République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 février 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 2e session - 8e séance
RD 180-1
Débat
M. Jacques Torrent (R), rapporteur. Je me bornerai à faire simplement une ou deux remarques sur le rapport de minorité afin de rétablir certaines phrases susceptibles d'être mal comprises.
Je me réfère à la deuxième phrase de la première page dans laquelle M. Schneider dit, avec élégance, que ce rapport a été écrit en grande partie par un responsable du département. (Brouhaha général. Des quolibets fusent.) Je ne suis pas juriste, mais il me semble normal que ce Grand Conseil et les personnes qui s'intéressent à ce rapport -- notamment tous ceux qui ont affaire aux problèmes de gestion pénitentiaire -- aient accès aux renseignements que seul le département est en mesure de fournir.
M. Ziegler répondra lui-même à un certain nombre d'assertions. L'une d'elle est particulièrement désagréable vis-à-vis de la commission, aussi ne la laisserai-je pas passer. Elle se situe à la rubrique V et dit: «A l'extérieur du canton, la séance se termine par un bon repas avec le directeur et les responsables».
Une voix. A boire!
La présidente. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît!
M. Jacques Torrent. Je pense que cette phrase est injurieuse pour les membres de la commission, pour les fonctionnaires qui nous accompagnent et les conseillers d'Etat responsables de ce département dans les cantons dans lesquels nous nous rendons. Lorsqu'une commission se déplace et qu'elle invite un conseiller d'Etat à sa table, elle peut difficilement offrir des sandwichs. (Rires et quolibets fusent.) Nous ne faisons vraiment pas bombance, pas plus que nous ne nous livrons à de joyeuses libations comme ces remarques pourraient le laisser penser.
Compte tenu de l'ambiance joyeuse qui règne dans ce Grand Conseil, j'en ai terminé!
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. Il est vrai que ce rapport a été écrit en grande partie par un responsable du département. Ce n'est pas une critique que je vous fais, Monsieur Torrent, simplement un rapport de visiteurs officiels du Grand Conseil doit certes tenir des statistiques. Du reste, nous recevons de la part de chaque établissement de très très bonnes informations, par exemple nous recevons chaque année un petit livre sur Bellechasse. Le travail est extrêmement bien effectué par les différents directeurs d'établissements comme Champ-Dollon ou d'autres. Mais je pense qu'il faudrait aller un peu plus loin dans la démarche et ne pas se contenter de simples statistiques sur le nombre de détenus, de suicides, de malades. Il serait judicieux de se pencher davantage sur les conditions de détention.
Mon collègue a abordé un deuxième point que je traiterai tout à l'heure.
Je souligne que ce rapport s'intitule «rapport de minorité» pour la simple raison que le règlement du Grand Conseil n'autorise pas de présenter un rapport complémentaire. Cela pour vous dire, Monsieur Torrent, que je n'ai rien de particulier contre votre rapport. Le mien a pour seul but d'apporter un complément et d'éclairer ce sujet un peu différemment. Ce rapport de minorité comptait à l'origine douze pages. Il comprenait des constats complémentaires et des propositions...
M. David Lachat. Qui l'a écrit? (Brouhaha général.)
M. Max Schneider. Malheureusement, je l'ai écrit tout seul!
M. David Lachat. Ça se voit! (Eclat de rires général.)
M. Max Schneider. Je l'ai écrit tout seul et je vais y apporter quelques modifications. J'ai mis l'accent sur certains points concrets pour des raisons d'efficacité et de rationalité. Pour cela, j'ai oublié ces propositions et j'ai réduit ce texte de douze pages aux quelques pages que vous avez devant vous. Voilà pourquoi, Monsieur Torrent, en deuxième ligne, comme je l'ai déjà dit, je signale que ce rapport a été écrit par un responsable du département. Malheureusement, le mien n'est pas aussi fourni en données du département et mes sources sont très diverses.
Je ne me suis pas arrêté aux «tabassages» de Carl-Vogt ou aux dénonciations qui sont faites sur les traitements subis par certains détenus à l'aéroport. J'ai essayé de rentrer dans le vif du sujet, c'est-à-dire ce que j'ai trouvé de choquant dans les visites que nous avons effectuées durant l'année précédente.
L'un des premiers thèmes est la surpopulation à la prison de Champ-Dollon. Ce soir, je vais vous proposer non seulement des économies financières, mais encore une solution à ce problème.
Le deuxième point porte sur le trafic et la consommation de drogue qui existent à l'intérieur même de la prison.
En troisième lieu, je parle des produits chimiques ou des médicaments donnés aux détenus et, preuve à l'appui, de leur conséquence, c'est-à-dire de la dépendance dans laquelle ils se trouvent à leur sortie de prison.
Le problème des «mules» est le quatrième point. C'est un problème que je connais bien pour avoir vécu dans ces pays et avoir vu de près ce qu'est un bidonville. Il n'est pas possible de laisser des gens gagner quatre à cinq fois plus que chez eux en étant en prison. Je pense qu'il faut apporter des solutions à ce problème, et il me semble que, nous les politiques, nous devons influencer et encourager tous ceux qui cherchent ces solutions, car ces mules n'ont probablement rien à faire à Hindelbank.
