République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 août 2025 à 20h30
3e législature - 3e année - 3e session - 13e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Ana Roch, présidente.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Anne Hiltpold, Antonio Hodgers, Carole-Anne Kast et Pierre Maudet, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Thierry Apothéloz, président du Conseil d'Etat, Nathalie Fontanet et Delphine Bachmann, conseillères d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Stefan Balaban, Diane Barbier-Mueller, Virna Conti, Angèle-Marie Habiyakare, Jacklean Kalibala, Amar Madani, Gabriela Sonderegger, Francisco Taboada et Celine van Till, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Thomas Bruchez, Rémy Burri, Gilbert Catelain, Stéphane Fontaine, Alexandre Grünig, Gabrielle Le Goff et Frédéric Saenger.
Annonces et dépôts
Néant.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Amélie Piguet Maystre, Mme Lucile Bonaz, Mme Anne Meier, Mme Elodie Yammine, M. Dominique Bavarel et Mme Monika Ducret.
La présidente. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Premier débat
La présidente. Nous passons à l'IN 188-C et aux objets qui lui sont liés, à savoir le PL 13666, la M 3143 et la R 1070. C'est un point fixe que nous traitons en catégorie II, cinquante minutes. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
M. François Erard (LC), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, je commencerai par un bref rappel du contexte. Lors de notre séance plénière du 13 décembre 2024, nous avons refusé l'IN 188, nommée «OUI au recyclage des déchets non biodégradables», tout en décidant à l'unanimité de lui opposer un contreprojet, la commission de l'environnement et de l'agriculture étant chargée de sa rédaction. Lors de sa séance du 6 février 2025, la commission a décidé de constituer une sous-commission chargée d'élaborer ledit contreprojet.
Pour les non-initiés, il me paraît utile de rappeler un peu de quoi on parle. Tout d'abord, qu'est-ce que le mâchefer ? Il s'agit des résidus solides issus de l'incinération des déchets, en l'occurrence à l'usine des Cheneviers, et qui représentent environ 20% du volume incinéré. Dans un processus idéal, il ne devrait sortir des fours que moins de 5% de cendres, principalement composées d'imbrûlés sous forme de carbone résiduel. Dans les faits, tel n'est pas le cas, puisque des fractions non incinérables entrent dans les fours, notamment via nos sacs-poubelles gris, et se retrouvent à leur sortie dans les mâchefers.
Il s'agit notamment des litières minérales pour chats, dont le volume est important, et de divers métaux lourds, que l'on retrouve notamment dans les piles ainsi que dans différentes choses qui ne devraient pas être jetées dans nos poubelles - aluminium, fer, zinc, j'en passe et des meilleures ! On trouve également des minéraux, par exemple de la porcelaine. Tout cela n'a rien à faire dans nos poubelles et devrait être recyclé en amont. L'usine des Cheneviers produit environ 40 000 tonnes de mâchefer par année, dont 5000 sont issues des litières minérales pour chats.
Se pose ensuite la question du stockage de ces 40 000 tonnes de mâchefer. Au regard de leur composition et des risques de lixiviation de certaines fractions «toxiques», entre guillemets, leur mise en décharge normale (à savoir les décharges A à C) est impossible; elles doivent donc être stockées dans une décharge de type D, dite bioactive. Depuis des décennies, les mâchefers issus de l'usine des Cheneviers sont stockés dans la décharge du Nant de Châtillon, sur la commune de Bernex. Or, ce site est arrivé à saturation et est fermé depuis 2024.
Le canton a trouvé une solution temporaire d'une durée de trois-quatre ans, consistant à exporter les mâchefers genevois dans le canton du Jura - qu'il soit ici remercié -, ce qui constitue une dérogation à la loi fédérale sur la protection de l'environnement. Celle-ci prévoit en effet à ses articles 31 et suivants que la planification et l'élimination des déchets relèvent de la compétence des cantons, jusqu'à et y compris leur stockage. A court terme, Genève doit donc trouver un nouveau site de stockage qui réponde aux normes imposées par l'ordonnance sur la limitation et l'élimination des déchets.
J'en viens à l'impact d'une décharge de type D (décharge bioactive). J'ai calculé des ordres de grandeur pour nos 40 000 tonnes de mâchefers, qui doivent être stockées pendant vingt-cinq ans. Tout d'abord, sa surface est de l'ordre de 10 à 15 hectares. Par ailleurs, une telle décharge nécessite également la création de dessertes stabilisées pour le passage des camions.
Le volume de stockage est un trou d'environ un million de mètres cubes (ce qui représente à la louche quatre cents piscines olympiques), exploité par étapes, qu'il faudra bien entendu d'abord creuser avant de pouvoir procéder au stockage. La durée d'exploitation de la décharge est de l'ordre de vingt-cinq ans, suivie d'une période de surveillance d'une durée au moins équivalente. Cela signifie que la décharge est en fonction durant cinquante ans.
Dans le respect des obligations légales supérieures (LPE et OLED), le canton mène depuis une dizaine d'années des investigations ayant pour but de trouver un nouvel emplacement pour le stockage des mâchefers. A ce jour, un site est retenu, en zone agricole, sur la commune de Satigny. Mesdames et Messieurs, inutile de vous dire qu'il suscite une forte opposition de la population de la commune et des milieux agricoles, avec pour slogan: «L'époque où l'on enterrait nos déchets, charge aux générations futures de les gérer, est révolue !» Le fait de soustraire 15 hectares au maigre solde du quota genevois de surfaces d'assolement pose également un problème.
L'ensemble de ces éléments démontre que nous avons tout intérêt à réduire la quantité de mâchefer produit, pour diminuer l'impact d'une décharge bioactive. Le canton n'est pas inactif pour réduire le volume des mâchefers destinés à être entreposés. En effet, il collabore avec les SIG et développe depuis de nombreuses années des techniques de tri et de transformation des mâchefers en sable épuré, qui permettraient de recycler jusqu'à 75% de leur volume. En théorie, ces sables pourraient - j'insiste sur le conditionnel ! - être valorisés, notamment dans la construction ou encore pour des soubassements de route. Si ces valorisations sont aujourd'hui techniquement possibles, elles sont interdites par l'OLED, qui impose la mise en décharge de la totalité du volume des mâchefers sortant d'une usine d'incinération.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. François Erard. Oui, merci, Madame la présidente. J'en viens aux travaux de la sous-commission. Celle-ci s'est réunie à sept reprises entre les mois de février et juin de cette année. Elle a été secondée dans ses travaux par Mme Christine Hislaire, M. Philippe Royer, M. Clément Magnenat et M. Gianluca Cornaz. Les procès-verbaux ont été rédigés avec rigueur par Mmes Clara Veuthey, Méline Carpin et Caroline Dang. Que toutes ces personnes soient chaleureusement remerciées pour leurs précieux apports et judicieux conseils.
Dans le cadre de ses travaux, la sous-commission a procédé à sept auditions, dont vous trouverez les détails dans le rapport. Elle a commencé par débattre de la forme à donner au contreprojet. D'un commun accord, il a été décidé qu'il devait être réalisé au niveau de la loi, en l'occurrence la loi genevoise sur les déchets, et non pas à l'échelon constitutionnel. Le texte qui vous est proposé est donc un contreprojet indirect.
Ensuite, après un examen détaillé de la problématique du stockage des mâchefers en décharge bioactive, la sous-commission a décidé d'orienter ses travaux autour de trois angles. Premièrement, agir en amont de l'usine des Cheneviers en réduisant les volumes à incinérer. Deuxièmement, toujours en amont de l'usine, diminuer le volume des déchets toxiques - batteries, bris de porcelaine, etc. -, qui n'ont rien à faire dans les sacs gris et qui se retrouvent dans les mâchefers, les rendant toxiques au regard de la législation fédérale, plus particulièrement de l'ordonnance sur la limitation et l'élimination des déchets. Troisièmement, encourager et renforcer les démarches du canton ayant pour objectif de recycler certaines fractions des mâchefers et donc d'en limiter le volume à stocker.
La question d'une révision de l'OLED a également été évoquée, car comme je l'ai dit, les dispositions actuelles de cette ordonnance interdisent de faire un autre usage des mâchefers que le stockage en décharge bioactive.
Le contreprojet indirect élaboré par la sous-commission est un projet de loi qui introduit un nouvel article 2A dans la loi cantonale sur les déchets. Vous trouverez cette nouvelle disposition à la page 3 du rapport. Son alinéa 1 reprend intégralement celui de l'IN 188. L'alinéa 2 demande au Conseil d'Etat de prendre des mesures pour réduire d'une part le volume et d'autre part la toxicité des mâchefers, et de ce fait répondre aux objectifs généraux de l'IN 188.
La présidente. Monsieur le député, je suis obligée de vous couper, vous vous exprimez depuis sept minutes, il vous faudra reprendre la parole plus tard dans le débat.
M. François Erard. Je n'ai pas compris, Madame la présidente.
La présidente. Vous avez atteint la limite des sept minutes.
M. François Erard. Aïe !
Une voix. Tu parles trop !
M. François Erard. Bon, ma foi...
La présidente. Vous pourrez redemander la parole plus tard.
M. François Erard. J'arrivais au bout, de toute façon.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je cède le micro à M. Lionel Dugerdil.
M. Lionel Dugerdil (UDC). Merci, Madame la présidente. Tout d'abord, je tiens à remercier mes collègues de la sous-commission et de la commission de l'environnement et de l'agriculture ainsi que le département, avec qui nous avons travaillé efficacement. En effet, nous étions tous animés par les mêmes objectifs. Un Etat responsable ne peut se contenter d'enfouir les résidus toxiques d'incinération de ses déchets, laissant cette patate chaude aux générations futures, sans faire le maximum pour les détoxifier et les valoriser dans l'industrie.
C'est précisément ce que propose ce projet de loi, à savoir fixer des objectifs clairs et donner à l'Etat les moyens d'agir au mieux, en tenant compte de l'évolution des techniques et des connaissances. Tout cela afin que ces résidus soient traités, détoxifiés et utilisés de manière responsable, tant pour la nature que pour les générations futures.
Ce contreprojet élaboré en réponse à l'IN 188 satisfait pleinement les initiants. S'il est accepté ce soir, l'initiative sera retirée ! C'est pourquoi, chers collègues, le groupe UDC soutiendra ce texte et vous invite à en faire de même. Quant à la M 3143 et à la R 1070, toutes deux issues des travaux de commission, ce sont des outils qui contribuent à la réalisation des buts du projet de loi. Nous allons évidemment les soutenir et vous demandons d'en faire de même. Merci.
La présidente. Merci beaucoup. Monsieur Erard, je vous repasse la parole pour deux minutes cinquante.
M. François Erard (LC), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Je voulais juste conclure mon intervention en disant que ce contreprojet a été adopté en commission par 11 oui et 4 abstentions. La motion et la résolution ayant été abordées par mon collègue Dugerdil, j'en ai terminé. Je vous remercie.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Souvenons-nous, comme le disait M. Erard, qu'au début, il y avait une initiative cantonale qui visait à ce que le canton travaille sur les mâchefers, réduise leur toxicité et les réutilise. On a réalisé que c'était un peu la méthode du «y a qu'à». Ce qui fut agréable à constater en commission dans ce cas précis, c'est que les partis, les personnes qui avaient lancé cette initiative se sont rendu compte des obstacles, des difficultés présentes dans ce domaine. Durant nos travaux, nous avons notamment organisé la visite d'un centre de tri à Lyon et mené plusieurs auditions très intéressantes. Une union sacrée s'est constituée autour de certaines méthodes, qui se déclinent dans ce projet de loi, présenté par le collègue Erard, ainsi que dans les propositions de motion et de résolution.
Le maître mot est prévenir. Evidemment, l'Etat n'a pas attendu ces textes pour commencer à prévenir, il a même été assez loin, si loin que le géant orange de la consommation, entre autres, a déposé des recours pour bloquer la nouvelle loi sur les déchets. Le texte qui fait office de contreprojet à l'initiative donne des compétences supplémentaires au canton et demande d'aller plus loin dans la sensibilisation du public.
Chez les Verts, on aurait souhaité que l'injonction à la sensibilisation du public soit permanente, parce que nous sommes toutes et tous, de façon indiscriminée, confrontés sans arrêt à des injonctions à acheter toujours plus. Ce sont des messages que nous recevons tout le temps, qu'ils soient numériques, présents dans les rues ou dans les médias. Cette proposition aurait donc été une bonne chose, malheureusement il n'y a pas eu de majorité pour la soutenir. Cela n'empêche pas l'Etat de mener des campagnes de communication sur les produits les plus nocifs (à éviter pour réduire les volumes de mâchefer) ainsi que sur les habitudes de tri.
Il a aussi été très intéressant d'assister à des discussions entre des commissaires PLR et LJS - donc plutôt de droite - portant sur les différentes vertus de l'interdiction des produits qui créent le plus de mâchefer ou sur la taxation de ces produits dans le but que les gens ne les consomment plus. On observe que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, que des décennies sont passées et qu'il arrive que le camp de gauche trouve des outils libéraux intéressants. De même, il arrive que la droite se rende compte que des outils plutôt attribués à la gauche sont aussi pertinents. J'espère qu'il s'agit d'une tendance de fond.
On peut aussi relever que les outils en question ne constituent pas une grande nouveauté. Les ampoules à incandescence ont été interdites, de même que les CFC, à savoir les gaz propulseurs qui détruisent la couche d'ozone, et des solutions libérales ont été adoptées dans d'autres cas.
Je pense que ce dossier restera comme un bon souvenir collectif de cette législature. J'espère que la résolution aura un écho positif au niveau fédéral - on est déjà à notre écoute et observe ce qui se passe dans notre canton ainsi qu'à Fribourg s'agissant du traitement des mâchefers dans le but de les rendre le moins toxiques possible et de pouvoir les utiliser dans des travaux de construction.
Les Vertes et les Verts vous enjoignent de voter oui au projet de loi, à la résolution et à la motion. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Le PLR se réjouit de l'adoption - probablement à l'unanimité ce soir - de ces trois textes qui viennent compléter la loi sur les déchets, que nous avons adoptée il y a plus d'une année et dont on espère qu'elle pourra bientôt entrer en vigueur.
Il en va de la responsabilité de notre société de gérer les déchets générés par notre mode de vie. La loi sur les déchets avait bien fait le tour de cette question, mais effectivement, les mâchefers étaient peu traités. On a donc profité de l'initiative de l'UDC, qui a été vidée de sa substance par les tribunaux, pour proposer un contreprojet beaucoup plus ambitieux, qui vise vraiment à réduire la toxicité des mâchefers pour permettre leur réutilisation, évidemment dans le respect de la santé publique.
