République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 10 juin 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 6e session - 22e séance
R 257
Débat
M. Pierre-Alain Champod (S). Il convient tout d'abord de rappeler que cette résolution sur la LPP est étroitement liée à la montée impressionnante du chômage en Suisse. Il est de notre devoir et de celui de tous ceux qui ont des responsabilités dans le monde économique, syndical ou politique de chercher des solutions à ce grave problème. Le professeur Gilliand a écrit, je le cite: «Le chômage est le seul risque authentiquement social en ce sens qu'il résulte non pas de la condition humaine, comme la vieillesse ou la maladie, mais de l'organisation de la société».
Quels sont les remèdes possibles pour faire face à cette situation? Il y a bien sûr les programmes de relance, il y a également ce que l'on appelle le traitement social du chômage, c'est-à-dire l'indemnisation des chômeurs, leur formation, les programmes d'initiation au travail, l'occupation temporaire, etc. Tous ces types de mesures sont indispensables, mais nous savons tous qu'elles ne seront malheureusement pas suffisantes pour résorber le chômage. Par conséquent, il faut chercher d'autres solutions et notamment voir comment nous pouvons mieux partager le travail existant entre le maximum de personnes. Avant d'en venir à des mesures qui pourraient être coercitives au niveau, par exemple, du nombre d'heures de travail dans les entreprises, il convient déjà d'encourager les gens qui acceptent de réduire leur temps de travail volontairement. Cette résolution a pour objectif d'améliorer les conditions-cadres des personnes qui travaillent à temps partiel. Je ne reviendrai pas sur les nombreux avantages du travail à temps partiel qui sont développés dans l'exposé des motifs. Il permet notamment de partager les tâches ménagères et éducatives dans un couple. Il permet également le passage en douceur d'un emploi à plein-temps à une période de retraite. La diminution du temps de travail par le travail à temps partiel permet aux gens de s'engager dans des activités associatives, culturelles, sportives ou politiques.
Actuellement, les personnes qui travaillent à temps partiel sont pénalisées au niveau de la caisse de retraite en raison de la loi sur la prévoyance professionnelle. Dans les conditions minimales de cette loi, il est prévu d'assurer seulement la part du salaire qui dépasse le montant de
22 000 F par an pour un emploi de 4 000 F par mois pour un plein-temps, soit 2 000 F par mois pour un mi-temps, ce qui fait 24 000 F par année. Si une personne travaille à mi-temps avec un salaire annuel de 24 000 F dans une entreprise qui applique les conditions minimales de la LPP, elle ne cotisera pour le deuxième pilier que sur 2 000 F; les retraites étant proportionnelles aux cotisations versées, elle aura une rente dérisoire, voire pas de rente du tout.
Nous savons aujourd'hui que les autorités fédérales sont en train de discuter d'une révision de la LPP. C'est la raison pour laquelle il nous semble opportun que notre Grand Conseil adresse aujourd'hui cette résolution au Conseil fédéral. Nous avons pris l'option de garder la logique du système des trois piliers. C'est pourquoi nous n'avons pas demandé de supprimer la déduction de coordination, ce qui aurait pu être justifié par rapport aux bas salaires; nous avons simplement demandé que cette déduction soit fixée proportionnellement au temps de travail.
Cela veut dire qu'une personne travaillant à mi-temps aurait son salaire assuré à partir de 11 000 F, soit la moitié des 22 000 F de la déduction de coordination actuelle. Comme il s'agit d'un problème qui concerne une loi fédérale, il est évident que certains de nos camarades interviendront dans le même sens aux Chambres fédérales. Il nous semble important qu'un canton durement touché par le chômage comme l'est Genève montre qu'il souhaite améliorer les conditions-cadres des personnes désirant travailler à temps partiel.
Compte tenu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames, Messieurs, à accueillir favorablement cette résolution et à l'adresser au Conseil fédéral.
