République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 6791-A
24. Rapport de la commission judiciaire chargée d'étudier le projet de loi de Mme et M. Françoise Saudan et Jacques Torrent modifiant :a) la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 1);b) le code de procédure pénale (E 3 5). (Transfert de la Chambre d'accusation à la Cour de justice et restriction de la publicité des audiences de cette juridiction.)   ( -) PL6791
Mémorial 1992 : Projet, 1061. Commission, 1076.
Rapport de Mme Christine Sayegh (S), commission judiciaire

Au cours de 9 séances, soit les 27 août, 3 et 24 septembre, 1er, 8 et 22 octobre 1992, 23 mars, 22 et 26 avril 1993, la commission judiciaire, sous les présidences successives de Mme Françoise Saudan et M. Michel Jacquet, a étudié le projet de loi 6791.

Aux travaux de la commission ont assisté: M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat chargé du département de justice et police, ainsi que MM. Rémy Riat et Bernard Duport, secrétaires adjoints du département de justice et police.

BUTS DU PROJET DE LOI 6791

1. Transfert de la Chambre d'accusation à la Cour de justice

La Chambre d'accusation est l'organe de contrôle de la détention des inculpés, des décisions du juge d'instruction et de certaines décisions du procureur général (par exemple: classement, suspension de la poursuite pénale), elle est également l'autorité de renvoi en jugement.

Elle est actuellement composée d'un juge du Tribunal de première instance et de deux assesseurs laïcs.

Les auteurs de la présente loi ont estimé que le rôle de la Chambre d'accusation était suffisamment important pour que l'autorité de cette juridiction soit renforcée et que, pour ce faire, il fallait qu'elle soit présidée par des magistrats chevronnés, ayant une expérience plus longue de la magistrature et ont en conséquence proposé le transfert des compétences de la Chambre d'accusation à la Cour de justice.

Il s'est avéré que les affaires qui occupent la Chambre d'accusation deviennent toujours plus complexes, notamment dans le domaine de la criminalité internationale.

2. Restriction de la publicité des audiences

C'est en suite de nombreux excès en matière de révélations du contenu d'enquêtes pénales pouvant porter atteinte tant au principe constitutionnel de la présomption d'innocence qu'au droit de la personnalité de la victime ou de ses proches que les auteurs du projet de loi ont proposé de renforcer le secret de l'instruction préparatoire, tout en précisant que Genève est le seul lieu en Europe continentale où le secret de l'instruction est brisé par la publicité des audiences de la Chambre d'accusation.

Les proposants rappellent que le secret de l'instruction préparatoire n'est pas en contradiction avec la Convention européenne des Droits de l'homme, ni avec notre constitution.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Elle a tout d'abord procédé à l'audition des représentants du pouvoir judiciaire, de l'Ordre des avocats, de la presse et des juges assesseurs.

Audition du pouvoir judiciaire

Il résulte de l'audition du pouvoir judiciaire représenté par M. Bernard Bertossa, procureur général, M. Pierre-Yves Demeule, vice-président de la Cour de justice, M. Yves Grandjean, président du Tribunal administratif, M. Pierre Heyer, juge à la Cour de justice et M. Michel Criblet, président du Tribunal de première instance, un préavis favorable au transfert de la Chambre d'accusation à la Cour de justice avec, tout de même, quelques précisions qui sont les suivantes:

 Suppression des assesseurs

La suppression des assesseurs à la Chambre d'accusation est justifiée par le caractère toujours plus technique des affaires, leur complexité croissante sur le plan juridique, ce qui nécessite un niveau des connaissances juridiques accru.

Le renoncement à la collaboration des assesseurs s'impose également par le fait que les décisions de la Cour de justice sont rendues collégialement par trois juges de carrière.

 Simplification de la procédure

Le souhait de prendre en considération quelques suggestions tendant à simplifier la procédure, soit:

 prévoir la forme écrite pour les recours,

 autoriser la Chambre d'accusation à rejeter, sans débat, un recours manifestement infondé.

 Huis clos

Un préavis également favorable au huis clos qui, sur le plan procédural, est bénéfique car il permet de condenser les audiences et ainsi gagner du temps.

Le huis clos concrétise, par ailleurs, deux principes: la protection de la personnalité et la présomption d'innocence.

L'ensemble des magistrats adhère ainsi à l'insturation du huis clos avec la possibilité pour l'inculpé ou la victime de faire une requête personnelle, afin que l'audience soit publique.

Audition de l'Ordre des avocats

Me Marc Bonnant, avocat et Me Maurice Harari, avocat

L'Ordre des avocats relève que ce projet de loi s'articule autour de deux thèmes principaux indépendants l'un de l'autre, à savoir le secret de la phase de l'instruction préparatoire, y compris devant la Chambre d'accusation, et le transfert à la Cour de justice des compétences de la Chambre d'accusation entraînant une modification de la composition de cette juridiction qui siègerait à l'avenir avec trois juges professionnels, sans assesseurs.

La commission pénale de l'Ordre des avocats préavise négativement le huis clos systématique devant la Chambre d'accusation, malgré ses effets pervers, aux motifs notamment que l'on ne peut pas empêcher la rumeur de se propager et que le secret ne s'étend pas à l'inculpé. Elle propose de maintenir la règle de la publicité, l'exception étant le huis clos lorsque l'inculpé ou la victime le demande. Elle ajoute que la publicité est aussi une garantie de bonne justice.

La commission pénale de l'Ordre des avocats est d'accord avec le transfert des compétences de la Chambre d'accusation à la Cour de justice siégeant avec trois magistrats professionnels. Elle voit également dans cette nouvelle composition une garantie d'une unité de jurisprudence.

Audition de la presse

Mmes Arsever, Mansour et M. Cuénod

Les représentants de la presse se sont interrogés sur la question du huis clos. Ils estiment que la publicité est importante, car c'est un regard utile qui assure la transparence des institutions. Ils rappellent qu'il y a beaucoup d'affaires mineures qui échappent à la connaissance du public, celles qui se soldent par une ordonnance de condamnation, les classements et la plupart des cas jugés par le Tribunal de police.

Ils ajoutent que pour les affaires plus importantes mettant en cause des personnalités, le huis clos ne va rien changer à la situation actuelle et l'on ne peut exiger de la presse qu'elle se taise quand l'intérêt public commande la publicité. Les trois représentants de la presse sont convaincus que le huis clos engendre une médiatisation arbitraire des faits.

Ils relèvent enfin qu'une institution qui se réserve le monopole d'informer sur son propre fonctionnement ne mérite plus guère le nom d'institution démocratique. Certes, le projet évoqué ne va pas aussi loin mais il ferait une bonne partie du chemin et serait pour le moins contradictoire avec ceux déposés devant le Grand Conseil visant à promouvoir la liberté de l'information et celle du public.

Audition des juges assesseurs

M. Pierre Pachoud, Mme Christine Marfourt,juges assesseurs suppléants à la Chambre d'accusationet au Tribunal de police,Mme Yvette Rosselet et M. Jean-Jacques Portalès, uges assesseurs à la Chambre d'accusation

Les juges assesseurs sont surpris par la proposition de supprimer leur fonction et n'adhèrent pas au projet de loi sur ce point.

Ils sont convaincus que les assesseurs, en qualité de juges laïcs, ont une connaissance meilleure des choses de la vie et qu'ils assurent ainsi une continuité, ce qui ne serait pas le cas des juges de carrière. Ils contestent qu'un juge de carrière puisse être mieux à même de juger en fonction de la complication des causes.

Ils estiment, en outre, que la qualité des assesseurs dépend du choix des candidats par le biais de leur parti respectif.

Ils allèguent, enfin, qu'ils peuvent s'exprimer plus librement vu leur rôle de juges laïcs. Ils pensent mieux connaître leurs dossiers.

Audition de M. Pierre-Christian Weber,président de la Cour de justice

M. le président Weber s'exprime principalement sur la question de la publicité des audiences de la Chambre d'accusation, en précisant qu'il s'agit éthiquement de savoir qui doit primer, de la protection de la sphère privée des victimes d'infractions, de la protection de la sphère privée des inculpés, de la liberté de la presse, etc., et rappelle qu'en France les projets de lois tendent actuellement à vouloir préserver les inculpés des excès de publicité.