Le cinquième point porte sur le travail de la commission. Il n'est pas question pour moi de critiquer le travail de cette commission. Personnellement, Monsieur Torrent, moi je n'ai rien contre les bons repas, ni vous non plus d'ailleurs! Il ne faut pas prendre cette remarque comme une insulte et je ne veux pas m'arrêter sur ces détails. Ce rapport sur la commission des visiteurs officiels démontre que cette commission est un modèle au niveau européen. Peu de pays ont la chance d'avoir une commission telle que la nôtre.
Cette année, nous allons visiter une prison à Lyon. Nos collègues, les conseillers régionaux de Rhône-Alpes, ne sont pas autorisés à nous accompagner parce que les prisons françaises dépendent uniquement du pouvoir central à Paris. Cette commission des visiteurs a le mérite d'exister. Bien sûr, il faut examiner sa manière de travailler, car visiter une grande prison en une journée reste forcément un peu superficiel. Mais nous pourrions, notamment cette année, nous attaquer aux problèmes évoqués dans ce rapport de minorité, faire des enquêtes et approfondir encore la situation réelle à l'intérieur des prisons.
Au point 6, j'ai évoqué les visites médicales effectuées en début de détention. Genève innove là encore -- c'est un point qu'il faut souligner -- grâce au président Ziegler, puisque celles-ci sont faites au début de leur détention. C'est très bien; ce qui serait encore mieux serait d'envoyer une copie des certificats médicaux aux détenus concernés tout de suite après ces visites.
Je ne parlerai pas maintenant de mes conclusions et de mes recommandations car je voudrais reprendre la parole plus tard.
Enfin, en page 1, point pour lequel je n'ai pas eu la chance d'être assisté lors de la rédaction de mon rapport, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Ce ne sont pas 78%, mais 51% des personnes détenues qui ont passé moins de huit jours à Champ-Dollon. Je remercie l'huissier qui nous a accompagnés durant toutes ces visites et qui m'a fait remarquer ce détail. De même, la moitié seulement des personnes détenues a passé moins de 24 heures en prison. Là aussi, je proposerai une solution à ce problème.
En page 2 de mon rapport, une petite erreur s'est glissée. En effet, il faut lire: «plus de 50% des détenus avaient consommé de la drogue avant ou durant leur détention», et pas seulement durant leur détention. Aucune étude n'a été effectuée en Suisse sur le problème de la consommation de drogue en prison. J'ai téléphoné à tous les directeurs de prison et aux différentes universités de Suisse romande, mais en vain. Par contre, nous avons un excellent rapport européen qui démontre que la gravité de la consommation de drogue dans les prisons est un problème qui, cette année, devrait préoccuper la commission des prisons.
Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Je remercie M. Torrent pour son rapport qui reflète parfaitement les travaux de notre commission qui nous ont occupés tout au long de l'année dernière, et qui, de plus, nous apporte de précieux renseignements.
Permettez-moi également d'adresser mes remerciements au responsable du département, puisque -- comme le mentionne M. Schneider -- il en a écrit une grande partie. Mais heureusement que les fonctionnaires renseignent les députés, notamment en ce qui concerne la politique pénitentiaire du département et l'évolution du droit en matière d'exécution des peines en droit fédéral. Par quel moyen un rapporteur pourrait-il obtenir autant de renseignements, Monsieur Schneider? Ils sont non seulement utiles, mais nécessaires aux activités de notre commission. Vous ne l'avez peut-être pas encore compris puisque vous estimez que certaines conditions d'incarcération sont inacceptables et en contradiction avec les objectifs de la justice. En tout cas, vous l'avez écrit!
Votre rapport de minorité comportait des erreurs que vous avez corrigées, mais vous restez toujours persuadé que la surpopulation de Champ-Dollon est due à des détentions préventives ordonnées de manière non restrictive. Je vous rappelle que les conclusions du rapport de 1991 proposaient une certaine pratique à l'intention du pouvoir judiciaire. Elles sont toujours valables et elles ne se sont nullement révélées fausses.
Au sujet de la drogue, M. Schneider dit qu'il est urgent de prendre des mesures adéquates. Alors, qu'il nous dise lesquelles! Surtout lorsqu'on sait que les amis ou même les familles s'ingénient à trouver des moyens nouveaux et chaque fois renouvelés pour faire parvenir la drogue dans les prisons.
Il est par ailleurs faux de considérer la prison comme une camisole chimique. Je considère que c'est porter une accusation grave à l'égard du service médical de Champ-Dollon et à celui de l'institut universitaire de médecine légale qui restreignent au maximum la consommation de médicaments et restent toujours très attentifs à ce problème.
Quant à l'objectivité et à l'efficacité de la commission des visiteurs officiels on peut effectivement se poser la question, puisque les conditions d'incarcération sont plus que satisfaisantes, que les directeurs et les gardiens prennent en considération les demandes raisonnables de tous les détenus et s'efforcent d'améliorer constamment les conditions de détention. D'autre part, je vous rappellerai que les détenus, qui se sentiraient lésés dans leurs droits, ont toujours la possibilité d'interjeter des recours sur le plan cantonal au Tribunal fédéral et auprès des instances de Strasbourg.
