République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 janvier 2023 à 20h30
2e législature - 5e année - 9e session - 51e séance
IN 185-B
Débat
Le président. Nous passons à l'IN 185-B et sommes toujours en catégorie II, soixante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Yvan Zweifel.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. A propos de l'initiative précédente, on nous a expliqué en long et en large, en particulier sur les bancs de gauche, que le titre était trompeur. Mais que dire alors du titre de l'initiative 185, «Pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes» ? «Une contribution temporaire»: nous allons le voir tout à l'heure, il y a trois mesures dans cette initiative; une seule est temporaire, deux sont pérennes, notamment celle qui vise à matraquer fiscalement un certain nombre de contribuables, en particulier les entrepreneurs et les patrons de PME.
On dit que c'est une «contribution temporaire de solidarité», en sous-entendant peut-être que les personnes aujourd'hui fortunées dans ce canton ne sont pas solidaires, alors que nous sommes précisément dans le canton où les plus riches sont les plus solidaires: il faut rappeler ici que 3% des contribuables paient 84% de l'impôt sur la fortune et que 4% des contribuables paient 50% de l'impôt sur le revenu, des proportions inimaginables dans les autres cantons. Nous avons ici les personnes fortunées les plus solidaires de tout le pays, avec les taux d'impôt sur la fortune et sur le revenu maximum qui sont les plus élevés de tout le pays.
On dit ensuite que c'est une «contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes», en sous-entendant que les seuls qui seraient touchés sont les plus riches de ce canton. Eh bien, là encore, l'administration fiscale, qui nous a fourni des chiffres - vous les trouvez dans mon rapport -, est extrêmement claire: sur la période de dix ans - la partie dite temporaire -, sur les 200 millions escomptés par les initiants, 133 millions, c'est-à-dire deux tiers, seraient payés par les entrepreneurs, les patrons de PME, ceux qui créent de la valeur dans ce canton, ceux qui créent des emplois, ceux qui créent de la richesse.
Et puis, après dix ans, lorsque persistent les deux autres mesures, sur les 72 millions alors escomptés, 65 millions sont payés par les entrepreneurs; 91% de l'augmentation est payée par les patrons de PME, alors que les initiants eux-mêmes nous expliquent que «non, non, on voulait toucher les plus riches qui fument des cigares avec des hauts-de-forme en regardant les employés se tuer à la tâche, mais surtout pas les patrons d'entreprises, qui effectivement créent de la richesse et de l'emploi dans ce canton». Par conséquent, l'initiative, le titre, absolument tout à part le premier mot, est mensonger; rien à voir avec l'initiative précédente.
Par ailleurs, lorsqu'on lance ce genre d'initiatives, il est évidemment intéressant de savoir ce qu'il se passe pour les personnes les plus impactées - tout à l'heure, on aura droit à un cours de vocabulaire par M. Vanek; moi je maintiens qu'«impacter» est effectivement important - et la question se pose ici. On l'a posée à l'administration fiscale, qui a été claire sur ce point également: si les dix personnes - dix personnes, cela représente 0,002% de la population ! - les plus impactées venaient à quitter le canton... Alors on ne se mettra pas d'accord avec la gauche pour savoir si elles partiraient ou si elles ne partiraient pas, mais lorsqu'on fait de la politique, gouverner, c'est prévoir, comme disait l'autre, et il faut se demander s'il y a une probabilité qu'elles partent ou pas. On ne sera pas d'accord, pas de souci, mais la question, c'est: si elles partent, quel sera l'impact de ce départ ?
Je vous donne les chiffres: si les dix personnes les plus impactées - qui ne sont pas forcément les plus riches, je le répète encore une fois, cela peut être des entrepreneurs, qui ne sont pas forcément les plus fortunés - quittent ce canton, on perd 20% des 200 millions escomptés de l'initiative. Enfin, on ne les gagne pas, en l'occurrence ! Et on perd ce qu'elles paient aujourd'hui réellement, au titre de l'impôt sur la fortune comme au titre de tous les autres impôts. Ces dix personnes paient 186 millions d'impôt, soit 18,6 millions par personne.
Que représentent ces 186 millions ? Vous retrouvez l'information à la page 11 de mon rapport: cela représente tout simplement l'équivalent du salaire et des charges patronales de 1240 ETP de l'Etat, c'est-à-dire 7% du total des fonctionnaires du petit Etat; leurs salaires et leurs charges sociales sont payés par seulement dix personnes dans ce canton. 186 millions représentent aussi l'intégralité des subsides d'assurance-maladie supplémentaires votés par le peuple en mai 2019, dans le cadre du contreprojet à l'initiative 170. Ce montant, pour rappel, c'était un accord entre la gauche - qui a lâché tout le monde en rase campagne - et la droite, qui visait à faire passer le nombre de bénéficiaires de ces subsides de 53 000 à 140 000. On va donc expliquer à ces 87 000 personnes supplémentaires qui, grâce à ce vote et à ce contreprojet, aujourd'hui bénéficient de 186 millions de subsides, qu'elles peuvent les oublier; la gauche ira leur expliquer cela.