Pour la majorité des juges à la Cour, soit neuf sur quatorze, le huis clos devrait être de règle et l'exception la publicité sur demande de l'inculpé.

Pour le surplus, il confirme les points tels que soulevés et développés lors de l'audition du pouvoir judiciaire.

Audition de M. Michel Criblet,président du Tribunal de première instance

M. Criblet explique ensuite que pour lui le rôle des juges assesseurs est mineur et que ce système est désuet. Il regrette que la Chambre d'accusation ne se spécialise pas, contrairement aux autres juridictions.

En effet, le système actuel se présente en pratique de manière vieillotte: le magistrat professionnel présidant la Chambre d'accusation étudie le dossier et en expose le contenu aux juges assesseurs, lesquels ne sont pas souvent d'un grand soutien lorsqu'il s'agit de renvoyer une affaire en jugement, de trancher un recours contre les décisions du juge d'instruction ou celles du procureur général, de prendre une décision en matière d'entraide internationale, voire d'apprécier la prévention suffisante pour les questions de privation de liberté.

En conséquence, M. Michel Criblet adhère totalement à la suppression des juges assesseurs laïcs pour la Chambre d'accusation.

DISCUSSION DE LA COMMISSION

Après un premier tour de table, les commissaires se sont tout d'abord prononcés sur les principes:

Principe du transfert de la Chambre d'accusationà la Cour de justice

Cette solution paraît adéquate à la majorité des commissaires, car le principe de la hiérarchie est respecté pour une autorité de contrôle. En effet, un juge à la Cour de justice est mieux placé pour contrôler les décisions ressortissant à la compétence de la Chambre d'accusation.

C'est ainsi, par 7 voix (1 pdt., 2 soc., 1 peg., 1 dc. et 2 rad.) et trois abstentions (2 lib. et 1 mpg.) que le principe de ce transfert est accepté.

Suppression des juges assesseurs à la Chambre d'accusation

Le rôle technique de la Chambre d'accusation a interpellé les commissaires qui se sont posé la question de savoir si, vu la complexité des affaires actuelles, celles-ci peuvent encore être confiées à des juges assesseurs non juristes. En effet, les juges assesseurs sont laïcs et n'ont pas de formation spécifique.

Sur le principe, la suppression des assesseurs a également été acceptée par sept voix (2 soc., 2 peg., 2 rad. et 1 lib.), trois abstentions (1 dc., 1 lib et 1 pdt.) et une contre (mpg.).

Restriction de la publicité des audiences

Le principe du huis clos a suscité un long débat, car il y avait lieu de mettre en balance les arguments des juges à la Cour de justice qui plaident pour le huis clos avec ceux, notamment, de l'Ordre des avocats et de la presse qui affirment que la solution inverse n'est pas dénuée d'intérêt, d'autant plus si la présence des assesseurs est supprimée.

Il y a, en effet, lieu de rappeler que la publicité des audiences et les juges assesseurs ressortissent au contrôle populaire de la justice et que la publicité est une meilleure garantie d'une bonne justice et prévient l'arbitraire.

Une restriction de la publicité est, par contre, apparue nécessaire pour la protection de la personnalité de l'inculpé ou de la victime de l'infraction. C'est pourquoi la solution inverse à celle proposée par le projet de loi a été trouvée plus conforme aux droits des parties, à savoir le principe de la publicité avec le huis clos à la demande, principe qui est d'ailleurs consacré par la loi fédérale d'aide aux victimes d'infraction. Ainsi, une restriction de la publicité des audiences a également été acceptée à l'unanimité par les commissaires.

La commission ayant, en conséquence, apporté plusieurs amendements au projet de loi 6791 tel qu'initialement prévu, les explications complémentaires seront données au fur et à mesure de la discussion des articles de loi proposés.

COMMENTAIRES ARTICLE PAR ARTICLE

Article 1

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (E21), est modifiée comme suit:

Article 30, lettre g (nouvelle)

L'article 30 énumère les différentes chambres qui composent la Cour de justice et il y a lieu d'ajouter la Chambre d'accusation vu le transfert de compétences de cette dernière à la Cour de justice.

Cette modification est acceptée à l'unanimité moins une abstention (mpg.).

Article 50 (abrogé)

Cette disposition précisait que la Chambre d'accusation était présidée par l'un des juges au Tribunal de première instance, assisté de deux juges assesseurs élus à cet effet et attribuait les fonctions de greffier au greffier du Tribunal de première instance.

Cette disposition n'a plus de raison d'être vu la modification légale.

L'abrogation de l'article 50 a été acceptée par 9 voix (2 lib., 2 soc., 2 rad., 1 peg., 1 dc. et 1 pdt.) et 1 contre (mpg.).

Article 2

Le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977 (E 3 5), est modifié comme suit:

Article 21, alinéa 4 (nouvelle teneur)

«Le huis clos doit être levé dès que les circonstances qui l'ont motivé ne sont plus réalisées et, en tout cas, avant le prononcé du jugement ou de l'ordonnance; demeurent réservés les articles 153 A, 186 A, 189, 195 et 201 A.»

Cet article a trait à la publicité des audiences et consacre l'exception du huis clos à la demande pour la procédure devant la Chambre d'accusation. Il s'agit tout d'abord d'une nouvelle numérotation qui reprend la teneur de l'alinéa 3, vu l'introduction d'un nouveal alinéa 3 ensuite de l'entrée en vigueur de la LAVI, teneur complétée par les renvois aux articles 153 A, 186 A, 189, 195 et 201 A.

Cette modification est acceptée à l'unanimité.

Article 41, alinéa 1, lettre e (nouvelle)

«e) de demander le huis clos à toutes les audiences de la Chambre d'accusation.»

Cette nouvelle lettre est acceptée à l'unanimité.

Il s'agit en conséquence d'introduire dans la loi l'exception au principe de la publicité des audiences.

Article 153 A (nouveau)

Note marginale: Audiences et décisions

«1 La Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil si la demande en est faite:

a) par l'inculpé;

b) par la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle.

2 Préalablement à l'audience, elle informe de ce droit les personnes visées à l'alinéa 1.»

Il s'agit, en l'espèce, de définir quelles sont les personnes qui peuvent demander le huis clos et garantir leur information de ce droit, lors d'une demande de mise en liberté.

L'article 153 A, alinéas 1 et 2 (nouveaux), est accepté à l'unanimité.

Article 186 A (nouveau)

Note marginale: Huis clos

«1 La Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil si la demande en est faite:

a) par l'inculpé;

b) par la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle.

2 Préalablement à l'audience, elle informe de ce droit les personnes visées à l'alinéa 1.»

Même remarque que pour l'article 153 A, mais dans le cadre d'une demande de prolongation de détention.

L'article 186 A, alinéas 1 et 2 (nouveaux), est accepté à l'unanimité.

Article 201 A (nouveau)

Note marginale: Audiences et décisions

«1 La Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil si la demande en est faite:

a) par l'inculpé;

b) par la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle.

2 En cas de pluralité d'inculpés, la demande de l'un d'eux suffit.

3 Préalablement à l'audience, elle informe de ce droit les personnes visées à l'alinéa 1.»

Même remarque que pour les articles 153 A et 186 A, mais dans le cadre de l'audience qui suit le dépôt des réquisitions du procureur général.

L'article 201 A, alinéas 1 et 2 (nouveaux), est accepté à l'unanimité.

Les articles précédents ont été commentés ensemble, car ils relèvent tous de la question de la publicité des audiences devant la Chambre d'accusation.

Les articles suivants, qui procèdent également d'une modification du code de procédure pénale, sont destinés à modifier et améliorer la procédure de recours, raison pour laquelle ils sont également traités ensemble dans une suite logique quant au fond mais non quant à la numérotation.

Article 192, alinéa 2 (nouvelle teneur)

«2 Le délai de recours est de 10 jours à partir de la notification de la décision.»

Le délai n'était que de 5 jours mais, vu la nouvelle procédure, il est nécessaire de le porter à 10 jours pour permettre au recourant de rédiger son mémoire.

