République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, François Baertschi, Diane Barbier-Mueller, Thierry Cerutti, Patrick Malek-Asghar, Youniss Mussa, Patrick Saudan, Salika Wenger, Raymond Wicky et Christian Zaugg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Rémy Burri, Aude Martenot, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti, Gabriela Sonderegger et Pascal Uehlinger.

Annonces et dépôts

Néant.

IN 187
Initiative populaire cantonale 187 « j'y vis, j'y paie ! »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
IN 187-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 187 « j'y vis, j'y paie ! »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.

Débat

Le président. Nous arrivons à nos points fixes et passons directement à l'IN 187 et à l'IN 187-A, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à M. le député Pierre Eckert.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Je vois que l'assemblée est nombreuse... (Commentaires. Rires.) Alors j'ai parlé de cette initiative avec ChatGPT, et ChatGPT m'a répondu que l'UDC n'aime pas les villes ! Après vérification, il ressort effectivement qu'il s'agit de son thème de campagne: la guerre contre les villes et leurs habitantes et habitants.

Les villes, Mesdames et Messieurs, cumulent des caractéristiques insupportables à l'UDC ! Elles sont souvent habitées par des populations aux revenus modestes, qui ont besoin de soutien social et de prestations diverses de la part des entités publiques. Et en plus, elles votent à gauche ! Vous vous rendez compte ! (Commentaires.) Les Vertes et les Verts sont opposés à cette dichotomie délétère et tiennent à préserver un équilibre sain entre villes et campagne, entre communes de logements et communes d'emplois, et refuseront donc cette initiative.

L'application brute de l'initiative conduira à des pertes de revenus notables pour les communes qui possèdent davantage d'emplois que de logements. D'autres, comportant plutôt du logement, seront gagnantes dans l'opération. Si on veut estimer les effets de cette initiative, il faut également tenir compte de la péréquation intercommunale qui va bien entendu s'appliquer par la suite et qui effacera partiellement les disparités entre communes introduites en conséquence. Mais cette compensation est largement insuffisante. Le tableau fourni par le Conseil d'Etat, que je remercie ici pour la clarté de son exposé, est explicite: l'effet cumulé de l'initiative et de la péréquation fait perdre environ 48 millions de francs à la Ville de Genève, mais aussi 10 millions à la commune de Lancy, 4 millions à Meyrin ou 3 millions à Vernier. Il fait gagner environ 6 millions à Collonge-Bellerive et 5 millions à Cologny. Tout cela est-il bien raisonnable ? (Remarque.) Non, bien entendu ! Ce hold-up sur les villes n'est clairement pas admissible.

Je terminerai par deux remarques. La première, c'est que l'intérêt, pour une commune, à attirer des emplois bien payés, voire des emplois tout court, va diminuer. Cela nous paraît, économiquement, contreproductif. Deuxièmement, les personnes qui travaillent dans une commune bénéficient souvent de prestations de celle-ci. De nombreuses communes offrent par exemple des tarifs réduits pour leurs crèches, non seulement pour leurs résidents mais aussi pour les employés de leurs entreprises. Le fait de prélever une part de l'impôt sur le lieu de travail est donc parfaitement défendable. Et je rappelle par ailleurs que nous avons tenu le même discours au sujet de la taxe professionnelle, dont un certain nombre d'entreprises doivent s'acquitter dans les communes.

Voilà donc, à chaud, tout le mal que nous pensons de cette proposition, mais nous l'examinerons volontiers à la commission fiscale, comme c'est la tradition. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Xavier Magnin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais eu meilleur temps de faire mon speech à Starlette: je pense qu'il y a plus de députés là-bas qu'ici ! (Rires.)

Une voix. Les meilleurs sont ici !

M. Xavier Magnin. En premier lieu, je voudrais vous dire que cette initiative n'a plus lieu d'être. Après le vote sur la LRPFI, la nouvelle péréquation financière des communes, cette proposition tombe à l'eau, car elle annihile le fameux «à toutes choses égales par ailleurs» nécessaire à l'application de cette loi, mais aussi parce qu'elle n'apporte absolument aucune solution au problème de la lisibilité, de la complexité de la fiscalité communale genevoise et n'a pour effet que de mettre à mal cette solidarité entre les communes. Je rappelle également que le Tribunal fédéral a validé la pratique actuelle au nom de la LHID et qu'il est tout de même question d'environ 200 millions, dont des pertes estimées entre 50 et 100 millions pour la Ville de Genève. (Remarque.)

S'agissant d'un contreprojet, celui-ci ne pourra concerner qu'une réforme complète de la fiscalité, voulue d'ailleurs par toutes les parties, mais il est impossible de proposer quelque chose dans les délais liés à cette initiative. Il faut donc la refuser et travailler sérieusement sur cette refonte totale et nécessaire.

La péréquation intercommunale a atteint son maximum - affirmation confirmée la semaine dernière par le magistrat cantonal lui-même - puisqu'il y a une large réévaluation de 2% à 3,5%; ajoutons que cette péréquation impacte également le fonds intercommunal, le fonds intercommunal du développement urbain et la répartition pour les places de crèches. L'équilibre nouveau sera aussitôt perdu et provoquera une double peine pour les communes contributrices; l'initiative mettra clairement en péril l'équilibre entre les communes et la santé financière de la Ville de Genève, particulièrement perdante, alors que nous devons tout de même reconnaître son rôle de ville-centre. La constituante n'avait d'ailleurs pas retenu cette option, et depuis ont été adoptées la RFFA, la LAPSA et la fameuse LRPFI.

Un projet de réforme de la fiscalité communale doit englober tous les aspects de la péréquation tout en maintenant la solidarité entre les communes, ce qui ne sera pas le cas avec cet objet. Etonnamment, mais peut-être est-ce un hasard, la commune la plus favorisée par ce texte est celle de l'initiant lui-même; est-ce le but de cette initiative ?

Une voix. C'est laquelle ?

M. Xavier Magnin. Par conséquent, il est aussi valable de dire «j'y travaille, j'y paie» pour participer, au-delà de la part privilégiée, aux infrastructures de la commune qui reçoit le travailleur. Le PDC-Le Centre, en se ralliant notamment aux arguments du Conseil d'Etat, refuse cette initiative tout comme un contreprojet. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Pierre Vanek (EAG). Ecoutez, sans surprise, nous allons bien entendu refuser cette initiative. Permettez-moi, pour commencer, une remarque sur le titre de l'objet, «j'y vis, j'y paie !»: c'est évidemment un clin d'oeil sarcastique à l'initiative «j'y vis, j'y vote !». Nous avons précisément eu un débat sur ce thème des droits politiques la semaine dernière; l'initiative, c'est «j'y vis, j'y paie !», mais sans droits politiques, sans le droit de se prononcer sur l'affectation de ces montants. Néanmoins, cet aspect-là est une parenthèse: le fond, c'est à qui profite cette initiative. Cette initiative - c'est apparemment la fonction de l'UDC en ces matières - profite évidemment aux riches !

Des voix. Ah ! (Rire. Remarque.)

M. Pierre Vanek. Je savais que vous m'attendiez sur ce point ! (Approbations.) Et je suis content d'avoir pu le dire ! Je vois M. Florey s'agiter ! (Rire.) Monsieur Florey - Monsieur le président, vous lui transmettrez -, ne vous agitez pas, calmez-vous...

Une voix. Il ne transmet jamais rien !

M. Pierre Vanek. Il ne transmet rien, mais enfin bon ! (Rire.) Je ne vais pas me fatiguer... (Exclamation.) ...je vais citer un paragraphe du rapport du Conseil d'Etat sur la question. Il dit ceci: «Aux deux extrêmes, pour les années fiscales 2016 à 2020, en moyenne, avec l'IN 187, la commune de Vandoeuvres aurait vu ses recettes fiscales augmenter de 42,9% [...]» ! (Exclamation.) Mesdames et Messieurs, qu'aurait fait la commune de Vandoeuvres de cette manne supplémentaire ? Elle aurait évidemment baissé les impôts de ses résidents les plus riches !

Des voix. Ah !

M. Pierre Vanek. C'est donc une opération «cadeaux fiscaux aux plus riches du canton», dans la commune de Vandoeuvres. (Remarque.) Mais, Mesdames et Messieurs, ce n'est que le début ! Ensuite, on va parler de la commune où réside, je crois - si je ne me trompe pas, parce que, des fois, je me trompe...

Une voix. Pas souvent, pas souvent !

M. Pierre Vanek. Pas souvent, en effet. (Rires.) ...où réside Stéphane Florey, qui s'agitait tout à l'heure. Le Conseil d'Etat nous dit: «[...] tandis que la commune de Lancy aurait vu ses recettes fiscales diminuer de 15,4%». Sauf erreur, le budget de la commune de Lancy - vous me corrigerez, Monsieur Florey, si je me trompe - repose sur des montants de l'ordre de 160 millions de recettes; une diminution de 15,4%, à la louche, ça fait 25 millions en moins ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Pour une commune populaire ! De la périphérie urbaine de Genève ! Qui n'a évidemment pas besoin de ces 25 millions pour des crèches... (Huée.) ...pour des prestations sociales à sa population ! (Huée.)

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. Pour défendre les intérêts des...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. Pardon ?

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. C'est terminé ?!

Le président. Oui !

M. Pierre Vanek. Oh !

Des voix. Oui !

M. Pierre Vanek. Mais j'avais encore tellement de choses à dire !

Le président. Vous parlez comme un livre, mais malheureusement il est temps de le fermer !

M. Pierre Vanek. Vous êtes sûr que vous ne pouvez pas m'accorder trente secondes ? (Le président rit.)

Une voix. Non !

Le président. Non, non, c'est bon.

Une voix. Sur le temps de l'UDC !

M. Pierre Vanek. Je prends sur le temps de l'UDC ! (Rires.)

Le président. On a bien compris, merci.

M. Pierre Vanek. Eh bien, Mesdames et Messieurs, toute l'initiative est résumée par ce propos-là, sans parler du fait que les recettes fiscales...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. ...de l'ensemble des communes baisseraient globalement... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Je passe la parole à Mme Virna Conti. (M. Pierre Vanek continue à parler hors micro. Un instant s'écoule.) Vous avez la parole, Madame Conti. (M. Pierre Vanek parle toujours hors micro.)

Mme Virna Conti (UDC). Non mais c'est bon, là ! Stop ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Une voix. Pendez-le !

Le président. Madame Conti, vous avez la parole.

Mme Virna Conti. Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais être très brève. J'ai entendu parler d'une espèce de manque de fidélité entre les communes. En toute honnêteté, je pense que ce texte, à l'inverse, constitue véritablement une marque de confiance pour notre fédéralisme et qu'apparemment la gauche ne comprend pas cette notion - mais ça ne m'étonne pas. C'est également une marque de confiance pour nos communes. Je pense que c'est un choix que de vivre dans une commune et qu'il est important de marquer... comment dire, de marquer son attachement à son lieu de résidence et non à son lieu de travail.

Vivre dans une commune, ce n'est pas simplement se lever le matin puis enchaîner métro, boulot, dodo: c'est en effet une décision, un choix de vie. On décide également de pouvoir adhérer, d'une manière ou d'une autre, à la gestion du parascolaire, des espaces verts et puis aussi, effectivement, à celle des crèches. Et je pense que les gens sont très attachés à leurs libertés, à leur individualisme, et il est important qu'ils puissent décider où va leur argent. En ce sens, étant belleviste, ça m'arrangerait en effet que l'argent aille pour le parascolaire de ma commune, pour les crèches de ma commune, pour les espaces verts de ma commune, ce que je ne pourrais pas demander pour une autre commune.

Pour toutes ces raisons, j'estime que c'est un texte qui met en avant cette marque de confiance, pour pérenniser finalement les relations entre les communes et surtout montrer notre fidélité à la commune qu'on a choisie, dans laquelle on est allé vivre. Pour toutes ces raisons, c'est évident qu'il faut soutenir ce texte. Merci.

Une voix. Bravo !

M. Grégoire Carasso (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, derrière son titre un peu bonhomme, l'initiative porte un formidable coup de poignard dans le budget des communes - de l'ensemble d'entre elles, mais en particulier des communes les plus peuplées. Ce texte, que je qualifierais volontiers de mortifère, a été lancé en 2022 et incarne à lui seul l'offensive que déploie l'UDC contre les villes de ce pays. Et si les stratèges de l'UDC suisse, s'agissant de leur cuisine électorale, sont souvent - malheureusement - bien inspirés, je me demande si les stratèges de l'UDC de Genève ont bien imprimé que ceux qu'ils considèrent comme parasitaires sont au nombre de 85% dans le canton; l'écrasante majorité des citoyennes et des citoyens genevois habitent effectivement dans les villes. Je suis malheureux que vous fassiez de la politique dans ce canton, mais ainsi est la réalité.

Concrètement, le coup de poignard se loge dans la loi générale sur les contributions publiques et coupe une seule des compétences fiscales accordées à la commune: celle rattachée au lieu de l'exercice d'une profession. Donc quand l'UDC nous dit qu'elle opère une simplification et qu'en réalité les impôts communaux ne seront plus payés que sur le lieu de domicile, c'est déjà une foutaise complète ! Seule une des trois compétences de rattachement est supprimée - mais sans doute l'une des plus lourdes. Parce que sur le plan financier, et il faut veiller à lire et à citer les bons tableaux, la masse financière en cause représente une perte de 20 millions sur l'ensemble des communes. Par conséquent, ce n'est pas juste une redistribution, c'est une perte: des contribuables fortunés vont être imposés sur leur commune, là où les centimes sont les plus faibles. Globalement, pour l'ensemble des communes, c'est donc 20 millions en moins. Mais avec la masse qui est transférée - et ça, c'est quand même un message que seule l'UDC est à peu près capable d'incarner, en tout cas à Genève - vous allez augmenter la richesse des communes les plus riches et accroître la pauvreté des communes les plus pauvres ! Vous faites un transfert, c'est votre vision de la solidarité, vous allez ponctionner dans les budgets des communes les plus pauvres - des villes, là où vit 85% de la population ! - pour ramener ces sommes dans les budgets des communes les plus riches.

Quelques exemples: Genève, -48 millions; Lancy, -10 millions, Monsieur Vanek - vous transmettrez, Monsieur le président; Carouge, -6; Meyrin, -4. Tout ça au bénéfice de: Vandoeuvres, +3 millions; Veyrier, +8; Collonge-Bellerive, +6; Chêne-Bougeries, +11 millions. Vous prenez donc dans les budgets des communes où il y a le plus de monde pour les appauvrir. Franchement ! Le groupe socialiste vous invite à rejeter cette initiative mortifère. Merci, Monsieur le président.

