussettes électrique», ont signé tout récemment un contrat d'importation de quantités considérables de courant nucléaire venant de Tchécoslovaquie, de centrales qui sont parmi celles que M. Annen veut mettre au ban des centrales nucléaires honnêtes. Le problème est assez aigu et je serais heureux d'enregistrer une protestation de M. Annen à ce sujet. Nous faisons entrer du courant électrique nucléaire français, mais aussi du courant nucléaire en provenance de l'ancien bloc de l'Est. Par ailleurs, il faut avoir un sacré toupet, à 70 kilomètres de Creys-Malville, une centrale dont l'insécurité a été parfaitement reconnue, y compris par les spécialistes qui ont fourni le dernier rapport des autorités de sûreté sur la centrale, pour affirmer que les centrales nucléaires occidentales sont parfaitement sûres et ne posent pas de problèmes. Ce sont des billevesées !
M. Laurent Rebeaud (Ve). Il a été question tout à l'heure, dans la bouche du rapporteur de la majorité, d'interprétation de la constitution et mon nom a été cité. C'est la raison pour laquelle je prends la parole.
La constitution n'a pas besoin d'être interprétée lorsqu'elle est claire. Ce n'est pas une espèce de self-service où l'on choisit les articles qui plaisent et où l'on néglige ceux qui ne plaisent pas. L'article 160 C est un article antinucléaire, y compris en son chiffre 6. Je vous le cite : «Les investissements énergétiques des collectivités publiques s'inscrivent dans les objectifs du présent article. Les établissements publics sont liés par ces objectifs.». Cela signifie, d'après ma compréhension du français, bien que je ne sois pas juriste de profession, que ni l'Etat de Genève, ni les établissements qui en dépendent ne peuvent, aux termes de la constitution, investir dans le nucléaire. Donc, ou bien nous violons la constitution ou bien alors nous dérogeons à la constitution pour des raisons que je voudrais bien que l'on m'explique,
Monsieur Annen. Quand le Conseil d'Etat ou le rapporteur de la majorité m'expliqueront au nom de quoi on déroge à cet article tout à fait clair de la constitution, je pourrai me déclarer d'accord. Mais jusqu'à maintenant je n'ai pas compris.
M. Claude Blanc. (En voyant Mme Reusse-Decrey prendre la parole.) Encore !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Oui, encore, Monsieur Blanc !
Je ne sais pas si le nucléaire rend sourd, mais visiblement c'est un dialogue de sourds...
M. Michel Balestra. C'est pas le nucléaire qui rend sourd !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. C'est pas le nucléaire qui rend sourd, d'accord, Monsieur Balestra ! Vous préciserez votre pensée tout à l'heure !
Je crois que si l'on en est là, c'est-à-dire que nous débattons systématiquement une heure, voire une heure et demie, chaque fois que l'on parle d'énergie électrique, c'est parce que nous avons gentiment évincé un problème, il y a quelques mois, lorsque nous avons discuté de la conception cantonale concernant l'énergie. Nous avons réussi à nous mettre d'accord sur des postulats et sur des actions à mener. Sur la déclaration politique, nous avons constaté que nous n'arrivions pas à nous mettre d'accord et nous avons décidé de la laisser de côté et de fermer les yeux. A mon avis, nous sommes en train de payer cette décision qui a été mal évaluée. Il faudra bien qu'une fois nous déterminions quelle ligne politique nous voulons et que nous fassions des choix en matière d'approvisionnement énergétique pour notre canton.
Nous pouvons continuer ce débat longtemps - d'ailleurs des choses très intéressantes ont été dites - mais je souhaite que les travaux de la commission consultative sur l'énergie, qui dort depuis deux ans, soient repris pour clarifier les choses une bonne fois pour toutes. Ainsi, nous pourrions nous baser sur une déclaration politique. C'est mieux que de soulever le coin du tapis pour mettre la poussière dessous ! (Rires.)