L'article 192, alinéa 2 (nouvelle teneur), est accepté à l'unanimité.

Article 193 A (nouveau)

Note marginale: Recours tardif

«1 Le président de la Chambre d'accusation vérifie si le recours a été formé en temps utile.

2 Si tel n'est pas le cas, il déclare le recours irrecevable.»

Cette disposition est à mettre en parallèle avec l'article 345 CPP (tardiveté d'un recours en cassation) et permet, comme le souhaitaient les juges de la Cour de justice, de rejeter sans débat un recours manifestement irrecevable.

L'article 193 A (nouveau) est accepté à l'unanimité.

Article 193 B (nouveau)

Note marginale: Recours irrecevables ou manifestement mal fondés

«1 La Chambre d'accusation peut, à l'unanimité, décider d'emblée de ne pas examiner le fond des recours manifestement irrecevables, ou rejeter ceux qu'elle considère, sans hésiter, comme mal fondés, sans échange d'écritures ni débat.

2 L'ordonnance est motivée sommairement.»

La teneur de cet article est à mettre en parallèle avec l'article 346 A CPP (recours en cassation irrecevable ou manifestement mal fondé).

L'article 193 B (nouveau) est accepté à l'unanimité.

Article 194 (nouvelle teneur)

Note marginale: Echange d'écritures

«Si le recours ne paraît pas manifestement irrecevable ou mal fondé, le président de la Chambre d'accusation le communique aux autres parties ainsi qu'au magistrat qui a rendu la décision attaquée, en leur fixant un délai de 10 jours pour présenter leurs observations écrites.»

Il a été tenu compte, dans cette nouvelle teneur de l'article 194, d'une modification de la note marginale qui se limitait à «communications de recours» en «échange d'écritures» ainsi que des modalités. En effet, ceci permet une procédure écrite plus rationnelle, notamment dans l'organisation des audiences des juges.

L'article 194 (nouvelle teneur) est accepté à l'unanimité.

Article 194 A (nouveau)

Note marginale: Ecritures à refaire

«Les écritures illisibles, inconvenantes ou prolixes sont renvoyées à la partie intéressée qui est invitée à les refaire dans le délai fixé par le président.»

L'introduction de cet article procède également d'une rationalisation dans la gestion du temps que les juges consacrent au dossier. En effet, comme l'a d'ailleurs relevé le chef du département, un recours d'une seule page peut parfois suffire et nous a donné l'exemple d'un recours qui comportait 600 pages, ce qui, à l'évidence, n'est pas en soi un gage de succès.

L'article 194 A (nouveau) est accepté à l'unanimité.

Article 195 (nouvelle teneur)

Note marginale: Plaidoiries

«1 A l'issue de l'échange d'écritures, la Chambre d'accusation demande aux parties si elles entendent plaider.

2 Si l'une des parties en fait la demande, les parties et leurs conseils sont convoqués par écrit pour une prochaine audience.

3 Les parties ne sont pas tenues de comparaître en personne à l'audience de plaidoiries.»

Vu la procédure écrite, l'audience de plaidoiries a moins d'importance mais n'est toutefois pas supprimée et permet donc à chacune des parties de venir s'exprimer oralement après l'échange d'écritures.

L'article 195 (nouvelle teneur) est accepté à l'unanimité.

Article 196 (nouvelle teneur)

Note marginale: Audiences et décisions

«1 Lorsque la procédure n'est pas devenue contradictoire ou lorsque le recours vise une personne qui n'est pas inculpée, la Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil.

2 Dans les cas des articles 116, 130, 137 et 198, la personne qui fait l'objet de la dénonciation, de la plainte ou de l'instruction peut requérir que l'audience soit publique, sous réserve de l'alinéa 3.

3 Si la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle ou un inculpé en fait la demande, la Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil.

4 Dans le cas de l'article 114 B, elle siège en Chambre du conseil et statue en dernier ressort en audience publique.

5 Une copie de l'ordonnance de la Chambre d'accusation est jointe à la procédure.»

Cette disposition vise les situations particulières où le principe général de la publicité ne peut pas s'appliquer. Les droits des parties sont, toutefois, réservés.

L'alinéa 1 correspond à la teneur de l'article 195 actuel, remanié en fonction des modifications relatives au présent projet de loi. Il s'agit d'une restriction de la publicité des audiences qui n'est pas incompatible avec la constitution genevoise, puisque cette dernière prévoit que la loi peut restreindre la publicité des audiences de la Chambre d'accusation.

L'alinéa 2 permet de rétablir le principe de la publicité si les parties au procès y ont un intérêt.

L'article 196 (nouvelle teneur) est accepté à l'unanimité.

Article 3

«Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.»

Cet article est accepté à l'unanimité.

CONCLUSION

Vous aurez constaté, Mesdames et Messieurs les députés, que le projet de loi 6791 a été largement amendé lors des travaux de la commission judiciaire pour tenir compte des différentes remarques tout à fait appropriées des personnes auditionnées.

En effet, si le principe du transfert des compétences de la Chambre d'accusation du Tribunal de première instance à la Cour de justice a été admis par tous les milieux concernés, le principe du huis clos a semblé, tant à la majorité des députés qu'à l'Ordre des avocats, un pas difficile à franchir.

Effectivement, supprimer la publicité des audiences et les juges assesseurs, comme le prévoyait le projet de loi initial, a paru favoriser une justice en vase clos, contraire à l'esprit dans lequel est rendue notre justice.

Le projet de loi initial a été également complété par des dispositions d'ordre procédural afin de favoriser une procédure écrite et rationnelle. Ceci était d'autant plus adéquat que la nouvelle composition de la Chambre d'accusation est faite de trois magistrats de carrière, sans juge laïc.

En conséquence, le projet tel qu'il ressort des travaux de la commission judiciaire est cohérent, garantit les droits de l'inculpé et de la victime d'infraction à l'intégrité (conformément aux dispositions de la LAVI).

Aussi, la commission judiciaire vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter le projet de loi 6791 avec ses amendements.

PROJET DE LOI

a) modifiant la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (E 2 1);

b) modifiant le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977 (E 3 5).

(Transfert de la Chambre d'accusation à la Cour de justiceet restriction de la publicité des audiences de cette juridiction)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (E 2 1), est modifiée comme suit:

Art. 30, lettre g (nouvelle)

g) 1 Chambre d'accusation.

Art. 50 (abrogé)

Art. 2

Le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977 (E 3 5), est modifié comme suit:

Art. 21, al. 4 (nouvelle teneur)

4 Le huis clos doit être levé dès que les circonstances qui l'ont motivé ne sont plus réalisées et, en tout cas, avant le prononcé du jugement ou de l'ordonnance; demeurent réservés les articles 153 A, 186 A, 189, 195 et 201 A.

Art. 41, al. 1, lettre e (nouvelle)

e) de demander le huis clos à toutes les audiences de la Chambre d'accusation.

Art. 153 A (nouveau)

Audiences et décisions

1 La Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil si la demande en est faite:

a) par l'inculpé;

b) par la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle.

2 Préalablement à l'audience, elle informe de ce droit les personnes visées à l'alinéa 1.

Art. 186A (nouveau)

Huis clos

1 La Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil si la demande en est faite:

a) par l'inculpé;

b) par la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle.

2 Préalablement à l'audience, elle informe de ce droit les personnes visées à l'alinéa 1.

Art. 192, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Le délai de recours est de 10 jours à partir de la notification de la décision.

Art. 193 A (nouveau)

Recours tardif

1 Le président de la Chambre d'accusation vérifie si le recours a été formé en temps utile.

2 Si tel n'est pas le cas, il déclare le recours irrecevable.

Art. 193 B (nouveau)

Recours irrecevables ou manifestement mal fondés

1 La Chambre d'accusation peut, à l'unanimité, décider d'emblée de ne pas examiner le fond des recours manifestement irrecevables, ou rejeter ceux qu'elle considère, sans hésiter, comme mal fondés, sans échange d'écritures ni débat.