Le but est d'éviter de construire une nouvelle décharge, à Genève ou ailleurs, l'objectif n'étant pas d'exporter nos déchets. Cela a été peu dit dans ce débat pour l'instant, mais je rappelle cet enjeu: la volonté du Conseil d'Etat de créer une nouvelle décharge est toujours présente. On n'a pas voté dernièrement sur ce sujet, mais le parlement s'y était opposé en 2018. Je n'ai pas trop de doute que le moment venu, cette opposition sera toujours là. Il faut donc trouver d'autres solutions.
Ce qui vous est proposé avec ces textes, c'est de réduire la quantité de mâchefer, notamment en limitant au maximum les litières minérales, qui produisent 100% de mâchefer (la litière minérale, c'est directement du mâchefer !), car il existe des alternatives végétales, qui fonctionnent très bien et sont viables.
En effet, on utilise parfois des outils de la gauche, mais je ne pense pas que ça va devenir une habitude. On les utilise dans ce cas précis parce qu'il existe une autre option, et je pense que c'est cet élément qui est important: quand il y a des alternatives valables, il faut les saisir et mettre en place une très forte incitation à les utiliser, ce que font ce projet de loi ainsi que les deux textes annexes.
L'objectif est donc de réduire les mâchefers et leur toxicité, en espérant que Berne nous permette de les réutiliser, toujours dans le but d'éviter une décharge et de préserver notre zone agricole en la réservant à d'autres utilisations que l'enfouissement de nos déchets. Pour ces raisons, le groupe PLR soutiendra ces trois textes. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, Céline !
M. Raphaël Dunand (LJS). Chers collègues, l'IN 188 visait à interdire la création de nouvelles décharges pour les mâchefers et à promouvoir le recyclage des déchets non biodégradables. Toutefois, en 2023, le Conseil d'Etat l'a partiellement invalidée. En effet, le paragraphe 1, qui interdisait l'implantation de nouvelles décharges, a été jugé contraire au droit fédéral, en particulier à la loi fédérale sur la protection de l'environnement. Seul le paragraphe 2 a été retenu. L'initiative a ainsi été vidée de sa substance et de sa partie la plus contraignante.
Suite à cela, comme certains l'ont relevé, la commission a décidé à l'unanimité de présenter un contreprojet, afin d'élaborer une solution pérenne ayant pour but d'agir en complément de la loi sur les déchets, que l'on attend toujours, malheureusement. Cela a aussi été dit, l'objectif est d'intervenir en amont, soit avant l'incinération, en améliorant le tri, ainsi qu'en aval, en dépolluant autant que faire se peut les mâchefers, afin de favoriser un matériau réutilisable dans les circuits courts.
Pour concrétiser ces axes, un nouvel article a été consacré spécifiquement à cette problématique. Je ne vais pas répéter ce qui a été dit par l'excellent rapporteur. Cette disposition consiste à décrire l'utilisation, la gestion et l'étude de ces mâchefers. Elle prévoit que l'Etat doit prendre toutes les mesures nécessaires pour limiter la toxicité et la production de ces résidus avant l'incinération, pour en permettre le recyclage et la valorisation.
Ma préopinante l'a dit, s'ajoutent à ce contreprojet deux objets liés. Comme cela a été relevé, 1,5 kg de litière minérale produit 1 kg de mâchefers, je ne vais pas revenir là-dessus. Pour LJS, ce point était important, surtout dans la mesure où il existe une alternative à ces litières minérales, à savoir les litières organiques: les premières ne sont donc pas irremplaçables.
Quant à la résolution, elle demande que soient revues les normes de l'OLED, autant que faire se peut et dans le respect de l'environnement et de la protection de la population, afin de pouvoir revaloriser les matières issues des mâchefers recyclés - on appelle ça du sable - et qui pourraient être utilisées dans des matériaux de construction ou pour les routes, comme cela se fait en France.
En définitive, ce contreprojet, accompagné de la motion et de la résolution, renforce la position du canton face à la Confédération dans les négociations sur l'OLED et consolide notre politique cantonale de gestion des déchets. Au nom du groupe LJS, je vous invite à soutenir la motion, la résolution ainsi que le contreprojet. Merci.
Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous n'éviterons certainement pas la décharge, mais le travail sur le contreprojet à l'IN 188 a permis de proposer un renforcement de la nouvelle loi sur les déchets, récemment votée par notre parlement, avant même son entrée en vigueur.
L'enjeu de notre commission était de construire un contreprojet bâti sur une vision partagée de la problématique à laquelle s'attaque l'initiative, à savoir la production de mâchefer. A cette fin, nous avons cherché à renforcer toutes les mesures permettant de réduire la production de mâchefer, à savoir ce résidu incompressible composé de tout ce qui n'est pas brûlé après l'incinération de nos sacs-poubelles. Il s'agit de restes divers, parfois extrêmement toxiques et dans d'autres cas cachés, comme la litière minérale pour chats - on l'a dit -, la porcelaine, les piles électriques, des métaux ou des morceaux de vitre.
Dans le cadre d'un débat extrêmement constructif, nous avons évalué différentes approches pour limiter la production de mâchefer, en nous intéressant aux actions envisageables avant que les déchets soient placés dans des sacs noirs à domicile, mais aussi après l'incinération, afin de réduire au maximum la toxicité des mâchefers et de permettre ainsi leur réutilisation, par exemple dans la construction.
Le groupe socialiste soutiendra ce texte ainsi que la motion et la résolution, qui s'inscrivent dans une dynamique très positive. Toutefois, sans une communication et une formation efficace des citoyennes et citoyens - nous toutes et tous compris ! - visant à renforcer nos habitudes de tri et à prendre conscience qu'acheter, consommer et jeter ne sont pas des actes anodins, il nous semble illusoire de penser que nous pourrons nous passer d'une nouvelle décharge sur notre territoire, le stockage de nos mâchefers dans un autre canton n'étant pas non plus une solution à nos yeux. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, je constate que la plupart des gens ne trient pas leurs déchets. On parle beaucoup de recyclage, mais si vous ouvrez les sacs-poubelles, vous y trouvez de tout. Je pense qu'on peut donc largement améliorer le recyclage des déchets. Dans le canton de Vaud, ils sont très stricts, il y a des amendes et chaque déchet est vraiment trié.
A Genève, c'est vraiment le petchi total, tout le monde s'en fout, on peut le dire ! Je suis d'avis qu'il y a une marge de progression à ce niveau, peut-être via des campagnes de sensibilisation ainsi que des approches répressives, je ne sais pas. On ne pense jamais à ça, mais au fond, si les gens sont trop indisciplinés, il ne faut pas se limiter à des mesures incitatives, mais aussi prévoir des dispositifs qui forcent un peu les gens à trier. Sinon, on ne va jamais améliorer le système. Commençons effectivement par mieux trier les déchets ! Merci.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à dire quelques mots, tout d'abord pour remercier les membres de la sous-commission d'avoir mené ces travaux, de s'être renseignés et d'avoir compris la complexité de la gestion de ces déchets. Celle-ci correspond au premier principe de Carnot: rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. La loi de l'entropie fait qu'au bout d'un moment, on se retrouve avec des déchets, dont on ne sait que faire.
Leur place est bien dans le sac noir pour tout un chacun, mais tout ne brûle pas, tout ne part pas en fumée, et ce sont ces résidus qu'il nous appartient de gérer. Cela a été dit largement, l'essentiel du travail se situe bien entendu dans la production de ces biens, leur distribution et leur régulation au moment de la vente. C'est là que se trouve l'essentiel des possibilités de réduction de production de mâchefer. Mais tout cela est de compétence fédérale.
Il s'agit de la liberté du commerce et de l'industrie, sur laquelle les cantons n'ont rien à dire. On ne peut que recommander, par exemple, d'acheter une litière végétale pour chats plutôt qu'une litière minérale. La limitation de ces produits est de compétence fédérale. Il est peut-être temps que les Chambres, comme vous, Mesdames et Messieurs les députés, s'intéressent à la limitation de certains produits extrêmement polluants.
L'autre volet concerne le réemploi de cette poussière qui sort des Cheneviers, à savoir ce qu'on récupère dans la cheminée, car il reste toujours quelque chose, tout ne part pas en fumée. L'idée est de pouvoir l'utiliser sur des chantiers, sur nos routes, etc. Cela se fait dans d'autres pays. A nos yeux, les méthodes sont stables, mais elles ne sont pas dénuées de risques. Une route peut toujours être soumise à des intempéries et impacter un champ agricole voisin. Ce ne sont pas des processus faciles, mais des pays européens les appliquent depuis des années. On estime que la Suisse devrait elle aussi, avec une certaine prudence quand même, suivre cette voie-là, à savoir utiliser ces poussières, ces mâchefers pour les réemployer dans ces structures. On n'y est pas encore, mais à nouveau, un levier à Berne serait le bienvenu.
Les choix qui nous restent sont ceux que vous avez retenus, Mesdames et Messieurs les députés, et pour lesquels le Conseil d'Etat s'accorde avec vous pour soutenir ce contreprojet. Il faut cependant éviter de se leurrer en pensant qu'on pourra se passer d'une décharge cantonale. La représentante du PLR l'a dit, ils s'opposeront à une décharge; ça va exactement à l'encontre de ce que vient de dire le Tribunal fédéral sur la base de l'initiative.
J'espère donc que ce parlement arrivera enfin à respecter le droit fédéral et les instances supérieures, surtout quand elles s'expriment de manière explicite, comme l'a fait le Tribunal fédéral. Genève ne peut pas se soustraire à ses obligations fédérales, notamment celle consistant à prévoir une décharge pour les déchets qu'elle n'arrive pas à incinérer. C'est le principe fédéral qui a été confirmé par le plus haut tribunal de notre pays et qui contredit dès lors la position du PLR sur ce dossier.
L'autre aspect, c'est qu'une collaboration intercantonale est possible. Nous bénéficions actuellement d'un contrat avec le canton du Jura, sur la base duquel nous exportons effectivement une bonne partie de nos mâchefers. Mesdames et Messieurs, cette solidarité intercantonale est possible, mais elle ne constitue pas une solution pérenne. On ne peut pas décemment demander à un canton confédéré d'être indéfiniment la poubelle de Genève !
Je crois qu'il en va d'une certaine compréhension de ce qu'est le fédéralisme, mais également d'une forme de respect pour les cantons voisins. Quoi qu'il en soit, nous entretenons de bonnes discussions avec le canton du Jura. Je vous l'annonce ce soir, je cherche à prolonger cette collaboration de quelques années, afin que nous puissions nous donner un peu de mou quant aux capacités genevoises, qui, même avec une nouvelle décharge, resteront limitées.
Le canton du Jura entre en matière sur cette prolongation, mais il va de soi que Genève devra contribuer aux efforts consentis par le canton du Jura pour des déchets genevois - je crois que c'est la moindre des choses. Le Conseil d'Etat reviendra certainement sur ce point dans le but de poursuivre cette collaboration pendant quelques années. J'insiste vraiment sur le fait que ça ne concerne que quelques années et que ce sont des solutions transitoires; on ne peut décemment et légalement pas se passer de la construction d'une décharge sur notre territoire. Dès lors, les travaux à ce sujet vont se poursuivre, malgré l'adoption de ce texte. Quoi qu'il en soit, merci encore aux députés d'avoir trouvé la voie du consensus. Cela se fera avec la bénédiction du Conseil d'Etat.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote, en commençant par le PL 13666.
Mis aux voix, le projet de loi 13666 est adopté en premier débat par 86 oui (unanimité des votants).
Le projet de loi 13666 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13666 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 89 oui (unanimité des votants) (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 188-C.
La présidente. Je lance à présent la procédure de vote sur la proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 3143 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 87 oui et 1 abstention (vote nominal).
La présidente. Enfin, je soumets à votre approbation la proposition de résolution.
Mise aux voix, la résolution 1070 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 89 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
Débat
La présidente. Nous poursuivons avec le traitement des urgences, en commençant par la P 2217-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à la rapporteure de majorité, Mme Uzma Khamis Vannini.
Mme Uzma Khamis Vannini (Ve), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Madame la présidente. Tout d'abord, je voudrais m'excuser pour une petite inadvertance dans mon rapport de majorité: je ne suis pas physionomiste et j'ai confondu M. Sylvain Thévoz avec M. Alexis Barbey ! (Rires.)
Une voix. Alors ça, il faut le faire ! Là, Sylvain, tu as marqué des points !
Mme Uzma Khamis Vannini. C'est bien sous les présidences de MM. Alexis Barbey et Sandro Pistis que les séances se sont tenues, avec les auditions suivantes. Tout d'abord, la commission a auditionné Mme Soulié et M. Jordan, pétitionnaires. La séance d'après, elle a entendu le magistrat, M. Pierre Maudet, ainsi que M. Benoît Pavageau, directeur des transports collectifs.
Ont ensuite été auditionnés: Mme Karine Bruchez, maire d'Hermance, M. Benoît Gaillard, président de la CGN, M. Frédéric Rochat, associé gérant de la banque Lombard Odier, M. Bernard Taschini, maire de Bellevue, et M. François Beetschen, ingénieur des ports au DSM. La séance suivante, la commission a procédé aux auditions de M. Christophe Baumberger, adjoint au maire de la commune de Corsier, et de M. Charles Lassauce, secrétaire général de la commune de Corsier.
Après les fêtes de fin d'année, nous avons poursuivi nos travaux avec l'audition de M. Pierre Corboud, archéologue et préhistorien, puis celle de M. Nathan Badoud, archéologue cantonal. Enfin, le 23 juin 2025, la commission a reçu Mme Alice André, responsable de la communication et du marketing, M. Pierre Baudet, directeur opérationnel... (Remarque. Rires.) Arrêtez de me faire rire, cher collègue ! ...et M. Romain Jordan, administrateur de Lakeway SA.
Pourquoi est-ce que je vous énonce tout ça ? Parce que toutes ces auditions nous ont permis de travailler à fond le dossier. D'ailleurs, vous avez vu que le nombre de pages du rapport est conséquent.
Une voix. 214 !
Mme Uzma Khamis Vannini. 214 pages, en effet ! Ce qu'il faut retenir, c'est également les annexes, qui sont très importantes. Une des premières questions qui s'est posée, c'est celle du site. Le site palafittique, inscrit au patrimoine de l'UNESCO, est-il suffisamment protégé ? (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Tient-on assez compte de ce site pour pouvoir aller de l'avant ?
Le deuxième élément qui a été pris en considération est la position de l'Office fédéral des transports. Là, suspense, je vous laisse sur votre faim...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe. (Rires.)
Mme Uzma Khamis Vannini. Oui, je sais ! La majorité de la commission a choisi de renvoyer cet objet au Conseil d'Etat. Mais nous allons voir ce qui va en advenir suite au débat. (Exclamations.)