M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, deux mots d'abord sur la péréquation intercommunale. Il faut bien comprendre qu'en changeant la donne, la péréquation sera de toute façon révisée; ce sera adapté ! Les arguments selon lesquels ça va complètement déséquilibrer le système sont donc totalement faux. C'est même fallacieux puisque, je l'ai dit, ce sera rééquilibré. Maintenant, pour rassurer M. Vanek - vous transmettrez, Monsieur le président -, la ville de Lancy se porte assez bien et, justement, si elle fait autant de bénéfices, c'est précisément que le système ne fonctionne pas. Elle fait énormément de bénéfices, et même de manière honteuse, par exemple sur la taxe professionnelle communale. Elle fait d'énormes bénéfices sur la question qui nous occupe aujourd'hui: elle encaisse des impôts sur ceux qui travaillent sur son territoire. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Et du coup, on voit bien que ce système fausse la donne et qu'énormément d'argent...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Stéphane Florey. ...devrait aller à d'autres communes. C'est pour ces raisons que le système doit être revu. Et juste, pour finir...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Stéphane Florey. ...il y a déjà un projet de loi sur la question à la commission fiscale, et au vu de la frilosité de la commission à...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Stéphane Florey. ...aller de l'avant avec cet objet, nous avons lancé cette initiative...

Le président. Merci.

M. Stéphane Florey. ...pour justement faire voter sur le principe que défend l'initiative. Je vous remercie.

Mme Françoise Sapin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, «j'y vis, j'y paie !»: je pourrais au contraire vous dire «j'y travaille, j'y paie !», même si je pense que le système actuel, qui distribue une partie des impôts entre la commune de domicile et le lieu de travail, est un bon système. Si vous travaillez dans un endroit, que ce soit en ville de Genève ou ailleurs, vous provoquez également des coûts pour la commune qui vous reçoit, par exemple en matière de parkings, d'infrastructures, etc. Avoir une répartition, ça permet donc aussi de contribuer à ces coûts. Si nous votions cette IN 187, malgré ce qu'a dit mon préopinant, cela remettrait complètement en question la péréquation intercommunale, qui pour l'instant fonctionne bien.

Par ailleurs, les prestations des communes qui verraient leurs impôts diminuer pourraient être remises en question. Si je prends la Ville de Genève, qui est quand même la plus grande commune: -48 millions - c'est tout de même assez conséquent. Ce texte mérite, je pense, une étude plus approfondie en commission. Aussi, le MCG est favorable à un renvoi en commission. Merci.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe maintenant la parole à M. Pierre Eckert pour cinquante secondes.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Je souhaiterais que vous transmettiez à l'occasion à M. Florey que le Conseil d'Etat a fait son travail: il a non seulement évalué l'impact de l'initiative en elle-même, mais évidemment aussi suite à la péréquation. Et les chiffres qu'on vous a donnés tout à l'heure, avec M. Carasso, étaient bien entendu ceux de l'initiative plus la péréquation. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je pense que Mme Fontanet va confirmer vos dires et je lui cède la parole.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Monsieur le président. (Le micro de l'oratrice n'est pas ouvert et on l'entend à peine.) Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs... (L'oratrice parle très fort alors que son micro s'allume. Rires. L'oratrice rit. Remarque.) Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ça aura au moins eu le mérite de réveiller tout le monde ! (Rires.) Le Conseil d'Etat a effectivement validé l'initiative d'un point de vue juridique, mais il a en revanche décidé de la refuser et de ne pas lui opposer de contreprojet, pour différentes raisons, notamment parce qu'il estime que cette modification porte atteinte à la solidarité entre les communes, dans la mesure évidemment où les communes à forte capacité financière et dont le centime additionnel est déjà plus bas recevraient des recettes fiscales supplémentaires, au détriment des communes à faible capacité financière, dont les besoins sociaux sont reconnus. Cette initiative poserait aussi de très gros problèmes au niveau de la péréquation.

Par ailleurs, Mesdames et Messieurs, il n'est pas envisageable, pour le Conseil d'Etat, de voter ce type d'initiative sans revoir la fiscalité communale dans sa globalité. Pour ces motifs, le gouvernement a recommandé le refus de ce texte; il est toutefois évidemment prêt à répondre à toutes vos questions en commission, lors de l'étude de cette initiative. Vous constaterez qu'il y a, dans le rapport, différents tableaux avec des chiffres; je pense que ce sera intéressant de les étudier également. Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, l'initiative est renvoyée à la commission fiscale. Et j'autorise M. Magnin à regagner Starlette pour manger sa raclette ou refaire son discours.

Une voix. La fondue !

Le président. La fondue ! Pour autant que son groupe l'y autorise, bien entendu !

L'initiative 187 et le rapport du Conseil d'Etat IN 187-A sont renvoyés à la commission fiscale.

IN 188
Initiative populaire cantonale 188 « OUI au recyclage des déchets non biodégradables »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
IN 188-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 188 « OUI au recyclage des déchets non biodégradables »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.

Débat

Le président. J'appelle le second point fixe, à savoir l'IN 188, qui est liée au rapport du Conseil d'Etat IN 188-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et la parole revient à M. André Pfeffer.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette initiative poursuit plusieurs objectifs, dont la sauvegarde de nos terres agricoles, en interdisant l'enfouissement de mâchefers et de matériaux bioactifs sur le territoire cantonal. A cet effet, l'alinéa 1 de l'article 161A propose de proscrire l'implantation de toute nouvelle décharge visant au stockage de mâchefers d'incinération et d'autres matériaux bioactifs dans le canton de Genève. Le second alinéa prévoit de prendre toutes les mesures visant au recyclage ou à la valorisation des mâchefers d'incinération.

Par arrêté du 18 janvier 2023, le Conseil d'Etat n'a retenu que le deuxième alinéa, mais un avis de droit commandé par les initiants confirme que les deux dispositions satisfont aux conditions du droit supérieur ainsi qu'au principe de clarté. Les initiants sont des agriculteurs, des gens qui connaissent le terrain et leurs besoins. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous espérons que vous réserverez un bon accueil à cette initiative. Merci de votre attention.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le travail en commission nous permettra de clarifier les choses. Le PDC-Le Centre ne remet pas en question le fait que les mâchefers soient limités ou valorisés, puisque c'est tout simplement ce que prévoit déjà le droit fédéral. Les terres agricoles ne peuvent pas faire office de poubelle pour ce type de déchets. Cependant, l'initiative ne présente aucune plus-value pour les agriculteurs, bien au contraire.

Je rappelle qu'une motion déposée par le groupe PLR a fait l'objet d'un large travail sur ce sujet à la commission de l'environnement et de l'agriculture; elle demandait que les nouvelles techniques permettent la mise en valeur de ces détritus. La problématique des mâchefers est importante, des mâchefers produits en majorité par les litières pour chats.

Au-delà de cela, le PDC-Le Centre questionne à ce jour le fait que la constitution devrait se charger de rappeler à l'Etat «de prendre toutes les mesures visant au recyclage ou à la valorisation des mâchefers d'incinération et d'autres matériaux bioactifs, en veillant au respect de la santé de la population et de l'environnement», alors que la loi sur les déchets cadre déjà ce type de résidus. Vous l'aurez compris, le groupe PDC-Le Centre mènera le travail nécessaire en commission. Je vous remercie.

Une voix. Bravo.

Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante. L'initiative s'intitule «OUI au recyclage des déchets non biodégradables». Comment pourrions-nous dire non ? La problématique des mâchefers est lourde, l'abondance de nos déchets pose problème. Certes, les résidus après incinération (les mâchefers) sont volumineux, et il faut bien les stocker quelque part, mais pas chez les autres ou carrément hors de nos frontières. Ce n'est pas possible ! Le transport des déchets et, plus généralement, les déplacements autour des décharges, c'est encore plus de pollution et de bruit.

Nous avons regretté et regrettons toujours les amendements de la droite qui ont été acceptés par la commission de l'environnement concernant la loi sur les déchets votée en septembre dernier. Ces modifications ont eu comme effet de limiter les mesures concrètes pour diminuer les détritus - et c'est bien là que se situe le problème -, de renoncer à une vraie taxe sur les déchets de chantiers, notamment sur les excavations qui servent surtout à construire des parkings. Nous déplorons également que les délais pour appliquer les mesures aient été repoussés par les mêmes membres de cette commission.

Il y a urgence. Le Conseil d'Etat lui-même reconnaît que c'est la résistance des communes et des riverains en 2016 qui a poussé le canton à lancer de nouveaux essais pour mieux assainir les mâchefers et les valoriser. Il faut donc résister pour avancer; merci, le Conseil d'Etat ! Dans ce sens, l'initiative 188 est utile.

En attendant qu'on progresse vraiment, que de temps perdu ! On ne peut que regretter la trop longue insouciance qui a régné et qui règne encore pour beaucoup. Aujourd'hui, cette insouciance confine à l'irresponsabilité. Nous croulons sous nos déchets. Il est temps d'évoluer, de prendre réellement des mesures pour diminuer leur quantité, de résister aux amendements systématiques de la droite de ce parlement. Peut-être qu'une décharge à Cologny modifierait la perception de certains ! Il y a d'ailleurs un golf sur cette commune qu'on pourrait utiliser à cet effet. Le Conseil d'Etat soutient cette initiative, et nous aussi.

M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, cette initiative nous amène à réfléchir à notre manière de gérer nos ressources et les déchets que nous produisons dans le cadre de notre mode de vie actuel; elle met l'accent sur un problème créé lors de l'incinération de nos détritus, car les mâchefers sont actuellement difficiles à valoriser et ainsi destinés à finir dans une décharge. Cela entraîne une pression sur les terres agricoles ou forestières qui, bien sûr, est inacceptable. Dans leur exposé des motifs, les initiants évoquent des principes tout à fait essentiels: sauvegarde des terres agricoles, de la biodiversité, des eaux et du paysage, développement de l'économie circulaire.

Malheureusement, le texte est mal formulé. Le premier alinéa prévoit l'interdiction de toute nouvelle décharge pour le stockage des mâchefers et matériaux bioactifs sur le territoire cantonal, disposition qui a été invalidée par le Conseil d'Etat au motif qu'elle est contraire au droit supérieur. Par ailleurs, cela irait dans le sens d'un tourisme de nos déchets. Si les résidus que nous n'arrivons pas à valoriser ne peuvent pas être stockés dans le canton, il faudrait alors les exporter. Or si nous refusons nos propres déchets, quels autres cantons voudront bien les prendre en charge ? Rappelons à cet égard que dans notre propre nouvelle loi sur les déchets, nous avons décidé de ne pas accepter les mâchefers provenant d'autres cantons. Soyons donc un peu logiques.

Le second alinéa demande que l'Etat prenne toutes les mesures pour mieux recycler ou valoriser ce type de déchets. Sur ce point, nous ne pouvons qu'être d'accord, et la nouvelle loi sur les déchets va d'ailleurs déjà dans ce sens. Nous soutiendrons donc cette initiative ainsi tronquée, même si elle ne va rien révolutionner. C'est vraiment bien de faire croire aux électeurs que l'on se préoccupe de notre environnement, mais une telle initiative ne prend en compte qu'un seul aspect; le parti qui la lance devrait développer une vision plus large, une vision holistique.

Nous avions la possibilité, lors de la définition de la nouvelle loi sur les déchets, d'aller beaucoup plus loin et d'aboutir à une diminution plus radicale de nos déchets et donc des mâchefers à la source, mais évidemment, ç'aurait été une stratégie moins électoraliste. Comme l'a relevé Mme Nyffeler, introduire par exemple une taxe sur l'évacuation des déchets d'excavation, voilà une mesure qui aurait permis d'éviter la pression sur les surfaces agricoles.

Le groupe des Vertes et des Verts vous invite à soutenir cette initiative gentillette, disons, qui ne fera pas progresser notre politique de gestion des ressources, mais qui va au moins dans le sens d'une meilleure valorisation des mâchefers. Je vous remercie.

Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais souligner encore une fois que l'initiative 188, en plus d'avoir été partiellement invalidée par le Conseil d'Etat, est redondante par rapport au cadre législatif existant, tant fédéral que cantonal. En effet, celui-ci intègre une obligation stricte de valorisation qui, soit dit en passant, est déjà mise en oeuvre par notre canton.

Depuis 2016, Genève cherche des solutions, et les membres de la commission de l'environnement et de l'agriculture qui examineront ce texte ont déjà eu l'occasion de faire une visite et d'obtenir une présentation détaillée des actuels essais innovants en la matière, lesquels ont pour objectif d'obtenir une qualité résiduelle de mâchefers suffisamment propres pour valoriser ceux-ci dans la construction dans le respect de la loi, ce qui n'est pas encore possible pour l'instant.

Je rejoins mes préopinants de gauche: si vraiment l'UDC souhaitait améliorer la gestion des ressources, elle aurait pu, lors du traitement de la nouvelle loi sur les déchets, suivre nos propositions pour renforcer encore son action, mais cela n'a pas été le cas.

Cette initiative vient donc un peu comme la grêle après les vendanges, et le groupe socialiste n'y voit pas de plus-value; elle donnera toutefois l'occasion au département de nous faire un point de situation sur les avancées de son projet de valorisation et n'empêchera pas de trouver des solutions à long terme pour stocker les mâchefers dans notre canton. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Stéphane Florey pour une minute trente.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, vous transmettrez à M. Poget que notre démarche n'a rien d'électoraliste. Ça lui en bouche simplement un coin que l'UDC ait déposé ce type d'initiative, au contraire de son parti qui, année après année, s'efforce de détruire notre substance agricole.

Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, je voulais surtout vous informer qu'un recours a été déposé et devrait bientôt être transmis à qui de droit. Voilà ce qui nous a fait déposer ce recours - je vous en lis rapidement un extrait: «L'invalidation partielle se fonde sur l'arrêt du Tribunal fédéral du 20 août 1991 (ATF 117 Ia 147)» - qui est mentionné dans l'avis de droit que nous avions demandé quant à la validité de cette initiative - «à teneur duquel une initiative ne peut pas interdire la construction de nouvelles décharges. Depuis lors, le Tribunal fédéral a toutefois jugé qu'il n'existe pas d'obligation de construire une décharge dans un canton, mais que la collaboration cantonale pouvait être admissible. C'était également l'avis des offices fédéraux sur cette initiative.»