2 L'ordonnance est motivée sommairement.

Art. 194 (nouvelle teneur)

Echange d'écritures

Si le recours ne paraît pas manifestement irrecevable ou mal fondé, le président de la Chambre d'accusation le communique aux autres parties ainsi qu'au magistrat qui a rendu la décision attaquée, en leur fixant un délai de 10 jours pour présenter leurs observations écrites.

Art. 194 A (nouveau)

Ecritures à refaire

Les écritures illisibles, inconvenantes ou prolixes sont renvoyées à la partie intéressée qui est invitée à les refaire dans le délai fixé par le président.

Art. 195 (nouvelle teneur)

Plaidoiries

1 A l'issue de l'échange d'écritures, la Chambre d'accusation demande aux parties si elles entendent plaider.

2 Si l'une des parties en fait la demande, les parties et leurs conseils sont convoqués par écrit pour une prochaine audience.

3 Les parties ne sont pas tenues de comparaître en personne à l'audience de plaidoiries.

Art. 196 (nouvelle teneur)

Audiences et décisions

1 Lorsque la procédure n'est pas devenue contradictoire ou lorsque le recours vise une personne qui n'est pas inculpée, la Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil.

2 Dans les cas des articles 116, 130, 137 et 198, la personne qui fait l'objet de la dénonciation, de la plainte ou de l'instruction peut requérir que l'audience soit publique, sous réserve de l'alinéa 3.

3 Si la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle ou un inculpé en fait la demande, la Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil.

4 Dans le cas de l'article 114 B, elle siège en Chambre du conseil et statue en dernier ressort en audience publique.

5 Une copie de l'ordonnance de la Chambre d'accusation est jointe à la procédure.

Art. 201 A (nouveau)

Audiences et décisions

1 La Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil si la demande en est faite:

a) par l'inculpé;

b) par la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle.

2 En cas de pluralité d'inculpés, la demande de l'un d'eux suffit.

3 Préalablement à l'audience, elle informe de ce droit les personnes visées à l'alinéa 1.

Art. 3

Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.

Premier débat 

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Juste une petite remarque au sujet de la demande d'amendement qui vous a été distribuée. Il s'agit d'un point que je développerai plus tard, qui avait été voté en commission et qui a été omis dans le rapport.

La présidente. J'ai reçu des propositions d'amendements de Mme Marlène Dupraz. Elle n'est pas là pour les défendre !

M. Jacqueline Jacquiard (MPG). Ce rapport a posé plusieurs interrogations à notre groupe. Effectivement, nous ne voyons pas la nécessité d'opérer un tel transfert, particulièrement en ce qui concerne la suppression des assesseurs laïques en Chambre d'accusation. Cette suppression est soi-disant justifiée par le caractère toujours plus technique des affaires et une complexité croissante sur le plan juridique. Que les décisions de la Cour de justice soient rendues collégialement par trois juges de carrière ne nous paraît pas une raison suffisante à cette éviction, ni une entrave au pouvoir judiciaire à ce niveau. Une contribution de l'extérieur, basée sur l'expérience de la vie quotidienne et le bon sens qu'elle impose au citoyen peut constituer un apport positif aux juges tenus d'appliquer la loi, de façon que l'on ne renforce pas, dans la population, le sentiment parfois exprimé d'une justice à deux vitesses.

Cette mesure n'empêchera pas la presse d'intervenir à tort ou à raison. La présence même de juges assesseurs constitue, me semble-t-il, un soutien à l'appareil judiciaire, étant lui-même tenu au secret de diverses délibérations. Pourquoi en faire des citoyens de deuxième catégorie, inutiles, plutôt que des collaborateurs conscients de la hiérarchie qu'ils doivent respecter ? Quant au huis clos préconisé, les raisons de cette décision ne paraissent pas absolues puisque l'inculpé ou la victime peuvent faire une demande personnelle d'audience publique dont on peut imaginer que selon les cas elle peut être adroitement conseillée ou découragée. D'autre part, en ce qui concerne le citoyen moyen, ou plutôt «normal», qui a peu à faire avec la justice en général, il risque de ne pas oser recourir ou de se sentir trop éloigné des professionnels pour en faire la demande. Nous sommes pour le maintien d'assesseurs nommés par les partis et convoqués à tour de rôle.

Mme Marlène Dupraz (T). Je crois qu'il était question de présenter mes amendements tout à l'heure. Je n'étais pas là je vous prie de m'en excuser. Auparavant, j'aimerais faire une déclaration et demander ensuite que l'on renvoie le projet de loi à l'étude en commission.

Vous faites silence pour m'entendre, c'est faire preuve, un moment, de démocratie et je vous en remercie. Avant de commencer, j'aimerais vous rappeler qu'en face, vous êtes plus nombreux que nous, et que vous représentiez les vôtres, en nombre nettement plus faible que ceux que nous représentons sur ces bancs. Et comme nous allons aborder un échantillon de la restriction comprimée, il faut bien se remettre cette image des rapports en tête. Et en préambule, permettez-moi quelques observations.

La plénière est un moment d'espoir où l'appel au sens humain trouvera des oreilles pour l'entendre, et j'ai réservé de réitérer mes propositions. Elles ont été faites dans le cadre collégial des travaux comme une contribution. Mais elles n'ont retenu l'intérêt d'aucun.

Le PDT, minorité toujours battue, assiste aux travaux de commission sans le moindre plaisir, car, il faut bien le dire, il s'agit d'entreprendre l'érosion des minces acquis en ce domaine. La justice est un lieu censé intervenir pour assurer notre protection, rétablir un certain équilibre, apporter réparation et prévenir la déréliction. A cet endroit, le PDT constate que l'autorité de justice est devenue un pouvoir judiciaire. Il se protège. Il se surprotège de manière toujours plus unilatérale à travers ses actes. Dans ce projet de loi comme dans d'autres, la tendance est à la ratiocination de la restrictive jusqu'à l'intouchabilité. Les législateurs bourgeois s'accordent unanimement à débouter les laïques de toutes instances et de toutes autorités assises avec le peuple. Ils clament le professionnalisme. Rappelez-vous l'affaire de la BCG ! Ils fustigeaient leur incompétence et leur imperformance, ce qui les avaient conduits à restreindre le nombre de membres de la commission d'administration, la tentation bien évidemment était de les remplacer par des juristes et des banquiers. Dans ce projet de réorganisation judiciaire, le réflexe est le même !

Le mépris irrépressible pour les laïques non initiés aura clos le débat. Il fera campagne, avec toute la démagogie requise, pour la disparition des institutions démocratiques. La répulsion qu'ont nos bourgeois et sociaux-démocrates pour ce qui est du contrôle populaire aura mis fin à nos aspirations de justice. Un petit aperçu : l'école et l'éducation nous échappent peu à peu. La santé a été, ces derniers vingt ans, profilée en industrie dont le coût représente, pour la plus grosse part, l'inestimable bénéfice fait sur le matériel issu de la haute technologie, l'autre part, absorbée par une forêt de procédés issus d'un système faible. Le logement social s'est vu dans les années de surchauffe perdre son droit au sol.

La justice, pour en revenir, devient un corps inaccessible pour le citoyen. Ce corps continue de dresser autour de lui des murs contre le peuple, d'ériger la science de la procédure, de lui opposer un code ardu de la circulation en son sein où les voies seront de véritables gaines serrées qu'il faudra braver avec héroïsme, acquitté parfois de sa perte. Vous l'avez vu, le transfert est suivi de la modification du code de procédure pénale. Si les intentions de ce projet est d'améliorer le fonctionnement de toutes les juridictions, elles révèlent néanmoins la volonté de poser des filtres à tous les niveaux, ce qui constitue une diminution de voies récurrentielles. C'est là aussi que je veux en venir. Les voies de recours sont semées d'obstacles. J'y reviendrai si nécessaire.

Le PDT refuse d'introduire par cette loi, une justice d'exception. Il refuse que le pouvoir judiciaire, par les faits qui viennent d'être exposés, statue en tant que juge et partie. Le huis clos sans une meilleure définition est un danger pour la protection de la personne. S'il protège des personnalités, il ne protège pas l'homme modeste. S'il est requis pour la phase préparatoire de l'instruction, il n'est plus concevable lorsque le dossier aura été établi dans sa plus grande complétude.

