République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 novembre 2023 à 17h
3e législature - 1re année - 6e session - 35e séance
PL 12264-A
Premier débat
La présidente. Nous passons au PL 12264-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Quand l'informatique le voudra, nous pourrons donner la parole... (Un instant s'écoule.) Monsieur Zweifel, vous avez la parole.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, nous sommes saisis d'un certain nombre de sujets fiscaux. Celui-là date peut-être, mais garde toute sa valeur, c'est le cas de le dire. Il fait suite, vous vous en souvenez, à la décision prise en janvier 2018 par l'administration fiscale, enfin par le Conseil d'Etat en l'occurrence, de revoir à la hausse la valeur locative des biens immobiliers des propriétaires genevois à hauteur de 7,9%. Il s'agit ici d'atténuer un petit peu ce coup de massue fiscal.
Je rappelle en préambule que la valeur locative est un revenu totalement fictif qui correspond à ce qu'un propriétaire pourrait théoriquement gagner s'il louait son appartement ou sa maison à un tiers. Cela revient pour le propriétaire à prendre de l'argent de sa poche gauche pour le mettre dans sa poche droite, et il est imposé dessus alors qu'il n'a absolument rien gagné. Il n'en demeure pas moins que ceci est imposé, et lorsque vous augmentez la valeur locative du bien, ça veut dire que, quoique le propriétaire n'encaisse absolument aucun centime supplémentaire, il doit quand même payer des impôts supplémentaires. Sa situation est donc clairement péjorée.
Selon la réglementation actuelle, il est possible de faire un certain nombre de déductions lorsque vous avez des frais d'entretien, des frais de rénovation ou des frais visant à améliorer les conditions énergétiques ou environnementales du bien. Ces déductions sont aujourd'hui de 10% si l'âge du bâtiment est inférieur ou égal à dix ans et de 20% si celui-ci est supérieur. Ça, c'est pour les frais forfaitaires. Puis évidemment, vous pouvez faire valoir les frais effectifs si vous avez réalisé des travaux qui dépassent ces montants-là. Actuellement, ces pourcentages ne sont pas inscrits dans la loi, mais dans un règlement d'application. Il s'agit ici de déplacer ces éléments pour les mettre dans la loi, pour que le Grand Conseil puisse décider souverainement quels sont les montants forfaitairement déductibles.
L'idée est de passer de 10%, respectivement 20% lorsque le bâtiment date de plus de dix ans, à des taux de 15% et de 25%. C'est ce que vous propose ce projet de loi, à travers deux choses: premièrement, déplacer ce qui existe aujourd'hui dans le règlement dans la loi, et deuxièmement, augmenter les déductions possibles. Je le rappelle, l'idée derrière... Dernièrement encore, on lisait un article assez intéressant à ce sujet dans la «Tribune». Les propriétaires sont incités à rénover pour des raisons écologiques et environnementales. Il faut en effet pousser les propriétaires à le faire. Or, on ne va évidemment pas y arriver en augmentant l'impôt qu'ils vont devoir payer. A contrario, il s'agirait plutôt ici de favoriser ces rénovations en poussant ces propriétaires à faire un certain nombre de travaux. Si ces derniers, même minimes, ne dépassent pas les pourcentages, les propriétaires peuvent au moins quand même déduire quelque chose. Ils sont ainsi poussés à terme à faire des travaux. Ce projet est donc à la fois économique, social - puisqu'il fera travailler des gens dans la construction au niveau local à Genève - et environnemental. Par conséquent, ce projet est durable, et c'est la raison pour laquelle je vous invite à le voter.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, revenons déjà sur le but de l'impôt sur la valeur locative. Son objectif est de rétablir, on pourrait dire, un semblant d'égalité de traitement devant l'impôt entre les propriétaires, qui peuvent déduire un certain nombre de frais liés au logement dont ils sont propriétaires, et les locataires, qui, eux, ne bénéficient d'aucune déduction possible sur leur logement. Le principe qui sous-tend cette valeur locative, c'est que si les loyers augmentent, la valeur locative, et donc l'impôt y relatif, augmentent également. Je vais peut-être vous révéler un scoop ce soir: oui, à Genève, les loyers augmentent année après année et, par conséquent, la valeur locative et l'impôt sur la valeur locative également. Et c'est précisément ce mécanisme-là que ce projet de loi cherche à remettre en question, en tout cas la logique qui le sous-tend, en comblant l'augmentation de la valeur locative par une hausse des déductions possibles pour le propriétaire.
