République et canton de Genève

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M 3148
Proposition de motion de Alia Chaker Mangeat, Sébastien Desfayes, Thierry Arn, Patricia Bidaux, Jacques Blondin, François Erard, Jean-Marc Guinchard, Christina Meissner, Souheil Sayegh : Redonnons à la police les moyens de sa mission
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 28 et 29 août 2025.

Débat

La présidente. Nous passons à l'urgence suivante, soit la M 3148, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à Mme Alia Chaker Mangeat, première signataire.

Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, un petit rappel historique s'impose. Vous vous souvenez que la LPol a été adoptée en 2015 et qu'elle a introduit un modèle centralisé, articulé autour d'une formation unique à Savatan, d'un recrutement commun et d'une organisation en grandes unités spécialisées.

A l'époque, les syndicats de police avaient alerté sur les risques d'une telle architecture: la perte d'autonomie des services, la rigidité bureaucratique et l'éloignement des réalités du terrain. Face à ces critiques persistantes, le Grand Conseil a voté en 2022 une réforme visant en substance à réintroduire une formation locale, à Genève, à simplifier l'organisation de la police et bien sûr à améliorer la présence sur le terrain.

Cette révision suscitait beaucoup d'espoir, elle devait vraiment marquer un tournant. Or, sa mise en oeuvre est restée incomplète. La motion du Centre n'aurait pas vocation à exister si le travail avait été mené, car, en réalité, elle demande l'application de la loi votée en 2022, qui tarde à venir.

Tour d'abord, le retour de la formation à Genève a été repoussé à 2029. Or, une formation dans notre canton permettrait non seulement d'assurer un cursus axé sur les spécificités cantonales - ce qui n'est pas anodin dans le domaine de la police -, mais aussi de faciliter le recrutement de Genevois et de susciter davantage de vocations parmi eux.

Comme les syndicats de police, nous peinons à comprendre pourquoi le transfert de la formation tarde autant. Les Valaisans ont réalisé ce rapatriement en un an. Et nous disposons déjà de l'espace de formation de la police de la Fontenette. Aussi, la motion demande que le délai soit revu à fin 2026.

Par ailleurs, les affectations d'aspirants continuent d'être massivement orientées vers la gendarmerie plutôt que vers la police judiciaire. Je ne veux pas opposer les uns aux autres, mais la police judiciaire devrait compter 325 équivalents temps plein, alors qu'elle n'en réunit aujourd'hui que 290. A la sortie de la formation, seuls 18 aspirants sont affectés à la police judiciaire, contre 181 à la gendarmerie. Cela représente moins de 10%, alors que la police judiciaire fait face à un besoin criant de forces vives et de renouvellement. C'est la raison pour laquelle la motion demande un taux de 20%.

De plus, la structure hiérarchique est restée la même, rigide et lourde. La motion invite le Conseil d'Etat à réduire la bureaucratie et à diminuer la hiérarchie en supprimant les strates intermédiaires et en renforçant les postes de coordination.

Mesdames et Messieurs, les dysfonctionnements actuels ne se traduisent pas uniquement par des difficultés internes, mais ont un impact mesurable sur la sécurité des Genevois. Les enquêtes retardées permettent à certains auteurs de crimes et de délits de rester en liberté plus longtemps, augmentant évidemment le risque de récidive et affaiblissant la confiance du public en la justice.

Les délais prolongés dans la prise en charge et l'audition des victimes, notamment dans les affaires de violences sexuelles ou intrafamiliales - qui explosent, d'ailleurs -, aggravent leur détresse et compromettent la conservation des preuves. La diminution des opérations, tout simplement, réduit la capacité de la police à prévenir les infractions et à faire preuve d'initiative, notamment dans la lutte contre la criminalité organisée ou le trafic de stupéfiants, qui sont des domaines vraiment essentiels. La gendarmerie genevoise, elle aussi, malgré un travail extraordinaire, souffre d'un sous-effectif chronique...