En conclusion, j'exhorte l'assemblée à rejeter ce projet de loi. C'est un projet qui s'inscrit dans la ligne des offensives que nous accusons quotidiennement. Il sous ressort d'un vaste programme qui l'inspire. Je crois entendre ici que d'autres personnes ont voulu faire des amendements. Je demande d'abord que l'on renvoie ce projet en commission pour que les amendements puissent se faire en commission, que l'on puisse leur apporter un autre éclairage.

M. Thierry Du Pasquier (L). Permettez à un législateur bourgeois, juriste et, plus grave encore, familier du Palais de justice, de dire que dans la description qui a été faite du pouvoir judiciaire auquel on reprochait tout à l'heure d'être un pouvoir - c'est nouveau - que je ne reconnais pas ce pouvoir judiciaire dans ce qui a été dit. Permettez-moi aussi de m'étonner du fait que Mme Dupraz vienne aujourd'hui proposer des amendements qu'elle n'a semble-t-il pas eu l'idée de déposer dans le cadre des travaux de la commission auxquels elle a pourtant participé.

Pour les personnes qui ne sont pas familières du Palais de justice, il est vrai que la question de savoir ce que fait la Chambre d'accusation, ce qu'elle est et à quelle juridiction elle est finalement rattachée paraît un peu technique. Et pourtant, c'est un sujet qui a une grande importance et je crois que les trois modifications qui sont proposées au code de procédure pénale et à la loi d'organisation judiciaire sont significatives.

L'une d'entre elle consiste donc à faire passer la Chambre d'accusation, qui est l'organe de contrôle de l'instruction pénale, du niveau de première instance au niveau de la Cour de justice. Qu'il soit dit en quelques mots que c'est un changement comportant une certaine logique puisqu'il est assez normal que l'instance de la Cour de justice qui est celle d'appel serve aussi d'organe de recours en l'espèce. La question est de savoir s'il faut renoncer aux assesseurs laïques dans la Chambre d'accusation, et uniquement dans la Chambre d'accusation. Il n'a jamais été question de renoncer aux assesseurs laïques au Tribunal de police, aux jurys populaires dans le cadre de la Cour correctionnelle avec jury, ni dans la Cour d'assises.

Cette question, relativement technique à mon sens, ne bouleverse pas les fondements de notre ordre juridique. Je crois au contraire que l'on peut affirmer tout à fait objectivement que les questions sont suffisamment techniques, du moins lorsqu'il s'agit de recours contre les décisions du juge d'instruction pour qu'elles soient plus du ressort de juges professionnels, de juristes que d'assesseurs se bornant souvent à ratifier la décision du juge unique qui, finalement, statue en l'espèce.

Reste la question du huis clos. Actuellement, avec la LAVI, je dirais qu'il est à la mode de protéger mieux qu'on ne l'a fait précédemment les victimes de certaines infractions. C'est un peu dans cette perspective que le projet a été déposé. Il a été demandé que soit établi le principe que cet organe contrôlant l'instruction statue à huis clos, ce qui est assez logique puisque l'instruction pénale doit être secrète. Vous savez tous, parce que vous l'avez lu certainement à l'occasion de plusieurs affaires, le mal que peut faire la violation du secret de l'instruction. C'est dire que sur ces trois points il y a des éléments tout à fait sérieux à l'appui du projet, mais il y en a d'autres qui militent aussi en faveur du statu quo et c'est notamment le principe du contrôle de l'exercice du pouvoir judiciaire par le peuple.

La publicité au débat ne sert à rien d'autre qu'à assurer, par le contrôle populaire, que la justice fonctionne bien. Pour ces différentes raisons, je dois vous dire que le groupe libéral, qui a longuement délibéré sur ce sujet, considérant finalement que les problèmes posés sont plus d'un ordre moral ou de conscience que politique, a décidé de renoncer à donner une consigne de vote à ses membres. Vous ne serez donc pas étonnés de voir que le groupe libéral vote de façon éparse en l'espèce. En revanche, le groupe libéral s'opposera aux amendements et au renvoi en commission. La commission judiciaire s'est déjà suffisamment préoccupée de ce projet, je crois qu'elle a fait un travail excellent et que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de lui renvoyer ce projet.

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Il est vrai que ce projet de loi, s'il consacre quelques principes, n'est techniquement peut-être pas toujours facile à appréhender. J'aimerais tout d'abord m'étonner des amendements de Mme Dupraz. Elle est effectivement titulaire à la commission judiciaire et elle pouvait exprimer son avis pendant ces travaux. Elle l'a fait puisque l'article 50, sur lequel elle revient dans son amendement, elle en a voté l'abrogation lors du vote en commission et que tous les autres articles ont été acceptés à l'unanimité. L'unique représentant du MPG s'était abstenu ou opposé, mais c'était la seule personne qui n'avait pas adhéré au vote. Madame Dupraz, je crois que cette commission était très démocrate et qu'elle a tenu compte de votre avis, puisque vous avez voté avec l'unanimité de la commission.

En ce qui concerne le huis clos. Le projet proposait le huis clos plutôt que la publicité, et nous avons donc, dans un esprit de contrôle populaire de la loi, de la justice et de la procédure, modifié ou inversé le système. La publicité est de règle indépendamment d'un préavis contraire de la Cour de justice, et l'exception sera le huis clos à la demande de l'inculpé ou de la victime. Les droits de la victime et les droits à un procès équitable sont également parfaitement respectés. Si bien que je pense que nous avons énormément travaillé cette loi et procédé à plusieurs modifications législatives consécutives; elle se tient, et ce serait une erreur de la renvoyer en commission.

Mme Françoise Saudan (R). Madame Dupraz, ce n'est pas sérieux de proposer un renvoi en commission après l'étude approfondie que nous avons faite de ce projet de loi ! Ce n'est pas sérieux, Madame ! Je trouve cela dramatique de revenir sur un sujet tel que celui-ci pour lequel nous avons pris la peine d'auditionner toutes les personnes concernées, pour lequel nous avons siégé quelque dix séances, et de venir en séance plénière en modifiant pratiquement tous les articles. Je regrette, le groupe radical s'opposera au renvoi en commission et à tous vos amendements.

Je tenais également à remercier Mme Sayegh pour la qualité de son rapport, parce qu'elle a bien mis en évidence les enjeux. Nous sommes en tant qu'auteurs du projet de loi, mon collègue Jacques Torrent et moi-même, satisfaits du résultat des travaux de la commission. Je trouve qu'en particulier sur le problème du huis clos nous avons trouvé une solution juste, équilibrée et qui tient compte des intérêts de toutes les parties en présence. Alors, je vous en prie, Madame, on travaille en commission, mais une fois qu'un

rapport a fait l'objet d'une approbation aussi unanime que celui-ci on ne revient pas en plénière.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Après avoir entendu le véritable réquisitoire de Mme Dupraz contre la justice genevoise qui serait antidémocratique et de classes, je crois que l'on ne peut pas faire autrement que de s'élever contre ces propos et penser que ceux-ci sont le fruit de son inexpérience et de sa méconnaissance de cette même justice davantage que de celle d'une observation attentive de cette justice. (Protestations sur les bancs de l'extrême-gauche.)

La présidente. S'il vous plaît, laissez-le poursuivre !

M. Bénédict Fontanet. Je voudrais tout d'abord dire que ces projets de lois qui nous reviennent sont de bons projets, qu'il faut les voter tels quels et qu'il n'y a pas lieu de les renvoyer en commission dans la mesure où ils ont fait l'objet d'un examen large et approfondi par la commission judiciaire qui a trouvé un large consensus à ce propos. Quant aux amendements qui nous sont proposés, ils sont tout simplement fantaisistes et ne tiennent pas la route, si vous voulez bien me passer l'expression. Ce projet de loi correspond à une nécessité.