Pour comprendre l'essence de ce projet de loi, il faut revenir en 2018, lorsque le Conseil d'Etat avait annoncé une augmentation de la valeur locative de 7,9% afin de répondre à la logique que j'ai mentionnée préalablement de hausse des loyers. Sur pression des lobbys immobiliers, le Conseil d'Etat a, une première fois, gelé la hausse de la valeur locative pendant toute une année, puis l'a réduite à 5,4%, alors qu'elle était prévue initialement à 7,9%, ce qui n'est rien d'autre qu'un cadeau fiscal pour les propriétaires, qui s'ajoute à d'autres cadeaux fiscaux beaucoup plus importants; je pense en particulier à la loi sur la réévaluation des biens immobiliers que la droite de ce Grand Conseil a fait passer et qui propose de réduire massivement l'impôt sur la fortune, notamment pour les propriétaires immobiliers, ce qui va réduire les recettes du canton et offrir une baisse d'impôt très substantielle pour les propriétaires immobiliers.
Aujourd'hui, l'application de ce projet de loi - ça a été chiffré à la commission fiscale - engendrerait des pertes d'un peu moins de trois millions par année, ce qui est relativement modeste au regard des pertes que provoquera l'application version PLR-immobilière de la réévaluation du patrimoine immobilier, mais ce sont des baisses d'impôt, des augmentations de déductions fiscales qui, cumulées, finissent par réduire la capacité fiscale de notre canton en faisant diminuer ses recettes...
La présidente. Vous vous exprimez sur le temps de votre groupe.
Mme Caroline Marti. ...ce qui justifie, année après année, les propositions de coupes dans les prestations et les services publics que le PLR fait voter dans ce Grand Conseil. Ce sont les raisons pour lesquelles la minorité de la commission fiscale vous invite à rejeter ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que ce projet date d'il y a quelque temps et qu'il avait été déposé dans un contexte où la valeur locative avait été augmentée par le Conseil d'Etat, mais c'est un vin qui a bien vieilli, comme dirait M. Thévoz, et qui ne sent pas la naphtaline. En effet, la valeur locative est toujours d'actualité; plus pour longtemps je l'espère, grâce à Mme de Montmollin, Mme Amaudruz, M. Aellen, M. Maitre, M. Sormanni, M. Golay et M. Poggia. Ce projet de loi permet d'améliorer le pouvoir d'achat dans une période d'inflation terrible, et notamment celui des petits propriétaires. Je m'étonne - mais ce n'est qu'à moitié - de voir Mme Marti défendre la minorité. En revanche - vous transmettrez, Madame la présidente -, son discours est à géométrie variable, dans la mesure où il consiste à dire qu'on fait un cadeau aux méchants propriétaires, qu'ils soient grands ou petits, à travers ce projet de loi, alors que la semaine passée, elle tenait un discours opposé quand il s'agissait de les défendre vis-à-vis des émoluments des notaires. Nous trouvons cela risible, mais c'est récurrent dans les discours de gauche.
En réalité, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi vise bien les petits propriétaires, qui subissent de plein fouet l'impact de la valeur locative et qui n'ont pas forcément les moyens d'engager des travaux qui leur permettraient de compenser ce dernier, contrairement aux propriétaires plus aisés, qui pourront, eux, déduire des frais effectifs souvent supérieurs aux frais forfaitaires. Enfin, il y a un point que nous combattons de manière régulière à l'UDC: il s'agit des libertés laissées au Conseil d'Etat, en l'occurrence la liberté de fixer ces pourcentages prévus dans un règlement.
Mesdames et Messieurs les députés, si nous prenons l'exemple de l'impôt sur les véhicules, le Conseil d'Etat a augmenté les tarifs de plus de 10% de manière déguisée, par voie réglementaire, sans que notre parlement ait eu son mot à dire. A travers ce projet de loi, nous inscrivons ces pourcentages dans la loi et les ôtons donc du règlement, supprimant ainsi les conséquences que cela peut avoir sur notre contrôle parlementaire. Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir ce projet de loi tel qu'amendé par la commission. (Applaudissements.)
