République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 novembre 2023 à 14h
3e législature - 1re année - 6e session - 37e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.
Assistent à la séance: Mmes Nathalie Fontanet et Carole-Anne Kast, conseillères d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Jacques Béné, Florian Dugerdil, Roger Golay, Angèle-Marie Habiyakare, Philippe Morel, Mauro Poggia, Charles Poncet, Julien Ramu, Vincent Subilia et François Wolfisberg, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Rémy Burri, Christian Flury, Patrick Lussi, Philippe Meyer et Daniel Noël.
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
La présidente. Nous continuons nos travaux avec le PL 12574-A et le PL 12575-A, qui sont liés et que nous traitons en catégorie II, soixante minutes. M. Jacques Béné, rapporteur de minorité, est remplacé par M. Yvan Zweifel. Je donne la parole à Mme Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, ces deux projets de lois prévoient que lorsqu'un budget est déficitaire... (Brouhaha.)
La présidente. Excusez-moi, Madame. Certains ne l'ont peut-être pas constaté, mais nous avons commencé notre séance ! (Rires. Remarque.) Je vous laisse vous installer en silence.
Mme Caroline Marti. Le principe du premier de ces deux projets de lois, c'est de prévoir que quand un budget est déficitaire, l'augmentation des charges est limitée à la croissance démographique. Le deuxième texte prévoit que quand un projet de budget est déficitaire, aucune augmentation de postes n'est possible: zéro nouveau poste dans le cadre de l'exercice budgétaire.
Le rapporteur de minorité soulèvera, et il aura raison, que ces deux projets de lois prévoient une clause dérogatoire à ce principe, qui permet une augmentation des charges équivalente à la croissance démographique plus 1%, respectivement une augmentation des postes équivalente à la croissance démographique. Mais ces clauses dérogatoires ne s'appliquent que si le projet de budget obtient une majorité qualifiée des deux tiers des voix lors de son adoption.
Or, sur les dix derniers budgets que nous avons traités dans cette enceinte, cela n'est arrivé qu'une seule fois, en 2021, l'année covid, soit une année exceptionnelle dont le budget était tout aussi exceptionnel, mais j'y reviendrai. Sachant cela, on peut considérer que ces clauses dérogatoires sont inopérantes puisqu'elles ne pourront jamais s'activer, cette majorité des deux tiers n'étant absolument jamais atteinte.
Sur les dix derniers budgets, on peut également constater que huit d'entre eux étaient déficitaires. Par conséquent, huit années sur dix, il n'y aurait eu aucune augmentation de postes possible et l'augmentation des charges aurait été strictement limitée à l'augmentation démographique.
Mesdames et Messieurs les députés, ces projets de lois se basent sur un présupposé fallacieux: ils prétendent qu'à population constante, les besoins de celle-ci restent constants. Le corollaire de ce présupposé est que les besoins de la population augmentent de façon parfaitement proportionnelle à la population. C'est absolument faux ! C'est une méconnaissance coupable de la réalité vécue par la population et des grandes tendances socio-démographico-économiques que connaît notre canton.
D'abord, nous constatons une précarisation très importante de segments entiers de notre population, ce qui est lié au fait que les salaires, mais aussi les rentes vieillesse, stagnent, alors que les loyers ne font qu'augmenter à Genève depuis des décennies. Il en va de même pour les primes d'assurance-maladie. Plus récemment, c'est l'inflation qui est venue s'ajouter à l'addition, de même que l'augmentation des prix de l'énergie. La résultante, c'est que la population a de plus en plus besoin de prestations financières de l'Etat pour simplement garder la tête hors de l'eau. Ça, évidemment, ça fait augmenter les charges de l'Etat dans une proportion bien plus importante que l'augmentation démographique. Et puis, le fait que les habitants soient plus nombreux à devoir faire appel à ces aides financières publiques nécessite une augmentation du personnel de l'Etat pour que ces prestations puissent être délivrées.
La deuxième grande tendance que l'on constate, c'est une augmentation de la vulnérabilité. Il ne s'agit pas forcément de la vulnérabilité économique, mais d'une vulnérabilité qu'on pourrait plutôt qualifier de sociosanitaire, qui concerne, là aussi, des segments entiers de la population. Le premier élément est le vieillissement de la population: il y a de plus en plus de personnes qui atteignent le quatrième âge et qui ont besoin de plus de prestations d'accompagnement, que ce soit des mesures d'accompagnement sociosanitaire, de maintien à domicile, d'accueil dans un EMS, mais aussi des besoins de protection, notamment de mise sous curatelle. La situation est extrêmement parlante: un rapport de la Cour des comptes met en lumière qu'entre 2010 et 2018, il y a eu 95% d'augmentation des dossiers de prise en charge par le SPAd pour des mises sous curatelle, alors que dans le même temps, la population n'a augmenté que de 8%. Par conséquent, comment faire, si on applique les mécanismes prévus par ces projets de lois, pour absorber un doublement du nombre de dossiers de curatelle et de protection de l'adulte, avec des charges et des effectifs qui, eux, n'augmenteraient par hypothèse que de 8% ? Ce serait absolument impossible de maintenir une prise en charge de qualité pour ces personnes qui, je le rappelle, font partie des plus vulnérables de notre canton.
Il en va exactement de même des élèves à besoins spécifiques. Ils sont eux aussi en augmentation. Cette hausse est bien plus importante que l'augmentation démographique. Si on se borne à une augmentation des charges et du personnel corrélée à l'augmentation démographique, alors on ne pourra tout simplement plus accueillir ces élèves à besoins spécifiques.
La troisième grande tendance, c'est que nous vivons de grandes transformations sociales et environnementales, notamment dans le cadre de la révolution numérique, mais aussi de la lutte contre le réchauffement climatique, qui nécessitent aujourd'hui que nous rattrapions un retard qu'on a tous accumulé ces dernières années, notamment dans les infrastructures. Pour ce faire, on a également besoin de personnel, par exemple pour porter les projets, notamment d'infrastructures dans le domaine de l'environnement, de la protection de la biodiversité et des transports.
Mesdames et Messieurs les députés, quand on augmente, par exemple, de 200 millions les subsides d'assurance-maladie - pour rappel, c'était une décision du Grand Conseil, validée par la population dans le cadre du compromis RFFA -, évidemment, cette hausse est beaucoup plus importante que ce que nous permettrait ce projet de loi. Cela nécessiterait évidemment de devoir couper dans d'autres prestations à la population.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe et avez au maximum une minute.
Mme Caroline Marti. Merci beaucoup, Madame la présidente. Il en va de même quand on a une augmentation du nombre d'élèves de près de 2% - c'est le cas cette année - à laquelle s'ajoutent encore les effets de la migration: eh bien on ne peut tout simplement pas répondre à ces besoins à postes constants et on devra donc couper dans d'autres postes, dans d'autres services et aboutir à des licenciements de personnel.
Or, aujourd'hui, on se retrouve dans une situation tout à fait ubuesque. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Toutes ces dernières années, on a effectivement des budgets déficitaires, mais les comptes sont bons et même très largement excédentaires pour certains d'entre eux ! On arrive même à rembourser la dette, on a une réserve conjoncturelle qui explose. Notre situation financière est excellente, il n'y a donc absolument aucune raison de s'entêter pour mettre en place ce type de mesures de frein aux dépenses, qui ne nous permettront tout simplement plus de répondre aux besoins de la population. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à refuser très fermement ces deux projets de lois. (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Permettez-moi de remettre les choses dans leur contexte. Il est toujours intéressant d'avoir quelques chiffres pour argumenter et pas juste des éléments pris de-ci de-là, sans aucune statistique pour les démontrer. Quels sont ces chiffres ? Entre 2011 et 2022, selon les comptes que nous avons tous ici votés, la population de Genève a crû de 50 884 personnes, ce qui constitue une augmentation de 11%. Sur la même période, les charges de l'Etat ont augmenté de 2,7 milliards, soit 35% de plus. Cela veut dire que les charges de l'Etat ont augmenté de manière trois fois supérieure à la croissance de la population, ce qui bat en brèche tous ceux qui ici penseraient encore que l'on aurait fait de l'austérité toutes ces dernières années.
Les effectifs du petit Etat ont, eux aussi, augmenté de 4490 unités, soit de 30%. Si l'on prend le seul cas de la formation, sur la même période, on constate une augmentation du nombre d'élèves de 9017, soit 13%. Dans le même temps, les ETP enseignants croissent de 985, ce qui représente une hausse de 18%. Si on divise 9017 par 985, on se rend compte que sur cette période de dix ans, chaque ETP enseignant engagé s'occupait de neuf élèves. Oui, il y a des classes difficiles. Oui, il y a des classes qu'il faut plus surveiller. Mais avec un enseignant pour neuf élèves, oser dire ici qu'on n'a pas les moyens, c'est juste se moquer du monde !
Ce n'est pas un problème de moyens, mais un problème de gestion des moyens, on le dit, on le répète encore une fois ici. Lorsqu'on a un budget qui se monte à 10 milliards pour 520 000 habitants - 10 milliards, c'est le budget de la seule ville de Paris, qui, intra-muros, compte 2,1 millions d'habitants, c'est-à-dire quatre fois plus que Genève -, nous avons largement les moyens. Le problème, c'est qu'on les utilise de manière totalement mal appropriée.
Mesdames et Messieurs les députés, si on devait calculer le BMI (le «body mass index») de l'Etat de Genève, on serait déjà, et depuis longtemps, dans la zone dite d'obésité morbide. La droite de ce parlement n'en est même plus à essayer de préserver une certaine sveltesse pour l'Etat, elle en est à essayer de faire en sorte qu'il ne meure pas et qu'il reste un petit peu en bonne santé.
Le but de ces deux projets, Mme Marti l'a dit, est le suivant: le premier consiste, lorsque le budget est déficitaire, à maintenir les charges à l'augmentation de la variation de la population. Toutes les années précédentes - on ne peut pas juste parler du futur sans tenir compte du passé -, on a constaté que nous avions de toute façon des augmentations de charges déjà trois fois supérieures à l'augmentation de la population. Le deuxième vise quant à lui à ne pas créer de postes si le budget est déficitaire. Des clauses dérogatoires sont prévues, car il est juste de dire qu'il peut y avoir des situations d'urgence. Effectivement, pour cette règle des deux tiers du parlement... Et ça ne sert à rien, Madame Marti, de prendre des exemples de votes qui ne relevaient pas de ces projets, vu qu'ils n'étaient pas applicables: on parle ici de crises comme la guerre en Ukraine ou le covid. Pour de telles situations, il est évident qu'on trouverait deux tiers pour dire: «Ok, là !» On l'a fait, et vous le savez, parce qu'à la commission des finances, lorsque le Conseil d'Etat a fait des demandes de crédits supplémentaires, notamment pour l'accueil des enfants ukrainiens à l'école, la droite les a tous votés, parce que, oui, nous savons faire la différence entre les charges nécessaires, justifiées, indispensables et celles qui, depuis longtemps, auraient dû être revues.
Je tiens aussi à rappeler ce point essentiel: quand bien même ce serait limité par cette exigence du vote des deux tiers, il est tout à fait possible pour le Conseil d'Etat de continuer à venir avec des demandes de crédits supplémentaires dans le courant de l'année; si elles sont argumentées, développées et qu'on nous montre qu'effectivement, il y a une urgence, la commission des finances aura toujours le loisir de les voter.
Enfin, et c'est le plus important, si le budget est excédentaire, ce qui devrait être la norme lorsqu'on a une économie aussi florissante qu'à Genève, ces deux projets de lois ne s'appliquent pas. Cela veut dire qu'on peut engager autant de personnel que l'on veut et qu'on peut dépenser, pour ainsi dire, autant que l'on veut, mais dans la limite des revenus prévus. Il suffit donc d'avoir un budget excédentaire - et nous en avons largement les moyens - pour que ces deux textes ne s'appliquent pas.
Mesdames et Messieurs, si l'Etat avait déjà appliqué ces projets, eh bien lorsque la crise covid est arrivée ou face à la crise que nous connaissons maintenant, énergétique et liée à la guerre en Ukraine, nous aurions déjà dégagé des excédents importants, donc mis de l'argent de côté, et aurions des moyens supplémentaires pour aider les plus précarisés d'entre nous. Mais parce qu'on ne l'a pas fait, effectivement, on se retrouve sans réserve et avec moins de moyens que d'autres cantons pour aider ceux qui sont les plus défavorisés.