M. Jean-Claude Genecand (PDC). Depuis l'entrée en vigueur obligatoire de la LPP en janvier 1985, les employeurs et employés ont pu se rendre compte des lacunes de cette loi, qui par ailleurs est techniquement compliquée.
Cependant, incontestablement, elle est un progrès pour nombre de travailleurs. Je dis travailleurs car les travailleuses sont souvent pénalisées. Dans le domaine de la vente, par exemple, où le travail partiel est fréquent par choix, mais aussi souvent par obligation, dans certains cas comme les mères célibataires qui ont des enfants, le personnel n'a pas la possibilité
d'épargner. En effet, il faut déduire du salaire le montant dit de coordination correspondant aux prestations AVS. Aujourd'hui, dans le meilleur des cas, la crise fait perdre aux victimes du chômage une année d'épargne, ou alors elles sont carrément exclues du système LPP si leur salaire partiel ne dépasse pas les 22 000 F.
A situation nouvelle, il faut des aménagements nouveaux. Notre groupe soutient cette motion qui, manifestement, soulève une injustice à l'égard des personnes qui ne peuvent retrouver un plein-temps. Ce Grand Conseil doit marquer sa détermination auprès de l'autorité fédérale dans le sens du respect des droits de tous et de chacun.
M. Bernard Annen (L). Nous ne partageons pas du tout l'analyse de M. Champod en ce qui concerne les incidences du travail à temps partiel et les remèdes qu'il serait sensé apporter au chômage.
En effet, vous serez d'accord avec moi qu'un certain nombre d'interrogations restent sans réponse. Par contre, nous sommes d'accord sur l'objectif de la résolution, car personne ne peut nier le problème existant, et nous devons donc l'étudier. Nous nous demandons si le parlement doit, à nouveau et une fois de plus, s'occuper d'une question qui est débattue à l'Assemblée fédérale. Mais, si vous avez besoin d'un soutien, ce parlement pourrait vous suivre.
Néanmoins, Monsieur Champod, il faut indiquer les implications que contient votre projet. Dès l'instant où vous déduisez ou réduisez le montant de coordination, vous incitez les gens à payer une cotisation supplémentaire qu'elle soit patronale ou qu'elle provienne des travailleurs. Vous ne pouvez pas négliger le fait que les personnes qui travaillent à mi-temps, elles, se posent un certain nombre de questions lorsque leurs charges sociales sont déduites. Il ne faut donc pas minimiser cet aspect des choses.
Je vous suggère, Monsieur Champod, de renvoyer cette résolution à la commission de l'économie, qui s'assurera qu'elle comporte un apport utile, car, en définitive, énormément d'implications découlent d'une telle décision. Je vous rappelle qu'il a fallu plus d'une décennie pour mettre au point la LPP. Ces problèmes ont été évoqués à l'époque; ils ont été minimisés et c'est dommage! Et aujourd'hui, vous préconisez des principes importants.
Enfin, Monsieur Champod, il est également important de signaler que le minimum LPP, ou le barème LPP, tel que vous le connaissez avec une augmentation progressive en fonction de l'âge va essentiellement pénaliser les personnes d'un certain âge, notamment les plus de cinquante ans, pour se reclasser, même à temps partiel, parce que l'entreprise, elle, devant payer plus de cotisations, va renoncer à engager ce personnel. Je crois que vous devez faire attention.
Sur le principe, je vous affirme que notre groupe vous suivra, car nous sommes convaincus de la réalité de ce problème, mais nous aimerions maîtriser les implications qui risquent d'en découler. C'est pourquoi nous vous proposons de renvoyer cette résolution à la commission de l'économie. S'il y a un problème d'urgence -- je ne sais pas à quel stade ils en sont aux Assemblées fédérales -- je suggère au président de la commission de placer cette résolution relativement rapidement à l'ordre du jour.
Cette résolution est renvoyée à la commission de l'économie.