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Alia Chaker Mangeat. ...qui l'empêche d'assurer pleinement le socle sécuritaire. On constate des délais d'intervention allongés, des appels d'urgence non couverts, en particulier la nuit, une présence insuffisante sur la voie publique, etc. Les gendarmes sont appelés même sur leurs congés, accumulent les heures supplémentaires et voient leur moral s'éroder, lorsqu'ils ne sont pas tout simplement épuisés.

Dans le même temps, certaines de leurs attributions présentent encore un flou par rapport aux missions des polices municipales. La motion demande donc qu'une meilleure distinction soit faite entre les différents rôles. Elle invite également à définir pour la police en général des priorités d'action, afin d'affecter les effectifs aux tâches les plus importantes.

En conclusion, Mesdames et Messieurs, la présente motion propose de restaurer l'équilibre entre proximité et investigation ainsi qu'entre urgence et anticipation. Elle vise à réintroduire la filière de recrutement propre à la police judiciaire, à alléger la hiérarchie et à recentrer les moyens de la police autour des missions prioritaires ainsi que du travail sur le terrain.

Appliquer ces mesures, c'est assurer que Genève retrouve une police judiciaire et une gendarmerie solides, réactives et pleinement au service de la population. Mesdames et Messieurs, vous avez entendu le cri d'alarme, si ce n'est de détresse, de la police. Nous devons prendre nos responsabilités aujourd'hui, pas demain et encore moins après-demain !

C'est pour cela que Le Centre vous demande de voter cette motion sur le siège. Vous l'avez compris, il y a urgence, et ça, personne ne peut le nier. C'est une motion, le Conseil d'Etat est donc appelé à rendre un rapport sur les réformes concrètes qu'il entend mener. De plus, Mesdames et Messieurs, si vous souhaitez renvoyer ce texte en commission, j'attire votre attention sur le fait que la commission judiciaire et de la police siège le jeudi soir. Or, d'ici Noël, savez-vous combien de séances de commission sautent ? Sept, entre le jeûne genevois, les vacances et nos séances plénières !

Ne pas voter sur le siège signifie simplement ne pas vouloir avancer dans la réforme concrète. Par conséquent, je vous remercie de réserver un accueil favorable à cette motion, au vu de l'urgence et de son importance pour la police.

M. Jean-Pierre Pasquier (PLR). Mesdames et Messieurs, le PLR remercie le groupe du Centre et ma préopinante d'avoir déposé ce texte, parce qu'effectivement, la maison police prend l'eau. Le feu couve, cela a été très bien dit, on est en situation de crise. Juste après notre session de juin, au début du mois de juillet, nous avons été stupéfaits de voir les cadres de la police judiciaire exposer sur la place publique tous les problèmes présents au sein de cette grande maison.

La motion évoque un certain nombre de difficultés, reprises du communiqué de presse de la police judiciaire. Une des dernières invites, Mesdames et Messieurs, Madame la présidente, consiste à demander au Conseil d'Etat de nous fournir un état d'avancement dans douze mois. Ça ne suffit pas ! Nous sommes dans l'urgence. Il est impératif pour la commission judiciaire et de la police d'auditionner rapidement la direction de la police et les syndicats.

Dans douze mois, on aura eu le G7 - et peut-être même le G8 avec le président Poutine. Pensez-vous qu'on a le temps pour que le Conseil d'Etat procrastine pendant un an ? Non, Mesdames et Messieurs, notre responsabilité en tant que députés, c'est d'auditionner la direction de la police et le département lors des prochaines séances de la commission, afin qu'on obtienne des explications.

D'autres textes ont été déposés au sein de ce parlement, notamment pour la réorganisation du dispositif de police de proximité (le PL 13546). Nous avions également travaillé sur le PL 13561, un texte du Conseil d'Etat qui traite de l'académie. On aurait pu demander l'urgence pour cet objet, vu qu'il figure à l'ordre du jour. Pourquoi faut-il attendre 2029 pour avoir une académie de police dans notre canton ? Cet élément est donc aussi présent dans les discussions.