Pour le surplus, je vous conseille vivement de reprendre le rapport de 1991 qui décrit très clairement les compétences de notre commission.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Après lecture de ces deux rapports, on reste un peu perplexes ne sachant pas très bien lequel des deux soutenir.
En effet, on découvre qu'ils ne sont pas tellement contradictoires, mais plutôt complémentaires, le second apportant plusieurs touches humaines supplémentaires. C'est pourquoi je souhaite apporter quelques réflexions sur ce sujet.
Pour ce qui est de la surpopulation, on découvre dans ces rapports les taux impressionnants de surcharge que connaît Champ-Dollon. Il me semble que l'on passe un peu vite sur cette situation dramatique. Tôt ou tard -- et les responsables de la prison sont les premiers à le dire -- un problème grave risque de surgir, mais il sera trop tard pour le regretter. En tant que politiques, nous devons dire fermement que cette situation est inadmissible. Il faut tout faire pour trouver des moyens. Ce n'est pas facile, mais, par exemple, le fait d'accélérer les passages devant le juge d'instruction permettrait déjà d'éviter nombre de nuitées de détenus libérés après l'interrogatoire. C'est un souci de la commission des visiteurs depuis longtemps, mais ne faudrait-il pas être plus ferme sur cet aspect avant qu'un sérieux problème ne survienne?
Je voudrais également évoquer ici le rôle de la commission des visiteurs. Pour côtoyer régulièrement les milieux qui défendent les droits de l'homme, et pour avoir pris connaissance tout dernièrement du rapport déposé à Strasbourg auprès du Conseil de l'Europe par le Comité de prévention de la torture, il me semble que la commission des visiteurs devrait absolument renforcer ses activités. D'une part, elle y gagnerait en crédibilité et, d'autre part, on éviterait ainsi les témoignages contradictoires. Je vous en donne quelques exemples.
Dans le texte de M. Torrent on parle de cinq rapports -- ce sont sûrement les chiffres qui lui ont été fournis -- remis par l'institut universitaire de médecine légale concernant des constats de mauvais traitements. Dans les milieux professionnels concernés, on réagit à cette lecture en affirmant que ce chiffre peut être facilement et honnêtement multiplié par huit ou neuf. Pour couper court à ce genre d'accusations, pour connaître la vérité...
Une voix. Quelle vérité?
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. ...la commission des visiteurs officiels ne devrait-elle pas avoir accès à tous les rapports établis par l'institut de médecine légale? La transparence qui en découlerait serait bénéfique à tous.
Pour ma part -- il faut le noter -- je n'ai jamais entendu parler de mauvais traitements au sein même de Champ-Dollon; c'est plutôt en amont, dans les postes de police. (Vives réactions.) Je tiens d'ailleurs à remercier ici la volonté du directeur de la prison de Champ-Dollon, M. Choisy, de rendre cette prison aussi humaine que possible.
Dans le même ordre d'idée, je me demande si la commission ne devrait pas pouvoir également rencontrer des prisonniers qu'elle choisirait au hasard, sans les y obliger bien sûr, et ne pas seulement auditionner ceux qui se proposent. Lorsque le CICR visite des prisons, c'est ainsi qu'il agit. Il entend aussi des membres du personnel à huis clos. Rencontrer quelques gardiens ou le personnel du service médical s'avérerait peut-être judicieux et aiderait les députés à se faire une opinion objective.
Enfin, il me semble que la commission a oublié un lieu qui fait l'objet de nombreuses critiques, à savoir les cellules de l'aéroport de Cointrin où sont retenus des étrangers n'ayant pas le droit de pénétrer sur sol suisse.
M. Charles Bosson. Ils n'ont qu'à retourner chez eux!
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. C'est une réponse très valable, Monsieur Bosson! Je vous félicite!
Une ou deux visites non annoncées permettraient de lever tous les doutes. Cela s'avère d'autant plus important qu'à ce jour même les aumôniers n'ont pas accès à ce lieu de détention comme c'est le cas dans toutes les prisons. J'invite d'ailleurs le Conseil d'Etat à faire bon accueil à la demande qui va lui être adressée prochainement dans ce sens par les Eglises. C'est donc bien dans un souci de transparence que j'ai évoqué ces quelques points sur lesquels j'aurai peut-être l'occasion de revenir ultérieurement d'une autre manière.
En conclusion, il me semble important que notre commission des visiteurs officiels fasse le choix de poursuivre son travail par un investissement encore plus grand, plus pointu, plus à la recherche de la vérité, car j'ai la conviction que le bon fonctionnement d'une démocratie se vérifie aussi au sort qu'elle réserve à ceux qui sont dans les situations les plus précaires.
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. Je voudrais entrer dans le vif du sujet, notamment en ce qui concerne les différents points traités dans mon rapport de minorité, et tenter d'expliquer le contenu des conclusions et des différentes recommandations que j'ai proposées en dernière page, au point 7.
La première recommandation préconise de prendre très vite de plus amples mesures de prévention face à la situation à laquelle nous sommes confrontés. J'attire l'attention du Conseil d'Etat sur le travail magnifique effectué par le canton de Zurich qui a vécu des années difficiles avec la consommation et le trafic de drogue. Je pense que les propositions de mesures concrètes qui ont été prises à Zurich pourraient être traduites en français et, pourquoi pas, appliquées voire adaptées au canton de Genève avant que la situation ne se dégrade trop comme cela a été le cas à Zurich. Il vaut mieux prévenir qu'enfermer des jeunes en prison.