On voit dès lors que l'argument du Conseil d'Etat est un peu «bout de bois». Pour notre part, nous avons confiance dans notre recours et estimons que nous avons toutes les chances que notre initiative soit réhabilitée à 100%. A son grand dam, le Conseil d'Etat devra bien accepter que cette initiative soit soumise dans son entier à la population. Je vous remercie.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, parlons politique avant de faire du juridisme, laissons les juges effectuer leur travail. Quel message fait passer un canton qui dit à ses voisins: «Nous ne nous occupons pas de nos déchets, c'est à vous de les stocker» ? Qu'est-ce que cela implique pour le fédéralisme ? Qu'est-ce que cela implique pour le respect de nos compatriotes ? Que voulez-vous que fasse le Conseil d'Etat ? Qu'il se rende du côté de Neuchâtel, du Jura, du Valais, de Vaud ou plus loin encore pour dire: «Ecoutez, nous avons des déchets comme tout le monde, mais ah, vous savez, nous sommes Genevois, nous n'allons tout de même pas les enterrer chez nous, c'est à vous de les prendre !» C'est une atteinte au fédéralisme ! C'est...

Une voix. En zone agricole !

M. Antonio Hodgers. En zone agricole ou ailleurs, le droit fédéral stipule qu'on ne peut stocker ces déchets que dans des périmètres accessibles. Si on ne peut pas les enfouir en zone agricole, on ne peut les enfouir nulle part, et c'est ce que vise votre texte. On ne peut pas les enterrer sous les immeubles, on ne peut pas les stocker sous les zones industrielles, le droit fédéral l'interdit.

L'objectif de cette initiative est de faire porter la responsabilité de nos propres déchets sur nos voisins. D'un point de vue éthique, d'un point de vue du respect du fédéralisme, c'est un pur scandale. Et le fait que ce soit le premier parti de Suisse qui dépose ce type d'attaque contre le fédéralisme est vraiment problématique. Pas plus tard qu'il y a quelques semaines, j'en parlais avec mon homologue du canton de Berne chargé de l'environnement, un élu UDC, et il me disait: «Il est hors de question» - Berne est le seul canton qui dispose encore de quelques réserves en matière de stockage des mâchefers - «que notre canton prenne en charge les déchets genevois de manière définitive. C'est insultant, nous ne sommes pas la poubelle de Genève !» Or c'est précisément cela que propose l'UDC au reste de la Suisse. Ce que vous sollicitez de nos concitoyens, c'est que nous disions aux autres cantons: «Vous êtes la poubelle de Genève.» C'est un pur scandale !

Bien sûr que nous devons nous efforcer de réduire les mâchefers, bien sûr que nous devons minimiser leur impact, mais en matière de déchets, il appartient à chaque collectivité et à chaque canton de faire sa part. Le droit fédéral indique qu'il doit y avoir une coordination entre les cantons, et c'est ce qui se passe aujourd'hui: des cantons voisins ou plus lointains, compatriotes, prennent nos mâchefers provisoirement. Il y a quelques réserves jusqu'en 2024, je négocie péniblement pour prolonger le délai jusqu'en 2025. Mais pensez-vous sincèrement que nos homologues députés et conseillers d'Etat des autres cantons vont valider un principe selon lequel nos déchets doivent être stockés chez eux pour toujours - parce que cela figurerait dans la constitution genevoise ? S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! C'est absurde ! C'est absurde et choquant ! Cette initiative cristallise vraiment la quintessence de l'égoïsme cantonal.

Nous devons engager des efforts collectivement pour réduire ces résidus. Je vous en prie, ne faites pas de Genève la risée de la Suisse, ne rendez pas les Genevois encore plus arrogants... (Commentaires.) Ne rendez pas les Genevois encore plus arrogants que l'image qu'on se fait déjà de nous au niveau national. J'ai soumis cette initiative à tous mes homologues romands, ils ont été scandalisés ! Scandalisés qu'on puisse débattre de ce genre de texte. Mesdames et Messieurs, allons de l'avant avec cette proposition d'invalidation. J'apprends ce soir que les juges en décideront; bien, nous reprendrons cas échéant le débat politique, mais il y a quelque chose de grave dans le fait de penser que c'est aux autres de gérer nos responsabilités. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo, Antonio !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat.

L'initiative 188 et le rapport du Conseil d'Etat IN 188-A sont renvoyés à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

R 1010
Proposition de résolution de Bertrand Buchs, Jean-Marc Guinchard, Claude Bocquet, Sébastien Desfayes, Patricia Bidaux, Jacques Blondin, Jean-Luc Forni, Jean-Charles Lathion, Salika Wenger, Didier Bonny, Marta Julia Macchiavelli, Jocelyne Haller, Denis Chiaradonna, Sylvain Thévoz, Philippe de Rougemont, Aude Martenot, Badia Luthi, Youniss Mussa, Yves de Matteis, Anne Bonvin Bonfanti, Ruth Bänziger, Nicole Valiquer Grecuccio, Marjorie de Chastonay, Grégoire Carasso, Adrienne Sordet, Léna Strasser, Emmanuel Deonna, Jean-Charles Rielle pour une protection renforcée des réfugiés mineurs non accompagnés jusqu'à l'âge de 25 ans (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 15 et 16 décembre 2022.

Débat

Le président. A présent, Mesdames et Messieurs, nous traitons notre dernière urgence, soit la R 1010, en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à son auteur, M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Oui, merci beaucoup, Monsieur le président. Chers collègues, le suicide d'un jeune est toujours inacceptable, qu'il s'agisse d'une personne qui vit ici normalement ou d'un réfugié. Le problème des requérants d'asile mineurs non accompagnés, dits RMNA, est grave: ces jeunes gens arrivent sans famille, souvent après de longs voyages passés dans des conditions terribles, avec des passeurs, avec de la violence, et quand ils parviennent à Genève, ils espèrent retrouver un certain équilibre.

Alors on les protège très bien jusqu'à l'âge de 18 ans. En effet, la législation et surtout les recommandations européennes font que ces jeunes sont encadrés, on ne peut pas les renvoyer sauf s'il y a la possibilité d'un regroupement familial. Cependant, quand ils atteignent l'âge de 18 ans, c'est fini, plus aucune protection: ils risquent d'être renvoyés soit vers le pays d'entrée en Europe (la Grèce, par exemple), soit dans leur pays d'origine.

Notre parlement a déjà discuté de cette question: en 2019, nous avons voté la motion 2524 de Mme de Chastonay, qui demandait que les jeunes réfugiés soient pris en charge jusqu'à l'âge de 25 ans. Pourquoi ? Sachant qu'ils arrivent en moyenne à 16 ans à Genève, il faut leur donner le temps d'apprendre la langue, d'acquérir une formation. Les jeunes que nous avons rencontrés à la commission des affaires sociales déployaient vraiment de grands efforts pour s'intégrer dans notre canton, ils méritent de suivre une formation. Il faut savoir que si, après l'âge de 18 ans, on leur refuse le droit de rester en Suisse, ils doivent interrompre immédiatement leur cursus. Nous avons trouvé cela choquant et réclamé qu'on change cette pratique, que les jeunes soient pris en charge jusqu'à 25 ans; c'était en 2019.

La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales a formulé la même remarque, demandant sur le plan fédéral que les jeunes requérants puissent rester jusqu'à la fin de leur formation, qu'ils puissent à tout le moins achever leur parcours avant qu'on décide s'ils ont ensuite le droit de rester en Suisse ou non.

Le cas du jeune homme qui s'est jeté dans le Rhône est purement révoltant, parce que ce parlement avait pris ses responsabilités, avait décidé qu'on ne pouvait plus procéder de la sorte. Or la Confédération et le service responsable au niveau fédéral n'ont pas tenu compte des certificats médicaux, lesquels indiquaient pourtant clairement qu'il y avait un risque pour la santé de cette personne, et c'est un vrai scandale. Nous voulons qu'il y ait une discussion à ce sujet à Berne, et c'est pour cela que nous adressons une résolution cantonale à l'Assemblée fédérale, il faut permettre à ces jeunes de rester chez nous au moins jusqu'à 25 ans et de terminer leur formation. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pour commencer, j'utiliserai un instant sur mes trois minutes de temps de parole afin de demander le silence pour Yemane, 20 ans, mort en 2018, Alireza H., 18 ans, mort en 2019, et son homonyme Alireza R., 18 ans, mort plus récemment, en 2022. (L'assemblée observe un moment de silence.) Merci pour eux. Alireza, on ne t'oublie pas !

Mais comment en est-on arrivé là ? Comment les autorités fédérales ont-elles pu notifier un renvoi vers la Grèce à ce jeune Afghan malgré un certificat médical faisant état d'un risque élevé de passage à l'acte suicidaire ? Comment se fait-il que les autorités cantonales n'aient pas réussi à faire pression ? Cette politique migratoire ainsi que les conditions d'accueil et de vie sont indignes.

Et pourtant, ce sont des jeunes. Et pourtant, comme l'a relevé M. Buchs, ce Grand Conseil a voté la motion 2524 que j'avais déposée en 2019 et qui demandait précisément une prise en charge des jeunes adultes relevant de l'asile jusqu'à l'âge de 25 ans. Ensuite, malgré les belles paroles et la réponse du Conseil d'Etat, j'ai à nouveau interrogé le gouvernement à ce sujet en 2022; c'était ma question écrite urgente 1710 qui faisait le lien avec la guerre en Ukraine et la générosité du peuple suisse.

Notre système montre des carences. Même l'Hospice général a tiré la sonnette d'alarme concernant le manque de personnel éducatif et de santé. Quand ce malheureux dispositif va-t-il s'améliorer ? Combien de morts, combien de suicides avant que l'accueil et l'accompagnement soient plus humains, plus dignes de Genève, comme l'a d'ailleurs déjà exigé notre parlement à plusieurs reprises ? Tout jeune réfugié non accompagné a le droit d'être protégé par la Convention relative aux droits de l'enfant. Selon la CDAS (la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales), les requérants entre 18 et 25 ans doivent bénéficier des prestations prévues par les politiques publiques de l'enfance et de la jeunesse.

Bien évidemment, les Vertes et les Verts soutiennent cette proposition de résolution qui demande simplement à l'Assemblée fédérale de protéger les jeunes réfugiés jusqu'à l'âge de 25 ans. Cela étant, nous défendons également toutes les revendications de la Coordination asile.ge: de vrais permis pour une vie normale, un accès à la formation et au travail, une alternative vivable au foyer de l'Etoile. Et nous disons stop aux abris PC, stop aux renvois ! Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, en 2019, comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de résolution 1010, ce Grand Conseil avait adopté la motion 2524 qui poursuivait le même objectif que le présent texte; il devrait donc, par souci de cohérence, créditer celui-ci de la même manière, à plus forte raison en considérant le contexte dans lequel il a été déposé, à savoir suite au xième et dramatique suicide d'un requérant d'asile mineur non accompagné.

Nous ne pouvons plus continuer à occulter le désespoir de ces personnes, mineures ou pas, jetées sur les chemins de l'exil, constamment confrontées à la violence, à la torture, à l'extorsion, trop souvent à la mort. Nous ne pouvons plus continuer à nous donner bonne conscience en nous cachant derrière les accords de Dublin. Il est établi que les conditions de vie dans les camps de réfugiés aux frontières de l'Europe, les premiers pays dans lesquels celles et ceux qui espèrent sauver leur vie sont contraints de poser le pied, sont contraires à la dignité humaine.

Pire encore, il s'y exerce de manière systémique des violences et des violations des droits humains que l'Europe et nos propres autorités devraient condamner. Ce n'est malheureusement pas le cas, et elles s'en rendent coupables. Le Secrétariat d'Etat aux migrations continue à renvoyer les réfugiés dans ces enfers et ces zones de non-droit. C'est sans doute en grande partie cette perspective qui a conduit Alireza à cette terrible extrémité qu'est le suicide.

Nous ne réglerons pas l'épineuse question des accords de Dublin dans ce parlement, mais nous pouvons alerter les autorités fédérales à ce propos et leur faire savoir que nous ne sommes plus dupes de la faillite et de l'inhumanité de ceux-ci. Nous pouvons, par cette proposition de résolution, leur demander de respecter la Convention relative aux droits de l'enfant afin d'éviter que le couperet tombe à 18 ans sur des jeunes gens qui sont venus ici demander protection et de faire en sorte que ceux-ci puissent tenter de se réparer des violences affrontées et subies, qu'ils puissent terminer des processus de formation et, ainsi, se construire enfin un autre avenir.

C'est pourquoi il est impératif de les protéger contre les expulsions de notre territoire jusqu'à l'âge de 25 ans. A cet égard, la Cour européenne des droits de l'homme vient une fois de plus de décréter la nécessité d'encadrer jusqu'à 25 ans les jeunes requérants d'asile passant le seuil de la majorité. Aussi, le groupe Ensemble à Gauche vous recommande vivement de soutenir la proposition de résolution 1010. (Applaudissements.)

M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, ainsi que mes collègues l'ont relevé, la décision à l'origine de cette proposition de résolution, celle qui occasionne également les travaux de la commission de contrôle de gestion, est indigne. Le Secrétariat d'Etat aux migrations et le Tribunal administratif fédéral n'ont pas tenu compte de l'avis des médecins: ils ont choisi de renvoyer Alireza, le jeune réfugié qui s'est suicidé juste après l'annonce de son renvoi, ce qui est honteux.

Cette décision est révoltante, parce qu'elle viole la jurisprudence du tribunal elle-même, laquelle interdit expressément les renvois vers la Grèce, en particulier s'agissant de personnes dont la santé psychique est gravement affectée. A quoi sert la jurisprudence, Mesdames et Messieurs les députés, si elle n'est pas appliquée par l'autorité même qui l'a prononcée ? Le SEM et le TAF portent une responsabilité directe dans le suicide du jeune Alireza.

Malheureusement, ce n'est pas un cas isolé. Depuis bien trop longtemps, les autorités utilisent tous les expédients à leur disposition pour renvoyer des personnes dont la vulnérabilité est systématiquement ignorée. Mes préopinants l'ont rappelé et «Le Temps» se faisait également l'écho de ce phénomène récemment dans ses colonnes: les rapports médicaux sont constamment écartés par les autorités fédérales. Je le répète: le SEM et le TAF portent une lourde responsabilité dans ce drame.

Cependant, les autorités cantonales ne sont pas exemptes de critiques: elles ont fait preuve d'un manque de courage politique flagrant, elles se sont réfugiées derrière une prétendue absence de marge de manoeuvre, marge de manoeuvre dont elles disposent pourtant. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a pour devoir de se positionner clairement contre tout renvoi vers des pays où les personnes courent un danger de mort; le Conseil d'Etat doit prendre position contre tout renvoi vers des pays où les conditions de vie réservées aux personnes en exil sont notoirement dénoncées par la majorité des ONG et des instances internationales; le Conseil d'Etat doit s'opposer à l'exécution des renvois prononcés sans prise en compte des situations individuelles et de la vulnérabilité, que ce soit vers la Grèce, la Croatie, la Bulgarie ou d'autres pays.

