République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13509-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Julien Nicolet-dit-Félix, Cédric Jeanneret, Dilara Bayrak, Léo Peterschmitt, Emilie Fernandez, Angèle-Marie Habiyakare, Uzma Khamis Vannini, Yves de Matteis, Sophie Bobillier, Lara Atassi, Louise Trottet, Marjorie de Chastonay, Laura Mach, Charles Poncet modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Etablissement d'un quorum à 5% pour les élections proportionnelles)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.
Rapport de majorité de Mme Celine van Till (PLR)
Rapport de minorité de M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs, l'ordre du jour appelle le PL 13509-A, que nous examinons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à la rapporteure de majorité.

Mme Celine van Till (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a pour objectif d'abaisser le quorum des élections proportionnelles des 7% actuels à 5%. De quoi parle-t-on ? Dans un système proportionnel, le quorum est un taux minimum de suffrages de liste requis pour obtenir des sièges dans une assemblée. A Genève, un quorum de 7% a été institué en 1912 pour l'élection du Grand Conseil: les listes qui ne remportent pas ce minimum ne participent pas à la répartition des sièges. Le législateur de l'époque craignait en effet déjà l'entrée de groupes politiques de petite taille et à l'espérance de vie comptée. Il a donc tempéré le système proportionnel par un quorum, et cette recette perdure depuis plus de cent ans ! Pourquoi alors changer ?

Venons-en au projet de loi. Son auteur explique que les suffrages obtenus par des listes n'atteignant pas le quorum sont des voix perdues pour la démocratie. Il parle d'un problème éthique et d'un possible découragement du corps électoral. Certes, mais le système du quorum offre une stabilité à notre système démocratique.

Force est de constater que la multiplication des partis dans un parlement, en particulier celle des petits partis dont la durée de vie n'excède souvent pas une législature, conduit toujours à des débats houleux et à des votes aléatoires - les exemples sont nombreux. Il en ressort une instabilité parlementaire et politique nuisible au bon fonctionnement de la démocratie. La fragmentation politique aboutit à une dispersion du pouvoir politique entre de nombreux groupements de nature si différente qu'il devient extrêmement compliqué de trouver des consensus et d'arriver à des majorités claires.

Une autre conséquence de l'abaissement du quorum serait la difficulté de répartir les sièges dans les commissions parlementaires: l'équation deviendrait difficile à résoudre.

N'oublions pas non plus que l'existence d'un quorum au Grand Conseil a un impact sur la composition de nombreux conseils de fondations, de régies publiques et autres institutions, puisque selon la loi, chaque groupe siégeant au Grand Conseil y désigne un représentant. On peut d'ores et déjà imaginer la pagaille qui surviendra dans le fonctionnement de ces conseils.

Rien ne prouve par ailleurs qu'un quorum à 7% constitue une cause de l'abstentionnisme, comme le soutient l'auteur du projet de loi, ni même qu'il dissuade les électeurs de voter pour de petits partis. Il l'affirme, mais sans qu'aucune étude le montre.

La multiplication du nombre de groupes politiques au sein du parlement risque d'entraîner une instabilité dans l'assemblée, instabilité dont la démocratie n'a pas besoin, surtout dans le contexte actuel.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Celine van Till. Notre société doit reposer sur des institutions fortes et stables, auxquelles le peuple peut se référer avec confiance. Sachons raison garder et ne jouons pas aux apprentis sorciers ! Notre démocratie est un bien précieux qu'il nous faut préserver à tout prix, et nous devons nous battre pour la stabilité et le bon fonctionnement de nos institutions. Ne nous laissons pas hypnotiser par le chant des sirènes de ceux qui attaquent sans cesse les fondements de notre société sous prétexte de renforcer la démocratie ! Ne cédons pas à la tentation de l'affaiblissement démocratique. La démocratie a un prix et un quorum à 7% en constitue le juste prix ! Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à vous prononcer en faveur de la stabilité démocratique et à rejeter avec force ce texte destructeur. Merci.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en préambule, je remercie la rapporteure de majorité qui a pris sur son temps pour exposer tous les arguments que j'allais vous présenter afin d'arriver évidemment aux conclusions inverses: le but n'est bien sûr pas, comme il a été suggéré, de détruire les fondements de la démocratie, mais bien plutôt de les renforcer.

On voit qu'effectivement le taux de participation est excessivement faible et que les institutions se démènent pour parvenir à le rehausser. Des semaines de la démocratie, des concours CinéCivic, etc., sont organisés, mais peut-être faudrait-il commencer par le début: que le vote des citoyennes et des citoyens soit respecté et qu'une quinzaine de pour cent des voix ne finisse pas à la poubelle après chaque élection.