Par ailleurs, je le rappelle, nous avons déposé un projet constitutionnel visant à redéfinir le rôle de la police de proximité. Aujourd'hui, on monte des brigades équestres en plein centre-ville; ça ne va pas, Mesdames et Messieurs ! Il s'agit de redéployer les effectifs de la police là où les missions l'exigent et de clarifier celles-ci pour les policiers, parce qu'à l'heure actuelle, la situation n'est tout simplement pas satisfaisante !

Un certain nombre de textes figurent donc déjà à l'ordre du jour de la commission judiciaire et de la police, et c'est pour cela que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'y renvoyer cet objet. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Masha Alimi (LJS). Cette motion a toute sa pertinence. Nous avons reçu un mail du service de la police judiciaire, dont le contenu est le suivant: «Le vote d'effectifs budgétaires ne peut plus être une réponse suffisante tant que la hiérarchie n'a pas démontré sa capacité à mieux utiliser les ressources déjà à disposition. Sans réforme structurelle, priorisation des missions, simplification de l'organisation, suppression des doublons et rééquilibrage des effectifs, aucune avancée durable ne sera possible.»

Toutefois, c'est un sujet qui mérite d'être davantage étudié, et je ne pense pas qu'il soit pertinent de voter ce texte sur le siège. C'est pourquoi je demande, comme mon préopinant PLR, qu'il soit renvoyé à la commission judiciaire et de la police.

M. François Baertschi (MCG). On n'est véritablement pas sorti des problèmes créés depuis 2015 par la nouvelle loi sur la police, à laquelle le MCG s'était opposé. Ça s'était joué à très peu de voix, il y avait en effet une très forte opposition. Maintenant, nous subissons les difficultés causées par cette loi, qu'elles relèvent des effectifs ou de la structure. Sur ce dernier point, la loi est en effet complètement irréaliste et excessive.

Le MCG a également déposé une motion, qui, à notre sens, traite un ensemble de problématiques non examinées par le texte du Centre. Toutefois, nous allons quand même le soutenir. Néanmoins, une invite nous déplaît, parce qu'elle oppose police judiciaire et gendarmerie. Nous pensons qu'il ne faut pas entrer dans ces querelles de clocher entre les diverses composantes de la police genevoise. Il faudrait donc sans doute supprimer cette invite si la motion était votée sur le siège.

Je suis mes deux préopinants, qui ont proposé le renvoi à la commission judiciaire et de la police, afin que nous puissions examiner cette question de manière tranquille et sereine. On peut le faire vite, dès ces prochaines semaines, et ainsi agir rapidement. On peut même siéger plus que deux heures, c'est-à-dire trois, quatre ou cinq heures; si la commission le désire, cela est possible. Il faut faire preuve d'une certaine souplesse afin de véritablement répondre aux problèmes de Genève, qui sont importants, notamment dans le domaine de la sécurité.

Il y a également des problèmes au niveau de l'organisation de la police. Beaucoup de policiers souffrent de ces difficultés organisationnelles, et je crois qu'il faut les écouter. Pour leur donner une voix, il faut y consacrer le temps suffisant et accomplir le travail de manière efficace et rapide ! Merci, Madame la présidente.

M. Diego Esteban (S). Le groupe socialiste soutiendra la demande de renvoi en commission. Mais je tenais à dire que ce débat est complètement délirant. Ce parlement a une mémoire relativement courte sur un certain nombre d'éléments. On nous dit qu'il y a urgence sur ce texte, comme s'il inventait de toutes pièces une réponse concernant le renforcement des effectifs en matière de police d'urgence - police-secours !

Je souhaitais juste le mentionner, parce que c'est un des premiers sujets sur lesquels je me suis exprimé quand je suis arrivé au Grand Conseil, le 2 novembre 2018, dans le cadre du traitement de la M 2432, soit un texte qui demandait déjà cela. Le Centre avait refusé cette motion à l'époque. Je suis très content de voir que ce parti revient sur sa position, sauf qu'entre-temps, des budgets comprenant des propositions d'augmentation des effectifs de la police ont été refusés, y compris par Le Centre. Je ne comprends donc pas pourquoi on devrait aujourd'hui accorder au Centre l'urgence de visibiliser son soudain revirement de position sur ces questions.