Comme mes préopinants l'ont souligné, une série de drames se sont succédé. Il y a deux ans, un autre jeune Afghan, qui s'appelait lui aussi Alireza, s'est suicidé. Le foyer de l'Etoile et la prise en charge des RMNA ont fait l'objet d'assises cantonales, de recherches de la Haute école de travail social, d'un rapport de la Law Clinic de l'Université de Genève, d'un rapport de la Cour des comptes. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Or, visiblement, ces différentes démarches n'ont pas eu les effets escomptés. Trois ans plus tard, les résultats ne sont pas du tout à la hauteur des attentes des experts du domaine et des associations spécialisées, il n'y a pas de mesures d'intégration réelles. Les années passent sans que l'on puisse constater de changement...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Emmanuel Deonna. ...dans l'encadrement et l'accompagnement des jeunes. C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à approuver cette proposition de résolution qui se base sur les recommandations de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales ainsi que de la Cour des comptes...

Le président. Merci, Monsieur le député...

M. Emmanuel Deonna. Ces institutions préconisent de maintenir un accompagnement réel et digne...

Le président. C'est terminé !

M. Emmanuel Deonna. ...des réfugiés non accompagnés sur notre territoire jusqu'à 25 ans en respectant la Convention relative aux droits de l'enfant. Je vous remercie.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, il est vrai que ce suicide est tragique. Chaque suicide est tragique, mais il ne faut pas oublier qu'à Genève, il y avait au moins deux suicides par semaine dans le passé - je ne connais pas les statistiques actuelles -, deux suicides par semaine ! Alors j'ignore si les chiffres ont augmenté ou diminué, mais on devrait aussi s'intéresser aux autres personnes qui mettent fin à leur vie, et ce ne sont pas des demandeurs d'asile déboutés, ce sont des gens qui sont en général bien dans leur vie - mais apparemment pas dans leur peau. On ne sait pas les motifs profonds qui poussent les individus à se donner la mort.

En tout cas, ce ne sont certainement pas les épreuves qui les y conduisent. En général, les épreuves renforcent les gens, donc ce n'est pas ça, il y a sans doute autre chose. Je pense qu'on ne peut pas tout de suite incriminer ceci ou cela, dire que c'est la faute d'untel ou d'untel, que c'est parce qu'ils se sont fait renvoyer... Non, des milliers de personnes se font renvoyer chaque année, et elles ne se suicident pas toutes. La vie est un combat, il faut arrêter d'infantiliser les gens et de dire: «C'est parce qu'on les a renvoyés qu'ils se suicident.» (Commentaires.) Je suis désolé, c'est tragique, oui, mais il y a des cas de suicide toutes les semaines à Genève, alors qu'on se penche là-dessus aussi.

Par rapport à la problématique des réfugiés mineurs non accompagnés, je rappelle que la commission des Droits de l'Homme a traité une proposition de motion intitulée «Genève, république sanctuaire pour les mineurs et les jeunes adultes non accompagnés» à dix-sept reprises précisément afin de trouver des solutions pour ces jeunes, mais c'est compliqué, ils sont nombreux à être indisciplinés, ce n'est pas aussi facile qu'on l'imagine de les garder jusqu'à 25 ans. Certains refusent d'aller à l'école, ils se montrent un peu rebelles, ce n'est pas si simple que ça. Nous avons également rédigé une proposition de motion de commission, la M 2770 «Jeunes non accompagnés, changeons d'approche». Donc voilà, un travail de fond a été effectué par la commission des Droits de l'Homme dans ce domaine.

Je ne sais pas ce que vous voulez faire avec cette proposition de résolution, s'il faut la renvoyer directement, mais par pitié, ne la transmettez pas à la commission des Droits de l'Homme, parce que nous avons déjà traité le sujet et essayé de trouver des solutions sans dogmatisme, sans frictions entre la gauche et la droite, nous avons vraiment réalisé un travail intéressant et constructif.

Pour conclure, je regrette qu'on accuse toujours les autres, qu'on dise que c'est la faute d'untel ou d'untel si quelqu'un se suicide. Les personnes ont quand même une certaine responsabilité, elles doivent assumer leur vie. La vie est difficile, on pourrait tous se suicider ! Si on connaissait les épreuves qu'affrontent les gens, on conclurait que chacun pourrait se suicider ! Merci beaucoup.

M. Cyril Aellen (PLR). Après les propos que je viens d'entendre, il est difficile de dire autre chose que ceci: le PLR n'est pas du tout d'accord. Ce ne sont pas les suicides commis au sein du reste de la population qui permettront d'expliquer ce geste, qui nous empêcheront d'éprouver de la compassion s'agissant de ce drame en particulier. Les souffrances ne se comparent pas, elles doivent être traitées avec sérénité et humanité dans chacun des cas.

Le PLR avait voté - après une hésitation, il faut le dire, néanmoins avec conviction - la motion 2524, trouvant important qu'un accompagnement sociopédagogique et socio-éducatif de qualité soit mis en place pour les ex-RMNA jusqu'à l'obtention d'une formation certifiante, jusqu'à l'âge de 25 ans; il considérait, et c'est ce qui avait prévalu dans sa réflexion, qu'à partir du moment où ces jeunes étaient accueillis chez nous, qu'ils soient en procédure ou dans l'impossibilité d'être renvoyés dans leur pays, il était fondamental qu'ils puissent suivre le parcours le plus humain possible et le plus inséré dans notre république.

La proposition qui nous est soumise aujourd'hui met mal à l'aise un certain nombre de membres du PLR - eu égard à la solution, pas au constat. Nous observons que les partisans de ce texte sont mus par des objectifs qui ne sont pas toujours identiques et qui, surtout, se fondent sur des faits variables. Nous avons entendu «stop aux abus», «stop aux renvois», qu'il ne faut plus renvoyer personne, qu'il faut dénoncer les accords de Dublin; c'est parfois la faute du SEM, d'autres fois celle du tribunal ou encore des autorités cantonales.

Le PLR signale que si on s'adresse à l'Assemblée fédérale, il conviendrait, de notre point de vue, de dresser un bref historique, d'expliquer ce qui s'est passé, de déterminer la responsabilité de chacun, d'analyser les avis des médecins, de définir comment les autorités, chacune à leur stade, se sont prononcées. Par voie de conséquence, le PLR souhaite que nous renvoyions cette proposition de résolution en commission afin d'accomplir ce travail avant de revenir en plénum avec un certain nombre d'indications qui nous permettront, si le texte est validé, de le renvoyer à Berne sur la base d'un travail concret, et pas simplement d'un vote émotionnel.

A défaut, le PLR offrira une liberté de vote, regrettant, si le renvoi en commission n'est pas accepté - à la commission des affaires sociales ou à celle des Droits de l'Homme, peu importe, mais je préconiserais celle des affaires sociales en premier lieu -, que le travail ne soit pas réalisé correctement.

Mme Patricia Bidaux (PDC). On peut dire qu'il s'agit d'un débat émotionnel ou on peut tout simplement considérer la souffrance. La souffrance ressentie par tous ces jeunes qui forment le panel des jeunes Genevois reste, en un mot, de la souffrance. De notre côté, nous avons choisi de la regarder en face; nous avons choisi de la regarder en face également à la commission de contrôle de gestion, qui s'est penchée sur la problématique et a indiqué qu'il y avait là quelque chose qui ne fonctionne pas.

Tout semble avoir été dit. Cependant, Mesdames et Messieurs, il y a encore de l'espace pour tous ceux que nous n'avons pas nommés; il y a encore de l'espace pour dire de manière forte ce soir, dans notre assemblée, qu'à travers cette proposition de résolution, nous portons auprès de notre Parlement fédéral la voix du silence, la voix de celles et ceux qui sont restés silencieux. Le groupe PDC-Le Centre ne souhaite pas voir ce texte retravaillé, tout est dit. Nous vous engageons dès lors à l'accepter, et de manière massive. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je repasse la parole à Mme Jocelyne Haller pour vingt secondes.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Notre groupe s'opposera au renvoi en commission. Nous avons passé particulièrement beaucoup de temps à la commission des affaires sociales à traiter ce sujet, donc il n'y a plus grand-chose que nous puissions retravailler. Il ne s'agit pas d'un vote émotionnel, mais d'un vote de cohérence avec ce que nous avions décidé en 2019.

De plus, Mesdames et Messieurs, soutenir que nous serions finalement indifférents aux autres suicides, c'est vraiment peu nous respecter; vous savez à quel point nous sommes sensibles à ce genre de question. J'aimerais juste vous rappeler le courage et la résilience de ces gens...

Le président. Il vous faut conclure, Madame...

Mme Jocelyne Haller. ...qui ont affronté des épreuves dramatiques, et aujourd'hui...

Le président. C'est terminé...

Mme Jocelyne Haller. ...on leur dit que l'adversité vous renforce.

Le président. Merci...

Mme Jocelyne Haller. Non: elle vous pousse aux confins de vos forces. Ce que nous demandons...

Le président. Merci.

Mme Jocelyne Haller. ...c'est simplement de protéger ces personnes. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. La parole retourne à M. Bertrand Buchs pour une minute quarante.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Il ne faut pas renvoyer le texte en commission, le travail a été fait. En 2019, nous avons auditionné ces jeunes à la commission des affaires sociales, nous nous sommes déplacés au foyer de l'Etoile. Nous avons effectué le travail et nous sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait les soutenir jusqu'à l'âge de 25 ans.

Et nous ne sommes pas les seuls à parvenir à ce constat, il y a aussi la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales au niveau national, tout le monde est d'accord pour dire que ces jeunes doivent pouvoir achever une formation. Après, on peut discuter pour déterminer s'ils peuvent rester en Suisse ou non, mais qu'ils acquièrent au moins une formation.

Nous avons été impressionnés par la résilience de ces jeunes. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, mettez-vous dans leur peau, imaginez que vous venez d'Afghanistan, que vous avez traversé l'Iran, la Turquie, que vous avez eu affaire à des passeurs qui vous ont sûrement maltraités, volés, il y a eu des viols; vous arrivez en Europe et tout recommence. Qu'un jeune qui a pensé: «Ah, je suis enfin en Suisse, je suis protégé» soit renvoyé à un endroit où il a souffert, c'est inadmissible. C'est inadmissible et c'est incompréhensible. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une proposition de renvoi à la commission des affaires sociales, que je soumets aux votes de l'assemblée.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 1010 à la commission des affaires sociales est rejeté par 41 non contre 32 oui.

Le président. Pour conclure le débat, je cède la parole à M. le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, juste avant que vous vous apprêtiez à voter cette proposition de résolution, permettez au gouvernement de présenter quelques éléments en lien avec cette situation, laquelle nous préoccupe à différents titres. Votre message, fort, et votre engagement dans le cadre de la motion 2524 donnaient des orientations claires que nous avons suivies.

Hélas, nous avons été dépassés par un afflux majeur que nous n'avions jamais connu à Genève ni en Suisse en général s'agissant des réfugiés mineurs non accompagnés. En matière d'asile, notre pays s'attend pour 2023 à l'arrivée de près de 50 000 personnes, qu'elles relèvent du permis S, donc venant d'Ukraine (environ 19 000 selon le scénario du Secrétariat d'Etat aux migrations), ou de l'asile dit ordinaire (30 000 demandes estimées par le SEM). Lorsqu'on reporte ces chiffres dans une répartition intercantonale, ce sont environ 2800 individus qui sont attendus dans notre canton.

Notre préoccupation est double, je dirais même plurielle. Il s'agit évidemment d'offrir à chacune et chacun un toit ainsi que les meilleures conditions de vie possibles à Genève et, à travers les différents engagements que nous avons pris à l'échelle intercantonale, mais aussi simplement d'un point de vue humain, de permettre à ces jeunes de bénéficier d'une formation et/ou de trouver un travail. Or aujourd'hui, la législation fédérale ne le permet pas, instaurant des conditions qui mènent à des situations paradoxales: les gens sont tiraillés entre la volonté absolue de s'insérer dans le tissu genevois et, d'un autre côté, une incertitude quant à la durée de leur séjour dans notre pays.

J'en viens à la question des requérants d'asile mineurs non accompagnés. Au quatrième trimestre 2022, soit celui que nous venons de dépasser, 800 RMNA sont arrivés en Suisse; c'est davantage que durant l'année 2021 dans son entier. Pour le premier trimestre 2023, c'est le même chiffre: plus de 800 jeunes sont attendus. Il y a dès lors une pression extrêmement forte sur la qualité de l'accueil, et c'est la raison pour laquelle nous développons des dispositifs au plus près des besoins des mineurs en collaboration avec la Fondation officielle de la jeunesse. Il est par exemple nécessaire de déplacer le centre de l'Etoile ailleurs, un ailleurs qui doit répondre à leurs besoins.

On utilise volontiers l'acronyme RMNA pour faire simple, mais on oublie que dans ce sigle, le «M» correspond au terme «mineurs», des jeunes qui ont traversé des épreuves difficiles. Nous le savons, car la Berne fédérale a mis en place un système de vérification de l'âge.

Avec l'Hospice général, nous avons créé des milliers de places d'accueil: 1650 places supplémentaires rien qu'en 2022. Au premier semestre 2023, 420 places de plus sont prévues, et au deuxième semestre 2023, 400 places également. Cela ne suffira pas pour faire face aux besoins. Nous sommes donc dans l'urgence, une urgence absolue, double: celle d'une part d'accueillir ces jeunes, d'autre part de les intégrer à l'école, de leur offrir un accompagnement socio-éducatif, sportif, culturel et des loisirs.

La situation terrible d'Alireza a été évoquée, qui démontre toutes les difficultés que nous rencontrons à gérer des cas individuels pour lesquels une réponse positive est délicate à donner au regard du droit fédéral. S'agissant de ce jeune en particulier, il avait été reconnu réfugié en Grèce et n'était donc pas considéré comme un ressortissant au titre des accords de Dublin. Cela nécessite une réflexion complète quant à la façon dont nous devons réagir ensemble, parce que la Confédération se range derrière la législation fédérale, qui a été votée par le Parlement fédéral; il est vrai qu'un certain nombre de changements sont nécessaires.

Nous faisons de la politique, donc nous savons que les démarches que nous entreprenons auprès du Secrétariat d'Etat aux migrations ne donnent pas de résultats aujourd'hui, en tout cas pas suffisamment. Peut-être pouvons-nous formuler l'hypothèse que l'échéance des élections fédérales ne nous y aide pas; dans ce cas, nous pouvons alors espérer qu'à partir de cet automne, nous bénéficierons d'une écoute différente s'agissant des réponses dont nous avons besoin pour permettre aux jeunes de se construire une vie scolaire, professionnelle, personnelle, affective, culturelle, sportive, en tout cas pour celles et ceux qui souhaitent rester dans notre pays; d'autres manifesteront peut-être l'intérêt ou la volonté de se rendre dans d'autres contrées ou de rentrer dans la leur.

