République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 6949
7. a) Projet de loi de MM. Bernard Annen, Michel Balestra, Claude Blanc, Charles Bosson, Nicolas Brunschwig, Hervé Burdet, Hervé Dessimoz, Hermann Jenni, Florian Vetsch, Jean Montessuit et Bénédict Fontanet sur la circulation (H 1 6). ( )PL6949
PL 6951
b) Projet de loi de MM. Hervé Dessimoz, Jean Opériol, Jean-Pierre Gardiol et Nicolas Brunschwig modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses. ( )PL6951

Préconsultation

M. Andreas Saurer (Ve). Le projet de loi 6949 soulève deux types de problèmes.

Le premier concerne la codification juridique des décisions à prendre en matière d'organisation de la circulation. Le groupe écologiste estime qu'il est possible d'entrer en matière -- pourquoi pas -- mais le problème de fond de ce projet de loi ne concerne pas la manière de prendre les décisions, elle demande d'inverser, et là je vous cite: «radicalement la tendance actuelle en matière d'organisation de la circulation». Plus particulièrement, vous demandez: «que le réseau routier des communes, etc., soit organisé de manière à assurer la meilleure fluidité possible du trafic privé». Ensuite, vous continuez en disant: «que le trafic de transit est canalisé à l'extérieur, etc., à condition que des mesures de substitution, telle que la traversée de la rade reliée au réseau autoroutier international, soient effectuées au préalable». Le moins que l'on puisse dire est que vous n'êtes pas particulièrement pressés. En effet, si on commence aujourd'hui la traversée de la rade avec la jonction au réseau routier international, l'organisation du trafic pourra attendre jusqu'au prochain millénaire!

Des voix. Oui, oui!

Des voix. Non!

M. Andreas Saurer. Nous considérons que ce projet de loi constitue une déclaration de guerre en matière d'organisation de circulation. (Chahut, rires.)

Par rapport à cela, je voudrais vous rappeler quelques faits.

Genève est le canton le plus motorisé de Suisse. Au point de vue nuisances, nous avons le record en matière de pollution, de bruit et d'accidents. Par rapport à la mobilité, je vous invite à lire la presse quotidienne d'aujourd'hui qui cite le professeur Bovy qui dit ce que nous savons et répétons depuis déjà fort longtemps, à savoir que l'augmentation du nombre des déplacements en voiture privée freine l'accessibilité du centre de la ville. Le patronat zurichois et bâlois l'a compris depuis fort longtemps, et je constate, une fois de plus, que la droite et le patronat genevois ont toujours quelques longueurs de retard par rapport au patronat suisse allemand. Moi, j'ai l'impression que pour les libéraux il y a deux remèdes pour sortir de la crise...

Une voix. Et les radicaux!

M. Andreas Saurer. Non, surtout les libéraux!

Le premier remède est la «libéralisation» de la voiture. Le deuxième est la suppression de Grobet. (Vive manifestation.) Ça, vous avez réussi grâce au parti socialiste! (Quolibets.) Grâce au parti socialiste, vous avez déjà réussi la moitié de votre projet économique. Mais je vous garantis que la libéralisation de la voiture prendra plus de temps.

Maintenant, une petite remarque au sujet du PDC. Je vous rappelle que le parti démocrate-chrétien -- qui est aussi peu représenté que le parti socialiste ce soir -- a signé une résolution en novembre 1991...

(Brouhaha. M. Saurer est interrompu.)

M. Jean-Pierre Rigotti. C'est un peu l'bordel dans c't'assemblée!

La présidente. Tout à fait, tout à fait! Je suis d'accord avec vous.

M. Andreas Saurer. Le PDC a signé une résolution qui demande à présenter un plan cantonal de modération de la circulation. (Le brouhaha persiste.) Je m'adresse donc au PDC pour lui rappeler qu'il a signé une résolution en 1991 qui demande explicitement la modération de la circulation et que l'office cantonal des transports applique ses directives.

(Les députés de droite circulent dans les bancs de la gauche.)

M. Andreas Saurer. Je constate que le PDC ne fait actuellement pas seulement une évolution, il fait carrément une volte-face. J'ai l'impression que cette volte-face n'est pas étrangère à la pression électorale qui aveugle visiblement quelques radicaux et quelques démocrates-chrétiens qui se transforment en appendice libéral! Mais rappelez-vous que, lorsque les appendices s'enflamment, on les coupe et on les jette à la poubelle!

Cela dit, le parti écologiste, compte tenu de cette attaque en règle par rapport à l'esprit de concertation que nous essayons d'appliquer, vous demande de bien vouloir retirer purement et simplement ce projet de loi. Au cas où vous voudriez le maintenir, nous proposerons le vote immédiat. Au cas où il serait accepté, nous vous informons que nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour lancer un référendum. En effet, pour le groupe écologiste, ce projet de loi est totalement inacceptable, et il est impossible pour nous d'entrer en matière.

Une voix. C'est pas grave!

M. Michel Balestra (L). Reconnaissez, Monsieur Saurer, que nous traversons une période angoissante. Les entreprises genevoises se voient contraintes, pour survivre, d'abaisser le prix de leurs prestations et de leurs produits. Leurs charges continuent à augmenter, le nombre de faillites double d'année en année. Les employés voient leur salaire diminuer et nous détenons à Genève, après le Tessin, le triste record du taux de chômage le plus important de Suisse. L'économie suisse est rentrée en récession, le recul conjoncturel est plus accentué à Genève -- reconnaissez-le quand même -- que dans le reste du pays. La toute première des priorités est de sortir au plus vite de cette crispation générale dans laquelle Genève s'est enfermée.

L'organisation de la circulation touche le coeur du fonctionnement de la cité. Elle a des répercussions immédiates sur la compétitivité, la prospérité et l'attrait de Genève. Vous avez dit tout à l'heure -- et vous avez raison -- que ce matin la presse vantait le plan «Circulation 2000» et l'a trouvé très satisfaisant. Permettez-moi de vous dire que j'en suis fort aise. J'ai lu aussi cette belle histoire d'un technocrate applaudi par d'autres technocrates, et de leurs autocongratulations mutuelles et collectives. Mais n'oubliez pas, Monsieur Saurer, que tous ces respectables penseurs vivent sur des budgets d'Etat.

J'aimerais apporter un autre éclairage, sous la forme de la lecture d'un courrier recommandé qui a valeur d'exemple. Je lis:

     «A M. Freddy Widwer

     Office des transports

Concerne: plan de la circulation du centre-ville, en particulier du quai des  Bergues.

Messieurs,

Nous avons appris que le quai des Bergues devait être fermé à la circulation en intégralité vers le mois de juin 1993.

Par la présente, nous tenons à vous faire part de notre position formelle concernant ce projet et vous indiquons ci-dessous les différentes raisons:

1) Fermer l'accès de ce quartier signifie la perte certaine d'une très grande partie de la clientèle étrangère qui ne saura pas comment accéder à nos commerces.

