République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 21 juin 2024 à 10h
3e législature - 2e année - 3e session - 15e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 10h, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.
Assistent à la séance: Mmes et M. Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers et Carole-Anne Kast, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Diane Barbier-Mueller, Pierre Conne, Virna Conti, Jean-Louis Fazio, Joëlle Fiss, Arber Jahija, Laura Mach, Xavier Magnin, Léo Peterschmitt, Caroline Renold, Skender Salihi, Geoffray Sirolli et Vincent Subilia, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Thierry Arn, Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Thomas Bruchez, Rémy Burri, Stéphane Fontaine, Christine Jeanneret, Uzma Khamis Vannini, Gabrielle Le Goff, Patrick Lussi et Philippe Meyer.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Nous passons à la première urgence, à savoir le RD 1595, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à la rapporteure, Mme Jennifer Conti.
Mme Jennifer Conti (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier les membres de la sous-commission, MM. Cerutti et Nidegger, et les employés de la fonction publique qui ont participé à ce travail, le secrétariat général du Grand Conseil, en particulier Mme Dellwo, secrétaire scientifique de la commission de contrôle de gestion.
Si la commission de contrôle de gestion vous présente aujourd'hui son rapport, c'est grâce aux lanceurs d'alerte, aux médias et à l'ensemble des acteurs de la surveillance et de l'amélioration de l'action publique, à savoir le service d'audit interne, la Cour des comptes et la commission de contrôle de gestion elle-même - et ce malgré les nombreux freins auxquels nous avons été confrontés.
Il est important de vous donner quelques points de repère pour bien comprendre la situation. Nous avons pris comme temporalité la période commençant en mai 2022, soit la date à laquelle l'ancienne conseillère d'Etat a été désignée candidate à sa propre réélection. Un élément qui ressort en particulier, c'est que dès son entrée en fonction, ses demandes sortent un peu du cadre prévu par l'Etat. Très rapidement, elle demande par exemple à un haut fonctionnaire de gérer ses réseaux sociaux, et ce dernier lui rappelle le cadre.
Ensuite, le 1er septembre 2022, malgré le refus des responsables métier, signature d'un mandat à une plateforme. Courant 2022 toujours, un proche collaborateur de la magistrate sollicite ces mêmes responsables métier pour un mandat portant sur une monnaie locale, et ces derniers refusent carrément l'entrée en matière, ils ne procèdent même pas à l'analyse du dossier, considérant que le conflit d'intérêts est trop flagrant. Le 10 février 2023, le chef de campagne reçoit un e-mail d'un autre proche collaborateur l'alertant sur les risques qu'encourt le département, notamment liés aux mandats attribués à des organisations qui sont proches de la magistrate et au départ du secrétaire général. Courant mars 2023, nos travaux nous permettent d'établir que des effacements d'e-mails ont lieu. Les collaborateurs reçoivent clairement un rappel leur demandant de ne pas contribuer à la campagne.
Malgré ce rappel, de nombreux éléments montrent qu'une contribution assez forte à la campagne est apportée par trois communicants. Le 11 avril 2023, la première demande LIPAD est déposée, elle porte uniquement sur l'un des communicants. Deux jours après, soit le 13 avril 2023, a lieu la signature du mandat à la monnaie locale, via le département du territoire et le DEE. Le 21 avril, le secrétaire général demande la sécurisation de tous les e-mails des personnes concernées. Le 24 avril, il est procédé à l'extension de la demande LIPAD à l'ensemble des trois communicants. Concernant le mois d'août 2023, nos travaux confirment que la magistrate accède à sa seconde boîte e-mail pour procéder à certains effacements.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Madame la députée.
Mme Jennifer Conti. Oui, merci, Monsieur le président. Nous avons été confrontés à deux types de freins dans le cadre de nos travaux. Les premiers sont les refus d'auditions. Il y en a eu quatre: l'ancienne magistrate elle-même, le chef de campagne, l'employé externe chargé de la campagne sur les réseaux sociaux politiques et le chargé de communication stratégique et du développement organisationnel. Par ailleurs, on découvre grâce aux travaux de la cellule d'enquête et investigation que la demande LIPAD est incomplète. Il nous manque donc clairement des éléments.
Ensuite, il y a les freins plus généraux, à savoir un manque de transparence dans certains processus de l'Etat, une forte culture de l'oralité - certains communicants nous confirment qu'ils notifient de manière orale que certaines demandes sont beaucoup trop liées à la campagne, mais cela n'a pas pu être confirmé, car il n'y a pas de trace écrite -, beaucoup de processus papier, notamment pour les mandats, ce qui rend extrêmement compliqué par la suite de procéder à une analyse systématique, l'absence d'un système de clés comptables qui garantisse une transparence et permette d'analyser s'il y a une tendance claire, à savoir si, à l'approche d'une campagne, on constate ou non une augmentation de l'externalisation et des recours à des communicants externes - on n'avait pas les outils pour le déterminer -, et enfin six mois d'attente pour auditionner la cellule enquête et investigation.
Grâce aux travaux de celle-ci, on a eu la confirmation que des effacements d'e-mails avaient eu lieu, qu'il existait un dossier intitulé «affaires sensibles» contenant deux sous-dossiers intitulés «LIPAD monnaie Léman» et «LIPAD Je consomme local», créés après la demande LIPAD puis vidés par la suite. Comme je l'ai dit précédemment, nous avons également pu confirmer que la demande LIPAD était incomplète.
Nous avons été dans l'impossibilité d'étendre nos travaux, tout simplement parce que nous n'avions pas de lanceurs d'alerte ni d'éléments documentés sur les autres départements. Ensuite, s'agissant du cadre d'analyse, nous nous sommes basés sur celui du Conseil de l'Europe, qui fournit un cadre de questions avec des exemples concrets. Clairement, le recours à des communicants de la fonction publique constitue une utilisation de ressources publiques dans le cadre de campagnes électorales. Nous utilisons aussi le cadre de référence COSO, qui concerne toutes les questions en lien avec le contrôle interne, les règles mises en place à l'Etat pour surveiller justement toutes ces procédures. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
En synthèse, on constate que deux recrutements ne respectent pas les règles habituelles, que trois communicants réalisent clairement des actions de campagne, qu'un conflit d'intérêts est présent dans l'attribution d'un mandat à une association portée par le bureau d'étude du chef de campagne, signé dix-sept jours avant les élections, que la magistrate procède à l'attribution d'un mandat de 97 000 francs malgré le préavis négatif des responsables métier.
Les recommandations, en résumé, sont les suivantes: améliorer la transparence de l'Etat...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Jennifer Conti. Je peux juste terminer ?
Le président. Vous avez quelques secondes.
Mme Jennifer Conti. Merci beaucoup. Pour terminer, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission de contrôle de gestion vous demande de bien vouloir accepter ce rapport. En le votant, vous dites à la population genevoise que vous défendez ses intérêts et que vous ferez tout pour que de tels événements ne se reproduisent plus. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Yves Nidegger (UDC). Je parle au nom de mon groupe et pas en tant qu'ancien membre de la sous-commission. S'agissant du contenu du rapport, il en a été très largement question dans la presse, il n'est pas forcément nécessaire de revenir sur les détails. J'aimerais plutôt m'exprimer sur ce que nous pouvons aujourd'hui en tirer en tant que parlement.
Certains vous diront qu'il n'y a finalement rien de très grave dans ce rapport et qu'il n'est pas nécessaire de tirer des conclusions importantes, parce que c'est Genève; j'ai le regard inverse: c'est bien parce que c'est Genève que ce qui est contenu dans ce rapport doit nous amener à en tirer des conséquences importantes. Pourquoi ? Genève est un canton qui se distingue en comparaison des autres par toutes les mesures institutionnelles prises pour que l'abus de pouvoir y soit, en théorie, plus difficile à commettre que dans tout le reste de la Suisse.
C'est un canton qui a une Cour des comptes - ce n'est pas le cas de tous -, cette dernière est active, opérationnelle, elle produit des rapports extrêmement nourris. C'est un canton qui a un SAI, service d'audit interne, qui, depuis quelques années en tout cas, fonctionne bien. C'est un canton qui a mis en place une plateforme pour que les lanceurs d'alerte soient certains d'être protégés lorsqu'ils ont quelque chose à transmettre, ce qui, institutionnellement, constitue probablement une des meilleures protections théoriques que l'on puisse imaginer. C'est enfin un canton - et ils sont rares - où nous autres, membres du parlement cantonal, disposons de l'initiative législative. Si nous constatons qu'une loi est insuffisante, qu'il faut la durcir, eh bien nous avons la faculté d'y introduire des changements, de proposer même de nouvelles lois si nous le voulons. En d'autres termes, sur un plan théorique, ce canton semble être taillé pour que ce qui est contenu dans ce rapport et qui a été révélé dans la presse - faisant pas mal de bruit et de secousses - ne se passe pas ou ne se passe que très peu probablement.
C'est ça qui sera la première conclusion choquante: alors qu'on a mis le plus de cautèles pour avoir le maximum de sécurité et éviter les abus de pouvoir, eh bien on en a plutôt régulièrement. Pourquoi ? Parce qu'il existe apparemment une forme de culture de l'impunité qui s'est installée depuis un certain temps dans les pratiques de l'Etat. C'est à cette culture qu'il s'agit aujourd'hui de s'intéresser, et il faut nous en alarmer. Le parlement et l'exécutif sont en ce moment dans une phase - ça ne vous aura pas échappé - où les rapports sont un peu tendus. Curieusement, ce n'était pas le cas précédemment. Qu'est-ce qui a changé entre ces deux situations, celle où les rapports avec le gouvernement sont tendus et celle où le parlement était un fan-club de l'exécutif ? Ce n'est pas l'exécutif, il est composé de manière identique, mais bien le parlement. Quand vous avez un parlement plus à droite, ce dernier veut faire son boulot de contrôle. Quand vous avez un parlement plus à gauche, vous avez un fan-club.
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Yves Nidegger. C'est de cela que nous devons discuter et c'est de ces conclusions-là que nous devons conférer entre nous, en acceptant évidemment ce rapport, qui ne doit représenter qu'un début de prise de conscience.
M. Francisco Taboada (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce rapport essentiel de la sous-commission de contrôle de gestion «Ressources publiques et campagnes électorales» met en lumière des éléments qui sapent la confiance du public en nos institutions. Pour le mouvement Libertés et Justice sociale, il est inacceptable que des ressources publiques aient été utilisées à des fins de campagne électorale. Les conclusions de ce rapport sont claires et relèvent des manquements graves, notamment des recrutements irréguliers, un mélange des rôles et des mandats attribués de manière, on peut le dire, douteuse et questionnable.
