République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 11 mars 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 3e session - 9e séance
GR 7-1 et objet(s) lié(s)
8. Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les recours en grâce suivants:
M. Bernard Annen (L), rapporteur. Cette demande de grâce est formulée par Mme K. P., née Miloni en 1949, P. de son prénom, Suisse et originaire du Tessin.
Mme K. P. a été condamnée à trois ans de prison pour détournement de fonds -- pour ceux qui s'en souviennent, au Grand Théâtre. De prime abord, à la lecture de ce dossier, j'étais prêt à suivre le procureur qui donnait un préavis négatif. Néanmoins, à la lecture du dossier et après un certain nombre d'informations obtenues, le procureur général revient sur sa position. Il présente et accepte la grâce.
Dans cette affaire, pour moi, outre Mme K. P., il y a deux grands responsables: la direction du Grand Théâtre, par son laxisme et sa négligence coupable, et M. K. lui-même. Il a abusé de la confiance de sa femme en l'implorant de faire ce geste pour sauver leur fille qui était très malade. Cela s'est vérifié exact, sa fille était très malade, elle est malheureusement aujourd'hui décédée. Par contre, il a dépensé au casino l'argent qu'il a fait détourner par sa femme.
Le premier jury a estimé la faute de M. K. beaucoup plus importante que celle de sa femme. C'est ainsi qu'il a été condamné à cinq ans de prison, alors qu'elle n'a été condamnée qu'à trois ans de prison. Sur une erreur de type strictement juridique, la Cour de cassation ainsi que le Tribunal fédéral ont cassé partiellement le jugement. Ce jugement étant partiellement cassé, M. K. a été rejugé le mois passé par la Cour d'assises, et sa peine a été diminuée de cinq à deux ans de prison, ce qui fait que Mme K. P. se voit imposer une peine plus importante, alors que le premier jury, lui, a estimé que la faute de M. K. était plus grave que celle de sa femme.
Ainsi, depuis le procès, M. K. n'a pas été en prison et il n'y retournera pas, tandis que son épouse y est toujours. Sur la base de ces considérations, la commission a estimé qu'il était possible que Mme K. P. puisse bénéficier, tenant compte du principe des deux tiers de la peine, d'une réduction de sa peine de trente-six à dix-huit mois. Ainsi, prochainement, elle pourrait sortir de prison et s'occuper d'une petite fille qui, naturellement, est très perturbée par cette situation.
Mis aux voix, le préavis de la commission (réduction de la peine à dix-huit mois) est adopté.
M. René Ecuyer (T), rapporteur. M. S. B. B. est né en 1940, il est d'origine allemande, il est représentant, divorcé et n'a pas d'enfant. Le motif de sa condamnation est une infraction à la loi sur les stupéfiants. Il a été condamné à une peine de six ans de réclusion, avec quinze ans d'expulsion du territoire suisse. Condamné à Francfort, il a des antécédents judiciaires et a fait six ans de prison. Le préavis du procureur général est négatif. La commission, après discussion, vous propose de rejeter la demande de recours motivée contre le solde de la peine de réclusion: il lui reste trois ans à «tirer».
Elle vous propose le rejet parce qu'il s'agit, en fait, d'un récidiviste, d'une personne condamnée il y a une dizaine d'années à une importante peine de
prison -- six ans -- pour le même motif. C'est un trafiquant de drogue, et pas un petit trafiquant. C'est quelqu'un qui fait ce travail pour de l'argent et non pas pour se procurer ses propres doses, n'étant pas consommateur de drogue lui-même. En fait, la leçon n'a pas porté et il a été pris, il y a trois ans, dans une affaire en bande; une affaire importante pour laquelle le tribunal l'a condamné également à six ans de prison et à quinze ans d'expulsion.
M. Paul Passer (HP). Je voudrais demander ici une petite précision. L'infraction date du 3 avril 1992. M. S. B. B. a été condamné à six ans de prison et en sortira en août 1996; 1992 et six ans, cela fait 1998. Pourrais-je avoir une précision sur ce point?
