République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 mars 2024 à 18h
3e législature - 1re année - 10e session - 66e séance
M 2708-A
Débat
La présidente. C'est maintenant le tour de la M 2708-A. Le rapport de minorité, initialement de Mme Amanda Gavilanes, est repris par Mme Demaurex. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je donne la parole à M. Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Il s'agit d'une motion qui a été déposée en plein covid, qui a été traitée pendant le covid, et qui a fait l'objet d'un rapport déposé en janvier 2022. Cela fait donc dix-neuf sessions que ce rapport est à l'ordre du jour du Grand Conseil et les choses ont bien évolué depuis.
L'objectif de la motion était de prolonger les contrats du personnel précaire de l'enseignement supérieur et de la recherche de l'université puisqu'il y avait de fortes indications... enfin, une forte méfiance vis-à-vis du rectorat suite à des informations, plutôt orientées, reçues par certains groupes politiques. Ces cas particuliers, pour nous, ne sauraient entacher l'image du rectorat, qui garde la totale confiance de la majorité de la commission; elle a rejeté cette proposition de motion.
Les auditions ont démontré que le rectorat a bien pris conscience de la problématique relative à la prolongation des contrats précaires puisque 90% des 295 demandes de prolongation ont été accordées, le solde de 10% consistant en des demandes malheureusement irrecevables. Le problème de la précarité du corps intermédiaire, qui a été évoqué et qui est très bien connu de l'université - mais ce n'est pas le sujet de cette motion -, a été traité dans une enquête approfondie sur les conditions de travail et de carrière du corps des collaborateurs de l'enseignement et de la recherche; un plan d'action en quatre phases, en quatre piliers, a été mis en place par l'institution pour répondre à cette enquête et aux inquiétudes de cette catégorie de personnel. Cette motion est donc aujourd'hui totalement obsolète et nous ne pouvons que vous inviter à la rejeter. Je vous remercie, Madame la présidente.
Mme Sophie Demaurex (S), rapporteuse de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion reste d'actualité. Elle permet de mettre en lumière les enjeux relatifs à la précarité qui touche une partie du corps intermédiaire de l'Université de Genève, sur lequel repose l'excellence de la recherche et de l'enseignement de cette institution: les tâches d'enseignement et de recherche des universités et hautes écoles du canton de Genève sont assurées à près de 80% par du personnel en contrat précaire, à temps partiel ou à durée déterminée. L'impact de la crise sanitaire sur les chercheurs et les chercheuses peut être considéré comme un miroir de cette problématique. Il a permis de mettre au jour une réalité sociale et économique jusqu'ici ignorée: cumul de contrats à durée déterminée, faible taux d'embauche.
Les auditions de la commission ont certes montré qu'après une longue lutte menée par les associations du personnel de l'enseignement et de la recherche, comme au sein de l'assemblée universitaire et de la commission du personnel, le rectorat a mis en place un système de prolongation des contrats pour les chercheurs et les chercheuses impactés par la crise sanitaire. Cela interroge sur la possibilité de faire plus et mieux pour l'ensemble des collaborateurs et collaboratrices de l'enseignement et de la recherche qui avaient besoin d'une prolongation de contrat. En effet, il existe peu de données systématiques sur la situation professionnelle de la relève scientifique en Suisse, notamment sur le personnel des projets du Fonds national suisse (FNS) qui est employé par les hautes écoles. Je me réfère à la pétition Academia remise à l'Assemblée fédérale en octobre 2021, qui a dénoncé la précarité des conditions de travail du corps intermédiaire.
Et je profite donc de ce rapport de minorité pour vous parler de la situation en 2024. A ce jour, le Fonds national suisse n'a pas adapté les subsides 2024 au renchérissement. Renoncer à compenser le renchérissement serait un changement de politique incompréhensible puisque en 2023 le FNS a décidé d'augmenter les subsides afin de permettre un niveau d'indexation du salaire des chercheurs et chercheuses identique à celui appliqué dans chaque haute école. Une absence d'indexation reviendrait à baisser les salaires réels des personnes financées par les programmes de recherche et par conséquent à dégrader leurs conditions de travail. Une décision négative serait particulièrement malvenue lorsqu'on sait que certains des salaires payés par les programmes de recherche financés par le Fonds national suisse sont parmi les plus bas au sein des hautes écoles. On pense notamment aux doctorants et doctorantes, dont le salaire brut annuel ne se monte pas à plus de 50 000 francs en première année. Le FNS prévoit certes une compensation du renchérissement dans son programme pluriannuel, en particulier pour les doctorantes et doctorants, mais seulement à partir de 2025, et cela indépendamment de l'indexation spécifique à chaque canton ou haute école. On ignore si cela permettra d'améliorer réellement la structure des salaires, ou du moins de compenser la perte de salaire réel.