2) Nous sommes déjà pénalisés du fait que le parking sous-lacustre n'offre aucune sortie piétonne de notre côté et, de ce fait, dissuade un grand nombre de clients qui ne trouvent à se garer sur notre rive.

3) Ce genre d'initiative pousse la clientèle à déserter le centre-ville pour effectuer des achats dans les centres commerciaux tels que Chavannes-de-Bogy, Jumbo, qui offrent toutes les qualités d'accès et de parking.

4) En cette période économique morose, la perte d'une partie de notre clientèle nous forcerait à licencier du personnel et, de plus, engendrerait moins de rentrées fiscales pour l'Etat».

Mesdames et Messieurs, ce courrier a été signé par vingt-trois commerçants établis dans la région des Bergues. Je pourrais vous faire la même démonstration, si nous en avions le temps et si vous aviez la patience de m'écouter, pour les Pâquis ou même pour la vieille-ville. (Les députés et certains conseillers d'Etat ont le nez plongé dans la FAO «version 1er avril» et n'écoutent pas l'orateur.) Effectivement, les entrepreneurs qui s'expriment ne sont pas des professeurs -- ça, je vous l'accorde -- néanmoins, je souhaite qu'ils soient entendus et écoutés, car leurs angoisses ne sont pas théoriques mais réelles. Les auteurs du projet de loi qui vous est soumis ce soir les partagent avec eux.

En effet, nous devons soutenir le petit commerce qui donne de la vie au centre-ville et qui génère des postes de travail. Ces revendications sont à prendre en compte et les commerçants doivent être associés aux décisions et ne pas être oubliés comme ils ont l'impression de l'être aujourd'hui. Beaucoup d'entre eux sont en colère et ils ont raison. En effet, s'il est nécessaire de faire la promotion de Genève pour faire venir de nouvelles entreprises, la priorité n'est-elle pas en bonne logique de mettre tout en oeuvre pour que celles qui sont sur place depuis longtemps se portent bien et puissent prospérer dans des conditions-cadres économiques acceptables.

Après ce rapide état des lieux, vous peignez le diable sur la muraille au sujet du projet de loi qui vous est présenté ce soir. Parlons de son histoire et de ses objectifs dans le détail. Les groupes représentant les intérêts économiques du centre-ville ont participé aux réunions de la commission de circulation, ont fait des remarques et ont eu l'impression de ne pas être entendus.

Des voix. Oohh!

M. Michel Balestra. J'ai bien dit: «ont eu l'impression»! Puis ils ont fait des observations écrites, et leur impression est restée la même. Alors, ils ont réuni un groupe de députés, un professeur de droit, et ils ont demandé à ce groupe de travail de rédiger un projet de loi qui reprenne ce qui est intelligent et raisonnable dans «Circulation 2000» et modère tout ce qui est économiquement dangereux.

Ce projet est devant vous ce soir. Vous avez raison, Monsieur Saurer, de dire qu'il est perfectible. Mais il tient compte, dans un premier temps et de manière peut-être un peu orientée vers l'aspect économique des problèmes, des intérêts de tous. Il est indispensable d'en discuter en commission et d'avoir un débat politique sur le visage que nous, pouvoir législatif, voulons donner à Genève en matière de circulation. Ce débat est nécessaire car, aussi étonnant que cela puisse paraître, la gestion du trafic et du stationnement n'a jamais fait l'objet d'une codification spécifique permettant de prendre globalement en compte les divers utilisateurs du réseau routier.

Nous pouvons accepter un concept de complémentarité des différents modes de transport avec comme objectif d'augmenter la mobilité pour améliorer les conditions-cadres de notre économie. Mais nous devons combattre une vision volontariste et restrictive de la circulation dont la finalité serait de supprimer le trafic individuel privé. Cette politique qui, pour certains, pourrait paraître intellectuellement souhaitable serait certainement économiquement suicidaire. Cette loi est également indispensable car l'expérience démontre que les principes retenus dans les rapports techniques souvent complexes n'attirent pas assez l'attention du législatif que nous sommes. Le renvoi des documents de ce type par des dispositions imprécises contenues dans les lois aboutit à conférer une force juridique à des documents dépourvus de légitimité démocratique. C'est le fondement d'une technocratie que nous devons combattre.

Ces projets de lois répondent de plus aux besoins d'une définition précise de l'organisation du trafic qui permettent la croissance économique du centre-ville. Il n'est satisfaisant pour personne de constater le développement d'un tourisme des achats à Aubonne, Chavannes, Etoy et en France voisine au détriment du centre-ville. Monsieur Saurer, vous me direz quel est le bilan écologique de ce manque de vision globale dans l'organisation de la circulation. L'évolution de notre économie sera encore, et plus que jamais, fonction de l'augmentation de cette mobilité sur notre territoire, car on ne modifie pas par la contrainte les habitudes d'achats. Les clients vont de plus en plus loin pour effectuer leurs achats importants. Encourager ces nouvelles habitudes de consommation serait -- je le répète encore une fois -- suicidaire au plan économique, et contreproductif au plan écologique, ce qui devrait interpeller le parti écologiste genevois.

Pour terminer, je donnerai les mots incontournables de l'organisation consensuelle du trafic que nous devrions arriver à mettre en place:

1. Complémentarité. Nous sommes tous d'accord, nous l'avons dit dans plusieurs de nos débats.

2. Concertation. Nous sommes tous d'accord, nous l'avons dit dans plusieurs de nos débats.

3. Impact économique sur lequel on ne peut pas faire l'impasse.

Cette philosophie est celle de cette loi qui vous est présentée aujourd'hui. J'espère qu'elle sera en mesure de vous satisfaire, et il est bien entendu que les débats de la commission devront porter sur les aménagements nécessaires pour la rendre acceptable par une large majorité. C'est pour toutes ces raisons que je vous demande de renvoyer ce projet à la commission des transports, commission dans laquelle nous pourrons travailler sérieusement sur ce projet de loi qui est dense et agressif -- j'en conviens -- mais que vous vous donnerez la peine d'adoucir et d'édulcorer, j'en suis certain!

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Réglementer le trafic privé: quelle drôle d'idée venant de parlementaires qui sont membres de partis qui prônent à tout moment la déréglementation! Où est ici la cohérence des idées? Le projet de loi a pour but d'assurer un équilibre entre les divers modes de transport, mais quand nous lisons les articles un par un, nous constatons que l'on ne parle plus que de la voiture privée.