M. Jacques Jeannerat (LJS), rapporteur de minorité. Ce projet est original, audacieux, financé en grande partie par des privés, non invasif et précurseur ! De quoi s'agit-il ? De créer une ligne de bateaux pour transporter des piétons, seuls ou avec leur vélo, de Corsier à Bellevue et de Bellevue à Corsier. Genthod ! Excusez-moi, je me suis trompé ! Enfin, Genthod ou Bellevue... (Exclamations.) Peu importe ! (Commentaires.)
Nous avons constaté que les gens qui habitent sur une rive et travaillent sur l'autre n'auront pas besoin de passer sur le pont du Mont-Blanc, ce qui va réduire la circulation automobile entre la rive gauche et la rive droite, respectivement entre la rive droite et la rive gauche.
Ce projet est tout à fait intéressant et n'est pas invasif. Pourquoi ? Parce qu'il ne prévoit pas de construction de parkings. Par exemple, dans la zone du port de Corsier, les gens ne pourront accéder au débarcadère qu'en venant à pied, à vélo, en covoiturage (pour autant que la voiture reparte) ou en bus. Aucune place de parc n'est prévue !
Il s'agit donc vraiment d'un système moderne, dans l'air du temps... Comment on appelle ça ? ...de mobilité douce et incitatif ! C'est très intéressant. Les communes, aussi bien celles de la rive droite que celles de la rive gauche, étaient toutes favorables. Je dis «étaient», car après les élections, le point de vue de Corsier a un peu changé. Mais bon, voilà, toutes les communes avoisinantes du lac Léman sont favorables à ce projet.
Que demande la pétition ? Que le projet de la Voie Bleue soit repris par l'Etat de Genève. Mais l'Etat est déjà partie prenante puisque l'archéologue cantonal s'est prononcé favorablement quant au choix du port de Corsier, malgré le site palafittique. Il a émis des recommandations, sous forme de directives, que la CGN a acceptées.
Après le vote de la commission à la fin du mois du juin, l'Office fédéral des transports... Là, je donne une explication pour les gens qui ne sont pas des spécialistes: pour faire naviguer un bateau en Suisse sur le plan commercial, à savoir transporter des personnes ou des marchandises, il faut une autorisation, une concession de l'Office fédéral des transports.
A la mi-juillet, cet office a donné son accord, après avoir consulté l'Office fédéral de la culture, qui, interpellé quant à la présence d'un site palafittique, a rendu une réponse positive. Par conséquent, toutes les conditions sont réunies pour que ce projet, je le répète, original, audacieux, financé par des privés, non invasif et précurseur puisse prendre le large !
Je vous invite à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, pour montrer que nous avons fait le boulot. Grâce à l'énumération de toutes les auditions que vous venez de donner, chère collègue, on constate qu'on a fait le job. On ne va pas renvoyer ce texte au Conseil d'Etat !
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Jacques Jeannerat. Volontiers, Madame la présidente. Pourquoi ne faut-il pas le renvoyer au Conseil d'Etat ? D'abord parce que le gouvernement a répondu à des questions écrites urgentes que notre excellent collègue UDC Andersen a posées. Il a donc déjà pris position dans le cadre des réponses données à ces questions. Dès lors, il est inutile de lui renvoyer cette pétition. Il convient maintenant de la déposer sur votre bureau, Madame la présidente, et d'aller de l'avant, puisque dès le 15 septembre, on pourra naviguer et donc se déplacer en mobilité douce entre Genthod - ou Bellevue, comme vous voulez ! - et Corsier ! Merci.
Une voix. Bravo Jacques !
Mme Christina Meissner (LC). Si l'urgence a été demandée, c'est parce que la navette Corsier-Bellevue de la CGN débute à la mi-septembre, c'est donc bel et bien maintenant que nous devons nous positionner, surtout que nous avons effectivement fait le job en commission.
Je rappelle qu'il s'agit d'un projet expérimental, à un endroit pourvu d'un embarcadère et avec un bateau qui existe déjà. Ce n'est peut-être ni le meilleur des sites ni le meilleur des bateaux, mais ils ont le mérite de rendre possible un test consistant à vérifier si l'offre est en adéquation avec la demande. Sans test, il sera impossible de savoir s'il existe réellement un problème. Celui-ci pourrait venir du choix de l'emplacement ou du fait que le port est difficile d'accès, puisque les bus se trouvent en haut de la colline et non au niveau du quai. On verra aussi si le mouvement de ces bateaux de la CGN met en péril le site palafittique, alors même que des mesures d'évitement ont été préconisées et semblent être suffisantes.
La durée du test est de trois ans. Douze communes et une banque en assument le financement. Ce point a son importance, car la reprise par l'Etat de ce projet, comme le demande la pétition, aura forcément un coût pour le canton, ne l'oublions pas ! Puisque cela fait longtemps qu'on cherche une façon de traverser d'une rive à l'autre autrement qu'à la nage, n'est-il pas temps de se jeter à l'eau avec un bateau ? Le Centre votera pour le dépôt de cette pétition.
Cependant, un dernier élément mérite d'être relevé, à savoir le changement intervenu au niveau de la commune de Corsier. Elle s'oppose aujourd'hui à ce projet; le Conseil d'Etat ne peut pas juste dire que les discussions ont eu lieu et qu'il n'est pas nécessaire de revenir vers les autorités communales. Quoi que décide le canton s'agissant de mobilité ou d'aménagement, la concertation est nécessaire. Il devrait donc sans plus tarder discuter avec les nouvelles autorités de Corsier. Un accord n'est possible que si on se parle, c'est bien connu ! Merci.
La présidente. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. Wenger. (Un instant s'écoule.)
Une voix. On n'entend rien !
M. Thomas Wenger (S). Oui, c'était mon micro qui ne marchait pas ! Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je souhaite revenir sur les auteurs de cette pétition et leur association intitulée «Sauvons la baie de Corsier». La personne qui porte ce texte est une dame qui habite au quai de Corsier et qui se trouve donc vraiment à deux pas du débarcadère d'où partira cette nouvelle Voie Bleue. On peut dès lors comprendre qu'elle ait un certain nombre d'inquiétudes.
Là où on comprend un peu moins, c'est que lors des auditions des trois pétitionnaires, on a constaté que l'un deux, qui est un avocat bien connu, est lui-même administrateur de Lakeway SA (c'est marqué comme ça dans le rapport). On se demande donc quel est le lien entre cette pétition et un administrateur de Lakeway SA. On se rend compte que cette société veut exploiter une marque qui s'appelle LX Lake Express, un projet privé de mobilité douce visant à relier les deux rives du Léman grâce à des catamarans électriques équipés de foils. Au fond, on réalise que le pétitionnaire qui a été auditionné a des intérêts dans une société qui développe un projet concurrent à la Voie Bleue, ce qui pose quand même un certain nombre de questions.
Pour revenir sur le projet en lui-même, il ne date pas d'il y a quelques années. Cela fait bientôt dix ans qu'on parle de relier les rives; au début, ce n'était pas via ce projet-là, mais avec une navette lacustre qui devait relier Anières à Versoix. Malheureusement, un référendum sur le financement a été lancé dans la commune d'Anières. Les référendaires ont demandé par courrier au maire d'Anières de l'époque de revenir avec un nouveau projet situé dans les communes de Corsier, Anières et Hermance.
Cela a été fait à partir de 2020-2021, pour finalement arriver à ce projet de Voie Bleue, qui a la concession de l'Office fédéral des transports, cela a été dit, et qui sera inauguré le 15 septembre. Il réunit douze communes, la CGN et des sociétés privées, dont une grande banque qui va accueillir près de deux mille collaboratrices et collaborateurs; il est donc bénéfique de leur offrir une alternative de transports publics.
Ce projet est soutenu par le canton. Il y aura de la place pour les vélos et les trottinettes, en plus des 80 places pour les passagères et les passagers. C'est une nouvelle voie lacustre, un nouveau transport public, qui devrait accueillir 60 000 personnes par année. Est-ce qu'on veut que ces personnes, au lieu de prendre cette navette, fassent le tour avec leur voiture par le pont du Mont-Blanc ? Ce n'est en tout cas pas la politique que souhaite le groupe socialiste.
Et puis, par rapport à l'accès au débarcadère, comme cela a été dit, cela pourra se faire via les transports publics. Il y a plus de 18 bus aux heures de pointe (entre 6h et 8h ainsi qu'entre 16h et 18h) qui desservent l'arrêt Corsier port. Il y a aussi des pistes cyclables, et on peut également s'y rendre en trottinette ou à pied, bien entendu. Il n'y aura pas de parking. Pour ce qui concerne les transports, ce projet ne posera donc pas de problème pour Corsier, ni de l'autre côté pour Bellevue.
Par conséquent, le groupe socialiste ne soutient pas le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Nous sommes d'avis qu'il faut la déposer sur le bureau du Grand Conseil, afin de ne pas envoyer le message que le parlement refuse de soutenir cette Voie Bleue. Le groupe socialiste appuie ce projet et cet essai. J'espère qu'une majorité de ce Grand Conseil soutient toujours ces projets permettant d'aller vers une mobilité plus durable. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, une fois n'est pas coutume, le groupe des Vertes et des Verts a décidé de soutenir non seulement une banque, mais aussi la traversée du lac ! (Rires.) Plaisanterie à part, nous avons examiné cette pétition lors de notre caucus et avons décidé en majorité de suivre la minorité, c'est-à-dire de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Comme cela a été dit, la concession fédérale a été reçue et l'exploitation débutera bientôt. Il ne nous semble pas utile de mettre des bâtons dans les roues d'un projet qui est en marche - ou qui est mis à flot, si vous préférez ! Nous soutiendrons donc la mise en place de cette Voie Bleue en tant que projet pilote. Nous sommes conscients que tout n'est pas parfait en l'état et appelons donc à faire évoluer cette liaison. La transition vers un bateau électrique est bien entendu souhaitable. Une autre place d'amarrage sur la rive gauche doit être envisagée et éventuellement construite, mais cela prend du temps.
Nous estimons qu'il est important qu'une liaison soit mise à disposition des employés de la banque Lombard Odier dès son ouverture. Les habitudes de mobilité doivent être prises dès le départ, après il est plus difficile d'en changer.
Comme chacun le sait, le U lacustre est déjà passablement encombré. Si on peut le décharger de quelques centaines de voitures, ce sera toujours ça de pris. Le bilan carbone de l'opération se discute: même avec un bateau diesel prévu dans une première étape, la compensation par rapport à la baisse de circulation sur le U lacustre est à peu près neutre dans cet état.
Nous relevons aussi avec plaisir que 40 places seront disponibles pour les vélos. Ce chiffre est quand même assez exceptionnel, même dans un bus vous n'en trouvez pas autant ! Le fait qu'elles soient si nombreuses dans un bateau est un élément extrêmement utile, qui permettra aux usagers de poursuivre aisément leur parcours vers les communes de la rive gauche, en allant d'Hermance à Puplinge, ou de la rive droite, en allant de Versoix à Chambésy.
Halte à l'immobilisme ! Le test est prévu pour trois ans et devrait débuter le 15 septembre. La gratuité de ce dispositif jusqu'en décembre a été annoncée. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. (Applaudissements.)
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, rappelons qu'à l'origine de ce projet, il y a évidemment une banque, mais avant d'être une banque, c'est un employeur important. Il y a aussi un partenaire associé, le groupe Richemont, qui est effectivement une multinationale, mais également un employeur important. Ces deux structures se sont employées à répondre aux injonctions, aux demandes, aux invitations formelles de la LMCE, en mettant en place un plan de mobilité pour leurs équipes au sein duquel l'accent est mis sur la mobilité douce, c'est-à-dire les vélos et le Léman Express.
Evidemment, en reprenant les contours du Léman Express et en tenant compte des lieux d'habitation de leurs employés, ils ont constaté que toute une partie du canton n'était pas facilement accessible, à savoir celle dont on parle, soit les rives qui vont de Vésenaz jusqu'en France, également en direction des Voirons. Je pense qu'il faut saluer leur initiative qui consiste à réhabiliter les voies de communication professionnelles, à savoir les transports publics lacustres, pour les bicyclettes. C'est de ça qu'il s'agit. Cela s'inscrit dans leur plan de mobilité pour leurs employés, et c'est cette vision qui les a animés.
A partir de ce moment, ils ont bien entendu constitué un comité de pilotage. Assez rapidement, ils se sont entendus pour dire: «Au fond, on ne sait pas à quoi on va s'exposer. Il faut donc qu'on fasse les choses du mieux possible, mais avec le moins d'investissement au départ, parce que si au bout d'un certain temps on s'aperçoit que le modèle ne fonctionne pas pour différentes raisons, il vaut mieux ne pas avoir lancé le projet avec des investissements trop importants.»
C'est la raison pour laquelle ils ont cherché un point d'ancrage. Le site le plus fiable (qui n'était par ailleurs peut-être pas l'emplacement idéal en fonction du tracé), c'était Corsier. Evidemment, la compagnie qui était immédiatement disponible pour fournir un bateau facilement aménagé pour transporter lors de chaque trajet 40 cyclistes, c'était la CGN. C'est ainsi que le projet a été monté.
D'emblée, le comité de pilotage a été extrêmement attentif à différents aspects, notamment le fait d'éviter les nuisances pour la circulation des riverains et de protéger le site palafittique. En effet, ils ne nous ont pas attendus pour s'assurer que le tracé de circulation des bateaux respecte ce site.
Mesdames et Messieurs, nous sommes face à une idée originale et généreuse. Il s'agit d'un projet expérimental, cela a été dit. Nous devons soutenir ce test, afin de pouvoir évaluer le modèle et, on l'espère, choisir demain le meilleur tracé avec un bateau électrique - peut-être d'ailleurs qu'il y aura différentes options pour ce qui est du parcours. Par conséquent, encourageons ce projet et déposons cette pétition sur le bureau du Grand Conseil ! L'inauguration a lieu le 15 septembre à 8h30 à Bellevue; nous sommes tous invités à réaliser quelques trajets d'essai gratuits. J'espère que nous nous y retrouverons, dans la joie et la bonne humeur ! Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, la pétition que nous examinons aujourd'hui ne s'oppose pas au principe d'une traversée lacustre, je crois que cela a été dit. Bien au contraire, elle reconnaît la pertinence d'une telle traversée et son intérêt pour la mobilité, mais elle dit clairement une chose: la Voie Bleue ne doit pas se faire à Corsier, car c'est le mauvais endroit avec les mauvais moyens !
Pourquoi ? Tout d'abord parce que la baie de Corsier est un cadre unique. En plus d'abriter un site palafittique classé à l'UNESCO, c'est un lieu où se déroulent de nombreuses activités nautiques qui l'animent: voile, aviron, paddle et baignade. Sur le plan de la mobilité, Corsier est tout simplement mal desservi: une seule ligne TPG, un arrêt avec une pente à 400 mètres pour rejoindre le quai, aucune infrastructure adaptée aux personnes à mobilité réduite, une piste cyclable discontinue, un chemin d'accès étroit sans possibilité de dépose-minute. Résultat, ce projet conduira inévitablement à du trafic supplémentaire et à du parking sauvage. Ajoutons que cette traversée qui relie Corsier à Bellevue est plus longue que celle qui partirait d'autres sites, comme Cologny, augmentant ainsi l'empreinte carbone et réduisant l'efficacité de ce trajet.