Ces 186 millions représentent également 18% de la participation de l'Etat au budget des HUG. Tout ça, payé uniquement par dix personnes, ces dix personnes conspuées aujourd'hui et sur lesquelles on crache. Tout à l'heure, les rapporteurs de minorité auront l'occasion de le rappeler. On ne peut pas mener cette politique et prendre un tel risque, avec seulement dix personnes qui partiraient. Si on prend les vingt personnes les plus touchées, c'est une perte sèche de 241,6 millions - on a déjà effacé tout le gain potentiel de l'initiative -, et si cinquante personnes s'en vont, de 310 millions. Cette initiative, c'est tout simplement de la folie pure !
Et puis, les initiants aiment nous expliquer qu'ils souhaitent avoir une plus grande égalité, parce que les inégalités sont trop fortes. Mais quand cette initiative aura eu pour effet de faire baisser l'impôt de 91% des personnes qui aujourd'hui paient un impôt sur la fortune - tant mieux pour elles ! -, mais, en contrepartie, de faire augmenter de plus de 50% celui de 9% des contribuables qui paient aujourd'hui un impôt sur la fortune, et quand ces derniers partiront, que va-t-il se passer ? Ce sont les contribuables moyens, ceux de toutes les autres classes sociales, qui devront payer. A la question posée à l'administration fiscale - si les dix contribuables les plus impactés partent, combien faudrait-il de contribuables qui paient un impôt moyen ? -, la réponse est 15 341 ! 15 341 ! Si les vingt contribuables les plus touchés partent, il en faudra 19 926. Si les cinquante contribuables... (Rire.) Cela fait rire M. Vanek, il rira moins tout à l'heure ! ...les plus touchés partent, il faudra 25 600 contribuables pour les remplacer. Cette initiative, c'est tout simplement de la folie pure ! En réalité, lorsque ces personnes partiront, tout cela se répercutera sur le reste des contribuables, en particulier sur la classe moyenne. (Remarque.)
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Yvan Zweifel. Oui, je termine tout de suite. Cela aura effectivement pour effet de réduire les inégalités, mais ce sera une augmentation gigantesque des impôts de la classe moyenne. Finalement, cette initiative - et je conclus là-dessus - illustre parfaitement cette maxime de Winston Churchill: le capitalisme est une inégale répartition des richesses, le socialisme est une égale répartition de la misère. (Remarque.) C'est exactement ce qu'il se passera avec cette initiative. La majorité raisonnable et responsable de la commission fiscale vous invite à la rejeter avec fermeté, ainsi que tout contreprojet. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Je riais en effet, parce que j'admirais la virtuosité du député en face, qui alignait des «si» et qui bâtissait des scénarios hypothétiques, relevant d'un autre monde. Un monde qu'il essaie systématiquement de construire, chaque semaine, à la salle des Fiefs, où se réunit la commission fiscale, un monde alternatif où les pauvres, ceux qui sont malheureux, menacés, etc., ce sont les très riches, constamment sur le point de fuir les rives du Léman, de partir vers d'autres cieux. Le problème, c'est que cet élément de construction là est purement hypothétique et ne correspond pas à la réalité. J'ai eu le plaisir d'être élu dans cette salle en 1993 et j'entends depuis la dernière décennie du siècle dernier les menaces de riches qui vont partir, qui vont fuir, et on se retrouvera dans une misère noire, mais la réalité est différente ! (Remarque.) La réalité est différente !
Le 31 décembre, la «Tribune de Genève» reproduisait un article du journal «Bilan» - sérieux, ce n'est pas un organe d'extrême gauche ! - qui expliquait que toutes sortes de contribuables britanniques fortunés venaient s'installer à Genève, fuyant le reliquat du conservatisme anglais qui gouverne comme une poule sans tête la Grande-Bretagne pour encore un moment, qui supprime des impôts, les réintroduit, etc. La «Tribune de Genève» décrivait l'attractivité de Genève à travers notamment notre ancien collègue Bénédict Fontanet, qui dépeignait le havre de stabilité politique et fiscale qu'on trouve à Genève, des collectivités publiques financièrement solides, etc., etc., qui expliquent l'attrait de Genève. Les riches viennent donc ici. Les riches viennent, viennent, viennent ici, parce qu'on leur fait des cadeaux fiscaux en or massif ! (Commentaires.) Et il s'agit simplement de retourner un tout petit peu - c'est de l'homéopathie, cher ami ! - les choses dans l'autre sens et de prélever une contribution temporaire de solidarité très très modeste sur ces grandes fortunes.
