République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2671-B
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Diego Esteban, Christina Meissner, Céline Zuber-Roy, Cyril Mizrahi, Yves de Matteis, Patrick Dimier, Marc Falquet, Philippe Morel, Françoise Nyffeler pour une réforme du système de protection de l'enfance garantissant les droits fondamentaux
RD 1528-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le projet de révision du dispositif de protection des mineurs (HARPEJ)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 14 et 15 décembre 2023.
Rapport de Mme Christina Meissner (LC)

Débat

La présidente. Nous poursuivons avec la M 2671-B et le RD 1528-A, classés en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Christina Meissner, à qui je passe la parole.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse. Merci, Madame la présidente. Je m'excuse, je serai un peu longue, mais le traitement de ces objets a aussi été très long. En préambule, j'aimerais préciser que le RD 1528 du Conseil d'Etat au Grand Conseil est la réponse apportée à la motion de la commission des Droits de l'Homme déposée en 2020. Il convient en outre de rappeler les enjeux de la protection de l'enfance à Genève. Dans les situations familiales difficiles et parfois conflictuelles, la règle fondamentale, pour les institutions, est la garantie du bien de l'enfant. S'il existe malheureusement de nombreux cas dans lesquels le retrait de la garde aux parents est le seul moyen de prévenir une atteinte au développement physique et psychique de l'enfant, la réalité est souvent plus nuancée. Par conséquent, le retrait de la garde est considéré comme l'ultima ratio - un moyen d'action de l'Etat qui doit être utilisé uniquement de manière subsidiaire à d'autres solutions moins incisives.

La pesée des intérêts entre préservation de l'unité de la famille et bien de l'enfant est délicate. Elle représente même parfois une question de vie ou de mort. De manière générale, une erreur d'appréciation, même de bonne foi, entraîne un fort risque de générer un traumatisme pour l'enfant, les parents, voire les deux. Et si une approche basée sur la prudence peut conduire à une augmentation du nombre de familles séparées, une pratique plus tolérante pourrait mettre en danger davantage d'enfants. L'ampleur du pouvoir d'appréciation en matière de retrait de garde et son usage par les autorités constituent donc des enjeux majeurs. Tout aussi importante est la question de la prise en charge de l'enfant après un retrait de garde. Sans oublier par ailleurs l'existence et l'efficacité de mesures alternatives, moins intrusives pour la vie familiale. On le voit, la voie est étroite, la marche délicate !

Enfin, un rappel historique a son utilité dans la mesure où le traitement de ce point est à cheval sur deux législatures et qu'il ne faudrait pas oublier tout le travail accompli depuis plus de cinq ans par notre parlement. C'est d'ailleurs la raison qui a incité la commission des Droits de l'Homme à prendre acte du rapport du Conseil d'Etat sur son projet HARPEJ, afin que l'on ait un état des lieux rédigé à un temps T, à savoir aujourd'hui, en mars 2024.

Pour rappel donc, en 2018, à la suite des travaux précédemment menés par la Cour des comptes, la commission des Droits de l'Homme s'est saisie de la problématique de la politique publique en matière de protection des mineurs. En 2020, à l'issue de deux ans de travaux, la commission a produit un rapport (le RD 1364) relatif au système genevois de protection de l'enfance, ainsi qu'une motion de commission (la M 2671) adressant toute une série d'invites au Conseil d'Etat. Avec cette motion, la commission souhaitait donner une impulsion pour une réforme du système genevois de protection de l'enfance. Elle espérait une évolution du système vers un réseau d'acteurs institutionnels diversifié, dans lequel les personnes assument une charge de travail propre à leur épargner l'épuisement...

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Christina Meissner. ...qui préconise l'accompagnement des familles et la médiation, réduit l'attente et l'incertitude, et encadre de manière plus claire la procédure relative aux expertises judiciaires.