On le sait, il y a une forme de cercle vicieux à l'Etat de Genève. On peut prendre l'exemple de la politique du logement, comme d'autres. La politique du logement à Genève, Mesdames et Messieurs, c'est plus de cent lois et règlements. Plus de cent lois et règlements ! Qu'est-ce que ça veut dire ? Si quelqu'un veut construire quelque chose, il dépose un projet. Des fonctionnaires contrôlent si ce projet est conforme aux cent lois et règlements. Ensuite, vous devez engager des contrôleurs pour vérifier que le bâtiment est construit correctement et qu'on respecte ces cent lois et règlements. Evidemment, qui dit cent lois et règlements dit litiges, dit contentieux, alors l'Etat doit engager des juristes en masse pour régler ces situations. Une fois que c'est fait, ces juristes sont toujours là, ils inventent donc de nouvelles lois et de nouveaux règlements.
Vous avez compris le cercle vicieux qui existe à Genève et qui n'existe pas dans les autres cantons, puisque, là aussi, les chiffres sont extrêmement clairs: si vous prenez la masse de la fonction publique du canton et des communes - j'insiste, canton plus communes - et que vous la divisez par le nombre d'habitants, à Genève, ce chiffre est de 40% supérieur à celui du canton de Vaud, de 70% supérieur à celui du canton de Zurich. Est-ce qu'à Genève on a 70% de prestations de plus que les Zurichois ? Non ! Et tous ceux qui sont allés à Zurich peuvent se dire que c'est peut-être d'ailleurs le contraire, mais je n'irai pas jusque-là.
Mesdames et Messieurs, nous avons donc un vrai cercle vicieux et le but de ce projet de loi est précisément de le casser, d'obliger le Conseil d'Etat et ce parlement - parce qu'il faut dire qu'on n'est pas tout blancs non plus...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe, pour maximum une minute.
M. Yvan Zweifel. Je termine. On n'est pas tout blancs non plus, et le but est effectivement d'obliger le Conseil d'Etat, ce parlement et l'administration à enfin revoir leurs priorités. Aujourd'hui, dès que vous avez un problème, dès que vous avez une nouvelle marotte d'un conseiller d'Etat, dès que vous avez une nouvelle injonction fédérale, la seule et unique solution proposée, c'est du personnel, du personnel, du personnel. A aucun moment on ne se demande si on ne pourrait pas réorganiser quelque chose ou réallouer des postes quelque part. Mesdames et Messieurs, le but de ces textes, c'est précisément d'obliger le Conseil d'Etat à le faire.
Je n'irai pas plus loin, je vous dirai seulement que ces projets sont réalistes, raisonnables et surtout responsables. Pour garantir des prestations de qualité et surtout l'équilibre financier de notre canton, je vous invite à voter ces deux textes, qui sont basés sur un principe de bon sens: on ne dépense pas l'argent que l'on n'a pas et que l'on ne gagnera pas ! Merci. (Applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Vertes et les Verts considèrent ces projets de lois comme des sortes de «personal stop». Ils s'attaquent aux services publics et veulent les affaiblir. En effet, un des projets de lois demande une modification de la LGAF afin que les charges de l'Etat soient maîtrisées quand le budget est déficitaire. Cela impliquerait que le budget ne pourrait être déficitaire que lorsque la croissance des charges n'est pas supérieure à la croissance de la population. Cela aurait un impact direct sur les prestations à la population. Nous, les Vertes et les Verts, pensons qu'utiliser le critère de démographie comme seule variable n'est pas cohérent puisque d'autres critères peuvent être pris en considération. On peut mentionner la crise du covid - même si vous n'aimez pas cet exemple -, durant laquelle le critère de la démographie n'avait rien à voir avec l'augmentation des besoins de la population. Les besoins augmentant, l'Etat a délivré davantage de prestations sociales et, du coup, les charges ont augmenté de manière plus importante. Si on avait appliqué ce projet de loi, il aurait fallu réduire le niveau des prestations en pleine crise sanitaire et économique.
Par ailleurs, il faut tenir compte d'évolutions autres que l'augmentation de la population, comme son vieillissement. Or, une population vieillissante nécessite plus de soins, plus d'accompagnement et plus d'attention, ce qui entraîne plus de charges. Ce projet de loi aurait un impact sur la capacité d'intervention de l'Etat, en particulier lors des moments difficiles.
Il faut ajouter que le critère de la variation de la population n'est pas un bon indicateur puisque d'autres paramètres peuvent entrer en ligne de compte et avoir un effet sur les charges, comme les crises migratoires, la mise en application des lois acceptées par le peuple lors des votations populaires ou encore la mise en service de grosses infrastructures. Ajoutons encore une autre problématique dont la prise en considération s'oppose à ce projet de loi et à l'indicateur de la démographie, celle qui concerne certaines catégories de la population, spécifiquement des personnes qui coûtent plus cher et qui ont besoin de davantage de prestations, par exemple les jeunes à travers la formation. Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, les besoins ne sont pas forcément corrélés à l'augmentation de la population.
Aujourd'hui, si les deux projets de lois du PLR devaient être votés, cela signifierait qu'en cas de budget déficitaire - entre parenthèses, comme c'est le cas actuellement avec le projet de budget 2024 -, aucun poste supplémentaire ne pourrait être créé. Ce serait la loi 12575. De plus, cela signifierait que la croissance globale des charges serait strictement limitée à l'augmentation démographique. Ce serait la loi 12574. Dans ce contexte, maintenir le niveau des prestations serait difficile. Alors que nous sommes en plein débat budgétaire, l'absence de moyens supplémentaires dans un contexte d'augmentation des besoins conduirait à une dégradation des prestations. Le pire, c'est que les finances de notre canton se portent bien, si on regarde les comptes 2022. Le pire, c'est qu'actuellement, la droite élargie - PLR, UDC, MCG, LJS et Le Centre - a refusé de créer de nouveaux postes dans le projet de budget 2024, qui, eux, étaient directement liés à la croissance démographique, qui, eux, étaient des postes de terrain et qui, eux, étaient liés à l'inflation et à l'augmentation des besoins.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, les Vertes et les Verts refusent l'entrée en matière sur ces deux projets de lois, qui n'ont comme objectif que d'affaiblir les services publics, avec comme conséquences des prestations au rabais et des impacts sur une grande majorité de la population: pas de budget au rabais, pas de «personal stop», sinon, nous irons jusqu'au référendum. Merci. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Je suis d'accord avec le rapporteur de minorité: on dépose trop de projets de lois, ce qui pose de graves problèmes. C'est sur cette base-là que je lui demande de changer d'avis et de voter non à ces deux projets de lois, qui sont, dans une certaine mesure, des usines à gaz. S'il suit sa logique selon laquelle l'abus de lois cause de gros problèmes, alors il doit refuser ces deux textes.
Ils sont problématiques parce qu'ils imposent des automatismes, et non pas du bon sens, comme cela a été indiqué. Il s'agit en fait de dogmatisme ou d'absurdité: on sait le gros problème que créent les automatismes, sans doute cette idée est-elle née dans l'esprit d'un juriste que le rapporteur de minorité affectionne particulièrement - on s'en rend compte dans les travaux de commission. Je suis d'accord avec lui quand il dit qu'il y a trop de juristes au sein de notre administration; ou peut-être ne sont-ils pas trop nombreux mais ont-ils trop de poids, trop d'influence.
On le voit ici avec ces deux textes, quelles conséquences aura cet automatisme purement idéologique et théorique ? Cela va bloquer de nombreuses choses. On s'en rend bien compte, il suffit de voir que lors des votes budgétaires, des discussions au niveau des postes et des dépenses peuvent se faire aisément, de manière intelligente et déterminée. Vous avez eu écho - sans entrer dans le secret de commission - du fait qu'on peut agir, si on le veut, au niveau du travail budgétaire, afin de limiter l'augmentation des postes et des dépenses. C'est possible, on l'a vu aussi historiquement lors des travaux en commission et lors des votes en plénière. Il est donc tout à fait possible d'aller dans la direction d'une saine gestion.
Il faut aussi dire qu'on nous parle de déficit budgétaire, mais qu'est-ce que le déficit budgétaire ? Il faut quand même se rendre compte qu'on n'arrive pas - et c'est une réalité des finances genevoises - à évaluer avec précision les recettes budgétaires, pour diverses raisons qui sont tout à fait objectives et qui dépendent de la logique de nos finances publiques ainsi que du contexte très favorable de l'économie genevoise. Cela fait qu'on peut se retrouver avec des différences entre le budget et les comptes qui s'élèvent à des ordres de grandeur pouvant atteindre le milliard. Par conséquent, il y a de l'imprécision. Cet argent que l'on veut ne pas dépenser, ce n'est pas de l'argent qu'on n'aura pas: on n'en sait rien, on ne sait pas quel sera le montant qu'on aura au final. On fait juste des évaluations.
A mon sens, on joue un peu aux apprentis sorciers avec cette proposition de loi, qui occasionne une difficulté. Celle-ci émane de personnes qui sont peut-être tout à fait avisées quand il s'agit de définir certains termes juridiques, mais qui malheureusement, dans le cadre de la gestion de finances publiques, sont un petit peu perdues. J'en appelle au bon sens de ce Grand Conseil, afin d'avoir une bonne gestion et d'éliminer les lois inutiles qui sont de véritables corsets. Dans d'autres cas, ces lois nous imposent des dépenses inutiles; dans ce cas précis, elles nous imposent des dysfonctionnements de gestion tout à fait prévisibles pour l'avenir. Par conséquent, le groupe MCG vous demande de refuser avec conviction ces deux projets de lois. Merci, Madame la présidente.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, quelques considérations pour compléter les excellentes interventions que nous avons eu la chance d'entendre. Nous sommes ici parce que nous avons été élus et nous sommes élus pour faire de la politique. Faire de la politique, c'est faire des choix et les assumer. Ces textes nous empêchent de faire de la politique, en ce sens qu'ils visent à nous lier les mains. L'élaboration et le vote du budget, c'est une des prérogatives essentielles de notre parlement. Les choix que nous faisons lorsque nous votons le budget ne doivent pas être dictés par des lois votées par nos prédécesseurs, mais bien par les choix raisonnés que nous faisons pour une saine politique budgétaire.
Dans ce sens, ce projet est profondément antilibéral, puisqu'il nous ôte la liberté de déterminer, en conscience, nos choix en matière de politique budgétaire, qu'il s'agisse, comme l'ont fait nos prédécesseurs économistes éclairés du XXe siècle, de proposer des politiques anticycliques lorsque effectivement la situation est délicate ou, au contraire, de proposer peut-être des budgets excédentaires lorsque les choses vont bien.
Au-delà de ça, il y a effectivement le problème que la croissance des charges n'est pas parallèle à l'augmentation de la population, pour toutes les raisons évoquées à juste titre par la rapporteure de majorité et par ma collègue de Chastonay, mais également le fait que la population, par ses votes populaires ces dernières années, nous a demandé d'améliorer les services que nous lui apportons: qu'il s'agisse de maintenir les tarifs TPG à un niveau bas, de proposer et d'imposer aux jeunes la formation obligatoire jusqu'à 18 ans, d'améliorer la situation dans les EMS ou de revaloriser les soins infirmiers, la population nous demande d'améliorer les services de l'Etat, ça s'appelle le progrès social. C'est en cela que nous croyons et c'est pour cela que nous refusons ces deux projets de lois. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, ces deux projets de lois sont plus que nécessaires. J'irai presque jusqu'à dire qu'ils arrivent malheureusement avec quinze ans de retard. Fort heureusement, on va pouvoir enfin les voter aujourd'hui.
Il y a quinze ans, le budget de l'Etat était de 7,2 milliards, aujourd'hui, nous sommes à plus de 10 milliards. C'est juste phénoménal d'arriver à des montants pareils, avec la gestion qui est faite aujourd'hui des deniers publics - et ça, on le verra au travers du débat budgétaire au mois de décembre. Ce qui est impressionnant si on se penche sur ces quinze dernières années, c'est que l'Etat n'a fait aucun effort pour des réformes structurelles, réformes que nous appelons de nos voeux. Nous espérons fortement que ces deux textes permettront au moins une prise de conscience du Conseil d'Etat sur sa gestion et sur le fait qu'il doit absolument se réformer et proposer à notre Grand Conseil des budgets équilibrés - sur ce point, il a complètement raté sa cible dans ce début de législature -, et non pas des budgets largement déficitaires, comme il l'a fait pour l'année 2024.