De plus, ce projet est mal ficelé économiquement et politiquement. Il a été initié par une banque privée pour ses propres employés, comme cela a été relevé. Pourtant, c'est le public qui paierait l'essentiel de la facture, contrairement à ce qui a été dit par le rapporteur de minorité - qui semble être devenu rapporteur de majorité; c'est ce que je comprends ! Une garantie de déficit de 1 à 1,2 million de francs par an serait à la charge des communes, alors que la contribution privée est marginale.
A titre anecdotique, je vous invite également à consulter le rapport de la CGN, notamment en ce qui concerne ses actionnaires. Vous découvrirez des choses très intéressantes, mais je ne suis pas là pour vous les donner ce soir !
Par ailleurs, entendre que ce projet... Enfin, que le public... C'est une information complètement erronée. Si on s'intéresse maintenant au nombre d'usagers: au départ, on parlait de 1700 personnes, et aujourd'hui, selon les derniers rapports, on nous indique que ce sera 125 personnes. M. Wenger est en train de nous dire qu'avec ces 125 personnes, le U lacustre sera modifié et qu'on va pouvoir traverser le pont du Mont-Blanc de manière plus rapide et plus efficace ! On se réjouit !
Enfin, comme cela a été souligné par les Verts, un vieux bateau à diesel de la CGN serait utilité. Il consommerait 64 000 litres pour transporter une poignée de passagers. On peut dès lors douter de l'efficacité de ce mode de transport. Ce choix est d'autant plus incompréhensible que les Mouettes genevoises n'ont même pas eu la possibilité de répondre à un appel d'offres, alors que leur directeur a confirmé en commission qu'elles pouvaient parfaitement adapter ou transformer leurs bateaux pour assurer cette traversée. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il existe donc des alternatives bien plus cohérentes. Cela a été dit, la commune de Cologny est prête à accueillir cette traversée au débarcadère de la Tour carrée, avec un meilleur accès aux transports publics.
Pour finir, je suis pour le moins surpris des interventions du parti socialiste et des Verts, qui reviennent sur leur position en commission, alors même que nous sommes en train de parler d'un projet qui bénéficie principalement à quelques personnes, souvent attaquées par ces mêmes groupes, notamment du point de vue fiscal.
Quant au PLR, je peux comprendre sa division en commission, très vite édulcorée par des intérêts privés qui priment sur les intérêts publics, tant que cela bénéficie à son propre électorat, voire ses finances, ce qui est cocasse quand on sait que l'exécutif de la commune de Corsier, à majorité PLR...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Michael Andersen. ...très bien complété par un magistrat UDC - le premier du canton ! -, s'oppose fermement à cette Voie Bleue.
Mesdames et Messieurs, la Voie Bleue peut être une belle idée, mais à Corsier elle devient un projet déstructuré et coûteux, au service d'intérêts privés. C'est pour toutes ces raisons que nous vous invitons à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. (Commentaires.)
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la Voie Bleue, c'est la Genève qui perd, qui oppose les riches aux pauvres. Et vous pensez bien que nous, nous ne sommes pas d'accord avec cela, car nous aimons autant les riches que les pauvres. (Rires.) C'est bien connu, nous sommes le Mouvement Citoyens Genevois ! (Commentaires.) Vous pouvez rire, mais pour la mobilité, on sacrifie l'environnement, le lac de Genève et l'opportunité de valoriser enfin ce plan d'eau magnifique. (Remarque.) Oui, je pense aussi, c'est vrai ! (Rires.) On sacrifie donc notre environnement et ce plan d'eau magnifique pour une banque privée, ou plutôt pour certains actionnaires ! Voilà ce qui est moche dans cette histoire.
On a évoqué 60 à 65 tonnes de carburant. Moi, je parle de 80 tonnes de carburant pour se rendre au boulot en bateau; c'est tellement plus fun que de traverser le pont du Mont-Blanc avec la circulation et le trafic incessant qu'on connaît, c'est une réalité !
Et puis il faut aussi mentionner le site palafittique qu'on sacrifie. Ce site est exceptionnel, d'ailleurs il faut en appeler à M. Pierre Corboud, remarquable spécialiste de ce lieu protégé mondialement par l'ONESCU... L'UNESCO, excusez-moi de ce lapsus ! (Rires.)
Monsieur Wenger, vous avez la mémoire courte et vous êtes peu reconnaissant, mais ce n'est pas grave ! Je le redis, ce projet, c'est la Genève qui perd ! L'architecte cantonal aurait dû être entendu, il ne l'a pas été; c'est une erreur de la commission. Il a totalement manqué à l'évaluation de ce dossier. Je pense donc qu'il faut tout simplement renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. J'ai suivi avec beaucoup d'attention ce débat. J'aimerais remercier le dernier préopinant, parce que ça faisait des années que je cherchais une contrepèterie sur l'UNESCO, et vous nous l'avez offerte ! (Rires.)
Je serai très bref, parce qu'il s'agit d'une pétition - non qu'il faille prendre à la légère les pétitionnaires, ce type d'objet a cette vertu d'attirer l'attention sur un potentiel problème, de permettre un débat et d'en connaître le dénouement. On verra dans quelques instants si l'issue du débat est un dépôt sur le bureau du Grand Conseil ou un renvoi au Conseil d'Etat.
Dans cette affaire, le Conseil d'Etat a eu une position plutôt neutre. Celle-ci consiste d'abord à dire que nous disposons d'un plan d'eau magnifique, qui n'est pas valorisé tout à fait correctement sous l'angle des transports. Là, nous rejoignons plusieurs personnes qui se sont exprimées sur l'argument de délester, modestement, mais autant que possible, le pont du Mont-Blanc de toutes les personnes qui y passent et qui peuvent emprunter une autre voie, navale par hypothèse. Ces solutions sont les bienvenues, mais évidemment, et je rejoins le député Andersen, ce n'est que le début.
Dans les semaines à venir, le Conseil d'Etat aura l'occasion de présenter un plan plus ambitieux, qui permettra de penser non pas en termes d'alternatives, mais dans une logique cumulative, la possibilité, ici avec les Mouettes, là avec des acteurs privés - nous ne sommes pas fermés à la présence d'autres intervenants, il faut juste, effectivement, que les intérêts soient clairement posés -, d'une intensification de l'usage du plan d'eau. Cela pourrait se faire pour rallier les deux rives - à Genève, on n'est parfois ni riche ni pauvre, si on a bien suivi, et on n'est aussi ni de gauche ni de droite, on pourrait être tout à la fois avec ces différents projets - ou pour rallier le centre-ville aux bords du lac un peu plus loin. Je pense ici évidemment à la rive droite en particulier.
Tout ça pour dire, Mesdames et Messieurs les députés, que si vous déposez cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, nous le prendrons comme un encouragement, en respectant une certaine neutralité, parce que nous sommes l'autorité régulatrice avec l'OFT, à poursuivre nos investigations sur l'intensification de l'usage du plan d'eau, si possible à terme dans la communauté tarifaire, dans une logique d'accessibilité - je n'ai pas dit gratuité, mais accessibilité - et de facilitation. Qui sait, peut-être que cela permettra d'avoir dans quelques années ce que d'autres lacs de Suisse connaissent déjà, à savoir une véritable intensification du franchissement du plan d'eau. Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de passer au vote.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2217 au Conseil d'Etat) sont rejetées par 61 non contre 22 oui et 6 abstentions.
Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2217 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 84 oui et 4 abstentions (vote nominal).
La présidente. Avant de passer au prochain point, je souhaite un joyeux anniversaire à notre collègue Romain de Sainte Marie. (Vifs applaudissements.)
Premier débat
La présidente. Nous passons à l'urgence suivante, à savoir le PL 13674, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro au premier signataire, M. Jacques Blondin.
M. Jacques Blondin (LC). Merci, Madame la présidente. Permettez-moi de vous présenter la teneur de ce projet de loi. Dans sa disposition générale consacrée au but, on lit: «La présente loi vise à assurer un financement unique» - c'est important de le relever ! - «par l'Etat, des établissements hôteliers, restaurants, cafés et traiteurs domiciliés dans le canton de Genève [...] par le biais d'une subvention extraordinaire visant à soutenir économiquement les établissements qui achètent et proposent des boissons non alcoolisées et fermentées dont l'origine genevoise est garantie [...]»
D'une part, il est prévu un soutien de l'activité économique des établissements, pour qui, comme vous le savez, la situation est actuellement très compliquée. D'autre part, il y a un encouragement à l'achat de produits d'origine genevoise. Que ce soit dit ici, il ne s'agit pas d'inciter la population à boire plus, mais simplement de rendre ceux qui consomment attentifs à la provenance de ce qu'ils achètent et boivent.
Au niveau suisse, la baisse de consommation de ces boissons est de 8% - les chiffres sont discutables et varient de quelques pour cent. Mais pour ce qui est des produits indigènes, on parle de 10% à 11% de baisse pour les vins blancs et jusqu'à 15% pour les vins rouges. Il y a donc clairement un problème quant à la provenance des vins concurrentiels. Vous le savez, ils viennent de l'étranger, via une réglementation fédérale qui laisse rentrer des contingents très importants - on en parlera tout à l'heure.
Evidemment, les définitions de ce qui est garanti, des boissons concernées et des établissements à qui serait destiné ce projet de loi ont été clairement établies. Nous avons bien entendu tenu compte des petits problèmes que nous avions rencontrés les années précédentes, en évitant des distorsions de concurrence qui feraient que seul un certain type d'activité soit considéré et pas les autres.
J'en viens au financement: on parle de 1,1 million, soit 1 million pour les bons d'achat et 100 000 francs pour les frais de promotion et la plateforme numérique utilisée par l'OPAGE. La liste de l'ensemble des produits concernés figure dans le projet de loi. Je tiens à préciser que le principe de la mesure est le suivant: le restaurateur dispose d'un bon d'achat de 1000 francs qu'il utilise pour acheter des boissons, et c'est seulement une fois que ce montant a été dépensé qu'il reçoit un bon de 200 francs lui permettant de faire un achat ultérieur. Il faut donc relever que l'effet de levier que permettraient ces bons d'achat est de 6, soit 1 million investi pour 6 millions d'investissement global de la part des restaurateurs et différents vendeurs.
Ce projet de loi prévoit une entrée en vigueur immédiate, car la problématique est réelle et urgente, la situation est préoccupante. Quant à la durée de vie du dispositif, il est prévu qu'il porte effet jusqu'à épuisement du budget, soit jusqu'au début de l'année prochaine. Bien évidemment, la conséquence de cette demande que nous faisons sur le siège, c'est qu'il y ait une clause d'urgence. Il faut donc déclarer l'urgence, dont l'adoption nécessite un soutien large de cette assemblée puisqu'il faut recueillir deux tiers des voix.
Par conséquent, nous vous incitons à soutenir ce projet de loi, qui prend le relais d'une motion dont nous avions discuté l'année dernière, qui avait été déposée par M. Pierre Eckert. Pour différentes raisons, elle n'avait pas été utilisée.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Jacques Blondin. Je tiens à corriger une coquille présente dans l'exposé des motifs: cette proposition n'avait pas été acceptée à l'unanimité la dernière fois, mais à une large majorité - c'est important de le préciser.
Nous serions très heureux que vous compreniez que le secteur viticole est en danger. Ce n'est pas nouveau, mais ça s'aggrave. Ce que nous allons éventuellement envoyer à la Confédération tout à l'heure, ce sont des mesures fédérales qui ont un autre but que celui qui est le nôtre aujourd'hui. Il serait bon que les différents utilisateurs et consommateurs genevois qui favorisent les produits locaux soient encouragés à nous soutenir.
Je relève aussi que l'amendement déposé par le parti socialiste - je pense que M. Romain de Sainte Marie le présentera plus tard - ne nous pose aucun problème, nous pouvons bien évidemment l'accepter. Je vous remercie de réserver un bon accueil à ce projet de loi, qui est d'une très grande importance tant pour la restauration genevoise que pour la viticulture. Merci.
Des voix. Bravo !
M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous traversons une période extrêmement difficile pour nos paysans et viticulteurs genevois, avec certaines parcelles qui ne seront pas vendangées cette année, ce qui témoigne de la gravité de cette situation. Ils font face à des coûts de production parmi les plus élevés au monde, à une baisse préoccupante de la consommation de vin suisse et à une diminution des débouchés dans la restauration, elle-même fragilisée par l'inflation et la baisse du pouvoir d'achat.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui offre une réponse concrète et ciblée. En soutenant les établissements qui achètent des boissons genevoises, nous créons un effet doublement vertueux: nous aidons nos restaurateurs à traverser une période économiquement compliquée et, en même temps, assurons des débouchés indispensables pour nos producteurs.
Nous sommes convaincus que favoriser ponctuellement la consommation de produits locaux est la meilleure stratégie pour dynamiser rapidement l'économie agricole genevoise, cette même économie qui est délaissée dans la stratégie économique cantonale 2035, qui ne lui consacre même pas un chapitre !
Il ne s'agit pas simplement d'une subvention ponctuelle, mais d'un mécanisme qui, on l'espère, stimulera la consommation locale, valorisera les produits labellisés (AOC et GRTA) et renforcera l'identité agricole de notre canton.
Avec chaque bon distribué, nous encourageons un nouvel achat local, consolidons la relation entre agriculture et restauration et soutenons notre tissu économique. Par ailleurs, le budget prévu pour ce projet de loi correspond à celui précédemment voté pour les bons du terroir - une mesure qui n'a malheureusement jamais été mise en oeuvre par le Conseil d'Etat.
Face à l'urgence de la situation, nous avons le devoir d'agir pour nos agriculteurs, pour nos restaurateurs et, finalement, pour la souveraineté alimentaire de Genève. A l'UDC, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce texte. Nous apporterons également notre soutien à l'amendement du parti socialiste et voterons la clause d'urgence. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Pierre Eckert (Ve). Vous l'avez remarqué, nous avions effectivement déposé en 2023 une motion pour réactiver les bons du terroir, qui avaient été instaurés pendant la période du covid en 2020. Le Conseil d'Etat n'avait pas eu le temps de la mettre en oeuvre. Nous l'avions réactivée pour 2024, mais ça ne s'est pas fait non plus. Vous aurez constaté que la réponse du Conseil d'Etat à cette motion est à l'ordre du jour de cette session.