Il y a quand même un élément contextuel à prendre en considération. Le syndicat de la police judiciaire a proposé à tous les groupes du Grand Conseil une rencontre pour discuter des enjeux d'actualité: c'est une excellente chose, j'encourage tous les partis ici représentés à entretenir des discussions avec le terrain ! Evidemment, c'est un peu déconcertant pour quelqu'un de gauche de dire: «Attention, n'écoutons pas uniquement les syndicats avant de prendre position !» Mais c'est quand même relativement important, parce qu'on demande ici à ce Grand Conseil de voter sur le siège une modification de l'organisation de la police sans recueillir l'avis de la police !

Le vote sur le siège revient à contourner l'avis des forces de l'ordre en ne tenant compte que de la position du syndicat de la police judiciaire, qui ne représente pas l'entier de la police; il y a d'autres syndicats ainsi que le reste du personnel, d'autres considérations doivent donc être prises en compte. Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a vraiment aucune raison de procéder à ce vote en urgence ce soir, c'est pourquoi le groupe socialiste vous encourage à accepter le renvoi en commission ! (Applaudissements.)

Mme Dilara Bayrak (Ve). Je ne vais pas être aussi vigoureuse dans mon discours, mais j'aimerais quand même rappeler qu'il n'y a même pas un an, nous avons voté le report du retour de la formation de la police à Genève. Cela s'expliquait par le fait que le magistrat précédent n'avait effectué absolument aucune démarche visant à concrétiser ce rapatriement et que la loi n'était juste pas respectée ni respectable. Nous avons donc dû repousser malgré nous ce délai à 2029.

Et maintenant, par le biais d'une motion, nous revenons sur ce délai. Or, à mon avis, cette question n'est pas le véritable enjeu de ce texte ni des craintes et des appels à l'aide de la police judiciaire, le sujet étant principalement de créer une filière propre à la police judiciaire et, dans l'intervalle, qu'elle bénéficie d'un certain quota pour qu'elle puisse remplir ses missions et compter plus de personnel qu'elle n'en a aujourd'hui. Selon ce que j'ai compris, la partie principale des effectifs va à la gendarmerie, puis les restes vont à la police judiciaire; ce sont les propos qui ont été relayés dans les médias.

A ce stade, avec la présentation qui nous est faite dans cette motion et les échos que nous avons eus dans les médias, il est juste exclu qu'on vote cette motion en urgence, dès lors que le MCG a déposé un texte similaire et que nous traitons à la commission judiciaire d'objets en lien avec l'organisation de la police. Franchement, une telle méthodologie ne s'explique pas, si ce n'est pour offrir une visibilisation.

L'urgence a toutefois été soutenue par les Verts, puisqu'il y a bien urgence à discuter de ce sujet. Les cris d'alerte de hauts cadres, et pas que de syndicats, sont quand même assez surprenants. C'est pour ça qu'on prend ces quelques instants pour échanger sur l'importance du constat. J'espère que la magistrate en a eu écho par d'autres moyens que la presse. Mais c'est clair qu'au niveau de la police ou de l'office cantonal de la détention, il y a des choses qui ne tournent pas rond. Nous souhaitons effectivement que ces questions soient réglées.

Le fait que, malgré la loi sur la police votée en 2015 puis modifiée en 2023, ces unités, ces silos existent toujours, alors que nous souhaitions nous en débarrasser, est clairement un élément qui va à l'encontre de la volonté du parlement et qui n'est pas satisfaisant. Mais ce n'est pas vraiment corrélé à la question de la police judiciaire ou au fait qu'elle bénéficie d'une filière propre ou d'un certain quota quant à ses effectifs. On est donc un peu en train de tout mélanger avec cette motion. Elle est intéressante, elle fait écho aux besoins actuels de la police judiciaire, mais on ne pourra pas la voter en urgence ce soir, c'est exclu ! (Applaudissements.)