Face à ces révélations, il est impératif de prendre des mesures fermes pour garantir que nos institutions restent transparentes et éthiques. Les recommandations de la sous-commission sont pertinentes et nécessaires. Nous devons sensibiliser et former nos collaborateurs pour qu'ils comprennent l'importance de ne pas utiliser des ressources publiques à des fins personnelles ou partisanes.
Il est crucial de garantir la transparence et le respect strict des procédures de recrutement pour éviter le népotisme et les conflits d'intérêts. La digitalisation des processus relatifs aux mandats et le développement d'outils de surveillance permettront une meilleure gestion des dépenses publiques et plus de transparence.
La commission de contrôle de gestion doit avoir un accès direct et sans entrave aux informations nécessaires au bon déroulement de ses enquêtes. Nous pouvons ici regretter que ses travaux aient été freinés et que la commission n'ait pas pu aller au bout des investigations qu'elle avait initialement prévu de mener.
Pour ces motifs, nous vous invitons à accepter ce rapport. Pour le mouvement Libertés et Justice sociale, il est primordial de restaurer la confiance des citoyens en démontrant notre engagement envers la transparence et l'intégrité; en soutenant ces recommandations, nous faisons un pas important vers un gouvernement plus ouvert et responsable. Monsieur le président, chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas répéter ce qui vient d'être dit - et très très bien dit - par mon collègue le député Taboada. Le rapport qui vous est présenté a fait l'objet de nombreuses auditions et d'un travail conséquent. Il reprend des éléments qui ont mis en lumière la nécessité d'aller de l'avant pour la poursuite des bonnes pratiques à appliquer.
Pour Le Centre, les recommandations, acceptées par le Conseil d'Etat, sont transversales et permettent de renforcer les processus de transparence à plusieurs niveaux: recrutement, système de clés comptables afin de comprendre les flux financiers dans les attributions de mandats, sensibilisation des collaboratrices et des collaborateurs au fait de ne pas utiliser les ressources publiques à d'autres fins que celles vouées aux prestations publiques !
Dans le but d'améliorer la transparence, il convient également de compléter le vade-mecum du Conseil d'Etat avec des règles éthiques de bonne gouvernance, en prévoyant un contrôle par les pairs. Le fait que la commission de contrôle de gestion et sa sous-commission aient accès à la cellule d'enquête et investigation devrait permettre de gagner du temps et d'obtenir tous les renseignements nécessaires afin de garantir l'efficience du travail parlementaire.
La vision et le but de ces recommandations sont essentiels puisque, in fine, il s'agit bien de redonner confiance dans notre système. Il nous faut aller de l'avant et renforcer ce système qui n'a pas été aussi transparent qu'il aurait dû l'être. Le Centre a accepté ce rapport en commission et le fera encore aujourd'hui. Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les Vertes et les Verts ont pris connaissance du rapport de la sous-commission de contrôle de gestion intitulé «Ressources publiques et campagnes électorales». Nous en soutenons les recommandations, notamment en matière de bonne gouvernance, d'attribution des mandats, de transparence et de protection des données personnelles. Toutes les mesures susceptibles de renforcer l'éthique et la transparence dans la gestion du Conseil d'Etat et l'activité de l'administration sont soutenues sans ambiguïté par les Vertes et les Verts - et c'est une très bonne chose que la sous-commission de contrôle de gestion se soit penchée sur les pratiques en place.
Notre groupe reconnaît que des erreurs d'appréciation politique ont été commises par la conseillère d'Etat sortante; dans le cadre d'une campagne de réélection, la séparation entre les activités de campagne et les activités ordinaires du département doit être conduite de façon rigoureuse, et nous constatons - comme l'a fait la commission - que cette séparation a été insuffisante.
Mais justement, à ce titre, il aurait été très utile que la commission apporte un cadre clair pour délimiter ce qui a trait à l'activité courante d'un département et ce qui a trait à la campagne électorale d'un conseiller ou d'une conseillère d'Etat sortant. Autrement dit, où se trouve la frontière entre le bilan d'un département et celui, plus politique, d'un élu sortant en campagne ? Malheureusement, ce travail n'a pas été mené par la sous-commission, nous n'avons pas de réponse. L'examen transversal des pratiques de l'ensemble des départements n'a pas été mené, l'analyse s'étant concentrée uniquement sur le DEE. In fine, le rapport n'apporte pas de délimitation claire sur le cadre de travail des communicants lors de campagnes électorales.
Si nous soutenons les recommandations du rapport, nous restons critiques sur les méthodes d'investigation et les conclusions. Les lacunes du rapport étaient déjà clairement visibles à la première lecture, elles ont été confirmées la semaine passée par le Conseil d'Etat. Une partie des accusations du rapport sont donc infondées. Par exemple, il ressort que l'engagement de deux postes qualifié d'irrégulier ne l'était en fait pas. L'engagement d'agents spécialisés dévolus à une mission spécifique n'est en effet pas soumis à une obligation de mise au concours, contrairement à ce qui est écrit dans le rapport - cet élément aurait d'ailleurs été très facile à vérifier.
Malgré le fait que les agendas de tous les communicants ont été fournis à la sous-commission, aucune preuve n'a été apportée que du temps de travail de fonctionnaires du DEE aurait effectivement été dévolu à des activités de campagne. Ce dernier point se trouve d'ailleurs entre les mains de la justice, que nous laissons poursuivre son travail.
En conclusion, nous ne sommes pas d'accord avec la méthode utilisée, qui n'a retenu que des éléments à charge sans étudier l'ensemble des départements. Nous refuserons ce rapport, et dans l'intérêt de l'objectivité que ce parlement se doit de garder, vous appelons à en faire de même. En revanche, nous partageons sans réserve les exigences d'éthique, de transparence et de bonne gouvernance envers l'ensemble des magistrats et élus de notre canton. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Tout d'abord, je tiens à remercier la commission de contrôle de gestion, en particulier les trois sous-commissaires, pour leur excellent travail sur ce sujet qui est difficile. Ils ont fait un travail véritablement exceptionnel étant donné les limites qui sont les nôtres dans un parlement de milice. Encore bravo pour l'excellent travail que vous avez fait !
Ce rapport met au jour des éléments inquiétants. Nous constatons qu'un système mafieux s'est mis en place; on efface des e-mails, on camoufle certaines réalités dérangeantes, des rôles sont mal définis, une campagne électorale des Verts est financée par le contribuable, on confie à des fonctionnaires des activités qui s'éloignent de leurs tâches pour faire un travail de militants; ce n'est pas au contribuable genevois de payer la campagne d'un parti politique !
Les Verts sont en train d'entrer dans une dérive, on l'a vu notamment avec leur représentant au Conseil d'Etat actuel, qui tient certains propos assez douteux. Nous en avons eu la preuve encore hier: nous sommes face à des Verts moralistes à tout bout de champ, qui donnent des leçons à la terre entière, et en particulier à ce parlement, alors qu'eux-mêmes feraient bien de balayer devant leur porte et d'avoir un peu plus de rigueur morale et de rigueur tout court ! C'est quelque chose qui leur manque résolument, ce qui nous fait craindre pour le bon fonctionnement de l'Etat, malheureusement.
Nous assistons même - et nous en sommes témoins au travers du remarquable rapport de la commission de contrôle de gestion - à une petite Camorra à la genevoise... (Exclamations.) ...qui certes, heureusement, a des proportions limitées. Mais cette petite Camorra Verte a malheureusement sévi avec des activités douteuses au niveau d'une pseudo-banque qui a voulu... En fait, ce sont des écolos qui ont voulu jouer aux grands financiers. On s'est trouvé dans une sorte de mini délire; on pourrait soit en rire soit en pleurer. Malheureusement, c'est grave, parce que c'est l'Etat de Genève, la rigueur de notre Etat et son bon fonctionnement qui sont mis en cause. Je vous demande donc de soutenir activement le remarquable travail réalisé par la commission de contrôle de gestion. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Jacques Béné (PLR). On peut quand même s'interroger sur les trente minutes dont nous disposons pour ce débat qui est un débat de fond. On vient de passer sept heures sur les comptes à disserter sans grand intérêt, mais dont acte, on a trois minutes par groupe, donc je vais les prendre. Tout d'abord, je tiens à remercier Mme Conti et ses deux collègues pour le travail qui a été effectué dans des conditions difficiles mais a permis de relever des points très factuels.
Les conseillers d'Etat ont des prérogatives. Nous ne les remettons pas en cause, mais il ne faut pas qu'ils en abusent. Ce sont essentiellement des prérogatives politiques, et c'est pourquoi le PLR a souhaité intégrer dans les recommandations la notion de contrôle entre pairs, qui au départ ne figurait pas dans ce rapport et qui nous paraît essentielle. Nous attendons en effet que le Conseil d'Etat revienne avec un processus qui permette que la marge de manoeuvre politique de chaque conseiller d'Etat soit préservée tout en garantissant que les règles de notre Etat de droit soient respectées.
Au-dessus de chaque conseiller d'Etat, il doit y avoir le Conseil d'Etat. Si l'on veut rétablir la confiance entre les conseillers d'Etat et le parlement, comme l'a souhaité encore cette semaine Mme la présidente Nathalie Fontanet, il nous faut rétablir cette confiance avec un processus très très clair, une distinction des différentes responsabilités et un contrôle entre pairs.
Au-delà de ces éléments, nous sommes atterrés de la position des Vertes et des Verts dans cette affaire, qui cautionnent, qui essaient de justifier, qui minimisent la gravité des faits...
Une voix. C'est faux !
M. Jacques Béné. ...qui, au fond, défendent l'indéfendable ! (Commentaires.) Eux qui nous assènent à longueur de journée leurs discours moralisateurs sur la responsabilité sociale et environnementale... (Commentaires.)
Le président. Chut, s'il vous plaît.
M. Jacques Béné. ...sur l'inclusivité, etc., et qui, à la première occasion, rompent le contrat social qui nous lie et se placent au-dessus de l'Etat de droit. C'est insupportable, c'est inadmissible et cela décrédibilise totalement leurs actions et l'image de nos institutions !
Les donneurs de leçons, ça suffit ! Non, Monsieur Eckert, il n'y a pas de mais; vous voulez défendre l'éthique et la transparence, il n'y a pas de mais ! J'aurais espéré qu'il y ait un sursaut de lucidité et de responsabilité et que vous accepteriez ce rapport, il n'en a rien été. Je n'ose même pas imaginer la situation si Mme Fischer était encore en fonction. Honte à vous, Mesdames et Messieurs les Vertes et les Verts !
