République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2171-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour le respect, par le Cercle des agriculteurs de Genève et environs société coopérative, des conditions d'exploitation de son magasin Landi en zone agricole
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 16, 17, 23 et 24 novembre 2023.
Rapport de M. Jean-Pierre Tombola (S)

Débat

La présidente. Nous avons fini les extraits I, nous passons donc aux extraits II, soit les pétitions, classées en catégorie II, trente minutes. Nous commençons par la P 2171-A. Madame Bidaux, vous avez la parole pour vous récuser.

Mme Patricia Bidaux (LC). Merci, Madame la présidente. J'annonce que je me récuse en effet sur cet objet, mon mari ayant été président de Landi. Merci.

La présidente. Je vous remercie et donne la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Pierre Tombola.

M. Jean-Pierre Tombola (S), rapporteur. Merci, Madame la présidente. (Brouhaha.)

La présidente. Attendez, excusez-moi. Je sais que nous avons fini les extraits, que nous appuyons moins souvent sur le bouton et qu'il y a donc moins besoin de se concentrer, mais je vous demande de garder votre attention et d'écouter l'orateur. Je vous remercie.

M. Jean-Pierre Tombola. Merci, Madame la présidente. Cette pétition a exigé trois séances de commission. L'association des quincailliers de Genève s'inquiète d'une situation de concurrence déloyale - selon eux - parce que le magasin de Veyrier qui appartient au Cercle des agriculteurs de Genève se trouve dans une zone agricole. Pour les quincailliers, cette zone est beaucoup plus favorable. Il y aurait une concurrence déloyale parce qu'au premier étage du magasin de Landi à Veyrier, le Cercle des agriculteurs vend du matériel qui ne serait pas conforme à l'autorisation de construire, à savoir du matériel qui n'a rien à voir avec le domaine agricole.

Par ailleurs, les quincailliers pensent qu'il y a une inégalité de traitement parce que le coût d'exploitation des magasins dans la zone agricole n'est pas le même que dans une zone constructible, zone où sont généralement installés les quincailliers. La pétition demande que le Cercle des agriculteurs cesse toute action de commerce dans ce magasin et elle adresse une injonction au Conseil d'Etat, lui demandant que soit pleinement respectée l'autorisation de construire, puisque effectivement, l'investigation du département avait permis de constater que l'autorisation de construire n'était pas pleinement respectée dans ce magasin Landi.

Après avoir entendu les quincailliers, la commission a auditionné le Cercle des agriculteurs, qui a rejeté l'accusation de concurrence déloyale. Cette parcelle est bien dans la zone agricole, mais la zone n'était pas qualifiée comme telle. Ce terrain était voué depuis les années 60 à une zone industrielle et artisanale, puisque la zone abritait déjà le stock de Mazda. Ensuite, elle a été considérée comme une zone de terrains de sport, et pour finir, comme site de déconstruction. La modification de zone est intervenue plus tard, ce qui fait qu'en réalité, les actions menées sur cette parcelle sont bel et bien légales, au regard du droit fédéral. Le Cercle des agriculteurs était donc étonné de cette demande de la pétition et a rejeté toute accusation de concurrence déloyale, soulignant qu'il dispose d'une autorisation de construire qui est en force.

La commission a constaté qu'il y avait une divergence d'explications entre les quincailliers et le Cercle des agriculteurs, ce qui l'a amenée à auditionner le département. Ce dernier a confirmé le non-respect de l'autorisation de construire, mais, en même temps, a assuré que les négociations et les pourparlers se poursuivent. En fin de compte, si le Cercle des agriculteurs souhaite vendre ce qu'il veut sur cette parcelle, il n'est pas nécessaire de passer par une modification de zone. Il suffirait qu'il dépose une nouvelle demande d'autorisation de construire, que le département, au regard du droit actuel, serait amené à accepter. A partir de ce moment-là, le Cercle des agriculteurs pourrait vendre ce qu'il veut sur cette parcelle, ce qui rendrait caduque la revendication des quincailliers. La commission a en effet demandé au département ce que les agriculteurs pouvaient faire pour résoudre ce problème et dénouer cette situation qui dure depuis un certain temps.