C'est pour ces raisons que nous soutiendrons ces deux projets de lois. Nous nous réjouissons de la campagne qui aura lieu, puisque j'ai cru comprendre qu'il y aura un référendum; je me réjouis de voir comment les opposants iront devant la population lui expliquer la saine gestion qu'ils entendent avoir vis-à-vis des contribuables. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, il ne vous a pas échappé qu'à l'issue du vote de la commission, le résultat était 7 voix pour et 7 voix contre, c'était donc déjà assez serré lors des négociations. Effectivement, autour de la table, nous avons deux rapporteurs, un de majorité et un de minorité, mais vous aurez vite compris qu'à l'époque, l'écart n'était pas très significatif au niveau des votes de la commission.
Je ne vais pas répéter ce qu'a dit l'excellent rapporteur de minorité, qui deviendra peut-être le représentant de la majorité - je l'espère -, mais on ne doit quand même pas perdre à l'esprit qu'effectivement, la base de la réflexion, c'est 10 milliards de budget pour 500 000 personnes et des recettes, ces dernières années, qui sont effectivement exceptionnelles. Cela nous amène à nous poser un certain nombre de questions par rapport aux prestations qu'on doit apporter à la population et aux priorités que nous devons mettre en place.
On arrive évidemment au bon moment avec ces deux projets de lois puisqu'on sort de la grande négociation pour le budget 2024. Vous avez tous lu dans la presse les avis des uns et des autres. Il est évident qu'il est temps de donner des lignes directrices au Conseil d'Etat, qui fera le job - je n'ai pas peur pour lui -, et aux députés quant à une ligne de gestion des budgets publics. Il ne s'agit bien évidemment pas de diminuer les prestations, il s'agit simplement de fonctionner autrement. Il est évident qu'actuellement, dans le débat, les analyses des besoins des habitants de la république faites par les partis politiques en place sont diamétralement opposées. Alors on discutera encore longtemps de cette question. Il est clair que si on prend les recettes exceptionnelles que nous avons eues ces trois dernières années, on peut allégrement continuer comme ça.
Cela étant, ces deux projets de lois ne s'appliquent qu'en cas de budget déficitaire. Il ne faut pas l'oublier: si les budgets sont positifs - ça, c'est un travail de gestion qui doit être mené par le Conseil d'Etat pour qu'avec 10 milliards, il puisse présenter un budget excédentaire, ce qui évidemment nécessite de faire des choix -, il est tout à fait possible de continuer à travailler au niveau des ETP. On lit dans la presse «non au personal stop», mais il ne s'agit pas ici de «personal stop», en aucun cas ces deux projets de lois ne vont dans ce sens. Il s'agit simplement de demander une maîtrise des charges. Je l'admets, l'augmentation de la population, c'est une des références, elle a le mérite d'exister, il y en a d'autres; le rapporteur l'a dit, il sera peut-être nécessaire ici ou là, dans des cas particuliers, d'entrer en matière.
Mesdames et Messieurs, n'oubliez pas que dans l'exposé des motifs, il est indiqué que certains cantons ont pris des mesures nettement plus drastiques et sont allés bien au-delà de ce que nous faisons. Je vous lis ce qui se passe à Berne: «En cas de déficit budgétaire ou des comptes, celui-ci doit être résorbé dans les quatre ans, et une majorité qualifiée de trois cinquièmes du parlement est nécessaire.» Ça, c'est Berne. Et puis à Bâle-Campagne - ce n'est pas Bâle-Ville ! (Rires. L'orateur rit.) «La valeur minimale des fonds propres doit être de 4% des dépenses. En cas de déficit, le résultat vient se déverser dans les fonds propres. [...] il vient diminuer les fonds propres. Le montant manquant est à rembourser dans les quatre ans.» D'autres cantons ont pris ce type de mesures coercitives, je vous les passe. Nous, à Genève, on a le frein à l'endettement, on a effectivement d'autres outils, qui sont très larges. Je crois que le moment est venu de mettre en place un cadre législatif qui permettra de donner une direction à nos futurs budgets. Pour ce qui est du Centre, qui va voter ces deux projets de lois, en aucun cas, en aucun cas nous ne les votons dans l'idée de diminuer les prestations à la population, ce n'est pas ça l'objectif. (Commentaires.) L'objectif... (Commentaires.) Non, l'objectif, c'est de ne pas rajouter du monde - ce n'est pas quand il y a trop de monde qu'on améliore les prestations; il s'agit de fonctionner de manière structurelle et bien faite, vous le savez, et c'est dans cet état d'esprit que nous vous demandons de voter ces deux projets de lois. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Yves Nidegger pour trois minutes quarante.
M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, je confesse tout d'abord - vous transmettrez, Madame la présidente - que je suis tombé sous le charme des deux orateurs précédents, du MCG d'un côté, des Verts de l'autre. (Commentaires.) Mon coeur aurait été profondément ému par une rhétorique que j'aurais pu faire mienne jusqu'à la conclusion. Entendre le MCG pourfendre les automatismes, s'en prendre aux interdictions et condamner l'inflation législative, c'était pour moi un moment d'une profondeur émotionnelle tout à fait rare. Je n'ai jamais été aussi heureux dans un moment oratoire au sein de ce parlement depuis que j'y ai prêté serment. Et notre collègue Vert, lui, venait au secours du libéralisme en disant que ce projet doit être refusé parce qu'il est antilibéral. Je le reconnais, j'ai presque cédé !
Oui, ces arguments sont justes. Oui, en temps ordinaires, les interdictions et les automatismes, une loi de plus... Absolument d'accord avec vous, mon cher collègue. On est simplement dans une situation un peu particulière. Pour reprendre Napoléon: «Un mauvais dessin vaut mieux qu'une bonne explication.» On a un Etat qui ressemble à certains accros aux jeux qui doivent se faire interdire de casino. Malheureusement, c'est comme ça. (Rires.) C'est regrettable, mais il faut voter ces deux projets de lois, malgré les inconvénients qu'ils contiennent s'agissant d'interdictions. Notre Etat n'est pas seulement en... Quel était le terme, tout à l'heure, chez nos collègues du camp libéral-radical ?
Une voix. En obésité morbide.
M. Yves Nidegger. Il s'agit d'une personne en obésité morbide, voilà ! Il s'agit selon moi également d'un joueur compulsif, et tous les milieux de la prévention du jeu, qui généralement se recrutent sur les bancs de la gauche, devraient évidemment applaudir cette interdiction de casino que constituent ce corsetage des charges et ce corsetage des engagements, que nous devons nous infliger parce que nous avons été, hélas, irresponsables et que nous ne donnons pas beaucoup de gages de vouloir nous amender.
La présidente. Je vous remercie. Monsieur François Baertschi, vous avez la parole pour une minute cinquante.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Madame la présidente. J'avais oublié un élément, qui est quand même déterminant pour ces deux projets de lois: comme il s'agit d'un automatisme, chacun sait que cela va être contourné par les départements. Ils ont beaucoup d'imagination afin d'éviter ce type d'obligations qui n'auront qu'une finalité, qu'un objectif, qu'un but, bloquer les actions positives de l'Etat et faire en sorte que les actions négatives puissent se développer en toute insincérité budgétaire. Si une majorité les vote - et c'est ce qui est en train de se dessiner -, ce qui va se développer, c'est qu'on sera en pleine insincérité budgétaire, ce qui correspond tout à fait aux dérives du juridisme. En tout cas, je vous demande... Mais je ne me fais pas beaucoup d'illusions actuellement, je vois que le dogmatisme et les idées simples et contraires à la réalité s'imposent; face au dogmatisme, le bon sens se trouve malheureusement souvent dépourvu.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Thomas Wenger, pour presque cinq minutes.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je tiens à vous rappeler et à rappeler aux gens qui nous écoutent, s'il y en a, la différence entre un budget et les comptes: le budget - ça a été dit -, on le prévoit en cours d'année pour l'année d'après, et ensuite, on fait les comptes de ce qui a été dépensé, mais aussi, et surtout, de ce qui a été gagné. On nous sort toujours la même rengaine au sujet du budget: elle commence avant l'été et après, comme par hasard, en automne, il y a des surprises positives dans les recettes fiscales, mais il faut quand même rester dans l'austérité, il faut quand même serrer la ceinture, même si on sait pertinemment qu'en fait, les comptes de la même année seront bons parce qu'on a déjà quasiment tous les éléments pour le dire.
Alors vous transmettrez, Madame la présidente, à M. Zweifel, qui use toujours de très bonnes métaphores; quand vous dites «on ne dépense pas l'argent qu'on n'a pas ou qu'on ne gagnera pas», c'est comme si je faisais mon budget de vacances maintenant pour l'année prochaine de la façon suivante: quand je regarde ma situation, je me dis que je vais réserver à la vallée de Joux, mais en fait, si je sais que je vais avoir un treizième salaire et un énorme bonus à la fin de l'année, je me fais la réflexion que je peux réserver à Gstaad ou à Verbier sans prendre trop de risques. C'est exactement l'inverse que vous nous demandez de faire.
Ensuite, pour la comparaison entre les cantons ou les différentes villes: vous comparez, Monsieur Zweifel - vous transmettrez, Madame la présidente -, 500 000 habitants à Genève pour plus de 10 milliards à la ville de Paris et ses 2,3 millions d'habitants. Mais vous savez très bien que la ville de Paris ne s'occupe pas d'instruction publique, donc d'éducation nationale, que la ville de Paris ne s'occupe pas de l'ensemble de la sécurité, etc. Il faut comparer ce qui est comparable. (Applaudissements.) C'est la même chose au niveau des cantons: vous prenez le canton de Zurich et le canton de Vaud, or la ville de Lausanne, par exemple, a des prérogatives dans le domaine de la sécurité et du social que le canton n'a pas. On ne peut pas comparer des poires et des pommes.
Ensuite, on parle des besoins de la population, des prestations: ça a été dit maintes fois, c'est décorrélé de l'augmentation de la population. On a évoqué le vieillissement de la population, il y aura des besoins à l'hôpital et pour les soins à domicile. Alors qu'est-ce que vous allez dire à Mme X qui s'est cassé le col du fémur à 85 ans ? «Ah, désolé, on ne peut pas vous opérer maintenant, parce que malheureusement la population n'a augmenté que de 0,6%...» Qu'est-ce que vous allez dire aux enfants à besoins spécifiques et à leurs parents qui n'ont pas eu de places à la rentrée cette année ? Mme Hiltpold a d'ailleurs critiqué cette situation et indiqué qu'elle trouverait des solutions. Vous allez leur dire quoi ? «Ah, désolé, votre enfant a des troubles autistiques, mais malheureusement, on ne peut pas le prendre en charge parce que la population n'a augmenté que de 0,3%...» C'est la même chose pour la hausse des primes d'assurance-maladie, il est nécessaire d'augmenter les subsides, mais ce n'est pas corrélé à l'augmentation de la population, c'est corrélé à l'augmentation des primes. Et c'est la même chose pour la hausse des loyers, il y a, par exemple, les chiffres de la commission de conciliation en matière de baux et loyers: en 2023, près de 1000 cas seront traités, alors qu'en 2021, c'étaient 141 cas. Je vous laisse établir le pourcentage, Monsieur Zweifel, vu que vous aimez bien faire ce genre de calculs.
Ensuite, vous nous parlez d'obésité des lois et des règlements: «Vous vous rendez compte, il y a des centaines de règlements, de lois, du coup on engage des juristes, on crée d'autres postes, etc. !»
La présidente. Merci de continuer à vous adresser à la présidence, je transmettrai vos propos avec plaisir.
M. Thomas Wenger. Je m'adresse à vous, Madame la présidente, vous transmettrez à M. Zweifel. (Rires.) L'obésité des lois, des règlements, des juristes qui créent d'autres lois, les contrôles du contrôle interne... Mais à part quelques mini parenthèses, vous êtes majoritaires dans ce parlement et dans ce gouvernement depuis cent cinquante ans ! (Applaudissements.) Qu'est-ce que vous avez fait pour qu'il y ait moins de lois, moins de règlements ?
Je vais terminer, Madame la présidente, et cette fois-ci, vous transmettrez au groupe LJS, qui, courageusement, n'a pas encore pris la parole. Vous avez donné de l'espoir aux gens qui ont voté pour vous en disant: «On n'est ni de gauche ni de droite; on va être pragmatiques; on ne va pas se mettre de carcan, on va voter projet par projet». Aujourd'hui, si vous votez ces projets de lois, ce serait une vraie trahison envers vos électeurs et vos électrices. (Applaudissements. Commentaires.)
M. Laurent Seydoux (LJS). Madame la présidente, vous transmettrez à mon préopinant, M. Wenger, que nous le remercions de prendre position, de nous demander notre avis et de nous suggérer de le suivre dans son raisonnement.