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Nissim avait développé, il y a de cela quelques semaines une interpellation qui posait le problème...
Je ne sais pas si M. Nissim veut s'exprimer. Si vous le désirez, je renonce pour l'instant et je m'exprimerai après vous.
Le président. Avec la tolérance de M. Maitre, Monsieur Chaïm Nissim, je vous cède la parole.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur Maitre !
Je suis effondré, Monsieur Balestra, car j'ai dû mal m'exprimer !
Une voix. Mais non, on t'a très bien compris !
M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Ce que j'ai voulu dire tout à l'heure, c'est que les alternatives au nucléaire fournissent des kilowattheures grosso modo plus chers que le nucléaire qui coûte environ 7 centimes suivant les cas, alors que le couplage chaleur/force revient environ à 16 centimes.
Monsieur Balestra, je vais vous raconter une toute petite expérience qui a été faite à Lucerne. Ils ont changé les circulateurs dans un certain nombre de bâtiments. Ce faisant, ils ont économisé beaucoup de courant car les nouveaux circulateurs avaient un meilleur rendement. Vu le prix du circulateur, le coût du déplacement de l'ingénieur, l'énergie dépensée, etc., le kilowattheure finit par revenir à 20 centimes. C'est ce que je voulais dire en parlant d'économies d'énergie. On peut toujours trouver une autre source d'énergie que le nucléaire, il n'y a pas que le nucléaire, de même qu'il n'y a pas que le Gamay en matière de vin ! D'autres alternatives existent. Il s'agit seulement d'en payer le prix.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Nissim avait donc interpellé le Conseil d'Etat par son interpellation No 1865, à laquelle il répond présentement de façon à regrouper le tout, puisque c'est cette interpellation qui est au coeur du débat relatif à l'approbation du budget des Services industriels. M. Nissim demande si EOS avait le droit d'acheter des tranches de courant français. Il faut peut-être s'expliquer une fois encore sur la structure de l'approvisionnement et de la distribution en énergie dans notre pays et, en l'occurrence, directement en Suisse romande.
Je rappelle que les Services industriels ne couvrent la production genevoise qu'à raison de 27% de la consommation totale de notre canton en énergie électrique. Cela signifie qu'ils doivent se procurer le reste des besoins en énergie électrique du canton ailleurs. Où peuvent-ils se procurer les besoins électriques qu'ils ne parviennent pas à produire eux-mêmes ? Auprès d'EOS (Energie Ouest Suisse) qui est une société à laquelle concourent un certain nombre de collectivités publiques - en l'occurrence pas l'Etat de Genève - et un certain nombre de distributeurs d'énergie électrique, en l'occurrence les Services industriels. Ces derniers se trouvent actionnaires-preneurs d'Energie Ouest Suisse.
C'est dans ce contexte qu'EOS, en décembre 1989 - cette affaire a quatre ans très exactement - a conclu un contrat d'achat d'énergie avec EDF. Ce contrat est structuré de la manière suivante. Tout d'abord il porte sur une puissance de 100 mégawatts, avec une option de 200 mégawatts supplémentaires. L'énergie garantie par ce contrat auprès d'EDF est une énergie garantie sur l'ensemble de son parc de production. Vous savez que le parc de production d'EDF est à la fois thermique et hydraulique, thermique en ce sens qu'il est nucléaire et charbon. Il n'y a donc pas un contrat d'EOS avec EDF dont l'approvisionnement serait spécifiquement de source nucléaire. C'est un contrat d'approvisionnement d'énergie électrique, laquelle mobilise l'ensemble du parc énergétique français d'EOS. Il est vrai - nous le savons - qu'une part prépondérante de l'énergie électrique fournie par EOS provient du parc nucléaire. Je voudrais que vous soyez attentifs à ce problème parce qu'il est important. Il n'y a pas d'obligation à un type d'énergie, il y a simplement une garantie d'approvisionnement sur l'ensemble du parc énergétique d'EDF. Cela se passait en décembre 1989.