S'agissant du huis clos, celui-ci n'est pas systématique et il ne peut être demandé en l'occurrence qu'à la demande de la personne mise en cause, respectivement de la victime dans certains cas. C'est une nécessité aujourd'hui lorsque l'on voit certains dérapages auxquels donnent lieu certaines des audiences de la Chambre d'accusation. Pour le surplus, le transfert de la compétence du Tribunal de première instance à la Cour de justice de la Chambre d'accusation s'impose également comme étant une nécessité au vue des arguments développés par mes préopinants et que je ne reprendrai pas maintenant, de peur de lasser cette noble assemblée dans le cadre d'un débat de juristes qui pourrait tourner au débat de clercs.

Mme Marlène Dupraz (T). Reproche m'en a été fait, et je dois reconnaître que, entrée au Grand Conseil au mois de mars, on m'a mise dans la commission judiciaire. Il se peut que beaucoup de choses m'aient échappé... (Rires.)... notamment lorsque nous avons fait le tour de table pour l'entrée en matière et lorsque nous étions revenus là-dessus trois, quatre séances après, il est évident que j'avais cru comprendre que nous avions déjà voté sur les articles eux-même puisque nous avions voté sur l'ensemble des articles. Et nous dit-on ensuite que c'était un vote indicatif. Nous avons voté l'article 50 qui visait à supprimer les juges assesseurs, il se peut également que j'aie voté par erreur. Mais n'empêche que nous avons quand même ici la plénière pour nous ressaisir. Lorsque j'ai relu tous les p.-v., c'est à ce moment-là que je me suis aperçue, sur certains points, avoir déjà fait des propositions aux premières séances, au moment du tour de table. Je m'en étais déjà exprimée.

Ceci tient uniquement à la méconnaissance du domaine et, deuxièmement, méconnaissance aussi du déroulement des procédures de travaux de commission. Je pense que de toute façon je maintiendrai mes amendements et je ferai cependant une remarque. Si nous transférons la Chambre d'accusation à la Cour de justice, je soutiens que si le Grand Conseil a la volonté de maintenir des juges assesseurs, il n'en tient qu'à lui. D'autre part, Mme Sayegh a fait des amendements ce qui n'est pas mentionné dans le rapport. Il y a quinze juges titulaires et quinze juges suppléants à la Cour de justice. Cela se trouve dans le projet de loi. Mais pour la plupart des juges, ils fonctionnent déjà ainsi, en tant que juges professionnels.

Ma proposition d'amendement est peut-être fantaisiste mais nous pouvons reprendre tout cela en commission, et je pense que tout de même cet article 50 garantit un contrôle populaire de la justice et ça n'est pas un luxe. D'autre part, pour le huis clos, nous avons évoqué la nécessité d'instruire les affaires dans la sérénité et j'en étais tout à fait d'accord. Le huis clos est nécessaire seulement dans cette phase-là. Dans les discussions, il n'est pas ressorti à quel moment on pouvait lever le huis clos. Par compromis, j'avais accepté d'adopter ce qui a été accepté dans la loi, c'est-à-dire qu'il suffit que l'une des partie le demande. Mais cela reste insatisfaisant. Tout de même, lorsque l'instruction a constitué le dossier d'une manière assez complète, on doit pouvoir rendre publiques les audiences.

M. Robert Cramer (Ve). Je vous dirai d'emblée que je ne peux pas m'associer aux propos de M. Fontanet. Nous sommes ici dans un Grand Conseil, nous ne sommes pas dans un lieu où il est concevable d'exclure les uns ou les autres d'un débat. Si Mme Dupraz, qui n'est pas avocate mais qui participe à l'égal des autres députés aux travaux de la commission judiciaire, trouve qu'il y a lieu de soulever en plénière un problème sérieux, je crois qu'elle mérite notre attention et que nous répondions à ses arguments.

Je dois dire, Madame Dupraz, et vous l'avez peut-être senti aussi à travers mes interventions en commission, que je suis sensible à la question que vous soulevez, celle d'un contrôle de la population sur la justice. Je ne qualifierai pas cela de justice populaire. La question est de savoir comment des juges professionnels doivent intervenir en matière pénale et s'il n'y aurait pas lieu qu'à côté de ces juges il y ait des représentants de la population. Je suis de l'avis que tel doit être le cas. C'est la raison pour laquelle, je me suis toujours battu pour défendre les jurys parce que, Madame Dupraz, c'est la seule institution où l'on trouve réellement la population associée aux prises de décisions en matière de justice pénale.

Le jury est formé d'un certain nombre de citoyens que l'on a tirés au sort pour composer les listes des jurés. Ensuite, choisies parmis cette liste de citoyens un certain nombre de personnes qui ne savent rien de l'affaire dont on va parler arrivent et la découvrent à l'audience. Elles prennent par la suite une décision représentant ainsi réellement le sentiment de la population sur une affaire pénale. Ce n'est pas, Madame Dupraz, ce qui se passe à la Chambre d'accusation avec le système des assesseurs. Les assesseurs ne sont pas des représentants de la population, ce sont - s'il y en a quelques-uns qui sont dans le public qu'ils me pardonnent cette expression - de mauvais juristes. Les assesseurs rendent la justice sans avoir ni la compétence du juriste, ni la fraîcheur et le sentiment qui peut animer... (Rires.)... celui qui découvre une procédure pénale à travers son inexpérience.

Voilà la raison pour laquelle, Madame Dupraz, je considère que ce système d'assesseurs est hybride et qu'en fin de compte il se retourne contre les personnes privées de leur liberté, contre les personnes se trouvant en situation de devoir faire un recours contre une décision d'un juge d'instruction. Concrètement, que se passe-t-il ? Dans une bonne partie des cas, les assesseurs ne jouent aucun rôle dans la prise de décision parce qu'il s'agit de problèmes techniques et ce sont à ce moment-là les magistrats seuls qui décident. Lorsque l'on se trouve devant des problèmes moins techniques, les assesseurs sont effectivement associés à la prise de décision, mais ils ne jugent pas comme des citoyens tirés au sort et appelés à remplir la fonction d'assesseur, ils jugent comme des personnes qui, depuis un certain nombre d'années, ont une certaine routine, des réflexes acquis et ne jugent pas de la façon dont jugerait la population.

Voilà les raisons pour lesquelles, Madame Dupraz, il est souhaitable - quand bien même je suis d'accord sur le fond avec vous, que je partage votre exigence et votre désir de voir réellement la population associée aux prononcés des décisions de justice - de supprimer l'institution des assesseurs

à la Chambre d'accusation, parce que, dans ce cas-là, l'on parle d'une mauvaise justice que nous ne devons plus conserver à Genève.

M. David Lachat (S). Mme Dupraz, tout à l'heure, a fait acte de contrition; je dois également le faire devant ce Grand Conseil...

Une voix. A genou, mon fils !

M. David Lachat. ...pour vous dire que les propos tenus par M. Cramer m'ont personnellement pleinement convaincu et pour vous dire que j'ai voté en commission la suppression pleine et entière des assesseurs, et ma collègue Mme Sayegh a fait de même.

Le groupe socialiste toutefois a réexaminé cette question et a soupesé les arguments de part et d'autre. Il a considéré que le point de vue des avocats et des juristes n'était définitivement pas pertinent. (Quelques protestations.) Le groupe socialiste propose donc une solution que je qualifierai d'intermédiaire en ce qui concerne les assesseurs. Il est évident que les assesseurs ont malheureusement un certain manque de formation lorsqu'il s'agit d'examiner des problèmes éminemment juridiques pour trancher des recours. En revanche, lorsqu'il s'agit de deux domaines particuliers qui touchent la liberté des individus, à savoir les demandes de mise en liberté et les prolongations de détention, le groupe socialiste a considéré que les assesseurs apportaient un «plus» au Palais de justice : un certain bon sens, peut-être un sens inné de la justice. Ils sont pleinement capables de décider des problèmes de liberté qui ont une connotation humaine qui, peut-être quelque part, fait défaut à ces «machines» que sont les juristes.

Pour toutes ces raisons nous approuvons pleinement, sur les bancs socialistes, ce projet de loi. Mais nous vous proposerons néanmoins un amendement en ce qui concerne la présence des assesseurs à la Cour de justice. Nous demandons que cette même Cour soit présidée par un président assisté de deux assesseurs laïques lorsqu'il s'agit exclusivement de l'habeas corpus, à savoir les mises en liberté et les prolongations de détention. Tel est le point de vue de la majorité du groupe socialiste, étant précisé que je vous ai donné en début d'exposé, le point de vue de Mme Sayegh et le mien.