M. René Ecuyer (T), rapporteur. Des deux tiers de la peine, il reste à subir, lors du jugement, quatre ans, quatre mois et six jours de prison. La sortie de prison est prévue le 8 août 1996, donc les deux tiers de la peine c'est le 8 août 1994.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur. C'est le quatrième recours en grâce de M. Z. S., né le 30 juillet 1962 à Annemasse, d'origine italienne, en Suisse depuis 1966.
Je serai relativement bref sur l'histoire judiciaire de M. Z. S., puisque celle-ci doit être encore dans vos mémoires en raison du débat animé qu'a soulevé au sein de ce Grand Conseil, au mois d'avril 1992, son troisième recours qui, je vous le rappelle, a été rejeté par une majorité de notre assemblée.
Il s'agit d'un patient toxicomane, je dis bien patient, car je considère cet homme comme un malade, un de ces hommes dont l'histoire s'est figée dès l'enfance. Fugues dès l'âge de treize ans, consommateur de drogue également dès cet âge, passage aux drogues dures dès 1979, soit à l'âge de dix-sept ans, trafic de stupéfiants, héroïne et cocaïne. Essais de cures de désintoxication, rechutes multiples, séropositivité connue depuis 1986. Condamnation en mars 1986 pour lésions corporelles simples et, en 1987, condamnation à quinze mois d'emprisonnement avec sursis pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants. Puis, c'est la Cour d'assises, en novembre 1989, où il est reconnu coupable d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants avec circonstances aggravantes: dix ans de réclusion et révocation des sursis accordés pour les deux précédentes condamnations.
Les dernières condamnations mettent en évidence trois délits. Le premier, je vous le rappelle, est une importation par colis postal de 1,9 kg d'héroïne dissimulée dans une statuette et destinée à la vente. Un deuxième délit porte sur la vente de drogue à plusieurs reprises à Genève entre 1984 et 1986, et le troisième délit sur la vente de cocaïne en janvier 1988.
C'est bien un toxicomane trafiquant qui est condamné à une peine totale de onze ans et cinq mois et qui est incarcéré depuis le 8 juillet 1988. Depuis cette date, M. Z. S. n'a cessé d'effectuer des recours. Tous ont été refusés. Par la présente demande de grâce, il sollicite, par l'intermédiaire de son avocat, une diminution de trois ans pour cette peine de onze ans et cinq mois, ce qui ramènerait sa condamnation à huit ans et cinq mois au total.
Cette requête correspond à un quart de la peine et donnerait à M. Z. S. la possibilité de la terminer au Centre du Levant, centre habilité à recevoir des personnes toxicomanes en exécution de peine. Cette institution accepterait de recevoir M. Z. S..
Après des discussions à la commission de grâce, ce nouveau recours a été refusé par une majorité de la commission. Mais, personnellement, je suis favorable à la grâce, car même si on est en présence d'un condamné qui a commis des délits graves et qui présente tout au long des procédures une attitude et un comportement qui suscitent peu la sympathie, on est en présence, à mon sens, d'un malade qui l'est à plusieurs titres. C'est d'abord un toxicomane, avec ses troubles de caractère, d'adaptation et avec son histoire de délinquance entraînée par le fait de se procurer des stupéfiants, des besoins de ressources toujours plus importantes, des petits trafics, puis des trafics plus importants menant un jour à la condamnation et à l'emprisonnement.
Les vrais trafiquants, vous le savez bien, les purs et les durs, sont rarement sur les bancs des accusés. Mais onze ans et cinq mois pour son délit, est-ce beaucoup, est-ce trop pour M. Z. S.? Je ne suis pas juriste, je ne sais pas, et je ne suis pas là pour juger de cet aspect.