En septembre 1990, EOS a levé une option portant sur 100 mégawatts et nous en sommes restés là. En l'état actuel des choses, il y a donc le contrat de base qui porte sur 100 mégawatts, avec une option possible sur 200 mégawatts, la moitié de cette option à concurrence de 100 mégawatts a été levée en septembre 1990. Je voudrais préciser ici, Monsieur Nissim, que, contrairement à ce que vous avez dit, il n'y a pas d'obligation de prendre l'énergie de la part d'EOS. C'est le contraire ! C'est EDF qui s'engage à approvisionner, mais l'énergie n'est prise qu'au fur et à mesure des besoins. Il n'est donc pas obligatoire d'importer - ce que vous auriez pu craindre à juste titre - une quantité excédentaire d'énergie électrique, simplement parce que nous sommes liés par un contrat. EOS ne soutire du réseau EDF que l'énergie qui lui est nécessaire pour couvrir les besoins dont elle a la charge contractuelle, notamment vis-à-vis des Services industriels de Genève.
Voilà les faits liés à ce contrat EOS-EDF. Je précise - je le dis à l'intention de M. Schneider - que ce n'est pas un contrat Services industriels/EDF. C'est encore moins un contrat Etat de Genève/EDF. Je ne vois donc pas - à supposer que nous y soyons fondés, ce que je conteste - par quel moyen l'Etat de Genève pourrait récupérer un investissement qu'il n'a pas effectué lui-même, ni par quel moyen les Services industriels pourraient récupérer à hauteur du chiffre que vous évoquez un investissement qu'ils n'ont pas réalisé eux-mêmes. Les Services industriels sont actionnaires-preneurs d'EOS, c'est-à-dire qu'EOS a l'obligation contractuelle de fournir aux Services industriels l'énergie nécessaire pour que ces derniers puissent eux-mêmes assurer leur obligation de couverture des besoins énergétiques de notre canton.
J'en viens maintenant aux problèmes juridiques qui sont, également et effectivement, politiques. Ils ne sont pas faciles à traiter. Je n'ai rien dit d'autre et je n'ai jamais imaginé dans cette histoire qu'il était possible de dire, d'un revers de manche, que tout était limpide dans l'interprétation de la constitution. J'estime simplement que vous tirez de la constitution des conclusions qui sont au service d'une thèse. Reste à savoir si ces conclusions sont confirmées par une analyse juridique appropriée.
Alors, parlons de l'analyse juridique. En janvier 1987, c'est-à-dire quelques semaines après l'adoption de l'initiative «Energie : notre affaire» qui, je vous le rappelle, a été adoptée par le peuple le 6 décembre l986, nous avons eu à coeur de poser le problème, parce que j'estimais qu'il fallait le faire pour le traiter efficacement sur la base d'une interprétation neutre confiée à un juriste de qualité extérieur et à l'Etat et aux Services industriels. Nous avons donc demandé à Pierre-Louis Manfrini, qui est un juriste réputé, souvent consulté par votre Conseil - c'est un spécialiste reconnu en Suisse sur le droit public et sur le droit administratif - de nous donner son avis sur ce délicat problème relatif à la disposition rappelée par M. Rebeaud, soit sur la signification et la portée exacte de la disposition constitutionnelle en précisant que les investissements énergétiques des collectivités publiques s'inscrivent dans les objectifs de la constitution et que les établissements publics sont liés par ces objectifs.
M. Manfrini a rendu un avis de droit le 2 février 1987 que je mettrai à la disposition des groupes parlementaires, comme je m'y suis engagé de façon que ce soit tout à fait clair et transparent. Je veux vous dire ceci. C'est un avis de droit extrêmement fouillé et les conclusions de M. Manfrini sont les suivantes.