Tout en sachant que l'utilisation de la trottinette n'est pas permise à Genève, je rappelle qu'il y a d'autres moyens de se mouvoir sur la route. Si l'on veut avoir une vue d'ensemble sur les problèmes de la circulation, il faut donc inclure dans un concept de circulation les deux-roues, les transports publics et les déplacements à pied, piétons que nous sommes tous et toutes. Avec ce projet de loi, la mention de la protection de l'environnement nous semble ne jouer qu'un rôle décoratif, car toutes les mesures préconisées vont à l'encontre de l'écologie. Personne ici n'oserait contester que l'utilisation de la voiture a des effets néfastes sur l'environnement.

Nous ne pouvons néanmoins envisager de vivre sans automobile. Mais en prônant une politique favorisant uniquement le trafic privé tout en laissant de côté les transports en commun et les moyens de transports non polluants, on ne contribue en rien à une meilleure protection de l'environnement. Vous proposez même d'abolir l'institution des études d'impact nécessaires à l'édification de garages collectifs.

Une voix. C'est faux!

Mme Maria Roth-Bernasconi. Or ces exigences ont été posées justement pour prévenir une trop grande charge pour l'environnement. Il est illusoire de croire que nous pouvons réduire la pollution sans diminuer le trafic automobile, et nous savons que l'intervention sur le trafic individuel est possible si l'on modifie la disponibilité du parcage. Les gens renoncent à leur voiture s'ils ne savent pas où la mettre. Par ailleurs, les études d'impact nous sont imposées par la législation fédérale. Donc, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente, soyez francs et ne mentionnez pas la protection de l'environnement comme alibi!

Selon le projet de loi, les exigences de l'économie et du commerce doivent être respectées en premier lieu. Or, en attirant toujours plus de voitures privées en ville, vous allez dans le but contraire. Il est étonnant que certains commerçants de la ville de Genève n'aient pas encore compris que le fait de pouvoir flâner en sécurité en ville est plus propice aux affaires que d'être entourés de routes congestionnées par le trafic et dégageant des odeurs pas très agréables. En effet, avez-vous déjà vu entrer des gens avec leur voiture dans les magasins? (Charivari et quolibets.) Moi, j'y vais à pied! Dans d'autres villes, les commerçants et tenanciers de bistrots ont compris que l'on pouvait faire des affaires florissantes dans des zones piétonnes. Pourquoi ne serait-ce pas possible à Genève?

Vous proposez également que le département de l'économie publique soit consulté avant chaque mesure envisagée pour réglementer le trafic routier ou pour aménager des zones piétonnes. Est-ce que le département de l'économie publique est sous-occupé et cherche du travail? Pourtant, c'est ce département qui s'occupe du chômage, non?

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Eh oui!

Mme Roth-Bernasconi. Un bon fonctionnement de nos institutions, tant demandé par nous tous, implique que les membres de l'exécutif aient une vue d'ensemble des problèmes. Une trop grande spécialisation amène à une étroitesse d'esprit. Or, des études ont été faites sur l'impact de la modération et de l'aménagement de la circulation sur la marche des affaires dans les régions concernées. N'importe quel conseiller d'Etat devrait être capable de lire ce genre d'étude. N'oubliez pas que cet automne la composition du Conseil d'Etat va changer... (Aahh général.)

M. Charles Bosson. Qui c'est qui s'en va?

Mme Maria Roth-Bernasconi. ...et donc la répartition des départements aussi!

Par ailleurs, si on suivait la logique de ce projet de loi, et connaissant les implications du trafic automobile sur la santé, un préavis devrait être également demandé au département de la prévoyance sociale et de la santé publique. Le projet de loi propose également de prolonger les procédures d'adoption de mesures de régulation de trafic et de modération de circulation. Pour stimuler les blocages, il n'y a rien de mieux! Si c'est cela que vous voulez, soyez cohérents jusqu'au bout! Avouez qu'en ce moment, ce sont plutôt les milieux proches de vos idées qui bloquent les affaires en cours. Quand cela vous arrange, vous criez au blocage, et quand cela ne vous arrange pas, c'est vous qui faites ces blocages!

En conclusion, nous aimerions encore attirer votre attention sur un point rarement mentionné ici mais qui me tient à coeur. Le danger du trafic automobile freine l'épanouissement des petits enfants. Des études ont été élaborées sur des familles dont les enfants peuvent jouer dehors grâce à l'absence de trafic et sur des familles dont les enfants n'ont pas cette possibilité. On a constaté que les enfants pouvant jouer dehors créent des réseaux sociaux entre eux, ce qui rend possible une multitude de jeux parfois très complexes. Les enfants s'organisent ainsi d'une manière indépendante et arrivent à mieux résoudre les conflits. Les capacités motrices ainsi que le comportement social se développent mieux. Ces enfants sont les adultes de demain. Nous devons leur laisser cet espace de liberté si nous voulons qu'ils arrivent plus tard à affronter la vie telle qu'elle se présentera: difficile et dure.

Le groupe socialiste demande donc aux députés de l'Entente de mettre au centre de leurs préoccupations l'être humain à tous les âges. Même si on a un peu peur d'un éventuel parti des automobilistes, il nous semble important de ne pas mettre la voiture, «la vache sacrée» d'aujourd'hui, au centre de ses préoccupations.

M. Hervé Dessimoz (R). Je viens d'apprendre que j'étais le mandataire de M. Grobet, alors je vais être extrêmement calme ce soir. Vous avez lu dans la Feuille d'avis officielle que je suis mandaté pour la cadastration de la villa de M. Grobet, et je ne voudrais pas perdre ce mandat dans cette période difficile! (Rires.)

Une voix. Il n'est pas là!

M. Hervé Dessimoz. Eh bien, quelqu'un le lui dira!

Deux projets de lois sont traités en parallèle. Je ferai un court commentaire sur le projet de loi 6951 en vous rappelant que j'étais l'un des cosignataires de la motion 758 qui demandait l'abrogation de l'article 204 du règlement d'application de la LCI. Ce parlement en a discuté longuement. Il a approuvé cette motion, mais le Conseil d'Etat n'a pas donné suite à la motion adoptée par le Grand Conseil.

Nous proposons ce soir un projet de loi sur lequel je voudrais quand même dire deux mots. La loi souhaiterait qu'un ouvrage correspondant aux exigences fixées par les lois fédérales et cantonales ne donne pas lieu à un contrôle de l'Etat au niveau de l'exploitation. Je suis très étonné d'entendre les critiques sur le sujet de partis qui, récemment, défendaient une initiative contre «l'Etat fouineur», et je pense qu'en l'occurrence ils devraient approuver des deux mains notre proposition. En effet, avec ce projet nous demandons à ce que l'Etat ne soit pas fouineur dans les activités d'un parking qui correspondrait aux lois cantonales et fédérales.

Sur la loi 6949, dite loi sur la circulation, j'ai écouté avec intérêt les interventions de M. Saurer et de Mme Roth-Bernasconi. Je voudrais néanmoins dire ceci. J'estime que cette loi est un juste contrepoids à la loi sur les transports publics que nous avons votée récemment. Les radicaux l'ont votée avec clarté, mais ils ont parallèlement émis des réserves quant au concept «Circulation 2000». Le parlement a, dans le même temps, accepté une motion sur la coordination des réalisations des transports publics et des transports privés. (Chahut.)

