République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 juin 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 6e session - 25e séance
GR 17-1 et objet(s) lié(s)
9. Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes:
Mme Vesca Olsommer (Ve), rapporteuse. C'est la deuxième fois que M. B. A. K. dépose une demande de grâce suite à une mesure de cinq ans d'expulsion du territoire suisse. Sa première demande a été rejetée, il y a un peu moins d'une année, par ce Grand Conseil. Rappelons brièvement les faits.
Le recourant est né en Bretagne en 1969, d'un père algérien et d'une mère française. Il acquiert la nationalité française et demeure en Bretagne jusqu'à l'âge de sept ans. A ce moment-là, ses parents divorcent et sa mère, atteinte de troubles de la personnalité, entre dans une maison avec encadrement psychiatrique. Son père se remarie avec une Suissesse et tout ce petit monde s'en va en Algérie. L'enfant est le quatrième d'une fratrie de neuf. L'adaptation à l'Algérie est très difficile et, au terme de trois ans, les parents repartent à Nyon où ils font revenir leurs enfants un par un, selon les moyens économiques dont ils disposent. Ils ont la gérance d'un bistrot. A quinze ans, le recourant rejoint ses parents. Il termine sa scolarité obligatoire à Nyon. Il n'aime que la boxe, l'exerce assidûment et devient champion suisse super-welter à deux reprises. Il est décoré du mérite sportif de Nyon. Très jeune encore il travaille de nuit, s'entraîne le jour, et tombe sous la mauvaise influence de copains et commet des bêtises.
Pour un premier vol à l'étalage en novembre 1988, il est condamné, alors qu'il n'a pas vingt ans, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à trois ans d'expulsion avec sursis. Pendant les trois ans suivants, il évite les mauvaises fréquentations. Malheureusement, en 1991, pour aider un ami qui se trouvait dans une situation particulièrement difficile parce que malade, sans travail, sans indemnité de chômage, poursuivi pour dettes -- plus tard, cet ami fera une tentative de suicide en prison -- il agresse un facteur et le déleste de sa sacoche. Pour ce forfait, il est condamné le 21 janvier 1992 à trois ans de réclusion, une peine qu'il ne conteste pas, mais également à cinq ans d'expulsion du territoire suisse. C'est contre cette mesure d'expulsion qu'il recourt.
Par rapport à sa première demande, on peut évoquer deux faits nouveaux, à savoir le bon rapport du directeur de Bellechasse quant à son comportement. Je vous en lis quelques extraits: «Dès le 5 avril, il est passé en régime ouvert. La qualité des prestations fournies peut être qualifiée de bonne, comme d'ailleurs son comportement et son attitude en général. Il a bénéficié d'une autorisation de sortie de 24 heures et respecté les conditions d'octroi, participé aux activités socioculturelles et sportives, et tant sa famille que des connaissances sont venues le visiter régulièrement». Autre fait nouveau, le procureur dont l'avis, la première fois, fut négatif, s'en remet cette fois à l'appréciation de la commission et du Grand Conseil.
Après avoir examiné soigneusement ce cas, la commission, à la majorité, vous recommande d'accorder à M. B. A. K. la grâce de la peine de cinq ans d'expulsion, compte tenu que c'est vraiment en Suisse qu'il a toutes ses attaches, que sa famille se dit prête à le recevoir à sa sortie de prison, qu'un patron se dit prêt à l'employer, et que lui-même avait déjà, avant son agression, entamé une procédure de naturalisation.
Si nous voulons que ce garçon, qui est encore très jeune, ait quelque chance de réinsertion, c'est chez nous qu'il les aura et non, s'il est expulsé, dans un endroit où il ne connaît personne.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion) est adopté.
M. Jean-Pierre Gardiol (L), rapporteur. M. C. P. a été condamné le 27 juillet 1987 à deux ans de réclusion pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Cette condamnation a entraîné une demande de réintégration pour le solde d'une peine d'emprisonnement précédente de sept mois et dix-neuf jours. En effet, M. C. P. avait déjà été condamné pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants le 5 septembre 1983. Il avait été condamné à deux ans d'emprisonnement, libéré aux deux tiers de la peine. C'est donc le solde de cette peine, vu sa nouvelle condamnation, qui a été ajouté à la deuxième sanction.
