République et canton de Genève

Grand Conseil

P 961-A
13. Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour un nouveau stade de football à Genève. ( -)P961
Rapport de M. Georges Jost (MPG), commission des pétitions

 

Débat

M. Georges Jost (MPG). Si vous le permettez, je voudrais seulement indiquer qu'en page 4 du rapport, à la dernière ligne, il faudrait modifier la phrase, je cite: «Le 85% des actions sont en main», comme suit: «Le 85% des actions sont en ses mains», si c'est possible.

M. David Lachat (S). J'ai une motion d'ordre. J'aimerais savoir si Servette a gagné, ce soir! (Rires.)

M. Georges Jost (MPG). Bien que Servette ait perdu 1 à 0, d'après ce que dit M. le conseiller d'Etat, il me semble important de tenir compte du fait que Genève a vraiment besoin d'un grand stade, ne serait-ce que dans l'optique de ce qui a été décidé, pas plus tard qu'hier ou aujourd'hui, avec le projet Euro 2004. Je pense que cela vaut la peine de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat.

M. Gérard Ramseyer (R). Le principal obstacle à une discussion objective de cette pétition pourrait être la notoriété du Servette FC et son importance médiatique en ce qu'elles pourraient occulter certaines réalités.

J'aimerais simplement attirer l'attention de ce Grand Conseil sur un aspect essentiel de cette pétition. Le football à Genève représente soixante-six clubs, quatre cent septante et une équipes, onze mille quatre cents joueurs, mais surtout six mille deux cents juniors. Ce qui doit vous interpeller, Mesdames et Messieurs, ce sont ces six mille deux cents jeunes.

Le sport -- vous le savez -- est une pyramide dont le sommet se nourrit de sa base... (Exclamations émerveillées.) Cette base trouve sa motivation dans son élite: le sommet de cette pyramide, précisément. Le rôle des pouvoirs publics est d'abord la formation et l'éducation des jeunes. Je veux souligner un aspect de cette pétition: priver le football genevois de son club phare ou de coupe d'Europe revient à priver ces jeunes d'une part importante de leur motivation. C'est pourquoi j'approuve sans réserve les conclusions de cette pétition.

Mais je voudrais encore dire ceci -- je me réfère à la page 9 du document que vous possédez -- donner suite à cette pétition ne signifie pas que l'on va procéder à une troisième étude d'impact. Deux ont déjà été conduites, cela suffit! Il s'agira bien plus de concevoir le problème des parkings et de la circulation à partir de Cointrin ou de Balexert en direction des Charmilles. Il s'agira bien plus de concevoir l'utilisation polyvalente de ce stade et, enfin, il s'agira également d'imaginer l'utilisation de la surface des voies CFF pour donner plus d'espace à ces installations. Ces différents problèmes qui se dessinent ne doivent pas être résolus dans dix ans. Le temps presse!

M. Michel Jörimann (S). Une coïncidence amusante veut que nous discutions de cette pétition à l'heure même où le Servette termine un match important, quel qu'en soit le résultat, au stade des Charmilles!

Une voix. Ils ont perdu!

M. Michel Jörimann. Tout avait mal commencé dans cette pétition, comme dans un match de football dont l'une des équipes encaisse un but dans les premières minutes. Malentendu, donc, au sein d'une partie de la commission pour qui l'Etat devait, toutes affaires cessantes, voler au secours financier du Servette. Carton jaune!

Pour l'autre partie de la commission -- à laquelle j'appartenais -- l'exécutif pouvait certes jouer le rôle de bons offices, mais sa mission devait se cantonner à cela. Il ne devait en aucun cas s'engager dans un processus d'aide financière au Servette, et surtout pas en ce moment. Carton rouge!

Notre groupe et nos commissaires aux pétitions ont toujours défendu ce dernier point de vue. Je l'avais, d'ailleurs, déjà développé lors d'une interpellation le 11 avril 1991, intitulée: «FC Servette: la balle dans quel but?» par laquelle je demandais à M. Haegi, alors approché par les dirigeants du Servette, quelles étaient ses intentions. Le malentendu au sein de la commission s'est ensuite cristallisé autour d'un amalgame volontaire ou non que certains ont fait entre le FC Bâle et le FC Servette. On ne peut faire cette comparaison. Si le Servette comporte un bon nombre de fans et de supporters inconditionnels -- dont je suis depuis plus de quarante ans! -- il ne peut être assimilé à un club représentatif d'une ville, d'une mentalité, voire d'un état d'esprit.