Depuis plusieurs élections proportionnelles, au Grand Conseil mais également aux Conseils municipaux (on est en période d'élections municipales), une quantité non négligeable de votes, qui a tendance à croître, n'est pas attribuée, ce qui décourage nécessairement les électeurs de participer aux élections. Il n'y a en effet rien de plus frustrant que de voter pour des gens qui, en définitive, ne sont pas élus, alors qu'ils ont un score pour le moins honorable.

Evidemment, c'est une bataille à contre-courant, ça a été tout à fait expliqué. Au titre d'une forme de conservatisme, de maintien des élus et des notables en place, on trouve des arguments qui sont souvent des arguties et visent à éviter que de nouveaux arrivants puissent acquérir une petite parcelle de pouvoir. Il s'agit d'une antienne récurrente, et tous les débats en faveur de davantage de démocratie et d'une plus grande participation des minorités ou des groupes discriminés se sont opposés à ces mêmes arguments conservateurs. On peut faire référence à la très longue lutte des femmes pour obtenir les droits civiques, mais également à celle des étrangers, des personnes en situation de handicap ou d'autres groupes discriminés qui luttent pour davantage de reconnaissance civique.

On est dans un monde politique où les groupes minoritaires sont de plus en plus fréquents, qu'on le veuille ou non; on peut le regretter, mais la réalité nous montre que la politique, comme de nombreux domaines sociaux et culturels, va en se fragmentant, que l'offre se fragmente, se diversifie. Il est absolument nécessaire d'en tenir compte.

Ça a été très bien dit également, ce quorum de 7% date de plus de cent ans, Mesdames et Messieurs. Il remonte à 1912, à l'époque où Genève était un canton plutôt progressiste, parce qu'il avait décidé de passer à la proportionnelle pour l'élection du Grand Conseil. Depuis 1912, rien n'a bougé ! Seul le terme employé dans la constitution a été modifié à la faveur de la nouvelle constitution: on parlait alors de tempérer par un quorum de 7%, ce qui indiquait bien cette volonté - cela a été soulevé - d'éviter que des trublions ou des gens qui ne faisaient pas partie de ce groupe de bien nés puissent participer au monde politique.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Julien Nicolet-dit-Félix. Lors des travaux de la Constituante, il a été proposé de baisser le quorum à 5%. Le groupe UDC, par exemple, était tout à fait en faveur de cela - je vous renvoie au très beau discours de Michel Amaudruz en faveur de cette baisse à 5%. Malheureusement, en dernière lecture, ça n'a pas pu être fait, et depuis, nous nous trouvons dans une situation de blocage.

Les effets qu'on présente comme potentiellement dramatiques sont en réalité totalement anodins. Si l'on passe de 7% à 5%, on réalise aisément que siégerait peut-être un groupe de plus, dans certains cas deux groupes de plus. Par ailleurs, le projet de loi comporte un alinéa qui permet au législateur de limiter les groupes soit par leur taille minimale soit par leur nombre.

Dans d'autres cantons, au Tessin, par exemple, le quorum est de facto à un nonantième du parlement, donc à 1,1%, à Neuchâtel il est à 3%. Or, que je sache, ces cantons ne se trouvent pas dans un état insurrectionnel où la démocratie a perdu tous ses droits. Bien au contraire: on parle beaucoup moins des pataquès politiques tessinois ou neuchâtelois que de ceux qui se passent dans notre canton. Pourquoi cela, Mesdames et Messieurs ? Simplement parce que la composition du Grand Conseil que nous avons aujourd'hui ne correspond pas exactement au corps électoral, on le sait bien. Certains groupes qui ont eu des résultats plus qu'honorables ne sont pas représentés, car il existe ce couperet fixé à 7%: vous avez obtenu 7,1%, vous vous retrouvez avec 8, 9 ou 10 députés, vous avez obtenu 6,9%, vous avez 0 député. C'est profondément injuste et choquant, et ce projet permet de corriger cela.

Je termine avec les résultats des dernières élections municipales. Vous le savez, plusieurs groupes n'ont pas atteint le quorum dans de nombreuses communes, et j'invite les représentants des partis concernés, l'UDC à Chêne-Bougeries, à Onex et à Veyrier, le MCG à Carouge ou à Thônex, LJS en Ville de Genève évidemment, mais aussi à Plan-les-Ouates et à Versoix, et Le Centre à Vernier... Ils ont obtenu des scores extrêmement bons (5 à 6%, voire plus pour certains), mais n'ont aucun conseiller municipal du fait de ce quorum qui pose un véritable problème démocratique. Vous avez l'occasion, Mesdames et Messieurs, de l'abaisser de façon très modeste - on avance par petits pas. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons bien sûr à voter ce texte. Je vous remercie.

