République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 3015-A
Rapport de la commission de l'enseignement supérieur chargée d'étudier la proposition de motion de Pierre Nicollier, Alexandre de Senarclens, Francine de Planta, Yvan Zweifel, Darius Azarpey, Céline Zuber-Roy, Fabienne Monbaron, Thierry Oppikofer, Joëlle Fiss pour plus de professionnels de santé formés en Suisse
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 13 et 14 février 2025.
Rapport de Mme Jacklean Kalibala (S)

Débat

Le président. Nous traitons à présent la M 3015-A (catégorie III). Madame Jacklean Kalibala, vous avez la parole.

Mme Jacklean Kalibala (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission a étudié cette proposition de motion lors de six séances. Nous avons auditionné différents acteurs des domaines de la santé et de la formation des professionnels de santé. Nous avons reçu la Haute école de santé, la faculté de médecine, l'IMAD, les représentants des cliniques privées et, bien sûr, les étudiantes et étudiants. Toutes et tous s'accordent pour reconnaître la pénurie et la nécessité d'augmenter nos capacités de formation.

Tout d'abord, on peut relever les progrès importants déjà réalisés ces dernières années, comme le fait qu'en dix ans, les effectifs de la HEdS ont presque doublé à Genève ou encore les campagnes de communication menées pour améliorer l'attractivité de la profession infirmière. On peut également relever les efforts de formation et d'amélioration de la qualité de vie des employés au sein de l'IMAD et des HUG ou encore l'augmentation de la capacité d'accueil des étudiants en médecine, qui est passée de 90 à 110 étudiants en 2010 à 135 à 140 actuellement. On note également l'implication des cliniques privées et la collaboration avec d'autres cantons pour augmenter les places de stage.

Cependant, malgré toutes ces avancées, des efforts supplémentaires sont nécessaires, car d'ici 2040, il manquera 40 000 soignantes et 5000 médecins. De plus, certaines professions comme l'ergothérapie sont d'ores et déjà en forte pénurie.

Durant nos travaux, nous avons pu constater plusieurs défis. D'abord, le haut taux d'abandon dans les soins infirmiers. En effet, sur une volée, il y a 40% de pertes d'étudiantes. Ensuite, on note non seulement le manque d'attractivité des métiers de la santé, mais également la régulation de certaines filières, qui fait que l'on refuse des étudiantes et étudiants intéressés par ces métiers. Cette régulation semble essentiellement liée à la capacité de création de places de stages cliniques. Nous avons aussi relevé la forte dépendance au personnel de provenance étrangère, ce qui pose particulièrement problème dans le cadre des prévisions pour l'avenir.

Face à ces constats, la commission a amendé la motion et ajouté une invite, pour mettre en avant la nécessité d'augmenter les places de stage à travers une collaboration public-privé plus soutenue, ce afin de pouvoir augmenter la capacité de formation dans les filières où on refuse des étudiantes et des étudiants.

La commission vous recommande de soutenir cette motion pour donner un signal fort au Conseil d'Etat et l'inviter à véritablement concrétiser les progrès nécessaires pour augmenter notre capacité de formation de professionnels de la santé.

Mesdames et Messieurs les députés, au-delà de soutenir cette motion, je vais aussi vous demander d'être attentives et attentifs et de voter les budgets et les demandes de crédits supplémentaires qui viendront, car les besoins croissants en professionnels de la santé dépassent largement le taux d'augmentation de la population. Chaque étudiante supplémentaire en médecine coûtera plus de 900 000 francs, chaque étudiante supplémentaire à la HEdS coûtera 100 000 francs. Par conséquent, derrière ces belles promesses, il doit y avoir de l'action ! Merci.

Mme Francine de Planta (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris, cette motion est un véritable cri d'alerte. Oui, chers collègues, la rapporteure l'a dit, d'ici 2040, il manquera 40 000 soignants et soignantes et pas moins de 5000 médecins. Il est donc urgent de tout mettre en oeuvre pour former davantage de professionnels de la santé.

Le constat est partagé par tous et confirmé par les nombreuses auditions que nous avons conduites en commission. Toutefois, nous avons un peu le sentiment d'assister à un jeu de ping-pong. Du côté de l'université, celle-ci veut à tout prix maintenir un diplôme de qualité - volonté que nous partageons -, mais s'appuie sur un manque de places en stage. Ce n'est pas acceptable, Mesdames et Messieurs, que nos étudiants suisses doivent aller se former à l'étranger.

Du côté de la HEdS, un effort important a été fait - cela a été dit par la rapporteure - pour offrir davantage de places, mais un problème d'attractivité de la profession semble se profiler. Du côté des HUG, on réfute l'argument du manque de places en stage et on nous indique que c'est plutôt un manque de flexibilité des étudiants dans le choix des stages. Du côté des cliniques, un renforcement du partenariat avec le secteur public est envisagé. Mais comment le concrétiser ? Pour l'IMAD, inutile de vous dire que le besoin est criant, tant l'augmentation de la demande est constante.

Alors oui, Mesdames et Messieurs les députés, il faut un chef d'orchestre pour que tous ces acteurs qui contribuent à former nos jeunes dans des professions essentielles trouvent des solutions; c'est ce que cette motion demande, merci de la soutenir sans réserve !

Mme Sophie Demaurex (S). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, cette motion a vraiment fait l'unanimité quant à la priorité à retenir. C'est de manière extrêmement consensuelle et solidaire que nous avons écouté les auditionnés. Ces derniers ont au fond confirmé les hypothèses et les suppositions qui étaient les nôtres par rapport à cette pénurie dans le secteur de la santé.

Nous avons mis en avant les problématiques de l'attractivité, des stages, de la durée de vie professionnelle extrêmement courte, du personnel étranger nécessaire pour élargir les équipes ainsi que celle du manque de places au sein des écoles et enfin la volonté de créer de nouvelles HES.

Mais nous avons aussi évoqué la revalorisation salariale des professions de la santé. Je crois que c'est une piste qui nous est offerte par le cri du coeur que représente la manifestation d'hier; il faudra vraiment y penser. Une autre piste évoquée concerne la communication relativement négative à l'égard de ces professions. Elles ont été applaudies pendant le covid, mais sont aujourd'hui vécues comme des métiers trop lourds à porter.

Il y a des pistes, mais une action vraiment très concrète doit être déployée. Le fait de repenser cette revalorisation salariale fait partie des options. Le parti socialiste souhaite qu'elle soit traitée en priorité. Comme l'entier de la commission, il soutiendra cette motion et vous remercie d'en faire de même.

Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à vous dire que le Conseil d'Etat se réjouit de cette unanimité sur cette motion. Nous vous avons entendus et vous avez relevé ce que nous avions pu expliquer concernant les besoins ainsi que les efforts déjà entrepris. Nous continuerons à les déployer, parce qu'il y a en effet aussi des besoins en personnel infirmier.

A ce propos, je vous rappelle qu'un crédit supplémentaire de financement de la HES-SO Genève est en examen auprès de la commission des finances. Il prévoit justement quelques moyens pour les bourses afin d'inciter plus de personnes à se former en soins infirmiers. Un travail conséquent doit par ailleurs être mené afin de faire baisser le taux beaucoup trop important de personnes qui abandonnent en cours de formation.

S'agissant des médecins, nous devons également trouver des solutions pour éviter que des jeunes qui souhaitent se former chez nous doivent partir à l'étranger. Il y a énormément de points à discuter et de choses à mettre en place. Nous sommes tout à fait prêts à aller de l'avant et répondrons à votre motion de la manière la plus favorable possible. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 3015 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 86 oui (unanimité des votants).

Motion 3015