Adoptée par le Grand Conseil, la motion a été renvoyée au Conseil d'Etat le 28 août 2020. Ce dernier y a répondu le 8 septembre 2021, informant du lancement du projet HARPEJ qu'il a ensuite décrit dans le cadre de son rapport RD 1528 déposé le 26 avril 2023. Sa réponse à la motion de commission a alors été renvoyée en commission afin que l'on vérifie si le Conseil d'Etat avait bien tenu compte des invites dans son projet HARPEJ. La commission des Droits de l'Homme, à travers ses travaux et ses auditions, a pu constater que tant les préoccupations que ses propositions, exprimées par voie de motion, avaient bien été prises en compte, mais que les mesures qui en découlaient représentaient un travail très conséquent.

La prise d'acte que la commission vous propose de valider aujourd'hui permet de rendre visibles et publics aussi bien le travail du département que celui de la commission - et donc de notre parlement. Si la commission valide ainsi le projet HARPEJ, elle souligne la nécessité de procéder à un suivi attentif de la mise en oeuvre et, au besoin, à la correction éventuelle de ce dispositif. La commission insiste aussi sur la nécessité de continuer à informer le législatif sur HARPEJ, tout comme la population, étant donné la très haute importance que nous accordons toutes et tous à la protection de l'enfance. Au vu de ce qui précède, la commission vous remercie de prendre acte des deux rapports.

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le parti socialiste ne soutiendra pas la prise d'acte et demandera le renvoi de ces deux objets en commission, et subsidiairement au Conseil d'Etat, pour les raisons suivantes - je vais quand même les expliquer avant que nous votions, Madame la présidente.

Ma préopinante, la rapporteuse, l'a dit: il y a effectivement eu un état des lieux. (Remarque.) Je peux encore m'exprimer comme je l'entends ! Cet état des lieux a été fait, mais cela ne suffit pas ! Il faut maintenant agir, et de notre point de vue le rapport HARPEJ ne répond qu'imparfaitement aux invites de la motion.

Comme l'a indiqué la rapporteuse, le bien de l'enfant est au centre. Mais qu'est-ce que ça veut dire, «le bien de l'enfant» ? Il s'agit d'un délicat équilibre entre protection et maintien des liens familiaux. Ce que nous voyons aujourd'hui, c'est que le système de protection de l'enfance fait toujours l'objet de nombreuses critiques, qui pour notre groupe sont l'indice que cet équilibre n'est pas encore atteint. Certes, HARPEJ va dans la bonne direction, mais ce dispositif reste insuffisant sur de nombreux points. HARPEJ prévoit par exemple des mesures pour renforcer la médiation, ce qui est une bonne chose. Mais pourquoi y a-t-il encore des plaintes ? Ce n'est pas uniquement lié au problème du temps de mise en oeuvre d'HARPEJ. Il manque des mesures. Par exemple, s'agissant du droit de visite, de nombreux parents restent coupés de leurs enfants parce qu'il n'y a pas suffisamment de places pour le droit de visite médiatisé; des parents restent coupés de leurs enfants pendant des semaines, voire des mois !

La motion pointait également une psychiatrisation excessive de certaines situations alors qu'elles ne le méritaient pas, en lien aussi avec le monopole du centre d'expertises du CURML, qui avait fait l'objet de nombreuses critiques. De ce point de vue là, Mesdames et Messieurs, HARPEJ ne nous semble pas apporter des réponses crédibles pour une simple et bonne raison: le Conseil d'Etat ne propose jamais de mesures contre l'avis du TPAE.

Selon nous, il y a des modifications à apporter pour renforcer les droits des personnes concernées en matière procédurale, pour renforcer notamment leurs droits par rapport aux choix des experts et des expertes. Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi en commission et, subsidiairement, nous proposerons le renvoi au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Présidence de M. Alberto Velasco, premier vice-président

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est à Mme Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse. Sur le renvoi en commission ?

Le président. Oui !