Mme Alia Chaker Mangeat (LC). J'entends tout à fait les arguments des socialistes, vu que pour eux, le seul moyen de répondre à un problème, c'est de voter des budgets et d'augmenter les effectifs ! Or, le travail qui doit être mené en amont et qui doit précéder une augmentation potentielle des effectifs de police consiste à analyser l'organisation et à réallouer les ressources de manière satisfaisante. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est précisément ce que demande cette motion.

Encore une fois, il s'agit d'une motion. Nous demandons qu'elle soit votée sur le siège. En parallèle, vu qu'il y a effectivement aussi le texte du MCG, on aura tout le loisir et tout le temps en commission d'auditionner les syndicats ainsi que le Conseil d'Etat et de refaire le travail mené en 2022. Je n'ai pas d'objection à cela, simplement, je ne comprends pas pourquoi on doit chaque fois faire le travail à double, voire à triple !

La présidente. Il vous faut conclure.

Mme Alia Chaker Mangeat. Je continue donc à appeler au vote sur le siège de cette motion. Je vous remercie.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, au fond, l'urgence, ce n'est pas de voter ce texte sur le siège ou de le renvoyer en commission, l'urgence, c'est l'insécurité croissante à Genève, qui a fait que de nombreux textes ont été déposés. Ce n'est pas un hasard, et je n'ai jamais vu autant d'objets déposés sur l'insécurité croissante à Genève. Il y en a même deux en urgence, l'autre étant celui sur le «home-jacking».

Je crois que ce qui est important, c'est surtout... C'est vrai qu'on va perdre six mois ou plus si on repart en commission. On va nous faire de grandes théories. Si on renvoie tout de suite cette motion au Conseil d'Etat, il nous fournira un rapport dans six mois, ça va donc traîner de la même manière. Par conséquent, on ne sait pas quoi faire !

Le message qu'on souhaite envoyer est le suivant: on demande au Conseil d'Etat de prendre conscience que l'insécurité augmente, que la population a besoin de sécurité et que c'est un élément fondamental. Je pense que la police perd beaucoup de temps à s'occuper de certaines tâches, comme sécuriser les stades. (Remarque.) Mais c'est vrai ! Qu'est-ce qu'ils vont faire dans les stades ? Franchement, à 10 000 francs par mois, sécuriser les stades !

Jamais autant de manifestations n'ont été autorisées. On bloque la ville tous les samedis et des effectifs de police sont mobilisés. (Commentaires.) Quand vous leur posez la question, vous constatez qu'ils sont eux-mêmes vraiment mécontents d'exécuter ces missions. On fait vraiment perdre beaucoup de temps aux forces de police, qui devraient se consacrer à leurs tâches fondamentales, à savoir assurer la sécurité de la population.

Concernant la police judiciaire, c'est la nuit totale ! Il manque beaucoup d'effectifs. Surtout, il y a un sentiment d'impunité qui se développe chez les criminels, qui savent qu'ils ne risquent carrément rien. Vu qu'ils se font attraper au bout du dixième délit, ils sont déjà dans le système de la criminalité; ce sont des multirécidivistes avant même d'avoir été interpellés !

Par conséquent, le Conseil d'Etat doit prendre conscience qu'il faut mettre des mesures en place d'urgence, voire de toute urgence, pour améliorer la sécurité de la population. Ce n'est pas seulement un sentiment d'insécurité, c'est vraiment l'insécurité elle-même ! Et ça ne concerne pas que le «home-jacking», c'est présent dans tous les domaines, et je ne parle même pas de la drogue. Il y a même des pétitions demandant l'arrêt du trafic de drogue là où les gens vont se sevrer: les gens vont à Belle-Idée pour être sevrés, et c'est là qu'ils se fournissent en drogue ! C'est assez intéressant !