Si la loi sur la circulation présentée ce soir est peut-être caricaturale, elle mérite pour le moins votre attention aussi assidue que celle portée par le parti radical à la loi sur les transports publics qui, je vous le rappelle, avait longuement été discutée en commission des transports, sérieusement amendée et quand même votée à une large majorité dans ce sérail.

En réponse à l'argument de Mme Roth-Bernasconi, je voudrais vous dire ceci: lorsque vous affirmez que cette loi postule purement et simplement à la renonciation de la mise en oeuvre des études d'impact, j'estime que vous êtes d'une parfaite mauvaise foi! C'est cette mauvaise foi qui fait que le parlement ne peut souvent pas avancer dans ses travaux.

Une voix. C'est scandaleux!

M. Hervé Dessimoz. Non, ce n'est pas scandaleux! Je vais vous lire simplement l'article 108, alinéa 5, en page 6 -- vous l'auriez vu si vous aviez lu correctement la loi -- «Outre les exigences résultant de la législation fédérale sur la protection de l'environnement, c'est-à-dire à partir du moment où elles ont été respectées, aucune étude d'impact ne peut être requise». Si les exigences fixées par la loi fédérale sont remplies, il n'y a pas lieu de demander d'étude supplémentaire. Si les exigences fixées par la loi fédérale ne sont pas remplies, c'est-à-dire si le parking est inférieur à trois cents places, il n'y a pas lieu de demander une étude d'impact.

C'est à cause de ce type d'attitude que le parlement n'arrive pas à travailler. Je voudrais simplement vous demander d'aborder cette loi avec un esprit positif. Je l'ai dit tout à l'heure, cette loi est peut-être caricaturale, comme certaines autres lois l'étaient. Lorsque nous avons travaillé sur le projet «3000 logements HBM», lorsque nous avons travaillé sur la révision sur la loi générale sur le logement, ou lorsque nous avons travaillé sur la loi sur la Banque cantonale, nous avons essayé de faire preuve d'ouverture d'esprit, d'esprit de dialogue, de concertation. C'est seulement avec un esprit de dialogue et de concertation que nous pourrons faire avancer les choses.

C'est la raison pour laquelle je préconise le renvoi en commission des transports qui nous permettra de nous expliquer sérieusement.

M. Claude Blanc (PDC). (Assis sur les bancs des socialistes). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs...

M. David Lachat. Madame la présidente, je demande une motion d'ordre.

La présidente. Monsieur Lachat, allez-y!

M. David Lachat (S). J'aimerais que l'on explique aux quelques personnes qui nous font l'honneur d'assister à cette séance que l'orateur qui va s'exprimer ici n'est pas membre du parti socialiste! (Rires et vifs applaudissements.)

M. Claude Blanc (PDC). Je remercie M. Lachat d'avoir bien voulu apporter cette précision et je voudrais apporter la mienne aussi. Nous avons jugé bon, en début de séance, d'occuper le terrain que vous aviez si discourtoisement abandonné pour accueillir votre nouveau collègue. Comme nous y sommes, nous y restons! (Grands rires.)

La présidente. Manifestement, vous restez tout seul, Monsieur Blanc! Continuez!

Une voix. Il faudrait demander à M. Bertossa de vous évacuer!

M. Claude Blanc. Le projet de loi que nous vous avons présenté ce soir revêt indiscutablement un caractère provocateur et se veut un pavé dans la mare. Pourquoi?

Le Conseil d'Etat nous a habitués à agir par règlement chaque fois qu'il voulait échapper à la volonté du parlement. Nous n'avons en principe rien à dire ou à voir sur le plan de «Circulation 2000», et c'est ce qui ne nous convient pas. C'est pour cela que nous présentons un projet de loi que vous pourrez discuter en commission. Vous pourrez l'amputer, en rajouter, etc. Mais au moins cela vous obligera à réétudier l'équilibre des pouvoirs dans cette République, et à savoir qui peut vraiment décider.

Le Conseil d'Etat a concocté un projet «Circulation 2000». Il l'a fait expertiser par les spécialistes de l'EPFL. Qu'avons-nous lu ces jours dans la presse? Que le projet est bon, mais qu'il est prématuré d'en exiger l'application tant que des mesures compensatoires n'auront pas été prises. Il est prématuré d'empêcher la circulation en ville avant l'ouverture de l'autoroute de contournement, ce qui est malheureusement déjà fait. Nous avons anticipé sur les empêchements de circuler en ville avant l'ouverture de l'autoroute de contournement et on voudrait, maintenant, aller encore plus loin avant que ne soit ouverte la traversée de la rade.

Je vous rappelle -- vous l'avez vu ces jours -- que les spécialistes de l'EPFL disent que ce plan ne pourra être totalement mis en application que lorsque nous aurons réalisé la traversée de la rade. Alors j'aime autant vous dire que ce n'est pas demain la veille! Tout à l'heure, nous avons eu le plaisir d'assister au premier coup de pioche du parking de Saint-Antoine, en l'absence remarquée de M. Rouiller... (Rires.) ...et nous nous sommes rendu compte qu'à cette occasion, après trois mois de sécheresse, il commençait à pleuvoir! Je vous demande, Mesdames et Messieurs, ce qu'il tombera le jour où nous creuserons la traversée de la rade!

C'est pour cette raison que nous vous présentons ce projet de loi. Nous voulons que les choses aillent selon le rythme auquel elles sont appelées. Nous ne voulons pas anticiper sur les travaux. Par conséquent, nous voulons vous obliger à une réflexion, à un arrêt dans votre mégalomanie des chicanes en ville de façon à ce que tous les représentants de la population puissent se prononcer à ce sujet. C'est pourquoi je vous demande de renvoyer ce projet à la commission des transports. Il n'en ressortira peut-être pas un projet de loi tel que nous l'avons déposé, mais je crois sincèrement qu'il pourrait en sortir une certaine sagesse retrouvée des gens qui nous gouvernent.

M. David Lachat. Retourne à ta place, Blanc!

M. Claude Blanc. C'est ce que je vais faire! (Rires.)

M. Yves Meylan (Ve). Malgré toutes les précautions oratoires de certains, il est clair que ce projet est «le loup qui se cache en agneau»!

Une voix. En tout cas, tu n'es pas un agneau!

M. Yves Meylan. En effet, si on parle de complémentarité des transports, et si on lit attentivement vos textes, vous préconisez la fluidité du trafic privé et c'est tout. Alors, si vous voulez aller jusqu'au bout de votre pensée, je vous suggère d'y aller carrément, de libéraliser beaucoup plus. (Aahh de satisfaction.) Ceci mènera à l'anarchie, vous le savez très bien.