Deuxième recommandation. Il me semble qu'il y a mieux à faire que de mettre un détenu condamné par exemple à huit ans de prison comme un objet dans une boîte et de le sortir au bout de ce temps complètement hébété et absolument inadapté à la vie civile. Un plan de détention pourrait être communiqué à l'intéressé par le SAPEM. Ce plan définirait clairement la durée de sa peine, quelles seront ses activités et prévoirait dès le début de son incarcération son chemin jusqu'à sa sortie de prison. Ce serait donc une tentative pour comprendre que si la prison doit punir elle peut aussi permettre une réinsertion plus positive que ce qui est fait actuellement dans ce domaine.
Troisième recommandation. Comme Mme Martine Roset l'avait souligné à juste titre dans son rapport en 1991 -- vous voyez que j'ai bien lu son rapport -- en page 35, que je cite: «La police et le juge d'instruction de permanence doivent veiller à ce que le maximum de personnes appréhendées soient présentées au juge d'instruction rapidement et conduites avant 18 heures au relais carcéral. Celui-ci devrait fonctionner entre 12 et 14 heures. Il y a lieu d'éviter le transfert des personnes arrêtées à Champ-Dollon si la nature et l'absence de gravité des délits reprochés permettent au magistrat de relaxer celles-ci après la première audience d'instruction».
Eh bien, nous avons là des centaines de milliers de francs à gagner bien simplement. Il serait possible que le pouvoir judiciaire mette un deuxième juge d'instruction à disposition pour assurer une permanence, ceci sans engager un nouveau juge, mais en adaptant l'organisation du travail. C'est ainsi que l'on pourrait diminuer ces fameux 25,7% de détenus qui ne passent que 24 heures à Champ-Dollon. Voilà une mesure concrète qui, je le pense, justifie en partie mon rapport de minorité.
Mme Martine Roset (PDC). Je voudrais tout d'abord relever certains des propos de Mme Reusse-Decrey concernant ce rapport.
Je lui précise que nous ne sommes pas des délégués du CICR et les prisons suisses ne sont pas, loin s'en faut, les prisons de l'ex-Yougoslavie! (Applaudissements.) Vos paroles m'effrayent, Madame Reusse-Decrey, car elles remettent tout en cause dans le système judiciaire, le système carcéral suisse, comme si celui-ci n'avait pas fait ses preuves. Vos paroles sont très graves et je vous trouve extrêmement injuste!
M. Claude Blanc. Non, de mauvaise foi surtout!
Mme Martine Roset. Votre rapport d'opinion -- je l'appelle ainsi, car ce n'est pas un véritable rapport de minorité -- Monsieur Max Schneider, comporte effectivement des remarques pertinentes. Seulement, je vois trois obstacles à tout ce que vous avancez: la séparation des pouvoirs, le droit pénal suisse et la politique de la Suisse à l'égard de la drogue et du tiers-monde. Sur ces deux premiers problèmes, le parlement n'est pas compétent, et vous le savez. Nous vous l'avons répété maintes et maintes fois en commission.
Quant au troisième problème, je pense que la prison n'est que l'une des données de celui-ci, une donnée qui est en aval. A mon avis, si l'on veut résoudre ce problème, il faut prendre toutes les données et remonter jusqu'en amont. Je ne sais pas si la commission des visiteurs de prison peut s'atteler à un tel travail et surtout si elle peut obtenir des résultats, car ce problème doit être traité sur le plan suisse, européen, voire même mondial. (Vifs applaudissements des démocrates-chrétiens et des radicaux.)
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. Evidemment, il paraît que nous ne sommes pas compétents! Bien sûr les prisons suisses ne sont pas les prisons turques, ni les bagnes secrets du Maroc. C'est vrai! Mais
cependant, il faudrait calculer, puisque nous sommes toujours à la recherche d'économies, si prévenir ne revient pas moins cher qu'incarcérer à tour de bras. Ne vaut-il pas mieux prévoir la réinsertion de ces détenus d'une manière plus active, comme le fait avec une grande efficacité le service du patronage du département de justice et police? Avant de terminer, je voudrais remercier tous ceux qui m'ont aidé: les huissiers et les fonctionnaires du DJP, notamment, M. Porcher, M. Riat.
Une voix. C'est M. Riat qui l'a écrit?
M. Max Schneider. M. Riat n'a pas écrit ce rapport, mais il m'a fourni des renseignements très intéressants. (Quolibets fusent.) Il faut que la commission des visiteurs de prison ne cache rien; elle doit être active et dire la vérité aux parlementaires. On me répond trop souvent en commission que certains sujets ne doivent pas être abordés. La transparence dans ce domaine ne peut être que positive.
