République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 13 février 2025 à 20h45
3e législature - 2e année - 10e session - 55e séance
IN 180-C et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ouvre la séance avec l'IN 180-C et le PL 13582. Le débat se tient en catégorie II, soixante minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Alder.
M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La tâche est quelque peu complexe pour moi, parce que je dois défendre une majorité constituée de différentes sensibilités. Je vais donc essayer de le faire en veillant à prendre en compte la diversité des opinions.
Nous avons tout d'abord une majorité de gauche qui s'oppose à ce contreprojet pour le motif principal suivant: l'initiative leur paraît suffisante. Celle-ci a été reconnue comme juridiquement valable par le Tribunal fédéral, ce qui, selon cette partie-là de la majorité, n'est pas le cas du contreprojet élaboré par l'excellent député Sébastien Desfayes-Buffet. (Rires.)
La majorité de droite à laquelle j'appartiens était tout à fait favorable à ce contreprojet, le groupe PLR en tête, à la condition qu'il remplisse son rôle, c'est-à-dire d'amener les initiants à retirer leur initiative pour qu'ils se rallient à un projet certes un peu plus technique mais un peu plus consensuel; celui-ci aurait eu pour effet d'atténuer le côté très rigide de ce socle de 10% de coopératives d'ici l'année 2030 que l'initiative réclame. A ce propos, la majorité de droite de la commission déplore le jusqu'au-boutisme des initiants. Le contreprojet avait justement pour ambition de corriger ce côté excessif de l'initiative. Néanmoins, au vu de la position très dure des initiants, la majorité de droite de la commission a estimé qu'il n'était pas souhaitable d'aller dans leur sens et qu'il fallait donc renoncer purement et simplement à tout contreprojet en réponse à cette initiative sujette à votation populaire au cours des prochains mois. Merci de votre attention, Monsieur le président.
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur de première minorité. Chers collègues - je vais faire un effort particulier, parce que j'ai besoin de toutes et tous ici ce soir: chères et chers collègues, exceptionnellement... (Rires.) ...je vous demande aujourd'hui de ne pas réitérer la cacade qui s'est déroulée au sein de la commission du logement. Celle-ci a raté une opportunité unique de s'éloigner pour une fois des querelles idéologiques, des querelles partisanes et d'offrir à la population une solution pragmatique, réaliste, ambitieuse, réalisable, visant à la construction de logements en coopérative.
C'est extraordinaire, ce qui s'est passé à la commission du logement ! Tous les commissaires, sans exception, ont dit: «Je suis en faveur de la construction de logements en coopérative.» Pas un n'a dit: «Je suis en défaveur.» Quand on a déposé le contreprojet, tous les partis ont dit dans leur première prise de position: «Ce contreprojet est très bien, on le soutiendra très certainement.» Pourtant, lorsque l'on a dû voter, nous nous sommes retrouvés à deux, M. Amar Madani et moi, contre un bloc d'opposition, et personne n'a réussi à nous dire clairement, franchement et honnêtement pourquoi on s'opposait à ce contreprojet. C'est très regrettable, parce que nous avions un très bon texte - j'y reviendrai -, alors que l'initiative comporte des défauts qui m'apparaissent rédhibitoires.
Il y a premièrement, on va dire, l'honnêteté intellectuelle: cette initiative fixe un objectif dont on sait très bien qu'il ne sera jamais atteint. Cela représente un problème majeur et, je le répète, rédhibitoire. L'objectif affiché par les initiants et l'initiative est de construire 12 000 logements en coopérative d'ici 2030. Or, nous savons d'ores et déjà que cet objectif est irréaliste et irréalisable: le manque de terrains disponibles à Genève est criant et la moyenne actuelle de logements construits, toutes catégories confondues (donc pas uniquement des logements en coopérative), est d'environ 2000 voire 2500 par année. C'est le premier problème.
Le deuxième problème est un des instruments utilisés pour tenter d'atteindre cet objectif irréaliste, à savoir l'exercice du droit de préemption. Celui-ci figure dans la LGL, qui favorise le logement social. Donc, si l'Etat ou une commune exerce le droit de préemption pour construire des coopératives, la conséquence est que ces coopératives-là seront réservées à ceux qui peuvent bénéficier de logements d'utilité publique, c'est-à-dire à une partie, et à une partie seulement, de la population. En d'autres termes, la classe moyenne en sera exclue, ce qui n'est absolument pas admissible au regard de la pénurie actuelle de logements à Genève.
Par ailleurs, l'exercice de droit de préemption est tributaire d'opportunités - le fait qu'elles sont rares, je l'ai déjà indiqué -, mais aussi de la volonté de l'Etat. Quand on exerce le droit de préemption, on porte une atteinte grave à la propriété, il y a donc des contestations, qui entraînent évidemment des difficultés financières et judiciaires que l'on peut imaginer.
Cette initiative est portée par la CODHA, une grande coopérative devenue un mastodonte, un acteur majeur du monde l'immobilier (ce qui n'était très certainement pas son but initial), alors même que le type de coopérative qui devrait être avantagé est précisément celui des primo-coopératives.
Enfin et surtout, tout cela coûtera très cher: si l'Etat doit mettre à disposition des terrains pour des coopératives, il doit d'abord les acquérir, et il doit le faire en zone de développement, mais les initiants ont dit durant leur audition que l'Etat devrait être agressif sur l'ensemble des terrains à disposition, y compris en zone ordinaire. Je vous laisse imaginer la facture pour le contribuable.
