République et canton de Genève

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M 2961-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier la proposition de motion de Yves Nidegger, Guy Mettan, André Pfeffer, Marc Falquet, Patrick Lussi, Stéphane Florey, Charles Poncet, Virna Conti, Florian Dugerdil, Christo Ivanov : Quo vadis, inclusion ? - Halte au catéchisme du genre dans les écoles et hôpitaux genevois
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 28 et 29 août 2025.
Rapport de majorité de M. Alexandre de Senarclens (PLR)
Rapport de minorité de M. Marc Falquet (UDC)

Débat

La présidente. L'ordre du jour appelle la M 2961-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro au rapporteur de majorité, M. Alexandre de Senarclens.

M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Nous arrivons gentiment à notre quatrième acte de cette thématique: nous avons eu la M 2966 «Préservons nos enfants de toute perversion !» qui émanait du groupe MCG, le PL 13447 «La prévention des abus et des discriminations ne doit pas être elle-même abusive ou discriminante» de la part de l'UDC, la proposition de motion dont on vient de parler et maintenant ce texte.

La M 2961 vise à lutter, je cite, contre toute incitation active à remettre en cause l'identité de petits garçons ou de petites filles s'agissant de l'orientation affective et sexuelle. Je lis en particulier deux invites au Conseil d'Etat. Voici la première: «à retirer et faire retirer des programmes scolaires les interventions faisant la promotion de la fluidité du genre et/ou de la non-binarité». Je lis la seconde: «à cesser et à faire cesser la diffusion de toutes formes de publications incitant activement les enfants à remettre en cause leur identité de genre [...]».

Cette motion a été étudiée dans le cadre de l'examen des textes que je viens de mentionner. Nous nous sommes intéressés de bonne foi à ces textes, en particulier à droite. Nous étions en effet vraiment curieux de savoir comment se passait l'éducation sexuelle dans le département de l'instruction publique. C'était donc objectivement intéressant - pour cette raison, nous remercions le premier signataire d'avoir déposé cet objet -, mais assez vite, nous avons été rassurés, non seulement par les propos de la conseillère d'Etat, mais aussi par ceux de ses collaborateurs.

Nous avons entendu le directeur du pôle de promotion de la santé et de la prévention au sein du DIP ainsi qu'une maîtresse spécialiste en éducation à la vie affective et à la santé sexuelle: leur discours est adapté, vise l'émancipation de nos enfants et la prévention des maladies sexuellement transmissibles et a pour objectif de prévenir des dangers, en particulier ceux de la pornographie, que l'on voit beaucoup sur les réseaux sociaux. En outre, le programme offert à nos enfants est structuré, parfaitement professionnel et adapté aux différents âges où intervient l'éducation sexuelle - celle-ci est donnée sauf erreur dès l'âge de 8 ans.

Nous avons entendu la conseillère d'Etat, qui nous a rassurés sur le fait qu'on ne procède pas à la diffusion ou à la publication de documents incitant les enfants à se questionner particulièrement à propos du genre. On a parlé de la brochure «Mon sexe et moi»: elle n'est pas distribuée aux enfants au sein des écoles, la conseillère d'Etat nous l'a rappelé. Il a aussi été question d'un document qui s'appelle «La Licorne du genre».

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Alexandre de Senarclens. Oui, Madame la présidente. Il a également été dit par la conseillère d'Etat que ce fascicule n'était pas diffusé au sein du DIP.