Pourquoi est-il parfaitement légitime de parler de contribution temporaire ? Vous avez les chiffres dans les éléments de l'administration fiscale: pendant les dix premières années, environ 200 millions pour le canton et 50 millions pour les 45 communes sont prélevés. Après cette période, cela descend respectivement à 66 et à 12 millions; la grande majorité de la contribution supplémentaire obtenue grâce à cette initiative est en effet temporaire. Il y a quelques aspects positifs qui effectivement perdureront, mais enfin, ce n'est pas un problème.
D'autres éléments plaident en faveur de cette initiative. C'est l'impérative nécessité pour notre collectivité publique d'avoir des moyens face à la crise, face à la crise économique, face aux besoins en matière de protection de l'environnement et de transition écologique, face aux questions de santé et de formation, etc., de faire rentrer quelques recettes supplémentaires. Alors vous dites: «Merci, mais il n'y en a pas besoin ! Il n'y en a pas besoin !» Cela signifie que vous ne reconnaissez pas les besoins, justement - c'est le bon mot que vous avez employé, «sotto voce» -, de la population dans une toute série de domaines, qui sont croissants et auxquels notre collectivité ne peut pas répondre si elle n'a pas ces quelques moyens supplémentaires que, raisonnablement, les personnes concernées... Parce que vous peignez ce diable de la fuite de ces contribuables, or certains millionnaires - il y en a un qui manifestait à Davos l'autre jour, vous l'avez vu - réclament une taxation supplémentaire raisonnable, car ils se rendent compte que les conditions d'existence ne peuvent pas supporter cette polarisation constamment accrue ! Vous déplorez cette pyramide fiscale qui fait que peu de gens paient beaucoup et que beaucoup de gens paient peu. Mais enfin, cette pyramide fiscale n'est que le reflet des inégalités croissantes dont vous savez très très bien qu'elles sont documentées à l'échelle fédérale ! L'indice de Gini - qui concerne les inégalités en matière de fortune - est pour Genève de, quoi ? 0,9 ? 0,92 ?
Une voix. Pratiquement 1 !
M. Pierre Vanek. Pratiquement 1 ! C'est pratiquement le maximum ! C'est donc une inégalité massive, contre laquelle, très modestement, cette initiative intervient.
Ensuite, simplement, sur les éléments factuels. S'agissant des contribuables genevois, pour prendre les très riches, ceux que vous présentez quelque part comme les pauvres victimes, qui détiennent plus de 100 millions de fortune imposable déclarée et parfois beaucoup plus, vous le savez bien, vous le savez encore mieux que moi, l'administration fiscale nous annonce 124 contribuables dans cette situation. La contribution supplémentaire de toutes ces personnes fortunées réunies induite par l'initiative durant les dix premières années - donc la période durant laquelle, précisément, le surcoût temporaire s'impose - se monterait à 96,6 millions de francs par an. On voit l'aspect extrêmement modeste de la contribution qui est demandée et l'aspect éventuellement abusif de votre démonstration sur les départs ! Parce que vous faites une démonstration pseudo-logique en disant...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Pierre Vanek. Oui, oui, je vais m'arrêter ! (Remarque.) ...qu'elles risquent de partir, mais je peux faire une démonstration analogue à votre égard ! Je pourrais dire que si mon ami Zweifel en face, au lieu d'être le sympathique jeune homme que je vois, était un fou furieux, eh bien, il faudrait l'enfermer ! Il faudrait l'enfermer, parce qu'il représenterait un danger réel ! Un danger réel pour mon ami Guinchard... (Rire.) ...un danger pour les députés autour de lui ! (Rire. Commentaires.) Il faudrait l'enfermer ! Et je fais une discussion autour de... (Commentaires.) Non, mais il y a un proverbe qui répond à ça: «Avec des si» - avec des si, Monsieur le député ! -, «on mettrait Paris en bouteille.» Paris est mieux à l'air libre et nos riches cohabitants du canton peuvent parfaitement payer ce qu'on leur demande. C'est indispensable pour les services publics, les prestations sociales et toute une série d'autres domaines d'intervention - dont le nombre a nécessairement augmenté - de la collectivité.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative est raisonnable. Elle propose que les fortunes de plus de 3 millions soient soumises durant dix ans seulement à une contribution de solidarité de 2,5 pour mille; elle propose également que le bouclier fiscal soit adapté, le rendement net de la fortune passant de 1% à 2%.
Cette initiative va dans le sens de ce que préconisent le FMI, Oxfam - vous avez certainement vu récemment le rapport d'Oxfam qui dit, en gros, que suite à la crise du covid et à la crise d'Ukraine, les collectivités publiques doivent éponger les dettes, doivent assurer leur pérennité et leur stabilité en imposant davantage les grandes fortunes. Ce n'est pas une initiative d'une gauche radicale, isolée, passéiste. C'est une initiative qui va dans le sens de ce que demandent le FMI, Oxfam, d'autres entités et les millionnaires eux-mêmes.