Toutes les explications ayant été données, la commission a constaté que la solution est à bout touchant: il suffit soit qu'une partie du matériel, qui n'est pas autorisée, soit retirée du premier étage, soit qu'une nouvelle demande d'autorisation de construire soit déposée, et le Cercle des agriculteurs pourrait alors vendre ce qu'il veut. C'est ce qui a amené la commission à décider de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour un dénouement définitif. Je vous recommande de faire de même. Merci beaucoup.

La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Florian Dugerdil, ce qui mettra peut-être enfin un terme à la discussion qui a lieu juste à côté de lui.

M. Florian Dugerdil (UDC). Madame la présidente, chers collègues, pour donner suite à la présentation du rapport de la commission des pétitions, je tiens à faire part d'une certaine circonspection face au fait que ce soient les mêmes services étatiques qui ont autorisé cette construction à vocation commerciale sise sur une parcelle agricole de la commune de Veyrier et qui refusent à nos agriculteurs la construction de hangars, de couverts ou même de cabanons de jardin ayant pour vocation de protéger des intempéries et de la désagrégation leurs engins, machines et outils agricoles.

Pour notre groupe, les éléments clés qui ressortent sont les suivants: cette pétition est surtout le résultat d'une rivalité marquée entre différentes parties et initiée par le pétitionnaire. L'audition du Conseil d'Etat a permis de se faire un dessin raisonnable de la situation, malgré les explications contradictoires apportées par les différentes parties. Comme il a été relevé par le directeur général du Cercle des agriculteurs, M. Schmalz, les pétitionnaires auraient eu meilleur temps de commencer par chercher la discussion et la compréhension avant d'intenter une action politique; cela n'a malheureusement pas été le cas. Toujours selon les explications données par le directeur, qui sont elles-mêmes corroborées par les comptes de l'entreprise, ce centre agricole n'a pas pour vocation de faire du gain à outrance et de commercialiser tout et n'importe quoi, mais bien de vendre du matériel servant de près ou de loin à l'agriculture et aux agriculteurs, matériel qui, je le rappelle, est à faible rentabilité et dont la marge est du reste redistribuée à l'ensemble des agriculteurs.

Notre groupe a bien relevé qu'une infraction avait été constatée. Il ne peut que la déplorer. En effet, nous estimons comme beaucoup d'entre vous qu'une remise en conformité, peu importe l'option choisie, aurait dû être opérée rapidement après la découverte de la situation d'illégalité. Encore faudrait-il que la procédure administrative, toujours en cours, aboutisse à quelque chose de concret.

Notre groupe ne doute nullement de la bonne volonté de l'établissement incriminé de se remettre en conformité, probablement plutôt en déposant une demande complémentaire à l'autorisation de construire déjà octroyée - nouvelle demande qui, selon les dires du Conseil d'Etat, ne pourra être refusée et leur permettra de vendre ce qu'ils veulent - qu'en retirant certains articles proposés par l'enseigne dont ils sont franchisés. Pour toutes ces raisons, notre groupe soutiendra le renvoi au Conseil d'Etat. Merci.

Mme Christina Meissner (LC). Cela fait bientôt cinq ans que le département a intimé à Landi l'ordre de respecter l'affectation et a réitéré sa position dans sa réponse à la question écrite urgente 1019. Or, dans les faits, il ne s'est rien passé. Le canton ne peut rester dans le flou. Soit il applique ses décisions, soit il les modifie. Là, il ne fait ni l'un ni l'autre. Dès lors, on peut comprendre les quincailliers, auteurs de cette pétition, qui demandent des réponses claires de la part de l'Etat.