Deuxièmement, c'est un malade physique avec un sida déclaré, ceci dès le mois de juillet 1989, avec plusieurs atteintes infectieuses, des mycoses buccales, des broncho-pneumonies, des diarrhées, des infections récidivantes. Les examens sanguins montrent que la maladie est là et qu'elle l'est de manière inexorable. En plus de cette affection, il présente une maladie pulmonaire chronique dont l'origine n'est pas connue, mais qui limite grandement son activité quotidienne.
Mon propos n'est absolument pas de vouloir jouer avec votre sensibilité, ni de tenter de provoquer, dans ce parlement, un sentiment de culpabilité individuelle ou collective. Je ne sais pas si M. Z. S. a, comme le dit l'un des experts mandatés, une espérance de vie entre dix-huit et trente-six mois. Personne ne peut dater, heureusement, l'issue ultime de cette maladie. Par contre, ce dont je suis certain et convaincu, c'est que le lieu de détention où se trouve ce patient n'est pas adapté à sa situation clinique et médicale. Il faudra une fois se demander quelle institution pour ce type de condamnés est la plus appropriée pour l'exécution des peines, quel lieu apporte un encadrement médical et moral permettant de finir leur vie. On peut se poser la même question pour les patients psychiatriques qui commettent des délits.
D'ailleurs, je me permets de reprendre les conclusions d'un de mes confrères qui s'est occupé, à la Plaine de l'Orbe, de M. Z. S., et qui terminait son rapport en disant, je le cite: «Je trouve que la place de ce patient n'est pas dans notre établissement qui n'est pas adapté à son état actuel, qui, selon nos prévisions les plus vraisemblables, ne risque pas de s'améliorer, tout au contraire, malheureusement». Cette citation date du mois de novembre 1991. Depuis, la situation s'est quelque peu dégradée, mais elle est relativement stable sur le plan médical, selon le document que j'ai reçu ce matin. Cet homme a fait, à ce jour, environ cinq ans de réclusion. Lui accorder aujourd'hui une remise de peine d'environ deux ans lui permettrait d'être admis rapidement au Levant, établissement adapté à sa situation, cela sous surveillance judiciaire, dans des conditions plus acceptables pour un malade en fin de vie.
J'aimerais ajouter quelques éléments peut-être moins émotifs que ceux que je viens d'évoquer, et qui résument plusieurs téléphones que j'ai eus ces derniers jours avec des médecins du CHUV ou de la Plaine de l'Orbe, ainsi qu'avec des infirmiers qui s'occupent de M. Z. S.. J'ai essayé de faire une synthèse et je vous livre mes appréciations.
M. Z. S. n'est pas, il faut le dire, le détenu le plus malade de leur établissement. Il y a ensuite la coalition de M. Z. S., de Me Poggia, du Dr Tauxe qui n'aide pas le patient en raison d'une attitude revendicatrice, agressive, peu encline à développer un dialogue et une confiance nécessaires à la prise en charge d'un tel malade.
Il y a ensuite un jeu de cache-cache malsain d'intérêts particuliers, multiples et enchevêtrés, où M. Z. S. est un enjeu de pouvoir et de démagogie. Il en est sûrement la victime. Il y a encore la situation de cette mère italienne qui ne comprend pas, qui est dépressive, abattue, qui n'apporte pas à la situation présente la distance nécessaire à la sérénité, et on peut le comprendre. Il y a des enjeux politiques et judiciaires qui dépassent, et de loin, ce détenu. Il y a ceux, et je pense également aux soignants de la Plaine de l'Orbe, qui ne savent plus très bien comment prendre en charge ce détenu et quelle attitude avoir avec lui. Ils n'en peuvent plus, ils n'en veulent plus. Ils sont remis en cause et ne savent plus que faire pour faire bien.