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nouveau sujet fiscal et, je vous le donne en mille, nouvelle proposition de déduction. Cette fois, j'ai été voir dans la littérature de la post-Renaissance et j'ai trouvé une petite saynète qui nous dit:
«Lison, Lison, dis-moi, les déductions
Profitent-elles à la population ?
- Mais non, mais non, mon bon Gédéon,
Les déductions ne servent qu'aux gros poissons,
Les déductions, ce ne sont que des pièges à cornichons.»
Et là également, Lison avait parfaitement raison quant à la démonstration que nous avons déjà faite tout à l'heure et que nous n'allons pas refaire, je suppose que vous l'avez comprise. Alors si on va sur le fond... (Commentaires.) Des cornichons suisses, évidemment, Monsieur Sormanni, des cornichons GRTA même, s'ils existent. (Rires.)
En l'occurrence, si l'on revient sur le fond, il est question de valeur locative. On en a déjà parlé tout à l'heure; peut-être qu'elle est fictive, mais elle a un sens fiscal qui est tout à fait bien établi. Elle est le pendant entre autres de la non-déductibilité des loyers par les locataires, ce qui crée une condition d'égalité entre les propriétaires et les locataires, et voyez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, les loyers ont une fâcheuse tendance à augmenter dans ce canton. Il est assez normal que la valeur locative augmente - non pas dans des proportions identiques, mais dans des proportions relativement modestes vu les majorités qui gouvernent ce canton. Or, au moment où cette valeur locative a augmenté en une proportion très modeste, ne voilà-t-il pas qu'on propose un projet de loi qui, de façon relativement sournoise, prévoit une augmentation des déductions, qui non seulement annulerait cette augmentation de la valeur locative, mais déboucherait en définitive sur une diminution de l'imposition sur cette valeur locative. Le piège est relativement grossier, il fallait juste faire un petit calcul pour l'éventer.
Ce projet a un autre défaut relativement grave au regard du souhait que le parc immobilier genevois soit bien entretenu et soit rénové - entre autres pour atteindre les buts énergétiques du plan climat cantonal -, c'est précisément la notion de forfait. Les propriétaires peuvent déduire les frais effectifs, M. Zweifel l'a très bien dit et je l'en remercie, et il est tout à fait souhaitable que ces frais effectifs puissent être déduits. A l'inverse, proposer la possibilité de déduire des frais forfaitaires, c'est-à-dire des frais qui ne sont pas justifiés, est une réelle incitation à ne pas déduire ces frais effectifs, ce d'autant plus si on augmente le taux forfaitaire envisageable: passer le forfait à 25%, c'est-à-dire le quart de la valeur locative, revient en fait à décourager de manière assez insidieuse les propriétaires de procéder à des travaux d'entretien ou de rénovation énergétique. C'est une des raisons supplémentaires pour lesquelles nous vous appelons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Stefan Balaban (LJS). Comme il a été rappelé ce soir, la valeur locative est un revenu fictif qui représente un poids supplémentaire pour les propriétaires qui occupent leur bien. Depuis ces dix dernières années, nous assistons à une hausse du prix du mètre carré des biens immobiliers. Je ne sais pas si vous avez regardé aujourd'hui, ou plutôt cette année, pour les couples qui souhaiteraient acheter un bien immobilier, le prix du mètre carré se négocie à 15 000 francs, au minimum. Il est donc devenu quasiment impossible d'acheter un bien. Et puis, ceux qui arrivent à en acheter un se retrouvent endettés jusqu'au cou. Tout le monde sait que ceux qui ont un bien paient les intérêts, donc ils n'amortissent pas leur dette. Si en plus de cela on rajoute encore une charge fiscale, cela ne va pas les aider. Si l'on regarde de plus près ce projet de loi, moi, je le trouve totalement raisonnable. On passe de 10% à 15% et de 20% à 25%, ce qui reste raisonnable en comparaison avec la hausse de la valeur locative des biens immobiliers. C'est pour cette raison que le groupe LJS soutient ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.
La présidente. Merci. La parole est à Mme Caroline Renold pour deux minutes quarante.
Mme Caroline Renold (S). Merci, Madame la présidente. Je ne vous l'apprends pas, et ma collègue l'a dit, les loyers sont indexés à l'inflation. Par conséquent, ils sont augmentés sur cette base annuellement pour les baux indexés et régulièrement dans les autres cas. En ce moment, les locataires reçoivent massivement des hausses de loyers liées à l'inflation, locataires qui sont majoritaires dans ce canton et qui ont le couteau sous la gorge face aux loyers qui augmentent sans cesse.