Ses partisans, même les plus farouches, doivent comprendre qu'une bonne partie de nos concitoyens ne s'identifie pas dans l'image de ce club. A lui donc de se débrouiller pour trouver les appuis financiers nécessaires à la reconstruction de son stade.

C'est finalement ce que la commission dans son ensemble a bien compris et que le rapporteur Georges Jost a fidèlement transcrit dans un rapport excellent tant à la forme qu'au fond.

Nous demandons donc, comme il le fait dans ses conclusions, au Conseil d'Etat de jouer le rôle d'arbitre dans cette affaire, et le mot arbitre est bien le plus adéquat en l'occurrence.

Pour conclure, je rappellerai simplement que lors de sa réponse à mon interpellation du 11 avril 1991, M. Haegi avait dit «expressis verbis»: «Aucune promesse n'a été faite au Servette sur le plan financier. L'Etat n'en a ni les moyens ni l'intention».

M. Bernard Annen (L). Je rappellerai à mon collègue et ami Jörimann...

Des voix. Ami? Ami?

M. Bernard Annen. ...qu'il existe également un carton vert pour les accidents qui ont lieu sur le stade. Nous pouvons apporter une civière, mais j'espère que ce n'est pas votre intention!

M. Ramseyer a bien défini l'état d'esprit dans lequel vous devez aborder de tels sujets. Il est important et indispensable -- c'est un ancien président de club qui vous parle...

M. Max Schneider. Ouais, il est en déficit!

M. Bernard Annen. Monsieur Schneider, nous nous occupions de deux cent quarante gamins, moi le premier! Alors, voyez-vous, je préfère, et de loin, que les jeunes s'amusent et se dépensent sur un stade plutôt que dans la rue avec tous les risques que cela comporte.

Cela étant, M. Jörimann, je crois -- et il faut le savoir -- que seuls deux clubs en Suisse ne sont pas financés par les collectivités, aussi il ne faut pas faire de fixation sur un soi-disant club riche, alors que ce n'est pas vrai. Vous le savez aussi bien que moi! Au contraire, ce club est proche de la faillite, mais la question n'est pas là. La question est de savoir si Genève désire, oui ou non, un stade digne de ce nom. Il me semble que nous sommes d'accord sur ce point. Permettez-moi quand même de me demander -- sans vouloir ouvrir un autre débat -- pourquoi nous pourrions financer 10 millions pour le Zénith et pas pour un stade de football. Le public du stade des Charmilles et des autres stades de Genève serait multiplié par dix, voire par cent, si l'on prenait l'ensemble des clubs de ce canton.

Monsieur Jörimann -- vous le savez bien -- si vous voulez attirer un jeune dans un club pour taper dans le ballon, il faut absolument une équipe phare à laquelle il puisse s'identifier. C'est de notre responsabilité. Je soutiens, ainsi que notre groupe, les conclusions de cette pétition. Je fais confiance au Conseil d'Etat et le supplie de ne pas mettre de barrière à cette pétition, car il faut absolument que nous obtenions gain de cause.

En effet, la meilleure des solutions était de déplacer le stade des Charmilles au stade de Balexert. (Manifestation de réprobation.) Vous en avez parlé longuement, mais reconnaissez avec moi que c'était la meilleure solution, car à ce moment, Monsieur Jörimann, on aurait pu rentabiliser l'investissement d'un nouveau stade en utilisant le stade et le terrain des Charmilles existants. Tout était prévu, vous le savez aussi bien que moi. Je n'ai pas participé à vos travaux mais je connais partiellement ce dossier. Je ne veux pas revenir là-dessus. J'essaye simplement de démontrer que dresser des barrières inconsidérées empêcherait Genève d'avoir le stade qu'elle mérite.

M. Max Schneider (Ve). J'adresse les félicitations de toute la commission au rapporteur, car son rapport reflète exactement les travaux effectués et les auditions des dirigeants et des responsables financiers du Servette, avec les pétitionnaires. Leur volonté est admirablement exprimée en page 9. C'est bien le stade des Charmilles qu'il faut rénover, cela pour des questions financières. En effet, les responsables du Servette ne veulent pas des crédits de l'Etat -- ils nous l'ont bien fait remarquer -- alors, Monsieur Annen, ne tentez pas de briser l'unanimité avec laquelle nous essayons de soutenir le Servette dans sa démarche de rénovation de ce stade.