Il y a un mouvement appelé «Tax me now» de millionnaires qui disent: «Nous sommes prêts à payer davantage.» Warren Buffett, aux Etats-Unis, le disait: «Je paie proportionnellement moins d'impôts que ma secrétaire.» Il y a un mouvement général, Monsieur Zweifel, qui demande cela et vous avez refusé... Peut-être que vous, vous vous êtes abstenu, mais la majorité de la droite a refusé d'entendre ces millionnaires qui auraient pu venir nous dire qu'ils ne sont pas contre ce genre d'initiatives. Ceux qui sont contre, ce sont certains groupes politiques, certains groupes liés à des réseaux de fiscalistes, d'avocats, de banquiers privés qui tirent profit d'une imposition «soft», parce qu'ils ont des mécanismes d'évasion fiscale, de protection des millionnaires, qu'ils s'enrichissent sur ces millionnaires qui, eux, ne verraient peut-être guère de différence entre payer un fiscaliste ou payer l'Etat, sauf que cela ferait une énorme différence pour les habitants, pour la population qui, elle, se trouve dans un moment particulièrement difficile - je ne vous ferai pas un long discours sur l'augmentation des charges et du coût de la vie, sur la diminution du pouvoir réel d'achat -, dans un moment où l'Etat doit répondre présent et doit pouvoir assurer des services de base pour une population qui se trouve dans une souffrance certaine.
M. Zweifel a essayé de nous jouer la corde sensible des PME. C'est une corde éculée, répétitive, peut-être la seule que le PLR sait jouer, mais elle est, une fois de plus, erronée. Cette initiative engendre une baisse d'impôt pour 90% des personnes qui paient un impôt sur la fortune. Ce sont uniquement les plus fortunés, les plus riches qui verront leur contribution augmenter, et ça, c'est avéré et attesté. Simplement, il parle des entrepreneurs, de quelques entrepreneurs. (Remarque.) Mais qu'est-ce qu'un entrepreneur pour le département des finances, représenté par Mme Fontanet ? C'est un contribuable qui détient des participations qualifiées.
Je vais vous donner l'exemple d'un petit patron de PME, qui détient des participations qualifiées. Il s'appelle M. Torbjörn Törnqvist; c'est le patron de Gunvor, cette petite PME qui a doublé sa fortune en 2021, qui a réalisé des bénéfices de 4,5 milliards au premier semestre 2022 - on peut donc imaginer 9 ou 10 milliards l'année passée - et qui détenait, en 2016, 78% de Gunvor, ayant racheté, un jour avant la mise en oeuvre des sanctions décrétées par les Etats-Unis contre la Russie, 44% des parts de M. Guennadi Timotchenko... (Remarque.) Timtchenko. Merci d'avoir prononcé son nom correctement, vous le connaissez probablement mieux que moi, Monsieur Subilia ! (Rire.)
Et peut-être que Mme Fontanet nous racontait des sornettes quand elle nous disait: «Oh, mais à Genève il n'y a personne ! Il n'y a aucun entrepreneur qui détient plus de 10% de son entreprise ! Ce ne sont que des PME ! Il n'y a aucun grand patron qui détient plus de 10% de son entreprise !» C'est faux ! M. Torbjörn Törnqvist: 78%, 70%. Et on peut continuer la liste avec Trafigura, Mercuria, Vitol, MSC - Aponte... Je prononce juste ? (Remarque.) Quel est pourcentage d'actions de M. Aponte dans MSC ? Ce n'est évidemment pas une PME, mais c'est exactement ce que nous ciblons avec cette initiative: des personnes riches à milliards, qui aujourd'hui détiennent les actions, les participations dans leur entreprise, détiennent des fortunes gigantesques, ahurissantes, qu'on ne peut même pas imaginer et sur lesquelles elles paient proportionnellement, en termes d'effort fiscal, moins que la classe moyenne - c'est un pur scandale ! C'est un pur scandale que des députés qui prétendent défendre la collectivité publique, qui ont fait le serment de défendre les Genevois, défendent a contrario ces personnes-là, qui, je le dis, ne contribuent pas à l'effort à la hauteur de leurs moyens du point de vue des besoins de l'Etat.