J'ai posé le débat sur l'initiative, je vais à présent aborder le contreprojet. Quand on vote le principe d'un contreprojet, il faut aller jusqu'au bout. Malheureusement, pour l'instant... Je vous le dis encore une fois: je compte sur vous pour corriger les turpitudes de cette fameuse commission du logement. Il faut aller jusqu'au bout avec une solution réaliste et trouver une solution qui pacifie la situation. Le meilleur moyen d'arriver à une telle solution est de prendre en compte le désir des initiants d'avoir un socle de 10% de coopératives sur le bâti. L'idée était extrêmement simple, c'est pour ça que je m'étonne quand le rapporteur de majorité dit que le contreprojet était complexe. Non, il ne l'était pas.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. Sébastien Desfayes. Simplement, en zone de développement, un socle de 10% minimum - je précise: minimum -, de coopératives doit être construit.
Alors quels sont les avantages de ce contreprojet ? D'abord, contrairement à ce que prévoit l'IN 180, les logements en coopérative qui seraient construits grâce au contreprojet n'iraient pas uniquement à ceux qui ont accès aux logements sociaux, mais à l'entier des habitants du canton. Ce socle de 10% minimum de coopératives figure à l'article 4A, alinéa 2, de sorte que la modification proposée touche toutes les catégories de logements et partant toutes les catégories de la population. Contrairement au but chimérique affiché par l'IN 180, ce socle de 10% sera effectivement atteint.
Le président. Monsieur le député, vous avez parlé pendant sept minutes.
M. Sébastien Desfayes. Oui !
Le président. Vous devez donc vous arrêter et reprendre la parole plus tard. (Rires.)
M. Sébastien Desfayes. Merci !
Le président. Merci beaucoup. La parole est à M. Madani.
M. Amar Madani (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, incompréhensible ! Incompréhensible, cette volte-face de nos amis PLR et UDC qui étaient à la base de farouches défenseurs du contreprojet de cette initiative amplement débattue en commission et en plénière. Si le principe de promouvoir les coopératives est largement soutenu, la version initiale de l'initiative a été jugée irréalisable en raison d'abord du délai trop court - 2030, 10%, 12 000 logements par an, c'est mission impossible ! -, deuxièmement du manque de terrain et des contraintes urbanistiques et troisièmement de la complexité des procédures de planification.
Un contreprojet a été élaboré en commission pour que l'on propose un compromis réalisable intégrant les avantages du monde coopératif: logements abordables, mixité sociale, renforcement du tissu communautaire. Cependant, un certain nombre de réserves exprimées par des représentants des coopératives ont conduit certains groupes à retirer leur soutien, y compris des partis de droite, PLR et UDC pour ne pas les citer, qui avaient pourtant participé à l'élaboration de ce contreprojet.
Mesdames et Messieurs, notre groupe regrette cette situation, car le rejet du contreprojet implique que l'initiative sera soumise au peuple dans sa version initiale, irréalisable en l'état. Nous considérons que le refus du contreprojet, qui offrait un compromis équilibré, conciliant, ambitieux et faisable, compromet tout progrès concret en faveur des coopératives. Ce texte aurait permis un développement progressif des logements coopératifs sans que l'objectif soit irréalisable.
En conclusion, le refus de ce contreprojet risque d'entraîner un rejet de l'initiative lors de la votation populaire, ce qui priverait le canton d'un outil efficace pour le développement des coopératives. La deuxième minorité, Mesdames et Messieurs, vous appelle par conséquent à reconsidérer cette décision et à soutenir ce contreprojet, garant d'un compromis pragmatique et réalisable. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je repasse la parole au rapporteur de première minorité pour qu'il finisse son exposé. (Rires.)
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur de première minorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. J'ai pu me sustenter dans l'intervalle, j'ai donc apprécié cette pause. Je remercie mon collègue Madani pour la clarté de ses propos.
Je disais que contrairement au but chimérique de l'initiative, on a ici un véritable socle de 10% minimum qui sera effectivement construit. Contrairement à l'initiative, qui affiche cet objectif mais ne prévoit pas ce qui se passera lorsqu'il ne sera pas atteint, l'article 4A de la LGZD permet de pérenniser la construction de coopératives, car cette exigence d'un minimum de 10% s'appliquera tant que la loi existera. En outre, contrairement à l'initiative, qui s'appuie sur l'exercice du droit de préemption - coûteux, source de conflits et de litiges -, le contreprojet, parce qu'il est simple, parce qu'il est réaliste, pacifie les relations entre les différents acteurs de l'immobilier. Contrairement à l'initiative, qui implique des investissements pharaoniques de la part de l'Etat - il faut acheter ces terrains -, le contreprojet prévoit une construction de logements en coopérative qui ne coûtera en principe tout simplement rien à l'Etat, puisque cette exigence de 10% s'appliquera quel que soit le propriétaire: le privé devra construire 10% minimum de coopératives en zone de développement, l'Etat n'aura donc pas besoin d'intervenir.
En réalité, vous l'avez compris quand vous avez entendu le rapporteur de majorité, on a de la peine à saisir les raisons qui ont poussé une majorité importante de la commission à s'opposer à ce contreprojet. Alors revenons brièvement sur les arguments de la gauche. Il y en a eu trois. Le premier est de dire que l'on ne veut pas renoncer à la volonté populaire et au fait qu'il y aura vraisemblablement un plébiscite de la population par rapport à l'IN 180. C'est oublier que s'il devait y avoir une unanimité du Grand Conseil sur un contreprojet, ce serait, à mon sens, un geste encore plus fort en faveur des coopératives.
