République et canton de Genève

Grand Conseil

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PO 6
Proposition de postulat de Philippe de Rougemont, Christina Meissner, Louise Trottet, Julien Nicolet-dit-Félix, Cédric Jeanneret, Lara Atassi, Céline Bartolomucci, Léo Peterschmitt, Pierre Eckert, Emilie Fernandez, Marjorie de Chastonay : Projet de collisionneur du CERN : définir les lignes rouges à ne pas franchir
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 12 et 13 octobre 2023.
M 3007
Proposition de motion de Pascal Uehlinger, Céline Zuber-Roy, Pierre Nicollier, Jean-Pierre Pasquier, Francine de Planta, Philippe Meyer, Darius Azarpey, Natacha Buffet-Desfayes, Alexis Barbey, Joëlle Fiss, Vincent Subilia, Jacques Béné, Thierry Oppikofer, Yvan Zweifel, Adrien Genecand, Alexandre de Senarclens pour un soutien au projet de Futur collisionneur circulaire (FCC) du CERN
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 21 et 22 mars 2024.

Débat

La présidente. Nous arrivons à la dernière urgence de la soirée, à savoir le PO 6 et la M 3007, que nous traiterons ensemble en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au premier signataire du postulat, M. de Rougemont.

M. Philippe de Rougemont (Ve). Merci, Madame la présidente. Déjà, je voudrais commencer par dissiper le malentendu que génère malheureusement la proposition de motion du PLR: ce n'est pas parce que nous sommes critiques face au projet d'accélérateur du CERN que nous sommes des personnes anti-science - c'est vraiment une assertion ridicule ! J'aimerais bien que l'auteur de ces mots les retire. Parce que sans la science, finalement, est-ce que nous saurions que nous touchons aux limites planétaires, aux limites de la nature ? Nous ne le saurions pas; c'est grâce à la science ! Et s'il y a un parti qui relaie la science dans cet hémicycle, je crois que c'est - en grande partie - les Verts. (Commentaires.)

Alors qu'est-ce qui pose problème ? Ce n'est pas à nous, dans cette salle, de nous prononcer sur les aspects scientifiques du projet: ce n'est pas de notre compétence. Par contre, ce projet ne se réalise pas ex nihilo; il se réalisera sur notre territoire, et notre rôle, au Grand Conseil et au Conseil d'Etat, c'est de défendre ce territoire pour nous et pour les générations suivantes. Or il y a vraiment des raisons de penser que ce projet de méga accélérateur met le territoire en danger, par exemple en matière d'énergie. On a pris des engagements au niveau fédéral, au niveau cantonal pour réduire notre consommation et pour remplacer le mazout par des pompes à chaleur, pour remplacer le diesel et le pétrole par des véhicules électriques, si possible collectifs - des transports publics; on a besoin de toute l'énergie possible et disponible !

En plus, avec la guerre entre l'Ukraine et la Russie, on est depuis deux ans en période de boycott et confrontés à une pénurie, dont le risque grandissant d'année en année était déjà annoncé avant la guerre. On enjoint donc aux entreprises, aux communes, aux ménages de faire des économies, on crée une task force énergie, et qu'est-ce qu'on laisserait faire avec ce projet-là ? On laisserait la consommation du canton doubler. Je crois que c'est hautement discutable, et ce n'est qu'un seul aspect - je vais laisser la place à d'autres personnes de mon parti pour qu'elles s'expriment, je vais seulement évoquer celui-là. On pourra aussi parler des déblais: on ne saura pas où mettre les déblais des chantiers genevois dans un an ou deux, sans parler de ceux de Cornavin. Alors imaginez les 9 millions de mètres cubes de déblais générés par ce projet - s'il se fait - et les 500 000 mètres cubes de Choulex: on ne sait pas où les mettre !

Je vais en rester là. Le postulat demande au Conseil d'Etat d'étudier ce projet et de rendre un rapport expliquant les lignes rouges à ne pas franchir, et qu'il le fasse le plus rapidement possible, parce qu'à Berne, on avance vite et les autorités fédérales font tout ce qu'elles peuvent pour ôter à notre canton la possibilité de prendre part à la décision sur ce qui sera fait. Merci pour votre attention.