Voilà, la balle est dans le camp du Conseil d'Etat, je ne pense pas qu'on ait besoin d'attendre six mois pour agir. Augmentons les effectifs ! Finalement, à quoi sert le service de presse ? (Rires.) Non, mais c'est vrai, autant donner la parole... Il faudrait le supprimer et simplement redonner la parole aux gens qui sont sur le terrain. Il y a au moins dix... Je ne sais pas combien ils sont à travailler là-bas, mais c'est tout ça d'effectifs qui diluent la sécurité.

Mesdames et Messieurs, améliorons la sécurité à Genève ! Madame la conseillère d'Etat, à vous de jouer !

Des voix. Renvoi en commission !

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Esteban pour une minute et huit secondes.

M. Diego Esteban (S). Merci, Madame la présidente. Je tiens juste à répliquer aux propos de ma préopinante du Centre, qui allègue que le PS concrétise son soutien au renforcement des forces de l'ordre là où il y en a besoin uniquement à travers le budget. C'est faux, j'ai mentionné la motion de 2018, que le groupe socialiste a soutenue, ainsi que la dernière révision de la loi sur la police de 2022, que le groupe socialiste a également votée. Le fait qu'elle tente de déformer ces propos illustre plutôt que Le Centre ne soutient la police que lorsqu'il est signataire du texte qui permet de le faire. (Commentaires.)

Vu qu'il me reste encore un peu de temps, je souhaite souligner une incohérence. Parmi les objets à notre ordre du jour figure le PL 13561, que Le Centre a soutenu, qui repousse l'échéance du retour de la formation de la police à Genève à 2029. Or, on voterait ce soir une motion demandant que ce délai soit fixé à 2026. Je ne comprends donc pas comment on pourrait adopter ce texte ce soir. Par conséquent, je répète une fois de plus le soutien du groupe socialiste au renvoi en commission.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Je voudrais revenir sur certains propos qui ont été tenus. La sécurité de la population, c'est une chose, mais cette motion exige aussi une sécurité pour les policiers ! Je pense qu'il faut se mettre à leur place. Le fait qu'ils soient appelés alors qu'ils sont en vacances ou en congé, j'estime que c'est un peu lamentable. Je souligne que cette motion va dans ce sens, c'est le principal, et c'est ça qu'il faut faire.

Maintenant, pour répondre à M. Falquet, les policiers n'ont pas le droit d'intervenir dans les stades et assurent la sécurité à l'extérieur. S'il ne le sait pas, alors il faut qu'il se renseigne ! Je vous remercie, Madame la présidente.

Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas trop quoi vous dire, entre «Merci pour ce moment !»... (Commentaires.) ...«Heureusement que vous êtes là !» et «Les faits sont têtus !». Permettez-moi d'abord de prendre acte d'une nouvelle tendance du Grand Conseil: on ne cherche plus à appliquer un programme ou une vision, ça impliquerait peut-être un peu de travail de cohérence ! Non, aujourd'hui, on se contente de se faire le haut-parleur de groupes d'intérêts, qui d'ailleurs ne sont pas parmi les groupes habituellement proches du parti qui s'en fait le relais. Mais au fond, pour créer un lien avec l'objet précédent, peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse des projecteurs ! (Commentaires.)

Une voix. Ça suffit maintenant !

Une autre voix. Laissez-la parler !

Mme Carole-Anne Kast. Excusez-moi, Monsieur le député, mais je pense effectivement que c'est assez paradoxal d'être saisi d'une motion qui demande de contredire une loi votée par le même groupe ! Je trouve qu'il est assez paradoxal qu'un groupe dépose une motion visant à faire autrement qu'une loi votée par le groupe en question. Je trouve qu'il est assez paradoxal de revenir sur une loi de 2015, votée par la majorité de votre parlement et par la suite fortement décriée par une partie des groupes qui l'avaient combattue à l'époque, mais aussi par certains des groupes qui l'avaient soutenue, pour nous demander de faire l'inverse de ce que vous aviez voté. Et je trouve qu'il est également assez paradoxal de décréter une urgence alors que les faits et les statistiques ne la démontrent pas !