Entre-temps, des associations comme celle de la prévention de la torture donnent un autre rapport sur les prisons suisses. Je rends ici hommage à la Ligue suisse des droits de l'homme qui, bénévolement, a effectué plus de quatre-vingt visites et rendu des rapports différents des nôtres, mais en tout cas très humains. L'audition de ces différentes associations serait positive, comme Caritas, par exemple, qui accueille des gens qui se plaignent d'être «tabassés». Le rôle de notre commission devrait consister à approfondir certains sujets.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). J'aimerais que l'on m'explique pourquoi on dit que je remets totalement en cause le système carcéral puisque, au contraire, j'ai félicité M. Choisy de la manière dont il s'occupait de Champ-Dollon pour rendre cet établissement le plus humain possible. Je ne sais vraiment pas quelle langue il faut parler pour se faire comprendre, car visiblement le message ne passe pas.
D'autre part, j'aimerais offrir à M. Blanc -- cela le calmera peut-être -- le rapport au Conseil fédéral relatif à la visite du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, déposé à Strasbourg auprès du Conseil de l'Europe. S'il trouve que ce rapport ne contient que des inepties, il pourra toujours leur écrire. (Applaudissements de la gauche.)
Mme Jeannik Dami (S). Je voudrais faire une petite remarque à Mme Roset.
Cet été, j'ai participé à une visite de prison en Afrique, et je peux vous dire que le même problème se pose, celui de la surpopulation due à l'incapacité du système judiciaire de traiter au fur et à mesure tous les cas. Bien sûr, on ne peut pas comparer les conditions de détention de ces pays avec les nôtres, mais sur ce point ils n'ont certainement rien à nous envier.
M. Jacques Torrent (R). Il faut se rappeler que l'activité de la commission consiste à visiter des hommes et des femmes condamnés par les tribunaux genevois. Nous devons vérifier qu'ils subissent leur peine dans des conditions acceptables et connaissent de bons traitements. Il nous est difficile d'aller plus loin. Si M. Schneider veut le faire, il faut d'abord passer par le truchement d'une modification du règlement de la commission ou par une motion, projet de loi ou autre, adressée par ce Grand Conseil au Conseil d'Etat.
Dans l'état actuel des choses, les pouvoirs de la commission sont relativement limités mais précis. Je réfute totalement les propos de M. Schneider, lequel déclare que l'on doit cesser de cacher des choses. Je ne pense pas qu'aucun membre de cette commission aurait pu accepter d'être complice de quoi que ce soit de grave ou de désagréable dont il aurait eu connaissance. Je n'admets pas ce reproche, pas plus qu'aucun membre de cette commission.
Enfin, je vous signale, à propos de la drogue dont M. Schneider a fait son cheval de bataille, que la commission s'occupe de ce problème depuis plusieurs législatures déjà; M. Jörimann, longtemps membre de cette commission, peut en témoigner; Mme Damien aussi. Mais il est difficile à un établissement pénitencier de contrôler à 100% le trafic de drogue. C'est quasiment impossible. De la même manière qu'on s'évade de certains quartiers de prisons pourtant réputés «de haute sécurité», on ne peut empêcher complètement le trafic de drogue aussi surveillés que soient les établissements.
Pour ce qui est de la consommation de médicaments et de drogue, je voudrais signaler que plus de 50% des détenus sont de grands consommateurs de drogue, d'alcool et de médicaments. Lorsqu'ils arrivent à Champ-Dollon, le service de santé de la prison les prend en charge en général, notamment en raison du très mauvais état de leurs dents. Ils sont soignés et les médicaments dont ils ont besoin leur sont administrés de façon contrôlée et sous forme liquide pour en éviter le trafic à l'intérieur de la prison. On peut considérer que la consommation de ces gens en médicaments ou en drogue diminue d'environ 20% lorsqu'ils sont en prison.
Il est facile de dire qu'il n'y a qu'à trouver des solutions. Je laisserai au président Ziegler le soin d'évoquer pour vous le problème de l'augmentation de la population carcérale. Il n'est pas juste de mettre nos juges en cause. Lisez dans le rapport les tableaux y relatifs et vous verrez que certains chiffres sont révélateurs sur ce point.
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. Je suis désolé de reprendre la parole, mais je ne peux laisser dire certaines choses.
C'est un peu le reflet de ce qui se passe en prison, lors de nos visites. (Oohh de réprobation.) J'ai tenté de faire un rapport complémentaire positif et je voudrais le terminer sur une note positive. En effet, si j'estime qu'il manque des informations, cela ne veut pas dire que tout le travail du rapport de majorité n'est pas bon. Je veux simplement apporter une pierre constructive au moulin. En proposant que les juges adaptent leurs horaires pour assurer une permanence judiciaire je ne mets pas les juges en cause, j'essaye simplement d'offrir une solution, puisque l'on m'a donné la preuve que c'était possible.
Pour le reste, je maintiens une attitude extrêmement prudente, Monsieur Torrent, et je n'ai rien contre vous, n'est-ce pas! Je tente de démontrer que la surpopulation de Champ-Dollon engendre des problèmes très graves, comme l'initiation aux drogues dures ou chimiques. Il est clair que dans cette promiscuité des contacts se nouent, les uns dormant par terre sur des matelas, les autres dans des lits à étage, d'autant plus que les petits délinquants se trouvent dans les mêmes cellules que des trafiquants et des escrocs internationaux qui les introduisent dans les filières de la délinquance traditionnelle.