Mme Marlène Dupraz (T). J'aimerais répondre à cet amendement par mon approbation. Si j'avais proposé un amendement, je peux très bien le modifier maintenant puisque d'autres idées nous parviennent, c'est que pour les affaires trapues, du genre crime de sang ou crime économique, nous pourrions requérir la compétence de juristes ou de quasi-juristes présentés par les partis. D'autre part, nous avons parlé de compétence. Parlons-en ! Puisque les banquiers eux-mêmes - nous avons pu voir ces dernières années - et si spécialistes qu'ils ont été, ils ont malgré tout accusé le crash comme on peut ainsi le dire et avoir été dupés. Pour les juristes, il en est de même. Je pense qu'on ne peut pas être compétent dans tous les domaines. A l'heure de l'informatique, je crois qu'un juriste ne peut pas répondre à toutes les problématiques comme le requiert une affaire relevant du crime économique. Voilà pour répondre simplement sur la compétence, on ne peut pas être polyvalent et performant comme on veut le prétendre en face dans tous les domaines.

Mme Françoise Saudan (R). Je peux comprendre certains états d'âme par rapport à la suppression des juges assesseurs, et je crois que l'ensemble de la commission y a été sensible. Mais face à une telle proposition, qui remet en jeu l'un des problèmes-clefs de ce projet de loi, je vous propose le renvoi en commission... (Protestations.)... parce que je ne prends pas de décision sur ce sujet sans réentendre le pouvoir judiciaire.

Monsieur le chef du département, je sais très bien que vous avez des problèmes avec le jury. Nous sommes périodiquement saisis de problèmes de réformes du jury auxquels je suis complètement opposée. Nous avons eu des auditions des juges assesseurs particulièrement éclairantes. Nous avons entendu l'ordre des avocats, le Palais de justice, et nous étions arrivés à cette conclusion. S'il s'agit maintenant de remettre ce point-là en jeu, alors, je regrette, je maintiens ma proposition de renvoi en commission.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je souhaitais faire la même proposition que Mme Saudan. On ne peut pas proposer à la Cour de justice une modification de son fonctionnement. Le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission a l'approbation du pouvoir judiciaire et plus particulièrement de la Cour de justice qui a dit qu'elle pouvait fonctionner avec ce mode de faire. On ne peut pas, en plénum, modifier ou discuter de la modification de ce mode de fonctionnement sans avoir posé la question à l'autorité concernée et sans savoir comment elle souhaite fonctionner.

Ce que je souhaiterais que l'on fasse, puisque l'on n'a pas d'autres choix, c'est que l'on renvoie cette affaire en commission, que l'on entende à bref délai la Cour de justice pour savoir si cela est possible ou pas et que l'on regarde quel sort on réserve aux amendements. Mais permettez-moi de regretter une chose, c'est que cette affaire dure depuis bien longtemps, les parlementaires présents dans les commissions, quand il y a des sujets d'importance, seraient bien inspirés de consulter leur groupe parlementaire et leur parti politique afin de savoir dans quel sens ils doivent s'engager pour que l'on n'ait pas ce genre de discussion pénible dans le parlement. On discute depuis près d'une heure pour s'apercevoir qu'il faut retourner en commission. Je trouve que c'est du mauvais travail !

M. Pierre Meyll (T). Le groupe PDT accepte le renvoi en commission faute de quoi il refusera de voter ce projet de loi ce soir. Nous sommes pour la présence d'assesseurs non-juristes, notamment à la Chambre d'accusation, et pour la publicité des séances. Ce projet de loi est apparu à la suite de l'augmentation de la criminalité en col blanc soit escroquerie, abus de confiance, faux dans les titres, etc. Par ailleurs, nous considérons que le huix clos demandé par les victimes doit être respecté.

M. Thierry Du Pasquier (L). Comme à son habitude, l'opinion du groupe libéral est toute en nuance ! (Grand éclat de rires et vifs applaudissements de tous les bancs.)

La présidente. C'est rare qu'un député provoque un tel enthousiasme !

M. Thierry Du Pasquier. Dans le cas particulier, je suis enclin à aller dans le sens de la proposition d'amendement faite par M. Lachat. Si je me souviens bien, c'est moi qui avais fait cette proposition en commission. Je crois qu'elle avait été rejetée par les socialistes, mais enfin c'est une question de détail. Nous n'avons absolument aucune susceptibilité. Nous sommes prêts à admettre la proposition «mixte» et effectivement nuancée qui vous est présentée sous cette forme. De la même façon, nous sommes prêts à accepter l'amendement de Mme Sayegh consistant à faire passer un juge de première instance à la Cour, c'est-à-dire un poste de première instance à la Cour, ce que l'on a oublié par inadvertance dans le rapport mais qui, effectivement, avait été discuté en commission et qui paraît absolument raisonnable. C'est une correction élémentaire du rapport.

Je ne peux malheureusement pas en dire de même des amendements de Mme Dupraz. Croyez que j'aurais souhaité me prononcer de la même façon que pour les autres amendements mais, franchement, ce n'est pas parce que vous venez tard avec ces amendements, c'est parce qu'ils ne sont véritablement pas réalistes. Il est absolument impossible de faire fonctionner les institutions préconisées par ces amendements.

Je pense donc qu'il y a lieu d'accepter les deux amendements socialistes et qu'en revanche ceux présentés par Mme Dupraz ne peuvent pas l'être. Encore une fois, le groupe libéral garde toute liberté de vote.

M. Jacqueline Jacquiard (MPG). Juste un mot pour dire que nous accepterons le renvoi en commission à la place du rejet de la proposition.

M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Si vous souhaitez, pour consulter vos groupes, renvoyer ce projet en commission, le Conseil d'Etat ne s'y opposera pas, ce d'autant moins que c'est un projet émanant de députés, puisque c'est Mme Saudan et M. Torrent qui l'ont déposé. Cela étant, vous me permettrez de faire trois remarques sur la procédure suivie dans cette affaire.

Il y a un instant, en sortant du Palais de justice où j'ai participé à la rentrée solennelle, j'ai été accroché par plusieurs juges de la Cour de justice, qui m'ont confirmé que ce projet était attendu par le pouvoir judiciaire qui, de cette manière, veut participer à la réorganisation de l'Etat en rationalisant le fonctionnement des tribunaux. Et il est vrai que ce projet a déjà mûri longuement en commission.

Lorsque l'on veut voir les choses de plus près, on se rend compte, et c'est la seconde remarque que je voulais vous faire, qu'en réalité, parmi les trois questions qui étaient posées, il n'y en a qu'une qui vous fait hésiter. La première question, c'était de savoir s'il faut oui on non transférer la Chambre d'accusation du Tribunal à la Cour et tout le monde est d'accord à ce sujet. La deuxième question concernait le huis clos. Je crois que vous avez trouvé une solution extrêmement équilibrée, nuancée et qui a également intégré dans la réflexion la nouvelle loi fédérale sur l'aide aux victimes; je crois que, sur ces points, le projet est parfaitement équilibré et bien conçu.

Enfin, la troisième question est celle des assesseurs, et là je dois m'inscrire en faux contre ce que dit Mme Dupraz. J'ai moi-même, au nom du Conseil d'Etat, attiré votre attention sur cette question dès la préconsultation. J'ai de nouveau attiré l'attention des commissaires sur cette question pendant les travaux de la commission à tel point que le département vous a rédigé une variante en vous disant que, politiquement, il était peut-être plus prudent de conserver les assesseurs pour l'habeas corpus. Vous m'avez prié de soumettre cette variante au Palais de justice. La position du Palais de justice, vous la connaissez. Les juges sont venus vous dire qu'ils préféraient supprimer totalement les assesseurs, qu'ils n'entendaient pas les conserver pour l'habeas corpus. Il est donc inutile de les reconvoquer, leur position est claire et ils me l'ont encore confirmée ce soir. C'est une question qu'il faut trancher politiquement.