Il faut aussi rappeler que les instituteurs sont présents pendant les cours d'éducation à la vie affective et à la santé sexuelle, ce qui garantit qu'un deuxième adulte dans la salle pourrait recadrer les débats, si les cours devaient prendre une tournure que l'on ne souhaite pas. Par ailleurs, les personnes qui dispensent ces cours sont des spécialistes de la santé sexuelle et affective. Les cours sont donc construits et objectifs, et constituent de véritables outils dont nos enfants ont besoin, en particulier dans le monde dans lequel nous vivons, avec l'émergence des réseaux sociaux et ce que l'on peut éventuellement y voir quant à des pratiques sexuelles ou des formes de pornographie dégradantes. Pour cette raison, au XXIe siècle plus que jamais, les cours d'éducation sexuelle sont essentiels pour nos enfants. C'est pour ces motifs que la majorité a très largement refusé cette motion. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, ce texte concerne l'école. Celle-ci doit s'en tenir aux principes des lois universelles qui se basent sur des réalités biologiques: les hommes et les femmes sont déterminés uniquement par leur sexe à la naissance. Aujourd'hui, avec les théories en vogue, finalement chacun peut se décréter homme ou femme à son gré. Donc, sur une simple déclaration... Ce n'est pas à l'école de s'aligner sur de tels principes, je suis désolé ! Beaucoup de parents s'offusquent et ne sont pas du tout d'accord avec ce genre de pratique.

L'attribution du sexe par le constat anatomique à la naissance est devenue une assignation. Vous recevez une assignation à la naissance ! On n'est plus femme, on est assigné ! Donc, il s'agit d'un faux. Malgré la réalité corporelle, on use d'un faux. Maintenant, on n'est plus homme ou femme à la naissance, on peut choisir après.

Est-ce que l'école doit s'aligner et soutenir de telles absurdités ? Franchement ! Comment ça se fait que l'école ait décidé de remettre en cause des réalités biologiques ? Car c'est ce qu'elle fait: elle remet en cause les réalités biologiques au bénéfice d'un révisionnisme scientifique fixé par décret. C'est juste par décret. C'est une imposture, les trucs de genre. Je le répète: c'est une imposture. A mon sens, la fluidité, etc., a été relayée jusqu'aux organisations internationales par les lobbys. Puis, c'est devenu des références relayées par l'ONU, l'OMS, l'IPPF, et évidemment le monde entier et le DIP sont tombés dans le panneau et prennent comme référence ces théories du genre.

Or, Mesdames et Messieurs, vous pouvez vous tartiner le visage avec une pommade à base d'oestrogènes durant toute votre vie, les 60 000 milliards de cellules que vous avez marqueront toujours votre sexe, les chromosomes X et Y.

Au vu de ce qui précède, la minorité demande à cette assemblée que les théories liées au genre soient retirées des programmes scolaires, que l'on arrête cette absurdité, cette imposture, et que l'on cesse la diffusion de toute publication incitant activement les enfants à remettre en cause leur identité de genre. Les enfants sont mal dans leur peau, alors on leur propose un changement de sexe. Non, mais franchement, c'est une aberration totale ! Cette motion demande aussi «à retirer [...] des programmes scolaires les interventions faisant la promotion de la fluidité du genre et/ou de la non-binarité». Il s'agit d'un fantasme, et l'instruction publique n'a pas à s'aligner sur des fantasmes, sur des états d'âme, mais sur des réalités biologiques. Je remercie l'auteur de cette motion. Il faut quand même ouvrir un petit peu les yeux ! Merci beaucoup.

M. Yves Nidegger (UDC). A titre préventif, Madame la présidente, si vous pouviez veiller à ce que M. Nicolet qui, dans quinze secondes, se mettra à hurler sans micro à travers la salle, en utilisant le temps de parole du groupe UDC, soit arrêté à temps, pas comme la dernière fois... Je vous remercie d'avance.

Les tensions entre la croyance et la science ont toujours été là, et dans l'histoire des croyances, celle dont M. Falquet vient de parler, à savoir que le genre peut être fluide et que l'on peut en déterminer soi-même la nature, est probablement celle qui contredit le plus fortement toute la science et toute la tradition scientifique, d'où la difficulté à imaginer que cela puisse s'insérer à l'intérieur des programmes scolaires.

Il y a les chromosomes X, Y de chacune de nos cellules, qui ne changeront jamais, comme l'a dit M. Falquet. Le principe mâle, femelle est inhérent à la vie biologique animale; pistil, étamine chez les plantes, cation-anion avec les molécules qui s'associent dans les milieux ionisés, vous avez des molécules dont les atomes ont une valence positive ou négative, les particules à l'intérieur des atomes... Il semble que les électrons soient très excités par les protons. Cela va jusqu'à l'électricité: plus et moins. Le monde entier, chers collègues, est fondamentalement organisé de façon binaire ! C'est juste comme ça !