Pour revenir à la situation du corps intermédiaire de l'Université de Genève, il ne reste plus qu'à poursuivre la mise en oeuvre de solutions concrètes pour permettre à toutes et à tous de s'épanouir en faisant de la recherche académique, tout en ayant une vie décente. C'est pourquoi le parti socialiste considère qu'il faut soutenir cette motion, cela afin d'améliorer les solutions proposées. Je vous remercie.
M. Florian Dugerdil (UDC). Chers collègues, comme l'a si bien dit notre rapporteur de majorité, le rectorat a tout à fait conscience de la problématique relative à la prolongation des contrats précaires. Il a en sus établi des garde-fous supplémentaires en émettant de nouvelles directives afin de pérenniser l'octroi de ces prolongations. Quant à la précarité du corps intermédiaire - on l'a mentionné, ce n'est pas le sujet direct de cette motion -, les problèmes ont été identifiés et les mesures correctives mises en place. Ce texte n'apporte donc effectivement plus rien !
Finalement, la pandémie, qui était au coeur des préoccupations de la motion, est aujourd'hui largement derrière nous et nous pouvons attester que les mesures qui devaient être mises en place durant cette crise ont été appliquées. Mesdames et Messieurs les députés, au vu de ce qui précède, le groupe de l'Union démocratique du centre rejettera cette proposition de motion.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le rapporteur de majorité n'a pas complètement tort lorsqu'il affirme que cette motion a été déposée dans un contexte très particulier puisque c'était celui de la pandémie de covid. Celui-ci a justement permis de révéler la grande précarité dans laquelle évolue le corps intermédiaire de l'enseignement et de la recherche de notre université, qu'il s'agisse évidemment de rémunération mais aussi, et peut-être surtout, de durée des contrats - ils sont systématiquement à durée déterminée - et également de pression: pression en matière de rendement, du fait d'une forme d'application très pyramidale de la hiérarchie qui pousse les collaborateurs à produire, un petit peu dans une logique d'économie productiviste qui est incompatible, ou difficilement compatible, avec la recherche fondamentale, la recherche universitaire.
Cela a été mentionné, l'épidémie est passée - espérons-le -, mais ce qu'elle a révélé demeure ! Mme Demaurex l'a très bien dit et a évoqué de façon tout à fait convaincante cette précarité: malgré les ajustements, malgré le monitorage, chacun le reconnaît, elle n'a pas disparu ! Elle est toujours là ! Alors peut-être qu'il y a eu des ajustements à la marge, mais en définitive - on le sait - le corps intermédiaire de l'Université de Genève fonctionne dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes. De ce fait, si l'on examine les quatre invites de cette motion, peut-être peut-on dire que la première est un petit peu surannée, un peu obsolète, mais les trois suivantes sont complètement d'actualité ! Et c'est bien pour cela, Mesdames et Messieurs, que les Vertes et les Verts vont soutenir cette motion. Je vous remercie.
M. Xavier Magnin (LC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le rectorat ayant répondu de façon favorable aux questions des députées et députés, et puisqu'il a particulièrement bien pris en compte la problématique de cette crise, avec la résolution - on l'a dit - de 90% des cas, le groupe Le Centre soutient le rejet de cette motion qui fait référence noir sur blanc, notamment dans son exposé des motifs, à des mesures spécifiques dans le cadre d'une crise sanitaire heureusement derrière nous à ce jour.
La précarité des étudiants, qui semble être une sale réalité, doit être effectivement traitée - et en urgence -, mais cela nécessite un autre texte et d'autres mesures, pérennes et hors conjoncture particulière. Le lancement de l'enquête est une excellente initiative qui mérite que l'on se penche dessus et constitue véritablement un pas significatif dans le sens d'une amélioration des conditions. Donc, à vos crayons pour rédiger quelque chose ! Pour Le Centre, cette motion est caduque, nulle et non avenue, de par les mesures déjà prises par l'UNIGE.
Une voix. Bravo !
Mme Danièle Magnin (MCG). Chers collègues, vu tout ce qui a déjà été dit, je ne souhaite pas aller plus loin, afin de préserver un temps qui nous est précieux: je vous confirme que le MCG refusera cette motion. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2708 est rejetée par 45 non contre 22 oui (vote nominal).