M. Yves Nidegger (UDC). La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, que j'ai l'honneur de présider, siège peu, parce que peu d'objets lui sont envoyés. Il faut rendre gloire aux auteurs du projet de loi - à l'auteur principal et aux cosignataires -, dans ce cas et dans d'autres que nous examinerons plus tard, de donner du travail à une commission qui sinon souffrirait du chômage technique, ce qui serait évidemment mauvais pour le budget familial des députés concernés.

Cela étant, la majorité n'est pas entrée en matière sur cette proposition, essentiellement parce que celle-ci repose d'une part sur une contre-vérité et de l'autre sur un sophisme. La contre-vérité, c'est l'idée que les voix données à un parti n'atteignant pas le quorum sont jetées à la poubelle et n'auraient strictement aucun effet - ça équivaudrait au fait de ne pas avoir voté. C'est faux: les voix données à un parti qui n'obtient pas le quorum sont redistribuées (ce sont les restes) dans un deuxième calcul, dans la proportion du résultat de ceux qui ont récolté suffisamment de voix pour obtenir des sièges et dont le résultat a été embelli par ce vote-là. Il s'agit d'un recyclage: c'est normalement une vertu de gauche et on l'apprécie beaucoup, mais il est en l'occurrence curieusement boudé. En tous les cas, on ne peut pas dire que ces voix vont à la poubelle.

Quant au sophisme, le voici: la grande idée derrière ce projet de loi est d'augmenter la représentation proportionnelle de tous et de toutes par un abaissement du quorum. En d'autres termes, s'il n'y avait pas du tout de quorum - les auteurs nous disent: «On va abaisser le quorum à 5% avant de le descendre plus bas» -, eh bien avec 1%, on pourrait avoir un représentant.

En soi, l'idée d'avoir une meilleure représentation de tous et toutes, de manière inclusive et sans le point médian, n'est pas mauvaise, simplement ce n'est pas ce qui se passe; les auteurs du projet reconnaissent dans la phrase suivante que s'il y avait une grande quantité de groupes, plus que ce que nous avons aujourd'hui, la gestion du parlement serait impossible. Ils proposent par conséquent que les petits groupes soient forcés d'adhérer à un plus grand groupe, par un système qui n'est plus le quorum permettant d'obtenir des sièges, mais délimitant un nombre de groupes maximal. C'est un quorum des groupes, si vous voulez. On aurait par conséquent une représentation, avec des assistants politiques, avec une vie interne au groupe, qui agrégerait les perdants à des groupes plus importants dans lesquels ils seraient dissous. On n'aurait donc évidemment pas au final la prétendue augmentation de la représentation proportionnelle promise par les initiants. Pour ces raisons, le groupe UDC refusera l'entrée en matière.

M. Jean-Louis Fazio (LJS). Chères et chers collègues, ce projet de loi demande qu'un quorum de 5% soit institué pour des élections cantonales et municipales. Régulièrement, certains partis qui ont de la difficulté à passer le cap des 7% tentent de l'abaisser afin d'entrer dans les parlements cantonaux; ils sont soutenus par des partis qui ne rencontrent pas ce problème et qui veulent montrer leur largeur d'esprit démocratique. C'est dangereux: la proportionnelle est un atout démocratique, mais comme pour tout, il ne faut pas en abuser.

Dans certains pays où le quorum est trop bas, ce sont des petits partis, souvent extrémistes et belliqueux, qui jouent les charnières et paralysent le pays en optant pour des politiques délirantes. Les exemples ne manquent pas, vous les connaissez.

LJS a obtenu le quorum pour siéger au Grand Conseil (j'en suis la preuve vivante), mais, récemment, pas en Ville de Genève. C'est le jeu de la démocratie. Les mauvais perdants poussent à l'abaissement du quorum, pas nous. Pour notre part, nous refuserons ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Jean-Pierre Pasquier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, sous prétexte d'améliorer la représentativité démocratique, ce texte risque de fragiliser nos institutions et d'aggraver des dysfonctionnements déjà observés.

Premièrement, abaisser le quorum de 7% à 5% ne résoudra pas le problème des voix dites perdues. Les simulations présentées montrent que cet abaissement n'aurait permis qu'à un ou deux partis supplémentaires d'entrer au parlement lors des dernières élections; cela ne justifie pas pour autant une réforme constitutionnelle aussi lourde.