Pour le PLR, comme toujours, Genève, c'est l'enfer fiscal: tout le monde va partir. Le chantage est effectif. Ils nous disent: «Si vous votez cette légère modification pour une adaptation du taux d'imposition de la fortune, tout le monde va partir !» Mais aujourd'hui - ce sont les chiffres du département -, à Stans, Nidwald, un couple marié, avec deux enfants et une fortune de 5 millions, paie 6310 francs. Aujourd'hui, à Genève, 42 590 francs; couple, marié, deux enfants. Que le PLR nous explique pourquoi aujourd'hui, tous les riches ne sont pas à Stans, à Sarnen ou à Altdorf - Monsieur Zweifel ! Pourquoi ne sont-ils pas à Appenzell ou à Zoug ? Pourquoi ? Cela veut dire qu'ils ne partent pas ! Ils sont là, ils continuent d'arriver ! Triplement des fortunes à Genève... Enfin, pas triplement: les fortunes de plus de 3 millions ont augmenté de 145% et celles de 10 millions de 100% entre 2010 et 2018. Ils ne partent pas, parce qu'ils sont bien ici; ils ne partent pas, parce que, proportionnellement à ce qu'ils possèdent, le taux d'effort...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Sylvain Thévoz. ...qui leur est demandé, et je terminerai rapidement, est infinitésimal ! Avec cette initiative, un couple marié, avec deux enfants et une fortune de 5 millions, paiera 1000 francs en plus par année. Quand vous avez 5 millions de fortune, est-ce que vous pouvez payer 1000 francs de plus par an ? Oui, vous pouvez, Monsieur Zweifel ! (Commentaires. Rires.) Et même peut-être que vous le devriez, pour la collectivité, pour ceux qui ne les ont pas. Vous voulez connaître la charge fiscale pour une personne seule, avec 5 millions de fortune ? Elle paierait 6800 francs en plus avec cette imposition. C'est infinitésimal.
J'aimerais vous dire encore, et je conclurai avec ça, que Genève, selon une étude récente du cabinet Henley, est la ville au monde avec la plus grande densité de millionnaires et de milliardaires. 345 fortunes dépassent les 100 millions de dollars et il y a seize milliardaires à Genève, Mesdames et Messieurs - et tant mieux ! Mais comment pouvez-vous expliquer aux Genevoises et aux Genevois qui font des efforts, qui n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois, qui sont étranglés par les conditions actuelles, que l'effort infinitésimal de ces grandes fortunes sur dix ans n'est pas possible ? Cela, ce n'est pas honnête, c'est antidémocratique, nous le combattons.
Cette initiative est bonne, raisonnable, nous la défendrons, et nous soutiendrons également le contreprojet du Conseil d'Etat qui soutient cette initiative, mais qui propose simplement de réduire à cinq ans son effet. Nous vous invitons à en faire de même par souci démocratique, par souci de justice sociale. Merci.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Un rapport de minorité - le député Vanek en a d'ailleurs parlé - fait référence à la prétendue vérité alternative et à George Orwell également. En écoutant les deux rapporteurs de minorité, on n'a en tout cas pas entendu le Ministère de la Vérité, c'est le moins qu'on puisse dire !
C'est la soirée des titres mensongers. On parle d'une «contribution temporaire»: d'abord, cette contribution de solidarité est un impôt et il n'y a pas d'impôt temporaire ou provisoire - on le sait depuis 1915 et l'instauration de l'impôt fédéral direct ! En plus, il suffit de regarder objectivement le texte de cette initiative pour réaliser qu'une des trois mesures préconisées, soit attaquer le bouclier fiscal, est destinée à se pérenniser; il n'y a là rien de temporaire. J'espère que le conseiller d'Etat Apothéloz le relèvera dans son intervention, parce que ça ne figure pas dans le rapport sur l'IN 185, ce qui est regrettable.
Le député Zweifel l'a dit, cette augmentation d'impôts touche pour 91% des entrepreneurs. Alors je n'ai pas très bien compris les explications du deuxième... non, surtout pas du deuxième ! C'est heureusement le second rapporteur de minorité qui nous dit qu'il n'y a pas de seuil. Mais un entrepreneur, c'est précisément une personne qui détient plus de 10% de son entreprise ! Vous pouvez ne pas les aimer, c'est votre droit, mais sachez simplement que ces personnes contribuent à la prospérité de la collectivité: elles emploient des gens, paient des impôts - et leur entreprise également; sans cela, nous ne pourrions pas avoir un Etat social.
Et puis le but - il faut toujours regarder le but d'une initiative - est d'augmenter, nous dit-on, les recettes fiscales. Mais quand on écoute les personnes qui connaissent bien le sujet - et ce n'est pas nécessairement le conseiller d'Etat qu'on va entendre ce soir, mais peut-être Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet -, on s'aperçoit que, selon toute vraisemblance, on aura une diminution des impôts. Et pas une diminution mineure: une diminution massive qui, à supposer simplement que les dix plus grands contribuables quittent le canton, pourrait aller jusqu'à 225 ou 226 millions de recettes fiscales par année, qui échapperaient donc aux caisses publiques genevoises. Est-ce que c'est un risque que l'on veut courir ? Prenons un autre exemple: si les vingt-cinq ou trente plus grands contribuables du canton partent de Genève, ce sont plus de 300 millions de recettes fiscales qui nous échappent ! Ne vous y trompez pas: on s'attaque d'abord aux riches et c'est in fine la classe moyenne qui passera à la caisse.