M. Pascal Uehlinger (PLR). Je ne serai pas polémique: la motion a trois invites qui sont relativement simples. En quelques mots, la première demande simplement au Conseil d'Etat de «manifester officiellement son soutien au projet de Futur collisionneur circulaire actuellement en phase d'étude par le CERN» - un objet qui se construira dans plus de vingt ans, probablement, qui est encore à l'enquête publique et dont les résultats des diverses enquêtes ne sont pas connus ! La deuxième l'invite «à participer largement à l'information de la population genevoise sur le FCC, de manière à dissiper les craintes diffusées par certains milieux dont l'objectivité est loin d'être la principale qualité» - qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut simplement dire qu'on demande au Conseil d'Etat d'informer la population de façon éthique et correcte sur l'état actuel des recherches et sur l'état d'avancement de ce collisionneur. La troisième invite le gouvernement «à sensibiliser la population genevoise sur l'importance d'une telle démarche pour l'image de notre canton dans le monde».

Parlons ensuite de la quantité d'énergie que ce collisionneur va éventuellement utiliser, sachant qu'il y a de fortes chances qu'il se concrétise - s'il peut se concrétiser ici, il peut aussi bien être réalisé en Chine, en Inde ou aux Etats-Unis, et la quantité d'énergie dépensée pour le faire marcher sera exactement la même dans le bilan global de notre planète !

Parlons peut-être encore des conditions de travail. Si l'infrastructure se construit ici, ce sera dans des conditions-cadres de travail qui sont relativement sérieuses, suivies et respectueuses de beaucoup de normes environnementales et autres; ce n'est probablement pas le cas dans tous les pays du monde. Alors cessons peut-être un peu avec l'hypocrisie: quitte à ce que cela se fasse, c'est peut-être le meilleur endroit pour que ça arrive. C'est au centre de l'Europe - la Suisse est un pays qui se trouve au centre de l'Europe - et le CERN est bien une organisation européenne, le nom le dit, qui fait de la recherche sur le nucléaire !

Ensuite, pour ce qui est de l'économie - nous défendons tous l'économie et les emplois, la recherche -, ce sont quand même six cents entreprises qui sont aujourd'hui liées à cette structure. Quant à la formation, ça ne concerne pas seulement la formation des scientifiques de pointe, des physiciens de la physique fondamentale; il y a aussi des ingénieurs, des techniciens qui travaillent là-dedans ! Finalement, cette motion demande simplement d'informer la population et de soutenir une institution qui existe depuis plus de cinquante ans chez nous. J'en ai terminé, Madame la présidente.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'entends parler de FCC et de Choulex; à ne pas confondre avec le Football Club Choulex, qui existe depuis 1919 déjà ! (Rires.) Blague à part, concernant les enjeux pour Choulex et pour le FCC, le CERN fait effectivement partie des institutions présentes dans le canton qui rayonnent au-delà et qui sont aussi l'une des figures de proue de la Genève internationale en matière de coopération internationale et plus largement en matière de recherche. Et la recherche, c'est un élément que nous devons encourager, à Genève; nous devons garder ce rôle de pionniers, ce rôle de capitale européenne, peut-être, en matière de physique fondamentale. A cette fin, notre canton doit en effet soutenir les futurs projets du CERN, de pair avec la Confédération, et faire en sorte que Genève, avec le CERN, puisse maintenir ce rôle de capitale européenne.

Alors en voyant ces deux textes aujourd'hui - une proposition de motion et une proposition de postulat -, qui illustrent finalement deux visions qui s'affrontent, le groupe socialiste adoptera une vision intermédiaire: il soutient ce futur projet du CERN, mais souhaite un renvoi en commission - à la commission de l'environnement, Madame la présidente - pour faire toute la lumière sur la question, pour rassurer peut-être aussi. Avec des auditions, nous pourrons connaître plus précisément ce projet et apporter toutes les réponses aux questions que les habitantes et les habitants de notre canton sont susceptibles d'avoir à son propos, notamment en matière énergétique ou s'agissant des gravats résultant des excavations; cela permettra également de connaître les impacts positifs que pourrait avoir ce futur collisionneur en matière de recherche fondamentale, d'innovation, d'emplois pour Genève.

Par conséquent, Madame la présidente, plutôt que de nous prononcer ce soir sans disposer de toutes ces informations, en ayant un peu une discussion de comptoir - je suis désolé de le dire -, il serait beaucoup plus sage de procéder aux différentes auditions nécessaires afin de pouvoir nous positionner de la façon la plus rationnelle. Raison pour laquelle je demande le renvoi à la commission de l'environnement.

