République et canton de Genève

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IN 180-B
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 180 « Pour + de logements en coopérative »

Débat

La présidente. Nous passons à notre premier point fixe, l'IN 180-B. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole revient à M. Murat-Julian Alder.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'initiative 180 «Pour + de logements en coopérative» propose que d'ici 2030, 10% de l'ensemble du parc de logements de notre canton soit détenu par des coopératives d'habitation sans but lucratif. La majorité de la commission, après un examen approfondi de ce texte, a pris la décision de vous proposer de le rejeter. La principale raison est qu'il va trop loin, d'abord parce qu'il fixe un taux totalement arbitraire en ce qui concerne la proportion de logements en coopérative d'habitation sans but lucratif: pourquoi 10% ? Pourquoi pas 5% ou 15% ?

Ensuite, il nous paraît illusoire de tenir le délai imparti par cette initiative, qui exige que cela soit fait d'ici 2030, soit dans moins de six ans - autant dire que ce délai n'est absolument pas réaliste. Nous ajoutons aussi que curieusement, ce texte exclut totalement de son champ d'application les coopératives d'habitation avec but lucratif: on ne comprend pas pourquoi seules celles sans but lucratif devraient être concernées.

Surtout, nous nous inquiétons également du risque que ce texte créerait en ce qui concerne le recours au droit de préemption de l'Etat en la matière. Nous ajoutons aussi que la problématique de la mixité sociale a fait l'objet d'un accord en 2020, autour de la révision de l'article 4A de la LGZD, la loi générale sur les zones de développement. Cette initiative revient sur un accord accepté à une large majorité.

En définitive, nous n'ignorons pas qu'il y a une forte demande en ce qui concerne ce type d'habitations. Nous ne remettons bien évidemment pas en question les bienfaits qu'il apporte. Néanmoins, cette initiative se garde bien aussi de dire le besoin des Genevois de pouvoir se loger sous la forme de PPE, de propriété par étages, besoin qui est tout aussi important et qui est tout autant soumis à la tension du marché que nous connaissons aujourd'hui.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous recommandons de rejeter cette initiative. Néanmoins, nous sommes soucieux de chercher des solutions en la matière; même si cette initiative va trop loin sur les points que j'ai exposés, elle a le mérite de faire des propositions concrètes, et nous souhaiterions approfondir le sujet dans le cadre de l'élaboration d'un contreprojet par la commission du logement, raison pour laquelle nous vous invitons à soutenir aujourd'hui le principe d'un contreprojet, dont les contours seront définis ultérieurement par la commission du logement. Merci beaucoup de votre attention.

M. Diego Esteban (S), rapporteur de première minorité. Je ne vais pas vanter tous les mérites des coopératives, je me bornerai à mentionner le sondage «Genève 2050», qui a produit des résultats assez parlants en ce qui concerne le besoin et la demande pour ce type de logements: 90% des 5000 réponses reçues se sont révélées favorables à un développement des projets participatifs en coopérative d'habitation.

Cette initiative ne fait que répondre à cette demande en fixant un objectif similaire au ratio de logements situés en coopératives que l'on observe dans d'autres centres urbains; pour ne citer que ces exemples, Zurich compte 20% de logements situés en coopératives, Bienne 14%, Lausanne 8% et Genève que 5%. Ce que le sondage «Genève 2050» démontre est que ce chiffre pourrait être augmenté. Quant au taux de 10% préconisé par les initiants, le rapporteur de majorité estime qu'il est arbitraire, mais je n'ai pas l'impression que c'est ce chiffre de 10% qui pose problème à la majorité, car n'importe quel taux aurait posé problème.

De la même manière, le reproche fait au délai fixé à 2030 comme étant une date trop proche d'aujourd'hui est aussi à mettre en lumière avec les efforts démesurés mis en oeuvre pour empêcher cette initiative d'être soumise à un vote populaire ou pour en retarder l'échéance, comme en démontre le recours jusqu'au Tribunal fédéral pour, au final, être totalement désavoué. On peut encore citer les arguments qui reprenaient les éléments du recours et qui ont été démontrés comme faux. Cet objectif de 10% est un objectif général, et l'initiative est assez bien formulée parce qu'elle prévoit les différentes étapes de concrétisation pour le cas où le ratio de 10% ne pourrait pas être atteint en 2030.