Le rapporteur de première minorité nous a dit qu'avec des si, on mettrait Paris en bouteille. C'est un bon exemple, Paris, parce que la pyramide fiscale genevoise s'amincit et ressemble de plus en plus à la tour Eiffel. (Rires.) Cette tour Eiffel, M. Vanek - et il est tout à fait en phase avec son idéologie - veut l'écraser ! Donc on écrase la pyramide, on écrase la tour Eiffel...
Une voix. Oh !
M. Sébastien Desfayes. ...ne restent plus que des pauvres, et le rêve de M. Vanek est enfin atteint: ce n'est plus Paris. Genève ne ressemblera pas à la Ville lumière, ce sera Karl-Marx-Stadt ! (Rires.) Ah, une belle soirée de brouillard du mois de janvier ! Voilà votre rêve, Monsieur Vanek. Je ferai tout pour qu'il ne se réalise pas.
Passons au rapporteur de seconde minorité - il me reste encore un peu de temps - qui sort un argument du genre attrape-gogo, dira-t-on, lorsqu'il nous indique: «Oui, mais il y aura des personnes qui paieront moins d'impôt sur la fortune !» Regardez simplement les chiffres et vous verrez qu'il y aura effectivement un nombre assez conséquent de contribuables qui paieront moins d'impôt sur la fortune, mais de combien parle-t-on ? On parle de 50 à 150 francs de diminution d'impôts par année: c'est un gadget qui ne trompera pas grand monde, si ce n'est personne.
Vous avez évoqué Warren Buffett. Vous avez peut-être fait une confusion avec la famille Buffet, de Corsier, que je connais bien et avec qui j'ai des liens particuliers. (Rires.) Mais sachez que Warren Buffett habite à Omaha, Nebraska, où le taux d'imposition sur la fortune est de 0% - 0% ! Alors qu'il est de 1% à Genève et que vous voulez l'augmenter encore de 50%, ce qui est un taux unique au monde ! Les riches qui veulent augmenter des impôts, ce ne sont donc pas les riches qui sont à Genève: c'est précisément ceux qui sont dans des pays où l'impôt sur la fortune n'existe pas, soit quasiment tous les pays du monde.
Dans votre rapport, vous citez Standard & Poor's et dites que la note de Genève est moyenne, comme celle d'un cancre - ce que vous n'êtes pas, je précise. Vous voulez donc tout faire, tout ce qui est en votre pouvoir, en lançant cette initiative, pour que la note de Genève soit baissée.
Un dernier point: j'ai dit que M. Vanek est tout à fait conforme à son idéologie - tout le monde doit être pauvre -, nous ne devons donc pas lui en tenir rigueur. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Quant à M. Thévoz, il doit flatter son électorat: il est en période électorale. On peut les excuser; finalement, ne seraient-ils pas dans leur rôle ? Mais tel n'est pas le cas du Conseil d'Etat ! Je dois dire mon énorme déception devant ce rapport du gouvernement, parce que les enjeux sont beaucoup trop importants pour que l'on joue là-dessus. Vous n'avez pas...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Sébastien Desfayes. Vous devez respecter la fonction qui est la vôtre, celle de conseillers d'Etat, dont le rôle est de défendre au mieux les intérêts de Genève...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Sébastien Desfayes. ...de défendre le contribuable. Raison pour laquelle je tiens à exprimer encore une fois, au nom de mon groupe...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Sébastien Desfayes. ...l'énorme déception causée par la majorité du Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Oh, bien !
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je pensais - j'espérais - qu'on pourrait peut-être, dans le cadre de ce débat, sortir un petit peu des clichés déjà entendus dans les débats budgétaires et autres sur les grandes fortunes et sur l'imposition. Bon, manifestement, on n'y échappera pas - c'est encore pire ! Entendre mon préopinant nous dire que si on vote cette initiative, on va se retrouver dans «Good Bye Lenin !», ça va être l'Union soviétique, le brouillard, etc., c'est franchement assez pathétique, je suis désolé de le dire comme ça.
Vous transmettrez à M. Zweifel, Monsieur le président, qu'on peut aussi sortir des clichés tels que: les socialistes crachent sur les grandes fortunes, ils veulent la fuite des grandes fortunes. Vous savez que ce n'est pas vrai; il y a des fortunes, de grandes fortunes à Genève, et c'est tant mieux ! Ce que le parti socialiste veut, c'est la redistribution des richesses - une plus juste et plus équitable redistribution des richesses. Je reviendrai sur ces fameuses grandes fortunes, Monsieur le président, mais voilà ce que le parti socialiste veut: une redistribution des richesses via les impôts sur le revenu et sur la fortune. C'est la base de la cohésion sociale, Monsieur Zweifel, c'est la base de la solidarité.