Nous accepterons ce rapport tel qu'il est sorti de la commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, le Conseil d'Etat s'engage pleinement en faveur de la transparence de l'Etat vis-à-vis de la population, vis-à-vis des médias, il s'engage également en faveur d'une collaboration constructive avec le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Le Conseil d'Etat s'efforcera de mettre en oeuvre les recommandations émises par la commission de contrôle de gestion, et il le fera notamment en tenant compte de celles qui découlent de l'audit du SAI du 13 juin 2024 sur la gouvernance des achats et de l'audit en cours de la Cour des comptes sur les mandats de tiers.
Quant au contenu et à la conclusion du rapport, le Conseil d'Etat entend rappeler qu'un volet pénal reste ouvert, qui doit déterminer si oui ou non il y a eu gestion déloyale des intérêts publics; la justice n'ayant pas encore donné sa réponse, il ne peut s'exprimer sur ce volet.
Le Conseil d'Etat entend néanmoins revenir sur quelques points précis. Concernant la collaboration institutionnelle, le Conseil d'Etat a pleinement collaboré, et avec diligence. Il a notamment remis à la commission en moins de six semaines les organigrammes, les agendas des communicants et la liste des mandats de tous les départements pour la période 21-23. Il a fourni à la commission trois réponses circonstanciées relatives au travail conséquent effectué par la cellule d'enquête et d'investigation. Quant aux e-mails supprimés, il est important de rappeler que s'ils sont supprimés dans les boîtes mail, ils sont néanmoins conservés ! Aucun e-mail n'a pas été conservé. Les messages supprimés par les collaborateurs restent conservés pendant 365 jours sur les serveurs de l'Etat, voire plus longtemps en cas de demande spécifique, et ce fut le cas dans cette situation. Par conséquent, sur la période instruite par la commission de contrôle de gestion, il n'y a pas de messages perdus dans la nature ni ailleurs: ils sont tous trouvables, il n'y a pas de messages introuvables !
Sur le fait que les réponses à la demande de la commission de contrôle de gestion auraient été insuffisantes, respectivement n'auraient pas été aussi complètes que les demandes LIPAD, Mesdames et Messieurs, la comparaison ne peut pas être tirée entre les éléments qui sont transmis au moment de la demande LIPAD d'avril 2023 et les éléments transmis à la commission de contrôle de gestion. Ces transmissions portent sur des données de natures différentes, ne répondent ni aux mêmes lois ni aux mêmes règles, il n'y a pas de secret de fonction opposable à la commission de contrôle de gestion, alors qu'évidemment, un secret est opposable dans le cadre des demandes de remise LIPAD. Ça, c'est vraiment important de le rappeler.
S'agissant des questions relatives aux mandats, le Conseil d'Etat regrette que la sous-commission n'ait pas auditionné les spécialistes de l'administration afin d'avoir un échange sur ces questions ou attendu l'examen de la Cour des comptes, qui porte exactement sur le même champ et qui apportera à n'en point douter des éléments concrets à cet égard. Au sujet du mandat Monnaie Léman, qui a été co-porté par le DEE et le DT, j'aimerais rappeler qu'il se basait sur un préavis positif de la direction de la durabilité et du climat, donc du DT, en lien avec le plan climat cantonal. Le livrable est un rapport de 68 pages, co-rédigé par l'Université de Lausanne, qui a été remis à l'administration en février 2024. Le DT n'a eu connaissance d'aucun document ou d'éléments selon lesquels le compagnon de Mme Fischer aurait été impliqué dans la préparation, l'élaboration ou la réalisation du mandat.
Ensuite, quelques précisions sur les recrutements: des directives et des procédures existent, qui cadrent très clairement les recrutements au sein de l'Etat. Mais dans certains cas très spécifiques, et notamment, Mesdames et Messieurs, pour les agents spécialisés engagés pour des périodes limitées, une certaine souplesse est possible et il n'y a pas d'obligation de publier des offres d'emploi, en raison des compétences très particulières qui sont attendues de ces collaboratrices et collaborateurs.
Je veux dire un dernier mot sur la culture d'oralité qui est reprochée: j'aimerais rappeler, pour avoir vu les éléments dans le rapport, que c'est justement grâce au fait que cette oralité n'est pas présente qu'a pu figurer sur un des mandats contestés le préavis du secrétaire général du DEE de l'époque, qui indiquait qu'il était opposé au financement du mandat en question. Et c'est bien la preuve, Mesdames et Messieurs les députés, que les institutions fonctionnent et que la hiérarchie, respectivement les responsables, ont fait leur travail. Le politique, en l'espèce la conseillère d'Etat, a décidé d'exercer son pouvoir politique, pour aller au-delà. Votre commission a pu travailler, elle rend des recommandations, que le Conseil d'Etat s'efforcera de mettre en oeuvre, parce qu'effectivement, il est d'avis qu'elles seront utiles, que la formation des collaboratrices et collaborateurs sera bénéfique et que s'assurer que soit marquée une différence très claire entre mener des campagnes personnelles et faire son travail de conseillère ou conseiller d'Etat est un élément essentiel. Vous avez pu analyser la situation, et nous estimons que vous avez fait un travail intéressant, que tout n'est pas absolument tel que cela ressort de votre rapport, mais c'est normal, nous avons pu mettre en lien des éléments et des précisions une fois votre document étudié. Cela étant, nous acceptons vos recommandations. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mis aux voix, le rapport divers 1595 est approuvé et ses recommandations sont transmises au Conseil d'Etat par 73 oui contre 13 non et 1 abstention (vote nominal).
Débat
Le président. Voici notre prochaine urgence: la P 2213-A. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes, et je passe la parole à M. Barbey. (Commentaires.)
M. Alexis Barbey (PLR). Merci, Monsieur le président. Il s'agit ici très simplement d'amener devant ce Grand Conseil une situation un peu ubuesque qui nous a été rapportée par la crèche Eveil en forêt. Cette éco-crèche fonctionne très bien, accueille une trentaine d'enfants plusieurs jours par semaine et contribue à les éveiller aux activités en plein air. Elle a obtenu toutes les autorisations nécessaires pour exercer et devrait donc paisiblement continuer à recevoir ces enfants.
Il se trouve qu'une entité de l'Etat a imposé à la crèche de disposer d'une roulotte pour y faire dormir les petits, ce qui est tout à fait compréhensible, donc elle a commandé une roulotte. Tout avait l'air de bien se passer, tout avait l'air de rouler, si je puis dire, quand soudain, un autre département de l'Etat a interdit à la crèche d'installer cette roulotte sur son terrain. Ainsi, la crèche est tiraillée entre l'obligation - la nécessité, également - de disposer d'une roulotte pour la sieste des enfants et l'impossibilité de la placer sur sa parcelle.
La crèche ne peut pas s'extirper de cette situation qui est d'autant moins compréhensible que, par ailleurs, toutes les autorisations ont été reçues, et ce alors qu'il est assez difficile en soi pour un jardin d'enfants privé de réunir les conditions nécessaires pour se déployer. C'est pourquoi nous venons devant ce Grand Conseil demander au Conseil d'Etat, via cette pétition, de trouver une solution pour que la crèche Eveil en forêt puisse continuer à exercer et que la situation ridicule dans laquelle elle a été placée soit réglée directement au plus haut niveau. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je tiens à m'excuser auprès du rapporteur, M. Jean-Marie Voumard, car j'ai oublié de lui donner la parole en premier.
Une voix. Eh bien bravo !
Le président. Monsieur Voumard, vous avez maintenant la parole.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur. J'allais justement y venir, Monsieur le président. J'espère que ça ne se reproduira plus à l'avenir, merci.
Mesdames et Messieurs, la crèche Eveil en forêt a été créée en 2016. A l'époque, elle disposait d'une roulotte qui a brûlé peu avant le covid, voilà pourquoi elle a fait l'acquisition d'une nouvelle roulotte qui a coûté près de 70 000 francs et qui se trouve à l'heure actuelle dans le canton de Vaud, car elle ne peut pas être installée en zone agricole - le terrain sur lequel se réunit la crèche à Dardagny se trouve en effet en zone agricole.
Pour le reste, tout a été dit par mon préopinant. Je vous demande dès lors, au vu du délai... Oui, parce qu'actuellement, les enfants dorment dans un petit local mis à disposition par Pro Natura dans la maison située à côté de la parcelle. Pro Natura mettait ce lieu à disposition pour la sieste et les soins, mais cet arrangement prendra fin au mois de décembre de cette année, donc le délai est très court. Voilà pourquoi nous n'avons pas entendu le département à la commission des pétitions et avons décidé de voter l'urgence afin que cette pétition soit renvoyée rapidement au Conseil d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Christina Meissner (LC). Effectivement, c'est une situation pour le moins ubuesque dans laquelle se trouve cette crèche. Il faut savoir que les crèches en forêt rencontrent un énorme succès et qu'il n'y en a pas beaucoup. Celle-ci exerçait de manière tout à fait satisfaisante pour les enfants, pour leur bien-être. Aujourd'hui, une certaine instance de l'Etat l'oblige à disposer d'une roulotte pour que les enfants puissent y dormir tandis qu'un autre service de l'administration lui dit: «Non, il n'est pas possible d'installer une roulotte à cet endroit, car il s'agit d'une zone agricole.» Certes, mais le terrain n'a jamais été exploité en tant que tel: il se trouve derrière le centre nature de Pro Natura dans le vallon de l'Allondon, et l'Etat y a même planté des arbres à un moment donné !
Comment faire maintenant pour permettre à cette crèche, qui est vraiment utile et indispensable, de continuer à exercer pour le bien-être des enfants sachant que la parcelle ne manque certainement pas à l'agriculture et que, jusqu'à présent, l'Etat a fait preuve de bon sens ? Nous demandons à l'administration de continuer à faire preuve de bon sens, de placer la santé des enfants avant des considérations d'ordre technico-je ne sais trop quoi et de permettre à cette éco-crèche d'installer sa roulotte sur un terrain qui, je le répète, se trouve certes en zone agricole, mais n'est plus utilisé comme tel depuis des décennies. C'est la raison pour laquelle Le Centre soutient cette pétition et demande au Conseil d'Etat de faire preuve de bon sens. Merci beaucoup.
M. François Erard (LC). Comme l'a indiqué la préopinante, nous soutiendrons ce texte. Cela étant dit, la situation illustre parfaitement et de manière exemplaire ce que les agricultrices et agriculteurs genevois vivent régulièrement, confrontés qu'ils sont à une débauche administrative, à un manque total de bon sens de la part de certains pans de l'administration cantonale. Quelque part, je suis content de voir que le problème touche également d'autres secteurs et j'espère que cette affaire fera jurisprudence. Je vous remercie.