Ainsi - c'est même le Tribunal fédéral qui l'a reconnu -, cette initiative est bien formulée, elle répond à un besoin, et je pense que ce n'est pas pour rien qu'elle fait l'objet d'autant de tentatives de ralentissement de la part des milieux immobiliers, parce que finalement, ce que cette initiative porte comme message, c'est de renforcer le parc immobilier via des logements abordables pour une majorité de la population. Pour toutes ces raisons, la première minorité de la commission vous encourage à l'accepter et à refuser le principe d'un contreprojet.

M. Philippe de Rougemont (Ve), rapporteur de deuxième minorité. A Genève, les coopératives ont fait leurs preuves, elles ont récemment fêté leurs cent ans d'existence. Aujourd'hui, elles fournissent des logements qui, selon l'OCSTAT, sont 38% moins chers que les loyers hors coopératives. Pourquoi ? Parce qu'elles sont sans but lucratif. L'éventuel bénéfice fait par une coopérative est versé sur un fonds qui sert à acquérir et à construire de nouvelles coopératives. Il y a d'autres aspects très intéressants, auxquels sont sensibles 75% de la population et non pas quelques petits pourcentages qui peuvent se permettre les 200 000 francs de fonds propres pour acheter un appartement - en réponse au rapporteur de majorité.

La première chose très intéressante est que les loyers sont plus bas, mais il y a aussi le fait que les habitants sont codécideurs. On remarque que dans les coopératives, l'indice de dépense de chaleur est beaucoup plus bas; si les dépenses de chaleur sont beaucoup plus basses, c'est parce que ce sont les habitants qui décident et qui déclenchent des rénovations thermiques. Si tous les habitats à Genève étaient des coopératives, on ferait un progrès fantastique dans la rénovation des bâtiments, sans nullement devoir forcer les propriétaires. Pendant des semaines, on a vu un théâtre dans cette salle au sujet de la loi sur l'énergie, ça continue peut-être... Eh bien, on n'aurait pas cette situation-là si on avait des coopératives gérées par leurs membres.

Même si ces coopératives sont à but non lucratif, elles constituent des provisions avec lesquelles elles continuent à construire. Elles sont comprises dans les critères LGL. Par conséquent, sauf quelques exceptions, il y a un contrôle du taux d'occupation et du revenu des coopérateurs, ce qui les rend accessibles à tous les niveaux de revenus, à tous les ménages.

Les ménages à haut revenu ne connaissent pas la crise du logement à Genève; pour eux, il n'y a pas de problème, ils peuvent se payer des loyers très élevés, mais pour la vaste majorité des autres ménages, les coopératives constituent la solution, ici et maintenant, pour accéder au logement. Ne faisons donc pas les naïfs, c'est pour ça qu'il y a un engouement pour les coopératives, c'est pour ça que les Genevois veulent voter sur cette initiative. Malheureusement, on a perdu beaucoup de temps avec un recours au tribunal. Ce dernier a tranché, l'initiative est tout à fait correcte. Maintenant, allons devant le peuple !

Pourquoi est-ce qu'il y a une controverse sur cette initiative, finalement ? Elle répond aux besoins de la population, on rénove davantage, on renforce la démocratie participative - ce qu'aiment les habitants de ce pays -, pourquoi donc une telle opposition ? Parce qu'il y a une grande tension, comme on dit, sur le foncier à Genève, il y a une course à l'or vers le terrain. Vous avez des représentants d'intérêts financiers privés qui tentent de vous persuader que l'intérêt du canton n'est pas celui des coopératives. Je vous invite toutes et tous à faire très attention, à regarder quels sont les intérêts qui luttent contre cette initiative et à vous rappeler que la vaste majorité des ménages à Genève ont besoin de plus de coopératives.

La présidente. Vous parlez sur le temps de votre groupe.

M. Philippe de Rougemont. Augmentons ce taux à 10%, 15%, 20% ! Pour répondre à la question des délais, regardons aussi ce qui se passe avec l'ordonnance sur la protection contre le bruit, l'ordonnance sur la protection de l'air: on est familier de ces objectifs avec des délais difficiles à atteindre, mais qui servent à motiver la population et les autorités à avancer.

Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts vous invitent à être indépendants des défenseurs d'intérêts acquis privés, qui veulent se faire passer pour des défenseurs de l'intérêt public. Restez indépendants et votez en faveur de cette initiative ! Ne perdons pas du temps avec un contreprojet ! Merci, Mesdames et Messieurs, de votre attention. (Applaudissements.)

M. Sébastien Desfayes (LC). Nous, centristes, sommes absolument favorables à la construction de coopératives, et nous tenons d'ailleurs à remercier le rapporteur de deuxième minorité, qui, dans son rapport, a cité l'ancien conseiller d'Etat Serge Dal Busco, qui avait dit lui-même que la coopérative remplit à moindres coûts l'objectif politique de maîtriser les coûts de la vie et de fournir des loyers modérés.

Bien sûr qu'il faut soutenir les coopératives, mais pas n'importe comment ! Le problème avec cette initiative, c'est que la piste proposée ne mène nulle part. C'est un miroir aux alouettes, ça apportera des difficultés, ça ralentira la construction et ça ne permettra pas la construction de coopératives en quantité. Comme l'a dit le rapporteur de majorité, un «Freisinniger»... (Rires.) ...l'objectif est irréaliste: on n'arrivera pas à construire plus de 12 000 coopératives d'ici 2030, soit en six ans, sachant que l'on construit 2000 logements par année et que les terres se font rares - c'est une réalité qu'il faut prendre en considération.

Alors sauf à déclasser tous les terrains agricoles, ce qui est impossible et que nous ne souhaitons pas, cet objectif ne sera jamais atteint, ni même approché ! D'ailleurs ça a été reconnu par un des rapporteurs, qui a dit: «Oui, mais c'est un objectif général, ce n'est pas un objectif contraignant.» La question qui se pose est très simple, c'est une question rhétorique: à quoi bon fixer des objectifs, à quoi bon voter cette initiative si nous savons d'ores et déjà qu'elle ne sera pas réalisée ?

Autre problème évident, la question de la hiérarchisation normative, à savoir l'articulation entre l'article 4A LGZD et cette initiative, avec les blocages inhérents qui apparaîtront dans le cadre des autorisations de construire et des PLQ entrés en force.

Troisième problème - je ne vais pas être exhaustif, le temps me manque, malheureusement -, l'instrument utilisé agit sur l'exercice du droit de préemption, avec pour conséquence que seule une partie de la population genevoise pourra avoir accès à ces logements. Il existe des solutions pour construire plus de coopératives, et c'est dans ce sens qu'il faut, bien entendu, voter pour le principe d'un contreprojet. La première de ces solutions, c'est évidemment d'introduire une dose, un pourcentage de logements en coopérative dans l'article 4A. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

J'entends déjà Antonio Hodgers me dire: «Oui, mais vous rajoutez une contrainte supplémentaire qui va gêner les promoteurs immobiliers.»

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Sébastien Desfayes. Je tiens d'ores et déjà à le rassurer: on peut tout à fait aménager l'article 4A, notamment son alinéa 2 mentionnant les HBM, pour prévoir de faciliter et donc de diminuer les contraintes existantes.

La présidente. Merci.

M. Sébastien Desfayes. Enfin, un dernier mot, ce qu'il faut favoriser, ce sont les petites coopératives, à savoir celles formées par des groupes d'amis ou de connaissances, qui visent à construire un logement et non pas à se substituer à... (Le micro de l'orateur est coupé.)

M. Amar Madani (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, face au problème du logement, qui est crucial dans notre canton, toute idée visant à développer un logement abordable mérite d'être étudiée. Cette initiative 180 est louable pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'elle permet une accessibilité financière aux familles à revenus modestes et offre une approche collaborative favorisant un concept de communauté.

Toutefois, plusieurs bémols font que l'initiative telle que présentée relève presque, excusez-moi du terme, de l'utopie. D'abord, l'objectif, à savoir 10% du parc en coopératives d'ici 2030, est pour le moins irréalisable, car pour y arriver, il faut construire plus de 12 000 logements par an, sachant que notre canton en construit chaque année à peine 2000, tous types confondus.