L'autre jour, j'entendais à la Radio romande des humoristes parler de la circulation automobile. Ils disaient que ce qu'il faudrait faire pour

l'améliorer serait de diminuer de quelques secondes les phases rouges aux carrefours. Une fois que l'on aurait rogné un peu de temps, cela ferait gagner du temps à tout le monde. Ensuite, on pourrait encore diminuer de cinq secondes, puis on continuerait comme ça. Finalement, tout le monde gagnerait énormément de temps et économiserait beaucoup d'argent. Alors, allons-y carrément! Supprimons les feux aux carrefours, supprimons les passages piétons, laissons les voitures circuler librement sur les trottoirs, entrer dans les magasins, puisque ce sont les voitures qui sont les clients des magasins.

Pour être un peu raisonnables, ce soir, je suggérerais que vous demandiez à M. Ziegler de faire d'abord une simple expérience et de débrancher pendant une semaine les ordinateurs qui gèrent la circulation. Puis, lorsque l'on aura vu pendant une semaine ce que cela donne, la grogne de la population -- les Genevois étant particulièrement râleurs -- aussi bien dans les voitures que dans les transports publics, nous pourrons en rediscuter. Voilà ce que je vous propose pour le premier projet.

En ce qui concerne le deuxième, je me suis demandé s'il n'y avait pas une personne facétieuse au secrétariat du Grand Conseil ou bien une erreur de touche sur un ordinateur, qui a saisi ce texte, parce qu'en lisant l'argumentation, il y a des aberrations tellement évidentes qu'il est difficile de suivre les auteurs de ce projet.

Une voix. C'est le 1er avril!

M. Yves Meylan. On dit qu'il est évident qu'un garage collectif a une influence sur l'environnement, pas seulement pendant sa phase de construction, mais pendant sa phase d'exploitation. On nous dit qu'il est normal que le département des travaux publics, au moment d'examiner la requête en autorisation de construire, examine aussi quelle sera l'incidence de l'exploitation du parking sur l'environnement. On nous dit tout cela, puis la phrase de conclusion est la suivante: «Ainsi, les conditions mêmes de l'exploitation du garage n'ont pas à être contrôlées».

Alors, il faut savoir si pour les parkings on parle uniquement de constructions, si ce sont des oeuvres d'art et qu'on va simplement se borner à vérifier, avec le préavis de la commission des monuments de la nature et des sites, si la couleur s'accorde aux bâtiments voisins, ou s'il s'agit d'utiliser ces

parkings, d'y mettre des voitures et de «générer» une circulation qu'il faudra bien gérer, contrôler et vérifier son impact sur l'environnement. Moi, je pense qu'il y a eu une erreur dans votre présentation et que vous devriez revoir votre copie! (Applaudissements.)

M. Hermann Jenni (MPG). Tout à l'heure, notre collègue Dessimoz disait que ce projet était quelque peu caricatural. Je n'y ai rien vu de caricatural, moi qui suis un praticien du trafic. Je vous dirais que ce qui m'a plutôt paru caricatural et catastrophique c'est le fameux plan sectoriel du plan de «Circulation 2000». Tout à l'heure, quand je suis intervenu pour vous citer quelques calamités qui touchent les chauffeurs de taxi, c'en est une que je n'ai pas citée. Je rectifie donc. A ceci près que ce ne sont pas seulement les chauffeurs de taxi qui sont touchés par cette calamité de plan sectoriel, mais toute la population.

Pour conclure, je rappellerai une chose que j'ai déjà dite ici. Rien ne se vend, rien ne s'achète, rien ne se donne que ce soit des biens culturels ou des biens matériels sans qu'il y ait déplacements de personnes ou de marchandises. La fluidité de la circulation est la condition sine qua non de notre prospérité.

M. Jean-Claude Genecand (PDC). Je ne pensais pas prendre la parole...

Une voix. Ben alors, assieds-toi!

M. Jean-Claude Genecand. Il me semble néanmoins important que j'intervienne.

J'ai dit, lors de notre caucus, que ce projet de loi contient des exagérations qui vont à fins contraires du but recherché. En effet, ce n'est pas en engorgeant les rues de nos voitures qu'un commerce est plus prospère. S'il y a un ralentissement des affaires, ce n'est pas une raison de rechercher les causes dans le manque de mobilité. Il y a d'autres raisons, par exemple, la trop grande offre de biens de consommation, la dichotomie entre le chiffre d'affaires et les frais fixes, comme les loyers prohibitifs, le taux de

l'argent trop élevé, une fiscalité qui ne tient pas compte des commerçants et artisans. C'est pourquoi je souhaite que ce projet soit renvoyé en commission afin que nous puissions l'examiner et voir s'il est possible d'en tirer quelque chose! (Oohh et rires.)

M. Nicolas Brunschwig (L). Lorsque M. Lachat aura fini de faire certains commentaires, nous pourrons nous exprimer!

M. David Lachat. Le bonus-auto!

La présidente. Allez-y, Monsieur Brunschwig, vous êtes au-dessus des commentaires de M. Lachat!

M. Nicolas Brunschwig. Vous savez que ce qui est difficile à vivre actuellement pour les milieux économiques c'est que des tas de gens savent mieux qu'eux ce qui est bon pour leur activité. Lorsque j'entends Mme Roth-Bernasconi nous dire qu'en fait ce projet de loi est un autogoal dans la mesure où celui-ci amènerait une marche des affaires inférieure ou moins bonne que celle que nous aurions avec le projet «Circulation 2000», je m'étonne. Quelles connaissances a Mme Roth-Bernasconi pour nous affirmer des choses comme celles-là?

Alors il est vrai qu'aujourd'hui j'ai eu le plaisir, sans doute comme chef de groupe et comme tous les autres chefs de groupe présents, de recevoir dans mon courrier un résumé -- l'étude complète est disponible au prix de 10 F à l'office de la circulation, mais je n'ai pas eu le temps de la chercher -- que j'ai quand même pris le temps de parcourir. Ce résumé a été fait par le professeur Bovy sur le rapport d'expertise qui avait été commandité par le département. Il y a des choses tout à fait intelligentes et intéressantes. Il y a même cinq ou six pages sur l'analyse qualitative des conséquences économiques de «Circulation 2000». Nous avons toujours dit à M. Ziegler que nous pouvons partager l'un des objectifs qui était effectivement d'augmenter le taux de rotation des parkings -- la grande argumentation est basée sur ce point -- et de détourner le trafic des pendulaires.