Je remercie les auteurs de ce texte d'avoir réactivé cette motion d'une façon un peu plus forte dans la mesure où il s'agit désormais d'un projet de loi, qui, je l'espère, pourra être un peu plus efficace. Vous aurez aussi remarqué que les bons du terroir s'adressaient plutôt aux particuliers, alors qu'ici, on vise les restaurateurs. Tant mieux, on espère que le mécanisme fonctionne de cette manière !
Je remarque aussi que les bons du terroir ne promouvaient pas que les boissons, mais également des produits issus de l'agriculture, notamment via la vente directe. Je suis sûr que les auteurs trouveront aussi une idée pour essayer de promouvoir d'une autre façon la vente directe de produits agricoles.
Nous soutiendrons ce projet de loi ainsi que l'amendement du parti socialiste. J'espère que cette mesure pourra entrer en vigueur le plus rapidement possible !
M. Jean-Pierre Tombola (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi vient au secours des établissements hôteliers, restaurateurs et cafetiers, qui traversent actuellement des difficultés. Le groupe socialiste, fort de ses convictions de solidarité et de lutte contre les inégalités, soutiendra cet objet.
Nous appuierons ce texte par souci de solidarité avec ces établissements et avec les producteurs locaux, qui subissent directement l'impact de la baisse de fréquentation dans les restaurants, hôtels et cafés, se traduisant par une diminution des achats. En effet, soutenir ces structures aura des effets positifs sur les achats réalisés auprès des producteurs locaux.
Vous le savez très bien, les agriculteurs subissent des pressions depuis plusieurs années, liées aux différents facteurs écologiques, aux aléas climatiques ainsi qu'aux modes de production qui sont beaucoup plus exigeants qu'ailleurs dans le monde. Ils doivent être soutenus, et ce projet de loi permettra de donner une bouffée d'oxygène aux établissements ainsi qu'aux producteurs.
Le groupe socialiste a proposé un amendement, qui, si vous le voulez bien, sera accepté. Il soutient vivement ce projet de loi et en remercie les auteurs, car cette proposition va vraiment dans le sens de la solidarité avec des personnes qui sont en difficulté. Au parti socialiste, nous sommes solidaires de ces établissements ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. François Wolfisberg (PLR). Chères et chers collègues, pain, vin, fromage, trilogie magique à l'instar des faces nord de l'Eiger, des Grandes Jorasses et du Cervin ! La liberté d'entreprise, l'adaptation au marché, l'innovation, c'est l'ADN du PLR et de la Suisse ! Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis un immense fan de vin, et je possède d'ailleurs une petite parcelle de vigne.
La concurrence est un stimulant extraordinaire et indispensable. J'aimerais citer un exemple que beaucoup d'entre vous connaissent. Il s'agit du fameux pain Paillasse: lorsque Aimé Pouly le crée en 1995, il donne un véritable coup de pied dans la fourmilière. Il y a exactement trente ans, dans la majeure partie des boulangeries helvétiques, le pain le plus vendu était le pain mi-blanc. Du jour au lendemain, il a donc fallu réagir, soit en baissant les bras, soit en proposant une alternative, car le nom Paillasse était protégé. Nous avons créé une copie dénommée pain Tradition, qui a rapidement connu le succès et supplanté le pain mi-blanc, et ceci sans subvention !
Autre exemple: si chacune et chacun d'entre vous veut ouvrir une boulangerie, il peut le faire, car notre métier n'est pas protégé ! En revanche, si vous voulez acheter un domaine viticole, il faut un CFC de viticulteur, a minima ! Sans compter qu'il n'y en a quasiment aucun à vendre.
Nous, boulangers-pâtissiers, connaissons une très forte concurrence avec la France voisine, qui se trouve à nos portes. Dans notre pays, les employés de ce secteur perçoivent des salaires parmi les plus élevés au monde !
En conclusion, il faut miser sur la qualité, l'innovation, la remise en question et le combat ! Pour toutes ces raisons, le PLR ne soutiendra pas le PL 13674. Il s'abstiendra sur ce texte et s'opposera à l'amendement du parti socialiste. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Romain de Sainte Marie pour une minute quarante.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Madame la présidente, je serai bref ! Je ne vais pas revenir sur les difficultés que rencontre le monde du vin, en particulier en Suisse et à Genève. La concurrence avec l'étranger est en effet spécialement rude. Il s'agit de donner un coup de pouce à ce domaine, de faire en sorte que les vignerons et vigneronnes ne jettent pas l'éponge et qu'ils continuent à faire vivre cette profession.
On entend que certains pensent arrêter, que d'autres sont obligés d'arracher des pieds de vigne, car ils ne sont finalement pas assez rentables par rapport à d'autres domaines agricoles. C'est navrant, puisque le vin fait partie de notre patrimoine culturel. Il est dès lors important de le privilégier et de le faire connaître.
C'est dans ce sens, en copiant tout simplement la législation vaudoise... Nous nous y étions intéressés il y a déjà dix ans lors des travaux sur la LRDBHD, sous l'égide de M. Maudet à l'époque: en effet, nous avions discuté de l'introduction de cette obligation faite aux cafés-restaurants de proposer au moins un vin genevois, à l'instar de ce que fait le canton de Vaud pour les vins vaudois.
La situation actuelle est l'occasion d'un côté de véritablement aider les restaurateurs et les vignerons et de l'autre de demander aux restaurateurs de jouer pleinement le jeu en faisant en sorte que tous les cafés-restaurants proposent des vins genevois sur leur carte, raison pour laquelle nous vous invitons à accepter l'amendement du parti socialiste.
M. François Baertschi (MCG). Le groupe MCG soutiendra ce projet de loi parce qu'en effet, il s'agit d'un secteur de notre économie qui est en difficulté. C'est un élément important de la vie genevoise qu'il faut protéger, cela concerne également notre terroir. Nous allons tout à fait dans le sens de ce qui est proposé.
En agissant ainsi et en mobilisant des moyens de l'Etat pour cet objectif, nous réalisons un acte de solidarité. En revanche, nous pourrions espérer qu'à l'avenir, le même élément de solidarité soit retenu non pas seulement en faveur des produits de notre terroir, mais également des personnes qui habitent notre territoire, parce que les résidents genevois se trouvent de plus en plus en difficulté face à la pression excessive causée par les travailleurs frontaliers. Et quand il s'agit de s'occuper d'êtres humains, on voit beaucoup moins la solidarité ! Le côté local est oublié. Le personnel engagé peut venir de la planète entière, on s'en fiche complètement sur les bancs de ce Grand Conseil !
Nous sommes d'accord de faire acte de solidarité envers les viticulteurs et la restauration, ce sont des secteurs qui sont actuellement dans une situation délicate, il faut le reconnaître. Nous pensons qu'il est bien de les aider, car ces domaines d'activité font partie de la vie sociale à Genève. Mais les habitants de ce canton en font également partie !
A force de subir des pertes de pouvoir d'achat gigantesques, on se trouve dans une surenchère immense, de nombreux habitants n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois parce que la vie est beaucoup trop chère à Genève et parce que les conditions sont catastrophiques dans notre canton. Il est dès lors indispensable que nous manifestions cette solidarité également en faveur des résidents genevois. Nous attendrons cette solidarité dans les prochains débats. Merci, Madame la présidente.
M. Jacques Jeannerat (LJS). Le groupe LJS soutiendra ce projet de loi. Certains d'entre vous connaissent mes activités paraparlementaires en faveur des vins de Genève, je ne vais pas y revenir. J'aimerais faire deux remarques. Beaucoup d'arguments ont été donnés, je ne vais pas les répéter.
Je pense qu'on fait face à un problème. Je ne suis pas un cathodique très pratiquant, mais quand je regarde la télévision et que je vois les pubs de certains distributeurs - un commence par C, l'autre par D ! - qui vendent des vins espagnols à deux francs cinquante, ça me fout des boutons ! Il y a bel et bien un problème !
Pour une fois, je serais d'accord pour qu'on envoie une résolution à Berne, pour modifier ces histoires de contingents. Peut-être qu'on pourra en reparler en dehors du débat relatif à ce projet de loi, mais je pense qu'auprès de la Berne fédérale, on doit pouvoir travailler sur ces contingents.
Deuxième remarque: il m'est arrivé deux aventures intéressantes ce printemps. Il y a quelques mois, j'étais invité à l'université pour la remise d'un diplôme de master en sciences politiques à Uni Dufour. Il y avait une magnifique soirée. Le tenancier de la cafétéria de l'université nous a servi un très bel apéro, mais les vins étaient français.
Alors bien sûr, l'université est liée par un contrat commercial avec sa cafétéria, mais il me semble que pour un organisme comme l'université, qui est largement subventionné et qui ne peut pas vivre sans l'argent de l'Etat, le gouvernement devrait pouvoir faire en sorte qu'il y ait une clause spéciale dans la subvention exigeant que des vins genevois soient servis à la cafétéria de l'université lors des remises de diplômes.
J'ai fait le même constat au téléphérique du Salève. Au mois de juin, j'étais invité à l'assemblée générale d'une association. Nous étions huit ou dix participants et avons organisé notre assemblée générale là-haut. Le téléphérique est subventionné par l'Etat de Genève. Or, à la carte du restaurant, il n'y a que des vins français ! (Commentaires.) Je suis désolé, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, vous devez faire en sorte... (Brouhaha.)
La présidente. S'il vous plaît !
M. Jacques Jeannerat. Encore une fois, même s'il y a une relation commerciale privée entre l'exploitant, qui est le téléphérique du Salève, et le restaurant, on doit faire en sorte qu'une clause prévoie que soient servis des vins genevois au téléphérique du Salève ! Le groupe LJS votera ce projet de loi !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13674 est adopté en premier débat par 56 oui et 19 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 8.
La présidente. Nous votons à présent sur l'article 9 «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Mis aux voix, l'art. 9 est adopté par 53 oui contre 18 non et 18 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement déposé par M. Romain de Sainte Marie, qui crée un article 10 souligné dont la teneur est la suivante:
«Art. 10 (souligné) Modification à une autre loi (nouveau)
La loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement (LRDBHD - I 2 22), du 19 mars 2015, est modifiée comme suit:
Art. 29A Vins locaux (nouveau)
L'exploitant doit proposer un ou des vins produits dans le canton de Genève sur sa carte.»
Mis aux voix, cet amendement (nouvel art. 10 souligné) est adopté par 57 oui contre 21 non et 11 abstentions.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13674 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 23 non et 6 abstentions (vote nominal).
Débat
La présidente. Nous passons à l'urgence suivante, soit la M 3148, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à Mme Alia Chaker Mangeat, première signataire.
Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, un petit rappel historique s'impose. Vous vous souvenez que la LPol a été adoptée en 2015 et qu'elle a introduit un modèle centralisé, articulé autour d'une formation unique à Savatan, d'un recrutement commun et d'une organisation en grandes unités spécialisées.
A l'époque, les syndicats de police avaient alerté sur les risques d'une telle architecture: la perte d'autonomie des services, la rigidité bureaucratique et l'éloignement des réalités du terrain. Face à ces critiques persistantes, le Grand Conseil a voté en 2022 une réforme visant en substance à réintroduire une formation locale, à Genève, à simplifier l'organisation de la police et bien sûr à améliorer la présence sur le terrain.
Cette révision suscitait beaucoup d'espoir, elle devait vraiment marquer un tournant. Or, sa mise en oeuvre est restée incomplète. La motion du Centre n'aurait pas vocation à exister si le travail avait été mené, car, en réalité, elle demande l'application de la loi votée en 2022, qui tarde à venir.
Tour d'abord, le retour de la formation à Genève a été repoussé à 2029. Or, une formation dans notre canton permettrait non seulement d'assurer un cursus axé sur les spécificités cantonales - ce qui n'est pas anodin dans le domaine de la police -, mais aussi de faciliter le recrutement de Genevois et de susciter davantage de vocations parmi eux.
Comme les syndicats de police, nous peinons à comprendre pourquoi le transfert de la formation tarde autant. Les Valaisans ont réalisé ce rapatriement en un an. Et nous disposons déjà de l'espace de formation de la police de la Fontenette. Aussi, la motion demande que le délai soit revu à fin 2026.
Par ailleurs, les affectations d'aspirants continuent d'être massivement orientées vers la gendarmerie plutôt que vers la police judiciaire. Je ne veux pas opposer les uns aux autres, mais la police judiciaire devrait compter 325 équivalents temps plein, alors qu'elle n'en réunit aujourd'hui que 290. A la sortie de la formation, seuls 18 aspirants sont affectés à la police judiciaire, contre 181 à la gendarmerie. Cela représente moins de 10%, alors que la police judiciaire fait face à un besoin criant de forces vives et de renouvellement. C'est la raison pour laquelle la motion demande un taux de 20%.
De plus, la structure hiérarchique est restée la même, rigide et lourde. La motion invite le Conseil d'Etat à réduire la bureaucratie et à diminuer la hiérarchie en supprimant les strates intermédiaires et en renforçant les postes de coordination.
Mesdames et Messieurs, les dysfonctionnements actuels ne se traduisent pas uniquement par des difficultés internes, mais ont un impact mesurable sur la sécurité des Genevois. Les enquêtes retardées permettent à certains auteurs de crimes et de délits de rester en liberté plus longtemps, augmentant évidemment le risque de récidive et affaiblissant la confiance du public en la justice.
Les délais prolongés dans la prise en charge et l'audition des victimes, notamment dans les affaires de violences sexuelles ou intrafamiliales - qui explosent, d'ailleurs -, aggravent leur détresse et compromettent la conservation des preuves. La diminution des opérations, tout simplement, réduit la capacité de la police à prévenir les infractions et à faire preuve d'initiative, notamment dans la lutte contre la criminalité organisée ou le trafic de stupéfiants, qui sont des domaines vraiment essentiels. La gendarmerie genevoise, elle aussi, malgré un travail extraordinaire, souffre d'un sous-effectif chronique...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Alia Chaker Mangeat. ...qui l'empêche d'assurer pleinement le socle sécuritaire. On constate des délais d'intervention allongés, des appels d'urgence non couverts, en particulier la nuit, une présence insuffisante sur la voie publique, etc. Les gendarmes sont appelés même sur leurs congés, accumulent les heures supplémentaires et voient leur moral s'éroder, lorsqu'ils ne sont pas tout simplement épuisés.
Dans le même temps, certaines de leurs attributions présentent encore un flou par rapport aux missions des polices municipales. La motion demande donc qu'une meilleure distinction soit faite entre les différents rôles. Elle invite également à définir pour la police en général des priorités d'action, afin d'affecter les effectifs aux tâches les plus importantes.
En conclusion, Mesdames et Messieurs, la présente motion propose de restaurer l'équilibre entre proximité et investigation ainsi qu'entre urgence et anticipation. Elle vise à réintroduire la filière de recrutement propre à la police judiciaire, à alléger la hiérarchie et à recentrer les moyens de la police autour des missions prioritaires ainsi que du travail sur le terrain.