Il fait recours contre le solde des peines d'emprisonnement et de réclusion. Sa sortie de prison est prévue pour le 10 juillet 1994. En cas de libération aux deux tiers des peines, elle sera avancée au 10 novembre 1993.
D'origine française et célibataire, il est né le 27 novembre 1958. Il est agent immobilier. Aucun renseignement ne figure dans son dossier à propos de sa situation pécuniaire récente.
Les condamnations qui nous intéressent découlent des faits suivants: celle du 27 juillet 1987 a pour objet l'envoi à l'un de ses amis à Genève de 78 grammes d'héroïne achetée en Inde en février 1987; celle du 5 septembre 1983 a également trait à une infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants.
M. C. P. a des antécédents judiciaires. Il a été condamné à trois reprises. Le rapport du directeur du pénitencier de Favra est bon. Il indique que le recourant travaille en équipe à la pépinière, donc à l'extérieur, qu'il a bénéficié de plusieurs congés et que, de retour dans l'établissement, il ne pose pas de problème.
En dépit de ces renseignements, la commission a estimé à l'unanimité que le recours de M. C. P. devait être rejeté, aucun élément nouveau déterminant n'étant venu compléter son dossier depuis sa condamnation.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Charles Bosson (R), rapporteur. M. G. D. est né le 12 mai 1965. Il est double national, originaire de Mauborget, dans le canton de Vaud, et de France. Il est célibataire et déménageur de profession. Au moment des faits, M. G. D. avait un revenu mensuel brut de 2 500 F et 45 000 F de dettes pour des emprunts bancaires divers, des arriérés d'impôts, des assurances et des contraventions diverses. Il a été condamné à nonante jours d'arrêts représentant la conversion des amendes d'un montant total de 3 910 F. Ces amendes lui ont été infligées pour conduite en état d'ivresse --1,41 pour mille --, pour de nombreux dépassements de vitesse, pour la conduite d'un véhicule non conforme -- pas de feux, un pneu crevé. Ces défectuosités provenaient de l'emboutissage d'un radar fixe, et le recourant en a eu pour 890 F de dégâts. Il a été également amendé pour avoir brûlé de nombreux feux rouges et pratiqué des stationnements interdits. La justice avait accepté qu'il acquitte ses amendes par acomptes, mais cet accord n'a pas été respecté.
La commission de grâce a reporté sa décision le 4 mai 1992, suite à un accord intervenu avec le rapporteur de l'époque, M. Terrier, pour des paiements mensuels de 120 F. Pour ce faire, M. G. D. avait mandaté Intervalles Genève SA, conseils et arrangements financiers. Les engagements ont été respectés durant quatre mois, soit de mai à août 1992, puis M. G. D. a rompu le contrat en septembre. Depuis, aucun versement n'a été effectué. En ne respectant pas ses engagements, M. G. D. n'a pas saisi la nouvelle chance qui lui était offerte.
Il faut relever aussi que le 25 février 1991, au quai Gustave-Ador, alors qu'il était avec son frère, M. G. D. a dépassé par la droite un véhicule qu'il estimait trop lent et s'est arrêté à sa hauteur. Les deux hommes sont descendus, ont sorti le conducteur de son véhicule et l'ont assommé d'un coup de boule. L'automobiliste a dû être hospitalisé.
M. G. D. recourt contre le montant des amendes. Le procureur général remet sa décision à justice et le préavis de la commission unanime est le rejet du recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Charles Bosson (R), rapporteur. M. G. H. est né le 5 décembre 1963. Il est originaire de Mauborget, dans le canton de Vaud, et de France. Il est célibataire et cuisinier. Actuellement au chômage, il touche une indemnité de 1 900 F par mois. Il a été condamné pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants, avec des circonstances aggravantes, à quatre ans de réclusion et 200 F d'amende. Il a subi six mois de prison préventive. M. G. H. a importé de Thaïlande en 1987, en 1988 et en 1989, 620 grammes d'héroïne au total. Il s'est rendu en Thaïlande par le biais d'une filière, puisqu'il a reconnu avoir été directement chez les vendeurs afin d'importer la drogue. Lui-même est consommateur et il reconnaît avoir fait commerce d'héroïne.