Que l'humanité puisse aujourd'hui entrer dans une hybris aussi psychopathe, qui consiste à penser que nous, êtres humains, issus du processus naturel qui nous a conduits jusqu'ici, puissions nous extraire et nous déclarer différents de ce dont procédons depuis l'origine des temps, c'est juste un problème de santé mentale collectif, et ce n'est pas parce qu'un problème de santé mentale est largement diffusé qu'il est autre chose qu'un problème de santé mentale.

On a affaire ici à une école qui, sous la pression de milieux militants dont j'ai parlé tout à l'heure, n'a pas la force d'affirmer que la science est ce qui doit être enseigné et que la croyance est une affaire privée. Voilà la raison de cette motion, qui dit qu'il faut arrêter le catéchisme du genre, car c'est bien ce dont il s'agit: des missionnaires en robe de bure envoyés par Santé sexuelle suisse, des gens triés sur le volet - dont je connais un certain nombre - viennent prêcher la croisade LGBTIQ dans nos écoles, et le DIP leur ouvre les portes. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) 

Mme la conseillère d'Etat, dans le cadre des auditions, a admis que des organisations de changement de prénom étaient mises en scène à l'intérieur des classes, et ça n'a pas l'air... Même si les parents ne sont pas d'accord ou pas informés et que l'école a décidé de faire des enfants les siens. Or, je vous rappelle que si un Etat décide que les enfants lui appartiennent, cet Etat est totalitaire. 

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, pour le groupe socialiste, il faut évidemment refuser tout net cette motion, tout simplement parce qu'il n'y a pas de «catéchisme du genre» ni dans les écoles, ni aux HUG, ni ailleurs, et qu'il ne doit pas non plus y avoir de catéchisme de l'UDC ou toute autre forme de catéchisme. On voit bien que l'UDC réduit tout cela à des croyances de toute sorte, mais bien sûr, quand il ne s'agit plus de croyances traditionnelles, eh bien là, tout d'un coup, cela pose problème.

Une fois de plus, nous ne pouvons que déplorer les propos complètement transphobes du rapporteur de minorité; ils sont finalement bien dans la ligne qui consiste à vouloir effacer et nier tout ce qui est différent de la norme, de la norme décrétée telle qu'elle est conçue par les membres de l'UDC.

En réalité, cela a été dit et démontré par les travaux de commission, les cours d'éducation sexuelle visent à faire de la prévention, notamment contre les violences sexuelles et l'exposition précoce à la pornographie. Il faut donc bien voir quel est le danger aujourd'hui. Du côté de l'UDC, apparemment, il existe une sorte de version alternative des faits: le danger viendrait forcément de ce qui est différent. Eh bien non, comme il a été relevé, les risques de violence sexuelle proviennent majoritairement du foyer. Ce sont des éléments que nous devons prendre en compte, et l'Etat doit se montrer actif pour le bien des enfants et non écraser, comme le souhaiterait l'UDC, et effacer tout ce qui est différent. Je vous remercie de votre attention. 

Une voix. Bravo !

Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, encore une fois - et a fortiori à l'ère trumpiste que nous vivons - on peut dire que ce type d'attaque contre la liberté ne fait que s'accentuer, y compris dans ce parlement. Cet objet cache sous son but prétendument vertueux une attaque pure et simple non seulement contre l'inclusion de chacun et chacune dans toute sa diversité, mais également contre l'école publique. Comme la précédente motion, ce texte repose sur la caricature, la peur de la différence et surtout une grande ignorance. 

Mesdames et Messieurs, le complotisme n'a pas sa place ici: ni le DIP, ni l'ONU ou que sais-je encore, personne ne promeut d'idéologie du genre, si ce n'est peut-être l'UDC. Ils répondent simplement aux questions légitimes des jeunes et tentent de lutter contre les discriminations. D'ailleurs, les chiffres donnés par le département montrent que seule une vingtaine de cas de transition sociale ont été recensés en 2023 et 2024 sur 82 000 élèves du primaire, du cycle et du secondaire II, preuve que nous sommes très loin d'un prétendu endoctrinement de masse. 