La deuxième raison invoquée par le gauche est le risque juridique. L'initiative a effectivement été testée par le Tribunal fédéral, ce qui n'est pas le cas du contreprojet, mais - je le rappelle - le département a confirmé que ce contreprojet était parfaitement valable, respectait le droit supérieur. A toutes fins utiles, nous avons demandé à l'avocat et enseignant à l'université Grodecki d'examiner la validité de ce contreprojet; il a affirmé, avec les réserves habituelles bien évidemment, que ce contreprojet était totalement conforme au droit fédéral et à la Constitution suisse.
Le dernier argument de la gauche concerne le PAV, qui n'est pas touché par l'article 4A. J'ai deux points en relation avec cet argument à relever. Le premier, c'est que l'initiative elle-même n'apporte rien de neuf par rapport au PAV. Deuxièmement, nous savons déjà que l'Etat a la volonté de réaliser a minima 40% de logements en coopérative sur les terrains du PAV en mains publiques. Donc, que ce soit l'initiative ou le contreprojet, cela n'aura aucune influence s'agissant de ce périmètre.
J'ajoute un dernier point concernant les arguments du PLR et de l'UDC que vous avez entendus, notamment le suivant: «Nous sommes vexés que les initiants ne retirent pas leur initiative.» Ça peut arriver ! Néanmoins, on a un contreprojet qui répond à un besoin de la population, dont on sait qu'il est acceptable par tous les partis. On sait en outre que sans contreprojet, l'initiative sera vraisemblablement acceptée, avec ses défauts majeurs. On sait également que s'il n'y a pas de contreprojet, la base des partis du centre n'acceptera pas de ne pas soutenir l'initiative. Ce qui est clair, c'est que la base d'un parti comme le nôtre nous dira: «A partir du moment où votre contreprojet n'a pas passé, aussi imparfaite que soit l'initiative, il faudra bien soutenir quelque chose. Ce sera donc, à défaut, cette initiative-là.» C'est par conséquent un mauvais calcul politique du PLR et de l'UDC, parce qu'ils se retrouveront seuls contre cette initiative qui passera, alors même qu'on aurait pu avoir un contreprojet beaucoup plus efficace et qui aurait répondu aux besoins de l'entier de la population. Merci.
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vous l'avez compris, en gros, la question du débat de ce soir est la suivante: quelle place veut-on donner aux coopératives de logement dans le canton de Genève ?
Pourquoi se poser cette question ? La réponse est assez simple. Selon les statistiques, dans un immeuble en coopérative, vous payez jusqu'à 40% de loyer en moins que la moyenne des locations d'autres appartements dans le canton. Pour illustrer cet écart, je prends l'exemple d'un appartement de cinq pièces: on passe d'un loyer de 3000 francs par mois - les loyers de ce type ne sont malheureusement pas rares, il suffit de jeter un oeil sur internet - à 1800 francs par mois. Comment est-ce possible ? Contrairement aux autres acteurs immobiliers, les coopératives n'ont pas besoin de verser des bénéfices à des propriétaires ou investisseurs: l'argent des loyers est directement réinvesti dans l'exploitation et l'entretien des immeubles.
Ce caractère non lucratif des coopératives est une de leurs principales qualités, mais ce n'est pas tout. Les coopératives sont également très démocratiques dans leur fonctionnement, puisque les coopérateurs et coopératrices locataires participent directement aux décisions concernant leurs immeubles. En outre, les coopératives sont souvent pionnières en matière de construction écologique et de vie de quartier. C'est pour toutes ces raisons que la promotion des coopératives est au coeur du programme du parti Vert depuis très longtemps.
Une fois que l'on a relevé tout cela, on aurait envie de placer tous les immeubles du canton entre les mains des coopératives, vous ne trouvez pas ?
Une voix. Oui !
M. David Martin. A cette question, le Groupement des coopératives d'habitation genevoises (le GCHG), l'association faîtière des coopératives dans le canton, qui englobe toutes les coopératives, de nature très diverse - pas seulement la CODHA, contrairement à ce qu'a dit M. Desfayes -, a répondu de façon assez réaliste et pragmatique. Il a lancé une initiative, celle dont on parle ce soir, qui propose une proportion de 10% de coopératives à l'échelle du canton. C'est assez modeste, puisqu'en ville de Zurich, on compte déjà plus de 20% de coopératives; ce territoire s'est fixé l'objectif, confirmé par votation populaire, d'aller jusqu'à 33% de logements d'utilité publique. Aujourd'hui, dans le canton de Genève, nous sommes à 5% environ ! Pour passer à 10%, je vous laisse calculer: il faut ajouter 5%, ce qui correspond bel et bien à une fourchette allant de 10 000 à 12 000 logements.
L'initiative fixe effectivement 2030 comme délai pour y arriver, mais comme elle a été bloquée par des recours des milieux immobiliers et qu'en gros, il ne s'est rien passé en commission, parce que la majorité de droite n'a pas avancé, on se retrouve quatre ans plus tard, quatre ans après la rédaction du texte, et on vient nous dire que ce délai est intenable, etc. Or, le Conseil d'Etat, qui a soutenu cette initiative, a lui-même estimé que ce délai devait être considéré comme indicatif. Il est certes inscrit 2030, mais ça ne veut pas dire que si l'on ne parvenait pas à atteindre cet objectif, ça retirerait tout d'un coup la valeur de l'intention de l'initiative. Le motif du délai qui justifie l'opposition à l'initiative est par conséquent un mauvais motif.