C'est ce contre quoi je m'insurge, car cela va à l'encontre des buts poursuivis par la justice. Au lieu de punir pour essayer de «guérir», on punit et probablement on aggrave la situation des détenus incarcérés pour de courtes peines. C'est pour cela que j'ai proposé, d'une part, cette réflexion sur la surpopulation avec un aménagement des horaires des juges et, d'autre part, une étude sur la consommation de drogue dans les prisons puisqu'il n'en existe aucune en Suisse. Le Conseil d'Etat pourrait en faire la demande au Fonds national pour la recherche scientifique pour approfondir le problème et le rendre clair. On nous dit que l'on met des personnes en prison pour les punir et les guérir, mais nous voulons démontrer que, dans certaines conditions, cela peut aggraver leur cas. Cette enquête pourrait être menée par un groupe universitaire.
Dernier point. Il me semble que quelque chose ne joue pas dans notre justice nationale à propos des «mules» quand celles-ci, condamnées à plusieurs années de prison, déclarent ouvertement qu'elles ne demandent qu'à recommencer en rentrant au pays parce que leur «séjour» en prison leur a permis d'entretenir financièrement une partie de leur famille. Ce sont des constatations qui méritent réflexion, non seulement au niveau genevois, mais au niveau suisse pour essayer de trouver d'autres solutions. Des possibilités d'action dans le tiers-monde ne sont-elles pas envisageables? Cela serait préférable plutôt que de dépenser des sommes pour les incarcérer.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Je ne sais trop par quel objet commencer, car le débat est pour le moins décousu.
J'aurais préféré, Monsieur Schneider, que ces diverses questions soient abordées dans le cadre de la commission. Vous savez que mon département vous a toujours ouvert les portes de tous les lieux de détention. Il est heureux que la commission des visiteurs puisse auditionner des détenus. Aucun lieu de détention ne lui est fermé. On a évoqué ce soir le poste de gendarmerie de l'aéroport de Cointrin. Mesdames et Messieurs les visiteurs, allez donc le visiter! Vous constaterez que les conditions y sont plus que décentes.
Il est vrai que plusieurs locaux dans le passé présentaient une certaine vétusté, mais ils ont été refaits à neuf et les cellules en recevant la lumière du jour sont tout à fait conformes aux standards conventionnels, et reçoivent la lumière du jour. Si vous vous étiez donné la peine en commission de demander à visiter ce poste de police, vous auriez constaté que le problème non seulement nous était connu depuis longtemps, mais que des efforts ont été faits pour y remédier et pour rénover ce lieu de détention. Nous sommes très heureux des visites que vous organisez car nous tenons à avoir un contrôle
parlementaire sur notre politique pénitentiaire. Ce contrôle est très important, et le Conseil d'Etat ne veut laisser s'installer aucune ambiguïté quant à la manière dont les détenus sont incarcérés dans notre canton. Il tient à ce que le contrôle interne à l'administration soit doublé d'un contrôle judiciaire et d'un contrôle parlementaire.
Je ne pourrai pas ce soir reprendre point par point tout ce qui a été dit. Je vous ai par exemple entendu affirmer que 50% des détenus se droguaient en prison; il aurait fallu dire que 50% des détenus étaient des consommateurs réguliers d'alcool, de médicaments ou de drogue avant leur incarcération. De toute façon, le chiffre cité dans le débat est absurde, même s'il n'est pas question de nier le problème de la drogue en prison. Un contrôle sévère est appliqué à cet égard dans nos établissements de détention, de même qu'une politique de sevrage qui n'a cependant pas toujours le temps d'aboutir, comme vous l'avez vous-même souligné, Monsieur le rapporteur «complémentaire», en raison de la durée moyenne assez brève de la détention dans notre canton, puisque 25% des détenus sont relaxés dans les 24 heures et la moitié au bout de huit jours au maximum.
J'ai commandé à Berne des exemplaires supplémentaires du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et je viens de les obtenir. Ce document vous sera diffusé la semaine prochaine par le secrétariat du Grand Conseil. Je tiens à ce que vous le lisiez et vous constaterez, Madame Reusse-Decrey, qu'il a été répondu aux allégations qui ont été faites et que les accusations de mauvais traitements ont été vérifiées. Le procureur général a ordonné une enquête sur chacune de ces accusations, et vous connaissez sa très grande indépendance d'esprit. Ces allégations se sont généralement révélées infondées et ont été classées, même si deux ou trois procédures suivent encore leur cours. C'est tellement vrai que le Comité pour la prévention de la torture stipule bien que celle-ci est inexistante dans les prisons suisses.
Pour en revenir à ce comité, je vous rappelle que la Convention internationale pour la prévention de la torture est due à l'initiative d'un citoyen genevois, le défunt banquier Gautier, que la Suisse est l'un des premiers pays d'Europe à l'avoir ratifiée, que la première visite «à blanc» du comité, qui a tenu à fixer assez haut les standards et les normes de ses visites, a eu lieu à Genève à la prison de Champ-Dollon qui est considérée comme l'un des
établissements pénitentiaires les plus performants d'Europe; c'est certainement la prison la plus médicalisée. Nous avons joué le jeu de ces visites, et nous sommes heureux que le comité poursuive ses activités. Nous tenons à examiner toutes les remarques qui nous sont faites. Soyez en tout cas rassurés: on ne torture pas en Suisse! Nous ne sommes absolument pas en infraction avec le droit conventionnel. Vous lirez les conclusions de ce comité lorsque vous prendrez connaissance de son rapport que je vous invite à étudier scrupuleusement.