Nous avons le devoir d'instaurer un accueil de qualité. Le message que vous envoyez ce soir au travers de cette proposition de résolution pourrait, nous l'espérons, contribuer à faire prendre conscience de l'importance des décisions prises tant au niveau individuel que collectif. Nous y serons particulièrement attentifs, comme nous le sommes pour répondre non seulement à l'urgence, mais aussi à la motion 2524 que votre parlement a adoptée en 2019. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.

Mise aux voix, la résolution 1010 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 57 oui contre 25 non et 8 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 1010 Vote nominal

PL 13008-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit au titre de subvention cantonale d'investissement de 35 000 000 francs aux Etablissements publics pour l'intégration pour contribuer à la rénovation complète des bâtiments et des aménagements extérieurs du site de La Combe évaluée à 105 000 000 francs
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 1er et 2 septembre 2022.
Rapport de M. Olivier Cerutti (PDC)
PL 13168-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive (création d'une zone affectée à de l'équipement public et d'une zone des bois et forêts, situées sur le secteur de « La Combe »)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 15 et 16 décembre 2022.
Rapport de Mme Fabienne Monbaron (PLR)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre ordre du jour ordinaire en traitant les points liés PL 13008-A et PL 13168-A. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes de temps de parole. Les rapports sont respectivement de M. Olivier Cerutti, remplacé par M. Xavier Magnin, et de Mme Fabienne Monbaron. Je vais leur passer successivement la parole. Pour commencer, c'est à vous, Monsieur Magnin.

M. Xavier Magnin (PDC), rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en remplacement de M. Olivier Cerutti, je vous présente le rapport sur le PL 13008. Ce projet de loi a pour but d'ouvrir un crédit au titre de subvention cantonale d'investissement de 35 millions de francs aux Etablissements publics pour l'intégration (EPI) afin de procéder à la rénovation complète des bâtiments et des aménagements extérieurs du site de La Combe, projet évalué à 105 millions de francs.

L'institut La Combe existe depuis 1980 sur un terrain en zone agricole; il est situé au 63, route d'Hermance, sur le territoire de la commune de Collonge-Bellerive, et héberge une centaine de personnes en situation de handicap, pour la plupart en situation complexe (déficience intellectuelle, autisme, troubles sévères du comportement). De plus, environ 80 personnes, également en situation complexe, viennent uniquement pour les activités de jour. L'établissement compte 315 collaborateurs pour la partie socio-éducative et administrative.

Des travaux de rénovation sont rendus nécessaires en raison de l'état de vétusté des lieux, considéré comme très avancé par l'office cantonal des bâtiments. Concernant la planification financière, le projet est financé selon une répartition en trois tiers: un tiers provient de fonds privés déjà mis à disposition, ce qui a permis d'avancer sur une partie du projet, un autre tiers de 35 millions dépend du présent projet de loi de subvention d'investissement, et les derniers 35 millions relèveraient d'un prêt. Les EPI assurent la maîtrise d'ouvrage, l'Etat ne participant qu'en tant que subventionnaire.

Durant les débats, la question d'une éventuelle démolition-reconstruction du bâtiment a été posée par certains membres de la commission; il a été répondu qu'une telle démarche nécessite une modification de zone et que, même ainsi, l'emprise au sol ne peut être agrandie et la surélévation serait limitée alors qu'une rénovation peut se réaliser en étapes et - c'est important - en gardant les usagers sur place. En effet, les représentants des EPI ont été clairs: en cas de déplacement de leurs activités dans d'autres locaux, ils ne souhaitent pas revenir à La Combe afin de ne pas opérer deux déménagements complets en peu de temps, quand bien même le site géographique de La Combe répond pleinement aux besoins des bénéficiaires s'agissant de leurs conditions de vie.

A noter que, rénovation ou reconstruction, de toute manière par étapes, le montant est sensiblement le même. Les travaux permettront toutefois l'agrandissement des espaces et des communs. Il faut donc voter favorablement ce projet de loi, c'est la seule option possible pour assurer des conditions de vie correctes aux pensionnaires des EPI.

Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse. Mesdames et Messieurs, le projet de loi 13168 du Conseil d'Etat a été étudié durant trois séances à la commission d'aménagement; il consiste en une modification de zone sur la commune de Collonge-Bellerive, dans le secteur dit La Combe, situé entre le chemin de Bois-Caran et la route d'Hermance. Ce périmètre en dehors de la protection des rives du lac, classé en zone de bois et forêts et en zone agricole sans surfaces d'assolement, est composé de trois parcelles propriétés du canton totalisant 71 000 mètres carrés.

Le projet est conforme au plan directeur communal ainsi qu'au plan directeur cantonal, bien qu'en révision. Une consultation publique a eu lieu en novembre 2021 avec une mention spécifique de mise en conformité des zones. Le département est soutenu par la commune, laquelle a émis un préavis favorable. Du point de vue de l'accessibilité, les parcelles sont bien desservies par les transports publics et présentent une bonne liaison de pistes cyclables, qui se trouvent en grande partie sur la route d'Hermance.

En 1971, le Grand Conseil avait permis la construction du cycle de Bois-Caran avec dérogation sur une zone agricole; il a fait de même en 1975 pour l'Etablissement public pour l'intégration La Combe, dit EPI La Combe. Un contrat de superficie a été signé en 2004 pour soixante ans, permettant de valider et de pérenniser la situation de l'institution sur ce site. En 2017, une étude d'architecture a démontré un taux de vétusté de 37%, suivie d'un audit énergétique qui a déterminé que le site était un grand consommateur d'énergie. Ces éléments ont conduit à réaliser des études de faisabilité quant à la transformation de cet établissement.

Les rénovations ont été chiffrées et font l'objet d'un projet de loi de financement qui a été étudié à la commission des travaux et dont mon collègue vient de vous parler. Concernant le cycle d'orientation, selon une étude mandatée par le DIP en 2021, l'extension possible est d'environ 1400 mètres carrés.

Les objectifs du présent texte sont de modifier la zone pour permettre la rénovation de l'institut La Combe - c'est actuellement impossible, car il est situé en zone agricole -, de permettre l'évolution et la densification du périmètre du cycle d'orientation et, dans la zone de bois et forêts, de réaliser un toilettage de même qu'une mise en conformité de la forêt, soit un classement de ce site en zone affectée à de l'équipement public et en zone de bois et forêts.

La question s'est posée de savoir s'il faudrait augmenter le périmètre de toilettage en direction du village de Collonge-Bellerive, ainsi que le demande le plan directeur communal, car un nombre important de propriétaires sont bloqués dans ce secteur. Il s'avère qu'un tel procédé est difficilement exécutable sur l'entièreté d'une commune, puisqu'il suffirait d'un élément pour bloquer tous les autres. C'est la raison pour laquelle il a été décidé de commencer par ce qu'il est possible de réaliser dans un temps raisonnable. Ajoutons que, comme expliqué dans la fiche 2-1 du plan directeur communal, pour une modification de zone d'initiative communale, ce sont les privés qui doivent entreprendre la démarche avec l'appui de la commune.

Concernant la préservation de l'environnement, l'établissement de La Combe et Pro Natura ont eu des contacts réguliers. Pro Natura a visité le site et constaté d'une part que les EPI ne peuvent rien rénover s'ils restent en zone agricole et, d'autre part, qu'ils sont favorables à intégrer de la biodiversité. La présence d'un étang sur la parcelle pourrait en effet se révéler très bénéfique pour les résidents. Les parties ont compris qu'elles pouvaient travailler ensemble pour réaliser quelque chose de positif pour la biodiversité sans exiger que la parcelle reste à tout prix en zone agricole. Le projet de construction va se faire à cet endroit, et l'ambition n'est pas de s'étendre davantage, mais plutôt de rendre les sols perméables, de favoriser la biodiversité avec différents types de haies et d'ajouter des zones humides. Pro Natura souhaite engager les mêmes discussions pour le cycle d'orientation et se réserve toutefois le droit de faire opposition et recours lors des autorisations de construire si celles-ci ne sont pas acceptables au niveau des enjeux de biodiversité et de connectivité.

Au vu de tous ces avis favorables, Mesdames et Messieurs, la commission d'aménagement a accepté cette modification de zone par 14 oui et 1 abstention; elle vous recommande d'en faire de même.

M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC refusera le crédit d'investissement pour la simple et bonne raison que pendant la présentation de ce projet de loi, on nous a décrit un bâtiment qui n'est plus fonctionnel, qui constitue un gouffre énergétique. Techniquement, au vu de ce qui nous a été expliqué, il devrait être démoli, point ! Mais non, on s'obstine à vouloir le rénover à grands frais.

Nous restons persuadés que pour d'excellentes raisons comme l'intégration, qui est souhaitable pour ce type de population, l'institution doit se rapprocher de la ville. Là, on pourrait parler de bonne intégration. Parce que, je suis désolé, mais allez visiter le domaine de La Combe, c'est quoi ? Vivons heureux, vivons cachés ? A moitié dans une forêt, sur une zone agricole ? (Remarque.) Oui, c'est le paradis sur terre, on est parfaitement d'accord là-dessus, mais ce n'est pas la meilleure manière d'intégrer ces personnes.

Ce que nous préconisons pour notre part, c'est de démolir et de trouver autre chose ailleurs, car de nombreux locaux sont disponibles dans le canton qui pourraient faire l'objet d'une transformation correspondant aux besoins des EPI. C'est la première réalité, nous en sommes convaincus.

Ensuite, nous rejetterons également le projet de modification de zone pour les mêmes raisons ainsi que pour répondre à la volonté de ce Grand Conseil d'augmenter la souveraineté alimentaire, volonté exprimée via une motion que nous avions nous-mêmes déposée et qui formule cette demande. Il s'agit de répondre à cet objectif, puisque en refusant la modification de zone, on rendrait des terres cultivables à l'agriculture.

En conclusion, l'UDC refusera ces deux projets de lois, certaine d'une part qu'il s'agit d'un très mauvais investissement et que des solutions bien meilleures que celle prônée aujourd'hui sont possibles, souhaitant d'autre part renforcer la souveraineté alimentaire de notre canton. (Rires.) Je vous remercie.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le projet de loi 13008 concerne une subvention cantonale d'investissement de 35 millions de francs pour la rénovation du site de La Combe, situé sur la commune de Collonge-Bellerive; une contribution cantonale qui correspond à environ un tiers du prix de ce projet dont le coût global est estimé à 105 millions, les deux autres tiers étant financés par des privés.

L'institut La Combe héberge une centaine de pensionnaires, tous souffrant de situations de handicap, reçoit environ 80 personnes pour les activités de jour, offre des places de travail pour 315 collaborateurs, existe depuis les années 80. Les bâtiments, vétustes, doivent être rénovés et remis au goût du jour, que ce soit au niveau de la configuration des espaces intérieurs, de l'isolation ou encore du chauffage. L'établissement est configuré en village, ce qui lui donne un cachet particulier et agréable, apprécié des personnes qui y sont hébergées, qui y travaillent ou qui s'y rendent.

Le phasage des travaux est prévu bâtiment par bâtiment, ce qui évitera de devoir déplacer dans un autre coin du canton les personnes qui y habitent, des personnes qui, compte tenu de leur handicap, sont très sensibles aux modifications de leur environnement, lesquelles peuvent se révéler néfastes pour leur santé et leur perception du monde extérieur.

Scorie parcellaire des années 80, à l'instar des pavillons de Loëx, le périmètre de La Combe est toujours situé en zone agricole. Le projet de loi 13168 de modification de zone que le Conseil d'Etat a déposé et que la commission de l'environnement a examiné permettra enfin de clarifier l'occupation du foncier. Le groupe MCG, contrairement à l'UDC, votera avec enthousiasme ces deux projets de lois et vous invite à en faire autant. Je vous remercie de votre attention.

Mme Francine de Planta (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, rénover l'institut La Combe et voter les deux projets de lois qui nous sont présentés ce soir sonne comme une évidence. Vous l'avez entendu, cette institution qui accueille pas moins de cent pensionnaires en situation de handicap, quelque 80 personnes la journée et occupe 315 collaborateurs se trouve dans un état de vétusté évident. Le périmètre est situé en zone agricole et nécessite une modification de zone. La reconstruction d'un tel bâtiment prendrait des années - n'oublions pas que nous sommes à Genève ! Ceci n'est pas envisageable, d'une part en raison de la durée des travaux, d'autre part parce qu'il n'est pas possible de déplacer la population qui occupe ces locaux.

Je m'étonne des propos de mon préopinant Florey - vous transmettrez, Monsieur le président - qui est juste devant moi et qui ose soutenir qu'il y aurait une meilleure intégration si on reconstruisait cet établissement plus près du centre-ville. Mais enfin, la commune de Collonge-Bellerive est-elle un village de trois cents âmes ? M. Florey ne sait pas que Collonge-Bellerive compte bientôt quelque 9000 habitants, que c'est une commune qui a de la vie et pour laquelle c'est un vrai privilège d'accueillir cette institution. Les pensionnaires évoluent dans un lieu idyllique, proche d'une forêt - cela a été souligné -, mais aussi à côté d'une station de bus qui permet, en deux arrêts, de se rendre à Vésenaz et surtout de cultiver des liens très forts avec la commune.

Le village de Collonge qui se situe juste à côté a développé d'importantes interactions avec les pensionnaires. Je vous donnerai juste un exemple: il y a quelques années, l'école de Collonge n'avait plus suffisamment de place pour le parascolaire à midi, eh bien les enfants sont allés pendant une année, le temps de reconstruire les locaux, manger à l'institut La Combe, et la cohabitation s'est parfaitement déroulée. Voilà un bel exemple d'intégration, et nous espérons que l'établissement restera encore longtemps à Collonge-Bellerive. Le PLR vous recommande de voter ces deux projets de lois. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne reprendrai pas les excellents arguments qui ont été développés par les deux rapporteurs respectifs, Mme Monbaron et M. Magnin, ainsi que par les deux représentants de la commission des travaux, M. Flury et Mme de Planta.

