République et canton de Genève

Grand Conseil

P 989-A
10. Rapport de la commission de l'université chargée d'étudier la pétition contre la fermeture de l'école d'architecture de l'université de Genève. ( -)P989
Rapport de M. Jacques Boesch (AG), commission de l'université

La pétition «Contre la fermeture de l'école d'architecture de l'université de Genève» a été examinée par la commission de l'université lors de sa dernière séance, le 21 octobre 1993. Cette pétition, munie de 27 signatures d'étudiants et de diplômants de l'école d'architecture de Genève, a été déposée le 3 avril 1993. Elle s'élevait contre l'annonce de la fermeture brutale de l'école et invitait le Grand Conseil à intervenir énergiquement dans cette affaire.

Pour bien comprendre l'enjeu de cette pétition, il faut la replacer dans son contexte historique. Elle a été lancée en pleine crise et en désespoir de cause, alors que l'école d'architecture était réellement menacée dans sa forme actuelle, voire dans son existence même et qu'aucune solution rassurante ne semblait poindre à l'horizon. Le Grand Conseil en avait largement débattu alors. Puis le Conseil d'Etat avait pris un certain nombre de mesures. Il avait ainsi annoncé le maintien de l'école et garantissait son évolution.

La commission n'a pas estimé nécessaire de refaire ou de clore à cette occasion les discussions quant à l'avenir de cette école, dont l'enseignement et le débat architectural et urbanistique qu'elle instille dans notre cité, sont indispensables.

Si les craintes des signataires ne se sont heureusement pas réalisées (l'école n'a pas été fermée, 80 nouveaux étudiants se sont inscrits cette année) la commission de l'université est, par contre, convaincue qu'il faut suivre ce dossier avec beaucoup d'attention et de conviction.

Elle vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer au Conseil d'Etat cette pétition, en lui recommandant de continuer à intervenir énergiquement afin de maintenir et de soutenir activement cet établissement qui a fait beaucoup pour le rayonnement intellectuel de notre ville.

ANNEXE

Débat

M. Bernard Lescaze (R). L'amendement proposé est très simple. Si vous avez lu la motion, vous aurez constaté qu'elle demande un renvoi direct au Conseil d'Etat.

Or le problème de l'école d'architecture est un problème suffisamment important, suffisamment grave et suffisamment débattu en ce moment entre les différents partenaires, à savoir la Confédération, le canton, les autres cantons universitaires romands, pour qu'on ne puisse pas simplement tenter de le résoudre et d'imposer une solution quelle qu'elle soit au détour d'une motion ou d'une pétition et des résultats qu'on prête à cette pétition. C'est pour cela que je propose que cette pétition soit déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, de façon à laisser le département de l'instruction publique absolument libre dans ses conclusions ultérieures face aux négociations difficiles qui s'annoncent au sujet de l'école d'architecture.

M. Dominique Hausser (S). Je crois qu'une formation de premier, deuxième et troisième cycle en architecture est essentielle; cela ne fait aucun doute.

Les domaines d'excellence qui sont rapportés dans cette pétition sont définis, bien sûr, par l'enseignement mais aussi par les activités de recherche. A mon avis, il est aberrant que deux institutions fonctionnent de manière indépendante et sans concertation, alors que chacune a sa spécificité et de nombreuses similitudes. De plus, elle sont distantes de quelques dizaines de kilomètres seulement à l'intérieur de la métropole lémanique. Une synergie me semble nécessaire et ce parlement doit l'encourager.

C'est la raison pour laquelle la proposition de M. Lescaze, à savoir de déposer ce rapport sur le bureau du Grand Conseil est beaucoup plus acceptable que la conclusion telle qu'elle est formulée par le rapporteur et la commission des pétitions.

M. Jacques Boesch (T), rapporteur. Je croyais que ce rapport était suffisamment clair pour ne pas permettre certaines divagations en plénière.