Vous l'avez compris, l'initiative «Pour + de logements en coopérative» concerne l'ensemble du canton, elle vise 10% de logements en coopérative sur l'ensemble du parc d'habitations du canton. Vous allez me dire: «Ok, ça concerne l'initiative, mais ce soir nous sommes là pour parler du contreprojet.» Si j'ai tenu à rappeler tout le bien que nous pensons de l'initiative, c'est que justement nous, les Verts et la gauche dans son ensemble, n'avons pas voulu le contreprojet. Nous souhaitons que cette initiative soit soumise à la population telle quelle et estimons qu'elle a de grandes chances d'être adoptée.
Il y a en effet un fort attrait pour les coopératives à Genève; on peut estimer à dix mille le nombre de ménages inscrits sur leurs listes d'attente. Lorsqu'en 2020 les Genevois ont été appelés à se prononcer sur l'initiative fédérale «Davantage de logements abordables», 60% de la population a dit oui. Pour ces raisons, nous ne voulions pas de contreprojet, et il semble que même la droite n'en veuille plus ce soir. Tant mieux pour l'initiative ! Cela a de plus le mérite de nous permettre de nous délecter de cette scène assez particulière: toute la fameuse alliance de droite se retrouve au centre de l'hémicycle à s'écharper.
J'ajoute quand même quelques mots à propos du contreprojet, que, vous l'avez compris, nous allons refuser. Il faut reconnaître que ce contreprojet n'est pas complètement une mauvaise idée, mais le problème est qu'il limite le périmètre d'action à 10% dans les futurs quartiers uniquement. Nous considérons donc qu'il ne va vraiment pas assez loin. En résumé, on nous dit: «Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.» Non, Mesdames et Messieurs, nous tenons à cette vision large et à long terme qui implique d'établir ce 10% à l'échelle de l'ensemble du parc de logements. Ça concerne les nouveaux quartiers, mais aussi les immeubles existants. Pour toutes ces raisons, le groupe des Vertes et des Verts vous invite à rejeter, comme l'a fait la commission, un contreprojet trop maigre par rapport à l'objectif de l'initiative. (Applaudissements.)
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Si en entendant le début de la prestation de M. David Martin vous avez cru entendre une publicité pour les coopératives, c'est normal ! C'est en effet la stratégie des initiants, qui a consisté à refuser un contreprojet pragmatique et efficace au profit d'une initiative abstraite et totalement irréaliste pour justement donner de la visibilité à ce qu'est une coopérative.
Il faut résumer. On a vu que M. Desfayes, rapporteur de minorité, est un peu vexé. Il y a un peu d'eau dans le gaz de notre relation amoureuse et pourtant... (Rires.) PLR-Centre, pas M. Desfayes et moi ! (L'oratrice rit. Rires. Commentaires.) J'ai des personnes proches qui ne doivent pas penser quelque chose de... (L'oratrice rit.) Il y a de l'eau dans le gaz. M. Desfayes a très bien résumé la situation; le contreprojet était effectivement pragmatique. Résumons-le.
Le contreprojet veut modifier l'article 4A de la loi sur les zones de développement (LGZD). Cet article 4A demande déjà aujourd'hui qu'on développe, sur un terrain en zone de développement, un tiers de logements sociaux, de LUP (dans ces LUP, il doit y avoir 16% de HBM), 30% de ZDLOC et 30% qui, s'ils sont laissés au libre choix du maître d'ouvrage, doivent avoir 20% de PPE. J'ai mentionné volontairement tous ces acronymes pour vous montrer la complexité de l'article 4A. Ajoutez à cela 10% de coopérative et projetez le tout sur un terrain qui fait entre 1000 et 3000 mètres carrés: cela veut dire que vous allez construire un immeuble dans lequel il faudra avoir trois appartements en coopérative, cinq en PPE, douze en HBM... Voilà ! C'est une usine à gaz ! Le contreprojet est pragmatique, mais il est malheureusement très compliqué quant à sa réalisation et très compliqué à faire comprendre en votation populaire.
Je vais rappeler quelque chose, puisque ça a été dit: le PLR n'est pas du tout contre les coopératives ! Nous avons même, d'ailleurs juste à côté de moi, un coopérateur. La coopérative permet donc de loger y compris des PLR et c'est une très bonne alternative pour le logement. (Rires.)
Une voix. C'est honteux ! (Rires.)
Mme Diane Barbier-Mueller. Rappelons autre chose: l'initiative ne va pas créer plus de logements. Pour reprendre une formulation qu'adore notre conseiller d'Etat chargé de l'aménagement, Antonio Hodgers, que nous aimons tous beaucoup, le logement est un gâteau et tout le monde en veut une part. Sur cette part du gâteau, il y a donc des gens qui veulent de la PPE, d'autres qui veulent des logements sociaux, d'autres encore des coopératives; on va tous s'écharper pour ça. Mais quand on demande vraiment à la population de quoi elle a besoin, c'est de plus de logements. Peu importe le type de logements: elle veut des logements.