La fortune imposable totale, à Genève, est aujourd'hui d'environ 100 milliards de francs ! Elle a augmenté de 145% en huit ans, de 2010 à 2018. Parlons de l'impact de cette initiative et de cette contribution temporaire de solidarité, dont le but, pour nous, est d'augmenter légèrement les impôts sur les grandes fortunes notamment, au vu de la fortune que ces personnes possèdent. Pour les fortunes jusqu'à 2 millions, l'impact consiste en une baisse d'impôts en raison de l'augmentation des déductions sociales. Pour les fortunes de 2 à 5 millions, les 5877 contribuables qui ont un tel patrimoine vont se partager 3,4 millions d'impôts annuels au total, ce qui fait 578 francs. Quand vous avez une fortune de 2 à 5 millions, même si c'est une villa, etc., je pense que vous arrivez à faire face à 500 francs par année. Ensuite, fortunes de 25 à 50 millions: 367 contribuables. De 50 à 100 millions: 159 contribuables. Et, on l'a dit, 124 contribuables ont une fortune de plus de 100 millions - est-ce que les gens qui nous écoutent se rendent compte de ce que c'est que d'avoir une fortune de 100 millions ?! Si on prend les chiffres, et on l'a aussi dit, y compris les forfaits fiscaux, ce sont 345 contribuables avec plus de 100 millions de fortune et 16 milliardaires qui habitent à Genève !
Quel est le revers de la médaille, Monsieur Zweifel et la droite ? C'est que nous sommes l'épicentre suisse des inégalités ! On a parlé de ce fameux indice de Gini: c'est scientifique, nous sommes le canton suisse qui connaît le plus d'inégalités. Nous avons 70 000 Genevoises et Genevois qui touchent d'une manière ou d'une autre l'aide sociale - que ce soit l'aide sociale économique, l'allocation de logement, les prestations complémentaires pour les familles, les prestations complémentaires pour les seniors. A cela, ajoutez environ 135 000 personnes - des Genevoises et des Genevois - qui touchent aujourd'hui des subsides pour payer leurs primes d'assurance-maladie. En plus - c'est un chiffre qui ressort tout le temps -, 36% des Genevoises et des Genevois n'ont pas les moyens de payer le moindre franc d'impôt !
Alors, ce que demande cette initiative, c'est simplement que les plus fortunés d'entre nous contribuent un tout petit peu, de manière temporaire, sur une base solidaire, pour avoir une meilleure redistribution des richesses, plus équitable, plus juste, via l'impôt. C'est pourquoi le parti socialiste soutient cette initiative. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative a été déposée à la fin de la première vague de covid-19, alors qu'une partie de la population se trouvait à l'aide alimentaire pendant que les profits et la fortune d'une autre prenaient l'ascenseur - dans le sens de la montée, bien entendu. Les conséquences de cette situation sont appelées à perdurer. Les besoins en matière de santé, de soutien social et de formation par exemple croissent nettement plus rapidement que le nombre de personnes résidant dans le canton. En même temps, et je crains de devoir me répéter, nos besoins en matière d'investissements sont importants, notamment pour résoudre la question climatique qui se dresse droit devant nous, grosse comme une montagne. Les inégalités croissent donc de jour en jour et les besoins de soutiens de la part de l'Etat sont de plus en plus forts. Alors quelles solutions ? Cette initiative en propose une.
Dans le cadre du WEF notamment - je reviens sur ce qui a été dit tout à l'heure -, nous avons pu lire des déclarations assez décoiffantes: «Une meilleure imposition des plus riches de la planète permettrait de réduire les inégalités et d'enrayer durablement la pauvreté. [...] L'organisation internationale [Oxfam] préconise un impôt sur la fortune de 2% pour les millionnaires, de 3% pour les fortunes supérieures à 50 millions de dollars et de 5% pour les milliardaires.» Vous voyez que l'initiative est largement en dessous de ça ! Paradoxalement, ce type de mesure est soutenu par certains ultrariches de ce monde. Dans une lettre adressée aux dirigeants mondiaux participant au Forum économique de Davos, plus de deux cents millionnaires appellent à une hausse des impôts pour les ultrariches «pour notre bien commun». Nous avons tenté d'inviter des représentants en commission, on l'a dit, mais sans succès.
Mesdames et Messieurs, contrairement à ce qu'affirme le rapporteur de majorité, l'initiative ne crache pas sur les contribuables aisés de ce canton, mais en reconnaît la valeur et apprécie leur volonté en matière de solidarité. La proposition de l'initiative - augmenter de 50% l'impôt sur la part de la fortune qui dépasse 3 millions de francs - reste bien en dessous des demandes de ce groupe et se trouve donc parfaitement dans l'air du temps. De plus, le texte prévoit de tripler les déductions sociales sur la fortune. Pour un couple sans enfants, elle passera par exemple de 166 797 francs à 500 000 francs. Pour la fortune commerciale, la déduction maximale possible passera de 507 287 francs à 1 500 000 francs. Faites vos calculs: les petits propriétaires et les propriétaires de petites PME verront leur imposition sur la fortune nettement réduite. Et cela de façon durable, car cette disposition n'est pas limitée dans le temps.