Ensuite, il y a des problèmes réglementaires, qui constituent aussi un obstacle majeur. L'initiative va à l'encontre de la loi qui fixe un quota par catégorie de logements, la LGZD. Elle exclut de facto toute autre catégorie de logements, ce qui est une menace pour la diversité de l'offre immobilière et une entrave à la variété, voire à la liberté des citoyens quant à leurs besoins.

Le principe d'un contreprojet, en revanche, est un bon compromis pour répondre aux préoccupations de toutes les parties concernées par cette problématique. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, le MCG refuse l'initiative telle que présentée, mais accepte le principe d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. (Brouhaha.) Je ne voudrais pas déranger le caucus PLR qui a lieu au fond de la salle... (Remarque. Rires.) Monsieur Florey, vous avez la parole.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Madame la présidente. Cette initiative pose différents problèmes. D'expérience, on le sait, le passé l'a confirmé, quand vous avez une initiative qui vous impose des délais, des objectifs, des montants trop précis, ça ne fonctionne pas. L'exemple le plus parlant est celui de l'initiative 144, qui parlait des pistes cyclables; aujourd'hui, on nous reproche sans cesse de ne pas avoir tenu les délais, ça nous coûte bien plus que ce que prévoyait au départ l'initiative - on était à 8 millions selon les initiants, on en est à plus de 150 millions quant au budget réellement investi -, et finalement, cette initiative sur les coopératives va nous amener, si elle est acceptée telle quelle, au même résultat.

On sera sans cesse accusés de faire tout ce qu'on peut pour freiner la construction de ce type de logements, on sera constamment accusés de ne pas voter les fameux crédits demandés, enfin bon, on sera accusés de tous les malheurs du monde et de freiner l'extension des coopératives dans notre canton. Alors que finalement, la réalité est que certes, les coopératives sont un bon système de logement, j'habite moi-même une coopérative... (Commentaires.) ...je veux dire, c'est très bien comme système, mais pas comme le voudraient les initiants. Il faut garder une certaine marge de manoeuvre, on doit laisser les coopératives se créer comme elles le font jusqu'à présent, c'est-à-dire de manière libre.

Aujourd'hui, il est relativement facile de créer une coopérative, il suffit de quelques personnes qui se mettent en association, qui montent un dossier, vous pouvez en plus bénéficier du fonds LUP, et, pour quelques centaines de francs investis au départ, vous vous retrouvez avec une coopérative. La réalité, elle est là aujourd'hui, et c'est du reste comme ça que celle dans laquelle j'habite s'est créée, lors d'une petite réunion entre plusieurs personnes au cours de laquelle ils ont monté ce dossier, ils ont mis 150 ou 200 francs chacun au départ et ils sont allés taper là où il fallait. C'est ça la réalité. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Par conséquent, finalement, nous recommandons de rejeter cette initiative pour les raisons que je viens d'invoquer.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Stéphane Florey. Bien évidemment, il faudra un contreprojet pour marquer quand même une volonté d'aller de l'avant avec ces coopératives. Surtout, ce qu'il ne faut pas, c'est que l'Etat préempte pour tous ces terrains, car il sera obligé de préempter pour les vingt prochaines années si on veut réellement tenir les objectifs irréalisables de cette initiative.

La présidente. Merci.

M. Stéphane Florey. Refusons donc cette initiative et acceptons le contreprojet. Je vous remercie.

Mme Caroline Renold (S). Mesdames et Messieurs les députés, les constats sont partagés par tous et toutes: nous faisons face à une grave crise du logement et nous devons construire pour répondre aux besoins de la population. L'enjeu est donc le suivant: qui construit et quoi construire ? Parce qu'à Genève ce ne sont pas les constructeurs qui manquent, mais les terrains qu'on s'arrache. J'aimerais vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que se loger est un besoin fondamental et un droit humain. Ça ne doit pas être une occasion de se faire de l'argent.