Chers collègues, que nous proposent ces deux projets de lois ? Tout simplement de faire comme la grande majorité d'entre nous, la grande majorité de notre population et la majorité de nos entreprises: de ne dépenser que ce que nous gagnons et, dans le cadre d'un budget, que ce que nous prévoyons de gagner. Le message est clair, aussi bien pour le Conseil d'Etat que pour nous, les députés; il est important d'avoir des priorités dans nos projets ainsi que de prévoir et d'anticiper les réallocations dans les charges.
Concernant les postes, là aussi, il est important de fixer des priorités. Je crois que la première des priorités pour une collectivité publique comme la nôtre, c'est la mission d'un service public au service du public. La première question que chaque département doit se poser, c'est quel pourcentage du taux d'activité de chacun de ses collaboratrices et collaborateurs est directement consacré à une prestation à la population.
Prenons l'exemple du DIP: on peut imaginer que les 4000 ETP incluant les directions de nos environ cent établissements scolaires de l'enseignement obligatoire et secondaire répondent globalement à ces missions directement tournées vers le public. La question qui se pose dans l'organigramme du DIP, c'est de savoir quelles sont les ressources humaines dont ces personnes ont réellement besoin pour travailler sur le terrain. Est-ce que ce sont les 175 ETP qui les chapeautent dans l'organigramme ? Pour qui travaillent ces 175 personnes ? Vous me direz qu'il y a sûrement des besoins transversaux, comme le service école-médias, un service de recherche en éducation, un service de médiation scolaire, par exemple. Le problème, c'est qu'il y a déjà 115 postes prévus pour ces services transversaux, qui ne sont donc pas inclus dans ces 175 ETP. Alors il s'agit peut-être des services de support pour ces établissements. Pas de chance, il y a 55 postes prévus comme direction de support. Ces chiffres n'englobent pas non plus les 15 postes du secrétariat général. Nous voyons avec cet exemple que le DIP dispose actuellement de marges de manoeuvre en ce qui concerne la réallocation de ressources actuellement dans des postes de direction qui, en plus, occupent souvent les personnes de terrain par des réformes, par des démarches administratives inutiles et évidemment chronophages, qui diminuent le temps consacré au public.
Ces projets de lois envoient un signal clair au Conseil d'Etat pour qu'il vienne vers nous avec de vrais projets de réallocation de ressources, conformes aux besoins actuels de notre population et, évidemment, dans les limites de nos moyens. Le groupe LJS vous encourage donc à voter ces deux projets de lois. Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Monsieur François Baertschi, vous avez la parole pour quarante secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Madame la présidente. Ces deux projets de lois n'auront qu'une conséquence, toucher aux prestations - parce qu'on sera obligé de le faire, contrairement à ce qu'ont dit certains préopinants - de manière aveugle et nous faire entrer dans des mécanismes d'insincérité budgétaire. Je prends date: si par malheur ces deux lois passent, nous arriverons à ces deux conclusions et nous jugerons sur pièce dans quelques années.
La présidente. Je vous remercie. Je vais donner la parole aux rapporteurs. Monsieur Yvan Zweifel, vous avez la parole pour cinq minutes dix.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Madame la présidente. C'est l'occasion pour moi de répondre à quelques questions. Je vais répondre à des députés en particulier, mais vous comprendrez, Madame la présidente, que c'est évidemment à vous que je m'adresse. (Rires.) Tout d'abord, je dis à M. Wenger, lorsqu'il compare la vallée de Joux et Verbier - à part que la vallée de Joux, c'est assez sympathique et qu'il ferait peut-être mieux d'y passer ses vacances plutôt que d'aller à Verbier ou à Gstaad -, que le problème, Monsieur Wenger, c'est qu'avec vous et le parti socialiste, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Ce que vous faites vous, c'est que vous savez pertinemment que vous n'avez que le budget pour aller à la vallée de Joux, mais vous réservez quand même à Verbier en vous disant que vous allez bien trouver un contribuable à racketter pour vous payer votre séjour. (Rires. Applaudissements.) C'est ça, la différence entre vous et nous ! (Applaudissements.)
Plus sérieusement, lorsque vous parlez de Mme X, qui, par hypothèse, aurait une fracture et dont on ne s'occuperait plus à Genève: si cette dame habitait dans le canton de Vaud, à Berne, à Zurich, à Zoug, à Schwytz, n'importe où ailleurs en fait dans le reste du pays où le budget par habitant est beaucoup plus bas qu'ici, est-ce qu'aujourd'hui elle ne serait pas prise en charge ? Est-ce qu'aujourd'hui on la laisserait sur le bord de la route ? Non, bien sûr que non, parce que dans ces cantons-là, on fait des choix, on définit des priorités et précisément on s'occupe de ces personnes qui sont en difficulté. Peut-être qu'on réorganise autre chose, et c'est exactement ce qu'on demande ici. Il n'y aura pas de baisse de prestations, parce que, contrairement à ce que dit M. Baertschi, ce n'est pas avec ça qu'on va être aveugle, c'est aujourd'hui qu'on est aveugle ! Lorsqu'on a 10 milliards et une économie florissante, on dépense aveuglément: on s'en fiche, l'argent est là. Ici, le but est précisément d'anticiper le jour où on n'aura pas autant d'argent et où il faudra faire des choix. L'idée ici, c'est de mettre un cadre pour s'obliger dès à présent à faire des choix. Ce ne sera pas de l'insincérité budgétaire - ça, c'est ce qui existe jusqu'à présent -, c'est précisément le contraire et c'est précisément libéral: prendre des décisions, mais dans un cadre qui est clairement défini et qui est connu de tous.
Vous êtes contre les automatismes; je n'y suis pas très favorable non plus, mais prenez l'exemple de ce qui se passe au niveau de la Confédération. Jusqu'en 2003, l'endettement de la Confédération était de 25,3% par rapport au PIB. Au niveau national - donc Confédération plus cantons plus communes -, il était de 49,1%. On a mis en place un système de frein à l'endettement, un automatisme comme vous les détestez. Quel a été le résultat, Mesdames et Messieurs ? Eh bien l'endettement est passé en 2019 à 13,3%. On est donc passé de 25,3% à 13,3%. Au niveau Confédération plus cantons plus communes, on est passé de 49,1% à 30%, ce qui a permis à notre pays de s'endetter massivement pendant la crise du covid en ayant toujours un endettement raisonnable par rapport à tous les pays qui nous entourent. C'est ce qu'ont permis cet automatisme et ce mécanisme. Je ne crois pas - et je pense même le contraire - que la situation des Confédérés, de nous, tout simplement, se soit détériorée quant aux prestations fédérales, bien au contraire, Monsieur Baertschi.
Monsieur Nicolet-dit-Félix disait: «On veut améliorer les services de l'Etat.» Mais, Mesdames et Messieurs, c'est parfaitement possible sans systématiquement rajouter des postes, en réfléchissant et en réorganisant; en se demandant si une prestation votée il y a quinze, vingt ou vingt-cinq ans, qui était parfaitement justifiable à cette époque-là et qui touchait un certain nombre de personnes, pourrait aujourd'hui être revue. Vous posez la question: «Lesquelles ?», mais êtes-vous au moins d'accord qu'on les étudie ? Non, ça vous passe par-dessus, ça ne vous intéresse même pas ! C'est ce que l'on demande et c'est ce que ce cadre permettra.
Depuis des années, on a amélioré la numérisation, l'automatisation des processus avec l'informatique à l'Etat. J'ai siégé à la commission des travaux quelques années et lorsqu'on recevait l'OCSIN - ça s'appelait autrement avant -, il venait nous dire: «Grâce à la numérisation, on va économiser deux, trois, quatre postes, parce qu'on va simplifier les démarches.» Est-ce qu'on a économisé deux, trois, quatre postes dans ces services ? Jamais, jamais, jamais ! Ils ont toujours été réalloués, donc il y a vraiment suffisamment de moyens à disposition. Ce n'est pas un problème de moyens, mais véritablement un problème de gestion des moyens.
Plaçons un cadre clair, c'est ce que proposent ces deux projets de lois, cadre qui ne s'appliquera que lorsque les budgets sont déficitaires, je veux le redire encore une fois. A partir du moment où le budget est excédentaire, aucun souci, et il s'agit donc vraiment de pousser le Conseil d'Etat à retenir ce principe de bon sens consistant à ne dépenser que l'argent que l'on a ou que l'on gagnera. Nous serons dans notre rôle en tant que députés, nous ferons des choix. Oui, nous le ferons, et ce dans un cadre précis. Comme disait Jacques Chirac: «La politique, ça ne consiste pas à suivre le courant, mais à indiquer le cap.» Mesdames et Messieurs, indiquons un cap très clair au Conseil d'Etat et à l'administration et votons ces deux projets de lois pour le bien de Genève et de ses finances publiques. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je vous informe que Mme Marti a décidé à l'instant de déposer un projet de loi suite à ce rapport qui a été déposé en avril 2020... (Brouhaha.) Un amendement, pardon ! Cet amendement sera distribué. Monsieur le rapporteur de minorité, il vous reste trente secondes. Voulez-vous vous exprimer sur l'amendement qui vient d'être posé sur votre table ? Sinon je donne la parole à la rapporteure de majorité ?
M. Yvan Zweifel. Je le lis.
La présidente. Si vous voulez, je le lis à tout le monde.
M. Yvan Zweifel. D'accord, allez-y.
La présidente. Le voici:
«Art. 12A, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le budget de fonctionnement ne peut présenter un excédent de charges que si l'augmentation totale des charges n'excède pas la variation annuelle de la prime maladie moyenne cantonale.»
Il s'agit d'enlever «la population du canton», remplacé par «la prime maladie moyenne cantonale». La fin de l'alinéa, «calculée par l'office cantonal des statistiques au 30 juin de l'année en cours», est supprimée. Monsieur Zweifel, il vous reste trente secondes si vous voulez vous exprimer là-dessus.
M. Yvan Zweifel. Oui, trente secondes pour dire que le fait de corréler à l'augmentation de la population, c'est faire correspondre la limite à ce qui se passe effectivement dans le canton: on corrèle l'augmentation des charges et des postes à celle de la population. Ce que propose Mme Marti, c'est de corréler à un élément sur lequel nous n'avons absolument aucune prise puisqu'il s'agit d'une décision fédérale. C'est donc une absurdité totale, et je vous invite évidemment à refuser cet amendement de dernière minute.
La présidente. Je vous remercie. Madame Marti, vous avez la parole pour cinquante-quatre secondes.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord, il faut malheureusement détruire un mythe qui est agité comme un chiffon rouge par la droite à longueur d'année. Cela figure dans le rapport, en annexe. Une présentation faite par le département des finances devant la commission nous montre qu'entre 2009 et 2017, l'augmentation des dépenses d'exploitation par habitant est d'environ 20% à Bâle-Ville... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...d'environ 19% dans le canton de Vaud et de 2% dans le canton de Genève, deuxième canton où l'augmentation des charges par habitant a été la plus basse du pays. Nous ne sommes pas un canton dispendieux, nous avons probablement même pris du retard pour pouvoir combler les besoins de la population, qui sont, eux, en très forte augmentation. En effet, leur hausse est nettement plus importante que 2% sur l'ensemble de cette période.
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Caroline Marti. C'est pour ça que j'ai déposé cet amendement, parce qu'effectivement, l'augmentation des primes d'assurance-maladie... (Le micro de l'oratrice est coupé. Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je donne la parole à la conseillère d'Etat, Mme Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les dépités... Oh, mais je recommence ! (Rires. Remarque.) Mais je ne sais pas pourquoi je vous appelle les dépités ! (Rires.) C'est moi qui suis députée... Non, dépitée ! (Exclamations.)
Mesdames et Messieurs les députés, Madame la présidente, le Conseil d'Etat, en tant que tel, n'est pas opposé à faire des économies. Nous avons d'ailleurs un frein au déficit et un système de frein à l'endettement qui est plus fort que partout ailleurs ou presque. En revanche, ce qui nous est proposé aujourd'hui pose quelques petits problèmes que je vais vous exposer les uns après les autres.
Le premier élément qui nous est indiqué, c'est que le mécanisme ne s'enclenche que si le budget est déficitaire. Très bien, mais de quel déficit parlons-nous, Mesdames et Messieurs ? Parlons-nous du déficit qui nous est autorisé par la RFFA ? Parlons-nous d'un déficit par rapport à un projet de budget équilibré ? Aujourd'hui, le projet de budget qui vous a été présenté par le Conseil d'Etat se situe dans le cadre du déficit autorisé par la RFFA. Alors évidemment, ce projet de loi ne pouvait pas le prévoir, parce qu'il a été déposé en 2019, soit avant le vote sur la RFFA. Ça, c'est un premier point.