Et aujourd'hui, on voudrait faire un cadeau aux propriétaires, en leur disant: «Vous, vous n'avez pas à subir l'augmentation de l'ISPC.» Ne nous y trompons pas, c'est exactement le but de ce projet de loi: compenser l'augmentation de la valeur locative, alors qu'elle était beaucoup trop faible pendant des années. En réalité, les propriétaires ont bénéficié pendant des années d'une valeur locative faible et en ont déjà tiré des gains. L'augmentation de la valeur locative était simplement une réadaptation correcte et aujourd'hui, selon la dernière annonce du Conseil d'Etat, la valeur locative suit l'évolution de l'inflation.
Le but de l'augmentation de la déduction des frais d'entretien est donc de compenser entièrement la hausse de la valeur locative. Cette différence de traitement entre locataires et propriétaires est absolument injustifiée et représente même un affront à la majorité de la population de ce canton, c'est pourquoi le parti socialiste vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Sébastien Desfayes (LC). Je serai très bref, nous arrivons bientôt à la pause de 19h. Ce que je tiens d'abord à rappeler, c'est qu'il ne s'agit pas d'un cadeau aux propriétaires. On laisse entendre que les propriétaires de rendement bénéficieraient de nouvelles déductions fiscales; ce n'est pas le cas. C'est un projet de loi qui s'adresse aux petits propriétaires, ceux qui habitent dans leur propre logement et qui, souvent, ont de la peine à payer leurs impôts dès lors qu'ils ont comme seuls revenus l'AVS et la LPP.
L'argument d'un député Vert n'était en fait pas si faux: il disait qu'on devrait songer à une déduction d'une partie des loyers. D'ailleurs, il me semble que c'était une promesse d'un des conseillers d'Etat actuels. En tout cas, je propose à ce député Vert que nous déposions ensemble la semaine prochaine un projet de loi dans ce sens. Il est vrai que l'impôt sur la valeur locative est assez désagréable: c'est un impôt sur un revenu fictif et il est normal de vouloir, avec ce projet de loi, en lisser les effets délétères. Je suis moins optimiste que l'un de mes préopinants - je crois que c'était le député Andersen - qui se montrait confiant quant à la suppression à terme de cet impôt. Je pense au contraire qu'il faudra attendre en tout cas une dizaine d'années, si tant est que la suppression de l'imposition sur la valeur locative ait véritablement lieu.
Ce projet de loi est vraiment bon marché, il ne coûte que 2,8 millions et se justifie pleinement, raison pour laquelle le groupe Le Centre le votera. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Merci. Pour répondre à la question de M. Sormanni, je vous confirme que nous allons voter ce projet de loi, par contre la reprise de nos travaux sera décalée. (Exclamations.) La parole est à Mme Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Madame la présidente. Je voudrais quand même attirer l'attention, en particulier des personnes qui se situent à ma droite, à savoir les députés de gauche, sur le fait que lorsqu'on acquiert un bien immobilier, il faut d'abord se priver d'une partie de ses réserves, par exemple de l'avoir de prévoyance, qu'on peut en partie investir. Ensuite, on doit payer des intérêts, un amortissement et un entretien. Cela est très lourd.
Les gens veulent avoir la propriété d'une maison, d'un appartement ou d'un bien pour ne pas être tout d'un coup sujets à une résiliation de bail pour un motif ou un autre, par exemple un congé-vente. Ces personnes qui acquièrent un bien immobilier, elles suent sang et eau pour le payer, et c'est ça la différence avec quelqu'un qui se contente de payer un loyer, qui peut dire «je m'en vais» quand il veut, qui peut aller habiter à Pétaouchnok, à Tolochenaz ou Dieu sait où encore pour trouver des loyers moins élevés qu'à Genève. (Brouhaha.) Je voudrais vous signaler que c'est une profonde injustice de considérer de la même manière des gens qui se privent de vacances, qui se privent de sorties, qui se privent de nombreuses choses pour pouvoir payer leur bien immobilier, leur propriété, leur chez-eux, bien à eux, dont on ne peut en principe pas les éjecter. (Brouhaha.)