Contrairement à ce qu'avance M. Schneider -- je suis étonné que de telles questions surgissent en séance plénière -- tous les détenus font l'objet d'un plan de peine qui leur est confirmé par écrit et qui est discuté avec un fonctionnaire du SAPEM. Chaque détenu reçoit au moins une fois par mois la visite d'un fonctionnaire du SAPEM. Le programme est forcément évolutif, en fonction du comportement du détenu. Un programme de réinsertion figure dans ce plan, que ce soit pour les Suisses ou pour les étrangers. Un régime de fin de peine ou de semi-liberté est mis en place soit à Montfleury soit au Vallon où sont organisés des cours pour les détenus dont certains ne savent ni lire ni écrire. Nous alphabétisons ces détenus, leur donnons une formation professionnelle. Du reste, certains détenus terminent avec succès leur apprentissage pendant leur incarcération.
Le plan de peine peut aussi prévoir de dispenser des soins aux détenus, de leur accorder des conduites ou des congés, voire de faciliter leur transfèrement dans leur pays d'origine quand ils demandent à bénéficier de cette possibilité prévue par une convention internationale. Ainsi, je vous suggère -- c'est une question de méthode de travail -- de reprendre ces différents points lors de l'exercice en cours de la commission des visiteurs. Nous sommes prêts à commenter le rapport du CPT et à vous donner toutes explications utiles dans la mesure où elles n'y figureront pas déjà, puisque ce rapport est très complet.
Nous aurons donc tout loisir de revenir sur ces problèmes de la politique pénitentiaire. Nous tenons à ce qu'il y ait une totale transparence dans ce domaine, pour que plus personne ne puisse soupçonner la police genevoise de maltraiter les détenus. Il faut que tout le monde soit convaincu que notre système pénitentiaire tend à une politique de réinsertion, que les fonctionnaires qui l'assument -- qu' ils soient fonctionnaires de police ou de prison -- sont totalement dévoués et sont les artisans de cette politique, et que
nous essayons de faire de notre mieux pour maîtriser ces problèmes. Mais il faut aussi savoir que certains d'entre eux, comme celui de la surpopulation pénitentiaire, ne sont pas aisés à résoudre.
Nous savons depuis des années que nous devons construire une prison pour femmes à Champ-Dollon. C'est une réalisation -- comme pour certaines de vos écoles -- que nous avons dû postposer parce que nous avons dû étaler nos investissements. De la même manière, nous avons tenu à rappeler aux juges d'instruction, dans le strict respect de la séparation des pouvoirs, qu'il pourrait y avoir des mesures d'organisation de la permanence, semblables à ce que vous avez souligné. Je vois d'ailleurs que vous avez des services de renseignements qui sont aussi bons que les miens, puisque j'ai fait une démarche la semaine passée dans ce sens auprès des juges d'instruction, Monsieur Schneider.
La présidente. La parole n'étant plus demandée....
M. Claude Blanc. Oohh, et moi! (Oohh de commisération de toute l'assemblée.)
La La présidente. Mais vous vous êtes fait tenir la main par le conseiller d'Etat Vodoz! Je n'ai pas pensé que vous étiez sérieux! Excusez-moi!
M. Claude Blanc (PDC). Je suis sérieux, Madame la présidente!
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'intervention de M. Bernard Ziegler. Il a omis simplement de répondre à une question très précise de Mme Reusse-Decrey, à savoir qu'elle ne mettait pas en doute ce qui se passait à Champ-Dollon, mais qu'elle mettait en doute ce qui se passait en amont de Champ-Dollon, soit dans les locaux de la police. Cette affirmation me paraît tellement énorme que je voudrais que M. Ziegler la démente.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Je crois avoir répondu en précisant que le procureur général avait vérifié toutes ces insinuations et qu'il avait classé l'ensemble de ces procédures.
Je l'ai dit il y a un instant et je le répète: chaque fois que nous recevons une allégation de mauvais traitement, une enquête préalable est ouverte aussi bien sur le plan administratif que sur le plan pénal. Les sanctions sont appliquées, s'il y a lieu, autant sur le plan pénal que sur le plan disciplinaire. Vous savez que je n'ai jamais hésité à prononcer une sanction lorsqu'un abus a été commis. Je peux vous assurer que le souci de ne pas laisser impunis d'éventuels dérapages indignes d'un Etat démocratique est un souci constant tant des autorités judiciaires que des autorités politiques.
M. Max Schneider (Ve), rapporteur. (Réprobation générale.) Je pense que plus la situation sera transparente, mieux cela vaudra. C'est pour cela qu'au point 6 de mon rapport complémentaire je propose au Conseil d'Etat et aux personnes responsables de la détention, par souci de transparence, que le détenu puisse obtenir une copie de son certificat médical dans les plus brefs délais après son entrée à Champ-Dollon. On éviterait ainsi le flou artistique qui entoure les allégations selon lesquelles certaines personnes seraient tabassées.