Mesdames et Messieurs, on peut se dire que le nouveau travail des députés est de se faire le relais de certaines préoccupations; je ne suis pas complètement en désaccord avec ça ! Mais il faut garder, je dirais, une certaine modestie. Se faire le relais d'une préoccupation, c'est très bien; en revanche, décréter des principes qui ne sont pas argumentés, qui n'existent pas ou qui vont à l'encontre de ce qu'on a voté, c'est moins bien ! C'est là que j'ai un peu plus de peine à comprendre, je dois le reconnaître.

A quoi sert le débat de ce soir, si ce n'est, pour Le Centre, à montrer qu'il a une préoccupation pour la police judiciaire ? C'est bien, moi aussi, et je le dis en réponse à M. Falquet, j'ai une préoccupation pour la police judiciaire, pour la gendarmerie et pour la sécurité dans ce canton ! C'est normal, c'est inhérent à ma fonction: je pense que si je n'ai pas cette préoccupation-là, je ne fais pas bien mon travail !

Par contre, si vous commencez à décréter des choses qui ne sont simplement pas possibles ou qui ne s'appuient sur aucun argument ou fait, vous ne facilitez pas la vie de la police. Dans le cadre d'une telle motion, des notes me parviennent. On évoque la suppression du service de communication: je relaierai cette proposition, Monsieur Falquet. Je pense qu'on pourra vous montrer à quel point nous sommes sollicités par les médias et qu'il est important qu'on puisse décharger les policiers de ces demandes, en ayant du personnel consacré à cette tâche qui ne soit pas policier, parce que les policiers, c'est quand même mieux s'ils sont sur le terrain plutôt que dans des bureaux à répondre aux journalistes ! Il me semble donc que ça va plutôt dans le bon sens !

Par ailleurs, j'entends que l'inefficacité de la police laisse des criminels en liberté, alors que le même groupe me reproche qu'on met trop de gens en prison ! Je dois dire que je ne comprends plus rien ! (Remarque.) D'autres affirment qu'il faut plus d'effectifs, alors qu'ils refusent les budgets lorsqu'on les propose. Ça aussi, c'est quand même très difficile à appréhender. Et puis, in fine, et alors là, c'est le pompon, si vous me permettez l'expression, ou devrais-je dire le pin-pon - je crois que je la fais lors de chaque session du Grand Conseil; je vais continuer ! C'est le pin-pon: vous me demandez de créer une filière spécifique pour la police judiciaire. Ce qui est extraordinaire, c'est que cette thématique a été abordée au sein de la commission judiciaire et de la police, à l'occasion du projet de loi qui justement explique pourquoi on retarde l'entrée en vigueur de la formation de la police.

Dans le cadre du traitement de cet objet, pour peu que certains se donnent la peine de lire le rapport qui a été rédigé et qui figure à votre ordre du jour, il a été expliqué qu'il existe un seul brevet fédéral de police. Par conséquent, comment est-ce que je pourrais créer une filière spécifique pour la police judiciaire ? Je ferme l'entrée... Je demande une formation complémentaire au brevet ? Cela veut dire, très sincèrement, qu'il n'y aura plus aucun aspirant qui ira à la police judiciaire puisqu'ils n'auront pas cette formation spécifique. Ou alors je crée une formation spéciale qui n'est pas reconnue au niveau suisse ? Cela signifiera à ce moment-là que les policiers judiciaires n'auront plus de mobilité professionnelle et qu'ils seront cantonnés dans leur fonction actuelle.

Mesdames et Messieurs les députés, je crois que du point de vue des syndicats, de la hiérarchie de la police et du Conseil d'Etat, aucune de ces solutions n'est totalement satisfaisante, elles sont plutôt carrément insatisfaisantes, et nous ne voulons pas aller dans cette voie. Donc, s'il vous plaît, un peu de logique et de cohérence !