La présidente. Je vous remercie. J'ai pris note de votre demande de renvoi en commission, qui concerne seulement la motion: je vous rappelle que les postulats ne peuvent pas être renvoyés en commission. Celui-ci sera donc voté sur le siège aujourd'hui, à la fin du débat. (Exclamation.) Madame Meissner, vous avez la parole.

Mme Christina Meissner (LC). Madame la présidente, la M 3007 propose de soutenir le projet de futur collisionneur du CERN; le postulat demande au Conseil d'Etat de définir les lignes rouges environnementales à ne pas franchir. Je ne répéterai pas les arguments avancés par les uns et les autres ou l'impact d'un tel projet sur la région. Si le soutien de Genève au CERN n'est pas à mettre en doute, le projet d'un futur collisionneur circulaire de près de 100 kilomètres passant sous le lac et sous le Salève est d'une ampleur qui suscite des craintes légitimes sur son impact, s'agissant tant du chantier que de l'exploitation future. Le CERN est censé communiquer sur ce projet dès le mois d'avril de cette année - cela tombe bien ! Dès lors, il faudrait renvoyer ces deux textes en commission afin que les impacts soient clairement énoncés et que le parlement vote en toute connaissance de cause, et surtout pour que la population touchée reçoive les informations nécessaires.

Maintenant, Madame la présidente, vous venez d'annoncer qu'un postulat ne peut pas être renvoyé en commission. En conséquence, j'appellerai ce parlement à... Il y a différents choix: renvoyer dans tous les cas le postulat au Conseil d'Etat parce qu'il demande... Que demande ce postulat ? Il demande au Conseil d'Etat de rendre un rapport sur les impacts du projet, et il est légitime que nous les connaissions. Quant à la motion, nous pouvons la renvoyer en commission pour attendre peut-être la réponse du Conseil d'Etat sur le postulat et la traiter en connaissance de cause; nous pouvons aussi la voter sur le siège, mais pour autant que le postulat soit également accepté aujourd'hui.

Si nous n'avons pas le choix pour le postulat, ayons à ce moment-là le courage de renvoyer les deux textes au Conseil d'Etat ce soir. Autrement, nous serons inconséquents: nous voterons une motion de soutien à un tel projet sans en connaître les conséquences. Merci.

M. Pascal Uehlinger (PLR). Loin de moi de ne pas vouloir discuter cette motion en commission: le renvoi en commission pour en discuter me va évidemment très bien. Je trouve simplement dommage de déposer l'autre texte sous forme de postulat pour essayer de faire passer en force quelque chose qui ne sera pas discuté en commission.

Une voix. On n'a pas le choix !

Une autre voix. Il ne fallait pas déposer un postulat !

M. Jacques Jeannerat (LJS). Je viens de relire les deux textes - les invites et tout ça, et tout ça, et tout ça. Moi, au fond, je ne vois pas tellement ce qu'apporterait un passage en commission ! La motion demande des choses assez simples; si on ne peut pas renvoyer le postulat en commission, je pense qu'il faut aussi, à ce moment-là, directement renvoyer la motion au Conseil d'Etat. Le groupe LJS votera pour le renvoi au Conseil d'Etat tant du postulat que de la motion - ils ne sont pas forcément contradictoires - et le Conseil d'Etat nous fera un rapport global. Je pense que c'est une bonne solution.

M. David Martin (Ve). Le fait que ce texte soit un postulat n'est pas volontaire ! Ce n'est donc pas une volonté d'entrer en force... (Rires. Commentaires.) ...mais comme c'est un postulat et que nous ne pouvons pas le renvoyer en commission, nous partageons l'avis de M. Jeannerat, qui consiste à renvoyer les deux textes au Conseil d'Etat: l'un qui parle du soutien au projet, l'autre - le nôtre - qui attire l'attention sur ses impacts, qu'on aimerait connaître à l'avance. En s'emparant des deux textes, le Conseil d'Etat pourra nous faire une réponse extrêmement approfondie, détaillée, circonstanciée, qu'on se réjouit de recevoir. Et cette réponse, si on le souhaite, on pourra la renvoyer en commission pour l'analyser et la comprendre en détail. Je pense donc qu'il faut garder ces deux textes ensemble.

M. Patrick Dimier (MCG). Madame la présidente, est-ce qu'on peut geler ? (Rires.) Est-ce qu'on peut le geler ?

La présidente. Oui, vous pouvez faire une demande d'ajournement, pour un postulat.