«Les statuts des sociétés d'économie mixte, auxquelles les Services industriels participent, intègrent les intérêts des actionnaires à l'intérêt social. La définition des intérêts dont les Services industriels sont les porte-parole au sein de leur participation présuppose une coordination entre la nécessité d'assurer la fourniture d'énergie au réseau cantonal, article 158 de la constitution genevoise, et le devoir de respecter les objectifs de la politique énergétique stipulés par l'article 160 C de la constitution. Vous vous souviendrez qu'à réitérées reprises j'ai eu l'occasion de vous dire que le débat difficile sur le plan politique consistait à trouver la synthèse entre ces deux exigences qui, pour partie, sont effectivement contradictoires.»
Et M. Manfrini poursuit en disant ceci.
«La nécessité d'assurer la fourniture d'énergie au réseau genevois et le respect de l'intérêt social coïncident pour limiter le pouvoir d'instruction des Services industriels à l'égard de leurs représentants au conseil d'administration des sociétés auxquelles ils participent.» En effet, je m'étais demandé si nous avions le droit et le pouvoir de donner instruction aux représentants des Services industriels à EOS de s'opposer à toute acquisition de fournitures portant sur du nucléaire. J'ai tenu à ce que ce débat soit fait, parce que j'ai estimé que c'était mon devoir de respecter la constitution.
Pierre-Louis Manfrini dit en conclusion.
«S'agissant plus particulièrement de la politique d'approvisionnement d'énergie électrique, l'article 160 C, alinéa 5, n'oblige pas les représentants des Services industriels au conseil d'administration de la société Energie Ouest Suisse S.A. à s'opposer à ce que celle-ci s'approvisionne en énergie de provenance nucléaire pour fournir ses actionnaires-preneurs.»
Et il dit même :
«Une telle obligation ne résulte pas du texte de l'article 160 C de la constitution genevoise. Des instructions dans ce sens pourraient, le cas échéant, s'avérer contraires à l'obligation statutaire d'EOS et des Services industriels de garantir l'approvisionnement du réseau cantonal.»
Mesdames et Messieurs, voilà l'avis de droit tel qu'il a été rendu. Sur cette base, le président des Services industriels a estimé qu'il était de son devoir d'admettre que EOS était fondée à lever les options qui sont de nature à garantir l'approvisionnement en énergie de ce canton.
En ce qui concerne Creys-Malville, Monsieur Vanek, nous avons discuté pour la première fois de ce problème à la suite de l'interruption du fonctionnement de la centrale dans les conditions que vous connaissez mieux que moi. Il fallait savoir si Creys-Malville était une centrale nucléaire pouvant être considérée comme étant dans le voisinage du territoire genevois. Je rappelle que la constitution nous interdit, respectivement, nous fait obligation d'agir par tout moyen juridique et politique à disposition pour s'opposer à la construction d'une centrale nucléaire dans notre canton et au voisinage de celui-ci. D'autre part, il fallait savoir si, compte tenu de l'interruption du fonctionnement de Creys-Malville, au cas où celle-ci refonctionnerait, nous avions à faire à une nouvelle installation. C'est moi qui ai tenu à ce que ces questions soient réglées de manière claire et nette.
Nous avons eu également un avis de droit du même auteur, qui nous a dit «Oui...
Des voix. Oh, oui !
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je vous dis cela pour vous prouver que cet homme est complètement crédible. Il nous a dit : «Oui, il faut considérer l'installation de Creys-Malville comme étant dans le voisinage du canton.». Il nous a également dit : «Oui, la remise en fonctionnement de Creys-Malville doit être assimilée à une nouvelle installation nucléaire.». C'est donc sur cette base que je suis intervenu auprès de M. Ogi pour lui dire que nous allions nous opposer par des recours - nous avons mandaté des hommes de loi en France pour diligenter les procédures nécessaires - au redémarrage de la centrale de Creys-Malville.