Appliquer ces mesures, c'est assurer que Genève retrouve une police judiciaire et une gendarmerie solides, réactives et pleinement au service de la population. Mesdames et Messieurs, vous avez entendu le cri d'alarme, si ce n'est de détresse, de la police. Nous devons prendre nos responsabilités aujourd'hui, pas demain et encore moins après-demain !
C'est pour cela que Le Centre vous demande de voter cette motion sur le siège. Vous l'avez compris, il y a urgence, et ça, personne ne peut le nier. C'est une motion, le Conseil d'Etat est donc appelé à rendre un rapport sur les réformes concrètes qu'il entend mener. De plus, Mesdames et Messieurs, si vous souhaitez renvoyer ce texte en commission, j'attire votre attention sur le fait que la commission judiciaire et de la police siège le jeudi soir. Or, d'ici Noël, savez-vous combien de séances de commission sautent ? Sept, entre le jeûne genevois, les vacances et nos séances plénières !
Ne pas voter sur le siège signifie simplement ne pas vouloir avancer dans la réforme concrète. Par conséquent, je vous remercie de réserver un accueil favorable à cette motion, au vu de l'urgence et de son importance pour la police.
M. Jean-Pierre Pasquier (PLR). Mesdames et Messieurs, le PLR remercie le groupe du Centre et ma préopinante d'avoir déposé ce texte, parce qu'effectivement, la maison police prend l'eau. Le feu couve, cela a été très bien dit, on est en situation de crise. Juste après notre session de juin, au début du mois de juillet, nous avons été stupéfaits de voir les cadres de la police judiciaire exposer sur la place publique tous les problèmes présents au sein de cette grande maison.
La motion évoque un certain nombre de difficultés, reprises du communiqué de presse de la police judiciaire. Une des dernières invites, Mesdames et Messieurs, Madame la présidente, consiste à demander au Conseil d'Etat de nous fournir un état d'avancement dans douze mois. Ça ne suffit pas ! Nous sommes dans l'urgence. Il est impératif pour la commission judiciaire et de la police d'auditionner rapidement la direction de la police et les syndicats.
Dans douze mois, on aura eu le G7 - et peut-être même le G8 avec le président Poutine. Pensez-vous qu'on a le temps pour que le Conseil d'Etat procrastine pendant un an ? Non, Mesdames et Messieurs, notre responsabilité en tant que députés, c'est d'auditionner la direction de la police et le département lors des prochaines séances de la commission, afin qu'on obtienne des explications.
D'autres textes ont été déposés au sein de ce parlement, notamment pour la réorganisation du dispositif de police de proximité (le PL 13546). Nous avions également travaillé sur le PL 13561, un texte du Conseil d'Etat qui traite de l'académie. On aurait pu demander l'urgence pour cet objet, vu qu'il figure à l'ordre du jour. Pourquoi faut-il attendre 2029 pour avoir une académie de police dans notre canton ? Cet élément est donc aussi présent dans les discussions.
Par ailleurs, je le rappelle, nous avons déposé un projet constitutionnel visant à redéfinir le rôle de la police de proximité. Aujourd'hui, on monte des brigades équestres en plein centre-ville; ça ne va pas, Mesdames et Messieurs ! Il s'agit de redéployer les effectifs de la police là où les missions l'exigent et de clarifier celles-ci pour les policiers, parce qu'à l'heure actuelle, la situation n'est tout simplement pas satisfaisante !
Un certain nombre de textes figurent donc déjà à l'ordre du jour de la commission judiciaire et de la police, et c'est pour cela que nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'y renvoyer cet objet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Masha Alimi (LJS). Cette motion a toute sa pertinence. Nous avons reçu un mail du service de la police judiciaire, dont le contenu est le suivant: «Le vote d'effectifs budgétaires ne peut plus être une réponse suffisante tant que la hiérarchie n'a pas démontré sa capacité à mieux utiliser les ressources déjà à disposition. Sans réforme structurelle, priorisation des missions, simplification de l'organisation, suppression des doublons et rééquilibrage des effectifs, aucune avancée durable ne sera possible.»
Toutefois, c'est un sujet qui mérite d'être davantage étudié, et je ne pense pas qu'il soit pertinent de voter ce texte sur le siège. C'est pourquoi je demande, comme mon préopinant PLR, qu'il soit renvoyé à la commission judiciaire et de la police.
M. François Baertschi (MCG). On n'est véritablement pas sorti des problèmes créés depuis 2015 par la nouvelle loi sur la police, à laquelle le MCG s'était opposé. Ça s'était joué à très peu de voix, il y avait en effet une très forte opposition. Maintenant, nous subissons les difficultés causées par cette loi, qu'elles relèvent des effectifs ou de la structure. Sur ce dernier point, la loi est en effet complètement irréaliste et excessive.
Le MCG a également déposé une motion, qui, à notre sens, traite un ensemble de problématiques non examinées par le texte du Centre. Toutefois, nous allons quand même le soutenir. Néanmoins, une invite nous déplaît, parce qu'elle oppose police judiciaire et gendarmerie. Nous pensons qu'il ne faut pas entrer dans ces querelles de clocher entre les diverses composantes de la police genevoise. Il faudrait donc sans doute supprimer cette invite si la motion était votée sur le siège.
Je suis mes deux préopinants, qui ont proposé le renvoi à la commission judiciaire et de la police, afin que nous puissions examiner cette question de manière tranquille et sereine. On peut le faire vite, dès ces prochaines semaines, et ainsi agir rapidement. On peut même siéger plus que deux heures, c'est-à-dire trois, quatre ou cinq heures; si la commission le désire, cela est possible. Il faut faire preuve d'une certaine souplesse afin de véritablement répondre aux problèmes de Genève, qui sont importants, notamment dans le domaine de la sécurité.
Il y a également des problèmes au niveau de l'organisation de la police. Beaucoup de policiers souffrent de ces difficultés organisationnelles, et je crois qu'il faut les écouter. Pour leur donner une voix, il faut y consacrer le temps suffisant et accomplir le travail de manière efficace et rapide ! Merci, Madame la présidente.
M. Diego Esteban (S). Le groupe socialiste soutiendra la demande de renvoi en commission. Mais je tenais à dire que ce débat est complètement délirant. Ce parlement a une mémoire relativement courte sur un certain nombre d'éléments. On nous dit qu'il y a urgence sur ce texte, comme s'il inventait de toutes pièces une réponse concernant le renforcement des effectifs en matière de police d'urgence - police-secours !
Je souhaitais juste le mentionner, parce que c'est un des premiers sujets sur lesquels je me suis exprimé quand je suis arrivé au Grand Conseil, le 2 novembre 2018, dans le cadre du traitement de la M 2432, soit un texte qui demandait déjà cela. Le Centre avait refusé cette motion à l'époque. Je suis très content de voir que ce parti revient sur sa position, sauf qu'entre-temps, des budgets comprenant des propositions d'augmentation des effectifs de la police ont été refusés, y compris par Le Centre. Je ne comprends donc pas pourquoi on devrait aujourd'hui accorder au Centre l'urgence de visibiliser son soudain revirement de position sur ces questions.
Il y a quand même un élément contextuel à prendre en considération. Le syndicat de la police judiciaire a proposé à tous les groupes du Grand Conseil une rencontre pour discuter des enjeux d'actualité: c'est une excellente chose, j'encourage tous les partis ici représentés à entretenir des discussions avec le terrain ! Evidemment, c'est un peu déconcertant pour quelqu'un de gauche de dire: «Attention, n'écoutons pas uniquement les syndicats avant de prendre position !» Mais c'est quand même relativement important, parce qu'on demande ici à ce Grand Conseil de voter sur le siège une modification de l'organisation de la police sans recueillir l'avis de la police !
Le vote sur le siège revient à contourner l'avis des forces de l'ordre en ne tenant compte que de la position du syndicat de la police judiciaire, qui ne représente pas l'entier de la police; il y a d'autres syndicats ainsi que le reste du personnel, d'autres considérations doivent donc être prises en compte. Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a vraiment aucune raison de procéder à ce vote en urgence ce soir, c'est pourquoi le groupe socialiste vous encourage à accepter le renvoi en commission ! (Applaudissements.)
Mme Dilara Bayrak (Ve). Je ne vais pas être aussi vigoureuse dans mon discours, mais j'aimerais quand même rappeler qu'il n'y a même pas un an, nous avons voté le report du retour de la formation de la police à Genève. Cela s'expliquait par le fait que le magistrat précédent n'avait effectué absolument aucune démarche visant à concrétiser ce rapatriement et que la loi n'était juste pas respectée ni respectable. Nous avons donc dû repousser malgré nous ce délai à 2029.
Et maintenant, par le biais d'une motion, nous revenons sur ce délai. Or, à mon avis, cette question n'est pas le véritable enjeu de ce texte ni des craintes et des appels à l'aide de la police judiciaire, le sujet étant principalement de créer une filière propre à la police judiciaire et, dans l'intervalle, qu'elle bénéficie d'un certain quota pour qu'elle puisse remplir ses missions et compter plus de personnel qu'elle n'en a aujourd'hui. Selon ce que j'ai compris, la partie principale des effectifs va à la gendarmerie, puis les restes vont à la police judiciaire; ce sont les propos qui ont été relayés dans les médias.
A ce stade, avec la présentation qui nous est faite dans cette motion et les échos que nous avons eus dans les médias, il est juste exclu qu'on vote cette motion en urgence, dès lors que le MCG a déposé un texte similaire et que nous traitons à la commission judiciaire d'objets en lien avec l'organisation de la police. Franchement, une telle méthodologie ne s'explique pas, si ce n'est pour offrir une visibilisation.
L'urgence a toutefois été soutenue par les Verts, puisqu'il y a bien urgence à discuter de ce sujet. Les cris d'alerte de hauts cadres, et pas que de syndicats, sont quand même assez surprenants. C'est pour ça qu'on prend ces quelques instants pour échanger sur l'importance du constat. J'espère que la magistrate en a eu écho par d'autres moyens que la presse. Mais c'est clair qu'au niveau de la police ou de l'office cantonal de la détention, il y a des choses qui ne tournent pas rond. Nous souhaitons effectivement que ces questions soient réglées.
Le fait que, malgré la loi sur la police votée en 2015 puis modifiée en 2023, ces unités, ces silos existent toujours, alors que nous souhaitions nous en débarrasser, est clairement un élément qui va à l'encontre de la volonté du parlement et qui n'est pas satisfaisant. Mais ce n'est pas vraiment corrélé à la question de la police judiciaire ou au fait qu'elle bénéficie d'une filière propre ou d'un certain quota quant à ses effectifs. On est donc un peu en train de tout mélanger avec cette motion. Elle est intéressante, elle fait écho aux besoins actuels de la police judiciaire, mais on ne pourra pas la voter en urgence ce soir, c'est exclu ! (Applaudissements.)
Mme Alia Chaker Mangeat (LC). J'entends tout à fait les arguments des socialistes, vu que pour eux, le seul moyen de répondre à un problème, c'est de voter des budgets et d'augmenter les effectifs ! Or, le travail qui doit être mené en amont et qui doit précéder une augmentation potentielle des effectifs de police consiste à analyser l'organisation et à réallouer les ressources de manière satisfaisante. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est précisément ce que demande cette motion.
Encore une fois, il s'agit d'une motion. Nous demandons qu'elle soit votée sur le siège. En parallèle, vu qu'il y a effectivement aussi le texte du MCG, on aura tout le loisir et tout le temps en commission d'auditionner les syndicats ainsi que le Conseil d'Etat et de refaire le travail mené en 2022. Je n'ai pas d'objection à cela, simplement, je ne comprends pas pourquoi on doit chaque fois faire le travail à double, voire à triple !
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Alia Chaker Mangeat. Je continue donc à appeler au vote sur le siège de cette motion. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, au fond, l'urgence, ce n'est pas de voter ce texte sur le siège ou de le renvoyer en commission, l'urgence, c'est l'insécurité croissante à Genève, qui a fait que de nombreux textes ont été déposés. Ce n'est pas un hasard, et je n'ai jamais vu autant d'objets déposés sur l'insécurité croissante à Genève. Il y en a même deux en urgence, l'autre étant celui sur le «home-jacking».
Je crois que ce qui est important, c'est surtout... C'est vrai qu'on va perdre six mois ou plus si on repart en commission. On va nous faire de grandes théories. Si on renvoie tout de suite cette motion au Conseil d'Etat, il nous fournira un rapport dans six mois, ça va donc traîner de la même manière. Par conséquent, on ne sait pas quoi faire !
Le message qu'on souhaite envoyer est le suivant: on demande au Conseil d'Etat de prendre conscience que l'insécurité augmente, que la population a besoin de sécurité et que c'est un élément fondamental. Je pense que la police perd beaucoup de temps à s'occuper de certaines tâches, comme sécuriser les stades. (Remarque.) Mais c'est vrai ! Qu'est-ce qu'ils vont faire dans les stades ? Franchement, à 10 000 francs par mois, sécuriser les stades !
Jamais autant de manifestations n'ont été autorisées. On bloque la ville tous les samedis et des effectifs de police sont mobilisés. (Commentaires.) Quand vous leur posez la question, vous constatez qu'ils sont eux-mêmes vraiment mécontents d'exécuter ces missions. On fait vraiment perdre beaucoup de temps aux forces de police, qui devraient se consacrer à leurs tâches fondamentales, à savoir assurer la sécurité de la population.
Concernant la police judiciaire, c'est la nuit totale ! Il manque beaucoup d'effectifs. Surtout, il y a un sentiment d'impunité qui se développe chez les criminels, qui savent qu'ils ne risquent carrément rien. Vu qu'ils se font attraper au bout du dixième délit, ils sont déjà dans le système de la criminalité; ce sont des multirécidivistes avant même d'avoir été interpellés !
Par conséquent, le Conseil d'Etat doit prendre conscience qu'il faut mettre des mesures en place d'urgence, voire de toute urgence, pour améliorer la sécurité de la population. Ce n'est pas seulement un sentiment d'insécurité, c'est vraiment l'insécurité elle-même ! Et ça ne concerne pas que le «home-jacking», c'est présent dans tous les domaines, et je ne parle même pas de la drogue. Il y a même des pétitions demandant l'arrêt du trafic de drogue là où les gens vont se sevrer: les gens vont à Belle-Idée pour être sevrés, et c'est là qu'ils se fournissent en drogue ! C'est assez intéressant !
Voilà, la balle est dans le camp du Conseil d'Etat, je ne pense pas qu'on ait besoin d'attendre six mois pour agir. Augmentons les effectifs ! Finalement, à quoi sert le service de presse ? (Rires.) Non, mais c'est vrai, autant donner la parole... Il faudrait le supprimer et simplement redonner la parole aux gens qui sont sur le terrain. Il y a au moins dix... Je ne sais pas combien ils sont à travailler là-bas, mais c'est tout ça d'effectifs qui diluent la sécurité.