Cette initiative va malheureusement un tout petit peu phagocyter le principe du logement social, parce que le droit de préemption ne s'applique que pour la réalisation de logements sociaux ! Il faudra donc faire un choix: Mesdames et Messieurs les députés socialistes en particulier, vous allez devoir choisir entre des logements sociaux pour une catégorie de la population qui est peut-être plus précarisée et des coopératives - effectivement, M. David Martin l'a dit, il n'y a pas que la CODHA, mais les terrains qui sont aujourd'hui dévolus à des coopératives le sont dans à peu près 99% des cas à de grosses entités, qui ont déjà pas mal de logements et les moyens de développer ces logements.
Est-ce qu'on va donc privilégier des logements sociaux, par exemple des fondations de droit public, ou est-ce qu'on va privilégier des logements en coopérative pour de grandes entités comme la CODHA ? Qui l'a d'ailleurs dit en commission: elle a 7500 adhérents - ils paient une cotisation chaque année sans avoir de logement - et 1200 ou 2200 coopérateurs, je ne sais plus, qui eux ont trouvé un logement. Donc c'est tout ça de revenus en plus pour la CODHA, qui va encore grossir avec cette initiative: elle va donner de la visibilité aux coopératives et donc à la façon de rejoindre une coopérative, typiquement la CODHA, dont fait partie mon très vénérable collègue Adrien Genecand. (Rires.)
Ce qu'il est important de relever, c'est que le PLR soutient les coopératives - il soutient plutôt la primo-coopérative, qui ne sera pas favorisée ici -, mais le contreprojet ne permettrait malheureusement pas d'atteindre cet objectif. L'initiative ne permettra pas non plus d'atteindre cet objectif. Et je pense que ce qu'il faut, c'est vraiment répondre aux besoins de la population, c'est travailler tous ensemble sur la manière d'augmenter le pourcentage de nouveaux logements, d'augmenter le nombre de logements qu'on met à disposition de la population, plutôt que de s'écharper constamment sur le type de logements qu'on va lui proposer. La population se fiche complètement de savoir si ce sont des coopératives, des logements ZDLOC ou des logements sociaux - pour autant que les gens puissent y accéder ! Aujourd'hui, comme il n'y a pas assez de logements, ils n'ont pas les moyens de se loger et ça, c'est à cause du fait qu'on s'écharpe sur le même gâteau au lieu de le faire grandir. C'est pourquoi le PLR vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser le contreprojet. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo, Diane !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Florey. Vous allez voir, Monsieur Florey, comme les gens vous écoutent.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce ne sont pas les turpitudes en commission, comme l'a indiqué le rapporteur de première minorité, qui ont fait qu'on va aujourd'hui se retrouver sans contreprojet: c'est simplement le dogmatisme des initiants, qui n'ont pas voulu retirer leur initiative. Et là est tout le problème de ce dont on discute ce soir: comment voulez-vous expliquer à la population la complexité du sujet - le rapporteur de deuxième minorité l'a dit, c'est un sujet complexe - quand à la fois les initiants et les opposants sont pour le logement coopératif ?
Le problème avec cette initiative, c'est que nous n'allons pas nous retrouver avec plus de logements, on l'a dit, mais également que nous n'aurons pas plus de coopératives ! Parce que quand l'Etat va devoir préempter tous les terrains du canton (pour arriver à l'objectif, irréalisable, de l'initiative, l'Etat devra obligatoirement préempter tous les terrains constructibles, à part le PAV puisque le PAV n'est pas concerné), vous vous doutez bien qu'il y aura multitude d'oppositions ! Il n'y a effectivement pas que la CODHA, il n'y a pas que les coopérateurs qui veulent construire du logement: il y a une multitude d'acteurs, dans ce canton, qui veulent en construire et il y aura donc tellement d'oppositions que nous n'arriverons finalement à quasi rien.
M. Martin se trompe totalement dans ses calculs s'agissant du prix des loyers dans les coopératives, parce que ce qu'il se garde bien de dire, c'est qu'en accédant à une coopérative, vous n'allez pas payer moins cher - ça, c'est une erreur complète: vous n'allez pas payer un loyer moins élevé que celui au prix du marché actuel. Si vous prenez par exemple un cinq-pièces, si vous entrez dans une coopérative nouvellement construite, vous allez payer grosso modo dans les 2500 francs de loyer au minimum. La différence, c'est que vous allez devoir payer cette entrée en achetant des parts sociales. Le prix d'une part sociale est aujourd'hui à partir de 4000 francs et peut monter jusqu'à 8000 voire 9000 francs. Ce qui veut dire que, pour un cinq-pièces, en moyenne, vous allez payer environ 40 000 francs de parts sociales, qui vont être bloqués sur un compte.
Le seul avantage d'aller dans une coopérative, c'est que votre loyer ne va pas augmenter; oui, là vous serez gagnant sur le très long terme. Par contre, vos 40 000 francs bloqués vont vous rapporter zéro franc ! Ils sont bloqués et le jour où vous déménagez, on ne vous les rend pas avec intérêts: on vous rend l'argent que vous avez placé. La différence également, c'est que la coopérative va, elle, travailler avec cet argent et engranger du bénéfice.
Et ce qui pose réellement problème dans cette initiative, c'est que l'acteur principal qui a été cité ici, à savoir la CODHA, joue aujourd'hui les promoteurs immobiliers alors qu'à la base - et c'est là tout le problème des coopératives - ce n'est pas son rôle ! Elle était là pour offrir du logement coopératif, mais c'est maintenant un des principaux acteurs dans l'immobilier. Il faudrait peut-être se pencher sur cette question: quel est réellement le rôle des coopératives aujourd'hui ?