Ensuite, on dit que le canton de Genève n'a de cesse, y compris cette année, malgré les rentrées exceptionnelles, de présenter des budgets déficitaires. J'aimerais vous citer trois projets de budget de cantons auxquels certains aiment nous comparer, que ce soit pour la dette ou pour la bonne gestion. Le canton de Zurich présente un projet de budget 2024 dont le déficit est de 390 millions, nous en sommes heureusement loin. Pour le canton de Vaud, le déficit est de 249 millions, et à Bâle-Campagne, tellement chéri par certains de nos députés, il est de 18,5 millions. La première question est donc de savoir quel est le déficit visé.
Ensuite, on nous rassure, on nous dit: «Ne vous inquiétez pas, parce que si les deux tiers du parlement sont d'accord, on pourra accepter certaines augmentations de postes et de charges.» Pour les postes, c'est à hauteur de la variation annuelle de la population pour l'année en cours. Super ! Nous, quand nous faisons des projets de budget, Mesdames et Messieurs, nous ne nous basons pas sur l'augmentation de la population de l'année en cours, parce que vous comprendrez bien que nous, nous faisons des projets de budget pour l'année suivante. Nous sommes donc quand même obligés de nous positionner un tout petit peu dans l'avenir.
Et puis, deuxième élément: quelle population, Mesdames et Messieurs ? Moi, je vous en cite, des statistiques de population: concernant les 65 à 79 ans, eh bien, Mesdames et Messieurs, il est prévu qu'ils augmentent de 60% entre 2021 et 2040, soit 3,5% par année. Est-ce qu'on tient compte de cette population ? Et si on additionne toutes les tranches d'âge, à savoir les plus âgés, les plus jeunes, alors on dépasse évidemment la moyenne globale de cette augmentation de population qui nous est indiquée et qui est calculée par l'office de la statistique pour les années précédentes - parce qu'évidemment, ils ne calculent pas la prochaine augmentation des populations. Ça, c'est un élément sur les postes.
Sur les charges, Mesdames et Messieurs: augmentation supplémentaire maximale des charges à concurrence de 1% du dernier projet de budget si les deux tiers du parlement l'acceptent. Ça aussi, c'est une super nouvelle ! Quelles charges ? Est-ce qu'on parle des charges contraintes ? Est-ce qu'on parle de toutes les charges ? (Remarque.) Ah bah non ! Le projet de loi ne le dit pas, Monsieur le rapporteur de minorité, ou de majorité, peu importe. (Rires.) Le projet de loi ne le dit pas ! Or, à partir de l'année prochaine et les années suivantes, Mesdames et Messieurs, nous allons avoir une augmentation des charges mécaniques contraintes hallucinante en raison de nos revenus. Elle se montera à plusieurs centaines de millions dans chaque projet de budget. Est-ce que ces charges sont prises en compte dans vos calculs ? (Remarque.) Mais non ! Cela ne ressort pas ! Vous parlez du total, mais si on a déjà une augmentation de 8% des charges mécaniques, elle est où, l'augmentation des autres charges ? Même avec deux tiers de votre parlement, il y aura zéro augmentation. Pire, il devra y avoir une diminution.
Et puis, troisième point, Mesdames et Messieurs les députés, qui nous paraît important. On nous dit aussi pour nous rassurer: «Ne vous inquiétez pas, toutes les propositions qui sont là, vous pourrez les faire par le biais de demandes de crédits supplémentaires, parce qu'on sera très strict sur le projet de budget, mais les crédits supplémentaires seront possibles.» Alors en fait, ce qu'on nous propose aujourd'hui, c'est finalement de piloter l'Etat non pas avec un projet de budget, mais avec des crédits supplémentaires. Mesdames et Messieurs les députés, c'est ce qui ressort de ces projets de lois, et j'en suis désolée, parce qu'en tant que PLR et quand j'étais députée - et je l'ai été très longtemps, j'ai été à votre place, Monsieur le rapporteur de minorité ou de majorité...
Une voix. C'était le bon temps !
Mme Nathalie Fontanet. C'était le bon temps ! (Rires.) ...j'aurais pu signer ce projet de loi, sauf que je suis désormais à une autre place et je comprends finalement que pour faire des économies, les réflexions rapides ne sont pas les bonnes. Si vous voulez un tel projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, il faut prévoir des exceptions, et pas des exceptions qui nous autorisent à augmenter de 1% moyennant deux tiers du parlement. Il faut prévoir des exceptions, comme le covid, comme la guerre en Ukraine, comme le conflit au Moyen-Orient. Vous savez que pendant la période du covid, nous avons eu une augmentation des charges qui allait jusqu'à près de 10% ! Avec ce que nous propose maintenant une majorité, l'augmentation maximale des charges sera de 1%, pour autant que les deux tiers du parlement l'acceptent.
Alors ce que vous demande le Conseil d'Etat, c'est de renvoyer ce projet de loi en commission. (Remarque.) Et nous sommes prêts à travailler dessus et à vous proposer des exceptions qui maintiendront la volonté de nous contraindre à faire des économies. On distinguera les charges contraintes des charges non contraintes, on distinguera la population vieillissante et les enfants, et ensuite on prendra votre projet et on vous fera des propositions à cet égard. Mais l'accepter comme ça, Mesdames et Messieurs les députés, c'est un danger pour l'Etat ! (Brouhaha.) Soit nous gouvernerons et nous piloterons par le biais de crédits supplémentaires, soit nous n'aurons aucune marge de manoeuvre. Je vous remercie beaucoup. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. Est-ce que c'était une demande de renvoi en commission ?
Mme Nathalie Fontanet. Oui.
La présidente. Merci. Les rapporteurs peuvent s'exprimer sur cette demande. (Brouhaha.) Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Je suis toujours un peu étonné de voir que lorsque Conseil d'Etat pense gagner sur un projet de loi, il ne fait rien, il ne bouge pas, et quand il se rend compte, arrivé à la séance, qu'il va perdre, il se dit tout d'un coup: «Ah, je vais peut-être quand même proposer quelque chose.» Les députés PLR, depuis des années, des années et des années, y compris lorsque Mme Fontanet était avec nous... (Rires.) ...expliquaient au Conseil d'Etat: «Vous devez prendre des mesures et faire des réformes structurelles.» Jamais aucun Conseil d'Etat - ni de gauche ni de droite, je le concède, Monsieur Wenger - n'en a pris à la hauteur de ce qu'il aurait fallu faire. Et puis arrive ce projet de loi, le Conseil d'Etat ne fait toujours rien parce qu'il se dit: «Le parlement le refusera, pas de souci.» Au dernier moment, il propose de le renvoyer en commission: «On a quand même réfléchi à un projet de loi qui va dans ce sens-là. Ce qu'on n'a jamais voulu faire pendant des décennies, en fait on l'avait déjà préparé et on vous le propose maintenant.» C'est une galéjade, c'est juste inadmissible !
Mesdames et Messieurs, il faut refuser le renvoi en commission. Il faut le refuser et voter ces projets de lois. Et si le Conseil d'Etat, d'ici là, a un projet absolument meilleur, qu'il le dépose. Nous l'étudierons en commission et s'il se trouve qu'il est meilleur, eh bien moi, je n'aurai pas de souci à le voter, mais je n'ai pas l'intention de perdre encore un temps monumental dans une commission des finances présidée par quelqu'un qui refuse les automatismes et qui donc, automatiquement, ne le mettra pas à l'ordre du jour avant un long moment. Par conséquent, je vous propose de voter ces projets de lois qui, je le comprends parfaitement, font peur au Conseil d'Etat parce que, malheureusement, il va devoir travailler. (Exclamations.)
Une voix. Ça, ce n'est pas très gentil ! (Rires. Commentaires.)
La présidente. S'il vous plaît, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, ce sont les rapporteurs qui s'expriment. Madame la rapporteure de majorité, vous avez trois minutes.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Je ne prendrai pas ces trois minutes, mais j'inviterai simplement ce Grand Conseil à effectivement renvoyer ces deux projets de lois en commission. Les impacts, non seulement sur le budget de notre canton, mais également sur les services publics, l'administration et les prestations à la population sont absolument considérables. Je ne suis pas sûre que ce Grand Conseil ait véritablement pris la mesure de ce que pourrait réellement entraîner l'application stricte de ces deux textes.
Mme Fontanet a mentionné quelque chose de particulièrement pertinent dans son intervention, c'est que nous sommes soumis certaines années à des augmentations de charges mécaniques, sur lesquelles nous n'avons aucune marge de manoeuvre parce que ce sont des obligations de versements, fédéraux notamment, je pense en particulier à la RPT. Si la RPT augmente de quelques dizaines, voire de quelques centaines de millions, les charges augmentent de plusieurs pour cent et ces charges devront être économisées ailleurs, avec des coupes sèches dans les prestations à hauteur de trois, quatre, cinq, huit, dix pour cent. C'est absolument considérable, et je pense que pour véritablement prendre la mesure de ce qu'une majorité a l'air d'être prête aujourd'hui à voter, il est véritablement essentiel que nous rediscutions de ces projets de lois en commission. Je vous invite donc à voter le renvoi. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 12574 et 12575 à la commission des finances est rejeté par 51 non contre 43 oui.
La présidente. Nous passons à l'entrée en matière sur le premier projet de loi, le PL 12574.
Mis aux voix, le projet de loi 12574 est adopté en premier débat par 50 oui contre 45 non.
Deuxième débat (PL 12574-A)
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. A l'article 12A, nous avons reçu l'amendement de Mme Marti que je vous ai lu précédemment:
«Art. 12A, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le budget de fonctionnement ne peut présenter un excédent de charges que si l'augmentation totale des charges n'excède pas la variation annuelle de la prime maladie moyenne cantonale.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 45 oui.
Mis aux voix, l'art. 12A (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que les art. 2 et 3 (soulignés).
La présidente. Le troisième débat est-il demandé ? (Remarque.) Il ne l'est pas. Nous passons donc au deuxième projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12575 est adopté en premier débat par 50 oui contre 45 non.
Le projet de loi 12575 est adopté article par article en deuxième débat.
La présidente. Le troisième débat est-il demandé ? (Remarque.) Il ne l'est pas. Ce point figurera donc à l'ordre du jour de la prochaine plénière. (Remarque.) Cela ne veut pas dire qu'il sera traité, mais il sera à l'ordre du jour.
Le troisième débat relatif au rapport sur les projets de lois 12574 et 12575 est reporté à une session ultérieure.
Premier débat
La présidente. A présent, nous nous penchons sur les objets liés suivants: les PL 12581-A, PL 12582-A, PL 12583-A, PL 12650-A, PL 12652-A, PL 12653-A et PL 12654-A. Le débat est classé en catégorie II, soixante minutes, pour l'ensemble des projets de lois. En ce qui concerne les rapports de minorité de M. Pierre Vanek, le groupe Ensemble à Gauche ne siégeant plus parmi nous, ils ne seront pas présentés. Monsieur Pierre Conne, vous avez la parole.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, pour ma première prise de parole, je vais essayer de vous faire comprendre de quoi il retourne de façon simple, parce que la présentation de l'ordre du jour est un peu tarabiscotée - mais bon, c'est la procédure. Sur le fond, on peut exposer la problématique de manière simple, et c'est ce que je vais tenter de faire à ce stade.
Ces sept projets de lois traitent de la même thématique: il s'agit d'atteindre, d'une manière ou d'une autre - vous verrez qu'il y a deux approches différentes -, la parité dans les délibératifs cantonal et communaux. Voilà de quoi il est question.
Maintenant, il existe deux stratégies. La première est incarnée par les deux groupes de trois projets de lois d'Ensemble à Gauche qui figurent respectivement aux points 80 et 83 de notre ordre du jour et qui, tous les six, adoptent la même démarche. Le premier train de trois projets de lois intitulés «Pour une représentation paritaire provisoire des hommes et des femmes au Grand Conseil» traite de la parité au sein du parlement cantonal, et les suivants, aussi d'Ensemble à Gauche, intitulés «Pour une représentation paritaire provisoire des hommes et des femmes dans les conseils municipaux», de la parité dans les délibératifs communaux. Il y a ainsi deux fois trois projets de lois.
Pourquoi trois projets de lois ? Parce que dans les deux cas, que ce soit pour atteindre la parité au Grand Conseil ou dans les Conseils municipaux, Ensemble à Gauche propose une modification constitutionnelle, une modification de la LEDP et, pour la parité au Grand Conseil, une modification de la LRGC, pour la parité dans les Conseils municipaux, une modification de la loi sur l'administration des communes. Voilà, j'espère avoir été assez clair et que vous avez compris de quoi nous parlons.