Ensuite, la fragmentation politique que ce projet engendrerait est un danger réel. Genève est déjà le canton le plus fragmenté de Suisse du point de vue du système de partis, et ajouter davantage de groupes au Grand Conseil compliquerait la formation de majorités stables, ralentirait les processus décisionnels et augmenterait les risques de blocages institutionnels. Nous devons privilégier l'efficacité de nos institutions, et non leur paralysie.

Par ailleurs, l'argument selon lequel le quorum actuel découragerait l'innovation politique est fallacieux. Les nouveaux partis qui ont su convaincre les électeurs, comme Libertés et Justice sociale en 2023, ont réussi à franchir la barre des 7%: ce n'est donc pas le quorum qui freine l'innovation, mais l'incapacité de certaines listes à rassembler un soutien suffisant.

En conclusion, cet objet ne répond pas aux véritables enjeux démocratiques de notre canton, mais il risque d'agrandir la fragmentation, de ralentir le fonctionnement du parlement et de créer des incohérences institutionnelles. Pour ces raisons, le groupe PLR vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser ce projet de loi et à préserver la stabilité et l'efficacité de nos institutions. Merci, Monsieur le président.

M. Patrick Dimier (MCG). Pour prolonger ce que vient de dire M. Pasquier avec pertinence, soit il y a un quorum, soit il n'y en a pas, mais le fixer à 5, 7 ou 3%, c'est vraiment faire du blabla pour faire du blabla. Soit on est avec un système qui a un quorum, soit on est avec un système qui n'en a pas. Prenons le cas de systèmes qui n'en ont pas. Deux exemples me viennent à l'esprit: Israël et la Belgique. Ni l'un ni l'autre ne représentent des modèles de stabilité politique. Il suffit d'une seule députée ou d'un seul député, peu importe, pour que le système bascule. Ce n'est pas ça, la stabilité politique.

Cela étant, nous pouvons discuter du taux, 3, 5, 7%; c'est un autre sujet, mais en l'occurrence nous débattons d'un quorum qui serait sauf erreur abaissé à 5%. Or, ça ne changera rien: on restera avec un système qui suscitera toujours des mécontents, c'est la loi de la démocratie. Soutenons la démocratie et non le désordre, maintenons par conséquent la loi telle qu'elle est.

M. Diego Esteban (S). J'apprécie l'évolution de ce débat, du déluge biblique que nous annonçait la rapporteure de majorité en cas d'acceptation de ce texte aux considérations beaucoup plus sensées qui ont été avancées. Je souhaite toutefois répondre à certaines de ces dernières.

M. Pasquier dit que l'efficacité consiste à instaurer un quorum, j'irai pour ma part encore plus loin: l'efficacité, c'est ne pas avoir de démocratie. Vous l'aurez compris, depuis au moins le début du XIXe siècle, l'efficacité n'est pas l'objectif poursuivi par nos constituants, car le but de la démocratie est tout d'abord la représentativité de la voix du peuple. Si l'on prend même le plus petit parti siégeant dans cette enceinte, 7000 de nos concitoyennes et concitoyens sont représentés; si l'on devait comparer avec les résultats de 2009 par exemple, qui constituent l'exemple récent le plus évocateur, on se retrouve avec un total de voix perdues en raison du quorum qui, dans l'enceinte parlementaire actuelle, aurait été très près de la troisième place, donc le quatrième groupe en nombre de voix au sein de ce Grand Conseil. Voilà donc le poids considérable de la non-représentation de personnes qui se sont déplacées pour aller voter à l'urne, sachant que les personnes qui votent représentent malheureusement encore et toujours une minorité de la population. On ne voit pas vraiment ce que perdrait notre canton en matière de représentativité.

L'argument du chaos a été avancé. C'est celui qu'a évoqué M. Dimier; ce dernier va chercher des exemples qui, sur le principe de l'absence de quorum... Ces exemples peuvent être cités, mais il en existe un beaucoup plus proche de chez nous: le Tessin. Or, je n'ai pas l'impression que ce canton soit un modèle d'instabilité politique et démocratique dans notre Confédération, ça me suspendrait; du reste, pendant les travaux de commission, on n'a pas remarqué qu'au Tessin la situation serait absolument incontrôlable.

Le groupe socialiste aurait préféré que les travaux avancent avec des propositions de variantes, d'amendements concernant la baisse du quorum à 5%. On demande pourquoi 5%. C'est un seuil arbitraire. S'agissant du taux de 7%, exactement le même raisonnement peut être appliqué quand on en recherche la genèse. Pourquoi 7% ? Peu d'explications sont à ce jour avancées. Ce serait donc faire un bien mauvais procès à ce taux de 5% si l'on n'appliquait pas la même réflexion aux règles actuellement en place. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous encourage à voter l'entrée en matière. Merci beaucoup.

Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Tout d'abord, je tiens à dire que le texte part d'une prémisse discutable, à tout le moins en partie. Les signataires évoquent le fait que les électeurs ayant voté pour un parti ou mouvement qui n'a pas obtenu le quorum ne sont pas représentés au sein de ce parlement. Ce n'est pas tout à fait juste, parce que de nombreuses petites listes ne défendent pas forcément une idéologie ou un programme clair. Si l'on prend l'exemple de la liste Femmes en 2018, qui a recueilli 3,26% des voix, elle a eu l'énorme mérite - c'est vrai - de mettre en lumière la question de la sous-représentation des femmes en politique et les enjeux d'égalité, mais elle ne proposait pas un programme clair sur l'ensemble des thèmes politiques qui nous préoccupent au Grand Conseil, par exemple la fiscalité, la politique sociale, l'aménagement du territoire ou d'autres. Cette liste a néanmoins permis de faire élire davantage de femmes au sein de tous les groupes politiques en 2018, et c'était un beau succès dans ce sens; elle est de fait représentée dans notre parlement.

La question est la suivante: est-ce toujours en raison d'un quorum trop élevé que certaines listes n'ont pas obtenu de sièges ? Eh bien, vous connaissez la réponse, et les cas des partis d'extrême gauche sont à ce titre particulièrement parlants. Y a-t-il des différences idéologiques majeures entre solidaritéS, le parti du Travail, Défense des aînés et j'en passe ? Eh bien non ! Je suis convaincue qu'ils auraient voté comme une seule femme depuis le début de cette législature... (Rire.) ...et leur division interne est essentiellement due à des conflits de personnes et non à des différences programmatiques majeures. La démocratie n'a aucune raison de changer ce système de quorum uniquement en raison de querelles personnelles.

Aujourd'hui, le Grand Conseil est passablement fragmenté et, Mesdames et Messieurs, le risque déjà présent est que nous, les partis qui avons obtenu le quorum, ne représentions plus nos propres électeurs. On le voit avec la fragmentation du parlement: au lieu de trouver des consensus intelligents, des solutions qui emportent une large adhésion, ici, mais aussi auprès de la population, et d'éviter ainsi l'écueil du référendum, nous sommes tentés de marchander telle ou telle motion contre tel ou tel projet de loi, tels des marchands de tapis, avec des alliances fragiles de circonstance. Ce n'est pas ce qui fait la richesse et la particularité de la démocratie suisse.

Je le dis d'autant plus facilement que nous formons un petit parti et que nous sommes également exposés à cette limite du quorum qu'il nous est aussi arrivé de perdre. En Ville de Genève, notre liste commune avec les Vert'libéraux nous a permis d'augmenter le nombre d'élus du bloc centriste, en le faisant passer de huit à dix avec cinq élus centristes et cinq issus de la liste Vert'libérale. On se réjouit d'avoir ensemble gagné deux sièges, même si, au sens strict, Le Centre a perdu deux sièges. Ce qui compte, c'est que cette alliance permettra de défendre avec succès notre vision commune de la Ville. La réserve de voix, Mesdames et Messieurs, se trouve parmi les abstentionnistes, qui représentent aujourd'hui 60% des voix - il y a donc largement de quoi atteindre le quorum. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Nicolet-dit-Félix, qui dispose exactement de quarante-huit secondes.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je félicite le courage des groupes qui flirtent avec le quorum et s'opposent à ce texte. C'est tout à votre honneur ! Je reprends l'épisode de la liste Femmes, qui doit sans doute se réjouir d'avoir vu ses trois et quelques pour cent répartis de manière proportionnelle, notamment entre des groupes dont la fibre féministe les conduit à lutter contre les points médians et les burkinis. C'est évidemment abusif de penser que ça a renforcé le féminisme dans ce parlement.

Je finirai en disant à celles et ceux qui estiment que le parlement actuel est particulièrement stable et fonctionne sans anicroche que nous avons, sauf erreur, déposé neuf référendums depuis le début de la législature; ils ont tous été couronnés de succès dans les urnes. C'est la preuve la plus évidente que ce parlement n'est pas représentatif, pour la simple et bonne raison qu'un voire deux groupes n'ont pas pu accéder à cette enceinte, en raison de l'existence du quorum entre autres. Avec un parlement plus équilibré, sans doute parviendrons-nous à proposer à la population et à défendre des projets de lois plus pondérés. Je vous demande une dernière fois de voter ce texte. Merci.

Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 13509 est rejeté en premier débat par 58 non contre 28 oui.