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous conseille de ne pas accepter les arguments fallacieux qui ont été tenus par la gauche et de voter ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Comme je vous l'ai indiqué, même s'il est 19h passées, la pause n'a pas encore commencé. Je vous demande d'éviter les discussions à plus de six rangs d'écart ! (Un instant s'écoule.) Est-il possible que le parti socialiste arrête de parler ? Merci. Monsieur Sangdel, vous avez la parole.
M. Djawed Sangdel (LJS). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, souvent, on croit que les propriétaires paient moins de charges. Malgré le taux d'intérêt actuel, les amortissements, les travaux, le coût de la vie, l'assurance-maladie et toutes les augmentations, certains députés essaient encore d'augmenter les charges. Je pense que d'une manière indirecte, nous sommes en train de pénaliser les citoyens. Pour le groupe LJS, ce projet a plusieurs avantages. Le premier, c'est la justice fiscale, dans la mesure où ce texte permet de protéger les propriétaires de biens contre une hausse injustifiée de la valeur locative. Le deuxième avantage est qu'il permet d'anticiper l'augmentation potentielle de la valeur locative via une approche proactive. Troisième atout de cet objet, la solidarité envers les contribuables genevois. Ce sont les raisons pour lesquelles, au sein du groupe LJS, nous soutenons ce projet. Nous vous invitons tous à en faire de même et à aider ainsi indirectement les citoyens genevois. Je vous remercie beaucoup.
La présidente. Merci. La parole est à M. Daniel Sormanni pour cinquante secondes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Oui, ce sera suffisant, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que cet impôt sur la valeur locative est relativement injuste et qu'il ne correspond pas à la situation du propriétaire. Cependant, en attendant l'éventuelle suppression de cet impôt au plan fédéral - et je suis moi aussi très pessimiste au vu de ce que j'ai déjà pu entendre -, je crois qu'il faut maintenant voter ce projet de loi, qui permettra effectivement de déduire davantage et d'encourager ainsi certains propriétaires à faire des travaux dans leurs appartements. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Je donne la parole aux rapporteurs, en commençant par la rapporteure de minorité, Mme Marti, pour une minute dix-sept.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Merci, Madame la présidente. J'aimerais dire un mot pour répondre à Mme Magnin - vous voudrez bien lui transmettre -, qui décrit de pauvres petits propriétaires qui se seraient saignés pour avoir leur appartement, alors que les locataires, très dispendieux, profiteraient de leurs belles vacances. Son propos est tellement éloigné de la réalité que c'en est grotesque ! (Remarque. Applaudissements.) S'il y a aujourd'hui 80% de la population à Genève qui est locataire, c'est qu'ils n'ont tout simplement pas les moyens d'acquérir un bien immobilier, soit parce qu'ils n'ont pas suffisamment de fortune - c'est l'essentiel des cas -, soit parce qu'ils n'ont pas les revenus suffisants, généralement les deux facteurs sont combinés. Au vu de cela, on peut légitimement penser que les personnes qui sont propriétaires d'un logement - sans aller jusqu'à dire qu'elles sont privilégiées - ont, globalement, une fortune et un niveau de revenus nettement supérieurs à ceux de la moyenne de la population. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. La parole est au rapporteur de majorité, M. Zweifel, pour deux minutes cinquante-cinq.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. J'aimerais revenir sur la question de l'égalité de traitement, qui a été longuement abordée par les préopinants de gauche. Quand on parle d'égalité de traitement, on compare des situations qui sont comparables, c'est-à-dire des pommes avec des pommes, et pas des pommes avec des poires. Si vous voulez comparer les propriétaires avec les locataires et si vous voulez une égalité de traitement, la réponse est extrêmement simple: il faudrait autoriser les locataires à pouvoir déduire une partie de leur loyer. C'est ça qui serait une véritable égalité de traitement. Je suis sûr que si on vous le présentait, vous seriez encore capables de dire que c'est un cadeau fiscal, on ne sait pas pour qui, mais un cadeau fiscal - puisque de toute façon, c'est la seule chose que vous arrivez à dire.