Je vais également évoquer, puisqu'il s'agit d'une introduction, le septième projet de loi - qui est intercalé entre les deux trains dans l'ordre du jour, c'est le point 82 -, à savoir le texte de Mme Marjorie de Chastonay, du groupe des Verts, qui vise aussi à établir une parité dans les délibératifs, mais en suivant une stratégie différente: il ne s'agit pas d'une modification structurelle de la même nature, mais de contraindre les partis politiques et groupements qui présentent des candidats aux délibératifs à avoir la parité sur leurs listes de candidatures. On voit bien que deux approches différentes sont à l'oeuvre, dont on va discuter.
J'aimerais en revenir aux trains de projets de lois d'Ensemble à Gauche, qui, je le rappelle, modifient la constitution, la LEDP, la LRGC pour le Grand Conseil et la LAC pour les Conseils municipaux. Qu'est-ce que cherchent à faire les auteurs ? Ils proposent de créer deux demi-délibératifs au niveau du Grand Conseil; en d'autres termes, de procéder à une demi-élection de cinquante sièges hommes et à une demi-élection de cinquante sièges femmes, c'est-à-dire d'instituer deux sous-groupes au moment de l'élection, qui, lors de la constitution de notre assemblée, seront évidemment réunis.
Il s'agit d'un mécanisme très contraignant qui consiste en quelque sorte à instaurer deux demi-parlements, un demi-parlement d'hommes et un demi-parlement de femmes, étant entendu que des hommes de partis différents figureront sur la liste masculine et des femmes de partis différents sur la liste féminine. Les élus se regrouperont le moment venu au sein de leur parti avec un nombre d'hommes et de femmes qui pourra être différent suivant les groupes, mais la totalité de la représentation des députés sur les cent sièges sera égalitaire. La même stratégie, mais avec des termes un peu différents, est prévue pour les Conseils municipaux.
J'ajouterai, en ce qui concerne notre Grand Conseil, que la modification de la loi sur l'exercice des droits politiques porte sur le calcul des représentations en commission et du nombre de suppléants. A l'heure actuelle, on a beau avoir un nombre pair - cent - de sièges, on voit bien que dans les commissions, il y a des représentations impaires, certains groupes ne disposant que d'un seul représentant. La modification de la LEDP vise à établir un nombre égal de membres hommes et femmes au sein des commissions ainsi que le même nombre de suppléants, ce qui signifierait en théorie qu'il ne pourrait pas y avoir de groupes avec un seul représentant comme aujourd'hui, ils en auraient deux de manière à s'assurer que chaque parti ait à la fois un homme et une femme. Voilà la mécanique proposée.
Pourquoi la majorité de la commission des droits politiques vous invite-t-elle à refuser ces projets de lois, qu'ils visent une représentation paritaire au Grand Conseil ou dans les délibératifs communaux ? La première chose à souligner, c'est que même si les personnes auditionnées, les constitutionnalistes nous ont assuré...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe pour maximum une minute.
M. Pierre Conne. ...qu'ils sont conformes au droit supérieur, un certain nombre de doutes demeurent quant au fait que l'Assemblée fédérale et la Chambre constitutionnelle acceptent cette disposition, d'une part, d'autre part, au vu de la manière dont ces textes sont formulés - un calcul de quorum et deux demi-parlements hommes et femmes -, qu'ils puissent s'appliquer. Il y aurait de grandes difficultés à garantir que le quorum soit calculé de manière fiable. Du point de vue législatif, d'importants doutes subsistent donc quant au fait que ce dispositif soit applicable.
Après, c'est une question de choix politique: veut-on imposer à la population...
La présidente. Il va vous falloir conclure, vous pourrez reprendre la parole après.
M. Pierre Conne. ...des choix contraints et aux partis politiques de décider entre présenter deux listes ou une seule, sachant qu'il existe de grandes incertitudes quant au fait que...
La présidente. Je vous remercie...
M. Pierre Conne. ...l'électorat d'un parti...
La présidente. Vous ne pouvez pas intervenir plus de sept minutes selon la LRGC.
M. Pierre Conne. D'accord, très bien. Pour conclure à ce stade, je vous propose de rejeter l'ensemble de ces projets de lois et je reprendrai la parole tout à l'heure. Merci, Madame la présidente.
M. Yves de Matteis (Ve), rapporteur de minorité. Tout d'abord, je tiens à préciser que mon intervention ne concerne que le PL 12650 de Mme de Chastonay à l'exclusion de tout autre, mon rapport de minorité portant uniquement sur cet objet. La participation des femmes à la vie politique a connu et connaît encore de grands progrès. Preuve en est le fait que je m'adresse maintenant à une présidente, et non à un président - ce qui était encore exclusivement le cas jusqu'en 1965 où fut élue la première présidente d'un législatif en Suisse -, et qu'aujourd'hui, le Conseil d'Etat est à majorité féminine, ce qui constitue une première historique.
Mais nous revenons de très loin si l'on considère que la Suisse a été l'un des derniers pays à accorder le droit de vote aux femmes en 1971, le canton de Genève n'étant pas si mal loti, puisque la première femme maire de Suisse et la première conseillère aux Etats étaient toutes deux genevoises. Néanmoins, notre constitution préconise tout de même très clairement d'agir en la matière, puisque son article 50, alinéa 1, stipule: «L'Etat promeut une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des autorités.»
Alors bien sûr, l'Etat a été très actif en la matière, notamment via plusieurs initiatives du Bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences (BPEV), via des soirées de réseautage pour les candidates aux élections cantonales et d'autres programmes ou activités destinés aux potentielles ou futures politiciennes. Le Conseil d'Etat a fait et continue de faire sa part, en tout cas pour ce qui est en son pouvoir, ce qui l'a également poussé à déposer un projet de loi - que nous avons accepté - sur la participation des femmes dans les CODOF (commissions officielles), texte qui fait intervenir la notion de quotas.
Malheureusement, cela n'empêche pas - et le BPEV le soulignait dans sa newsletter de mars dernier - qu'après un pic en 1993 avec 36% de députées femmes, ce chiffre plafonne depuis lors entre 23% et 32%. Sans les initiatives du Conseil d'Etat, la situation serait probablement bien pire, mais cela ne suffit pas ou pas encore.
Si l'on examine la composition de ce Grand Conseil sur son site internet, on constate des différences notables selon les partis. Le premier parti - le PLR - compte 30% de femmes, le deuxième 42%, le troisième 58% - plus que la moitié -, le quatrième 19%, le cinquième 7%, le sixième 16% et le septième 27%. Et comme par hasard, les deux groupes qui comptent le plus de femmes dans leurs rangs - respectivement 42% et 58% - sont précisément ceux qui proposent des listes paritaires à l'électorat genevois. D'autres partis s'en approchent, certains sont vraiment loin, très loin du compte.
Sur le graphique fourni dans la newsletter du BPEV, on s'aperçoit que la courbe du nombre de candidates et celle des femmes élues se suivent de près, ce qui permet d'accréditer encore davantage la thèse selon laquelle un nombre plus important de candidates sur les listes conduit in fine à un plus grand nombre de femmes élues au sein du Grand Conseil.
D'où ce projet de loi de Mme de Chastonay, le PL 12650, qui vise à généraliser le principe des listes paritaires, c'est-à-dire comprenant un nombre équivalent de femmes et d'hommes, ce qui aurait pour conséquence un plus grand nombre de femmes candidates et donc, très probablement, un plus grand nombre de femmes élues.
Dans un article de janvier de cette année relatif à cette thématique, Martine Brunschwig Graf, ancienne conseillère d'Etat et conseillère nationale, était d'ailleurs d'accord pour dire que les quotas peuvent fonctionner, mais «qu'auprès des milieux et partis convaincus». On le voit, il s'agit d'une solution qui peut marcher pourvu qu'il y ait une volonté politique, même si, idéalement, cela ne devrait être le cas que dans une perspective provisoire, jusqu'à ce qu'une représentation plus équilibrée devienne finalement la règle et naturelle.
Visiblement, cette possibilité n'a pas convaincu la majorité de la commission des droits politiques. Dès lors, c'est en tant que représentant de la minorité de la commission que je vous enjoins d'entrer en matière sur ce projet de loi. Je reviendrai peut-être plus tard sur le détail de cet objet. Merci, Madame la présidente.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pas moins de sept projets de lois en faveur de la promotion de la parité, en faveur de l'engagement des femmes, en faveur de plus d'égalité en politique ! Avec quel objectif ? Le même: que les délibératifs soient plus représentatifs de la population, donc pour une meilleure représentation des femmes en politique. Rappelons ici que la population genevoise est composée pour moitié de femmes et pour moitié d'hommes. Or les instances législatives ne les représentant pas de manière égalitaire, que ce soit dans les parlements municipaux ou dans notre parlement cantonal, le Grand Conseil.
Dans ce contexte, mentionnons l'article 50, alinéa 1, de notre constitution - le rapporteur de minorité l'a déjà cité, mais je pense qu'il est important de le répéter: «L'Etat promeut une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des autorités.» Or, élection après élection et malgré ce cadre légal entré en vigueur en 2013, le nombre de femmes au sein des délibératifs progresse peu, voire régresse.
La promotion des femmes en politique est essentielle pour notre démocratie, car une représentation plus égalitaire est plus à l'image de la population. Il s'agit de lever des obstacles structurels et des contraintes qui les empêchent de s'engager. En effet, les statistiques démontrent qu'aujourd'hui encore, ce sont les femmes qui accomplissent une grande partie des tâches éducatives et ménagères, parfois en plus de leur activité professionnelle. Nous sommes donc face à une problématique d'accessibilité, et non de compétences.
Même si les écueils pour accéder à la fonction élective ne sont pas tous liés au genre - il y en a d'autres, par exemple des obstacles liés à l'origine, à la classe sociale, à l'orientation sexuelle ou encore à un handicap -, certains ont trait aux préjugés sur les femmes. En général et en politique, il s'agit du sexisme latent ou du sexisme ordinaire. Le milieu de la politique n'est pas facilement accessible et, selon certaines études, les femmes préfèrent souvent passer par d'autres canaux, notamment des associations militantes, plutôt que de s'engager dans un parti politique.
Ces différents projets de lois - il y en a tout de même sept ! - déposés il y a plusieurs années visent tous à introduire des mesures structurelles. Concernant les trois objets 50-50, comme on les appelle, qui demandent cinquante femmes et cinquante hommes au Grand Conseil - les PL 12581, PL 12582 et PL 12583 -, ils n'introduisent pas de quotas, mais proposent d'effectuer deux élections simultanées de deux demi-parlements de cinquante sièges chacun, à savoir cinquante sièges pour des femmes et cinquante sièges pour des hommes.
L'avantage d'un tel dispositif, c'est qu'il ne s'agit pas d'un système de quotas, même si celui-ci reste une mesure incitative positive pour déclencher par la suite des synergies plus naturelles ou spontanées; l'avantage du 50-50, c'est qu'on ne remet pas en question la légitimité des femmes élues.
Concernant le PL 12650 que j'avais déposé il y a quelques années déjà, la mesure structurelle consiste à forcer les partis politiques à présenter des listes paritaires pour des élections proportionnelles. Ce texte est focalisé sur les listes et permet d'agir en amont, au niveau des partis, avant les élections. Cela encouragerait les groupes politiques à se remettre en question et surtout à mener des actions incitatives pour attirer les femmes en politique, des actions qui ne coûteraient évidemment rien à l'Etat. La promotion des femmes en politique passe certes par une limitation du nombre d'hommes sur les listes, mais une limitation provisoire et admissible, parce que l'égalité des chances est respectée une fois que les personnes sont candidates. La liberté des électeurs et électrices reste totale: ils peuvent voter soit pour des femmes, soit pour des hommes, soit pour les deux.
Mesdames et Messieurs les députés, ces projets de lois ont été déposés pour faire avancer l'égalité par le biais d'une plus grande parité. Aujourd'hui, au XXIe siècle, l'égalité ne progresse pas; dans certains domaines, elle stagne, voire recule. Les femmes restent sous-représentées dans de nombreux échelons des instances politiques. Les Vertes et les Verts sont convaincus que s'il y avait davantage de femmes élues, il y aurait davantage d'égalité dans tous les autres domaines, à commencer par l'égalité salariale à tous les niveaux, ce qui n'est toujours pas le cas actuellement.
Avec le PL 12650, nous vous proposons de mieux cadrer le dépôt des listes de candidatures pour des élections proportionnelles dans les Conseils municipaux des grandes villes et au Grand Conseil, dans le but de s'assurer, et j'en terminerai par là, que l'ensemble des partis politiques prennent leurs responsabilités en matière d'égalité et tendent vers la parité. Ouvrons la voie à des élections plus égalitaires ! Merci. (Applaudissements.)