Cette approche économique nous semble quand même quelque peu légère ou superficielle. Je me suis souvent plaint auprès du département des prises en considération de ces aspects économiques, justement. L'étude de ce projet de loi en commission sera peut-être l'occasion d'aller un peu plus loin dans ce domaine. Il y a un principe sur lequel -- comme nous vous l'avons

dit -- nous sommes également d'accord, c'est d'essayer d'opérer un transfert modal vers les transports publics des pendulaires. Mais là où nous nous distinguons de la théorie du département c'est sur les moyens de les obtenir car, en fait et en vérité, ces moyens sont basés prioritairement sur la contrainte. Cela nous semble faux pour deux raisons principales.

La première est une raison philosophique qui consiste à laisser la possibilité aux citoyens du libre choix du moyen de transport. En fait, ce libre choix doit être influencé par des phénomènes de marché, c'est-à-dire des notions de rapidité, de coût, de confort.

La deuxième raison est une raison plus pragmatique. C'est la crainte de voir, à force de vouloir décourager les pendulaires, le risque de décourager tout le monde.

Pourquoi feriez-vous ce procès d'intention de dire que les milieux économiques ne sont que pour la voiture et contre les autres moyens de transport? Cela ne correspond à aucune réalité pragmatique. Cela ne correspond à aucune réalité du quotidien. C'est ce que nous aimerions que vous cerniez un peu plus. Il y a des réalités quotidiennes qui sont actuellement extrêmement difficiles à vivre. Je crois que certains partis, y compris le parti socialiste qui, même si son électorat a un échantillonnage de la population genevoise qui n'est peut-être pas forcément très réceptif à ce genre de choses, devraient assimiler un petit peu plus. J'espère que nous aurons l'occasion de discuter de ceci en commission, et peut-être de vous convaincre.

M. Alain Rouiller (S). Notre collègue Claude Blanc, lorsqu'il se trouvait devant moi, a cru pouvoir dire que ce projet de loi répondait au souci, en quelque sorte, d'instaurer le débat et de permettre de discuter de ce projet. Alors, permettez-moi de dire que ces deux messieurs ne connaissent pas bien leur sujet. En effet, s'il y a un dossier à Genève où la concertation a eu lieu depuis des années, c'est bien celui-là, Monsieur Brunschwig! C'est bien celui-là! Il faut savoir... (Contestation de M. Brunschwig.) Chut, on se calme, Monsieur Brunschwig, on se calme!

Depuis l'hiver 1989 où le département de justice et police et la Ville de Genève ont réuni absolument tous les partenaires concernés par ce projet jusqu'à ce jour, il y a eu continuellement des réunions; d'abord, tous les mois, ensuite, tous les deux mois, et tous les milieux ont pu se faire entendre. En particulier les milieux que MM. Balestra et Brunschwig veulent représenter ici ce soir. Ces milieux -- il faut le savoir -- ont obtenu en commission de la circulation toute une série d'amendements au projet, et des amendements qui vont à l'encontre de la sécurité des cyclistes ou parfois des piétons.

Alors il est vrai que des choix ont été faits. Je veux dire ici que si on veut que ce projet avance, il faut absolument que chacun fasse des concessions. Des concessions ont été faites par les milieux qui défendent une meilleure qualité de vie en ville. Les milieux de protection de l'environnement et de défense des usagers ont admis que le projet «Circulation 2000» postule comme l'un des points principaux, un meilleur accès au centre-ville, plus de visiteurs au centre-ville, plus de places de stationnement.

Ce principe est important, mais il faut bien comprendre -- et je veux insister là-dessus -- que les concessions doivent se faire des deux côtés. La concession qui est demandée à l'autre partie, Monsieur Dessimoz, n'est pas le bout du monde. Nous demandons seulement de dévier le trafic de transit du centre-ville et de rendre plus difficile aux pendulaires l'accès au centre-ville. C'est ce que veut le projet «Circulation 2000». Il faut donc que chacune des parties fasse des concessions.

La partie qui défend la qualité de vie en ville a fait d'immenses concessions, je le répète, par exemple -- comme l'a souligné M. Blanc -- elle a renoncé à poursuivre ses recours contre le garage souterrain de Saint-Antoine. Pourtant, il n'aurait pas été très difficile de poursuivre cette action devant le Tribunal fédéral pour soulever un certain nombre de problèmes pas encore résolus. Néanmoins, ces milieux ont renoncé à recourir par gain de paix et pour faire progresser ce dossier. (Brouhaha.) Mais je dois reconnaître que c'était peut-être une erreur. En effet, lorsqu'on est conciliant, lorsqu'on veut faire avancer un dossier et que l'on se rend compte que les autres tout d'un coup ne veulent plus rien faire, veulent tout bloquer, c'est un scandale.

J'aimerais terminer en attirant l'attention de ce Grand Conseil sur l'attitude absolument démagogique du parti libéral. Ce dernier a très clairement annoncé, et il attire à lui les deux autres partis de l'Entente qui n'y voient que du feu... (Manifestation.) ...que le parti des automobilistes à Genève: c'était lui. Alors, évidemment, il faut qu'il monte aux barricades, qu'il défende les quatre-roues. Peut-être qu'il va arriver à «rouler les mécaniques»

avec son initiative pour 10 000 places de stationnement. Encore une fois, «roulez les mécaniques»! Les deux autres petits de l'Entente disent: «Oui, oui, mon grand, oui, oui!» (Rires.) Alors, faites ce que vous voulez, moi je dis ici que c'est de la démagogie pure et simple. (Applaudissements.)

M. Jean-Luc Richardet (S). Je ne sais pas si j'ose intervenir parce que l'esprit de mes propos va un peu dans le sens de ceux que M. Rouiller a tenus en disant en préambule que M. Blanc, lorsqu'il était assis à ma place, nous a dit que les auteurs du projet de loi avaient volontairement placé le projet de loi sous le sens de la provocation. En d'autres termes que leurs actes dépassaient leur pensée et que leur démarche est motivée pour susciter un débat. Mais on peut raisonnablement se poser la question si leur réflexion a un sens car, dans l'exposé des motifs de leur projet de loi, on peut reconnaître que leurs intentions sont louables et qu'elles ne sont pas en contradiction flagrante avec tout ce que notre parlement a décidé et voté aujourd'hui.

En revanche, les moyens pour y parvenir, excusez-moi du peu, Mesdames et Messieurs les élus de l'Entente, sont placés sous un angle populiste pour occuper le terrain vis-à-vis du parti des automobilistes qui, dans quelques mois... (M. Brunschwig consteste.) Mais oui, Monsieur Brunschwig, vous voulez occuper le terrain vis-à-vis du parti des automobilistes dont vous avez grande crainte qu'il pénétre dans cette enceinte cet automne. On le ressent très nettement depuis quelque temps sur tous les dossiers qui touchent aussi bien les transports que la circulation. Votre attitude est restrictive, voire négative, et elle débouche sur le néant. Il faut l'admettre et vous le reconnaîtrez le premier, lorsque les élections seront passées.