Les juges savent aussi que le législateur, c'est vous. Ils savent que dans un système de séparation des pouvoirs, leur fonction est d'appliquer les lois, qu'ils en soient contents ou non. J'ajouterais que, techniquement, le projet est prêt : vous pourriez parfaitement en trancher ce soir. Mais vous pouvez aussi reconsulter vos groupes parce que l'on peut bien penser qu'un certain nombre d'assesseurs qui avaient été auditionnés, sont revenus auprès des groupes pour leur dire tout le mal qu'ils pensaient de la suppression des assesseurs. Consultez donc vos groupes, le Conseil d'Etat vous avait d'ailleurs incités à une certaine prudence. Il est prêt à accepter la formule du maintien des assesseurs pour l'habeas corpus. Si vous préférez les supprimer totalement, il ne peut que vous répéter que c'est vous qui faites la loi; mais, comme disent les juges, le dossier serait en réalité aujourd'hui en état d'être jugé.

Dernière remarque à Mme Dupraz. Ne continuez pas à colporter les clichés du XIXème siècle sur la justice. Les juges s'engagent à faire leur travail au mieux; c'est un travail colossal avec des problématiques constamment nouvelles. Je connais bien les magistrats du pouvoir judiciaire. Ils sont totalement dévoués à leurs fonctions, s'investissent dans leur travail et essaient d'intégrer dans leur dynamique les problèmes les plus nouveaux de la société, les plus complexes. Combattre les phénomènes comme la criminalité économique, ce n'est pas simple. Alors aidez-les aussi à accomplir leur mission en modernisant leurs structures de travail. Et quand on veut critiquer le passé, il ne faut évidemment pas le maintenir, mais regarder vers l'avenir, ce qui implique que l'on change de temps en temps les institutions.

Mme Marlène Dupraz (T). Je demande également que l'on renvoie ce projet en commission et que nous puissions en rediscuter.

M. David Lachat (S). La proposition de renvoi en commission émanant de Mme Dupraz m'inquiète un peu parce que je crains que l'on rouvre la totalité des débats, alors qu'il semble que le seul point auquel nous devons réfléchir concerne la présence ou non des assesseurs à côté du juge de carrière, pour les mises en liberté et les prolongations des détentions.

Je vous suggère, par conséquent, que nous entrions en matière. Je renoncerai à présenter l'amendement que j'ai annoncé tout à l'heure au cours du deuxième débat. Je prierai cependant le Conseil d'Etat de renoncer à demander le troisième débat, que nous ferons à la prochaine séance en octobre. Dans l'intervalle, les groupes pourront réfléchir et, le cas échéant, nous reviendrons avec cet amendement au troisième débat. Comme cela on évite le renvoi en commission et on permet aux groupes de réfléchir sur cette seule et unique question qui demeure en débat.

Mme Marlène Dupraz (T). Il ne s'agit pas de remettre en question ce qui a été dit par M. Lachat, mais il y a tout de même un article 201 A, c'est pour les échanges d'écritures. Je trouve que le délai de dix jours pour former... (L'assemblée proteste vivement contre Mme Dupraz.)

La présidente. Non ! On en est au renvoi en commission !

Mme Marlène Dupraz. Je voudrais tout de même que l'on revoie ce point en commission.

M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Je vous confirme que le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat. Je crois que la proposition de M. Lachat est la voix de la sagesse. Elle permet de nous donner quelques jours de réflexion, mais néanmoins de terminer ce dossier, auquel la commission judiciaire a consacré une bonne dizaine de séances, pendant cette législature. Il reste une seule question à trancher, c'est celle des assesseurs : c'est la seule qui soit sérieusement controversée, toutes les autres ayant été tranchées par la commission.

M. Bernard Annen (L). Juste un mot pour vous demander s'il serait possible d'avoir par écrit l'amendement de M. Lachat, de manière que tous les groupes puissent l'avoir.

M. David Lachat (S). Je m'engage à transmettre avant 20 heures cet amendement à un représentant de chacun des groupes.

La présidente. Si vous le voulez, je peux vous le lire. C'est l'article 29, alinéa 1 (nouvelle teneur).

«La Cour de justice comprend 12 à 18 juges dont un président, un vice-président, 10 à 15 juges suppléants, 10 juges assesseurs rattachés à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers, soit 5 choisis dans les groupements représentatifs des locataires et 5 dans les milieux immobiliers, ainsi que 2 juges assesseurs et 4 juges assesseurs suppléants rattachés à la Chambre d'accusation pour l'examen des demandes de mise en liberté et de prolongation de détention.»

«Lorsqu'elle est saisie d'une demande de mise en liberté ou de prolongation de la détention, la Chambre d'accusation est composée d'un président juge à la Cour de justice assisté de 2 juges assesseurs élus à cet effet.»

Je mets aux voix maintenant la demande de renvoi en commission proposée par Mme Dupraz. (Quelques députés protestent sur la procédure suivie par la présidente.) Non ! La demande de renvoi en commission prime.

M. Michel Jacquet (L). Je suis navré de vous interrompre maintenant, mais il faut quand même que le Grand Conseil nous dise ce qu'il faut faire en commission. Je veux bien organiser cette séance de la commission judiciaire... (Brouhaha.) M. Lachat a proposé tout à l'heure d'entrer en matière...

La présidente. Monsieur Jacquet, si vous m'écoutiez une seconde ! Il y a une demande de renvoi en commission, je la fais voter, vous êtes pour ou vous êtes contre ! Ensuite il y a une deuxième proposition qui est d'entrer en matière et d'accepter le projet en deux débats et d'attendre une séance ultérieure pour le troisième débat.

Mise aux voix, la proposition de renvoi de ce projet à la commission judiciaire est rejetée.

Mis aux voix, le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat 

La présidente. Madame Dupraz, maintenez-vous vos amendements ?

Mme Marlène Dupraz. Oui.

Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. Au sujet des amendements de Mme Dupraz, je pensais qu'elle aurait la sagesse de les retirer; je vois qu'elle ne l'a pas. J'aimerais quand même faire remarquer que ces amendements ne sont pas rédigés et contradictoires, notamment celui visant un article vraisemblablement 194 a) et libellé 194. Je pense que ces amendements, non seulement pas cohérents avec la loi, mais relativement fantaisistes, ne peuvent pas être retenus. J'aimerais que l'on repose la question à Mme Dupraz car si l'on prend les articles les uns après les autres, on verra qu'ils n'ont rien à voir dans la loi.

La présidente. Madame Dupraz, vous êtes interpellée. Madame la rapporteuse demande si vous souhaitez quand même maintenir vos amendements après ce qu'elle a dit ?

Mme Marlène Dupraz (T). Je viens de consulter mes camarades. Je pense que l'on pourrait... (Protestations de toutes parts.) Je renonce au deuxième ou troisième débat.

La présidente. Renoncez-vous à vos amendements ?

Mme Marlène Dupraz. Non ! (L'assemblée est excédée par les refus successifs de Mme Dupraz.)

La présidente. Laissez-la parler !

Mme Marlène Dupraz. Je préfère adopter l'amendement de M. Lachat et que nous revoyions celui-ci en troisième débat.

La présidente. Et vos amendements, vous les retirez ?

Mme Marlène Dupraz. Je renonce à l'ensemble de mes amendements.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 (souligné) à 201 A (nouveau).

Article 3 (souligné)

La présidente. Nous arrivons à l'amendement proposé par Mme Sayegh qui prévoit l'introduction d'un article 3 nouveau souligné disant :

«La loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judiciaire, du 26 janvier 1990 (E 2 2) est modifiée comme suit :

Article 1, lettre b et c (nouvelle teneur)

b) 15 juges titulaires et 15 juges suppléants à la Cour de justice;

c) 17 juges titulaires au Tribunal de première instance et de police et 4 juges assesseurs au Tribunal de police.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 3 (nouveau ) (souligné), ainsi amendé, est adopté.

Article 4

La présidente. L'ancien article 3 (souligné) devient l'article 4 (souligné).

Mis aux voix, cet article est adopté.

La présidente. Le troisième débat aura lieu lors d'une prochaine séance.

 

La séance est levée à 19 h 15.