Encore une chose: personne n'a besoin de cette initiative pour construire du logement coopératif. N'importe lequel d'entre nous ce soir peut, s'il le désire, pour autant qu'il en ait la volonté, construire une coopérative. C'est très simple ! Vous montez un projet, vous allez voir l'Etat pour le fonds LUP, parce qu'aujourd'hui les coopératives peuvent bénéficier du fonds LUP, et n'importe qui peut monter une coopérative; c'est assez simple et tout le monde peut le faire.
La deuxième chose par rapport à ça, c'est que les coopératives, en fait... La complexité, c'est que vous avez des coopératives sous forme de ghettos; et les gens n'ont pas forcément envie d'aller dans ces espèces de ghettos. Pour entrer dans telle coopérative, vous devez être mère célibataire ou vous engager, pour un autre type de coopérative, à ne pas avoir de voiture. Il y a une multitude de règlements aussi farfelus les uns que les autres, et la population n'adhère pas forcément à ça ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Vous créez donc en plus de ça des coopératives exclusives et les gens se sentent exclus; finalement, il y a tellement de complexité pour accéder aux coopératives que les gens se sentent rejetés. (Brouhaha.)
C'est pour toutes ces raisons que l'UDC vous recommande de rejeter ce contreprojet. Laissez la population faire son choix. Nous, nous appellerons à rejeter l'initiative et nous espérons que la population comprendra qu'elle n'est effectivement pas la solution pour construire du logement coopératif à Genève. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha.) Ecoutez, c'est une initiative très importante, très intéressante. Il y a ici des personnes que ça n'intéresse pas - c'est humain -, mais alors vous sortez ! Et vous laissez les autres travailler ! Franchement, je ne comprends pas qu'avec une telle initiative, importante, qui intéresse le peuple genevois, des députés parlent, discutent - on ne se respecte pas. Comme exemple... (Remarque.) Monsieur le député, s'il vous plaît ! S'il vous plaît ! Comme exemple pour les citoyens et les citoyennes de ce canton, bravo ! Merci ! (Applaudissements.) Je passe la parole à M. Esteban. Je pense que vous allez être écouté, Monsieur - je l'espère !
M. Diego Esteban (S). Merci, Monsieur le président. Je vais commencer par citer notre ancien conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann: «Un rire cynique, qui vise à tourner une personne en dérision, ce n'est pas un bon rire, à mon avis.» Alors désolé, mais quand je pense à la manière dont la droite a géré le développement de ce contreprojet en commission, la première image qui me vient à l'esprit, c'est quelqu'un qui trébuche sur ses propres lacets et se mange le bitume, ce qui est malheureusement - je vous prie de m'en excuser - quand même assez amusant.
Le rapporteur de majorité a commencé son exposé en disant que la majorité était une majorité de gauche. Il faut peut-être commencer par un peu de mathématiques: douze voix contre, trois voix pour. Enlevez les cinq voix de gauche: vous avez quand même sept voix contre, trois voix pour. La droite n'avait pas besoin de la gauche pour être elle-même convaincue de refuser ce contreprojet. La droite est au pouvoir, la droite a obtenu une majorité pour prendre une année afin d'élaborer un contreprojet et la droite s'est montrée, ostensiblement, incapable d'aboutir à une proposition.
Pour illustrer ce fait, et je ne fais que m'appuyer sur le rapport de la commission, il suffit de voir que la décision du Grand Conseil sur le principe d'un contreprojet est intervenue le 29 février 2024. Quand est-ce que le contreprojet a été présenté ? Le 14 octobre ! Huit mois plus tard ! Avec un délai d'un an ! Il n'a fallu que deux séances, deux auditions, pour que les auteurs du contreprojet eux-mêmes - enfin, une partie des auteurs - se rétractent, estimant finalement que le projet n'était pas bon ! Ça montre un peu la solidité des convictions; ça montre le sérieux avec lequel l'option du contreprojet a été abordée. Et l'on aboutit à cette situation ridicule où, malgré une confortable majorité pour présenter un contreprojet, eh bien la droite ressort finalement de la commission complètement bredouille !
C'est une belle illustration de la manière dont cette initiative a été gérée par la droite. Le maître-mot, ou les trois maîtres-mots étaient: perte de temps ! En commençant par le retard important qui a été obtenu en contestant l'initiative jusqu'au Tribunal fédéral, tout ça pour qu'elle soit intégralement confirmée. Vous pouvez lire l'arrêté du Tribunal fédéral qui vous explique en quoi elle est parfaitement valide juridiquement ! Alors je vous conseille de ne peut-être pas écouter certaines et certains orateurs ici qui s'estiment meilleurs que le Tribunal fédéral en annonçant moult problèmes juridiques en cas d'acceptation de l'initiative - ce que le tribunal démonte complètement !
Politiquement, on cherche à nous expliquer que cette initiative propose comme seul levier, pour la mise en oeuvre, le droit de préemption - comme si l'initiative inventait le droit de préemption, alors qu'elle fait seulement référence à quelque chose qui existe déjà -, mais il existe aussi la vente de gré à gré. Si le droit de préemption était effectivement la seule arme pour mettre en oeuvre cette initiative, je doute que le Conseil d'Etat l'aurait soutenue ! Politiquement aussi, le texte est valide.