Et pourtant, les associations de défense des milieux immobiliers et les partis de la droite élargie qui les représentent ici, dans notre Conseil, souhaitent uniquement défendre leur recours à la spéculation foncière. Il n'est pas possible de construire du logement bon marché en laissant libre cours à la spéculation sur les terrains. Ce sont des concepts antinomiques !

Comme le proposait l'initiative fédérale de l'ASLOCA «Davantage de logements abordables» - refusée en Suisse alémanique, mais largement acceptée à Genève -, il faut donner la priorité aux maîtres d'ouvrage d'utilité publique pour construire des logements abordables. C'est ce qui a été fait dans le passé à Bienne et en ville de Zurich. Les coopératives sont des maîtres d'ouvrage d'utilité publique qui construisent par et pour les habitants, avec des loyers au plus proche des coûts.

Elles offrent aux locataires une sécurité du logement puisque les baux ne sont résiliés que dans des cas extrêmes. Elles empêchent la spéculation foncière, car les biens y sont durablement soustraits. Je souligne que même les prix des logements en zone LGZD ne sont contrôlés que pendant dix ans: ensuite, la spéculation reprend ses droits, contribuant au renchérissement des prix des loyers, ce qui est exactement le jeu voulu par les milieux immobiliers.

Avoir un socle de 10% de l'ensemble du parc de logements détenu par des coopératives d'habitation sans but lucratif, c'est développer des habitats à des loyers abordables pour la population et de qualité, c'est également lutter durablement contre la spéculation foncière. Mais cela, la majorité de droite de ce parlement ne veut pas l'entendre, bien qu'elle n'assume pas de le dire. Elle protège les intérêts des milieux immobiliers, qui souhaitent augmenter leurs profits au détriment de logements abordables pour la population. Elle veut s'accaparer une ressource très rare - les surfaces à bâtir - pour spéculer, que ce soit dans le PAV ou au détriment des coopératives. Car construire de la PPE est extrêmement profitable aux milieux immobiliers, alors que construire une coopérative ne profite qu'aux habitants et habitantes.

Le principe d'un contreprojet n'a qu'une visée dilatoire, repoussant l'échéance du vote de l'initiative devant le peuple, alors que la population genevoise veut des logements abordables, notamment en coopérative. Mesdames et Messieurs les députés, ayons le courage de faire ce que la population nous demande: construire rapidement des logements à loyers abordables. Acceptons cette initiative ! (Applaudissements.)

M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, notre groupe soutient bien évidemment l'initiative dont nous débattons ce soir, qui vise à augmenter la part de coopératives. Nous saluons ce texte lancé par le groupement genevois des coopératives, qui - il est important de le dire - regroupe une grande diversité de coopératives: certaines historiques, construites il y a cent ans, d'autres dans lesquelles les promoteurs immobiliers sont actifs, d'autres enfin plus participatives. Tous ensemble, ils ont proposé une initiative dont l'objectif est de porter à 10% la part de coopératives dans le parc de logements du canton.

On nous dit: «Eh bien non, mieux vaut faire un contreprojet.» Mais quel contreprojet doit-on attendre ? Nous n'en savons absolument rien ! A ce stade, il n'y a pas l'once d'une piste pour ce contreprojet. En revanche, qu'est-ce qu'il y a ? Une peur de voir cette initiative aboutir, puisque, Mesdames et Messieurs, les gens veulent ce type de logements. Comme on l'a dit, cela ressort des sondages, il y a énormément de gens inscrits pour des coopératives. Par conséquent, ne nous laissons pas embarquer par un contreprojet, qui ressemble à ce stade à une coquille vide.

Puis, on nous dit que ce n'est pas compatible avec l'article 4A LGZD; aucun problème, cette disposition prévoit que la part de PPE est d'un tiers - elle n'est pas menacée -, par contre, les deux tiers restants contiennent du locatif. Or pour ce dernier, on l'a également dit, rien n'exclut qu'il devienne cher à terme, parce qu'au-delà des dix ans, les appartements en location ont des loyers qui grimpent alors que les coopératives les maintiennent bas. Pourtant, on ne veut pas en faire, des coopératives. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Pourquoi ? Cherchez l'anguille sous roche ! (Rires.)