Le stade du Servette est devenu dangereux, ce qui est également important. C'est pourquoi la première invite porte sur la sécurité. La

deuxième invite, elle, est une invite limitative. Elle demande au Conseil d'Etat -- comme l'a d'ailleurs souligné M. Jörimann -- d'être un arbitre, d'encourager les démarches et non de les bloquer, de faciliter la rénovation du stade des Charmilles sans le financement de l'Etat; la commission, à l'unanimité, l'a clairement dit. Du reste, les représentants ont bien souligné qu'ils ne réclament pas d'aide financière mais un soutien politique du Grand Conseil et du Conseil d'Etat pour aller de l'avant. C'est vraiment l'esprit de cette pétition et celui de la commission. Voilà ce qui explique une telle unanimité.

Je voterai donc avec plaisir les conclusions de notre commission.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je ne vous cache pas mon étonnement face aux derniers propos qui ont été tenus.

Si je comprends bien, il y a eu unanimité parce que cela ne coûtait rien, ce qui veut dire que, dans le cas contraire, l'attitude n'aurait pas été la même! Je suis venu en commission et je crois m'y être exprimé à peu près clairement. J'ai dit au Grand Conseil, lors d'une intervention de votre collègue Michel Jörimann, que nous n'avions pas à intervenir dans la gestion d'un club. Je le confirme ce soir, et je suis parfaitement d'accord sur ce point avec M. Jörimann.

Mais ne confondons pas les problèmes de gestion avec les problèmes d'équipement. Vous avez parfaitement compris que la Fondation Hippomène est une société immobilière qui n'a d'autre actif que le stade dont nous parlons. Je ne vois pas par quel jeu de magicien cette fondation, ou société immobilière, pourrait trouver le premier sou pour y engager des travaux. Bien sûr, on peut toujours se voiler la face, dire que les sujets sont sympathiques, qu'on les soutient tout en les priant de s'adresser à des gens plus ou moins mystérieux qui trouveront des solutions à ces problèmes. Alors, que les choses soient claires. Monsieur Schneider, encore une fois, l'Etat, ou même une commune, n'a à mon sens pas à intervenir dans la vie d'un club en ce qui concerne son fonctionnement.

Par contre, c'est autre chose pour ce qui est des installations. Vous avez un stade à Genève qui est dans un état de délabrement tel qu'un jour mon collègue, M. Grobet, sera peut-être obligé de l'interdire. Il faut savoir que la commune, l'Etat ou les deux à la fois devront prendre leurs responsabilités face à ce problème. Pour l'heure, je pense qu'il ne faut pas ouvrir un nouveau débat.

Le Conseil d'Etat accepte cette pétition telle quelle. Il en retient l'essentiel et l'esprit qui vous a animé durant les travaux de cette commission, sans remettre en question vos préoccupations.

M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. J'ai entendu tout à l'heure M. Annen faire allusion -- je ne veux pas prononcer le nom de Zénith -- au projet de salle de spectacle polyvalente de Cointrin. Il n'y a pas lieu d'opposer un projet à un autre. C'est particulièrement inopportun, et j'espère que dans un premier temps M. Annen apporter son appui au projet de cette salle.

En ce qui concerne le stade des Charmilles, je voudrais apporter quelques précisions parce que la commission des pétitions n'ayant pas jugé utile de m'entendre -- ce qui est son droit le plus strict, néanmoins je le regrette -- a fait état de certaines déclarations provenant de M. Hentsch, représentant de la Fondation Hippomène.

Ces dernières amènent de ma part quelques mises au point. Comme d'habitude, lorsqu'un projet échoue -- c'est la litanie habituelle -- c'est de la faute du DTP. On voit que le rapporteur, M. Jost, a fidèlement rapporté les propos de M. Hentsch insinuant que les projets ont été bloqués sans raison par le DTP. Monsieur le rapporteur, je vous le dis aimablement, puisque nous avons les meilleurs rapports... (Manifestation et quolibets.) ...vous auriez pu chercher à savoir si nous avions effectivement bloqué ce projet et quels en étaient les motifs.

Alors, il faut savoir que le département des travaux publics a été saisi d'une requête en autorisation de construire portant sur un de ces projets totalement mégalomanes imaginés pendant cette période d'euphorie constructive que nous avons connue ces dernières années. Ce projet, je le dis aujourd'hui, était totalement irréaliste sur le plan financier -- tout le monde le sait, votre commission également -- et je trouve qu'à un certain moment il faut arrêter de mener l'opinion publique en bateau en lui laissant croire qu'il est possible de faire des projets mirobolants qui coûtent 100, 200, 300 millions de francs sans en avoir les moyens financiers. C'est très grave parce que l'on suscite de faux espoirs. On peut du reste citer un certain nombre de projets de ce type en passant par le Palais Wilson et le TGV Mâcon-Genève. Bref, dans cette affaire, nous avons véritablement été menés en bateau, mais nous avons joué le jeu -- c'est le cas de le dire pour une partie de football! -- en demandant à M. Hentsch de remplir les conditions nécessaires pour que son projet soit susceptible d'être instruit.