Des voix. Bravo !
Mme Lara Atassi (Ve). On peut faire le constat que la crèche Eveil en forêt répond à plusieurs problématiques rencontrées à Genève, d'une part la pénurie de places en crèche, d'autre part le souhait de nombreuses personnes de se rapprocher de la nature, de disposer d'espaces de verdure; c'est une demande que l'on retrouve très souvent dans les textes que nous traitons à la commission des pétitions.
Comme cela a été expliqué, cette éco-crèche est en danger, parce que le SASAJ exige un espace chauffé pour la sieste des enfants et que le local mis à disposition depuis quelques années ne le sera bientôt plus. La roulotte constitue une solution créative, mais qui a été refusée par le service de l'agriculture, une roulotte étant légalement considérée comme un bâtiment en dur.
Les Verts et les Vertes, comme tout le reste de la commission, ont considéré qu'au vu du court délai dont dispose la crèche, il était nécessaire d'agir immédiatement. En effet, lorsque des projets comme celui-ci sont utiles, rassembleurs et tournés vers l'avenir, nous autres, politiques, devons les soutenir par tous les moyens. Les potentiels obstacles légaux doivent stimuler notre créativité pour rechercher des issues plutôt que nous bloquer et nous placer dans des situations d'impasse comme celle-ci. C'est pourquoi nous soutiendrons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, en espérant que cela l'encouragera ainsi que ses départements à trouver avec rapidité une solution pour la survie de cette crèche. Merci. (Applaudissements.)
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs, la commission est unanime. Nous avons entendu uniquement les pétitionnaires, nous n'avons pas pris le temps d'auditionner les services de l'Etat pour une raison simple, c'est que nous sommes au mois de juin; si nous n'agissons pas vite, si nous attendons septembre ou octobre, l'existence même de la crèche est menacée, ainsi que nous l'avons compris, vu qu'elle ne peut tenir que jusqu'en décembre. On nous reprochera peut-être de ne pas avoir entendu le département, mais M. Hodgers pourra nous apporter les éclairages nécessaires.
Pour nous, il était important de donner un message politique, un message politique teinté d'incompréhension au vu des informations dont nous disposons, et puis d'un petit peu de tristesse, parce que quand on est face à un projet - mes collègues l'ont souligné - simple, efficace, qui répond à un vrai besoin - il manque des places en crèche - et qui plus est innovant, puisque les activités ont lieu en forêt, on se dit: «Cela doit être possible, la machine de l'Etat doit être capable de déroger à certaines règles, de discuter ou de déployer des moyens pour trouver des solutions.»
On l'a fait avec le bâtiment Soubeyran que les habitants voulaient maintenir - vous transmettrez au magistrat Hodgers, Monsieur le président, qui nous avait dit: «Oui, la maison est un peu proche des autres immeubles, mais on peut contrevenir au droit, il y a un maître d'ouvrage, je vais trouver une solution.» Nous voulons que l'Etat trouve une solution ici aussi et nous espérons que ce sera rapidement le cas, Monsieur Hodgers, nous vous prions de faire le nécessaire, éventuellement d'entente avec le DIP.
Dans un même registre, on peut citer la Source bleue. Je reviens brièvement sur ce sujet qui a été abordé hier, car c'est pareil: il y avait 1,6 poste - des logopédistes, des personnes spécialisées dans l'accueil, dans l'intervention précoce pour les enfants en difficulté aux Pâquis - et, tout à coup, on dit aux parents: «C'est fini. Il y avait 1,6 poste, vos enfants étaient pris en charge, eh bien ce ne sera plus le cas, ces gens vont être dispersés au sein du DIP, c'est comme ça.»
Mais ce n'est pas audible, ce n'est pas croyable que l'Etat, avec toute sa force et son intelligence, réponde ainsi à des habitants ! Et quand nous, élus, sommes du côté des pétitionnaires ou des personnes qui se mobilisent comme les mamans de la Source bleue, nous ne pouvons pas le tolérer. Le parti socialiste est heureux qu'il y ait une majorité large sur ce dossier et espère que des solutions seront trouvées pour ces enfants, pour ces parents et pour ce projet magnifique. Merci beaucoup.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, c'est vrai qu'on parle d'une majorité large, puisque tous les membres de la commission ont été indignés par cette situation, par l'absurdité de certaines décisions de l'administration. Il faut rappeler qu'il y avait déjà une roulotte sur place, mais que celle-ci a brûlé. La crèche a donc commandé une nouvelle roulotte confectionnée avec du bois suisse, qui s'intègre parfaitement dans le paysage; ce n'est pas une baraque de chantier, c'est une belle roulotte en bois. Nous comptons sur vous, Monsieur le conseiller d'Etat, pour que vous régliez rapidement cette affaire. Merci beaucoup.
M. Patrick Dimier (MCG). Je rappelle à cette assemblée que les enfants s'épanouissent dans la nature, rarement à l'ombre des règlements.
Une voix. Bravo.
Le président. Je vous remercie. Il n'y a plus de demande de parole, nous allons passer au vote... (Remarque.) Ah ! Allez-y, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. J'avais oublié d'appuyer sur le bouton, subjugué que j'étais par les différentes interventions ! Tout d'abord, Mesdames et Messieurs, le député Thévoz a anticipé ma réaction: en effet, je regrette que la commission n'ait pas pris le temps d'auditionner le département, parce que de nombreuses réponses aux questions que vous vous posez auraient pu être fournies dans un cadre construit. Mais non, on n'entend qu'une seule partie, on s'offusque et on fait le débat en plénière. Il s'agit d'un choix politique pour le moins questionnable.
Cela étant, imaginons brièvement un scénario d'avenir si le Conseil d'Etat vous suivait dans une demande très précise qui est de délivrer une autorisation de construire pour un bâtiment - du point de vue du droit fédéral, une roulotte constitue un bâtiment - en zone agricole, laquelle est, par définition, inconstructible. Il y aurait d'abord des rumeurs; ensuite, une requête LIPAD avec la saisie de documents. Que montreraient-ils ? Que les services ont rendu un préavis négatif, constatant la non-conformité à la zone de fond - c'est le document qui m'est remonté. En effet, il est illégal d'autoriser l'installation d'une roulotte en zone agricole.
Malgré cela, le magistrat ferait de la politique et déciderait d'aller de l'avant en contredisant l'administration. La Cour des comptes serait alors saisie, Mesdames et Messieurs les députés: un conseiller d'Etat qui opère le choix de ne pas écouter le préavis de ses services, mais quel scandale ! La Cour des comptes rendrait un rapport sanglant. A ce moment-là, CNews... euh, Léman Bleu, pardon ! (Rires.) ...ferait état d'une infamie au sommet de l'Etat. Cyril Hanouna... euh, non, Jérémy Seydoux s'exclamerait: «Hodgers nous a menti les yeux dans les yeux ! Il n'a pas respecté la loi alors que c'est inscrit noir sur blanc !»
Là-dessus, la commission de contrôle de gestion s'auto-saisirait de l'affaire, nommerait ses fins limiers Conti, Nidegger et Cerutti, qui enchaîneraient les séances de sous-commission; ils n'auraient pas le temps de lire tous les documents et mails qui leur seraient fournis, mais peu importe. A la fin, la députée Conti déclarerait: «Au lieu de respecter la loi, Hodgers s'est servi et a servi les intérêts de ses petits copains.» Parce qu'évidemment, on expliquera que cette éco-crèche regorge d'écolos-bobos, que ces gens sont proches des Verts, que le magistrat est Vert... et que tout cela n'est que Camorra et mafia, ajoutera en fin de débat parlementaire le député Baertschi.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce futur possible auquel toutefois je me refuse. (Remarque. Rires.) Je refuse que vous versiez à nouveau dans ce genre de démarche mortifère pour les institutions. La loi est claire: une roulotte, si elle est immobile, est assimilée à une construction en dur. C'est absurde... (Remarque.) C'est absurde, mais c'est le Tribunal fédéral qui le dit.
Une voix. Il faut changer la loi.
M. Antonio Hodgers. Ce n'est pas la loi, c'est le Tribunal fédéral ! C'est la jurisprudence fédérale ! De même, la zone agricole est un périmètre inconstructible. On ne peut y ériger des bâtiments que s'ils sont affectés à l'agriculture. Une crèche est-elle destinée à l'agriculture ? La réponse est non.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous rassure: le département cherche depuis des mois une solution à cette situation qui est effectivement ubuesque, parce que les personnes du comité de l'éco-crèche et leurs mandataires ont bien fait le job, ont avancé peu à peu avec une très bonne volonté. Mais au bout d'un moment, la loi, c'est la loi; bien sûr, je vous vois secouer la tête, on parle de bon sens - j'y reviendrai.
Pour la suite, la première chose à faire est de trouver un local provisoire. Jusqu'au mois de décembre, c'est Pro Natura qui le met à disposition. Nous essayons d'explorer d'autres possibilités. Le problème fondamental n'est pas tant la roulotte en soi, mais son positionnement: si celle-ci était installée en zone constructible ou proche d'un hameau, elle pourrait parfaitement remplir sa fonction. Il y a là un travail que le département s'engage à accomplir.
Mais tirons peut-être collectivement la morale de cette histoire, Mesdames et Messieurs les députés, parce que non, le Conseil d'Etat ne vous suivra pas dans une démarche illégale. En effet, vous demandez au Conseil d'Etat de délivrer une autorisation de construire illicite. Dans d'autres temps, on l'aurait fait. Dans d'autres temps, le bon sens aurait prévalu, on aurait dit: «Oui, c'est de la zone agricole, mais il y a un constat de nature forestière. La crèche y avait déjà une roulotte pendant des années; certes, elle ne disposait pas d'une autorisation, mais enfin, on continue comme ça.» Dans d'autres temps, on aurait admis que cette situation se trouve quelque peu dans une zone grise, le magistrat aurait pu faire de la politique et assumer cette zone grise.
Or ce n'est plus possible aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que de nos jours, eu égard à la culture de l'Etat dont vous venez de faire la démonstration sur le point précédent de l'ordre du jour, pour un porteur de projet dans l'administration, il y a trois contrôleurs: le contrôleur aux comptes, le contrôleur de gestion, le service d'audit interne. Ajoutez-y encore la Cour des comptes et la commission de contrôle de gestion, quand ce n'est pas le Ministère public ! Comment voulez-vous demander à des fonctionnaires de sortir de leur zone de confort et de prendre des risques avec la loi, quand bien même cette crèche en forêt sert le bien commun ?