Mme Christina Meissner. Je vous remercie. Effectivement, il faut maintenant agir. Je vous rappelle cependant que le programme HARPEJ a été présenté en avril 2023: ça ne fait même pas une année ! Une nouvelle conseillère d'Etat est entrée en fonction, il faut donc aussi lui laisser le temps de montrer ce qui est possible. Or donner le temps, cela veut dire qu'il convient non pas que l'on renvoie ces objets en commission, mais que la conseillère d'Etat prenne l'engagement de faire rapport à la commission des Droits de l'Homme sur ce qui aura été mis en place. A ce moment-là, nous pourrons décider si c'est suffisant ou non. Je suis dès lors contre le renvoi en commission, vous l'aurez bien compris.

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2671 et du rapport du Conseil d'Etat RD 1528 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 50 non contre 28 oui.

Le président. Nous poursuivons le débat et je donne la parole à M. Yves de Matteis.

M. Yves de Matteis (Ve). Merci, Monsieur le président de séance. Concernant ces deux textes et les réponses données en commission, reconnaissons que le Conseil d'Etat et le DIP n'ont pas été inactifs. Beaucoup a été fait en matière de protection de l'enfance, cela pour répondre aux nombreuses demandes de la commission et aux 17 recommandations adressées au Conseil d'Etat. On l'a dit, le projet HARPEJ, qui vise à harmoniser le dispositif de protection de l'enfance et de la jeunesse, permet de résoudre un certain nombre de problèmes préexistants. Mais même dans le cadre d'HARPEJ, tout n'est pas encore forcément au point.

Prenons le comité d'éthique, qui fait partie intégrante du dispositif et devait être composé de huit membres. Il a été mis sur pied afin de conseiller la direction générale de l'OEJ et d'analyser des situations individuelles complexes interpellant les professionnels, dans l'optique de cerner au mieux l'intérêt de l'enfant, d'apporter des regards extérieurs sur les pratiques des services et de contribuer à dégager des pistes d'innovation. Le professeur Philip Jaffé, membre titulaire du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, avait accepté d'en faire partie, ce qui nous avait favorablement impressionnés et rassurés quant au devenir du dispositif. Mais nous avons appris que le professeur Jaffé a finalement décliné l'invitation à faire partie de ce comité d'éthique, estimant que le dispositif n'est actuellement pas suffisamment mûr pour lui garantir qu'il pourra effectuer un travail satisfaisant en son sein.

Le Grand Conseil n'a pas non plus fait tout ce qui était en son pouvoir pour améliorer la situation, car il n'a pas accordé les budgets suffisants afin de garantir un fonctionnement optimal de certains organismes présidant à la protection de l'enfance, en tout cas de ceux qui semblent sous-dotés. Nous sommes d'ailleurs dans l'attente d'un document présentant les besoins les plus urgents en la matière. Le Grand Conseil n'a pas non plus terminé ses travaux sur le système de protection de l'enfance et n'a pas encore rendu toutes ses conclusions.

D'autre part, il n'y a toujours pas d'interlocuteur - si possible indépendant - pour les enfants ou les parents qui désireraient s'exprimer sur leur situation, même si un appel circule actuellement pour demander à l'Etat de mettre en place un poste de responsable compétent, spécialisé en matière de protection des mineurs et disponible pour les enfants, parents et familles concernés. La motion sollicitant l'instauration d'une fonction d'ombudsman à destination des enfants et de leur famille, comme cela existe ailleurs dans certains cantons ou pays, est toujours en commission.

Par ailleurs, le thème de la protection de l'enfance continue de faire l'objet d'analyses, de réflexions et de débats publics, notamment sous les auspices du vénérable Institut National Genevois, qui lui a récemment consacré une conférence et une table ronde, une deuxième table ronde devant avoir lieu le 24 avril prochain sous le titre «Déclarer les droits de l'enfant: de la protection à la participation».

En conséquence, la commission doit rester saisie de cette thématique. Mon groupe ne votera donc pas la validation de ces textes et désire demander lui aussi le renvoi en commission des deux objets. (Exclamation.) Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi en commission. Est-ce que la rapporteure souhaite s'exprimer ? (Remarque.) Non ? Parfait. Nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2671 et du rapport du Conseil d'Etat RD 1528 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 53 non contre 25 oui et 1 abstention.

Le président. Nous poursuivons le débat. La parole est à M. Francisco Taboada.