La première condition impliquait qu'il trouve un accord avec les propriétaires fonciers voisins parce que ce stade gigantesque débordait sur les terrains de Tarex et des CFF. Or vous savez que le département des travaux publics ne peut pas autoriser des constructions qui empiètent sur les biens-fonds voisins sans les accords de ces propriétaires. Nous n'avons jamais reçu ces accords, et pour cause!

En deuxième lieu, un projet de cette importance -- vous pouvez l'imaginer -- un stade de trente mille places, avec toutes sortes de locaux, un parking de mille cinq cents places, si je ne me trompe pas -- exigeait une étude d'impact sur l'environnement en vertu des exigences de l'ordonnance fédérale. Il est impensable d'autoriser un projet de cette importance sans cette étude. Nous l'avons réclamée à plusieurs reprises, mais M. Hentsch a refusé de la faire, ce qui rendait l'instruction de sa requête impossible.

Enfin, il est évident que ce bâtiment, qui en fait cachait, sous les débordements des gradins, des locaux pour toutes sortes d'activités -- même un hôtel -- était contraire aux normes de la zone de verdure, ce qui impliquait une modification de zone.

C'est la raison pour laquelle nous avons interpellé la Ville de Genève pour savoir si elle était d'accord avec la suppression de la zone de verdure pour transformer ce terrain en zone à bâtir, puisque le terrain de football, finalement, servait de prétexte à réaliser une opération immobilière, du reste complètement démesurée. Or la Ville de Genève n'a pas voulu -- pour des raisons que je comprends parfaitement bien -- renoncer à la zone de verdure.

Ensuite, comme vous le savez, l'idée a germé de prévoir ce stade à Balexert en prétendant que cela ne coûterait rien au contribuable. Cette idée a été suivie par les promoteurs durant les années 1980 -- il n'y a qu'à constater à quel point ce fléau de la spéculation immobilière a rendu notre économie si malade -- qui s'imaginaient que le produit de la vente du terrain des Charmilles pour y construire des logements et des bureaux suffirait à financer la construction d'un stade à Balexert. Il ne s'agissait ni plus ni moins d'une nouvelle opération type Sécheron où on vendait des terrains à un prix tellement démentiel que cela ne permettait en aucune façon d'y construire des logements sociaux, sans parler du problème de l'école, tout cela sous prétexte de construire un stade gigantesque dans un quartier résidentiel.

J'ai quand même eu un grand sujet de satisfaction, Monsieur Jost, en lisant votre rapport: celui de constater que la commission des pétitions, à l'unanimité, est arrivée à la conclusion que ce projet était utopique, ce qui est la réalité! Il faut avoir les pieds sur terre et tenter de faire quelque chose de raisonnable.

A ce sujet, je voudrais vous dire que le département des travaux publics a fait des propositions constructives et réalistes à M. Hentsch, s'agissant notamment de déclasser la bande qui est à l'extrémité du stade des Charmilles, côté rue de Lyon. Effectivement il aurait été possible d'y construire un bâtiment administratif qui aurait fourni une rente foncière suffisante pour assurer un investissement d'une dizaine ou d'une douzaine de millions de francs dans le stade. Grâce à la somme tirée de la construction de ce bâtiment, accolé aux tribunes côté rue de Lyon, on aurait assuré le financement de la remise en état du stade.

Je souscris là au point de vue de la commission, à savoir que les Genevois sont attachés au stade des Charmilles, et il est clair qu'une rénovation est la seule solution réaliste. On l'a vu avec les bains des Pâquis. Ceux qui ont voulu détruire notre patrimoine des années trente ont reçu une sacrée déculottée en votation populaire! Alors, la solution que vous avez préconisée est la plus sage. Il y aurait une solution, à mon avis, de financement par une construction en bordure du stade, mais il est vrai que la conjoncture actuelle n'est pas particulièrement favorable. D'ici deux ou trois ans elle se modifiera et une solution beaucoup plus réaliste et plus modeste sur le plan économique se présentera peut-être. C'est dans ce sens qu'il faut travailler.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.