République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 20 juin 2025 à 14h
3e législature - 3e année - 2e session - 11e séance
PO 6-A
Débat
La présidente. C'est maintenant le tour du PO 6-A (catégorie III). Nous prenons acte... (Remarque.) Pardon, Monsieur de Rougemont, je n'avais pas vu; vous avez la parole.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Merci, Madame la présidente. Le groupe des Verts va demander un rapport complémentaire au Conseil d'Etat pour des raisons que je vais énumérer brièvement. Le postulat que nous avons envoyé au Conseil d'Etat lui demande «d'étudier et de nous présenter les lignes rouges au-delà desquelles il jugerait que le projet de FCC va à l'encontre des efforts collectifs auxquels notre canton et la Suisse se sont engagés à participer pour contenir - tant que faire se peut - les ravages du réchauffement climatique, sauvegarder la biodiversité et faciliter la transition énergétique [...]». Bien !
La réponse que nous avons reçue, quand j'en sors la substantifique moelle, ce sont des «points de vigilance». Dans la réponse, on parle bien en effet de points de vigilance, qui sont, verbatim: «minimiser les effets sur l'environnement», «minimiser les émissions de gaz à effet de serre», «garantir que le projet respecte les plans d'urbanisme et d'aménagement du territoire» - ce qui paraît évident -, etc. Il est donc facile de conclure, malheureusement, que nous n'avons pas reçu de lignes rouges. Une ligne rouge, c'est très simple, c'est un indicateur chiffré à ne pas dépasser, par exemple, une certaine consommation énergétique, une certaine consommation de terres agricoles ou une quantité de déblais additionnels que nous devons gérer. Ce n'est pas ce que nous avons reçu.
Nous sommes insatisfaits: nous n'avons pas reçu de réponse énonçant des lignes rouges. Ce qu'on a sous les yeux, c'est un nuage rose: tout va bien, quoi qu'il en coûte - entre les lignes, c'est ça. Mais en fait, non, ce n'est pas quoi qu'il en coûte ! Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ont pour rôle de protéger le territoire et de le rendre dans le meilleur état possible aux générations suivantes, et ce projet le met en danger. Nous avons simplement demandé s'il y a des lignes rouges: apparemment, non.
Nous traitons très peu de postulats dans ce Grand Conseil; l'article 161, alinéa 4, de la LRGC prévoit que si, sur la substance, le Grand Conseil ne reçoit pas de réponse au postulat, il peut solliciter un complément. C'est ce que les Verts vous demandent de voter. (Applaudissements.)
M. Pascal Uehlinger (PLR). Je commencerai en disant qu'il nous a été exposé, au niveau du CERN, qu'ici ou ailleurs, ce collisionneur se ferait: s'il n'est pas construit en Suisse, ce sera en Chine, aux Etats-Unis ou en Inde. Quel est le pays aujourd'hui où les meilleures conditions sont fournies, tant environnementales, salariales que du point de vue du traitement des déchets ? Il paraît clair que notre pays, pour ces éléments, est un des leaders.
Ce qui me fait légèrement sourire, c'est l'hypocrisie des Verts. Quand on parle de la Genève internationale, de la Genève du numérique, de la Genève capitale du numérique, on est tous enthousiastes. Quand vous écoutez les gens qui viennent à Genève, ils font tous référence au CERN, à ses besoins en force de calcul, à ses besoins quant aux évolutions du numérique, et un lien direct est établi entre le numérique et le CERN. Cela fait septante ans que cet établissement est chez nous, qu'il se développe, avec de la formation, des chercheurs, autant de choses qui sont beaucoup plus importantes aujourd'hui que le fait de se demander comment évoluera la consommation d'énergie dans quinze ans, quels seront les besoins en territoire et comment on pourra gérer ces 91 kilomètres, 91 kilomètres qui, je vous le rappelle, sont essentiellement sur territoire français.
Aujourd'hui, en ce qui me concerne, la réponse du Conseil d'Etat est satisfaisante. Selon moi, on doit soutenir cette institution, qui est à la pointe de la technologie, qui dépend du numérique, qui aborde la notion du numérique quantique - comme on l'a vu à la CACRI, tout dépend du CERN. Je vous prie donc de classer cette affaire. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je repasse la parole à M. de Rougemont. (Remarque.) Attendez, Monsieur, dans le cadre des extraits, chaque groupe n'a droit qu'à une prise de parole. C'est donc à M. Falquet.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, j'espère que je ne vais pas être hypocrite, je m'excuse au préalable ! Je remercie déjà M. de Rougemont d'avoir déposé ce postulat, parce qu'il pose les bonnes questions au Conseil d'Etat, à savoir si la réalisation de cet accélérateur du CERN répond aux exigences de la politique environnementale de Genève, de la politique énergétique, etc. Si nous devions donner au projet du CERN une étiquette énergétique allant de A à G, comme pour les frigos, laquelle donnerions-nous, à votre avis, sachant qu'il prévoit de consommer en électricité l'équivalent d'une ville de 700 000 habitants, c'est-à-dire qu'il siphonnerait toute la production énergétique du canton et plus ? Ceci dans un canton «soucieux», entre guillemets, de mettre en oeuvre la société à 2000 watts, une politique de transition énergétique, une politique zéro émission, tout à l'encontre donc de ce projet. (Brouhaha.)