M. Patrick Dimier. La question, c'est qu'il semble y avoir un débat du fait d'une éventuelle divergence entre les deux textes; adopter une posture de réserve sur le postulat pourrait être la solution pour sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons ! Et je pense que... en tout cas, je le propose.

La présidente. Je vous remercie. J'ai pris note de votre demande d'ajournement du postulat, qui sera votée à la fin du débat, comme le renvoi en commission de la proposition de motion. Madame Meissner, vous avez la parole pour trente-huit secondes.

Mme Christina Meissner (LC). Merci, Madame la présidente. Je pose la question: pourquoi ajourner un texte qui demande simplement au Conseil d'Etat de rendre un rapport ? Renvoyons les deux objets au Conseil d'Etat, qui nous fera un rapport circonstancié sur les deux textes - je vous en prie !

M. Stéphane Florey (UDC). Moi, j'invite cette assemblée à lire le chapitre X du titre III de notre LRGC pour comprendre ce qu'est vraiment un postulat. La réalité, c'est que c'est du bouillon pour les morts ! (Rires.) C'est la constituante qui a voulu introduire cet objet parlementaire, mais personne ne sait véritablement à quoi ça sert; la réalité, c'est que le postulat est une question écrite urgente améliorée, que l'on a appelée postulat ! C'est ça, la réalité. Si M. de Rougemont avait déposé une simple QUE, il aurait eu la réponse depuis un petit moment, puisque ça fait déjà quelques semaines que ce postulat - qui, encore une fois, ne sert à rien - est inscrit à notre ordre du jour. Partant de là, il est donc beaucoup plus intéressant de travailler sur une motion, qui est quand même un objet plus concret, qui permet également d'avoir un vrai débat en commission si le texte y est renvoyé. Mais si la motion est renvoyée directement au Conseil d'Etat, nous pouvons très bien vivre avec; le postulat, nous ne le voterons par contre pas, parce que, très franchement, il ne sert clairement à rien ! Les postulats sont déjà très peu utilisés pour cette raison.

Il y a toutefois quelque chose de quand même très étonnant dans ce débat, et je poserai la question en forme de boutade: qui sait réellement ce qu'est un collisionneur ? (Commentaires.) Je n'ai pas entendu quelqu'un l'évoquer, mais je n'ai pas l'impression qu'on sait vraiment de quoi on parle dans cette motion. En conclusion, nous accepterons de renvoyer directement la motion au Conseil d'Etat et nous refuserons le postulat, à part peut-être un ou deux dissidents... (Rires.) ...qui voteront les deux textes. Je vous remercie. (Commentaires.)

La présidente. Je vous remercie. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, je sais qu'il est tard, mais nous allons finir ce débat. La parole est à M. Eckert pour deux minutes.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Madame la présidente. Il se trouve que, dans une vie antérieure, j'ai fait de la physique des particules: je sais très bien ce qu'est un collisionneur.

Une voix. Ah !

M. Pierre Eckert. Je vais peut-être donner au débat un tour plus scientifique; vous avez maintenant un peu abordé les aspects formels de ce qu'est un postulat, ou de ce qu'il n'est pas. Il se trouve que la physique des particules a fait de gros progrès au début du XXe siècle, en apportant un certain nombre d'avancées technologiques: l'énergie nucléaire, mais aussi des applications en médecine régulièrement utilisées. La deuxième partie du XXe siècle a vu le développement d'un certain nombre de concepts, dans la physique des particules, qui ont permis de vérifier une théorie - la théorie de ce qu'on appelle le modèle standard - qui a débouché en fin de compte sur la découverte du boson de Higgs assez récemment. Et puis en essayant maintenant d'atteindre des énergies plus élevées, ce que cherche à faire le nouveau collisionneur, on va tenter de voir comment s'est créé l'univers, le Big Bang et ce genre de théories, et peut-être aussi l'origine de la vie.

Pour nous, il faut qu'on se pose la question: est-ce que la découverte de l'origine de la vie est une priorité de ce siècle, du XXIe siècle, ou est-ce qu'on doit plutôt se concentrer sur d'autres aspects ? Le changement climatique est actuellement une priorité et ce collisionneur, vous l'avez entendu, consomme bien entendu passablement d'énergie; il faut vraiment qu'on réfléchisse à l'arbitrage entre la découverte scientifique - la science dans son ensemble - et nos priorités énergétiques pour ce siècle.