Il s'agit vraiment d'un enjeu collectif, Mesdames et Messieurs. Toute la morale que vous venez de professer à propos de l'Etat dans le cadre du point précédent illustre un trend qui se résume à un rigorisme sans la moindre zone grise, où tout est noir ou blanc, et si l'on s'écarte ne serait-ce que d'une virgule de cette ligne, c'est la polémique assurée. La conséquence permanente de cette attitude pour notre collectivité comme pour d'autres ? Plus un seul fonctionnaire ne prend le moindre risque. Quand on demande à l'administration: «Est-il possible d'autoriser ?», elle répond: «Non, la loi dit que non, donc c'est un préavis négatif.» C'est ainsi que de magnifiques projets comme cette éco-crèche péclotent. Nous portons une responsabilité commune dans le fait d'accumuler bureaucratie, réglementation, procédure là où devraient primer innovation, courage politique et capacité à servir le bien public, et cela, Mesdames et Messieurs les députés, vous en êtes aussi grandement responsables.
Le Conseil d'Etat fera tout pour sauver cette crèche en forêt, mais ne violera pas la loi. Nous ne donnerons pas le plaisir à la commission de contrôle de gestion de s'aventurer une fois encore sur des champs qui, aux yeux du Conseil d'Etat, sont inadéquats. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, nous nous prononçons sur les conclusions de la commission, soit le renvoi du texte au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2213 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 82 oui et 7 abstentions (vote nominal).
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, à savoir le PL 13441-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro au rapporteur de majorité, M. Yves Nidegger.
Des voix. Il arrive !
Le président. Bien, en attendant, je passe la parole à la rapporteure de première minorité, Mme Dilara Bayrak.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, c'est un peu compliqué de présenter le point de vue de la minorité sans la présence du rapporteur de majorité, qui aurait donné les arguments en faveur de cette proposition. Je peux en résumer le contenu puis passer directement aux points que la minorité reproche à ce texte.
Le premier est qu'on se trouve dans une situation un peu ubuesque. Lorsque des votes sur une augmentation des postes de magistrats doivent avoir lieu, une modification doit être effectuée dans la LOJ, puisque le nombre de magistrats est clairement défini par cette loi, mais puisque ça engendre des coûts, la commission des finances est aussi saisie de cette question. Elle doit voter lors du scrutin sur le budget relatif aux postes traitant exactement du même sujet.
On se retrouve dans une situation un peu complexe: lorsque la commission des finances vote des postes sur le principe, la commission judiciaire s'offusque de ne pas pouvoir se prononcer sur le fond de l'affaire, et puis, inversement, lorsque la commission judiciaire augmente le nombre de magistrats en passant par le débat politique consistant à déterminer si cette augmentation est opportune ou pas, la commission des finances s'offusque parce que cela engendre des coûts alors qu'elle n'a pas pu examiner cette proposition. Voilà donc la situation.
Dans le cadre du texte qui nous occupe aujourd'hui, la commission des finances a voté l'augmentation du nombre de procureurs lors de son vote sur le budget, mais n'a pas pu - en tout cas, on l'imagine - examiner les autres sujets connexes à ce projet de loi puisque ce n'est pas sa prérogative, qui est d'examiner s'il est opportun de voter ces postes ou pas.
Là où le bât blesse, c'est qu'à la commission judiciaire et de la police, nous avons uniquement entendu le procureur général, à l'occasion de l'audition de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire, c'est tout, alors même que ses déclarations auraient pu susciter des interrogations de la part des députés et des députées, puisque certaines d'entre elles allaient au-delà de la simple attribution des postes. On aurait en effet pu se dire qu'en raison d'une modification du droit fédéral, plus d'auditions doivent désormais être menées par les procureurs. Il s'agit d'une nouvelle exigence présente au niveau fédéral à l'article 352a du code de procédure pénale: s'il est probable que le prévenu, à l'issue de son ordonnance pénale, ait une peine privative de liberté, eh bien le Ministère public doit l'entendre.
Problème, le procureur général nous dit: «Ecoutez, aujourd'hui, ce sont des greffiers-juristes qui exécutent cette tâche, mais on a quand même besoin de procureurs.» Donc en fait, suite à cette modification du droit fédéral, est-ce qu'on a besoin de procureurs ou de greffiers-juristes ? Si c'est la deuxième option, pourquoi est-ce qu'on nous dit dans le cadre de ce projet de loi qu'il nous faut plus de procureurs, alors même que lors de son audition, le procureur général nous a indiqué très clairement que ces nouveaux postes de procureurs n'allaient pas être affectés à l'audition prévue par la loi fédérale à l'article 352a CPP ?
C'est problématique, parce que cette question-là n'a pas pu être examinée par la commission des finances; je ne doute pas de la qualité des travaux de cette commission - quoique, sur certains sujets, ça peut dépendre, mais sur celui-là, j'imagine qu'on vous a présenté qu'il était très très compliqué d'avoir des délais corrects dans la gestion des dossiers pénaux, qu'il y a de plus en plus de judiciarisation, etc., etc. En fait, on n'arrive pas à savoir pourquoi ces nouveaux postes vont être ajoutés...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Madame la députée.
Mme Dilara Bayrak. Merci, Monsieur le président. Et puis, deuxième point, on vient nous dire un peu par la bande qu'on va introduire une demi-charge pour les procureurs, puisque aujourd'hui, c'est soit une charge entière soit pas du tout. Le procureur général a pu passer sur cela comme chat sur braise, mais encore une fois, ce sujet n'a pas été abordé par la commission des finances et il s'agit d'un sujet politique; à titre personnel, à chaud, je peux soutenir cette proposition, mais nous n'en avons pas discuté. Moi, je trouve que cette façon de fonctionner au niveau de notre Grand Conseil n'est pas correcte, qu'elle n'est pas conforme, on aurait dû faire le travail politique, juste pour qu'on puisse prendre une décision politique sur le fait d'attribuer ou non cette demi-charge, sur la création de postes supplémentaires de procureurs, alors même qu'on sait que ce sont des greffiers-juristes qui vont exécuter les tâches en question.
Il y a plein d'éléments que nous n'avons pas abordés, ce qui n'est pas responsable à mon avis. Nous devrions analyser ces questions plus amplement en étudiant les considérations et les implications pour la procédure pénale genevoise qu'engendre le fait de déléguer systématiquement des auditions à des greffiers-juristes alors que la loi fédérale a voulu que ce soit le Ministère public - et donc en théorie un procureur - qui entende ces prévenus.
Pour cette raison tout à fait logique et qui fait tout simplement appel au bon sens dans la mesure où il s'agit de faire notre travail correctement, je demande le renvoi en commission de ce projet de loi: il faut que nous puissions mener les auditions, faire notre travail et étudier cette question au-delà de ce qu'a pu faire la commission des finances, qui n'était pas chargée d'analyser ce sujet comme le fait la commission judiciaire et de la police, qui, elle, s'intéresse beaucoup plus aux enjeux politiques des questions judiciaires.
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Je passe donc la parole au rapporteur de majorité.
M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Je ne m'exprimerai que sur le renvoi, je suppose ?
Le président. Absolument.
M. Yves Nidegger. Par ma faute, je suis arrivé en retard et on a inversé l'ordre des prises de parole des rapporteurs. La minorité - de quatre contre une majorité de neuf - vous sert aujourd'hui une analyse politique en disant que l'objet ne serait pas mûr pour être traité. Il s'agit de prétextes. Le rapport est très complet sur les auditions, leur étendue, les sujets sur lesquels l'audition du procureur général a porté; il s'agit d'une espèce de prétexte retardataire utilisé parce que dans certains milieux, on n'aime pas les procureurs, on aime plutôt les juges civils. Vous remarquerez que pour le projet de loi concernant le TPAE qui sera traité par la suite, ce genre de précaution n'est pas pris par la minorité - elle le fait uniquement quand il s'agit de procureurs. Il n'y a donc pas matière à renvoyer ce texte en commission pour refaire un travail qui a déjà été mené à satisfaction.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je rejoins les propos de la rapporteure de première minorité. Nous avons été saisis à la commission judiciaire d'un projet de loi traitant de deux sujets bien distincts. Le premier est l'augmentation du nombre de procureurs de 43 à 48. Au sein du MCG, nous aurions souhaité une augmentation plus conséquente - je reviendrai là-dessus. Le deuxième est le temps partiel des procureurs, des premiers procureurs ainsi que du procureur général. Il est vrai que cette thématique n'a pas été abordée, nous n'avons pas eu le temps de l'analyser à la commission judiciaire et avons été mis face à cela. Un projet de loi contenant deux sujets complètement différents nous a donc été soumis.
S'agissant du premier sujet, pour nous, au MCG, le fait de passer de 43 à 48 procureurs n'est pas suffisant - je reviendrai sur cette question. Concernant la deuxième thématique, nous aurions souhaité avoir un peu plus d'informations.
Le président. Monsieur le député, vous vous exprimez sur le renvoi en commission.
M. Sandro Pistis. Oui, Monsieur le président, c'est pour ça que je dis que renvoyer ce texte en commission mettrait encore plus en péril et, en quelque sorte, mettrait encore plus en attente le traitement des dossiers. Il faut savoir qu'aujourd'hui, le Ministère public est passé d'un stock de fin d'année de 6000 à 11 000 affaires, ce qui signifie que 11 000 affaires n'ont pas pu être traitées, contre 6000 à la fin de l'année précédente. On voit donc qu'il y a une surcharge de travail.
Le président. Veuillez vous prononcer sur le renvoi en commission.
M. Sandro Pistis. Pour le renvoi en commission, c'est non, je vais y arriver. (Remarque.) Je vous demanderai par la suite de voter plus de postes, c'est-à-dire de ne pas être minimalistes... (Remarque.)
Le président. Merci beaucoup.
M. Sandro Pistis. ...et donc de voter 53 postes de procureurs, en lieu et place de 48, de voter non au renvoi en commission et oui à l'amendement MCG qui vient d'être déposé.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Madame la conseillère d'Etat, voulez-vous vous exprimer sur la demande de renvoi en commission ?
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Oui, merci, Monsieur le président. J'aimerais dire quelques mots pour vous demander de ne pas renvoyer ce projet en commission. Tout ce qu'il était nécessaire d'étudier a été analysé par la commission judiciaire. Comme j'ai eu l'occasion de le dire, Mme Bayrak a raison sur un point, on a un problème de fonctionnement du parlement, on n'a pas un problème de fond sur ce projet. Ce dernier met en oeuvre une décision que la majorité de cet hémicycle a déjà prise lors de l'adoption du budget. Je ne vois pas l'utilité de retourner en commission, ça ferait perdre énormément de temps, on est bientôt à mi-année et on est simplement en train d'exécuter les décisions budgétaires. Si on doit repartir en commission, ça n'a bientôt plus de sens. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13441 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 63 non contre 22 oui.