M. Francisco Taboada (LJS). Merci, Monsieur le président de séance. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne rentrerai pas dans ce débat. Je voudrais simplement rappeler à notre parlement que la commission de contrôle de gestion, le 21 août 2023, a confié un mandat à une sous-commission et que celle-ci travaille actuellement, entre autres, sur ce sujet. Je prends donc juste la parole pour le préciser et peut-être en informer ceux qui ne le savaient pas. Comme certains sont venus vers moi me demander si cette sous-commission avait été créée ou non, je pensais qu'il était quand même important de le rappeler ! Merci.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse. Je remercie M. Taboada, mon préopinant, d'avoir rappelé que la commission de contrôle de gestion s'est en plus saisie du sujet et va analyser la situation. Dès lors, je crois qu'on peut faire confiance à cette commission et, je l'espère, au Conseil d'Etat pour nous tenir informés de l'avancement du projet HARPEJ.

Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste vous adresser quelques mots pour vous rassurer: nous vous tiendrons naturellement informés, nous sommes extrêmement sensibles - je le suis tout autant que vous - à la problématique de la protection de l'enfance, j'entends également un certain nombre de plaintes, je questionne, et nous sommes régulièrement sollicités - vous l'êtes vous aussi ! - dans certaines situations. Vous m'interpellez et j'essaie de vous donner des explications, mais je ne peux pas toujours évoquer précisément les différents cas avec vous parce que vous ne disposez parfois pas exactement des mêmes informations. Je n'en dirai pas plus, mais je tenais à vous rassurer sur le fait que nous sommes extrêmement attentifs et que nous allons dans le bon sens.

Nous sommes venus en commission pour tenter de vous rassurer. J'avais d'ailleurs cru comprendre que j'y étais parvenue, puisque votre conclusion, en substance, était la suivante: «Nous vous avons demandé ce que vous alliez faire, vous nous avez répondu, nous vous en remercions, maintenant que pourrions-nous faire pour vous ?» Vous avez alors proposé que nous vous fournissions une liste des moyens qui pourraient nous être nécessaires, et nous le ferons probablement dans le cadre du prochain budget si nous avons effectivement besoin de moyens.

Par ailleurs, nous sommes extrêmement favorables à l'instauration d'une fonction d'ombudsman - soit une personne indépendante, neutre, qui ne serait pas liée à l'administration, à laquelle les gens pourraient s'adresser pour se plaindre, discuter ou soumettre leurs problèmes. Il se trouve que la motion qui formule cette demande est toujours en commission; libre à vous de la traiter prochainement pour qu'elle soit votée et qu'on puisse l'appliquer - ou non. Quoi qu'il en soit, j'aimerais vous rassurer: nous sommes extrêmement attentifs à ce sujet, la sous-commission aussi nous pose des questions et nous traitons vraiment ce dossier avec tout le sérieux qu'il mérite. Merci, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur le renvoi au Conseil d'Etat. (Commentaires. Un instant s'écoule.) Cette demande a été formulée par le groupe socialiste. (Remarque.) Oui, le renvoi au Conseil d'Etat ! (Commentaires.) Madame Meissner, vous avez la parole.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse. Monsieur le président, ce sont des rapports, il s'agit donc d'en prendre acte. (Commentaires.)

Le président. C'est sûr, mais nous avons été saisis d'une demande de renvoi.

Mme Christina Meissner. Eh bien alors c'est non pour le renvoi au Conseil d'Etat !

Le président. D'accord, mais il faut procéder au vote, Madame. Nous allons donc nous prononcer sur la demande de renvoi au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2671 est rejeté par 56 non contre 23 oui (vote nominal).

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2671.

Vote nominal

Le président. Concernant le deuxième objet... (Commentaires.) Monsieur le député, souhaitez-vous que je mette également aux voix le renvoi au Conseil d'Etat ? (Remarque.) Tant qu'à faire ?! Eh bien d'accord ! (Exclamations.)

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1528 est rejeté par 57 non contre 22 oui (vote nominal).

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1528.

Vote nominal