Maintenant, deux thèmes fleurissent volontiers sur la bouche des uns et des autres, mais j'aimerais simplement que nous soyons raisonnables dans notre appréciation. La constitution cantonale genevoise, en faisant obligation aux acteurs de la vie politique de ce canton de s'opposer à la construction d'une centrale nucléaire sur le territoire de notre canton et dans son voisinage a manifestement une portée antinucléaire. C'est incontestable. Mais nous ne pouvons pas faire dire à la constitution ce qu'elle ne dit pas. La constitution - c'est la conclusion formelle à laquelle parvient Me Pierre-Louis Manfrini - ne dit pas que nous n'avons pas le droit de couvrir notre approvisionnement manquant par de l'énergie qui, le cas échéant, proviendrait d'un parc nucléaire. Si vous aviez voulu que la constitution le dise, vous l'auriez stipulé dans votre article : «L'Energie : notre affaire», parce que celui-ci était au demeurant d'une complexité remarquable et parfaitement complet. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de dire qu'il fondait la politique de ce canton.
J'en viens au deuxième aspect de la question qui ne peut pas, non plus, être négligé. Nous sommes autosuffisants dans une proportion de 27% de notre consommation d'énergie, c'est-à-dire en gros pour le quart. J'aimerais que l'on m'explique comment il est possible de faire fonctionner nos entreprises, notre hôpital, nos écoles, assurer l'approvisionnement si nous n'importons pas l'énergie manquante. Je ne demanderais pas mieux que cette énergie qui nous manque soit de provenance hydraulique. J'aimerais simplement attirer votre attention sur le fait que les mêmes qui s'opposent à l'approvisionnement d'énergie nucléaire sont ceux qui s'opposent au redimensionnement ou au développement de notre parc de production d'énergie hydraulique alors que c'est notre richesse en Suisse. Là aussi, il y a une ambiguïté qu'il faudra bien éclaircir à un moment donné. Eclaircissement pour éclaircissement, il faut que le principe soit réciproque !
Je vous demande un peu de réalisme. Le gouvernement est déterminé à suivre la constitution et continuera à s'opposer politiquement et juridiquement à de nouvelles installations nucléaires sur le territoire de notre canton ou dans son voisinage, c'est ce qui fonde notre attitude à l'égard de Creys-Malville. Mais le gouvernement a également la responsabilité d'assurer le fonctionnement des entreprises, des installations nécessaires à la collectivité, aussi, dans ce contexte, nous poursuivrons une politique qui nous conduit à assurer l'approvisionnement dont ce canton a besoin, faute de pouvoir le couvrir lui-même. (Applaudissements.)
I 1865
L'interpellation est close.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je tiens d'abord à féliciter M. Maitre de m'avoir répondu d'une façon aussi complète, avant que M. Joye reprenne le service de l'énergie, car on pourrait imaginer qu'il aurait cherché à se débarrasser de ce problème en le glissant sous le tapis...
Une voix. Avec la poussière ?
M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Il m'a répondu relativement complètement et il m'a même apporté des informations que j'ignorais. Je vous en remercie, mais je voudrais...
Une voix. Mais !
M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Non, il n'y a pas beaucoup de «mais», à peine deux ou trois petits !
Vous avez dit que j'avais demandé si EOS avait le droit de faire ce qu'elle a fait. Ce n'est pas cela; je demandais si nos représentants qui, eux, sont liés par notre constitution avaient le droit de voter oui à cet investissement d'EOS. Vous avez du reste très bien répondu, mais il semblait que je critiquais EOS, alors que je n'ai aucun mandat constitutionnel pour le faire. Les responsables d'EOS sont extérieurs à notre canton et ne sont pas liés par notre constitution.