J'en reviens à mes propos. La distorsion entre vos intentions et les moyens pour y parvenir sont en totale contradiction et introduisent des effets pervers. Mesdames et Messieurs les auteurs du projet de loi, vous reconnaissez qu'il est légitime d'affecter à une fonction les places dans une autorisation de construire. En revanche, pour l'exploitation, vous trouvez tout autant légitime que ces places affectées soient totalement libres d'exploitation. En d'autres termes, le propriétaire d'une place de parcage pourra changer -- c'est ce qui se passera si votre loi est acceptée -- l'affectation d'un parking, c'est-à-dire déréguler complètement le plan directeur des transports que vous avez vous-mêmes approuvé. Dès lors, il

n'est pas possible d'entrer en matière sur un tel projet de loi. Je dois dire en ce qui concerne l'article 108, après la claque que vous avez prise de la part du Tribunal fédéral par rapport au précédent projet de loi... ( M. Hervé Dessimoz intervient.) Mais oui, Monsieur Dessimoz!

La présidente. Allez-y, Monsieur Richardet! Vous vous adressez à moi!

M. Jean-Luc Richardet. J'en termine, Madame!

Par rapport à la claque que vous avez prise, c'est un projet de loi qui n'apportera rien au problème de l'accessibilité au centre-ville, qui n'occasionnera aucune satisfaction à ceux qui se préoccupent de l'avenir économique du centre-ville, que ce soit pour le commerce, pour l'industrie, ainsi que pour les bureaux. C'est un projet de loi pervers et vous serez les premiers à vous en rendre compte.

M. Charles Bosson (R). Je suis très étonné que ce débat entraîne autant de polémique. (Vive manifestation.) En effet, l'attaque très serrée que fournissent le parti socialiste et le parti écologiste montre que ce projet de loi les gêne. Il les gêne par rapport au type de mobilité que l'on veut à Genève. En définitive, c'est une obstruction qu'ils veulent faire à la complémentarité des transports que nous avions voulue et discutée ici, dans le cadre du projet de loi sur les «Transports collectifs 2000» où, à de nombreuses reprises, il a été fait état que nous avions besoin de transports collectifs et aussi de la mobilité par les transports individuels.

Alors, il est bien clair -- comme M. Rouiller nous l'a dit tout à l'heure -- que la concertation existe. C'est vrai qu'elle a existé très largement pour la loi sur les transports, mais elle n'a peut-être pas été suffisante ou suffisamment codifiée dans le cadre de «Circulation 2000». Dire que ce projet de loi va à l'encontre de la circulation, je crois que c'est complètement faux. C'est démontrer, comme beaucoup de vos collègues, que vous n'avez absolument pas lu ce projet de loi. Vous avez simplement fait une fixation sur le titre de celui-ci. En effet, si vous lisez les articles 1 et 2, vous verrez que ce projet de loi vise à une complémentarité totale entre ce que nous avons voté il y a un mois sur les transports collectifs et ce que nous voudrions codifier et discuter par ce projet de loi.

Lorsque le Conseil d'Etat nous a présenté les plans de «Circulation 2000» et les plans de «Transports collectifs 2000», l'un de ces deux projets était accompagné d'un projet de loi qui déterminait les priorités et dans quel sens nous allions développer «Transports collectifs 2000». Alors pourquoi ne pas essayer de discuter ensemble, dans le même esprit qui nous a amenés à la réalisation du projet de loi «Transports collectifs 2000», sur l'utilité de ce type de projet de loi. Je ne comprends pas cette levée de boucliers absolument hargneuse contre celui-ci.

Certes, ce projet de loi contient peut-être quelques exagérations qu'il s'agira de discuter, comme M. Blanc l'a relevé tout à l'heure. Mais, dans le projet de loi initial sur «Transports collectifs 2000», n'y en avait-il pas aussi qui ont été gommées grâce au travail de collaboration que nous avons eu en commission? Mesdames et Messieurs de la gauche, voulez-vous refuser d'aborder ce problème de circulation de la même façon que nous avons abordé, nous, le problème sur les transports collectifs? Je crois que ce serait malvenu de votre part par rapport à l'effort qui a été fait jusqu'à ce jour.

Il me semble donc que la sagesse demande le renvoi de ces projets de lois à la commission des transports pour que nous puissions en toute sérénité -- et je le souhaite, dans le même état d'esprit qui a présidé à l'élaboration du projet de loi «Transports collectifs 2000» -- voir si nous pouvons réaliser quelque chose qui soit positif, non pas pour les automobilistes ou pour toute autre personne, mais qui soit positif pour les usagers de la circulation en général à Genève, pour faciliter nos modes de déplacement dans une harmonie générale entre tous les utilisateurs de nos voies publiques.

M. Pierre Meyll (T). Sans allonger sur tout ce qui a été dit concernant ce projet de loi et les arguments qui y sont évidemment opposés, nous considérons cette offensive globale contre la circulation comme faisant partie de l'ensemble des projets de tentative de déréglementation et de blocage de la droite. Il est bien entendu que nous nous opposerons à l'arrivée de ce projet de loi en commission, car nous considérons que c'est un projet de loi rétrograde.

M. Michel Balestra (L). Croyez que j'ai écouté tout ce débat avec beaucoup d'attention. Je serai très bref.

Je vais vous lire d'abord un court extrait d'un texte présenté hier soir à l'assemblée générale de la Chambre de commerce: «Quelles que soient les heures d'ouverture des commerces, les clients n'honoreront leur fournisseur préféré que s'ils peuvent l'atteindre aisément avec le moyen de transport de leur choix.». Ce texte est issu du discours du président du département de l'économie publique.

D'autre part, hier soir, nous avons également eu le plaisir d'entendre M. Hauser, patron de la Migros, qui est certainement un commerçant beaucoup moins brillant que M. Genecand et qui ne partage pas la même opinion que lui. Il déclarait que le fait que l'autorisation d'agrandissement du parking de Balexert n'ait pas été accordée dans les temps a incité un groupe concurrent à créer le centre de Chavannes-de-Bogy et que les résultats de ce dernier sont meilleurs que toutes les prévisions faites sur ce centre. Si vous trouvez satisfaisant de déplacer les postes de travail et les revenus dans un autre canton, eh bien permettez-moi de ne pas être du même avis.

Un procès d'intention nous est fait au sujet de ce projet de loi. Mais l'articulation de ce dernier est la même que celle de «Circulation 2000» avec le transit par la ceinture, avec la hiérarchisation du réseau, avec l'amélioration de l'accessibilité au centre-ville. Tout y est. Il y a deux différences majeures. La première est la suppression des poches étanches qui sont remplacées par une desserte interquartiers. La deuxième est que nous avons supprimé la notion d'itinéraires piétonniers que nous avons remplacée par une notion de zones piétonnes pour la construction desquelles l'avis du département de l'économie publique et des commerçants de la région doit être pris en compte et pour la réalisation desquelles des parkings visiteurs doivent être mis en place.