M. Yves Nidegger (UDC). Chers collègues, parité bien ordonnée commence par soi-même, comme dit le proverbe, et j'observe à ce sujet que les projets de lois de l'Alliance de gauche sont l'oeuvre d'un triumvirat de retraités de la politique aux deux tiers composés d'hommes. Cela devrait un tout petit peu mettre la puce à l'oreille !
Cette chose n'est rien d'autre qu'une «mec-xplication» à l'intention des filles - on les morigène parce qu'elles ne s'engagent pas assez en politique au goût de certains - ou à l'intention des électrices en général pour souligner leur mauvaise habitude de voter en faveur de personnes avec lesquelles elles ont une proximité d'idées ou dont elles apprécient le charisme plutôt qu'exclusivement pour des femmes, surtout lorsque celles-ci n'évoquent chez elles que de l'ennui, voire un désaccord politique. C'est une forme de paternalisme à l'endroit des femmes, et entre paternalisme et patriarcat, il n'y a qu'un pas, puisqu'il s'agit du même concept.
Ce mécanisme qui consiste à dire aux gens: «Vous pouvez voter, mais le résultat doit être celui-ci» constitue, comme je l'ai indiqué à propos des tentatives d'instaurer ce système - on l'a vu in vivo - dans le cadre du repeuplement des conseils d'administration des établissements autonomes, une gabegie absolue qui aboutit à un double déni démocratique.
Déni démocratique, d'abord, parce qu'on va interdire à certains de se porter candidats - c'est ce qui s'est passé avec les CODOF. Il y aura deux groupes séparés, comme à l'église ou dans les mosquées, un pour les hommes, l'autre pour les femmes, c'est-à-dire deux demi-parlements. Alors je ne sais pas si on tirera une ligne entre les deux pour éviter les mélanges lorsqu'ils se regrouperont ici ou si chaque parti aura son carré d'hommes et son carré de femmes, à voir comment ça pourrait se goupiller. Mais on va interdire à des gens qui le voudraient de se présenter alors même que tous les partis rencontrent un seul et même problème, celui de recruter suffisamment de candidats de qualité pour les faire figurer sur leurs listes. On va ainsi dire aux partis: «D'accord, mais pas plus que tant et tant de personnes.»
Par ailleurs, il y a des différences; elles ont été qualifiées de choquantes, mais que certains partis dont les valeurs font appel à l'empathie - je veux dire la gauche - permettent plus facilement une identification féminine, c'est absolument naturel, tout comme le fait que d'autres partis qui se réclament de rigueur budgétaire - typiquement la droite - attirent plutôt les mecs me paraît assez logique aussi.
Les hommes et les femmes sont différents, quoi qu'on en dise. Dans toute famille, quand l'enfant tombe du vélo, il y a un parent qui ramasse le petit, le console et s'exclame: «Méchant vélo qui t'a fait très mal !» Et le second parent joue un rôle un peu différent et lui dit plutôt: «Tu remontes et tu apprends à pédaler.» Il faut les deux pôles, et c'est vrai dans toutes les questions politiques. Nous sommes différents et c'est très bien ainsi, cela doit se refléter, puisque la société est composée d'hommes et de femmes.
Un déni démocratique à l'entrée, donc, puisqu'on interdira à certains de se porter candidats, comme on l'a fait pour les CODOF, un déni démocratique ensuite parce qu'on interdira aux électeurs de choisir librement, puisqu'on leur imposera un résultat final - encore une fois, comme pour les CODOF. De plus, ce déni est sexiste, puisqu'il est intégralement basé sur un seul critère: celui du genre. Vous nous proposez une ségrégation en parlant d'inclusion. J'en ai terminé, Madame la présidente, parce que chez nous, la parité, nous n'avons pas besoin de l'imposer, nous la pratiquons spontanément entre gens bien élevés. (Commentaires.)
Une voix. Ça se saurait ! (Rires.)
La présidente. Je vous remercie. Avec toute l'empathie et la sympathie du sexe que je représente, je donne la parole à Mme Virna Conti.
Mme Virna Conti (UDC). Merci, Madame la présidente. Effectivement, Mesdames et Messieurs, on a ici un bel exemple de parité: d'abord Yves, puis moi. Prenez-en peut-être de la graine ! Je constate par ailleurs qu'il existe une autre parité au sein de ce Grand Conseil: la moitié se trouve à la buvette, l'autre dans la salle. (Rires.)
Bref, une fois n'est pas coutume, je suis quelque peu perplexe face à cette gauche qui, hier, défendait une constitution cantonale protégeant les personnes transgenres et qui, aujourd'hui, arrive avec - combien y en a-t-il ? 27 ou 28 textes - non, il y en a sept - visant à créer véritablement deux catégories de citoyens bien distincts: les hommes et les femmes. Vous vous prétendez en faveur de l'égalité, contre les discriminations, mais là, vous faites resurgir une vieille histoire qui est celle de la discrimination positive.
J'aimerais juste vous indiquer une chose: pour ma part, je suis une femme et je n'ai pas besoin de votre pitié, je n'ai pas besoin de votre médiocrité. Aucune femme n'en a besoin; ce que nous voulons, c'est un système qui récompense et qui ne sente pas la médiocrité comme tous ces projets de lois. Entre parité et quotas, il n'y a effectivement qu'un pas. On sait que les quotas sont mis en place sur le plan fédéral pour éviter la disparition de certaines minorités; jusqu'à preuve du contraire, les femmes ne vont pas encore disparaître - enfin, sauf à l'UDC, peut-être, on verra ! (L'oratrice rit.) Ici, la parité poursuit un objectif bien différent.
Il est évident que chaque fois qu'une femme sera nommée par ce biais, elle fera l'objet de suspicions quant à ses mérites. Tout cela me fait bien rire: après d'autres luttes que vous souteniez également, visant à convaincre les femmes qu'elles étaient comme les hommes, qu'elles pouvaient voter comme les hommes, on leur propose aujourd'hui d'être élues comme des femmes. Pour toutes ces raisons, l'UDC refusera l'ensemble de ces textes. Merci.
Une voix. Bravo.
M. Jean-Louis Fazio (LJS). Chères et chers collègues, le groupe Libertés et Justice sociale appuie le rapporteur de majorité et rejette donc catégoriquement ces projets de lois prévoyant de diviser en deux parties égales le parlement cantonal et les Conseils municipaux. Cette idée fantasque et irréaliste est contraire à nos institutions cantonales et fédérales, à notre Constitution fédérale de 1848 et à nos institutions, chères à James Fazy, qui ont fait leurs preuves.
Mettre en concurrence deux parlements à l'échelon cantonal et dans les communes entraînerait une atteinte à la cohésion sociale et au vivre-ensemble, et serait la voie ouverte à une guerre des genres ridicule et inutile. Cela mènerait à une paralysie du système démocratique et pourrait avoir une conséquence inverse à ce que désirent leurs auteurs, à savoir le discrédit du juste combat des femmes pour l'égalité. Un parlement se doit de représenter l'ensemble de la population et non une catégorie. Un parlement peut avoir des quotas ou inclure des étrangers; ça, c'est une autre question, un autre dossier que nous pouvons aborder sans problème. En plus, multiplier des parlements aurait un coût non négligeable pour un but imprécis. C'est donc avec fermeté que le groupe Libertés et Justice sociale vous recommande de refuser ces projets de lois peu sérieux.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, si ces projets de lois proposent des méthodes différentes, ils abordent en tout cas une problématique commune, le manque de représentation des femmes en politique. Ce manque de représentation ne date pas d'hier: l'histoire est en effet marquée par la société patriarcale - il faut le dire -, qui a toujours connu une très large surreprésentation des hommes dans les sphères de pouvoir et plus particulièrement en politique. C'est vrai, et j'ai fait le décompte tout à l'heure, que ce parlement, en plus, a régressé - ne vous en faites pas, je ne parle pas de la majorité de droite: il a régressé en matière de représentation des femmes puisque le taux de députées dans cet hémicycle était d'un peu plus de 30% durant la dernière législature, et il est maintenant redescendu à 30% précisément. Il est donc important d'agir puisqu'une part de l'électorat est sous-représentée.
Pourquoi ? On peut s'interroger. Plusieurs éléments expliquent cette sous-représentation; il y a notamment la question de la compatibilité entre la charge de mère de famille et le fait de siéger. On abordera peut-être la question des horaires des séances du Grand Conseil, puisque ça constitue un véritable problème pour beaucoup de femmes qui sont mères et aimeraient s'engager en politique. Et puis il y a aussi une question d'image. Je crois que l'exemple est assez évident: M. Nidegger - vous transmettrez, Madame la présidente - a particulièrement illustré la question de l'image en véhiculant ce cliché sur la rigueur financière des mecs de droite. C'est assez inquiétant de savoir que notre argent est géré par une femme, qui est peut-être à droite... (Rire.) ...mais qui visiblement a un certain manque de rigueur, vu son sexe ! Il faut donc changer cette image malheureuse ! Il faut la changer et pour la changer, il faut agir: il faut agir par des actes, par le biais des objets que nous votons dans ce parlement, et il faut en effet agir sur le fonctionnement de notre système politique ! Celui-ci doit aujourd'hui permettre une meilleure représentation des femmes dans ce domaine. Si ce n'est pas le cas parce que personne n'agit dans ce sens, alors oui, il faut forcer le système.
Plusieurs méthodes sont proposées. Certaines, on le voit, sont particulièrement efficaces et ne sont pas spécialement contraignantes, notamment les listes avec des quotas de 50%. On voit - et vous rassurerez M. Nidegger, Madame la présidente - que cela n'entraîne pas de grande frustration dans les partis qui le font. Peu d'hommes sont particulièrement déçus, peu de femmes sont considérées comme des potiches parce qu'elles sont candidates et on voit que ces partis arrivent à atteindre une certaine parité s'agissant de leurs élus au Grand Conseil. Et les électrices et les électeurs ne sont pas forcés de voter pour plus de femmes ! Non, on voit que proposer des listes paritaires, c'est un système qui fonctionne.
Vous transmettrez au groupe UDC que Mme Conti, même si elle a en effet eu un temps de parole paritaire, ce qui est habituellement rare sur l'ensemble des débats, n'incarne malheureusement pas la parité dans son groupe. Elle a ce statut de la... (L'orateur insiste sur le mot «la».) ...députée UDC, parce que c'est la seule députée de son groupe. Et c'est le reflet d'une vision assez patriarcale - vous transmettrez à M. Nidegger - que de dire: de toute façon, nous considérons qu'il n'est pas nécessaire de mettre en place des systèmes favorisant la parité ! Mais cette vision, elle appartient à M. Nidegger en tant qu'homme, en tant que membre d'un Grand Conseil où sont largement surreprésentés les hommes, qui finalement fait la leçon en disant que cela ne sert à rien ! Cela fait bien évidemment penser au discours concernant le droit de vote des femmes, à propos duquel le même bord politique disait à l'époque: mais de toute façon, ça ne sert à rien de donner la parole aux femmes, elles écouteront leur mari !
A rien cela n'a servi ! En réalité, on voit que les femmes, depuis, s'engagent en politique, mais par contre pas suffisamment. Il est donc essentiel aujourd'hui, en 2023, de faire un pas en avant de plus; d'être en adéquation avec l'évolution de notre société qui lentement, lentement, fait tomber ce patriarcat; et de mettre en place des systèmes qui garantissent véritablement un bon fonctionnement de notre démocratie, qui doit être représentative de son corps électoral et donc assurer la parité entre hommes et femmes. Le groupe socialiste vous invite par conséquent à voter ces projets de lois. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC). Quand je vois devant moi le Bureau et le Conseil d'Etat pratiquement à majorité féminine, je me dis que les hommes ont peut-être un peu de souci à se faire pour la suite: ils risqueraient de devoir lutter pour leur parité ! Madame la présidente, je ne m'exprime que sur le PL 12650, un texte qui pense atteindre la parité par le dépôt de listes comprenant 50% de femmes et 50% d'hommes. Cela constitue uniquement une contrainte pour les partis, car il ne permettra pas d'atteindre la parité.
En effet, à moins de réserver des places aux hommes ou aux femmes au sein du parlement, chaque électeur, dans l'intimité de son logis ou de l'isoloir, a la possibilité d'élire uniquement des hommes ou des femmes. Il est libre, il fait comme il veut, il n'est ni contraint ni forcé - et dans une démocratie, c'est heureux ! Quant au choix de limiter la règle aux communes de plus de 10 000 habitants, c'est incompréhensible: quelle différence y a-t-il entre des communes de plus ou moins 10 000 habitants s'agissant du nombre de femmes et d'hommes ? Le Centre refusera ce projet de loi. Merci.