Voilà ! (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est la seule chose que nous demandons dans ce postulat - arbitrer ces priorités - et je ne vois pas pourquoi on le refuserait. Ce postulat, nous devons l'accepter ! Pour ce qui est de la motion, nous la trouvons dégradante...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Pierre Eckert. ...à notre égard, notamment dans ses invites; nous laisserons la liberté de vote sur la motion. Je vous recommande d'accepter en revanche le postulat.

La présidente. Je vous remercie. Monsieur de Rougemont, il n'y a plus de temps de parole pour les Verts. La parole est à M. Falquet pour une minute.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, j'ai entendu un physicien nous expliquer à quoi servait ce collisionneur ! Il ne fait pas partie du CERN, je vous rassure. Il a expliqué, il a imagé à quoi ça servait. Il nous a dit: vous faites décoller deux jumbo-jets, vous les faites accélérer dans le ciel en sens inverse, comme ça... (L'orateur illustre son propos par des mouvements de bras.) ...et ensuite, à la vitesse maximum, vous les faites entrer en collision !

Une voix. Aïe !

M. Marc Falquet. Puis vous analysez les débris pour essayer de comprendre comment l'appareil était construit ! Voilà, je vous remercie. (Rires. Commentaires.)

La présidente. Je vous remercie. (La présidente rit.) Il n'y a plus de demande de parole et nous allons donc voter... (Remarque.) Ah ! Le président du Conseil d'Etat, M. Antonio Hodgers, souhaite s'exprimer. (Brouhaha.) S'il vous plaît !

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. J'étais tellement fasciné par les Boeing... (Rires.) ...que j'en ai loupé la demande de parole, Madame la présidente ! (L'orateur rit.) Mesdames et Messieurs les députés, quelques mots en préambule pour vous dire que le Conseil d'Etat recevra volontiers ces deux textes dans l'esprit qui a prévalu, c'est-à-dire afin d'analyser, d'objectiver finalement ce projet-là.

Je vous avoue que je suis un peu surpris de l'intérêt soudain pour ce FCC: ça fait des années que le CERN travaille là-dessus, que l'Etat de Genève travaille de manière totalement transparente, ouverte et publique au suivi de ce qui est pour l'heure un avant-projet, et je dois vous dire que les étapes sont encore longues. En premier lieu, Mesdames et Messieurs les députés, les Etats membres du CERN n'ont pas encore décidé de s'engager sur ce projet qui représente, d'un point de vue financier, un investissement colossal ! Et si la Suisse semble prête à s'y engager, elle ne paie qu'une toute petite part, parce que les contributions, au CERN, sont proportionnelles à la population. La France, selon les discussions que j'ai personnellement eues avec Emmanuel Macron, semble vouloir s'engager cette année encore, mais ce n'est pas fait. Encore faut-il voir le positionnement de l'Allemagne et d'autres Etats européens.

Donc je veux bien que l'on discute, à Genève - nous sommes la périphérie de la Suisse mais le centre du monde -, de l'avenir de ce futur collisionneur, mais il faudrait peut-être que les Etats membres, qui sont les premiers concernés et, surtout, les financeurs de ce projet, se mettent d'accord sur le principe ! Suite à quoi nous pourrons approfondir les études qui ont déjà été lancées et sur lesquelles nous travaillons. Mais je tiens à le dire d'emblée: il s'agit, puisqu'il est question d'une organisation internationale, d'un plan sectoriel qui est maîtrisé par la Confédération. Il n'y aura donc pas de vote cantonal, ni au parlement ni devant la population, sur l'opportunité de réaliser ce collisionneur. Il faut être clair s'agissant des équilibres politiques en présence; c'est un débat intéressant, mais c'est un débat qu'il faut porter aux Chambres fédérales, dès lors, pour influer sur la position de la Suisse.