L'avis de droit de M. Manfrini - je le relirai certainement attentivement - a été effectué avant ces investissements, puisque vous dites qu'il a été rendu en 1987, juste après les votations de «Energie : notre affaire». Mais je ne suis pas tout à fait sûr qu'il répondait exactement à ma question. Il semble néanmoins qu'il y répond relativement bien. J'ai tout de même de la peine à comprendre la phrase suivante : «La constitution n'oblige pas les représentants - donc des représentants des Services industriels à l'intérieur d'EOS - à s'opposer à ce que celle-ci - soit EOS - s'approvisionne en courant nucléaire.». Je demandais simplement si nos représentants au conseil d'administration d'EOS devaient voter oui, non ou s'abstenir. Ils ne pouvaient évidemment pas imposer leur avis, puisqu'ils ne sont pas majoritaires. Ils représentaient 18% du capital-actions à l'époque, alors qu'ils en représentent 21% à l'heure actuelle.
Vous dites que nous sommes autosuffisants à concurrence de 27%. L'hydraulique suffit-elle à couvrir le reste ? Je prétends, moi - c'est en fait l'essence même du conflit - que cette source d'énergie suffirait si on faisait les économies d'énergies préconisées par les experts, qui sont tout à fait réalisables. Je veux dire par là que l'hydraulique suffirait à condition - mais oui, sans nouveau barrage - que les rendements en soient améliorés pour couvrir les 40% qui représentent aujourd'hui la part du nucléaire.
M. Bernard Annen, rapporteur ad interim de majorité. Sans l'hôpital !
M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Sans supprimer l'hôpital, Monsieur Annen ! Sans supprimer les TPG ! Il suffit de remplacer chaque appareil par un autre dont le rendement est 40% meilleur. A l'heure actuelle, il existe des appareils deux à trois fois plus performants. Ce n'est qu'une
question d'argent. Cela serait possible si l'on était d'accord d'investir cet argent dans ce secteur de l'économie pour créer des emplois et le dynamiser.
M. Max Schneider (Ve). Monsieur Maitre, je ne vous adresse pas mes remerciements puisque M. Nissim l'a déjà fait. Vous êtes déjà célèbre à Genève, Monsieur Maitre, bientôt vous serez célèbre au Japon. En effet, les Japonais aimeraient connaître tous nos textes de loi en matière de politique énergétique, car ils sont très bons. Ces textes de loi seront donc envoyés au Japon comme exemple de ce qui peut se faire dans le monde.
Par contre, je n'ai pas compris - je vois que M. Nissim est aussi dans le flou - l'histoire du contrat signé en 1989. Nous avons payé 1 milliard 300 millions à la France. A-t-on réellement payé cette somme ? Nous n'avons rien en contrepartie si ce n'est une garantie d'approvisionnement. J'avais demandé la transparence en 1989 à ce sujet, mais je n'ai toujours pas bien compris ce qu'il en est.
Est-il assez tôt pour stopper cet investissement ? Pourrait-on, dans ce cas, investir cet argent dans Vin Union ou ailleurs où nous avons des problèmes ? N'est-il pas trop tard pour demander à nos représentants auprès d'EOS de faire marche arrière ou, en tout cas, d'obtenir une limitation de ce qu'ils ont avancé il y a maintenant quatre ans.
Dernier point, et je terminerai par cela. J'aimerais bien savoir quels sont les besoins d'EOS puisqu'elle laisse mourir une entreprise vaudoise d'électricité. J'aimerais bien savoir également si ses besoins concernent uniquement la Romandie ou s'ils concernent les exportations faites en Italie et en Allemagne. Il y a certainement une interconnexion à ce sujet. Si nous importons aujourd'hui du courant nucléaire français - nous en avons déjà parlé ici - c'est bien souvent pour remplir nos barrages de nuit et returbiner cette énergie de jour afin de la revendre à des coûts plus élevés en Italie et en Allemagne. Alors, le but ne serait pas seulement de couvrir les besoins de la Romandie, mais de répondre à certains critères du marché de l'énergie nucléaire. C'est là que le bât blesse. Monsieur Maitre, est-il trop tard pour faire marche arrière sur ce contrat EDF/EOS ? Serait-il possible de le voir ou est-il tellement secret que la population n'a pas le droit d'en connaître son contenu ? C'est ce que nos amis français aimeraient savoir, car ils n'ont pas pu en avoir connaissance.