A la limite, on pourrait accepter un projet scientifique de haute valeur ajoutée, par exemple si ce projet permettait de fournir de l'énergie à Genève et ne pompait, ne siphonnait pas l'énergie du canton. A mon avis, avec les dispositions de la loi sur l'énergie, le Conseil d'Etat doit déjà indiquer que ce projet ne concorde pas avec les exigences de la politique énergétique du canton: il ne répond pas à la transition énergétique puisqu'il va pomper l'électricité de toute la région. Il faut que le Conseil d'Etat prenne ses responsabilités. (Brouhaha.)
Il y a une conscience collective qui n'acceptera certainement pas un tel projet. Je ne parle évidemment pas du but. On ne sait pas exactement quelle est la finalité, puisqu'il s'agit de chercher l'origine de l'univers. Bonne chance ! Il faudrait peut-être aller dans un monastère, les moines iront peut-être plus vite que les scientifiques du CERN. En plus, la population a des besoins essentiels, on a entendu hier qu'il y a des problèmes et des dérapages à tous les niveaux. (Remarque.) Il y a des priorités à Genève avant de gaspiller l'argent du contribuable dans tous les pays européens; occupons-nous déjà des priorités et des besoins de la population. Merci.
Mme Christina Meissner (LC). J'aimerais souligner que ce postulat n'avait aucune intention d'attaquer le CERN. Le CERN est important, mais quand on demande au Conseil d'Etat de répondre clairement et de fixer des lignes rouges, il s'agit effectivement de fixer des limites. On ne peut pas juste dire qu'on va respecter les législations en vigueur. Je vous renvoie d'ailleurs à la réponse du Conseil d'Etat à ma question écrite 2211 par rapport aux surfaces d'assolement qui devraient être utilisées pour ce projet, soit 50 hectares. J'ai demandé comment il entend compenser: la réponse indique qu'elles seront compensées; mais comment ? On ne sait pas.
J'invite le Conseil d'Etat à prendre conscience à un moment donné que la population éprouve une inquiétude. Il y a des injonctions contradictoires: on nous demande d'économiser l'énergie et finalement, pour certaines situations privilégiées, il n'y a pas besoin de respecter la législation ou les limites en vigueur. Alors s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat, faites attention, la population est inquiète et aimerait que la situation soit clarifiée. De nouveau, il n'y a absolument aucune intention malveillante envers le CERN: c'est une organisation qui restera, qui travaille très bien et qui peut continuer à travailler, que ce nouveau collisionneur soit construit ou non.
M. Christian Steiner (MCG). Oui, ce super collisionneur... Ce texte ressemble un peu à de l'écoblanchiment, à une occasion de se faire connaître. (Commentaires.) Oui ! Parce qu'à l'heure actuelle, si vous allez parler avec des ingénieurs, que ce soient les physiciens ou les ingénieurs qui fabriquent des collisionneurs, ils vous expliquent qu'une idée a surgi mais qu'il n'y a pas d'objectif précis de recherche. Ils vous disent: «On sait qu'on devrait trouver quelque chose, mais on ignore quoi; on sait que les électrons n'aiment pas la force centrifuge.» Je précise que je ne suis pas physicien. Au niveau du génie civil, on n'est pas du tout avancé. Le Conseil d'Etat a donc répondu de manière correcte. Il s'est engagé à faire ce qu'il pourra faire, mais il ne sert à rien d'instaurer des lignes rouges sur un projet qui n'est pas plus avancé que ça. Actuellement, l'avis est plutôt qu'il y a peu de chances que ça se fasse, et pour le moment, nous partageons cet avis. Merci.
La présidente. Merci, Monsieur le député. J'invite l'assemblée à se prononcer sur le renvoi au Conseil d'Etat pour lui demander un rapport complémentaire.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur le postulat 6 pour rapport complémentaire est adopté par 42 oui contre 36 non.