Du coup, quel est le rôle de l'Etat de Genève ? Eh bien, c'est de minimiser autant que possible l'impact de ce projet sur le territoire - et nous n'avons pas attendu ces débats pour le faire. Il s'agit de minimiser tout d'abord l'impact de la construction des puits: le cercle de 100 kilomètres peut bouger légèrement et nous avons travaillé très finement pour que la partie suisse passe par des secteurs déjà construits pour éviter qu'on nous mette, pour le dire trivialement, un puits en pleine zone agricole, par exemple, comme cela pourrait survenir. Parce qu'une fois l'emplacement du cercle défini, on n'aura évidemment pas trop le choix: les puits doivent être positionnés sur le cercle. L'Etat de Genève a donc déjà obtenu des discussions sur le positionnement du cercle lui-même et sur une diminution du nombre de puits en Suisse pour minimiser leur impact - c'est surtout la sortie des puits qui marque le territoire; on reviendra sur les remblais, mais leur impact est moindre - et nous bénéficions à cet égard d'une belle écoute, d'une certaine maîtrise.

S'agissant des gravats, nous avons d'emblée posé un principe: la Suisse gère les gravats suisses et la France, les gravats français ! Et si vous avez regardé l'emplacement de ce futur collisionneur sur la carte, vous aurez remarqué que l'essentiel de celui-ci est quand même en France. Il nous appartient donc de gérer la partie suisse de ces gravats, qui n'est pas négligeable - on l'estime à environ 8 millions de mètres cubes alors que, pour vous donner un ordre de grandeur, il y en a eu 2 millions pour le CEVA: ce sont des volumes importants, mais gérables.

Alors quelles sont les lignes rouges ? Eh bien c'est le respect du droit de l'environnement; ce sont des normes suisses, que les organisations internationales, le CERN, respectent. Les services de l'Etat travaillent en tout cas à faire passer ce message dans tous les domaines: oui, vous êtes une organisation internationale, oui, tout est négociable, mais nous vous prions, s'il vous plaît, de respecter les normes locales en matière de protection de l'environnement - et c'est totalement dans cet esprit-là que nous travaillons avec le CERN.

Enfin, sur l'impact énergétique, il faut savoir que celui du CERN est déjà énorme aujourd'hui. L'institution n'est pas raccordée aux SIG: elle est raccordée à EDF - c'est ce qui est prévu. L'augmentation, le doublement en térawatt-heure, de la consommation du CERN interviendra dans l'étape 2 du futur collisionneur, dont l'activation est prévue en 2060 ! En 2060 ! Dans la première étape du futur collisionneur - autour de 2040 -, la consommation sera la même qu'aujourd'hui. Cela aussi pour vous dire que les temps sont longs et que nous aurons des discussions sur la question énergétique, avec la France notamment, mais que celle-ci n'aura pas d'impact direct sur le canton.

Mesdames et Messieurs les députés, ces questions sont légitimes; on y répondra. Le Conseil d'Etat tient cependant à affirmer tout son soutien à cette organisation internationale. La recherche, la recherche fondamentale, est nécessaire à la connaissance - à la connaissance pure ! Certes, il y a aussi des enjeux économiques qui s'y rattachent, on le sait, mais apprendre comment est constitué l'univers, mieux comprendre la matière noire, cela figure parmi les grands défis du futur. Comprendre les liens entre la force gravitationnelle et la force faible, comprendre comment réagissent non des Boeing mais des protons qui se percutent et créent énormément d'énergie et de nouvelles particules: eh bien, je pense que soutenir le projet qui vise cela est une belle vocation de la Genève internationale ! Sa consommation, du fait de sa dimension, ne peut pas être comparée à celle d'une petite collectivité comme le canton de Genève: elle doit être mise sur le compte de l'humanité !

Ce qui se passe au CERN sert à l'humanité tout entière, et je pense que nous devons en tirer une fierté particulière. Le Conseil d'Etat soutient dès lors globalement le CERN dans sa démarche, mais il est très exigeant s'agissant des compétences qui sont les siennes, soit des compétences territoriales et environnementales essentiellement. Le Conseil d'Etat accueillera donc favorablement ces deux textes, pour répondre de manière un peu plus complète dans le cadre de son rapport écrit. Merci beaucoup.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à la procédure de vote. Je vous invite à vous prononcer d'abord sur les demandes d'ajournement et de renvoi en commission.

Mis aux voix, l'ajournement de la proposition de postulat 6 est rejeté par 76 non contre 7 oui et 2 abstentions.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3007 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 67 non contre 13 oui et 4 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

La présidente. Je mets donc aux voix les textes.

Mis aux voix, le postulat 6 est adopté et renvoyé au Conseil d'Etat par 43 oui contre 35 non et 7 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Postulat 6 Vote nominal

Mise aux voix, la motion 3007 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 71 oui contre 6 non et 10 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 3007 Vote nominal