Maintenant, au niveau de l'opportunité: le potentiel de l'initiative, c'est en gros 12 000 logements supplémentaires, dont les loyers, la typologie le démontre, coûtent en moyenne 40% moins cher que les autres: +12 000 logements et -40% s'agissant du prix du loyer. Je vous rappelle que ces dernières élections ont été marquées par des réflexions, des propositions, des discussions portant sur le pouvoir d'achat de la population. C'était le coeur du débat de bon nombre de campagnes dans le monde entier ! Bon nombre de partis au pouvoir et de régimes présidentiels ont chuté... (L'orateur insiste sur le mot «chuté».) ...parce que le pouvoir d'achat était une préoccupation majeure de la population.
Face à cette initiative, que nous propose la droite ? Quelle est cette proposition que le comité d'initiative et la gauche ont l'outrecuidance de refuser ? J'espère bien que c'était une bonne alternative à la proposition de base de l'initiative ! Eh bien l'initiative propose que les 10% de logements coopératifs visés s'appliquent sur l'entier du parc locatif; le contreprojet se contente des nouvelles constructions. Je pense que là, on saisit l'ampleur de la blague ! Quand on propose un contreprojet, on propose une vraie alternative ! Ici, ce n'est pas une alternative: c'est un ersatz d'alternative, et c'est insultant en premier lieu pour les plus de 8000 personnes qui ont signé l'initiative ! Si vous n'avez effectivement pas besoin de la gauche pour refuser ce contreprojet, nous n'allons pas nous priver de renforcer vos rangs pour ce faire.
Nous avions annoncé dès le début que nous soutenions l'initiative, que la proposition était concrète, qu'elle était solide et qu'elle répondait en tous points... (L'orateur insiste sur les mots «en tous points».) ...au besoin de la population. C'est pour l'entier de ces raisons que le groupe socialiste - et la gauche dans son ensemble - non seulement refusera le contreprojet, mais se réjouira de soutenir l'initiative jusque dans les urnes. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, je pense que nous sommes tous d'accord pour avoir des logements et s'il s'agit de logements coopératifs, bien évidemment, pourquoi pas. Mais le groupe LJS n'a pas adhéré au contreprojet, car celui-ci ne propose pas de solutions pour des logements tels qu'ils sont indiqués dans l'initiative. Analysons l'initiative ainsi que le contreprojet.
L'initiative propose des logements d'ici 2030, ce qui est impossible à réaliser, non seulement du point de vue de l'échéance mais aussi des terrains disponibles. Nous avons auditionné plusieurs experts et même M. le conseiller d'Etat; chaque fois que l'on parle de logements, de la crise du logement et de nouvelles constructions à la commission du logement, la réponse est simple: il n'y a pas de terrains.
Deuxième aspect: c'est souvent compliqué de construire un immeuble. La durée de construction d'un immeuble, dans notre canton, varie entre sept et onze ans. Ça veut dire qu'il est impossible dans la situation actuelle de réaliser, comme le demande l'initiative, 12 000 logements d'ici 2030, et même d'ici 2035 ou 2040, car il ne s'agit pas seulement de volonté de construire, mais aussi d'aspects techniques qu'il faut mettre en lien avec le manque de terrains et la durée de la construction des logements.
Le contreprojet, plusieurs députés l'ont expliqué tout à l'heure, ne propose pas de nouvelles constructions. Le groupe LJS a été assez actif pendant les travaux de commission, mais nous avons finalement décidé de ne pas soutenir ce contreprojet, car il ne propose pas de solutions concrètes et pragmatiques, comme c'est inscrit dans l'ADN de LJS. Pour cette raison, le groupe LJS refuse le contreprojet et laisse la population prendre une décision concernant l'initiative. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à... Attendez, excusez-moi: est-ce que le rapporteur de deuxième minorité veut s'exprimer ? (Remarque.) Non. Le rapporteur de première minorité n'a plus de temps, la parole va donc au rapporteur de majorité.
M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. En écoutant l'intervention du député Diego Esteban, je me suis demandé si au fond il ne fallait pas soutenir ce contreprojet rien que pour lui tenir un discours un peu plus mesuré ! Bien évidemment, nous n'allons pas en arriver là...
Une voix. Oh !
M. Murat-Julian Alder. ...j'en suis navré, Messieurs les rapporteurs de minorité. Je crois qu'il faut quand même, à un moment donné, redescendre sur terre; on a entendu à gauche beaucoup de voix défendre l'initiative pour expliquer pourquoi elles s'opposent au contreprojet. Les initiants nous disent qu'à Zurich, il y a 20% de coopératives. Pourtant, Mesdames et Messieurs, à Zurich, on n'a absolument pas inscrit un quelconque taux de coopératives dans la législation cantonale ! Les coopératives zurichoises existent depuis très longtemps; elles existent depuis plusieurs siècles et, à l'origine, elles avaient été pensées et créées au bord de la Limmat pour y loger des ouvriers. Il y avait donc une logique totalement différente.
Ici, on veut imposer artificiellement, arbitrairement un taux de 10% sans tenir compte de la manière dont on va y parvenir ! Non seulement ce délai de 2030 ne sera de toute façon pas observé, mais surtout, si cette initiative est approuvée - ce qui n'est pas encore acquis puisque le peuple (et non la population) n'a pas encore tranché cette question et qu'il le fera le moment venu -, eh bien il faudra la mettre en oeuvre et ça va se jouer projet par projet parce qu'il y aura chaque fois la possibilité, en cas de préemption, de déposer des recours. Et si, à un moment donné, il y a expropriation, l'Etat devra bien évidemment indemniser les personnes expropriées, leur verser une juste indemnité, ce que le conseiller d'Etat Antonio Hodgers a d'ailleurs confirmé lorsqu'il a été auditionné par la commission.