Pour toutes ces raisons, je demande la réduction de peine permettant de transférer M. Z. S. le plus rapidement possible au Levant. Gardons-nous d'être des tribuns tout-puissants. Il faut accepter une marge d'erreur, peut-être une faiblesse dans nos principes, une révision de nos jugements face à une situation qui nous échappe sur le plan éthique. Mais je comprendrai parfaitement ceux qui, tout à l'heure, rejetteront ce recours.
M. André November (Ve). Au nom de l'ensemble du groupe écologiste, je vous demande d'accorder la grâce à M. Z. S.. C'est la quatrième fois que notre Grand Conseil est saisi d'une demande de grâce émanant de la même personne. A chaque étape, on peut mesurer la détérioration de sa santé. Nous sommes conscients que, par son activité de trafiquant de drogue, M. Z. S. a semé la mort et la destruction. Il a été jugé pour cela. Nous sommes conscients qu'il n'est pas le seul détenu mortellement atteint dans sa santé à être emprisonné, mais nous estimons que quelqu'un qui est malade du sida, qui se trouve dans l'état de santé que M. Schaller a décrit tout à l'heure et qui soufffre d'une maladie mortelle, devrait avoir la possibilité de terminer sa vie ailleurs qu'en détention et d'être entouré des siens. C'est le droit de l'homme. Ce n'est pas une question de justice, mais une question de dignité humaine.
En exerçant son droit de grâce, le Grand Conseil pourra démontrer qu'il prend en considération des valeurs supérieures au juridisme étroit. C'est le fondement même du droit de grâce que je vous demande d'exercer dans ce cas.
M. Max Schneider (Ve). J'ai bien entendu ce qu'a dit le rapporteur, M. Schaller, notamment que les véritables trafiquants de drogue ne sont, hélas, pas sous les verrous, et qu'aujourd'hui, la justice ne se donne pas les moyens, ou n'a pas les moyens, de s'attaquer à de grands trafiquants de drogue et que ce sont des petits trafiquants qui sont actuellement en prison.
Il y a aussi d'autres réflexions que le rapporteur nous a rappelées, c'est que des malades psychologiques qui commettent des délits devraient peut-être être traités de manière différente. Et cette réflexion que nous soumet le rapporteur mérite d'être suivie, ainsi que celle d'analyser d'autres conditions de détention pour les malades, notamment pour les malades du sida. Et là, je pense que nous avons une piste de recherche. Monsieur Schaller, je vous invite à travailler avec nous, avec le groupe écologiste qui aimerait aussi trouver d'autres solutions pour ces gens qui sont actuellement détenus de cette manière, et notre groupe, bien sûr, comme l'a dit M. November, pourra vous suivre dans votre invite.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Je ne pensais pas intervenir lors de ce débat, mais je suis un peu étonné de la position du rapporteur, M. Schaller, puisque, à une grande majorité, la commission avait rejeté cette demande de grâce. Je suis donc tout à fait étonné de la manière dont il a rapporté le travail de la commission.
D'autre part, je tiens quand même à vous rappeler que M. Z. S., même s'il est malheureusement très gravement malade aujourd'hui, ce qui reste encore réellement à prouver en fonction des débats que nous avons eus en commission, n'est pas une personne que l'on peut excuser. En effet, si parfois des gens très pauvres, qui connaissent des situations très graves et qu'on appelle des «mules», prennent l'avion pour passer de la drogue parce qu'envoyés par des gens peu scrupuleux qui leur ont fait miroiter quelques dollars nous posent des cas parfois douloureux et malheureux, ce M. Z. S.
, lui, est un professionnel de la drogue. Il a transporté et vendu de la drogue dure à Genève. Il aurait pu contaminer vos enfants et les rendre aussi séropositifs.
Par conséquent, je m'oppose totalement à ce que l'on gracie ce monsieur, et je vous remercie de me suivre, parce que sinon on exposera nos enfants à des maladies très graves et à des dangers irréversibles. Je suis donc très étonné du rapport de M. Schaller.