Nous avons déjà traité ce sujet en commission de l'université. Nous avions deux termes qui pouvaient s'opposer. Soit nous recommencions tout le débat sur l'école d'architecture, les bienfaits de son rattachement, de sa disparition, de son évolution - ce qui aurait certainement nécessité de multiples auditions, ce qui aurait dupliqué des débats qui ont déjà agité ce Grand Conseil à moult reprises - soit nous lancions un message de nouveau très clair au Conseil d'Etat : «Continuez, continuez à négocier avec autant de fermeté et de conviction !». C'est cette voie que la commission, avec ses représentants de tous les partis, a choisie à l'unanimité. C'est pour cette raison que vous avez un rapport court, limpide, qui invite le Conseil d'Etat à poursuivre sa tâche.

Monsieur Lescaze, si on vous suivait et si l'on déposait simplement cette motion à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil, on signifierait au Conseil d'Etat qu'il a tout le temps et qu'il n'a pas l'obligation de continuer, ce que ne veulent absolument pas ni les étudiants, ni les enseignants, ni - j'en suis persuadé - le Conseil d'Etat. Donc, faisons confiance au Conseil d'Etat, renvoyons-lui cette pétition. Dans le cas particulier la moindre des choses est d'espérer que le Conseil d'Etat continuera son action. Ce n'est pas parce que ses sept membres sont unanimes qu'il va ne rien faire pour l'école d'architecture et se croiser les bras.

M. Bernard Lescaze (R). Je crois avoir été parfaitement clair. Il s'agit de laisser un certain nombre de portes ouvertes dans une négociation qui s'annonce difficile et qui ne sera pas une promenade de santé, comme semble le croire le rapporteur. Le Conseil d'Etat doit avoir toute latitude pour prendre les meilleures décisions possibles dans l'intérêt de Genève et, également, dans l'intérêt de l'université en Suisse.

C'est pourquoi je maintiens l'amendement que j'ai proposé et le dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

M. René Koechlin (L). Je voudrais dire d'abord à M. Lescaze que le Conseil d'Etat, dans ces négociations précisément, a besoin d'un soutien politique. C'est de ce soutien politique dont il est question ce soir. Mais je sais que des personnes, par souci louable d'économies, entendent dans ce parlement supprimer purement et simplement certaines de nos institutions sous maints prétextes sur lesquels je ne reviendrai pas.

Ce que je tiens à vous dire est que l'école d'architecture de l'université de Genève a un rayonnement qui va bien au-delà des frontières cantonales et nationales. Rayonnement culturel d'abord, mais aussi sur le terrain, il n'y a qu'à constater les réalisations conçues et promues par d'éminents esprits issus de ses murs. Vous devez connaître des noms comme celui de Ricardo Bofill ou Peter Rudebush...

Une voix. Il s'est «fait foutre» dehors !

M. René Koechlin. C'est inexact, Monsieur !

Ceux qui sont appelés en Amérique, au Japon, en Afrique, par exemple, démontrent que la réputation de cette école dépasse largement nos frontières cantonales et nationales.

M. John Dupraz. Y'a même les vaches suisses qui vont là-bas !

M. René Koechlin. Parlez pour vous, Monsieur ! Cette institution, grâce à ces personnalités, est un agent efficace du rayonnement culturel dans le monde. Lorsqu'on parle de relancer la Genève internationale, de promouvoir son image de marque dans le monde, il faut veiller à ne pas se priver de ses instruments de promotion. A défaut, nous risquons d'en subir des retombées nuisibles pour notre culture et pour la santé de notre économie par une sorte de contraction névrotique dont le non-soutien à l'école d'architecture est l'expression.

C'est pourquoi je pense que pour signifier notre soutien au Conseil d'Etat dans les démarches qu'il doit entreprendre - ô combien délicates j'en conviens, Monsieur Lescaze - nous devons lui renvoyer cette pétition.

M. Max Schneider (Ve). Des architectes, il y en a beaucoup. De bons architectes, il y en a très peu !

Des voix. Des noms, des noms ! (L'assistance met du temps à se calmer.)

M. Max Schneider. Il n'y a qu'à voir le nombre de bâtiments mal construits à Genève...

Des voix. Ouhhh !

M. Max Schneider. ...gourmands en énergie... (L'assistance manifeste dans un ensemble parfait.) ...mal climatisés... (L'assistance continue à manifester en choeur.) ...qui chauffent pour refroidir, enfin, bref, des aberrations pas possibles. (Rires.) On chauffe et en même temps on climatise ! C'est le résultat d'architectes mal formés !