Par contre, ça a été dit de façon très honnête, la principale menace contre l'augmentation du nombre de coopératives, c'est le manque de terrains, terrains dont ont besoin les promoteurs pour faire leurs profits.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. David Martin. Je vous invite donc à soutenir cette initiative visant à faire passer la part de coopératives, qui n'est aujourd'hui que de 5% dans notre canton, à 10%. A Zurich, ils sont à plus de 20%... (Le micro de l'orateur est coupé.)

La présidente. Merci. La parole est à Mme Diane Barbier-Mueller.

Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Madame la présidente. Je ne vais pas répéter ce qui a déjà été très justement dit par le rapporteur de majorité et certains de mes préopinants. Je ne vais pas non plus revenir sur les propos mensongers de Mme Renold, parce que je pense qu'elle est trop intelligente pour y croire - il s'agit donc forcément de propagande électoraliste mensongère. Je vais juste clarifier certains points.

On idéalise souvent la coopérative, on a fait la comparaison avec les coopératives zurichoises, qui représentent 20%; or, il faut rappeler que celles-ci existent depuis le XVIIIe siècle, qu'elles avaient pour vocation d'abriter des ouvriers à proximité des usines, qu'elles étaient autofinancées avec un apport de 20% de fonds propres - alors qu'à Genève, l'apport demandé n'est que de 5% - et qu'elles sont très souvent créées via des terrains mis à disposition par l'Etat. Ce sont donc deux philosophies très différentes; à Genève, les coopératives suivant ce modèle zurichois, à savoir celles qui permettent de réaliser une plus-value, sont très rares.

Un autre élément, c'est que l'initiative fixe un délai court. Nous sommes à 5% et le texte demande de réaliser 5% supplémentaires, ce qui représenterait 12 000 logements de plus. Le délai de sept ans est très court. Enfin, j'aimerais rétablir un petit point: on entend beaucoup cette opposition des méchants acteurs privés qui veulent faire de l'argent versus les très gentils acteurs publics qui ne pensent qu'au bien-être commun; or, les coopératives d'habitation ne sont que des entités privées qui ont des intérêts différents, comme toutes les coopératives et comme tous les privés ! Certaines veulent faire quelque chose de qualitatif à bas prix, d'autres souhaitent faire des logements pour abriter une part de population peut-être différente de celle imaginée.

C'est pour toutes ces raisons ainsi que celles déjà évoquées par Me Murat Alder... M. Murat Alder, pardon ! (Remarque.)

Une voix. Le «Freisinnig» !

Mme Diane Barbier-Mueller. Le «Freisinnig», en effet ! C'est pour toutes ces raisons que le groupe PLR rejettera l'initiative et soutiendra l'idée d'un contreprojet. Notre groupe n'est pas opposé à l'initiative dans son intégralité, mais il souhaite encourager un certain ratio de coopératives pour que cette évolution du marché genevois - effectivement déjà très favorable, très porteur et où tout le monde peut décider à qui on attribue les terrains ou pas parce que tout le monde veut construire dessus - ne se fasse pas au détriment de certains logements, notamment sociaux. Il faut rappeler que si l'on développe davantage la coopérative, ça ne se fera pas que sur la part des méchants promoteurs privés, mais ça pourrait aussi se faire sur une part du logement social. Par conséquent, afin de ne pas péjorer toutes les catégories de logements, il faut retravailler cette proposition via un contreprojet qui tienne compte de tous les besoins de la population. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)

M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, lors des travaux effectués en commission, bien évidemment, la majorité des commissaires n'étaient pas contre la construction de logements à Genève, même sous forme de coopératives. Nous étions tous pour construire plus de logements, car nous en avons besoin à Genève. Nous avons tous conscience de la crise du logement, cependant il faut penser à des projets faisables, dont on peut concevoir la réalisation, plutôt qu'à des projets qui vont rester uniquement sur le papier sans être concrétisés.

Bien entendu, le groupe LJS est toujours en faveur des projets de logements, que ce soit en coopératives ou non, mais cette initiative soulève des questions quant à la réalisation de ces 12 000 logements par an. Tout d'abord, le rapporteur de majorité l'a bien dit, le fait d'atteindre 10% du parc de logements en coopératives d'ici 2030 représente une course contre la montre vouée à l'échec - ce n'est pas possible de construire autant. Le deuxième élément est l'aspect financier: selon nous, sans plan financier robuste, ce texte risque de promettre plus que ce qu'il sera en mesure d'obtenir.