Une voix. Bravo.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Sébastien Desfayes pour quatre minutes cinquante.
M. Sébastien Desfayes (LC). Merci, Madame la présidente. Je m'empresse d'indiquer que Le Centre refusera l'ensemble des sept textes qui sont ici présentés. J'ai entendu une députée des Verts qui disait: ouvrons la voie à des élections plus égalitaires. Ce qu'elle aurait pu dire, c'est: ouvrons la voie à des élections plus autoritaires ! Le terme «autoritaire», au demeurant, a été celui utilisé par le professeur Hottelier, entendu en commission, qui a dit: mais finalement, c'est une démocratie autoritaire que vous voulez nous imposer. Il est d'ailleurs assez éloquent de constater que ces textes émanent principalement d'Ensemble à Gauche, dont la plupart des députés, on s'en souvient, étaient quand même attirés par un modèle de société totalitaire !
Ces textes heurtent une de nos valeurs fondamentales, à savoir l'universalité. Et j'ai beaucoup aimé quand le député Fazio a cité James Fazy, qui avait aussi une vision républicaine de la société: celle du citoyen d'une république une et indivisible. Au Centre, l'ancien parti démocrate-chrétien, nous allons même encore un peu plus loin: l'universalité va si loin que nous nous considérons comme des citoyens du monde. Et là, c'est exactement le réflexe contraire avec les quotas: on essaie de désagréger la société, de l'émietter, de la compartimenter - de faire, finalement, une société communautariste à l'anglaise. Ce n'est pas notre vision de la société. Nous estimons qu'un citoyen, dans une république, ne doit pas être enfermé dans un petit pot, dans un petit bocal, en fonction de son sexe, de sa race, de son ethnie, de son appartenance religieuse. Nous considérons qu'un tel système de société, dans un monde multiculturel, ne peut amener qu'à des drames !
Ces textes heurtent par ailleurs d'autres valeurs fondamentales pour nous, comme l'égalité des chances, le mérite et puis aussi la liberté de vote. Et j'aimerais là quand même citer, si je retrouve mes notes, la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral à cet égard: à deux reprises - c'était dans une affaire soleuroise et dans une autre argovienne, sauf erreur de ma part, mais peu importe -, il a jugé que le système des quotas en fonction du sexe était parfaitement contraire à la Constitution. Brièvement, je cite le Tribunal fédéral: «Dans le système des quotas proposé par l'initiative, l'appartenance à un sexe serait le critère central pour l'élection des membres du parlement, du gouvernement et des tribunaux. Le but d'une politique orientée vers la réalisation de l'égalité des chances doit être justement un régime où le critère de l'appartenance à tel sexe ne doit jouer aucun rôle.» L'autre arrêt du Tribunal fédéral dit ceci: «Dans la mesure où [la proposition litigieuse] concerne les autorités élues par le peuple, elle viole le droit général et égal, garanti par la constitution, d'élire et d'être élu, car la référence au sexe est en principe un critère inadmissible.» Ces textes ne sont pas insignifiants: ils violent une de nos valeurs cardinales. Raison pour laquelle nous nous y opposerons fermement.
Une voix. Bravo !
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous le dis d'emblée, le MCG refuse l'ensemble de ces projets de lois et votera non. Mais, à titre personnel, je tiens à dire qu'on a assisté, depuis le début des années 50, à une lente évolution, que M. Pierre Vanek raconte d'ailleurs très bien dans son rapport de minorité. Pas plus tard qu'hier soir, il y avait sur Arte, je crois, une émission qui montrait ce qu'était la vie quotidienne des femmes pendant la deuxième moitié du XXe siècle - les femmes dites au foyer. Et j'ai vu ma mère, mes grands-mères vivre ça - j'ai vu aussi l'évolution.
J'ai toujours voté parce que j'ai eu 20 ans en 1972 et que les femmes peuvent voter à Genève et au plan fédéral depuis en tout cas 1971. Et je me suis forgé la conviction - même si ça ne plaît pas à tout le monde - que, aussi longtemps qu'on n'aura pas 50% de sièges attribués aux hommes et 50% de sièges attribués aux femmes dans les parlements, on n'arrivera pas réellement à faire évoluer nos législations. Nous avons fini, les femmes, par ne plus avoir besoin de demander l'autorisation du père ou du mari pour ouvrir un compte bancaire, nous avons également obtenu de ne plus avoir besoin de l'autorisation du mari pour décider de prendre un emploi, pour gagner notre vie; ça ne peut que progresser dans un sens où chacun s'assume, et cela ne peut arriver que si chacun connaît les besoins qui sont propres à son genre. Alors si le Tribunal fédéral dit aujourd'hui que ça ne joue pas, eh bien on peut aussi changer cette partie de la Constitution fédérale qui s'opposerait à ce qu'on puisse avoir des parlements dont 50 sièges sont destinés aux hommes et 50 sièges aux femmes. Je vous remercie.
La présidente. Merci. Je vais donner la parole aux rapporteurs: Monsieur le rapporteur de minorité, vous voulez à nouveau vous exprimer ? (Remarque.) Non, très bien. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole pour quatre minutes quarante-cinq.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, pour conclure nos débats du point de vue de la majorité, qui vous invite donc à rejeter ces sept projets de lois, essayons peut-être de nous mettre un moment à la place des électeurs et des électrices. Nous savons que le taux de participation est faible, et plutôt que de leur donner une image, des outils et des pratiques simplifiés pour qu'ils participent aux élections, nous allons leur compliquer la tâche.
Je vais simplement vous lire deux lignes de l'article constitutionnel qui est proposé dans ces projets de lois: «[...] Deux élections distinctes ont lieu simultanément pour attribuer les 50 sièges réservés aux femmes et les 50 sièges réservés aux hommes. [...]» Ça, c'est au niveau constitutionnel, et cela se traduit ainsi dans la loi sur l'exercice des droits politiques: «[...] les partis politiques, autres associations ou groupements qui désirent participer à l'élection déposent une liste de candidats ou une liste de candidates, ou les deux.» Vous connaissez la difficulté pour identifier clairement les programmes politiques soutenus par les partis, vu le nombre d'objets que nous avons; si, au moment de les concrétiser par une élection, les personnes se retrouvent, pour la même cause, avec deux listes - hommes et femmes - pour certains partis, pour d'autres partis, puisqu'on ne serait pas obligé de déposer une liste hommes et une liste femmes - c'est prévu aussi -, avec une seule liste hommes ou avec une seule liste femmes... Je pense vraiment que cela ne contribue pas à clarifier la manière dont l'électeur et l'électrice sont invités à s'exprimer ni à leur donner des outils simplifiés.
On est en train de construire ce qu'on se plaît à appeler une usine à gaz, on complexifie les choses. Un exemple en est le travail difficile que nous avons réalisé pour arriver à la parité dans les CODOF, et on veut reproduire là exactement le même mécanisme, mais sur le dos des électeurs, qui n'auront pas du tout participé à nos réflexions et à cette construction - sauf évidemment que, comme ce sont des articles constitutionnels, ils devront le moment venu les accepter ou les refuser. Nos électeurs et la population genevoise ont aujourd'hui très certainement d'autres préoccupations et d'autres priorités que de participer à un débat politique constitutionnel pour savoir s'il faut introduire ce type de pratique. Voilà, je vous demande de tenir aussi compte de cet élément-là pour refuser ces projets de lois qui visent donc à créer deux sous-délibératifs au niveau du Grand Conseil et des conseils municipaux.
Pour ce qui est du projet de loi des Verts, qui invite les partis à déposer des listes paritaires, nous y sommes opposés parce que, je vous le rappelle, les partis sont des associations privées qui ont parfaitement le droit de faire exactement ce qu'elles veulent ! Il n'est pas acceptable - et c'est dans notre esprit un principe, je dirais, purement démocratique - d'imposer à des associations de devoir construire des listes paritaires. Si elles ont envie d'y mettre un candidat transgenre, elles doivent avoir le droit de le faire ! Si elles ont envie de déposer des listes de candidates - ça a été fait en 2018, elles n'ont pas eu le quorum, circonstance probablement particulière à cette élection -, c'est aussi possible ! Je crois donc qu'il est vraiment essentiel, là, de préserver la liberté d'expression des associations et des partis qui proposent des candidats aux élections, sans leur imposer le mécanisme de la parité. Et c'est sur la base de ces arguments que je vous invite, au nom de la majorité de la commission des droits politiques, à rejeter également ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il me faut peut-être rappeler, en préambule, que la compétence, la rigueur, l'efficacité sont des caractéristiques qu'on peut retrouver tant chez les femmes que chez les hommes - ou pas ! Vous transmettrez, Madame la présidente, s'il vous plaît, au député Nidegger.
La présidente. Avec plaisir.
Mme Nathalie Fontanet. Pour le reste, Mesdames et Messieurs les députés... (Remarque.) Ou pas ! Pour le reste, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'est pas favorable à ces différents textes, et cela pour plusieurs raisons. D'abord, pour améliorer la représentation féminine dans le monde politique, il a déposé, lors de la dernière législature, un projet de loi pour des commissions officielles paritaires, projet de loi qui a d'ailleurs été très apprécié par certains - ou pas ! (Rires. Commentaires.) Ou pas, voilà ! - et grâce auquel les commissions officielles siégeront pour la première fois à parité en janvier 2024.
Nous avons aussi estimé, au Conseil d'Etat, que les mesures contraignantes, telles qu'elles sont prévues dans les textes qui font l'objet de notre discussion, ne sont pas opportunes. Nous souhaitons rappeler les différentes activités qui sont déployées par le bureau de promotion de l'égalité et de prévention des violences, d'abord à travers l'information et la sensibilisation du jeune et du grand public, avec des dossiers pédagogiques à leur intention; à travers des histoires en ligne, avec l'histoire du suffrage féminin genevois et des bandes dessinées sur le droit de vote des femmes à Genève; et puis en participant très régulièrement à la Semaine de la démocratie. Le BPEV encourage par ailleurs l'engagement en politique par le biais des ateliers «C'est décidé, je me lance !» et de diverses actions de promotion telles que le parlement des filles dans le cadre de la journée «Futur en tous genres». S'agissant du soutien et de la promotion de candidates, il organise des ateliers de formation pour la prise de parole en public, la gestion des réseaux sociaux et l'organisation de débats, mais aussi des tables rondes avec des candidates.
Pour ce qui est du soutien aux élues, des ateliers de prévention du sexisme et du harcèlement ont été proposés aux députés et aux députées, avec des formations diverses. Quant au soutien aux partis politiques, un outil de promotion de l'égalité au sein des partis est disponible en ligne. Il existe par ailleurs un kit de sensibilisation destiné aux journalistes pour améliorer la représentation des politiciennes dans les médias, qui est effectivement moins importante que celle des hommes, qu'ils soient - ou pas ! - compétents. Et puis la publication du livre «Femmes et politique en Suisse» offre une visibilité à la question et donne des statistiques. En outre, dans le cadre des élections cantonales, le BPEV a adressé un courrier à l'ensemble des partis pour les informer des activités et des outils qui étaient offerts à leur utilisation.
Enfin, le Conseil d'Etat estime que, pour améliorer la représentation féminine en politique, il s'agit également de rendre les arènes politiques plus accueillantes pour les femmes, que ce soit en matière de climat de travail, de prévention active du sexisme - surtout s'agissant de remarques particulières du type: «Quand on veut de la rigueur, on ne prend pas une femme !» -, ou encore en s'assurant que les députées ne fassent pas l'objet de harcèlement. Et puis il s'agit de modifier les horaires et d'améliorer les possibilités de conciliation entre travail parlementaire, vie professionnelle et vie privée. Sur ces thèmes et en raison de la séparation des pouvoirs, le Conseil d'Etat estime toutefois qu'il ne lui appartient pas de proposer ou d'encourager un projet de loi qui modifierait l'organisation même du parlement. Raisons pour lesquelles il vous invite à refuser ces textes. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons à la procédure de vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12581 est rejeté en premier débat par 59 non contre 30 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12582 est rejeté en premier débat par 59 non contre 30 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12583 est rejeté en premier débat par 60 non contre 29 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12650 est rejeté en premier débat par 61 non contre 30 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12652 est rejeté en premier débat par 60 non contre 30 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12653 est rejeté en premier débat par 60 non contre 30 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12654 est rejeté en premier débat par 61 non contre 27 oui.
La présidente. Mesdames et Messieurs, nous reprendrons nos travaux à 16h15.
La séance est levée à 16h.