J'aimerais également rappeler que nous avons, dans le cadre du traitement de cette initiative, examiné ce qui figure à l'heure actuelle dans la LGL, la loi générale sur le logement et la protection des locataires. Mesdames et Messieurs, je vous invite à consulter cette loi et, si vous utilisez un ordinateur ou une tablette numérique, à taper «contrôle F» puis le mot «coopérative»: ce terme apparaît à vingt reprises dans le texte de la LGL ! Donc nous faire croire qu'on n'en fout pas une - excusez-moi de l'expression - pour les coopératives dans notre canton, c'est tout simplement mentir au peuple ! Et c'est pour l'ensemble de ces raisons que la seule suite à donner à cette initiative, c'est de la refuser sans lui opposer un quelconque contreprojet. Merci de votre attention.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne serai pas long; tout a été dit sur ce texte et la tentative de contreprojet, qui politiquement était juste. Je pense qu'il faut remercier les initiants d'avoir tenté de créer un compromis, comme cela se fait dans notre démocratie helvétique, autour d'un texte, d'une initiative qui pose une bonne question.
Je crois que cela a été dit par l'ensemble des groupes: le logement coopératif est intéressant. Déjà pour son loyer: 40% moins cher en moyenne, en tout cas 20%. Quel locataire ne voudrait pas voir son loyer baisser de 20% à 40% ! Pour un logement identique !
Les coopératives, c'est même plus que cela. Ce sont des projets immobiliers participatifs; ce sont des immeubles où l'on peut faire vivre les liens entre voisins, les fêtes en bas de l'immeuble, la solidarité avec les personnes âgées - tout ce qui se perd dans notre société. Les coopératives travaillent pour lutter contre cet isolement, contre cette individualisation, chacun dans son appartement. Les coopératives, ce sont aussi de magnifiques projets en matière d'innovation environnementale, de limitation de l'impact du bâti sur la nature et sur le climat. Il s'agit effectivement d'acteurs immobiliers: les coopératives sont des opérateurs immobiliers, mais sans but lucratif et avec des projets qui sont extrêmement intéressants pour la ville de demain.
Le Conseil d'Etat soutient donc cette initiative. Il aurait été prêt à se rallier à un contreprojet; celui-ci n'a pas trouvé de majorité en commission. Il soutiendra l'initiative, dont l'objectif final - ce 10% - est somme toute mesuré. Si le pourcentage avait été plus élevé, le Conseil d'Etat aurait effectivement été plus réservé, mais un objectif de 10% du parc immobilier genevois dédié aux coopératives, alors qu'on est à 5%, ça ne semble pas démesuré dans l'absolu.
Par contre, le Conseil d'Etat reconnaît lui aussi que le délai pour atteindre cet objectif, à savoir 2030, est extrêmement serré, voire impossible à respecter, soyons clairs; mais même si l'objectif est atteint au-delà de l'échéance de 2030, il reste intéressant. Nous avons plusieurs lois similaires, par exemple la LUP, qui depuis des années dit qu'on doit atteindre un seuil de 20% de logements d'utilité publique: on n'y est pas, mais on continue à tendre vers cet objectif. La loi sur les transports publics dit quant à elle que nous devons atteindre une vitesse commerciale de 18 km/h; eh bien nous n'y sommes pas, mais mon collègue Pierre Maudet s'attelle à améliorer la vitesse commerciale des transports publics. (Commentaires.) Nous avons plusieurs objectifs de ce type dans notre législation: même s'ils ne sont pas encore atteints, ils constituent un guide, une ligne de conduite, disons, pour l'administration.
Par conséquent, le Conseil d'Etat entendra atteindre ces 10% de manière raisonnable, et je tiens aussi à dire ceci: nous n'allons pas employer la possibilité de préemption prévue dans cette initiative de manière abusive et systématique. Je crois que ce serait inadéquat, pour les raisons qui ont été exprimées ce soir plutôt par les milieux de droite. Le droit de préemption est un droit qui existe déjà; il est parfois utilisé et doit l'être avec parcimonie. Notre politique consistera vraiment à construire les projets urbains de manière à inciter les investisseurs, qu'ils soient publics ou privés, à réaliser ce 10% - cette part-là du gâteau, pour reprendre les termes de la députée Diane Barbier-Mueller - comme nous le faisons dans le cadre des PLQ pour les 33% de logements d'utilité publique ou afin d'atteindre la part de PPE dans le canton fixée par les nouveaux objectifs que votre parlement a donnés au Conseil d'Etat.
On voit donc qu'on se bat encore une fois pour savoir, comme l'a dit Mme Barbier-Mueller, qui a la plus grosse part du gâteau des logements. Je vous attends, Mesdames et Messieurs, pour les prochains débats, qui consistent à agrandir... (L'orateur insiste sur le mot «agrandir».) ...le gâteau - si le gâteau est plus grand, s'il y a plus de logements, il y aura de plus grandes parts pour chacune des catégories -, et je me réjouis de voir ce parlement, le PLR en tête, voter toutes les modifications de zones que le Conseil d'Etat lui proposera. En l'état, celui-ci vous recommande d'accepter cette initiative et de la renvoyer devant le peuple pour qu'elle y trouve un éventuel plébiscite. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur le PL 13582, considéré comme contreprojet à l'IN 180.
Mis aux voix, le projet de loi 13582 est rejeté en premier débat par 75 non contre 21 oui.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 180-C.