M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur. Je suis heureux de vous étonner, Monsieur Gardiol, mais je crois avoir dit à la commission que j'étais d'accord de rapporter. Par conséquent, j'ai déclaré que la commission avait rejeté le recours, mais j'ai aussi annoncé que je donnerai mon avis personnel, et c'est cet avis personnel que je viens effectivement d'exprimer en tant que rapporteur dans la deuxième partie de mon exposé.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Pour une fois, je ne partage pas tout à fait l'avis de mon ami Philippe Schaller. On essaie, avec et au travers de cette «affaire Z.», de résoudre, par le biais de la grâce, un problème qui ne doit pas être résolu par ce moyen. La manière dont les détenus malades doivent être traités -- parce qu'il n'y a pas de raison de faire une différence entre détenus malades du sida, détenus cancéreux, détenus souffrant d'autres maladies graves -- et la façon dont ils doivent, le cas échéant, purger leur peine n'ont pas à être réglées par le biais de la grâce.
La grâce, c'est de savoir si oui ou non on décide d'alléger ou de supprimer une condamnation, et je trouverais particulièrement injuste ou curieux que l'on réserve un traitement spécial aux détenus malades par rapport à ceux qui ne le sont pas.
Je m'étonne aussi de ce que vous avez dit, Monsieur November, car sur vos bancs, d'habitude, on est extrêmement sévère lorsqu'il s'agit de réprimer les trafiquants de drogue; veuillez m'excuser, mais par rapport à d'autres gens -- des petits dealers qui trafiquent pour pourvoir à leur propre consommation de drogue -- M. Z. S. est un véritable trafiquant. M. Z. S. s'est vu gratifier de dix ans de réclusion, ce qui est une peine extrêmement lourde, et j'ai quelques scrupules à penser que, par une décision par laquelle nous gracierions M. Z. S., nous ne découragions la justice qui essaie de punir
et de punir sévèrement, à juste titre, les personnes qui se livrent au trafic de la drogue.
Les gens qui ont consommé la drogue vendue par M. Z. S., eux, n'ont pas eu la chance d'avoir ce sursis que d'aucuns veulent aujourd'hui donner à M. Z. S., et cette drogue, pour un certain nombre d'entre eux, les a certainement tués. Je ne m'explique pas, je ne comprends pas que votre groupe soutienne cette demande de grâce en disant qu'il en va du respect des droits de l'homme. Mon Dieu, si l'on en est à invoquer ces droits pour un homme qui a trafiqué des quantités considérables d'héroïne, je ne sais pas très bien où l'on va!
C'est pour cela que je vous demande de bien vouloir faire vôtres les conclusions de la majorité de la commission.
M. Jacques Torrent (R). J'aimerais revenir sur tous les arguments développés par M. Fontanet, arguments que je partage; j'avais d'ailleurs, lors du troisième recours, insisté sur le fait qu'il peut paraître curieux que l'on veuille privilégier par le traitement ou la grâce les malades du sida. Que fait-on alors pour tous ceux qui souffrent d'une maladie incurable autre que le sida? Doit-on les laisser enfermés et appliquer un traitement privilégié pour les premiers?
Je suis étonné aussi de l'argument de M. November qui nous dit: «C'est le quatrième recours en grâce, il faut quand même une fois la lui accorder». Mais si M. Z. S. revient avec un cinquième recours en grâce, puis un sixième -- ce qui ne saurait tarder si nous avons une décision négative ce soir -- je pense que nous devrions garder une conduite et une méthode de travail identique. Je vous rappelle que, lors de la première demande de grâce, on nous avait dit que M. Z. S. était pratiquement à l'article de la mort, qu'il n'en avait vraiment plus que pour quelques mois, eh bien, je dirai qu'on nous donne le même argument, recours après recours, ce qui m'étonne tout de même de la part de ses conseillers.
En l'occurence, je vous prie, Mesdames et Messieurs, de refuser cette grâce.