Permettez-moi juste, au nom du groupe socialiste, de répondre à l'UDC qui s'oppose à ce projet de rénovation d'un établissement oeuvrant de manière admirable en faveur des handicapés. Cela a été relevé: les résidents de l'institut La Combe ne supporteraient pas d'être déplacés. Il s'agit d'un lieu de vie, et si le choix s'est finalement porté sur la rénovation et la réutilisation du bâtiment, c'est bien parce qu'il convient de prendre en compte les besoins des personnes concernées, de travailler avec elles et de ne pas les déloger quand bien même le site est vétuste et mérite une rénovation avec des dispositifs architecturaux qui répondent à leurs besoins.

Cette démarche est tout à fait possible, et l'architecte chargé des travaux de l'institution l'a rappelé: aujourd'hui, on travaille avec le réemploi. Quand un bâtiment existe, qu'on peut en conformer l'affectation et réutiliser l'existant, eh bien on y va. C'est un procédé que le parti socialiste soutient, ne serait-ce que par respect du bâti actuel, mais aussi parce que la réaffectation permet de tenir compte des contraintes et des défis environnementaux. Je crois qu'il est bon de le rappeler.

Quant à dire qu'il faut s'opposer à la modification de zone pour garantir la souveraineté alimentaire, cet argument se passe de tout commentaire. Vraiment, c'est ridicule. Certes, ce périmètre est aujourd'hui en zone de bois et forêts ainsi qu'en zone agricole, mais il doit subir une modification de zone pour être mis en conformité car, dans les faits, il s'agit d'une zone affectée à de l'équipement public. Pour toutes ces bonnes raisons, nous suivrons la très grande majorité de ce parlement et vous invitons à dire oui à ces deux projets de lois. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. David Martin (Ve). J'aime bien mettre en évidence les quelques rares débats de cette assemblée où tout le monde est d'accord. Je rejoins les propos des personnes qui se sont exprimées avant moi et qui abondent très majoritairement dans le même sens, à savoir qu'il convient de soutenir les deux projets de lois. Cela met en évidence le fait que tout le monde est d'accord, que nous pourrions dès lors nous abstenir de mener cette discussion et traiter ces objets aux extraits.

Or ce n'est pas le cas. Pourquoi ? Parce qu'une personne dans cette assemblée a eu besoin d'occuper un peu l'espace, si j'ose le formuler ainsi: nous examinons donc aujourd'hui ces deux textes conjoints, soit une modification de zone et un crédit d'investissement. En commission, sur le crédit d'investissement, il y a eu une abstention UDC; sur la modification de zone, il y a eu un non... Non, pardon: sur le crédit d'investissement, il y a eu un non UDC et sur la modification de zone une abstention UDC, c'est-à-dire un très léger désaccord. Et c'est là où je veux en venir: tout le monde est d'accord, mais M. Florey a décidé que son avis doit l'emporter sur celui de l'ensemble des architectes et experts de l'office cantonal des bâtiments quant à la manière de traiter ce site. Excusez-moi de me montrer aussi sévère, mais je trouve que nous sommes en train de perdre notre temps avec ce débat.

J'aimerais néanmoins soulever un point, Mme Valiquer l'a fait aussi: l'UDC prétend augmenter la souveraineté alimentaire de notre canton - c'est une cause qui nous est chère, à nous, les Verts - en empêchant ce projet d'avancer. Il se trouve que ce périmètre est intégralement construit. Regardez la photo aérienne du site de La Combe et des parcelles concernées: il y a peut-être 5% d'espace par-ci, par-là où on pourrait installer un jardinet, mais en aucun cas la possibilité de transformer ces surfaces en terres cultivables permettant de fournir notre canton en alimentation.

Pour conclure, car le temps file, l'autre point de vigilance qui nous concerne, nous, les Verts, c'est le signal d'alerte de Pro Natura, qui a rappelé qu'un corridor écologique passe dans cette zone. Nous avons été rassurés dans la mesure où Pro Natura a été intégrée aux discussions sur le projet, mais notre groupe se portera garant du fait que la biodiversité soit respectée dans le cadre de la transformation du site. Nous soutiendrons ces projets de lois. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Boris Calame pour une minute et demie.

M. Boris Calame (HP). Merci, Monsieur le président. En tant qu'ancien administrateur des EPI, je ne pensais pas prendre la parole, mais je suis effaré - véritablement effaré ! - par les propos du préopinant UDC - vous lui transmettrez, Monsieur le président. Tout en respectant mon devoir de réserve, j'aimerais souligner que ces projets constituent une préoccupation majeure et prioritaire pour l'établissement de La Combe. La situation est grave et alarmante, Mesdames et Messieurs, et ce vote est primordial pour l'entier des résidents. Dès lors, je vous remercie d'avance pour votre soutien envers cette population et cette belle institution.

M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe ne s'opposera pas à ces deux projets de lois, bien au contraire. Cela étant, nous avons tout à fait le droit de discuter de ce dossier, c'est parfaitement légitime. Nous sommes un parlement, et un parlement, c'est fait pour parler.

Il faut relever que certains anciens magistrats et élus du Grand Conseil... Alors peut-être pas du Grand Conseil, car il n'a pas été sollicité au tout début, il a été sollicité pour la construction du cycle d'orientation et des EPI. Mais enfin, c'était de la zone agricole ! Il aurait pu, à ce moment-là, déclasser les terrains comme nous allons le faire ce soir, et on ne se retrouverait pas dans la situation où des personnes souffrant de handicap sont obligées d'être confinées; les architectes pourraient imaginer d'autres solutions: surélévation, démolition-reconstruction, stratégies de tiroirs - on en déplace ici, on en met d'autres là -, ce qui aurait permis de leur offrir de meilleures conditions.

En fait, on paie les erreurs du passé, pas au niveau du cycle d'orientation, parce que j'imagine qu'on va le surélever - quoique, de ce côté-là, il n'y a pas beaucoup de logements sociaux qui sont construits -, mais certains ont maintenant une arme entre les mains, à savoir qu'on se trouve en zone agricole, proche des bois et forêts et, en conséquence, ils peuvent très bien faire recours contre le déclassement et casser l'affaire.

Nous sommes donc obligés de nous limiter à ce projet qui, par ailleurs, sauvegarde l'essentiel, c'est-à-dire les conditions de vie des pensionnaires, lesquels seraient un peu déstabilisés si on adoptait une autre stratégie. Toujours est-il que les potentialités de ce terrain ne sont pas, à mon sens, à notre sens, exploitées non pas au maximum, mais disons de manière rationnelle. C'est dans cette perspective que nous voulions en parler, et je remercie celles et ceux qui nous ont permis de le faire. Il s'agit de faire en sorte que ces erreurs-là ne se reproduisent pas et qu'au final, les personnes en situation de handicap n'en subissent pas les conséquences. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci bien. Monsieur Florey, il ne vous reste plus...

M. Stéphane Florey (UDC). Je crois que j'ai été suffisamment mis en cause pour pouvoir m'exprimer !

Le président. Vous avez dix secondes.

M. Stéphane Florey. Je voudrais juste répondre à certains propos. Je suis désolé, mais certains ici sont quand même vachement mal placés pour se la ramener ! Voyez les Verts: ils s'abstiennent en commission, et puis maintenant, ils se la jouent: «Non, non, il n'y a pas de souci, on va tout voter !» Franchement, vous êtes mal placés pour donner la leçon. Je vous remercie.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, mon intervention sera relativement brève. Le débat que vous avez mené a montré tout l'intérêt de ce projet exemplaire à plus d'un titre. Exemplaire, parce que - et je m'étonne que l'UDC s'en plaigne - nous sommes en présence d'un vrai PPP, comme on dit, c'est-à-dire d'un partenariat public-privé: deux tiers des travaux de rénovation sont assurés financièrement tandis que l'Etat participe à hauteur de 35 millions, et on critique encore le fait que l'institution ait été capable de trouver des solutions; il conviendrait plutôt de saluer la démarche entreprise.

Exemplaire également dans le travail accompli, Mesdames et Messieurs les députés, pour améliorer le sort des personnes qui bénéficient aujourd'hui des prestations des EPI, respectivement de l'institut La Combe. Ce qu'il me plaît de relever encore dans ce projet, c'est le souci permanent de garantir un travail partenarial avec les associations concernées, avec les parents, avec l'ensemble de la direction afin qu'il réponde aux enjeux environnementaux, mais assure également la qualité de l'accueil.

Nous avons évoqué, et c'est très bien, le confort des bénéficiaires actuels et futurs du bâtiment, mais abordons aussi celui des collaboratrices et collaborateurs, lesquels évoluent actuellement dans des conditions insatisfaisantes pour exercer leur profession. Je rappelle à cet égard que votre parlement a montré sa préoccupation en votant, d'ailleurs assez largement, une motion appuyant les Etablissements publics pour l'intégration ainsi que leur mission. Nous nous trouvons en plein dans le sujet aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il y a une volonté largement partagée de soutenir une institution dont nous avons énormément besoin.

Je ne reviendrai pas très longuement sur le choix opéré par le conseil d'administration, sur la rénovation versus la démolition-reconstruction; ce dernier scénario n'a pas été retenu pour de bons motifs, ne serait-ce qu'en raison du montant qu'il occasionnerait, qui est strictement le même que celui envisagé au titre de la rénovation.

Celles et ceux qui doutent de l'option choisie oublient que lorsqu'on doit démolir un bâtiment accueillant du public, au-delà des éléments de perturbation qui ont déjà été cités, il se pose des questions de place. Le gouvernement n'est pas adepte des «y a qu'à»; il faut trouver des solutions, parce que démolir implique de reloger une centaine de bénéficiaires, et nous n'avons pas d'alternative à leur proposer aujourd'hui. A l'inverse, nous avons plutôt besoin de places supplémentaires. C'est la raison pour laquelle nous soutenons avec force et intérêt la rénovation ainsi que la modification de régime de zone pour permettre aux EPI, aux collaboratrices et collaborateurs de même qu'aux pensionnaires de continuer à utiliser ce magnifique bâtiment à l'avenir. Merci beaucoup de votre soutien.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix les deux projets de lois à tour de rôle.

Mis aux voix, le projet de loi 13008 est adopté en premier débat par 80 oui contre 4 non et 3 abstentions.

Le projet de loi 13008 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 13008 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 78 oui contre 5 non et 3 abstentions (vote nominal).

Loi 13008 Vote nominal

Mis aux voix, le projet de loi 13168 est adopté en premier débat par 81 oui contre 5 non et 3 abstentions.

Le projet de loi 13168 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 13168 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 81 oui contre 6 non et 3 abstentions (vote nominal).

Loi 13168 Vote nominal

PL 13096-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier le projet de loi de Caroline Marti, Jean-Charles Rielle, Thomas Wenger, Diego Esteban, Badia Luthi, Sylvain Thévoz, Xhevrie Osmani, Alberto Velasco, Emmanuel Deonna, Nicole Valiquer Grecuccio, Grégoire Carasso, Youniss Mussa, Glenna Baillon-Lopez, Amanda Gavilanes modifiant la loi sur les Transports publics genevois (LTPG) (H 1 55) (Flambée du prix de l'essence - pour une offre de déplacement bon marché et écologique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 3 et 4 novembre 2022.
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de minorité de Mme Caroline Marti (S)
M 2841-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la proposition de motion de Caroline Marti, Jean-Charles Rielle, Thomas Wenger, Diego Esteban, Badia Luthi, Sylvain Thévoz, Xhevrie Osmani, Alberto Velasco, Emmanuel Deonna, Nicole Valiquer Grecuccio, Grégoire Carasso, Youniss Mussa, Glenna Baillon-Lopez, Amanda Gavilanes : Flambée du prix de l'essence - pour une offre de déplacement bon marché et écologique applicable également dans le Grand Genève (rabais conjoncturel des tarifs des transports publics)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 3 et 4 novembre 2022.
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

Le président. Nous passons au point suivant de notre ordre du jour: il s'agit de deux objets liés, le PL 13096-A et la M 2841-A. Nous les traiterons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. Christo Ivanov pour son rapport sur les deux textes.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le PL 13096, d'après son titre, voulait combattre la «flambée du prix de l'essence - pour une offre de déplacement bon marché et écologique»: il faut bien reconnaître que ce projet de loi rate complètement sa cible. Pour commencer, le déplacement en transports publics est déjà beaucoup plus intéressant en matière de coûts, ce qui apparaît très clairement si on compare le coût d'un abonnement Unireso et celui de la détention d'un véhicule privé. A cet égard, le prix du carburant ne pèse pas grand-chose en comparaison du coût global induit par la possession d'un véhicule, qui est de l'ordre de 500 francs par mois.

Je doute cependant que les coûts actuels du carburant incitent durablement un détenteur de véhicule à s'en séparer - c'est par ailleurs un entrepreneur qui vous parle. En effet, ce détenteur cherchera peut-être à optimiser ses déplacements, ce qui est mon cas: quand il faut prendre le bus ou même aller à pied, je le fais. Mais ce qui compterait pour obtenir un vrai report modal, ce serait que les gens voient une occasion de renoncer à un véhicule privé. Il est improbable qu'une augmentation conjoncturelle du prix du carburant ait cet effet: l'effet incitatif serait supprimé si le coût de l'essence baissait par la suite, et on pourrait même dire, s'agissant de transfert modal, que la montée du prix de l'essence est plutôt une bonne nouvelle. Ensuite, on le sait, ce n'est pas en agissant sur le prix, au demeurant déjà très bas, que l'on augmente l'attractivité des transports publics.

Il existe des solutions, à savoir le dispositif mis en place pour la gratuité des transports publics lors des pics de pollution - cela existe donc déjà. La loi autorise d'ailleurs le Conseil d'Etat à fixer, sans passer par le Grand Conseil, un tarif de manière épisodique. Tout cela doit bien entendu se préparer, notamment par une convention qui doit intégrer le prix de référence pour l'essence ainsi que la compensation des pertes de recettes. En revanche, bien qu'il soit possible de passer d'un tarif à l'autre et donc de décider de mettre tout le monde au tarif réduit, ce n'est pas possible de changer la grille tarifaire elle-même, qui est fixée dans la loi. De ce fait, il ne serait pas possible techniquement d'appliquer strictement le rabais de 50% proposé; il faudrait passer tout le monde au tarif réduit, soit à 2 francs plutôt qu'à 1,50 franc.

Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des transports vous recommande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été déposé il y a quelques mois, au moment - vous l'avez toutes et tous noté - de la flambée du prix de l'essence en raison de la guerre en Ukraine et de la pénurie de carburants qui s'est ensuivie, faisant considérablement augmenter leurs prix. Pour répondre à cette situation, cet objet propose non de contrer l'augmentation des prix des carburants - nous n'avons pas cette prétention avec un projet de loi émanant du Grand Conseil genevois -, mais de permettre, dès le moment où le prix du carburant dépasse 1,80 franc le litre, soit le prix qui prévalait avant le conflit en Ukraine, que les tarifs des TPG soient automatiquement réduits de moitié.