Auditionné en commission, le conseiller d'Etat a confirmé que l'Etat avait bien pris une décision reconnaissant l'infraction commise et demandant la mise en conformité. Il a aussi indiqué que la prochaine étape serait d'envoyer les forces de l'ordre ou d'infliger une amende, tout en rappelant que l'activité commerciale de ce bâtiment en zone agricole est pour grande partie légale.

Il a par ailleurs souligné que le plus simple serait sans doute que le Cercle des agriculteurs se mette en conformité en déposant une requête en autorisation de construire pour vendre ce qu'il désire, requête que le département, au regard du droit en vigueur, ne pourrait pas refuser, car le bâtiment se trouvait déjà là avant le déclassement en zone agricole. Avec une telle requête, la situation serait régularisée.

Le plus drôle dans cette situation, c'est que le renvoi de cette pétition permettrait au Conseil d'Etat de réveiller ses services, qui se sont quelque peu endormis en chemin. Si ce renvoi peut aider à clarifier la situation pour les parties, alors il faut le voter. La commission a donc décidé dans sa majorité de renvoyer ce texte au Conseil d'Etat, en espérant qu'il réveillera ses services.

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, le groupe PLR soutiendra le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Je fais miens les propos de ma préopinante, je préciserai juste les éléments de fond du problème: ces bâtiments sont construits sur une zone qui avait été déclassée et qui n'était plus une zone agricole. Il n'y a donc pas de problème de zone. La seule entrave, c'est que le permis de construire des installations actuelles - qui correspondent effectivement à l'équivalent d'un centre commercial de région périurbaine avec parking, etc. - n'est en effet pas conforme à la totalité des activités actuelles. Pour que la réalité des activités soit conforme à ce qui avait été demandé lors de la construction, il s'agit, j'ouvre les guillemets, «simplement» - parce qu'effectivement ça aurait pu être fait simplement déjà depuis des années - de demander un complément au permis de construire initial, ce qui apparemment sera fait. Cela permettra, si ce n'est d'apaiser la concurrence - elle existera toujours entre les activités commerciales de différents groupes sur le canton -, tout au moins de sortir de cette situation ambiguë et de faire en sorte que la totalité des activités du Cercle des agriculteurs se fasse dans la légalité. Je vous remercie de votre attention.

La présidente. Merci. Monsieur François Erard, vous avez la parole pour une minute cinq.

M. François Erard (LC). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, effectivement, cette affaire est un peu ubuesque dès lors que le Cercle des agriculteurs a obtenu une autorisation pour ses activités et que bien des années plus tard, l'association des quincailliers l'attaque par cette pétition. Un des arguments est la concurrence déloyale liée à l'usage de la zone agricole; il faut quand même rappeler ici que c'était une zone agricole mais qu'elle n'était plus affectée à l'agriculture. Cette zone a dû être dépolluée aux frais du Cercle des agriculteurs et l'acquisition du terrain et sa dépollution ont coûté à elles seules quelque 8 millions. Par conséquent, l'argument consistant à dire: «Vous êtes en zone agricole, ça ne coûte rien» ne tient pas la route. Il faut donc renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.

M. Jacques Jeannerat (LJS). Ubuesque, a dit mon préopinant: c'est exactement ça ! C'est une histoire absolument ubuesque, parce qu'au départ, les quincailliers parlent de concurrence déloyale, puis on apprend que c'est juste une mise en ordre, qu'il faudrait demander une affectation un peu différente, et la concurrence ne serait plus déloyale. En résumé, Mme Meissner avait raison, les services de l'Etat se sont complètement endormis ! Je ne suis pas sûr, après l'audition de M. Hodgers, que le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat permettrait de les réveiller. Je refuse de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat qui n'a pas fait son boulot; il faut la déposer sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement. Je vous invite donc à ne pas suivre le rapport de majorité.

La présidente. Je vous remercie. Nous allons voter sur cette pétition. (Commentaires.) La proposition de la commission est le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2171 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 56 oui contre 26 non et 3 abstentions (vote nominal).

Vote nominal