Mme Jeanine Bobillier (MPG). Je voudrais simplement rappeler à ce parlement que M. Z. S., par ses trafics et ses agissements, a provoqué probablement beaucoup de problèmes à de nombreuses familles à Genève et, certainement, ailleurs. Il a sans doute contaminé, fait contaminer et, peut-être souvent, provoqué la mort.
Je vous demande de refuser la grâce à M. Z. S..
M. Pierre Meyll (T). J'aimerais répondre à ceux qui se sont exprimés avant moi. Leur courroux actuel est peut-être compréhensible, mais il faut se placer dans une situation quelque peu différente et, M. Schaller l'a rappelé tout à l'heure, la situation des toxicomanes doit être vue sous un aspect moins pénal et plus psycologique. Le rapport plein de tact et de délicatesse de notre collègue Schaller a tenu compte de tous ces éléments. Une réduction de peine permettrait non pas la libération de M. Z. S., mais peut-être de finir ses jours -- même si certains d'entre vous pensent que c'est un peu trop long -- dans des conditions qui ne lui seraient peut-être pas beaucoup plus favorables par rapport aux soins qu'il reçoit, mais simplement pour que sa mère puisse suivre son fils dans sa fin de vie. On oublie beaucoup les proches dans les cas de toxicomanie et les proches souffrent énormément.
Il faudra vraiment se pencher sur le cas des toxicomanes. Il ne relève pas des cas habituels qui peuvent être réglés par des peines privatives de liberté telles qu'on les entend. Ce sont, je le répète une fois de plus, des malades; M. Gardiol a aussi évoqué le cas des mules contraintes par des besoins financiers; le raisonnement des toxicomanes est modifié et leurs «manques» exercent de telles pressions psychiques qu'ils en deviennent méconnaissables.
Pour cela il me semble nécessaire que l'on convienne que M. Z. S. puisse terminer sa vie, si longue soit-elle encore grâce aux soins qui lui sont apportés, dans des conditions qui permettent à sa mère de le voir autrement qu'en prison.
Le groupe du parti du Travail s'associe au rapport, je le répète, plein de tact et de compréhension du rapporteur, M. Schaller, en demandant la réduction de la peine en vue d'obtenir son tranfert au Centre du Levant mieux adapté pour son cas.
Mme Andrée Dayer (PDC). Je crois que, si l'on considère les aspects pratiques de cette affaire, il est clair que le caractère extrêmement difficile de M. Z. S. doit faire qu'à la Plaine de l'Orbe on ne serait peut-être pas très fâché qu'il soit placé dans un autre établissement.
D'autre part, le transférer au Levant va certainement entraîner des problèmes pratiques, parce que, lorsqu'on a affaire à un malade aussi difficile, il est quelquefois très malaisé de maintenir l'équilibre de la maison. Cela étant dit, au cas où le recours de M. Z. S. serait rejeté, je propose qu'il ne puisse pas déposer un nouveau recours avant un délai d'une année.
Mise aux voix, la proposition de réduction de peine à trois ans est rejetée.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. Hermann Jenni (MPG). Madame la présidente, vous avez oublié de soumettre la proposition de Mme Dayer concernant l'interdiction pour le recourant de présenter un nouveau recours avant une année.
La présidente. Je ne peux pas, cette proposition n'étant pas réglementaire. Je vais cependant consulter le règlement. Madame Dayer, voulez-vous reformuler votre proposition?
Mme Andrée Dayer (PDC). Je souhaite que M. Z. S. ne puisse pas présenter une nouvelle demande de grâce avant un délai d'un an.
La présidente. Selon l'article 395, alinéa 1 du code pénal suisse: «L'autorité qui exerce le droit de grâce peut décider qu'un recours rejeté ne pourra pas être renouvelé avant l'expiration d'un délai déterminé».
Mise au voix, la proposition de Mme Dayer est rejetée.
(Panne de micros.)
La séance est suspendue à 17 h 50.
La séance est reprise à 17 h 55.