Ce projet de loi a pour objectif principal de soutenir les familles face à l'augmentation des prix des carburants en leur garantissant un moyen de déplacement bon marché et accessible. Il est par ailleurs assorti d'un objectif secondaire, dira-t-on, ou complémentaire, et les auteurs du texte ne s'en cachent pas - c'est faire d'une pierre deux coups: encourager évidemment l'usage des transports publics, un mode de transport moins nocif pour l'environnement, et cela en comptant sur un effet levier puisque la hausse du prix des carburants devrait «naturellement», entre guillemets, et le rapporteur de majorité l'a très justement rappelé, pousser les automobilistes à réduire leurs déplacements. En réduisant les tarifs des TPG, on accentue cet effet et l'encouragement à utiliser les transports publics, au moment des prix élevés mais également sur le long terme, avec l'espoir qu'un automobiliste qui n'a pas l'habitude d'emprunter les TPG se mette à les utiliser grâce à cette réduction des tarifs, puis - l'essayer, c'est l'adopter ! - se rende compte des différents avantages que peut avoir ce mode de déplacement et continue à y recourir, même quand les prix de l'essence baissent à nouveau.

Il s'agit d'une mesure transitoire, conjoncturelle, mais qui resterait inscrite dans la loi: dès le moment où une nouvelle crise surviendrait, où une nouvelle hausse des prix de l'essence apparaîtrait, elle se déclencherait à nouveau, elle serait réactivée pour couvrir toutes les éventualités futures. Dans cette période d'inflation massive - on connaît l'augmentation des primes d'assurance-maladie, l'augmentation de tous les biens et services -, ces deux textes ont pour ambition de réduire au moins un poste de dépense pour les ménages, pour les familles genevoises: celui des déplacements, dont l'augmentation est liée à la hausse du prix des carburants. C'est pourquoi la minorité de la commission des transports vous invite à accepter ce projet de loi et cette motion. Je vous remercie.

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche est relativement déçu du traitement de cet objet par la commission des transports: pour une fois que le parti socialiste avait un embryon de bonne idée...

Des voix. Oh !

M. Pablo Cruchon. En toute amitié, en toute amitié ! ...il aurait été bon de le faire fructifier avec un travail de commission sérieux. Malheureusement, tel n'a pas été le cas. (Remarque.) Oh, ça ne vous empêchait pas de faire le travail, Monsieur Ivanov ! Pourquoi est-ce que je dis que c'était un embryon de bonne idée ? Parce qu'il y avait déjà deux choses élémentaires à la base de ce projet de loi intéressant: la première était effectivement l'idée d'agir sur la question du coût de l'essence - enfin, pas directement sur son coût, mais sur le coût pour les ménages, afin de les décharger. Et la deuxième concerne évidemment la réduction du prix des transports publics. Vous n'êtes pas sans savoir que le groupe Ensemble à Gauche est très favorable à la réduction complète du prix des transports publics, c'est-à-dire à leur gratuité: il est nécessaire que ce service public soit financé par l'impôt - par un prélèvement proportionnel au revenu -, et d'encourager réellement un transfert modal, de favoriser l'abandon des transports individuels motorisés, en faveur de modes de transport moins coûteux tant pour la collectivité que pour la planète.

Or, cet objet pose un certain nombre de problèmes: la variabilité du prix de l'essence, effectivement, et le caractère trop modeste de la réduction - nous avions proposé, durant les débats, de pouvoir décréter la gratuité lorsque le prix au litre dépassait 1,80 franc. Il aurait par ailleurs fallu aller plus loin sur la question du prix de l'essence. Néanmoins, j'ai regardé: si on avait voté pour ce projet il y a une année, les gens auraient eu droit à cette offre durant neuf mois en 2022 - je n'ai pas fait l'exercice pour début 2023, mais il aurait été intéressant. Pendant neuf mois donc, la population genevoise aurait bénéficié de tarifs réduits, voire de la gratuité, pour prendre les TPG. Nous vous invitons donc à soutenir modestement ces modestes textes, et nous vous encourageons surtout à vous mobiliser pour la gratuité des transports publics. Merci.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Par ce projet de loi et cette motion, le PS voulait continuer sa guerre pour la gratuité des transports publics; il voulait aussi surfer à bon compte sur l'actualité en Ukraine. Et en adaptant les tarifs en fonction de la variation du prix de l'essence, le parti socialiste, finalement, voulait donner à l'OPEP la possibilité d'influer sur les prix des TPG. Les TPG, justement, nous ont très clairement dit que ce n'était simplement pas réalisable: ces prix sont fixés longtemps à l'avance sur les machines et on ne peut pas, en fonction du prix de l'essence à 1,80 franc, à 1,75 ou à 1,95, s'amuser à les modifier facilement. Ce n'est donc absolument pas réaliste. Nous savons par ailleurs que ça n'aura aucun effet sur la fréquentation et que les tarifs TPG sont déjà les plus faibles de Suisse, alors qu'une hausse du prix de l'essence aura un effet éventuel sur l'usage des transports publics.

Et puis ces textes auraient évidemment un effet sur les revenus des TPG; comme vous le savez, les TPG ont été durement touchés par la baisse du prix des billets et des abonnements et ça les a empêchés, pendant de nombreuses années, de développer l'offre. Pour tous ces motifs, ces deux objets sont de très mauvaises idées qu'il convient de refuser rapidement - et je rejoindrai M. le député Martin: il faut raccourcir ce genre de débat parfaitement inutile. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Emmanuel Deonna pour deux minutes quarante.

M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Au vu de l'inflation galopante, le Conseil d'Etat à majorité de gauche a annoncé, en novembre dernier, un plan de lutte contre le renchérissement. Le plan... (Le micro de l'orateur s'éteint brusquement.)

Une voix. Tentative de censure, Monsieur le président !

Le président. Merci, Monsieur le député. (Commentaires. Un instant s'écoule.)

M. Emmanuel Deonna. Ce plan du Conseil d'Etat est basé sur la triple augmentation des subsides d'assurance-maladie, de l'allocation au logement et du forfait d'entretien. L'exécutif reconnaît la nécessité d'aider, de façon ciblée, les plus pauvres et la classe moyenne, compte tenu de la situation inquiétante et de l'aggravation des inégalités du fait de la situation géopolitique très instable.

La droite et les milieux immobiliers somment les locataires de prendre en charge l'augmentation des frais de chauffage dans des immeubles qui ne respectent pas les normes environnementales. C'est pourquoi les socialistes ont déposé deux projets de lois permettant le versement d'une allocation pour charge excessive aux locataires et une augmentation de l'impôt immobilier complémentaire pour les propriétaires des immeubles. (Commentaires.)

Comme l'a souligné la motionnaire en commission, des exemples démontrent qu'une baisse des prix des transports publics, voire leur gratuité, permet d'augmenter la fréquentation. Les trains à 9 euros en Allemagne, qui ont été pris d'assaut, en sont un bon exemple. Il y a aussi, autre exemple, la décision prise par Dunkerque de rendre les transports publics gratuits: le maire de la ville tire un bilan très positif de cette expérience. Le parti socialiste a donc bon espoir, avec cette motion et le projet de loi qui l'accompagne, de sensibiliser une plus large part de la population aux avantages des transports publics et de favoriser un transfert modal, dont nous avons maintenant le plus grand besoin face au réchauffement climatique. Je vous remercie.

M. Philippe de Rougemont (Ve). J'aimerais être d'accord avec nos cousins socialistes, mais sur ce sujet, c'est difficile. L'augmentation du coût du pétrole est très facilement prévisible: c'est une ressource qui va se tarir et les prix vont augmenter. On l'attend depuis très longtemps; ça se passe beaucoup plus tardivement que prévu, mais ça va se produire. Ces textes répondent donc à cela. Nous sommes maintenant d'accord, jusqu'au centre et à une partie de la droite, qu'il faut s'orienter vers les transports publics, la mobilité douce. On sait que c'est notre avenir. Un engin de deux tonnes qui occupe dix mètres carrés pour déplacer une seule personne, ça fonctionne encore mais ce n'est pas durable - là-dessus, on est d'accord.

Ce texte parle de coûts, alors parlons-en ! Selon les spécialistes - le TCS -, détenir une voiture coûte 11 000 francs par an. Alors 11 000 francs par an pour se déplacer, il ne faut pas être pauvre ! Il faut pouvoir se le permettre. C'est à comparer avec le prix des transports publics, qui est de 500 francs par an - je vous laisse faire le calcul si on divise par 365; en plus, la plupart des communes du canton allouent une subvention à la personne, quel que soit son revenu, pour descendre jusqu'à 350 ou 400 francs. L'abonnement Unireso, pour tout le réseau et toute l'année, coûte par conséquent environ vingt-deux fois moins cher que de détenir une voiture.

Est-ce qu'il faut donc protéger des ménages qui devront débourser 1,80 franc le litre ou plus pour se déplacer en voiture - ça coûte 11 000 francs par an et tout le monde ne peut donc pas se le permettre - dans un canton où on a littéralement investi des milliards pour les transports publics et maintenant aussi - nous avons voté, il y a quelques semaines, un crédit d'études de 20 millions - pour des voies cyclables ? Le choix du mode de transport existe ! Et il se développe de plus en plus avec les pistes cyclables. On a donc le choix; ce n'est pas comme si on était dans un désert de transports publics, à l'image de la France, et que tout un chacun était contraint de détenir et d'utiliser une voiture pour aller au travail, faire ses commissions, visiter la famille, etc. On n'est pas dans cette situation-là, on est dans le canton de Genève.

Que se passera-t-il si ces textes, si le projet de loi ou la motion, débouchent sur une réalisation ? Eh bien, neuf mois par an - disons que c'est neuf mois par an -, on enlève aux transports publics les millions qui leur parviennent par le biais de la billetterie et des abonnements. On est à 120 millions par an: si on compte les deux tiers, il y a dans les 80 millions qui partent ! Le contrat de prestations entre l'Etat et les transports publics sera-t-il assurément garanti ? Est-ce que c'est garanti qu'on arrive à augmenter le nombre de lignes de transports publics, à étendre les horaires dans la nuit et les cadences ? Non, ce n'est pas garanti ! Est-ce qu'on va risquer le développement de cette belle envolée des transports publics dans notre canton ? Je pense que ce serait une erreur.

Vous m'avez compris, la relève des transports individuels motorisés est là et, pour financer le développement des transports publics, elle ne passera pas par une baisse des subventions ni par une baisse de la billetterie. Merci.

M. Souheil Sayegh (PDC). Monsieur le président, chers collègues, pour revenir au projet de loi et à la motion, qui ont été traités en commission, le PDC-Le Centre vous recommandera également de rejeter ces deux propositions. Nous n'avons pas été convaincus, en commission, de l'utilité de la mesure. On le voit rien qu'aujourd'hui: le prix de l'essence est redevenu normal. Et nous n'avons pas été convaincus, en fin de compte, que nous aurions assisté à un report modal, que des personnes auraient abandonné leur véhicule pour un transport en commun à moitié prix.

Nous avons été persuadés que cette mesure allait bénéficier à ceux qui détiennent déjà des abonnements plutôt qu'à de nouveaux utilisateurs. Puis nous ont été exposées les difficultés à gérer les abonnements pris avant la période du rabais ou pendant cette période-là; on s'est rendu compte que ça allait encore compliquer les choses. Sans parler des défis soulevés par M. de Rougemont précédemment - les défis des TPG dans les années à venir: on parle d'augmentation des lignes, d'augmentation des cadences et aussi de transition énergétique, de passer du diesel à l'électrique. Tout cela mérite subventions et argent comptant, et ce n'est pas en diminuant leurs revenus qu'on facilitera cette transition.

C'est vraiment dommage d'assister à un discours culpabilisant, dans le genre: ok, vous n'acceptez pas de diminuer le prix du billet, donc vous n'êtes pas pour les ménages - vous êtes les méchants, vous n'êtes pas pour le pouvoir d'achat. On a entendu parler de l'immobilier, on a entendu toutes sortes de digressions. Nous, au PDC, nous sommes par exemple pour la souveraineté alimentaire, pour le congé parental, ou encore pour la lutte contre l'obésité; j'aurais pu les placer ici, il me reste quelques minutes, mais je préfère me focaliser sur ces objets, que nous avons décidé, au fil des auditions, de refuser. Je vous remercie pour votre attention.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je trouve qu'on est dans un débat qui est quelque part complètement lunaire. Vous savez très bien que, en tout cas dans notre canton et certainement ailleurs aussi, la baisse du prix des transports publics, même de moitié - même leur gratuité -, n'amène pas de transfert modal, ou seulement quelques piétons qui avant se déplaçaient à pied et prendront alors les transports publics. Vous le savez; ça a été prouvé par les études des TPG et lors de la baisse du prix. Justement, quand on est passé à 3 francs la course, les TPG, ou certains ici, espéraient que, du coup, ce serait la ruée sur les abonnements. Vous avez bien vu que ça n'a pas été le cas et que ça a entraîné une baisse des recettes des TPG.

Ce n'est donc pas la bonne solution si vous voulez opérer un transfert modal ! Vous vous trompez complètement et je pense que c'est la raison pour laquelle il faut évidemment rejeter cette motion et ce projet de loi, qui n'ont pas de sens. D'autant plus que l'idée de réduire de moitié le prix des TPG tant que l'essence est à 1,80 franc ne tient vraiment pas la route; je ne sais pas qui a eu cette fausse bonne idée !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la rapporteure de minorité pour cinquante secondes.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, plusieurs orateurs ont mentionné que la mesure ne serait pas efficace pour opérer ce transfert modal. Il suffit de jeter un coup d'oeil à ce qui s'est fait dans d'autres pays, aux alentours, qui ont mis en place ce type de mesure au moment de l'augmentation du prix de l'essence: leurs transports publics ont été pris d'assaut, ont été surchargés. Le moins qu'on puisse dire... (Commentaires.) Ce n'est pas que ça ne marche pas: en l'occurrence, ils se sont plutôt retrouvés avec le problème inverse, à savoir un réseau qui ne permettait pas d'absorber cette hausse considérable de la demande en matière de transports publics.

Je voudrais par ailleurs vous indiquer que nous étions parfaitement prêts à essayer de trouver un compromis, en commission, notamment à ne pas réduire de moitié les prix des TPG mais simplement appliquer le tarif réduit, qui n'est pas tout à fait un tarif réduit de moitié. Ça, c'est extrêmement facile à mettre en oeuvre, dans la mesure où il est prévu de le faire dès le moment où il y a des pics de pollution. Si on le fait en cas de pics de pollution, on peut aussi le faire en cas de hausse du prix de l'essence !