Le président. Nous continuons notre débat et je passe la parole à Mme Alimi. (Remarque.) Ah oui, pardon, la parole va tout d'abord au rapporteur de majorité. Excusez-moi, Madame Alimi.
M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. C'est moi qui vous présente mes excuses, Madame Alimi, c'est à cause de moi que tout s'est fait à l'envers et j'en suis désolé. Si nous avons ce débat aujourd'hui, c'est parce que nous vivons dans un système où le parlement non seulement élit lui-même chaque magistrat, comme on le fait lors de chaque session, mais inscrit également lui-même dans la loi sur l'organisation judiciaire le nombre exact de magistrats pour chacune des juridictions qui composent le Pouvoir judiciaire.
C'est une particularité que nous avons ici, qui nous donne évidemment plus de travail que dans les autres cantons: il y a des systèmes différents où c'est le département de justice et police qui s'occupe des carrières des magistrats. Ici, ce n'est pas du tout le cas: à la moindre rocade, pour toute nouvelle entrée, c'est le parlement qui s'en charge. D'où cette nécessité de modifier la loi, puisque c'est dans la LOJ que figure le nombre de magistrats que l'on peut élire, et d'où le timing un peu particulier dont la conseillère d'Etat a fait état: une discussion politique sur les besoins se tient lors du débat sur le budget dans le cadre de la compétence financière du parlement; on constate un besoin, on en débat, on augmente le budget pour pouvoir engager, et puis, un peu décalée dans le temps, une autre discussion a lieu au sein de la commission judiciaire et de la police sur, au fond, la nature du besoin lui-même.
Alors la minorité vous dit que ce débat n'a pas pu être conduit; il l'a été. L'augmentation de la démographie, la suractivité d'une certaine criminalité transfrontalière et le fait qu'il y ait des infractions de masse, notamment à la LCR - on met des radars partout, on en rajoute, on ne débranche pas les anciens -, tout cela débouche sur une justice rendue par des machines, des radars, mais via un travail qui doit quand même être signé par des procureurs lorsqu'il s'agit d'ordonnances.
Ce constat nous a conduits à considérer qu'il fallait passer de 43 à 48 procureurs - et ce débat a déjà eu lieu sur le plan budgétaire. Et puis, comme il y a plus de procureurs qui rendent plus de décisions et que ces dernières, lorsqu'elles sont contestées - et les plus graves le sont de manière systématique -, vont ensuite devant le Tribunal pénal, celui-ci doit également être augmenté d'un poste.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. Yves Nidegger. Volontiers, Monsieur le président. Il en va de même pour la Cour de justice, qui statue sur les appels lorsqu'il y en a. Tous ces besoins ont été clairement identifiés. Le procureur général a été entendu, toutes les questions qui pouvaient lui être posées l'ont été, à la satisfaction de la majorité des commissaires de la commission judiciaire et de la police, qui considèrent qu'ils sont suffisamment renseignés et qui vous demandent de les suivre en ce sens via l'adoption de ce projet de loi.
Quant au caractère hybride ou hétérogène de la loi, il est vrai qu'on a profité de cette modification de la LOJ pour faire disparaître une interdiction d'avoir des magistrats à demi-charge qui ne prévalait que pour le Ministère public. C'est admis dans les autres juridictions. Pendant longtemps, c'était l'employeur lui-même, à savoir le Ministère public, qui considérait qu'on ne pouvait pas être un demi-magistrat et que cette charge devait s'exercer à temps plein. Aujourd'hui, le Ministère public considère lui-même qu'il est avantageux pour la gestion des ressources humaines de la maison d'autoriser les demi-charges, qu'il y aurait même un avantage à le faire et que ça ne pose pas de problèmes logistiques particuliers.
L'employeur, à savoir le Ministère public, un peu réactionnaire et qui avait été longtemps opposé à cette possibilité demandée par la société - et en particulier par les milieux de gauche qui sont dans la minorité et qui aiment le temps partiel, la répartition équitable du travail et des tâches ménagères, enfin toutes ces choses-là -, accepte enfin ce genre d'idées, et voilà qu'on veut le lui reprocher en lui disant: «On ne peut pas discuter de cela, on a besoin d'entrer dans le fond de la matière ! Comment, des demi-charges, mon Dieu, quelle horreur ! Voilà des femmes qui vont s'occuper de leurs enfants durant une partie de la journée et de criminels durant l'autre; c'est tout à fait immoral !»
Non ! Il est vrai que les deux matières - le nombre de postes et la question des demi-charges - sont un peu différentes. (Remarque.) Maintenant, il est intelligent de joindre dans le même projet de loi deux modifications extrêmement mineures - il s'agit d'un chiffre pour l'une et d'un principe qui tombe pour l'autre -, histoire de ne pas travailler deux fois sur des questions qu'on a tout à fait pu aborder, autant l'une que l'autre, dans le cadre des auditions.
C'est la raison pour laquelle la majorité, qui a d'ailleurs demandé l'urgence sur ce texte, parce que les besoins sont là, à tel point que la dotation financière y est, et parce que le temps nécessaire pour engager les nouveaux procureurs nous amène à décembre au plus tôt... Par ailleurs, la commission interpartis travaille déjà sur les candidatures, les auditions sont déjà faites en bonne partie. (Remarque.) Il ne serait donc pas bon de mener un combat retardataire... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...parce que nous connaissons d'ores et déjà l'issue de cette décision. Je vous remercie, Monsieur le président, pour votre grande patience à mon égard !
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je vais expliquer pourquoi le groupe MCG souhaite augmenter le nombre de postes de procureurs de 43 à 53, alors que ce projet de loi en prévoit 48. A la commission judiciaire, les faits suivants nous ont été rapportés: lors de l'examen d'une proposition similaire à la commission des finances, il est apparu que certains critères permettaient de déterminer une surcharge, on parle ici d'une surcharge au niveau des procureurs. Le cas du procureur général du canton de Vaud a été cité; ce dernier mentionne que pour traiter efficacement 170 procédures, il faut un procureur. En résumé, un procureur ne peut pas traiter efficacement plus de 170 procédures.
Quel est le chiffre à Genève ? Dans notre canton, chaque procureur traite entre 250 à 300 procédures par année. Quel est le résultat de ce chiffre ? Nous avons un stock. Qu'est-ce que c'est ? C'est le nombre de procédures qui n'ont pas pu être traitées en fin d'année. Il est passé de 6000 à près de 11 000 affaires; donc stock est égal à affaires. Qui est impacté par ce résultat ? Ce sont les victimes, Mesdames et Messieurs, et plus globalement toutes celles et tous ceux qui sont en attente d'une décision.
C'est pour ça que le groupe MCG souhaite anticiper, pour réduire ce stock et permettre un travail efficace, de qualité, afin de rendre la justice dans des délais convenables. Le groupe MCG a donc déposé à l'instant un amendement, comme il l'avait déjà fait lors de la séance de la commission judiciaire. Il prévoit 53 postes de procureurs, ce qui vise bien évidemment à diminuer le stock d'affaires en attente et ainsi à rendre la justice dans des délais un peu plus raisonnables.
Je conclurai en disant que je suis assez surpris de la prise de ce rapport de majorité par l'UDC puisque ce groupe n'a jamais voté de budget: pas de budget, pas de postes complémentaires. (Remarque.) Je pense que ça, c'est une certaine réalité; on regrette quand même que ce groupe qui prétend défendre la justice pour tout le monde et souhaiter une justice rendue dans les délais ne veuille pas lui donner les moyens de le faire par deux éléments, le premier consistant à refuser une augmentation supplémentaire de postes - pour nous, le nombre de 53 est quelque chose de raisonnable...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. Sandro Pistis. Merci, Monsieur le président. Pour mémoire, dans le canton de Zurich, il y a plus de 70 postes de procureurs. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, soyons cohérents, soyons efficaces, donnons les moyens nécessaires, arrêtons de submerger le Ministère public et les procureurs de trop nombreux dossiers. Ce chiffre de 250 à 300 procédures ne correspond pas aux besoins et ne peut pas produire d'efficacité - c'est ce qu'a relevé notamment le procureur général du canton de Vaud, qui dit que pour être efficace et traiter les dossiers de manière correcte, il ne faut pas plus de 170 procédures pour chaque procureur, alors qu'à Genève, nous sommes à plus de 300 procédures. Si nous ne faisons rien, ce stock continuera à augmenter et nous allons prendre du retard. Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à soutenir les 53 postes et bien sûr à voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Masha Alimi (LJS). Au risque de me répéter, j'aimerais parler de la forme de ce projet de loi plutôt que du fond. Que veut ce texte ? Sept postes supplémentaires - cinq procureurs, un juge pour le Tribunal pénal et un juge pour la Cour de justice dans la filière judiciaire pénale - justifiés, un, par la modification du code de procédure pénale, mais également, deux, par l'augmentation et la complexité des dossiers à traiter.
Qu'est-ce qu'on nous demande avec ce projet de loi ? De valider des postes déjà approuvés par la commission des finances et par notre parlement dans le cadre du budget. On nous dit que c'est très urgent, que les recrutements ont déjà démarré, et même mieux, ils devraient être bouclés au 30 juin 2024 ! Mesdames et Messieurs les députés, à quoi servons-nous ?! On se demande finalement quelle est notre valeur ajoutée dans cette commission. Nous avons le sentiment d'avoir été mis devant le fait accompli !
On parle d'augmentation de procédures sans qu'aucune statistique nous ait été donnée qui justifierait cette demande. Et même si nous ne mettons pas en doute la surcharge de travail que doit assumer le Pouvoir judiciaire, il aurait été plus correct de laisser aux commissaires le soin d'en débattre. Ce n'est, me semble-t-il, pas à la commission des finances, sans la remettre en cause d'ailleurs, de déterminer la légitimité de la loi, d'examiner le volet institutionnel, ni même d'auditionner les acteurs de la justice pour comprendre la pratique du Pouvoir judiciaire. Cette manière n'étant pas respectueuse de notre travail parlementaire, c'est un sentiment de frustration qui domine. Je réitère donc la demande de ma préopinante, à savoir un renvoi en commission pour nous permettre d'en débattre plus longuement. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. Je cède le micro au rapporteur de deuxième minorité sur cette nouvelle demande de renvoi en commission.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je saisis l'occasion qui m'est donnée d'avoir trois minutes de temps de parole sur le retour en commission pour rappeler quand même que...