M. Pierre Vanek (AdG). J'aimerais revenir sur deux ou trois points.
(S'adressant à quelques députés qui ont manifesté leur impatience.) Vous n'avez pas fini de m'entendre ! Il faudra vous habituer !
En ce qui concerne l'avis de droit, il est évident qu'il est trop tôt pour en discuter et que nous attendrons d'avoir le texte. Je remercie M. Maitre de nous le fournir. Je trouve surprenant et bizarre - moi qui suis un novice dans le fonctionnement des institutions de cette République - d'entendre, aujourd'hui en 1993, quelques extraits d'un avis de droit effectué en 1987 sur une question aussi importante. Nous reviendrons sur cette question lorsque nous l'aurons étudié et soumis à d'autres appréciations. En effet, un avis de droit : c'est bien; deux ou trois avis de droit : c'est parfois mieux !
M. Maitre a voulu introduire une nuance subtile sur la qualité du courant importé de France, en précisant qu'il s'agissait du parc électrique français, toutes installations confondues, y compris les installations thermiques et hydrauliques. J'y vois une opération de désinformation. Il est clair que la France exporte massivement du courant parce qu'elle possède un suréquipement en matière de centrales nucléaires. La production des autres installations peuvent être modulées beaucoup plus facilement, aussi essaie-t-on de «fourguer» le nucléaire à l'extérieur à des prix de «dumping» qui ne tiennent pas compte de manière réaliste de l'ensemble des coûts ainsi induits. Je ne vous ferai pas tout un discours sur les déchets ni sur le coût du démontage des centrales. Je vous le distillerai par tranches, comme un feuilleton.
Je vous signale que, tout récemment, une convention internationale vient d'être conclue par une cinquantaine ou une soixantaine de pays visant à interdire le «dumping» de déchets nucléaires dans le milieu marin. Or, parmi les quatre ou cinq pays qui ont refusé de souscrire à cette interdiction définitive, nous trouvons nos voisins français. Ils se réservent la possibilité de «foutre» à l'eau ces déchets français qui ont également servi à la production de courant nucléaire. Il y a un problème auquel je vous invite à réfléchir.
M. Maitre nous dit que cette énergie ne sera commandée qu'au fur et à mesure des besoins. Le problème est que, précisément, tout le monde en face affirme que nous en avons un besoin incontournable. Ce distinguo ne va pas chercher très loin. Je pense - comme l'ont dit plusieurs prédécesseurs au micro - et c'est malheureux - qu'il n'est pas possible de se passer du courant nucléaire à Genève. Mais nous sommes en droit de nous demander si un effort politique sérieux est réellement fourni pour essayer de nous en passer. Durant les dix ans du moratoire, et jusqu'à ce jour, je constate que l'effort
politique n'est largement pas à la hauteur des objectifs fixés par la constitution, qu'elle plaise ou non.
PL 7038
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
approuvant les budgets d'exploitation et d'investissementdes Services industriels de Genèvepour l'année 1994
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 160, alinéa 1, lettre b, de la Constitution genevoise, du 24 mai 1847;
vu l'article 37, lettre b, de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève, du 5 octobre 1973,
Décrète ce qui suit:
Article 1
Budget
d'exploitation
Le budget d'exploitation des Services industriels de Genève est approuvé, conformément aux chiffres suivants:
a) recettes: 631 323 050 F;
b) dépenses: 638 745 030 F.
Art. 2
Budget
d'investisse-ment
Le budget d'investissement des Services industriels de Genève, s'élevant à 167 189 400 F, est approuvé.
Art. 3
Entrée
en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1994.
La séance est levée à 23 h 5.