Santé sexuelle suisse et l'Association des spécialistes en santé sexuelle ont rappelé, dans une position officielle, que les campagnes comme la pétition du collectif parents diffusent des informations erronées qui trompent les familles et entravent le droit des élèves à une éducation sexuelle de qualité. Or, refuser à ces élèves une information claire et adaptée revient seulement à renforcer la stigmatisation, l'isolement et les risques d'abus. Ça revient aussi à mettre en danger ces jeunes, qui ont réellement besoin d'écoute et de soutien et non pas de moralisme, comme on l'entend dans ce parlement. Pour toutes ces raisons, il faut bien évidemment rejeter cette motion. Je vous remercie.

M. Diego Esteban (S). Je réagis juste aux propos du rapporteur de minorité et de l'intervenant du groupe UDC. On nous clame des évidences scientifiques en excluant de ceux qui formeraient ce consensus scientifique l'OMS, la Commission nationale d'éthique, toute une série d'organisations qui en font partie. Je ne sais pas trop qui fait partie du consensus scientifique... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...dans l'esprit de l'UDC si l'on n'y inclut pas l'OMS, à moins, bien entendu, de ne plus mettre à jour ses renseignements sur le consensus scientifique depuis 1990, lorsque l'homosexualité a été retirée de la liste des maladies - on en a fait de même ensuite avec la transidentité. Si l'histoire vous intéresse, vous pouvez vous renseigner sur la reconnaissance d'un troisième genre au sud de l'Asie depuis au moins le XIIIe siècle. Merci de mettre à jour vos références. Je vous remercie de votre attention.

La présidente. Merci bien. Monsieur Falquet, vous n'avez plus de temps de parole, malheureusement. Le micro revient à M. de Senarclens.

M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. On a le sentiment - voilà ce qui est un peu déroutant dans ce débat - que c'est comme s'il n'y avait pas eu d'auditions, comme si l'on n'avait pas étudié ce sujet en commission. On a le sentiment que l'UDC déroule son discours, qui est basé sur des craintes, qui suscite d'ailleurs ces craintes. L'UDC est dans une espèce de prêche et raconte, pour le coup, des contrevérités, des balivernes, des coquecigrues, mais est totalement hermétique aux faits, imperméable à ce qui a été dit; je ne parle pas de considérations scientifiques, mais juste du travail des employés du département de l'instruction publique, qui sont venus précisément nous expliquer en quoi leur travail était essentiel, quelle était leur philosophie, à quoi ils voulaient amener les jeunes, en quoi ils pouvaient être une aide dans le monde complexe dans lequel nous vivons et en quoi leur programme était adapté et structuré pour aider nos enfants dans ce XXIe siècle qui, justement sur les sujets de sexualité, est particulièrement compliqué.

Je le regrette, parce que c'est vraiment une posture. Cela donne le sentiment que personne n'a lu les rapports ou que personne n'est allé en commission - c'est du reste effectivement le cas de M. Nidegger, qui ne siège pas à la commission de l'enseignement, où nous avons étudié cette motion; on déroule un discours inadapté par rapport aux informations que nous avons reçues et étudiées. Je vous remercie, Madame la présidente.

Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Je vais intervenir pour le public qui nous regarde et pour le Mémorial, mais je ne vais pas intervenir afin de convaincre l'UDC, parce que je crois que je n'y arriverai jamais, d'autant que l'on se permet de déformer mes propos. Alors je vous le déclare encore une fois: non, l'école ne fait pas la promotion de la théorie du genre, et non, l'école n'incite pas les enfants à changer de sexe ! Pour le reste, tout a été dit. Je vous remercie. (Applaudissements.) 

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ouvre le scrutin.

Mise aux voix, la proposition de motion 2961 est rejetée par 59 non contre 16 oui et 4 abstentions (vote nominal).

Vote nominal