Se pose aussi la question des terrains: il faut en trouver si l'on veut construire des logements. Selon plusieurs auditions que nous avons menées au sein de la commission du logement, nous avons à Genève un vrai problème de terrain non seulement pour ce que propose cette initiative mais de manière générale. Il n'y a pas assez d'espace disponible. Cela signifie que même si la majorité du parlement vote cette initiative, on aura de toute façon des problèmes de terrain.

Le groupe LJS est favorable à un contreprojet qui devra contenir certains objectifs réalistes: par exemple, obtenir 3% ou 5% de logements en coopératives d'ici 2030, ou encore d'autres objectifs. Au nom du groupe LJS, nous préconisons, sur la base des raisons que je viens d'expliquer, un contreprojet plus réaliste et plus équilibré, en faveur des Genevois et Genevoises. Je vous remercie.

La présidente. Merci. Il n'y a plus de temps de parole pour le rapporteur de seconde minorité. Je cède le micro au rapporteur de première minorité, M. Diego Esteban, pour vingt-deux secondes.

M. Diego Esteban (S), rapporteur de première minorité. Merci, Madame la présidente. Je tiens juste à relever qu'il est curieux de dire de cette initiative qu'elle est à la fois dangereuse et inutile. Retenons tout simplement qu'elle fait quasi l'unanimité au sein de la population, raison pour laquelle nous vous invitons à la soutenir.

La présidente. Je vous remercie. La parole est au rapporteur de majorité, M. Murat-Julian Alder, pour trente-trois secondes.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. L'unanimité qui vient d'être évoquée ressort d'un sondage, qui, comme tous les sondages, est hautement discutable. Le seul sondage qui, moi, m'intéresse, c'est la volonté populaire lorsqu'elle se sera exprimée dans les urnes. Je vous invite aussi à étudier plus en profondeur la question des coopératives à Zurich: vous verrez qu'en réalité, elles sont beaucoup plus tournées vers l'argent que vers des idéaux politiques, contrairement à ce que vous pourriez penser. Par conséquent, comparaison n'est pas raison. Encore une fois, je vous invite à voter contre cette initiative et à accepter le principe d'un contreprojet. (Applaudissements.)

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat soutient cette initiative. Il est assez rare que le gouvernement soutienne une initiative populaire; s'il le fait, c'est qu'elle est raisonnable, pondérée et réaliste. Cela a été dit, le logement coopératif permet en effet avant tout d'offrir un loyer abordable sur la durée. Les statistiques le montrent, un appartement en coopérative a un loyer de 38% plus bas que son équivalent en logement libre. 38% moins cher, Mesdames et Messieurs ! Ça illustre les effets de la spéculation sur Genève: il n'y a pas d'économies sur les matériaux, pas d'économie sur la qualité, ni sur les mètres carrés; le même logement en coopérative est 38% moins cher que dans le privé. Voilà pour ce qui est du pouvoir d'achat des Genevois.

On l'a également entendu, l'initiative prend pour modèle Zurich. C'est juste de relever que la tradition ouvrière à Zurich, comme à Genève d'ailleurs, a donné lieu à des coopératives historiques, traditionnelles, comme on les appelle. Ce socle important de 20% en ville de Zurich est en effet divers et varié. Permettez-moi de clarifier une chose à ce propos: les coopératives très participatives, très écologiques et autres représentent une sous-catégorie. Ce n'est pas parce qu'on est en coopérative qu'on doit avoir des toilettes sèches. C'est bien que ça existe, mais une coopérative, c'est avant tout un loyer abordable et non spéculatif.

On constate que le modèle zurichois offre des coopératives plutôt axées sur l'innovation sociale et écologique, mais également d'autres solutions similaires à nos vieilles sociétés coopératives - d'ailleurs, un député UDC en profite bien... (Remarque. Rires.) - qui sont des immeubles locatifs comme les autres. Il n'y a pas de kibboutz dans les coopératives: on vit chacun dans son appartement, sauf qu'on paie un loyer moins cher. Ça, c'est quand même le coeur de ce débat.