Le président. Monsieur le député, vous vous exprimez sur le renvoi en commission. Il ne s'agit pas de temps de parole consacré au débat sur l'objet, mais uniquement au renvoi en commission.
M. Sandro Pistis. Au renvoi en commission, uniquement ! Je rappellerai à LJS qu'ils ont également un représentant au sein de la commission des finances, où cette thématique a été discutée. Je me suis donc permis de reprendre les échanges qui ont eu lieu dans cette commission, d'ailleurs ces derniers ont également été rapportés par le procureur général. Par conséquent, on est aujourd'hui au courant de la surcharge de travail qui existe au sein du Ministère public. Cette surcharge, ce fameux stock d'affaires que j'ai évoqué, vous les retrouvez également dans les divers rapports annuels du Ministère public et du Pouvoir judiciaire. Sauf erreur, nous les avons tous reçus, en tout cas moi je les ai reçus.
Tout le monde est donc au courant des faits. La question qui se pose et le seul sujet qui n'a pas été discuté en commission, comme l'a très bien relevé la rapporteure de première minorité, c'est cette fameuse demi-charge. On parle de demi-charge et de travail à mi-temps, pour qui, pour quoi ?
Le président. Alors, Monsieur le député, vous voulez renvoyer en commission ou pas ? (Rires.)
M. Sandro Pistis. Je termine !
Le président. Mais dites-le !
M. Sandro Pistis. C'est important, ça, quand même ! Pourquoi le MCG ne souhaite-t-il pas renvoyer ce projet en commission ? Parce que nous allons reprendre les débats parlementaires le 18 août...
Le président. Donc vous ne voulez pas renvoyer en commission.
M. Sandro Pistis. ...le renvoi en commission péjorerait donc encore davantage le travail du Ministère public...
Le président. Très bien, vous ne voulez donc pas que ce texte soit renvoyé.
M. Sandro Pistis. ...c'est donc non pour le renvoi en commission.
Le président. Parfait ! Madame la rapporteure de première minorité, vous avez la parole.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Sur le renvoi en commission, il y a quand même un point intéressant. Je pense que j'aurai le temps, dans le cadre du débat, de répondre à M. Nidegger, mais sur la question de la demi-charge, le nombre de procureurs est défini dans la LOJ. Si on autorise des demi-charges, cela veut dire qu'on aura forcément plus de gens qui vont pouvoir travailler au Ministère public, non ? Car si on prévoit des demi-charges mais qu'on définit dans la loi un nombre limité de procureurs, forcément, cette question de demi-charges va induire une diminution du nombre de personnes en charge en tant que procureurs. Ça, c'est juste une question de formulation de la loi. Alors peut-être qu'il y a matière à clarifier ces questions-là, mais puisque nous ne les avons pas abordées, nous nous trouvons face à une problématique qui nécessiterait un examen plus approfondi à la commission judiciaire et de la police.
Et puis, je tiens à dire que la commission des finances fournit une autorisation et non pas une obligation de dépenses. Dès lors que nous n'avons pas examiné le fond - je n'ai pas envie de dire le sérieux, parce qu'on sait que c'est sérieux - et qu'on ne questionne même pas la méthodologie et l'impact que peut avoir sur le droit des prévenus le fait de déléguer systématiquement ces auditions à des greffiers-juristes, nous n'avons pas fait notre travail. Ce n'est pas sérieux, nous n'avons pas fait notre travail !
M. Nidegger pense que c'est uniquement dû au fait qu'il s'agit ici de procureurs, ce n'est absolument pas le cas. Si on arrive à garantir les droits des prévenus comme l'a souhaité le législateur fédéral et qu'il faut pour cela plus de postes de procureurs, je suis prête à les voter, pour autant que les droits désignés par le législateur fédéral soient respectés. Ce n'est pas une question droite-gauche, d'aimer la filière civile ou pas, Monsieur Nidegger - vous transmettrez, Monsieur le président.
Concernant le renvoi en commission, j'estime qu'il est nécessaire notamment en raison de cette question très précise des demi-charges et de celle de la crédibilité de déléguer systématiquement ces tâches à des greffiers-juristes. Le renvoi se justifie d'autant plus que s'il y a un risque que le nombre de procureurs sur le terrain diminue en raison de cette demi-charge, il faut que nous puissions l'examiner. Merci, Monsieur le président.
M. Yves Nidegger (UDC), rapporteur de majorité. Sur le renvoi en commission en raison des demi-charges qui créeraient des demi-postes, un enfant de quatre ans comprend en lisant le projet de loi qu'il est question d'un côté de postes et de l'autre de charges. Pour ces dernières, il s'agit de deux personnes qui occupent un poste, la question a d'ailleurs été débattue en commission - personne ne peut prétendre ne pas avoir compris, sauf à avoir été quelque peu étourdi pendant la discussion.
Cela s'applique également à la deuxième raison du renvoi en commission, le manque de statistiques: les chiffres ont été discutés, on a posé des questions parfois très critiques au procureur général quant au nombre de dossiers; par conséquent, tous les éléments qui figureraient dans une statistique, à savoir les chiffres, ont été débattus. Je ne vois donc ni pour l'une ni pour l'autre des raisons de motifs à renvoyer en commission cet objet.
J'en profite pour dire qu'une éventuelle troisième raison qui serait la modification du nombre de procureurs n'est pas possible; on ne peut pas l'augmenter à titre de réserve comme le propose le MCG. Ce qui figure dans la loi, c'est le nombre de magistrats. Si on met ce nombre dans la loi, il va falloir les engager, or ce n'est pas du tout ce qui a été prévu au niveau financier. La proposition du MCG d'augmenter pendant qu'on y est le nombre de procureurs ne peut donc pas être suivie. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, je lance la procédure de vote sur cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13441 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 67 non contre 24 oui.
Le président. Nous continuons notre débat. La parole est à M. Esteban.
M. Diego Esteban (S). Merci, Monsieur le président. Je dois avant tout joindre mes critiques à celles formulées à l'égard de notre fonctionnement, car on est mis devant le fait accompli: on doit se contenter d'accepter une modification de la mention du nombre de postes dans la LOJ, mais ces postes ont déjà été votés par la commission des finances. On est donc en quelque sorte obligé de faire confiance à la commission des finances pour évaluer le bien-fondé de ces nouveaux postes.
Je me suis permis de consulter le rapport de la commission des finances sur le budget, et on y voit uniquement une appréciation quantitative du nombre de postes, peu importe leur nature, ce qui n'est pas très étonnant. Il n'y a pas de discussions sur le fonctionnement de la justice, du Ministère public, etc. Ça pourrait être des enseignants, des policiers, des ingénieurs, pour la commission des finances, il n'était question que d'effectuer une évaluation quantitative du nombre de postes. On peut donc dire que c'est un petit peu compliqué de demander à la commission judiciaire de valider le bien-fondé de ces nouveaux postes dans le contexte du fonctionnement du Pouvoir judiciaire alors que la commission des finances ne s'y est pas intéressée. Je ne lui jette pas la pierre, parce que l'examen du budget se fait lors de séances-fleuves, qui durent des heures et des heures, pendant lesquelles on discute de milliers de postes. Comment ces sept postes-là pourraient-ils faire l'objet d'une analyse particulièrement approfondie ? Sur ce point, il y a peut-être une critique à faire sur notre fonctionnement.
Certaines personnes ici ont peut-être siégé dans des Conseils municipaux dans lesquels - je connais cette pratique - la commission des finances n'est pas la seule à examiner le budget puisque cette tâche est répartie au sein de différentes commissions. Au Grand Conseil, on a des outils qui permettraient de répartir peut-être plus intelligemment ce travail, de manière à évaluer l'intérêt d'investir de l'argent public dans des postes ici et là, selon une stratégie complète. Aujourd'hui, il n'existe pas vraiment d'espace pour tenir cette discussion de manière exhaustive à propos du Pouvoir judiciaire, parce que la commission judiciaire et de la police s'intéresse à la problématique, la commission des finances aussi, ainsi que, si on parle du pénitentiaire, la commission des visiteurs officiels, voire la commission des travaux: tout est dispersé, on n'a pas vraiment un débat cohérent. Je lance là un appel au Bureau, à la commission des finances ou à la commission du règlement du Grand Conseil pour améliorer cela.
Maintenant, est-ce que ce projet de loi doit vraiment servir de base pour mener cette discussion ? Probablement pas. Les besoins ont déjà été mentionnés, et je ne vais pas les répéter, car ils sont établis. L'impact est réel sur nos concitoyennes et nos concitoyens, qui doivent faire face à des procédures qui durent de plus en plus longtemps, et sur des magistrates et magistrats du Pouvoir judiciaire qui font face à un travail de plus en plus complexe. Il s'agit donc de répondre à ces besoins en votant ce projet de loi aujourd'hui, mais en n'allant pas aussi loin que le propose M. Pistis avec son amendement. Je pense néanmoins qu'on ne peut pas laisser le débat en l'état et qu'il faut véritablement questionner notre manière d'examiner les enjeux d'organisation judiciaire dans notre canton. Je vous remercie.
M. Jean-Pierre Pasquier (PLR). Mesdames et Messieurs, je rejoins les propos et la recommandation de mon préopinant, et le groupe PLR vous invite à soutenir ce projet de loi, le projet de loi que nous traiterons ensuite, et la clause d'urgence. On l'a dit et redit: il y a le problème de fond et le problème de forme. Pour celles et ceux qui étaient présents durant la précédente législature, ce genre de projet de loi passait aux extraits. Pourquoi ? Parce que le travail est fait en amont, Mesdames et Messieurs. Le Pouvoir judiciaire rencontre d'abord le Conseil d'Etat, et ils procèdent à un certain nombre d'arbitrages. En fonction de ceux-ci, la partie du budget du canton concernant le Pouvoir judiciaire est établie, elle est soumise à la commission des finances. Le président de la commission de gestion du Pouvoir judiciaire vient se justifier auprès de la commission des finances. Le travail est encore fait à la sous-commission des finances. Le parlement est ensuite saisi et vote le budget. A la suite de ça - quatrième étape -, le procureur général, président de la commission de gestion, va devant la commission judiciaire et de la police et reprend son argumentation, que vous trouvez dans les comptes, pour justifier ces postes supplémentaires.