Et puis je rappelle également, pour conclure, que la mobilité est un besoin. C'est un besoin pour tout un chacun et, de ce fait, il doit véritablement devenir un droit. Et qui dit droit à la mobilité, dit responsabilité de l'Etat d'assurer l'accès à la mobilité pour toutes et tous. Pourtant, un certain nombre de personnes, ne pouvant pas payer les billets de bus, ont écopé d'amendes, qui se sont accumulées. Dans l'impossibilité de payer ces amendes, elles se sont retrouvées...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la rapporteure.

Mme Caroline Marti. Merci, Monsieur le président. Pour continuer à défendre cet embryon de bonne idée, et toujours en toute amitié, je propose de prendre sur le temps de parole qu'il reste à Ensemble à Gauche... (Rires. Commentaires.)

Des voix. Excellent !

Mme Caroline Marti. ...pour vous indiquer que certaines personnes... (Commentaires. Rires.)

Le président. C'est bon, merci. Il vous faut conclure, Madame la rapporteure.

Mme Caroline Marti. ...que certaines personnes se sont retrouvées en prison, à Champ-Dollon, pour amendes impayées. Ce n'est pas pour le plaisir de visiter la prison ni par flemmardise au moment de régler leurs amendes: c'est arrivé parce qu'elles n'avaient pas les moyens de payer ces déplacements.

Le président. Merci, c'est terminé.

Mme Caroline Marti. Raison pour laquelle nous continuerons à militer pour des prix des transports publics accessibles ! Je vous remercie. (Remarque.)

Le président. Merci. Je passe maintenant la parole à... Madame Fabienne Monbaron, est-ce qu'il vous reste du temps ? Une minute ! Allez-y.

Mme Fabienne Monbaron (PLR). Merci, Monsieur le président. Je voulais quand même relever qu'il apparaît, avec le tarif des abonnements annuels, qu'un adulte peut actuellement se déplacer pour 1,40 franc par jour... (Remarque.) ...ou pour 1,35 franc, sur tout le réseau, pendant vingt-quatre heures - ou pour 2 francs s'il ne se déplace que cinq jours par semaine. Par ailleurs, si on rajoute à cela les subventions des communes, les coûts journaliers sont largement inférieurs. Il me semble donc qu'avec les prix que je viens de vous citer et qui sont, mon collègue de Senarclens vous l'a dit, les plus bas de Suisse, la population du canton de Genève n'est pas prétéritée par rapport à celle des autres cantons.

Je pense vraiment que ce projet est une mauvaise idée: les TPG ont besoin d'être financés de façon pérenne et il serait ridicule de baisser ces tarifs au moment où leurs coûts augmentent. Les TPG ont rencontré des difficultés en 2014, lors de la baisse des tarifs, et ils sont déjà endettés à hauteur de 900 millions; il faut donc leur laisser les moyens d'augmenter leur offre, ce qui sera au bénéfice de toute la population, et refuser ces textes.

Une voix. Bravo.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Avec le PL 13096, le manque à gagner pour les TPG serait de l'ordre de 30 millions de francs. S'agissant de la motion, c'est non, car les TPG ont besoin d'être financés de façon pérenne et ce financement ne peut pas être ajusté ainsi, en fonction du prix de l'essence. La majorité de la commission des transports estime que derrière ce projet de loi se cache la volonté des signataires d'aller vers une gratuité des transports publics.

Une voix. Mais non !

Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.

M. Christo Ivanov. Merci, Monsieur le président. Or, ce service a un coût: les baisses de tarif en 2014, ma préopinante l'a dit, avaient déjà posé d'énormes problèmes en matière de financement des TPG, qui s'étaient répercutés sur l'offre. Ce n'était évidemment pas la direction dans laquelle il fallait se diriger. Il faut de surcroît que les TPG investissent et il faut pour cela leur donner les moyens d'être ambitieux. Enfin, comme en 2014, une telle réduction n'aurait aucun effet sur l'utilisation des TPG. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des transports vous demande de refuser l'entrée en matière sur le projet de loi et la motion. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote. (Remarque.) Le Conseil d'Etat renonce, apparemment.

Une voix. Vote nominal ! (Remarque. Rires.)

Le président. C'est déjà un vote nominal. (Remarque.) Ah, pour l'entrée en matière sur le projet de loi ? Ok. Etes-vous suivie ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 13096 est rejeté en premier débat par 39 non contre 32 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Mise aux voix, la proposition de motion 2841 est rejetée par 40 non contre 22 oui et 13 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

PL 13110-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion de l'Aéroport international de Genève pour l'année 2021
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 15 et 16 décembre 2022.
Rapport de M. André Pfeffer (UDC)

Premier débat

Le président. Nous poursuivons avec le PL 13110-A qui est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. André Pfeffer, à qui je cède la parole.

Une voix. Il est onze heures moins le quart !

Le président. Comme il nous reste peu de temps, Monsieur Pfeffer, je vous conseille d'être rapide, nous pourrons ainsi terminer à l'heure. Allez-y.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi concerne la gestion de l'aéroport pour 2021, une année encore touchée par la crise sanitaire. Le nombre de passagers était de 5,9 millions, ce qui est quasiment similaire à l'année 2020, mais pratiquement trois fois inférieur à 2019, c'est-à-dire à la période avant le covid. Pour rappel, notre aéroport a pu conserver ses collaborateurs en grande partie grâce aux RHT et à la ligne de crédit de 200 millions votée fin 2021.

Afin de diminuer les nuisances pour les riverains, l'AIG a entrepris plusieurs actions. L'une d'entre elles consiste en la diminution des taxes aéroportuaires, qui peuvent baisser jusqu'à 40% pour la réduction du bruit et jusqu'à 20% pour la réduction des émissions de CO2. Le nombre d'avions de dernière génération a progressé depuis 2019: en pourcentage, il est passé de 18,75% à 22%. Cette amélioration est importante et va dans le bon sens. Dans la lutte contre les nuisances pour les riverains, l'effort financier de notre aéroport est conséquent. Par exemple, une compagnie passant d'un A330 à un 787 gagne 600 000 francs par année avec un vol journalier.

La majorité de la commission vous recommande d'accepter ce rapport de gestion pour l'année 2021. Merci de votre attention.

Une voix. Bravo.

M. Pierre Eckert (Ve). Je vais essayer d'être bref et de ne pas répéter ce que j'avais déjà relevé à propos du rapport d'activité 2020, puisque la situation en 2021 était assez analogue à celle de 2020, avec un trafic aérien extrêmement réduit. Cette gestion, je le répète, a été menée dans le cadre d'un trafic aérien extrêmement réduit.

Cela étant, comme je l'avais souligné s'agissant du rapport 2020, on peut tout de même s'inquiéter du fait que dans ce contexte difficile pour l'aéroport, on n'ait pas pris un certain nombre de mesures stratégiques concernant le développement de l'AIG qui, à l'avenir, se retrouvera dans une situation assez différente de celle d'avant la crise; ce redéploiement stratégique n'a pas été pris en compte.

Il n'a pas été pris en compte, parce que l'on continue à tabler sur une énorme croissance du trafic aérien. La fiche PSIA établie dans les années 2017-2018 vise 25 millions de passagers par année. On peut dire ce qu'on veut, on peut diminuer le bruit et la quantité de CO2 émise par avion, ainsi que le rapporteur l'a souligné, mais en augmentant le trafic, en le multipliant d'un tiers, eh bien toutes ces améliorations technologiques seront contrebalancées.

Je regrette par ailleurs qu'il ne soit fait aucune mention dans le rapport de gestion des nombreux conflits sociaux qui sont survenus au sein de la plateforme, je pense qu'on pourrait au moins évoquer ces questions quand on produit un tel document

L'un dans l'autre, une partie du groupe estime que ce rapport d'activité est suffisant, que l'aéroport a été géré de façon convenable eu égard à la situation de crise; l'autre partie votera non, jugeant qu'on n'a pas pris en considération l'ensemble des éléments négatifs en lien avec cette infrastructure. Je vous remercie.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, le groupe démocrate-chrétien-Le Centre vous recommande d'accepter ce rapport de gestion. Je ne reviendrai pas sur les avis exprimés par le rapporteur. Le problème n'est pas là; une autre question se pose s'agissant de l'ensemble des entités et de leurs rapports de gestion respectifs, sur lesquels nous nous prononçons de façon régulière. A la fin de l'année passée, nous avons traité les rapports d'activité de l'aéroport pour 2018, 2019 et 2020 lors d'une seule séance alors que nous étions en 2022. Nous sommes en 2023, nous examinons un rapport qui concerne 2021, une année très particulière.

Cette façon de procéder illustre le mauvais fonctionnement de notre Grand Conseil. Il faut à tout prix que nous arrivions à adopter en plénière les rapports - qui sont d'ailleurs distribués par les structures dans des délais tout à fait raisonnables - beaucoup plus rapidement, l'année qui suit leur publication, afin que nous ayons une image sérieuse. Nous nous prononçons aujourd'hui sur une gestion qui était frappée de plein fouet par la crise du covid, cela n'a aucun sens et ne correspond à rien du tout, ce n'est plus en lien avec l'actualité. Je demande au Bureau qu'il fasse le nécessaire pour qu'on parvienne à mieux gérer ce genre de texte. Je vous remercie.

M. Jean Burgermeister (EAG). L'année 2021 a aussi vu éclater un nouveau conflit social à l'aéroport, celui des salariés de Swissport, et ce n'est pas une coïncidence, ce n'est pas un hasard. En réalité, la plateforme aéroportuaire est le théâtre d'une grande partie des conflits sociaux de ce canton: environ un tiers chaque année. Cela ne peut pas être une coïncidence, il y a réellement une absence de volonté de la part des dirigeants de l'AIG, mais aussi du Conseil d'Etat, de résoudre la question sociale au sein de la structure.

Par ailleurs, en 2020 comme en 2021, l'unique préoccupation, à la fois de Genève Aéroport et du Conseil d'Etat, a été de retrouver les rythmes du trafic aérien qui étaient ceux d'avant la crise covid. Or, on le sait, l'accroissement continu du trafic aérien est un facteur qui favorise le réchauffement climatique, qui contribue au développement de pandémies comme celle que nous avons connue avec le covid. En effet, l'augmentation constante des échanges internationaux facilite la dispersion des virus. Il est donc absurde qu'au sortir de cette crise, nous n'en tirions aucune conclusion. Tout ce que nous proposent le Conseil d'Etat et l'aéroport, c'est de continuer à avancer très vite dans le mur.

Mesdames et Messieurs, parce qu'il n'y a aucune volonté de résoudre le problème social sur la plateforme, parce qu'il n'y a aucune volonté de régler la question environnementale qui se pose avec l'aéroport, nous refuserons ce rapport. En matière de gestion de l'AIG, nous proposons deux choses: d'une part que l'aéroport soit intégré pleinement au service public, c'est-à-dire au giron de l'Etat, d'autre part de planifier au plus vite la décrue massive du trafic aérien. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jacques Béné (PLR). Je n'entendais pas intervenir, mais étant donné que M. Burgermeister évoque les conflits sociaux sur la plateforme, j'aimerais rappeler que des contrats types de travail ont été édictés... (Remarque.)

Une voix. Mais tais-toi !

M. Jacques Béné. Je précise également que ces conflits sociaux auraient pu être résolus d'une autre manière si les syndicats avaient accepté la proposition d'une discussion paritaire avec les entreprises et les syndicats. Or les syndicats ont renoncé à s'engager; évidemment, il est beaucoup plus intéressant de faire du bruit en manifestant devant l'aéroport que de participer à des séances de conciliation afin de trouver des solutions.

Maintenant, en ce qui concerne la question environnementale, certes, il y a un problème, mais comme pour toutes les entreprises ! Les efforts déployés par Genève Aéroport sont conséquents, Mesdames et Messieurs: la connexion à GeniLac sera bientôt activée, 50 000 mètres carrés de panneaux photovoltaïques seront installés, 90% des engins circulant sur le tarmac seront électriques d'ici 2030... Sans parler des éléments soulignés par le rapporteur.

Cela étant, je pense - vous l'avez lu dans la presse ces derniers temps, il s'agit d'un enjeu majeur - que l'aéroport va devoir faire des efforts beaucoup plus importants en matière de communication ces prochaines années pour que tout le monde soit convaincu de son utilité, que tout le monde soit convaincu qu'il y a quelque chose à faire, non pas en faveur d'une décroissance, bien évidemment - vous transmettrez à M. Burgermeister, Monsieur le président -, mais en vue d'une croissance modérée qui corresponde aux besoins de la population de toute la région.

L'AIG est une infrastructure d'intérêt national, soumise aux règles édictées par la Confédération, il ne peut pas faire ce qu'il veut en matière de développement, il doit suivre les normes fixées par la Confédération. Je pense que ce n'est pas un développement à outrance qu'il nous faut, mais un développement raisonné. Encore une fois, une vraie communication entre l'aéroport, les communes concernées et la population devra être mise en place, certainement d'une autre manière que ce qui a été fait jusqu'à présent. Je vous remercie, Monsieur le président. Nous accepterons bien entendu ce rapport de gestion.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur. Juste un mot pour répondre: notre aéroport a développé des actions stratégiques, contrairement à ce qui a été soutenu. La première est de favoriser des avions émettant moins de bruit et polluant moins en accordant des rabais sur les taxes aéroportuaires. Comme je l'ai déjà souligné, il s'agit d'efforts très conséquents. En outre, plusieurs mesures ont été prises dans le domaine de la mobilité. (Commentaires.)

En ce qui concerne le personnel de l'aéroport et les entreprises établies sur le site (1000 collaborateurs de l'AIG et environ 11 000 employés des entreprises), il faut signaler non seulement qu'il n'y a pas de dumping salarial, mais surtout que notre aéroport vient de vivre une période extrêmement difficile, avec une chute de son occupation de deux tiers par rapport à la situation avant la crise. (Commentaires.) Pour toutes ces raisons, il faut vraiment accepter ce projet de loi et...

Une voix. C'est bon, André !

M. André Pfeffer. Voilà, merci.

Le président. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée, nous procédons au vote.

Une voix. Quelle efficacité redoutable !

Mis aux voix, le projet de loi 13110 est adopté en premier débat par 47 oui contre 16 non et 6 abstentions.

L'article unique du projet de loi 13110 est adopté en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 13110 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 49 oui contre 17 non et 8 abstentions (vote nominal).

Loi 13110 Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs, je vous souhaite une bonne rentrée chez vous et vous donne rendez-vous demain à 14h pour la suite de nos travaux. Bonne nuit !

La séance est levée à 22h55.