Dans le présent cas, moi, j'aimerais plutôt parler de justice fiscale. Et puisque vous voulez comparer des situations, comparons celle d'un propriétaire qui occupe son propre logement avec celle d'un propriétaire qui loue son bien à quelqu'un d'autre. Si je loue mon logement à quelqu'un d'autre, j'encaisse un revenu sur lequel je paie un impôt. Si les loyers que j'encaisse augmentent, je paie certes plus d'impôts sur ces revenus, mais j'ai encaissé plus d'argent pour les payer. Or, ici, on parle de la situation du propriétaire de son logement qui, lui, voit la valeur de son revenu fictif augmenter. Il n'a donc pas encaissé un franc supplémentaire, mais va devoir décaisser des impôts plus élevés. Vous avez ici une vraie inégalité de traitement. M. Sangdel disait à juste titre que cela crée un problème de justice fiscale - cela devrait vous toucher -, il est par conséquent important d'agir pour éviter ce problème.
Je tiens à rappeler qu'on parle vraiment des petits propriétaires, ceux qui sont propriétaires de leur logement, et non pas des multipropriétaires qui font des locations. Ceux-là, ils ne sont pas concernés par la valeur locative; pour ceux-là, la fortune est calculée de manière différente, en capitalisant leur état locatif, et ils ne sont pas du tout touchés par ce projet de loi. Ici, on vise vraiment les petits propriétaires, oui, Madame Marti, ceux qui ont économisé toute leur vie, ceux qui ont utilisé une partie de leur LPP pour devenir propriétaires, parce qu'ils avaient envie de l'être, et ce serait bien d'arrêter de taper sur ceux qui ont décidé de faire ce choix-là, contrairement à d'autres qui ont peut-être fait un autre choix.
Oui à l'égalité de traitement entre propriétaires, et pas en comparant des situations qui ne sont pas comparables ! Oui à une justice fiscale ! Le tout pour un coût, on l'a dit, de 2,8 millions, c'est-à-dire, Mesdames et Messieurs, 0,03% de notre budget - et vous êtes en train de dire qu'on va faire un cadeau fiscal: pas du tout, on rétablit une justice fiscale pour les raisons que je viens de donner. Je vous invite donc à voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, j'aimerais rappeler que le Conseil d'Etat genevois a été consulté sur la suppression de la valeur locative et qu'il fait partie des seuls gouvernements cantonaux à s'y être montré favorable auprès des Chambres. (Remarque.) Oui, Monsieur le député, vous étiez là, vous avez participé à cette consultation. Nous nous sommes montrés favorables à cette suppression de la valeur locative. Le Conseil d'Etat a donc effectivement estimé que cette imposition fictive n'était pas juste dès lors que le propriétaire qui habitait son bien ne touchait pas de revenu sur la base de la valeur locative, qui est un montant estimé.
Je souhaite aussi rapidement revenir sur le débat. J'aimerais dire qu'un autre problème avait été identifié dans le cadre de la réévaluation du parc immobilier et en particulier des biens dans lesquels vivent les propriétaires. Il y a toute une série de petits propriétaires - celles et ceux qui sont à la retraite, qui ont acheté leur bien il y a longtemps - qui se voient imposés chaque année sur cette valeur locative, alors même qu'ils n'ont plus de revenus, excepté leur retraite et la valeur de leur bien immobilier pour pleurer.
Il n'en demeure pas moins, Mesdames et Messieurs les députés, et j'avais eu l'occasion de vous l'expliquer en séance, qu'au niveau formel, le Conseil d'Etat était un peu embêté que ces déductions forfaitaires soient désormais inscrites dans une loi et non plus dans un règlement, comme c'est le cas actuellement. Nous estimions que cela allait à l'encontre de l'objectif d'harmonisation avec le droit fédéral et relevions que pour l'impôt fédéral direct, les déductions forfaitaires ne sont pas fixées dans la loi fédérale, mais que c'est le Conseil fédéral qui a la compétence de les fixer. Aussi, une modification des taux des déductions forfaitaires pourrait intervenir très rapidement sur le plan fédéral, au niveau de l'IFD donc, et s'avérer beaucoup plus difficile dans le canton de Genève dès lors que ces taux seraient ancrés dans la loi. Cela faisait partie des réserves du Conseil d'Etat dont je vous fais part.
Pour le reste, il vous appartient aujourd'hui de prendre cette décision. S'agissant du montant, ce dernier est de 2,8 millions, cela a été relevé, il me semble, par l'ensemble des groupes: c'est un montant qui paraît assez faible et qui pourra être absorbé par le budget du Conseil d'Etat.
La présidente. Je vous remercie. Nous votons sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12264 est adopté en premier débat par 59 oui contre 32 non.
Le projet de loi 12264 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12264 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 32 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)