Actuellement, M. G. H. est en liberté pour cause de recours contre la décision du Tribunal de police auprès de la Cour de justice du canton de Genève. Ce recours a été rejeté et M. G. H. a recouru
auprès du Tribunal fédéral contre la décision de la Cour de justice, et ce pour une appréciation arbitraire des preuves. Tous ces recours ont été rejetés comme étant mal fondés.
Aujourd'hui, M. G. H. doit subir le solde de sa peine, soit trois ans et six mois. Dans la période qui remonte du jugement à aujourd'hui, M. G. H. a entrepris une cure à la méthadone. Il est actuellement suivi par le programme interinstitutionnel de méthadone et le rapport de l'institut, de même que celui du centre social du Lignon, sont favorables. Tous deux mentionnent que la cure se déroule bien. Durant cette période de liberté, M. G. H. a connu une jeune femme chez qui il vit. Selon les lettres jointes au dossier, soit la demande de M. G. H., soit celle de son amie, le couple déclare vouloir vivre ensemble et, pour cette raison, demande la remise de la peine.
Le préavis du procureur général est négatif. Ce dernier estime, avec raison, que M. G. H. a commis des infractions graves, non seulement en regard de la quantité d'héroïne importée, mais en raison de la durée de son comportement criminel et qu'il n'a, à ce jour, pas commencé l'exécution de sa peine, usant de tous les moyens légaux pour s'y soustraire.
Donner une suite favorable à sa requête créerait un précédent encourageant ce type de comportement dilatoire. Le préavis de la commission, en ce qui concerne M. G. H., est le rejet du recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
Mme Vesca Olsommer (Ve), rapporteuse. D'origine égyptienne, M. S. A. S. est né au Caire en 1964. Le 8 avril 1992, par ordonnance de condamnation, il écope pour vol de dix jours d'emprisonnement avec sursis et de trois ans d'expulsion ferme. La peine d'expulsion prendra fin en avril 1995. M. Sayed dépose une demande de grâce pour la deuxième fois et uniquement pour la mesure d'expulsion.
Sa première demande de grâce était fondée sur son intention d'épouser une Suissesse à Genève. Au moment où il a commis le vol qui lui a été reproché, il ne disposait pas d'un titre de séjour en Suisse ayant déposé une
demande d'asile qui a été rejetée. Il n'avait pas recouru et la décision négative avait pris force d'exécution. Le Grand Conseil a rejeté sa première demande de grâce.
La deuxième, c'est-à-dire celle que nous traitons maintenant, est fondée sur le fait qu'ayant épousé cette même Suissesse au Caire, celle-ci ne peut se faire à la vie égyptienne. Elle considère son centre de vie comme étant à Genève où elle a ses attaches. C'est là qu'elle veut habiter et c'est là que son époux doit venir la rejoindre.
Etant donné que le recourant et la recourante se sont mariés en toute connaissance de cause de la mesure d'expulsion, étant donné, notamment, je cite le procureur: «qu'égalité oblige, on ne voit pas pourquoi il serait plus difficile pour Mme R. de devoir habiter au Caire et s'accoutumer à des moeurs et à une mentalité différentes des siennes que pour le recourant, M. S., de s'installer en Suisse et de devoir également s'accoutumer à des moeurs et à une mentalité différentes.».
Etant donné également la manière indélicate dont le recourant s'est comporté vis-à-vis de l'oeuvre d'entraide qui l'a assisté, la commission, à l'unanimité, vous recommande le rejet du recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Bernard Annen (L), rapporteur. M. S. B. présente son deuxième recours en grâce. Agé de 38 ans, il a commis des attentats à la pudeur sur la personne de son beau-fils, plus exactement le fils de sa femme. La décence et le respect de la personnalité m'interdisent de donner quelque détail que ce soit. De toute manière, l'ensemble des faits est contraire à la morale et ressort, de mon point de vue, du domaine criminel. Raison pour laquelle la commission a décidé de refuser ce recours à l'unanimité.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Bernard Annen (L), rapporteur. Mes considérations sont les mêmes que pour le cas précédent. M. Z. J.-F a 74 ans, et c'est pour attentat à la pudeur sur la personne de son petit-fils qu'il a été condamné. M. Z. fonde son recours uniquement sur des problèmes de santé relatifs à de l'asthme. Les deux tiers de la peine seront accomplis le 10 janvier prochain. De mon point de vue et de celui de la commission, le rejet du recours vous est proposé à l'unanimité.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.