Alors, de deux choses l'une, Messieurs des bancs d'en face, soit lorsque vous affirmiez ces thèses dans «Circulation 2000» vous étiez de mauvaise foi, soit vous devez accepter de discuter de ce projet en commission des transports.

M. René Koechlin (L). Je crois que ce débat pourrait s'éterniser parce qu'il polarise un débat politique qui ne date pas d'hier entre les défenseurs d'un concept autoritaire de société, nos collègues d'en face... (Quelques remarques.) ...et les autres qui reconnaissent à chaque citoyen le droit de choisir les moyens de gérer son quotidien. Dans votre concept, vous

imposez à la population votre choix. Ce projet de loi propose à la population le droit de recourir à son choix. C'est là toute la différence. C'est la raison pour laquelle un tel projet continuera à nous opposer éternellement, et c'est pourquoi je crois que ce débat, finalement, est vain, sinon révélateur de ce qui nous sépare d'une manière générale en politique.

M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Avant que ces projets ne soient renvoyés à la commission des transports, permettez-moi d'exprimer, au nom du Conseil d'Etat, un certain nombre de remarques.

Pleins d'ardeur réformatrice et ne reculant pas devant l'acharnement législatif, les auteurs de ce projet feignent de découvrir une énorme lacune: Genève n'aurait pas de loi fixant les principes en matière de circulation. En réalité, Monsieur Balestra, c'est l'inverse qui est vrai. Avec ce projet de loi, Genève serait sans doute la seule collectivité au monde dont le parlement réglerait la circulation, le seul endroit où le placement de signaux serait soumis au référendum facultatif. (Rires.) Tel serait l'effet d'un projet de loi qui subordonne à l'accord du Grand Conseil toute modification de la typologie des voies de circulation en réseau primaire, réseau secondaire et réseau de quartier. Ce n'est là qu'un des exemples des nombreuses difficultés pratiques que la commission ne manquera pas d'examiner.

Mais, au-delà de ce type d'escarmouches, ce que je regrette dans ce projet de loi, c'est le retour d'un état d'esprit conflictuel qui ne peut aboutir qu'à l'autoblocage. Nous avons tenté, avec «Circulation 2000», de rechercher une synthèse des différents intérêts en présence afin de trouver la voie d'une mobilité durable pour Genève. Une mobilité qui n'est pas un but en soi, mais qui est au service de la qualité de la vie et de la prospérité. C'est dans ce but que nous avons engagé le dialogue en ouvrant une consultation sur un projet. C'est dans ce but, pour être à la hauteur des espoirs, comme pour répondre aux craintes qui ont été exprimées, que j'ai tenu à suspendre toute réalisation dans l'attente d'études complémentaires. C'est en particulier l'expertise du professeur Bovy qui a été présentée hier.

Je précise, pour qu'il n'y ait pas de malentendu, que cette échéance avait été fixée dès le départ, qu'elle était en particulier connue des membres de la commission consultative de la circulation qui constituent le «groupement transports et économies». Les milieux patronaux de ce groupement, qui ont

présenté la semaine dernière ce projet de loi, nous disent: «nous prenons dans «Circulation 2000» ce qui nous plaît et nous en retirons ce qui ne nous plaît pas». M. Brunschwig vient de défendre cette argumentation.

M. Nicolas Brunschwig. Je n'ai pas du tout dit ça!

M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Cette approche, Monsieur Brunschwig, est doublement fausse; d'abord parce qu'en démocratie, le bras de fer, la recherche de la détermination d'un vainqueur et d'un vaincu, n'aboutit qu'à prolonger le combat, et en définitive au blocage, à ce que rien ne se fasse. Voilà le résultat. Ce qui nous permet d'avancer, c'est la recherche patiente et obstinée de la synergie, de la conjonction des intérêts, de la synthèse entre des points de vue multiples et tous estimables.

L'approche conflictuelle est fausse également parce qu'elle part sur un procès d'intention dont l'expertise du professeur Bovy nous donne les moyens de nous disculper. Non, «Circulation 2000» ne cherche pas à mettre en place des mesures restrictives avant que des moyens de substitution ne soient installés. C'est au contraire un programme de mesures d'accompagnement des nouvelles infrastructures prévues qui ne se mettra en place que progressivement et au gré de la réalisation de chacune de ces infrastructures. Non, «Circulation 2000» ne diminue pas l'accessibilité au centre-ville. Non, «Circulation 2000» n'entrave pas le trafic professionnel: c'est le contraire qui est vrai, Monsieur Balestra! L'accessibilité au centre sera accrue et les déplacements professionnels favorisés, Monsieur Jenni!

Compte tenu de l'expertise du professeur Bovy, mais aussi du débat qui s'engage avec ce projet de loi, dans le prolongement aussi de la motion proposée par M. Bosson que vous avez votée et qui demande la coordination de «Transports collectifs 2005» avec «Circulation 2000», en précisant expressément que les mesures liées à l'autoroute de contournement ne doivent pas, elles, être suspendues. Je voudrais préciser que je m'en tiendrai strictement à cela.

Pour le reste, je souhaite que l'examen du rapport d'expertise sur «Circulation 2000» permette de ramener un peu de sérénité dans un débat qui en a bien besoin. Je suis à cet égard reconnaissant à l'équipe du professeur Bovy des propositions pratiques formulées pour l'amélioration du

processus de réorganisation du trafic à Genève dans un sens adaptatif. Et je souhaite que, désormais, ce soit avec le soutien du plus grand nombre et sans blocage intempestif -- mais en cela, la proposition de M. Saurer conduirait elle aussi au blocage, et je lui demande donc de renoncer à sa proposition qui participe précisément à une logique conflictuelle -- que nous puissions mettre en place les éléments qui doivent permettre à l'agglomération genevoise de mieux respirer.

M. Jean-Luc Richardet (S). Il y a quelques instants, M. Bosson regrettait l'attitude agressive de cette partie-ci des bancs en nous recommandant de placer les débats sur le sujet dans un sens consensuel. Dans la mesure où les auteurs du projet de loi auraient cette attitude en commission, il est évident que certains liens peuvent être trouvés.

C'est la raison pour laquelle je recommande soit à M. Saurer de retirer sa proposition de discussion immédiate, soit à l'ensemble de ce Grand Conseil de renvoyer ces projets de lois en commission afin que nous puissions en discuter sereinement.

La présidente. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une demande de discussion immédiate. La maintenez-vous, Monsieur Saurer?

M. Andreas Saurer (Ve). Pour que ce soit tout à fait clair, le groupe écologiste estime que ce projet de loi est une provocation. Le fait d'entrer en matière constitue un blocage et retarde la mise en place d'un plan de la circulation. Nous demandons donc le vote immédiat pour que ce projet de loi soit refusé. (Vive manifestation.)

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est rejetée.

Ces projets sont renvoyés à la commission des transports.