Mesdames et Messieurs, améliorons la sécurité à Genève ! Madame la conseillère d'Etat, à vous de jouer !
Des voix. Renvoi en commission !
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Esteban pour une minute et huit secondes.
M. Diego Esteban (S). Merci, Madame la présidente. Je tiens juste à répliquer aux propos de ma préopinante du Centre, qui allègue que le PS concrétise son soutien au renforcement des forces de l'ordre là où il y en a besoin uniquement à travers le budget. C'est faux, j'ai mentionné la motion de 2018, que le groupe socialiste a soutenue, ainsi que la dernière révision de la loi sur la police de 2022, que le groupe socialiste a également votée. Le fait qu'elle tente de déformer ces propos illustre plutôt que Le Centre ne soutient la police que lorsqu'il est signataire du texte qui permet de le faire. (Commentaires.)
Vu qu'il me reste encore un peu de temps, je souhaite souligner une incohérence. Parmi les objets à notre ordre du jour figure le PL 13561, que Le Centre a soutenu, qui repousse l'échéance du retour de la formation de la police à Genève à 2029. Or, on voterait ce soir une motion demandant que ce délai soit fixé à 2026. Je ne comprends donc pas comment on pourrait adopter ce texte ce soir. Par conséquent, je répète une fois de plus le soutien du groupe socialiste au renvoi en commission.
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Je voudrais revenir sur certains propos qui ont été tenus. La sécurité de la population, c'est une chose, mais cette motion exige aussi une sécurité pour les policiers ! Je pense qu'il faut se mettre à leur place. Le fait qu'ils soient appelés alors qu'ils sont en vacances ou en congé, j'estime que c'est un peu lamentable. Je souligne que cette motion va dans ce sens, c'est le principal, et c'est ça qu'il faut faire.
Maintenant, pour répondre à M. Falquet, les policiers n'ont pas le droit d'intervenir dans les stades et assurent la sécurité à l'extérieur. S'il ne le sait pas, alors il faut qu'il se renseigne ! Je vous remercie, Madame la présidente.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas trop quoi vous dire, entre «Merci pour ce moment !»... (Commentaires.) ...«Heureusement que vous êtes là !» et «Les faits sont têtus !». Permettez-moi d'abord de prendre acte d'une nouvelle tendance du Grand Conseil: on ne cherche plus à appliquer un programme ou une vision, ça impliquerait peut-être un peu de travail de cohérence ! Non, aujourd'hui, on se contente de se faire le haut-parleur de groupes d'intérêts, qui d'ailleurs ne sont pas parmi les groupes habituellement proches du parti qui s'en fait le relais. Mais au fond, pour créer un lien avec l'objet précédent, peu importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse des projecteurs ! (Commentaires.)
Une voix. Ça suffit maintenant !
Une autre voix. Laissez-la parler !
Mme Carole-Anne Kast. Excusez-moi, Monsieur le député, mais je pense effectivement que c'est assez paradoxal d'être saisi d'une motion qui demande de contredire une loi votée par le même groupe ! Je trouve qu'il est assez paradoxal qu'un groupe dépose une motion visant à faire autrement qu'une loi votée par le groupe en question. Je trouve qu'il est assez paradoxal de revenir sur une loi de 2015, votée par la majorité de votre parlement et par la suite fortement décriée par une partie des groupes qui l'avaient combattue à l'époque, mais aussi par certains des groupes qui l'avaient soutenue, pour nous demander de faire l'inverse de ce que vous aviez voté. Et je trouve qu'il est également assez paradoxal de décréter une urgence alors que les faits et les statistiques ne la démontrent pas !
Mesdames et Messieurs, on peut se dire que le nouveau travail des députés est de se faire le relais de certaines préoccupations; je ne suis pas complètement en désaccord avec ça ! Mais il faut garder, je dirais, une certaine modestie. Se faire le relais d'une préoccupation, c'est très bien; en revanche, décréter des principes qui ne sont pas argumentés, qui n'existent pas ou qui vont à l'encontre de ce qu'on a voté, c'est moins bien ! C'est là que j'ai un peu plus de peine à comprendre, je dois le reconnaître.
A quoi sert le débat de ce soir, si ce n'est, pour Le Centre, à montrer qu'il a une préoccupation pour la police judiciaire ? C'est bien, moi aussi, et je le dis en réponse à M. Falquet, j'ai une préoccupation pour la police judiciaire, pour la gendarmerie et pour la sécurité dans ce canton ! C'est normal, c'est inhérent à ma fonction: je pense que si je n'ai pas cette préoccupation-là, je ne fais pas bien mon travail !
Par contre, si vous commencez à décréter des choses qui ne sont simplement pas possibles ou qui ne s'appuient sur aucun argument ou fait, vous ne facilitez pas la vie de la police. Dans le cadre d'une telle motion, des notes me parviennent. On évoque la suppression du service de communication: je relaierai cette proposition, Monsieur Falquet. Je pense qu'on pourra vous montrer à quel point nous sommes sollicités par les médias et qu'il est important qu'on puisse décharger les policiers de ces demandes, en ayant du personnel consacré à cette tâche qui ne soit pas policier, parce que les policiers, c'est quand même mieux s'ils sont sur le terrain plutôt que dans des bureaux à répondre aux journalistes ! Il me semble donc que ça va plutôt dans le bon sens !
Par ailleurs, j'entends que l'inefficacité de la police laisse des criminels en liberté, alors que le même groupe me reproche qu'on met trop de gens en prison ! Je dois dire que je ne comprends plus rien ! (Remarque.) D'autres affirment qu'il faut plus d'effectifs, alors qu'ils refusent les budgets lorsqu'on les propose. Ça aussi, c'est quand même très difficile à appréhender. Et puis, in fine, et alors là, c'est le pompon, si vous me permettez l'expression, ou devrais-je dire le pin-pon - je crois que je la fais lors de chaque session du Grand Conseil; je vais continuer ! C'est le pin-pon: vous me demandez de créer une filière spécifique pour la police judiciaire. Ce qui est extraordinaire, c'est que cette thématique a été abordée au sein de la commission judiciaire et de la police, à l'occasion du projet de loi qui justement explique pourquoi on retarde l'entrée en vigueur de la formation de la police.
Dans le cadre du traitement de cet objet, pour peu que certains se donnent la peine de lire le rapport qui a été rédigé et qui figure à votre ordre du jour, il a été expliqué qu'il existe un seul brevet fédéral de police. Par conséquent, comment est-ce que je pourrais créer une filière spécifique pour la police judiciaire ? Je ferme l'entrée... Je demande une formation complémentaire au brevet ? Cela veut dire, très sincèrement, qu'il n'y aura plus aucun aspirant qui ira à la police judiciaire puisqu'ils n'auront pas cette formation spécifique. Ou alors je crée une formation spéciale qui n'est pas reconnue au niveau suisse ? Cela signifiera à ce moment-là que les policiers judiciaires n'auront plus de mobilité professionnelle et qu'ils seront cantonnés dans leur fonction actuelle.
Mesdames et Messieurs les députés, je crois que du point de vue des syndicats, de la hiérarchie de la police et du Conseil d'Etat, aucune de ces solutions n'est totalement satisfaisante, elles sont plutôt carrément insatisfaisantes, et nous ne voulons pas aller dans cette voie. Donc, s'il vous plaît, un peu de logique et de cohérence !
Quand on me demande d'affecter des aspirants à la police judiciaire... Mais qu'est-ce qu'on fait des transferts en cours d'année ? Oui, parce que vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que le métier de policier est assez difficile pour qu'on puisse envisager une mobilité professionnelle interne. Quand un policier part à la retraite, généralement, ça ne coïncide pas parfaitement avec la sortie de formation d'un aspirant. Il existe en effet des possibilités de mobilité à d'autres moments dans l'année. On permet aux gens de changer de filière, éventuellement de passer de la gendarmerie à la police judiciaire - l'inverse aussi est possible, même si c'est plus rare, cela existe également.
Alors doit-on vraiment faire ce calcul en ne tenant compte que des aspirants ? Et que fait-on des ASP, qui constituent un soutien fondamental pour la gendarmerie et pour certaines missions spécifiques pouvant ressortir à la police judiciaire ? Que fait-on des experts scientifiques, qui, eux, apportent un soutien fondamental à la police judiciaire ? Il peut s'agir d'experts-comptables, d'experts forensiques; des experts scientifiques, il y en a de toutes sortes, ils font partie des ressources de la police judiciaire. C'est comme si ces gens n'existaient pas !
Mesdames et Messieurs, il y a deux ans, lors du budget, je suis venue presque vous supplier de voter deux postes de secrétaires pour les auditions EVIG - je ne sais pas si vous vous souvenez. Vous les aviez d'ailleurs acceptés, je vous en remercie. Ce personnel administratif et technique est fondamental pour que le travail de la police judiciaire puisse s'exercer. Or, cette motion fait fi de tout ce personnel qui accompagnent les policiers. Ce n'est pas sérieux !
La police mérite mieux que ça. Elle mérite mieux qu'une appréciation à brûle-pourpoint. Elle mérite mieux que de sortir de fausses vérités, du style «la criminalité augmente», alors que les statistiques disent le contraire. Certains secteurs sont en baisse et d'autres en hausse; la réalité est nuancée.
Alors, Mesdames et Messieurs, vous pouvez faire ce que vous voulez de cette motion, mais si vous souhaitez qu'on travaille à améliorer les conditions au sein de la police (c'est ma volonté, et je crois pouvoir imaginer que c'est aussi la volonté d'une majorité de ce parlement !), arrêtons de déposer des textes qui visent des effets d'annonce et essayons de donner la parole à ceux qui font vivre la police, que ce soit les syndicats (tous les syndicats; il y en a quatre à la police, pas un, mais quatre !), les cadres, les cadres intermédiaires ou la hiérarchie, qui vous expliqueront quelles sont les contraintes dans ce domaine. Et qu'on se pose aussi deux secondes la question des lois que nous-mêmes nous faisons, que vous-mêmes vous faisez...
Une voix. Faites !
Mme Carole-Anne Kast. Que vous-mêmes vous faites, vous avez raison, Monsieur le député. ...et que j'ai peut-être moi-même faites un certain temps, qui imposent des missions à la police. Vous trouvez qu'on encadre trop les manifestations sportives ? C'est de la sécurité publique, Monsieur Falquet ! Est-ce qu'on doit baisser le niveau de sécurité publique ? Certains pensent qu'on n'en fait pas assez au sujet de la drogue, d'autres considèrent qu'on en fait trop dans le domaine de la petite délinquance. De même, certains estiment qu'on en fait trop s'agissant des mendiants, alors que d'autres sont d'avis qu'il faut voter des lois plus strictes en la matière.
Mesdames et Messieurs les députés, notre mission, c'est d'appliquer la loi. C'est valable pour le Conseil d'Etat, ça l'est aussi pour la police. Ça ne sert à rien de voter des motions qui décrètent certaines choses. Posons-nous les bonnes questions ! Est-ce que nous avons les effectifs pour accomplir notre mission ? Quelle est l'organisation de la police ? Il n'y a pas de problème, on peut en discuter...
La présidente. Madame Kast, il vous faut conclure, s'il vous plaît.
Mme Carole-Anne Kast. Merci, Madame la présidente. ...mais sur la base de faits réels, pas de faits tronqués ou de visions partielles de ce qu'est l'organisation de la police. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je lance le vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3148 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 80 oui contre 8 non.
Débat
La présidente. La prochaine urgence regroupe les points liés R 1071 et R 1072. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je passe la parole au premier signataire, M. Lionel Dugerdil.
M. Lionel Dugerdil (UDC). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, en préambule et pour répondre à une précédente intervention du député Wolfisberg - vous transmettrez, Madame la présidente -, la viticulture et l'agriculture suisses sont des secteurs qui bénéficient évidemment d'une économie prospère et qui s'en rendent parfaitement compte. Nous sommes conscients de l'importance des accords que la Suisse signe avec l'étranger, mais nous faisons également remarquer que la monnaie d'échange est systématiquement le monde agricole. Par conséquent, il ne nous paraît pas illégitime de demander à l'économie un retour sur investissement.
Maintenant, quelques mots pour vous expliquer le contexte de ces résolutions. Je vous prie, chères et chers collègues, de m'excuser pour tous les chiffres que je vais citer, mais ils sont nécessaires à la compréhension de la situation. L'importation de vin bénéficie d'un contingent tarifaire qui permet aux acteurs du domaine de ne s'acquitter que d'une modique taxe préférentielle, à savoir une trentaine de centimes par litre. Ce contingent avait été négocié en 1994, lorsque la consommation nationale de vin s'élevait à 310 millions de litres et la part des vins suisses, avant les accords de l'OMC, à 44%.
Il se trouve qu'aujourd'hui, la consommation nationale est de 238 millions de litres tandis que la part des vins suisses se situe à 32%. Le contingent d'importation est de 170 millions de litres, et en 2024, sur ces 170 millions de litres, seuls 140 millions ont été utilisés. Il ne s'agit donc pas d'un contingent tarifaire, mais bel et bien d'une invitation à importer du vin dans notre pays à bas coût. Les vins suisses pâtissent de ce système et restent sur le carreau.
Pour éviter que la Suisse n'arrache ses vignes au profit de vins ayant parcouru de nombreux kilomètres, sans parler des normes sociales et environnementales selon lesquelles ils sont produits, nous devons réglementer le commerce de ces bouteilles qui arrivent massivement dans notre pays. Au vu des chiffres présentés, nous estimons nécessaire d'adapter le contingent à la production et à la consommation nationales ainsi que de le revoir annuellement; c'est là exactement ce que demandent ces textes.
Voilà pourquoi le groupe UDC, y compris, même, le député Nidegger, parti à la buvette, mais qui se joindrait à nous s'il était présent... (Rires.) ...vous demande de les accepter. Merci, chers collègues.
Une voix. Je vais le chercher !
Une autre voix. Bravo, Lionel !
M. Geoffray Sirolli (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR soutiendra, au nom de la viticulture, ces résolutions de notre collègue UDC. Pourquoi les défend-il ardemment aujourd'hui alors qu'il avait précédemment émis quelques doutes et réserves à leur sujet ? Parce que la viticulture représente un secteur comme un autre, et mon collègue boulanger, juste à ma gauche - qui est apparemment allé rejoindre notre ami Nidegger... (Rires.) -, nous l'a bien expliqué.
Dans ce domaine, chacun doit s'adapter, chacun doit innover, et les entrepreneurs le font. Mais tout le monde doit aussi - et je pense qu'il s'agit là d'un mantra du PLR - se battre à armes égales. C'est exactement ce que proposent ces résolutions et c'est pourquoi le PLR les votera.