Quand on me demande d'affecter des aspirants à la police judiciaire... Mais qu'est-ce qu'on fait des transferts en cours d'année ? Oui, parce que vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que le métier de policier est assez difficile pour qu'on puisse envisager une mobilité professionnelle interne. Quand un policier part à la retraite, généralement, ça ne coïncide pas parfaitement avec la sortie de formation d'un aspirant. Il existe en effet des possibilités de mobilité à d'autres moments dans l'année. On permet aux gens de changer de filière, éventuellement de passer de la gendarmerie à la police judiciaire - l'inverse aussi est possible, même si c'est plus rare, cela existe également.

Alors doit-on vraiment faire ce calcul en ne tenant compte que des aspirants ? Et que fait-on des ASP, qui constituent un soutien fondamental pour la gendarmerie et pour certaines missions spécifiques pouvant ressortir à la police judiciaire ? Que fait-on des experts scientifiques, qui, eux, apportent un soutien fondamental à la police judiciaire ? Il peut s'agir d'experts-comptables, d'experts forensiques; des experts scientifiques, il y en a de toutes sortes, ils font partie des ressources de la police judiciaire. C'est comme si ces gens n'existaient pas !

Mesdames et Messieurs, il y a deux ans, lors du budget, je suis venue presque vous supplier de voter deux postes de secrétaires pour les auditions EVIG - je ne sais pas si vous vous souvenez. Vous les aviez d'ailleurs acceptés, je vous en remercie. Ce personnel administratif et technique est fondamental pour que le travail de la police judiciaire puisse s'exercer. Or, cette motion fait fi de tout ce personnel qui accompagnent les policiers. Ce n'est pas sérieux !

La police mérite mieux que ça. Elle mérite mieux qu'une appréciation à brûle-pourpoint. Elle mérite mieux que de sortir de fausses vérités, du style «la criminalité augmente», alors que les statistiques disent le contraire. Certains secteurs sont en baisse et d'autres en hausse; la réalité est nuancée.

Alors, Mesdames et Messieurs, vous pouvez faire ce que vous voulez de cette motion, mais si vous souhaitez qu'on travaille à améliorer les conditions au sein de la police (c'est ma volonté, et je crois pouvoir imaginer que c'est aussi la volonté d'une majorité de ce parlement !), arrêtons de déposer des textes qui visent des effets d'annonce et essayons de donner la parole à ceux qui font vivre la police, que ce soit les syndicats (tous les syndicats; il y en a quatre à la police, pas un, mais quatre !), les cadres, les cadres intermédiaires ou la hiérarchie, qui vous expliqueront quelles sont les contraintes dans ce domaine. Et qu'on se pose aussi deux secondes la question des lois que nous-mêmes nous faisons, que vous-mêmes vous faisez...

Une voix. Faites !

Mme Carole-Anne Kast. Que vous-mêmes vous faites, vous avez raison, Monsieur le député. ...et que j'ai peut-être moi-même faites un certain temps, qui imposent des missions à la police. Vous trouvez qu'on encadre trop les manifestations sportives ? C'est de la sécurité publique, Monsieur Falquet ! Est-ce qu'on doit baisser le niveau de sécurité publique ? Certains pensent qu'on n'en fait pas assez au sujet de la drogue, d'autres considèrent qu'on en fait trop dans le domaine de la petite délinquance. De même, certains estiment qu'on en fait trop s'agissant des mendiants, alors que d'autres sont d'avis qu'il faut voter des lois plus strictes en la matière.

Mesdames et Messieurs les députés, notre mission, c'est d'appliquer la loi. C'est valable pour le Conseil d'Etat, ça l'est aussi pour la police. Ça ne sert à rien de voter des motions qui décrètent certaines choses. Posons-nous les bonnes questions ! Est-ce que nous avons les effectifs pour accomplir notre mission ? Quelle est l'organisation de la police ? Il n'y a pas de problème, on peut en discuter...

La présidente. Madame Kast, il vous faut conclure, s'il vous plaît.

Mme Carole-Anne Kast. Merci, Madame la présidente. ...mais sur la base de faits réels, pas de faits tronqués ou de visions partielles de ce qu'est l'organisation de la police. Je vous remercie.

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je lance le vote sur la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3148 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 80 oui contre 8 non.