Alors, nous avons la chance à Genève d'avoir une école d'ingénieurs qui forme des architectes. On a une université qui forme des architectes, mais on ne peut pas oublier l'investissement de la Confédération, bien qu'aujourd'hui elle ait voté 810 millions pour des bâtiments à l'EPFZ et rien du tout pour la Suisse romande. On ne peut pas oublier les investissement faits à l'EPFL d'où les architectes sortent - ou ne sortent pas - (Rires.) puisque 30% seulement des étudiants arrivent à terminer leurs études.

Je me dis que peut-être, à Genève, nous sommes les rois de l'architecture urbaine et que c'est notre spécialité. Mais, en tout cas, en ce qui concerne la construction, je crois qu'il faut laisser à l'EPFL et à son laboratoire les investissements qui lui ont été octroyés. Genève ne pourrait pas financer un tel investissement. Il faut donc soutenir l'EPFL qui fournit de bons architectes. Les Genevois ont leur place à l'EPFL. Il faut soutenir un enseignement de qualité et pas seulement une formation dans le but d'obtenir un titre d'architecte qui ne répond pas à des critères suffisamment valables aujourd'hui.

Voilà pourquoi je ne soutiens pas forcément M. Lescaze, parce que je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui... (Grands éclats de rires.) Pour une fois je laisserai à Mme Brunschwig Graf cette liberté et je la soutiendrai dans ses démarches en renvoyant cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Une voix. Bravo !

M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. J'ai le plaisir de terminer cette législature avec l'école d'architecture !

Je vous signale tout d'abord que la rentrée 1993 s'est fort bien passée. Nous avons eu 80 nouveaux étudiants, malgré l'incertitude qui pèse sur l'école et le difficile contexte économique qui n'engage guère les jeunes à se lancer dans cette profession. En liaison avec le rectorat, j'avais prié l'école d'architecture de préparer un nouveau projet qui a été déposé et soumis à des experts. Nous avons continué à réfléchir sur le problème de l'école d'architecture. Ce nouveau projet est constitué de plusieurs parties qui peuvent s'enlever ou s'ajouter comme les différents étages d'une fusée en fonction des besoins. Nous pouvons donc parfaitement parvenir à trouver une articulation avec l'école polytechnique de Lausanne. Simplement, lorsque nous négocions, nous voulons négocier sur un terrain solide et nous ne voulons pas brader ce que nous avons de positif à Genève, même si nous ne sommes pas en position de force.

Alors, j'ai repris les contacts nécessaires. J'ai eu un entretien à ce sujet avec Mme Ruth Dreifuss, conseillère fédérale. J'ai pu constater que le climat à Berne avait changé et qu'il y avait une préoccupation réelle par rapport à l'école d'architecture, mais aussi une préoccupation par rapport à une bonne coordination, mais pas n'importe quelle coordination. Nous avons également encouragé des contacts entre l'école d'architecture et l'école polytechnique fédérale de Lausanne, et nous sommes en train de travailler sur un projet de négociation entre ces deux instances qui - je l'espère - donnera cette fois-ci satisfaction aux deux entités. Le dossier est en cours; j'ai préparé le terrain et j'ai renoué les liens avec la Confédération et avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne.

Cela me permet de transmettre à mon successeur, Mme Martine Brunschwig Graf, un dossier sans doute difficile, mais dont les fils essentiels sont déjà tirés. Elle pourra donc poursuivre la réflexion et agir dans ce domaine. C'est dans cet esprit, en tout cas, que j'ai travaillé. J'espère que l'école de Genève pourra s'en sortir positivement. La réflexion et la négociation pourront ainsi se poursuivre. Les contacts se sont faits dans la discrétion, car il est difficile de négocier lorsqu'un dossier est continuellement étalé sur la place publique. En tout cas, je crois que nous avons progressé.

Le président. Nous allons donc procéder au vote sur l'amendement de M. Bernard Lescaze, qui porte sur les conclusions de la commission, dont le libellé est le suivant : «La commission vous invite à déposer cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil».

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mis aux voix, l'amendement de M. Lescaze (dépôt sur le bureau du Grand Conseil) est rejeté par 50 voix contre et 36 voix pour.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.