J'ai bien écouté la position des Verts, hier soir, pendant le vote des comptes: ils faisaient état des problèmes et de la lenteur du Pouvoir judiciaire. On est maintenant devant les faits. Soyez cohérents, Mesdames et Messieurs, il faut voter ces postes, parce que nous sommes dans l'urgence. On est déjà à la moitié de l'année, et renvoyer cet objet en commission, c'est retarder la procédure: il n'y aura pas de postes supplémentaires engagés d'ici la fin de l'année. Doter le Pouvoir judiciaire des postes demandés est urgent ! Dans ce projet de loi, il est question de sept postes, et dans le projet de loi suivant de deux postes supplémentaires.
On pourrait, Mesdames et Messieurs, s'inspirer de ce qui se fait dans d'autres cantons. J'invite les membres de la commission judiciaire et de la police à se pencher sur notre loi, qui détermine le nombre de juges et de procureurs. Dans le canton de Vaud par exemple, on fixe le maximum en début de législature et dans le canton de Berne, il y a autodétermination - c'est fixé -, c'est-à-dire que le Pouvoir judiciaire a la possibilité de faire appel à des juges ou à des procureurs temporaires en fonction de la charge de travail. Ce travail pourra se faire au sein de la commission judiciaire et de la police et peut-être aboutir à un projet de loi pour choisir la manière dont on souhaite déterminer le nombre de magistrats. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce projet de loi et le suivant ainsi qu'à demander la clause d'urgence. Merci, Monsieur le président.
Mme Alia Chaker Mangeat (LC). J'invite tous ceux qui doutent encore de l'importance d'augmenter la dotation des juridictions pénales à lire le rapport du Pouvoir judiciaire; vous verrez que cette augmentation de juges et de procureurs est vraiment nécessaire. Pourquoi ? Premièrement en raison de l'augmentation importante du nombre de dossiers traités, mais aussi de la complexification de certains cas qui nécessitent toute l'attention des juges pendant longtemps. Il importe donc d'augmenter le nombre de juges et de procureurs, notamment pour la qualité du travail qui doit être fait et pour la célérité de la justice qui, je le rappelle, est indispensable pour garantir à la fois le droit des prévenus et celui des victimes, qui attendent parfois durant de longues années une décision qui les satisfasse.
Je suis étonnée... Ça fait un moment que je suis en politique, j'étais avant au Conseil municipal de la Ville de Genève, mais j'avoue que c'est la première fois que je vois des députés de gauche, comment dire ? réticents à voter des postes de fonctionnaires. En général, vous les votez les yeux fermés, sans aucune justification. Or là, on a un cas où la surcharge est avérée, et ce depuis des années, indépendamment d'ailleurs - je voulais le dire à la rapporteuse de minorité - de l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale, qui effectivement a aussi augmenté la charge des procureurs. En tout cas, la surcharge était là avant même l'entrée en vigueur du nouveau code.
Maintenant, à propos de la demi-charge des procureurs, Le Centre soutient également cette proposition. M. Olivier Jornot nous l'a répété, la demande des procureurs de pouvoir travailler à temps partiel est forte. En revanche, on attend que les droits des justiciables soient garantis malgré les demi-charges. Quand on est procureur, on sait que les requêtes des avocats sont parfois très urgentes, et il faut que le procureur puisse être là pour y donner une suite sans délai. On attend donc du Pouvoir judiciaire que cette organisation des demi-charges puisse amplement répondre aux besoins des avocats et des justiciables en général. Pour ces raisons, je vous invite à soutenir ce texte. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Je m'interroge sur la lenteur de ce vote. Le besoin en magistrats supplémentaires est avéré et nous avons les moyens de les financer, comme l'ont montré les comptes de manière éclatante. Comment se fait-il, alors, que nous soyons au mois de juin et que nous n'ayons pas encore voté l'augmentation de budget ? Je ne veux jeter la pierre à personne, mais il faudrait quand même réfléchir sur le temps qu'a pris l'examen de ce texte et le fait que nous en soyons maintenant à devoir voter en urgence ce projet de loi, de manière presque catastrophique. C'est une réflexion qui doit être menée dans notre Grand Conseil: quand on a un besoin urgent, pourquoi est-ce qu'on reste enserrés dans des règlements, dans des étaux ? Je vous encourage à soutenir ce texte et bien évidemment à anticiper le bon fonctionnement de la justice en votant l'amendement de mon collègue Sandro Pistis.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de première minorité. J'aimerais que ce soit très clair, à aucun moment nous ne nous sommes opposés à l'augmentation des postes de procureurs. Il faut que ce soit clair ! Ce n'est pas le sujet; ici, on parle de bien faire son travail et de voir comment ça va être mis en oeuvre. De grâce, ne réduisez pas ce débat à une question très naïve d'opposition entre la droite et la gauche, ce n'est pas le sujet ! Si voter des postes de procureurs préserve les droits des gens, nous y sommes favorables, mais dans le contexte de ce projet de loi, le procureur général nous dit que ce ne sont pas des procureurs qui vont faire les auditions mais des greffiers-juristes. Si ça ne pose pas de problème à ce Grand Conseil, je me questionne sérieusement sur le travail fourni sur ce texte ainsi que sur la compréhension de ce dernier et de ses implications.
Il ne s'agit pas de vouloir limiter les moyens du Ministère public, il ne s'agit pas de vouloir que les dossiers traînent, ce n'est absolument pas le propos ! Voilà pourquoi ma collègue soutiendra le rapport de majorité sur le prochain objet, qui défend les postes du TPAE: les besoins sont avérés, la commission des finances a travaillé et aucune question supplémentaire n'a émergé à la suite de la présentation du procureur général. Ce n'est pas le cas avec ce texte-ci !
Si le Grand Conseil estime que la justification présentée, donc l'exposé des motifs, ne correspond pas à la justification présentée en commission et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, alors pas de soucis ! Votez, votez ! Nous étions d'accord de voter ces textes-là, mais après avoir effectué le travail nécessaire pour comprendre où iront ces procureurs, puisqu'ils ne vont manifestement pas servir à procéder aux auditions, ce que le législateur fédéral a pourtant requis en modifiant le code de procédure pénale en ce sens. Votez ! Nous allions voter ces postes-là; mais parce que le travail n'a pas a été fait, nous sommes... Je peux laisser la liberté de vote à mon groupe: les postes ne sont pas remis en question, mais c'est la manière dont ils vont être mis en oeuvre qui est problématique ! Pour ma part, je continuerai à refuser ce texte, ne serait-ce que pour la raison que j'ai avancée tout à l'heure, à savoir que l'exposé des motifs n'est pas conforme à la réalité que le procureur général nous a présentée lors de son audition.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. J'aimerais rassurer tout le monde: il ne s'agit pas d'une demande de crédit urgente ! L'argent est déjà là: il a été prévu au moment du vote du budget. Il s'agit maintenant d'adapter la LOJ, comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, puisque nous avons ce double mécanisme.
Il est intrigant, effectivement, ce double mécanisme, mais peut-être que le parlement devrait se pencher dessus. On le verra aussi avec le projet de loi suivant - j'espère que le débat sera plus court, car on a déjà épuisé la problématique -, ce mode de fonctionnement est étrange. Je comprends que la commission judiciaire se sente un peu dépossédée de son pouvoir d'examen, mais, Mesdames et Messieurs les députés, comment voulez-vous faire autrement avec ce double système ? Dans le cadre de la législation actuelle, nous n'avons pas d'autre option que de vous demander la cohérence et la confiance sur la mise en oeuvre des décisions budgétaires dans la LOJ.
Je tiens à rassurer, s'agissant de la question des besoins; je crois qu'il ne faut pas la limiter au nouveau code de procédure pénale, ainsi que le fait la rapporteure de deuxième minorité. La filière pénale, dans sa totalité, augmente de 3,6% par rapport à 2022, mais, au niveau du Parquet, ou plutôt du Ministère public, il n'y a pas eu d'adaptation de postes depuis 2016, si ma mémoire est bonne - c'est ce qu'avait dit le procureur lors de son audition. Ce n'est donc pas uniquement en raison du nouveau code de procédure pénale ou de sa loi d'application qu'il y a lieu d'obtenir de nouveaux postes. Il s'agit de les obtenir pour faire face à l'augmentation de la charge de la filière pénale dans sa globalité, augmentation qui est avérée, prouvée, démontrée par les chiffres.
La décision de principe a été prise par ce parlement au moment du vote du budget et on parle aujourd'hui de sa mise en oeuvre à tous les échelons de la filière pénale, au niveau des procureurs, mais également au niveau des juridictions de fond qui sont actives dans ce domaine. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie de bien vouloir voter ce projet de loi tel qu'il est sorti du vote de la majorité de la commission. Je salue l'intention du rapporteur MCG, malheureusement, comme on l'a dit, on ne peut pas faire de réserves puisqu'on n'a pas le budget pour engager les postes. Je vous remercie par conséquent de soutenir la version votée par la majorité de la commission. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13441 est adopté en premier débat par 80 oui et 9 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 28, al. 1, lettre a, et al. 3 et 4 (nouvelle teneur).
Le président. A l'article 76, lettre b, nous sommes saisis d'un amendement de M. Pistis que vous avez toutes et tous reçu. Cet amendement consiste à remplacer le nombre de 48 postes par 53 postes. Je passe la parole à M. Pistis.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Comme vous l'avez indiqué, nous souhaitons 53 postes. Je reste persuadé que si l'amendement est voté - j'anticipe -, la loi ne posera pas de problème. Je reste également persuadé que certaines lois actuellement en vigueur ne sont pas forcément, entre guillemets, «respectées», sans pour autant être désuètes. La loi est aussi là pour fixer un principe, et ce que nous souhaitons fixer, c'est un principe pour éviter de maintenir la latence relevée par un certain nombre de députés dans cet hémicycle. Je vous invite donc à soutenir cet amendement qui, avec cette formule proposée par le groupe MCG, ferait passer le nombre de 48 procureurs prévu par le projet de loi à 53. Je demande par ailleurs le vote nominal. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Etes-vous suivi pour le vote nominal ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes, parfait. J'invite l'assemblée à s'exprimer à propos de cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 74 non contre 14 oui (vote nominal).
Mis aux voix, l'art. 76, lettre b (nouvelle teneur), est adopté, de même que les art. 91, al. 1 (nouvelle teneur), et 117, al. 1 (nouvelle teneur).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.
Le président. Nous nous prononçons à présent sur la clause d'urgence prévue à l'article 2 souligné. Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté par 68 oui et 22 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13441 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui contre 7 non et 17 abstentions (vote nominal).
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrêtons là nos travaux et les reprendrons à 14h. Je vous souhaite un bon appétit.
La séance est levée à 11h45.