Il ne s'agit pas d'aider certains acteurs ou de les subventionner aux dépens des autres, mais vraiment de laisser aux agriculteurs suisses la possibilité de montrer ce qu'ils valent: que le meilleur gagne, que l'on consomme le vin du vigneron helvétique qui a produit le meilleur, et pas parce que c'est le moins cher ou qu'il a été fabriqué de façon différente.
Le groupe PLR veut vraiment marquer son soutien à la viticulture à travers ces textes. Ce qui est important pour nous, c'est qu'on n'invente pas quelque chose, on ne crée rien, on reprend simplement un système qui existe déjà et on le met à jour - le procédé a très bien été expliqué juste avant. En effet, il n'est pas normal de se baser encore sur des chiffres qui datent des années 90 alors que la consommation et les habitudes de la population suisse ont complètement changé.
Pour toutes ces raisons, nous allons soutenir notre collègue UDC ainsi que l'ensemble de la viticulture genevoise et nous vous engageons à nous suivre. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo.
M. Raphaël Dunand (LJS). Mesdames et Messieurs, chers collègues, la viticulture suisse est aujourd'hui en crise, menacée par une concurrence étrangère déloyale et une baisse dramatique de la consommation. Et quand on n'est pas impacté par ces deux situations, c'est encore le dérèglement climatique ou le gel, la grêle, etc.
Alors que nos producteurs travaillent dans le respect de l'environnement, de la qualité et du patrimoine, ils sont étouffés par des importations massives à un tarif dérisoire qui ne tiennent pas compte de nos réalités locales: coûts de production élevés, charges administratives et j'en passe.
Avec ces deux résolutions, nous demandons au Conseil fédéral d'adapter le volume d'importation du vin en fonction de la consommation et de la production suisses, de faire preuve d'un peu de bon sens et d'attribuer les contingents à ceux qui font l'effort d'agir en faveur de l'agriculture nationale en collaborant, en achetant nos produits et en les mettant sur le marché.
Il ne s'agit pas de fermer nos frontières, mais de nous montrer équitables et de donner une chance à nos viticulteurs de vivre de leur travail. Le groupe LJS et moi-même vous invitons à soutenir ces deux textes. Au nom de la viticulture helvétique, je vous remercie.
M. François Erard (LC). Chers collègues, je ne vais pas revenir sur tous les chiffres qui ont été évoqués par mon excellent collègue Dugerdil. J'aimerais souligner que les vigneronnes et vignerons suisses évoluent dans un contexte très strict du point de vue social et environnemental; elles et ils aiment leur métier et nous le prouvent en proposant des vins de haute qualité et en remportant diverses médailles dans des concours internationaux.
In fine, la proposition de résolution 1071 demande quelque chose de simple, de logique et surtout qui ne coûte rien à la collectivité: il s'agit tout bonnement d'adapter les contingents tarifaires à la réalité de la consommation d'aujourd'hui, et plus à celle calculée dans les années 86 à 88.
La proposition de résolution 1072, quant à elle, concerne l'attribution des contingents d'importation. La loi sur l'agriculture précise qu'il existe plusieurs modes d'importation, notamment la mise aux enchères et la prestation fournie en faveur de la production suisse. C'est sur ce dernier système qu'il convient d'insister, car celui-ci permet d'attribuer des contingents en fonction du volume de produits suisses mis sur le marché par les importateurs. Effectivement, ça répondrait à une certaine logique.
Il faut savoir que les produits importés offrent des marges beaucoup plus importantes que les indigènes, donc les importateurs ne sont pas du tout enclins à mettre ceux-ci sur le marché, ils font moins de bénéfice dessus. Ainsi, il faudrait modifier l'article 45, alinéa 1, de l'ordonnance sur le vin; ça pourrait être fait relativement facilement, car il s'agit d'une ordonnance fédérale relevant de la compétence du Conseil fédéral. Le groupe du Centre vous invite à accepter tant la R 1071 que la R 1072. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, il ne vous aura pas échappé que nous sommes en période de campagne électorale, une fois de plus - je dis ça, je ne dis rien !
J'ai été extrêmement étonné de constater qu'on trouve, parmi les signataires de ces textes, sept députés du groupe PLR ainsi que M. Nidegger. Quand on pense à tout le mal qu'ils nous disent depuis des années des résolutions à renvoyer à Berne ! J'ai vraiment été très surpris, les chaussettes m'en sont tombées sur les sandales... (Rires.)
Une voix. Il ne porte pas de chaussettes ! (Rires.)
M. Pierre Eckert. Bref, il s'agit ici de mesures assez précises à propos de contingentement. Qui dit contingentement dit évidemment dispositifs très protectionnistes; le protectionnisme semble à la mode ces temps - enfin, surtout outre-Atlantique, c'est de là-bas qu'elle vient. Si je comprends bien que l'UDC entend mettre en place des mesures protectionnistes, en revanche, la démarche m'étonne davantage de la part d'autres groupes.
Du côté des Verts, ça ne nous dérange pas plus que ça de faire preuve de protectionnisme; comme vous le savez, nous sommes plutôt critiques vis-à-vis de certains accords de libre-échange, par exemple avec le Mercosur, donc ça ne nous dérange pas plus que ça d'instaurer des mesures protectionnistes.
Le problème que je vois, pour ma part - et c'est la raison pour laquelle je proposerai, avant que nous adoptions ces résolutions, de faire quand même un petit tour en commission -, c'est que plusieurs vins suisses disposent de labels - on l'a souligné - et que nous souhaiterions aussi les exporter. Ce que je voudrais savoir, c'est s'il est possible que nous subissions des mesures de rétorsion de la part de certains pays, notamment ceux avec lesquels nous avons des accords de libre-échange - je pense à l'Union européenne.
J'aimerais bien pouvoir étudier cette question, parce que je ne connais pas le sujet plus que ça, je ne sais pas comment fonctionnent les divers contingents. Voilà pourquoi je demanderai, Madame la présidente, un renvoi en commission. Cela étant, si celui-ci est refusé, nous accepterons de bonne grâce les deux résolutions.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'ai signalé avant, la situation du secteur viticole suisse est extrêmement difficile aujourd'hui, la concurrence internationale fait rage. Dès lors, il est en effet important d'agir, peut-être en faisant preuve d'un certain protectionnisme.
Ma voisine m'a envoyé une publicité - vous ne la verrez pas forcément, je crois que je n'ai pas le droit de la montrer - d'un grand distributeur pour le 1er août: sur fond de petits drapeaux suisses, on vous invite à acheter du vin italien ! Voilà, c'est vraiment le monde à l'envers. Dans ce contexte, il est essentiel pour nous, politiques, de passer à l'action.
Ces résolutions vont dans le bon sens. En effet, il est légitime de demander un contingent, de limiter l'importation de vins étrangers pour favoriser nos produits helvétiques. La consommation de vin en Suisse a baissé de 8% l'année passée; alors sur certains plans, par exemple du point de vue de la santé, on peut aussi s'en réjouir, les Suisses et les Suissesses cherchent peut-être à boire moins de vin ou à privilégier des bouteilles de qualité, produites localement.
En revanche, quand on voit que sur cette diminution totale de 8%, la part des vins suisses est de 16%, là, c'est plus inquiétant. Cela signifie qu'il n'y a pas, en réalité, de report sur les vins locaux: à l'inverse, on observe plutôt une augmentation de la consommation de vins étrangers.
Ce soir, Mesdames et Messieurs, je comprends vraiment ce qui oppose le parti socialiste au PLR. Quand j'entends dire - vous transmettrez, Madame la présidente, au député Sirolli - que le PLR est pour que le meilleur gagne...! Pour que la loi du plus fort l'emporte...! Pour nous, socialistes, c'est exactement le contraire. Depuis mon premier jour au parti socialiste, mon engagement va dans le sens inverse. Nous ne sommes pas pour la loi du plus fort, et ces résolutions - mais je suis heureux que le PLR les soutienne tout de même - ne promeuvent précisément pas la loi du plus fort.
Si nous voulions laisser régner la loi du plus fort, alors, comme le disait M. Eckert tout à l'heure, nous serions en faveur des accords avec le Mercosur, de différents accords internationaux, d'un libre-échange globalisé où s'applique le principe du meilleur qui gagne. En effet, les charges ne sont pas les mêmes, les coûts de production ne sont pas les mêmes, et c'est là qu'intervient la loi du plus fort que vous appréciez tant.
Non, nous ne pouvons pas laisser la loi du plus fort l'emporter; comme on le voit ici dans le domaine de la viticulture, nous ne pouvons pas laisser faire. En tant que représentants de l'Etat, nous devons intervenir et ne pas céder à la loi du plus fort, ne pas laisser «le meilleur gagner», nous devons faire gagner celles et ceux qui produisent du vin local et de qualité. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. J'ai débuté ma carrière il y a quarante ans à l'administration des douanes, je m'occupais alors du dédouanement des vins. Dans le cadre du contingent, le tarif douanier, à la position 22.04 qui concerne les vins, était de 2,80 francs le litre. Si on actualise ce chiffre en fonction de l'indice du coût de la vie, on serait aujourd'hui à 4 francs, loin des 30 centimes actuels. A cette époque, on n'arrachait pas la vigne, les viticulteurs vivaient de leur travail, le consommateur n'en souffrait pas et tout le monde se portait bien.
Il s'agit donc de remettre de l'ordre dans ce domaine, car le contingent constitue en effet l'un des gros problèmes. Auparavant, il était très difficile pour les importateurs d'obtenir des suppléments de contingent; celui-ci était dépassé en cours d'année déjà, pas en fin d'année, comme maintenant - il ne l'est parfois même plus. Mesdames et Messieurs, je vous invite à renvoyer ces résolutions. Merci. (Commentaires.)
La présidente. Les renvoyer en commission ou les voter ?
M. Gilbert Catelain. Les voter.
M. Jean-Marc Guinchard (LC). Très brièvement - il ne me reste pas beaucoup de temps -, lorsque je suis arrivé à Genève, il y a quarante-cinq ans, nous avions la quille de perlant et la quille de gamay, qui étaient d'une qualité assez médiocre. Si, à l'époque, on m'avait dit que nos vignerons finiraient par produire des spécialités telles que celles que nous connaissons aujourd'hui, je n'y aurais pas cru. Et c'est merveilleux ! Un immense travail de recherche a été accompli par ces agriculteurs qui mettent à notre disposition des vins d'une qualité extraordinaire.
L'autre jour, je me trouvais dans une grande surface et j'ai vu des bouteilles de rosé à 3 francs. Mesdames et Messieurs, comment voulez-vous que nos viticulteurs concurrencent de tels prix ? Ce n'est juste pas possible, donc je vous invite à accepter ces deux résolutions. Merci.
Une voix. Bravo.
M. François Baertschi (MCG). Mesdames et Messieurs, le groupe MCG votera les deux résolutions, parce qu'il est nécessaire de soutenir ce secteur économique. Néanmoins, nous émettons deux bémols importants.
D'abord, nous voudrions que l'on protège les populations locales qui travaillent en Suisse, qu'on ne les sacrifie pas sur l'autel de l'ultra-concurrence européenne. Nous sommes très surpris de constater que certains partis européistes se positionnent en faveur de ces textes. Il y a deux poids, deux mesures: quand il s'agit du vin, on se montre protectionniste, mais quand il est question des habitants de notre canton, allez au diable !
Ensuite, j'ai une préoccupation quant à la méthode utilisée. Il faut dire que dans la correspondance de cette session figurent les réponses de l'Assemblée fédérale à quatre de nos résolutions renvoyées à Berne. Quatre ! Je vous demande de consulter la liste des courriers, c'est quand même assez impressionnant. Quatre résolutions ont été renvoyées à Berne qui ont toutes été refusées ! En effet, quasiment l'entier de ces textes, pour ainsi dire, sont rejetés. Il y a quelque chose à en conclure, nous devons nous montrer un peu plus responsables.
Je ne me prononcerai pas sur les objets dont il est question ici, parce que nous estimons, politiquement, qu'il faut les soutenir. Cela étant, nous souhaiterions que le même soutien soit manifesté à d'autres secteurs de la société genevoise, parce qu'il y a vraiment deux poids, deux mesures dans ce canton.
D'autre part, en ce qui concerne la méthode, quand on pense à toutes ces résolutions jetées à la poubelle, c'est un véritable gâchis. Nous devons mener une réflexion sur l'économie de moyens, nous interroger quant à la pertinence des textes que nous transmettrons à Berne: il faudrait en renvoyer beaucoup moins, opérer de meilleurs choix pour aller dans cette direction, et non partir dans tous les sens. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député, et repasse la parole à M. Sirolli pour une minute.
M. Geoffray Sirolli (PLR). Merci, Madame la présidente. Je voudrais répondre à l'interpellation de mon collègue, M. de Sainte Marie, qui dit au final que le PLR veut tirer tout le monde vers le haut. Mais oui, Monsieur de Sainte Marie, exactement: nous souhaitons que tout le monde aille vers le haut ! La loi du plus fort, c'est que tout le monde aille vers le haut.
Le grand problème des socialistes, aujourd'hui, c'est qu'ils tirent tout le monde vers le bas. Le nivellement par le bas, c'est une chose sur laquelle nous ne pouvons pas vous suivre ! C'est un grand problème ! On le voit dans notre pays voisin, à tendance socialiste: tout le monde est tiré vers le bas. Et qu'est-ce qui se passe ?
Une voix. C'est un scandale ! (Rires.)
M. Geoffray Sirolli. C'est la catastrophe ! Mais oui ! Gardons nos valeurs helvétiques, la liberté, le libéralisme, c'est l'essence même du PLR, qui a construit la Suisse. Voilà ce qui nous tire vers le haut, Monsieur de Sainte Marie, et pas l'inverse, pas les pays socialistes.
Une voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. Madame Bidaux, il vous reste sept secondes.
Mme Patricia Bidaux (LC). Alors j'y vais au pas de course ! Merci, Madame la présidente. Je voulais juste indiquer que ces résolutions ont été transmises à d'autres cantons, qui se les sont appropriées; c'est dire l'importance qu'elles soient votées ce soir. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien !
La présidente. Merci pour votre concision, Madame la députée ! A présent, j'ouvre la procédure de vote sur le premier objet...
Une voix. Il y a une demande de renvoi en commission !
La présidente. C'est juste, j'avais oublié. Nous nous prononçons d'abord sur la proposition de renvoi de la R 1071 à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 1071 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 54 non contre 14 oui.
Mise aux voix, la résolution 1071 est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral par 74 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
La présidente. Nous passons au second texte... (Remarque.) Vous maintenez la demande de renvoi en commission, Monsieur Eckert ? (Remarque. Commentaires.) Non, très bien. Je mets donc la résolution aux voix.
Mise aux voix, la résolution 1072 est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral par 73 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
La présidente. Mesdames et Messieurs, je vous souhaite à tous une bonne soirée et vous retrouve demain à 14h !
La séance est levée à 22h50.