M. Charles Bosson. Elles se font tabasser par un copain et après elles disent que c'est la police!
M. Max Schneider. Non, Monsieur Bosson, ces visites médicales ne sont pas effectuées par des personnes dépendantes du lieu de détention, mais par un service médical indépendant, et cela nous permet d'avoir une certaine objectivité. Il en va de même quant à l'intervention de Mme Reusse-Decrey sur les lieux de détention à l'aéroport de Cointrin. Je ne doute pas, Monsieur Ziegler, que ces lieux de détention soient en bon état, bien peints, agréables. Je crois qu'il y a un malaise dans notre République. Des oeuvres d'entraide comme Caritas ou le Centre social protestant reçoivent des témoignages affirmant que des demandeurs d'asile se sont fait «tabasser» à l'aéroport.
Il ne s'agit plus d'aller visiter des lieux de détention (Agacement de l'assemblée.) ou de mettre en cause des fonctionnaires -- ce serait beaucoup trop grave -- mais il serait tout de même important que notre commission des visiteurs officiels du Grand Conseil auditionne les personnes qui portent de telles accusations et que l'on vérifie les faits nous-mêmes. C'est peut-être aussi le rôle de cette commission qui a le mérite d'exister, mais il faut qu'elle puisse aussi chercher la vérité.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Nous avons tenu, pour qu'il n'y ait pas le moindre doute à cet égard, à mettre en place un service médical au sein même du corps de police. Lorsqu'il y a un incident lors d'une arrestation, un médecin de l'IUML part ainsi intervenir immédiatement pour constater les blessures infligées. Ainsi, il ne devrait plus y avoir d'insinuations de ce genre. Il faut savoir que nous avons eu pendant l'exercice examiné dans le rapport du CPT -- c'est un chiffre à mettre en regard des soixante doléances parvenues à ce comité -- cent trente arrestations ayant donné lieu à des échanges de coups d'une certaine gravité.
La montée de la violence dans notre République fait qu'il y a un certain nombre de personnes qui sont blessées lors d'arrestations -- aussi bien parmi nos fonctionnaires, d'ailleurs, que parmi les personnes arrêtées -- sans que cela signifie qu'elles aient fait l'objet de mauvais traitements pendant leur détention. Lorsqu'un détenu entre à Champ-Dollon -- prison la plus médicalisée de Suisse, voire d'Europe -- il passe une visite au service médical de celle-ci. Le cas échéant, le médecin établit un certificat des lésions traumatiques constatées et, lorsque le détenu le demande, ce certificat est immédiatement envoyé aux autorités judiciaires pour vérification. Cela donne donc lieu à un rapport qui est transmis par la police au procureur général. Celui-ci décide s'il y a lieu d'ouvrir une information pénale ou de classer la procédure.
Nous avons dès lors mis en place un système tel que les mauvais traitements éventuels ne pourront en aucun cas échapper aux contrôles médicaux et judiciaires mis en place à cet effet. Je suggère à la commission d'auditionner aussi bien l'IUML que les autorités judiciaires, si elle le veut bien. Vous pourrez ainsi vous assurer que tant les autorités judiciaires que les magistrats politiques ont le souci constant qu'il n'y ait pas de dérapages impunis dans notre canton. A l'inverse, vous n'avez pas non plus le droit d'inférer de toute accusation portée contre un fonctionnaire que celui-ci doit immédiatement être considéré comme coupable. Il bénéficie au même titre que la personne détenue d'une présomption d'innocence.
Les faits doivent d'abord être vérifiés. En effet, il serait trop facile de tenir pour acquise, lorsque des coups ont été échangés lors d'une arrestation, l'accusation de «tabassage» pendant la détention. De telles accusations s'effondrent souvent lors de leur vérification. Il ne saurait, en revanche, être nié qu'il y a eu parfois des dérapages dans notre canton. J'ai eu à sévir moi-même à plusieurs reprises sur le plan disciplinaire. Mes deux collègues ici présents le savent bien; suivant la gravité des sanctions envisagées, nous devons auditionner les fonctionnaires concernés avant de prendre des sanctions contre eux. Nous avons toujours sévi dans ces affaires; mais je ne suis pas non plus d'accord que l'on porte des accusations aussi vagues qu'imprécises contre nos fonctionnaires, que l'on jette la suspicion sur notre fonction publique, alors que nos fonctionnaires, qu'il s'agisse des policiers ou des gardiens de prison, n'effectuent pas un travail facile.
En effet, s'occuper de la lutte contre la criminalité est un travail qui vous expose à un certain nombre d'accusations ou d'insinuations, et je sais que nous pouvons compter sur le total dévouement et sur la loyauté de l'écrasante majorité des fonctionnaires considérés. Nous avons tenu à mettre en place, pour que précisément ce genre de suspicions ne soient plus colportées, des mécanismes médicaux et judiciaires de contrôle. La visite du CPT nous a conduit à une réflexion visant à améliorer notre système de prévention tout en sachant qu'aujourd'hui déjà nous bénéficions de l'appareil pénitentiaire le plus médicalisé d'Europe.
Le Grand Conseil prend acte de ces deux rapports.