Ces coopératives, Mesdames et Messieurs, contrairement à ce qu'a dit le député Desfayes, sont complètement compatibles avec l'article 4A LGZD puisque l'initiative permet à une coopérative d'être du LUP, du locatif libre (ZDLOC) et même d'offrir de la PPE, qui, elle aussi, sera moins chère que sa cousine dans le privé. Légalement - cela a étudié et c'est la position juridique du Conseil d'Etat -, dans le 10% préconisé par cette initiative, il peut y avoir des coopératives en PPE. Par conséquent, les trois tiers de l'article 4A LGZD seraient parfaitement respectés; cette initiative ne change pas ces équilibres que votre parlement a voulus.

Alors vous me direz: pourquoi 10% ? C'est vrai, c'est un chiffre politique. A Zurich, ils visent 30%; 10%, c'est plutôt raisonnable. Les objectifs fixés sous forme de taux de parts de logements sont toujours des chiffres politiques; pas plus tard que dimanche prochain, nous voterons sur une proposition consistant à retenir 24% de PPE au PAV: pourquoi 24% et pas 20% ou 30% ? Cette proposition contient en plus une disposition qui prévoit qu'il faut que le prix de la rente soit de 10 francs par mètre carré et par an; tout ça dans une loi ! Pourquoi un tel niveau de précision ? On voit donc que la majorité qui aujourd'hui critique une notion qui est habituelle - on a bien voté dans ce parlement un socle de 20% de LUP, qui lui aussi était un chiffre politique - fait ainsi le procès d'un chiffre qui, dans le fond, Mesdames et Messieurs, est raisonnable pour un canton comme Genève. 10% de coopératives sur l'ensemble du parc immobilier, c'est un taux raisonnable ! C'est moins que le 20% de LUP, c'est beaucoup moins que dans d'autres métropoles - on l'a dit.

Reste la question du délai: c'est le point faible de l'initiative, il faut le reconnaître. Il sera matériellement presque impossible d'atteindre ce socle de 10% dans un délai aussi court - ce ne sera d'ailleurs pas 12 000 logements, parce que le nombre total de logements sera plus élevé; or, il s'agit ici d'un pourcentage de la totalité des logements. Mais écoutez, c'est un délai d'ordre, comme on dit, ce n'est pas un délai qui défigure l'objectif. A nouveau, on peut prendre comme exemple les 20% de LUP présents dans la loi votée par l'unanimité de ce Conseil. Nous n'avons pas non plus atteint ce pourcentage, et pourtant ça n'annule pas la loi. On peut également citer la loi de dimanche prochain autour du PAV: si la population accepte ces 24% de PPE, ces derniers ne seront pas non plus disponibles pour 2030, sans que cela annule l'objectif. Dans nos lois sur le logement, nous avons des objectifs qui sont politiques, qu'on doit savoir accepter ou pas, mais qui en soi, même si le délai prévu est dépassé, ne sont pas non pertinents par rapport à l'objectif, à savoir aujourd'hui celui d'accroître, de doubler le parc de coopératives.

Mesdames et Messieurs, pour ces raisons, le Conseil d'Etat vous invite à voter l'initiative telle qu'elle vous est présentée. S'il y a la volonté d'un contreprojet, le département y contribuera bien évidemment. En l'état, dans ce débat, nous n'avons pas entendu ce que pourrait être ce contreprojet. L'initiative respecte en tous points les lois sur le logement et représente certainement la volonté d'une grande majorité des Genevoises et des Genevois de bénéficier d'un logement avec un loyer abordable, ce qui est au coeur du projet des coopératives. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. Nous procédons au vote. Je vois qu'il y a une demande de vote nominal...

Une voix. Il a lieu d'office !

La présidente. Le vote nominal a effectivement lieu d'office dans la mesure où il s'agit d'un vote final. Je soumets tout d'abord à votre approbation la prise en considération de l'IN 180.

Mise aux voix, l'initiative 180 est refusée par 58 non contre 31 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 60 oui contre 32 non (vote nominal).

Vote nominal

Le rapport IN 180-B est renvoyé à la commission du logement.