Quelques mots encore sur les arguments des opposants, qui vous diront - et ils l'ont d'ailleurs déjà dit - que l'initiative fera fuir les grandes fortunes du canton. On constate toutefois que malgré une fiscalité déjà élevée, les grandes fortunes continuent d'affluer à Genève. C'était déjà le cas dans les années 2010 et divers articles de presse, que je ne vous cite pas ici, montrent que cet afflux se poursuit et même s'amplifie. Le prétendu enfer fiscal genevois est donc pavé d'intentions qu'il est difficile de décrypter. Nous ne croyons pas, par conséquent, à la réalité de cet épouvantail que la droite agite devant nous sans discontinuer.
Les opposants nous disent également que l'initiative menace les entreprises. J'ai déjà mentionné précédemment qu'en raison de la hausse des déductions sociales sur la fortune, les plus petites entreprises sont plutôt favorisées avec cette initiative. Cela vaut jusqu'à un capital de 5 millions environ: au-dessus, le texte prévoit un modeste supplément d'impôt. Comme il ne concerne que l'imposition des personnes physiques, seuls les gens possédant des parts dans leur propre entreprise sont par ailleurs touchés. Le département nous a détaillé les contributions supplémentaires que ce type d'entrepreneurs pourrait être appelé à verser; le rapport de majorité les détaille largement et je ne les répéterai pas.
Cependant, et faute de mieux, le département a choisi de considérer comme entrepreneurs les contribuables qui possèdent des participations qualifiées - c'est-à-dire plus de 10% - dans une entreprise. J'insiste sur le fait que ce type d'entrepreneurs n'est en rien représentatif des PME de ce canton. En fait, comme pour l'initiative sur l'imposition complète des dividendes, il s'agit des mêmes 1600 contribuables qui encaissent globalement un milliard de francs de dividendes. A défaut d'évaluation plus fine, cela représente tout de même le versement d'environ 50 000 francs de dividendes chaque mois. Alors vous n'allez pas me dire qu'avec un revenu pareil, il n'est pas possible de payer temporairement une contribution un peu plus importante à l'impôt sur la fortune !
A première vue, si cette initiative est votée par le peuple, il sera difficile de la mettre en oeuvre avant 2025. Une durée de validité de cinq ans nous amènerait en 2030, soit environ dix ans après l'irruption de la vague covid. Nous pouvons donc suivre sans autre la proposition du Conseil d'Etat, soit de limiter la durée du taux accru à cinq ans, et nous soutiendrons par conséquent le principe d'un contreprojet.
Pour terminer, je signale que ces arguments n'ont pas convaincu l'entier du groupe, mais seulement une grande majorité de celui-ci. (Remarque.)
Une voix. Bravo !
M. Pierre Eckert. Je vous remercie. (L'orateur rit.)
M. Christo Ivanov (UDC). Je vais revenir spécialement sur le troisième point de cette initiative fort trompeuse, qui vise à modifier l'article 60 de la LIPP relatif au bouclier fiscal et prévoit un rendement net de la fortune d'au moins 2% de la fortune nette, contre 1% actuellement. Or, c'est justement la pérennité de cette troisième mesure qui engendre une ponction fiscale supplémentaire importante chez ceux qui paient déjà une part gigantesque des impôts à Genève, qu'il s'agisse de l'impôt sur la fortune ou de l'impôt sur le revenu.
J'aimerais ensuite vous parler du rapport BAK, parce que j'ai été très étonné que personne n'ait mentionné ce rapport fort intéressant... (Commentaires.) ...d'un institut suisse indépendant de recherche économique. En effet, Genève a une fiscalité plus élevée que la grande majorité des autres cantons. Je cite le rapport BAK: «La combinaison du potentiel de ressources et d'exploitation du potentiel fiscal donne les recettes fiscales par tête. Dans le canton de Genève, celles-ci sont supérieures d'environ 90% à la moyenne des cantons.» Cela est confirmé par l'Administration fédérale des finances qui publie chaque année l'exploitation du potentiel fiscal de chaque canton. Genève est en tête de ce classement, chaque année - et de loin -, avec 34,2% contre une moyenne de 24,6% pour toute la Suisse. On le voit bien, il y a tromperie sur la marchandise, si j'ose dire, et c'est le moins que l'on puisse dire.
Cela a été mentionné, cette initiative aurait pour effet de diminuer l'impôt sur la fortune de 91% des contribuables qui en paient aujourd'hui. Mais les conséquences directes, c'est que 9% des actuels contributeurs à l'impôt sur la fortune verraient leur taxation exploser, avec une augmentation moyenne de plus de 50%. Par ailleurs, si on ne se concentre que sur les 186 millions actuellement payés par dix contribuables, que nous allons ainsi perdre, il est intéressant de se demander ce que représente ce montant: 18% de la participation de l'Etat au budget des HUG, par exemple.
Il faut qu'il y ait une prise en compte du rendement additionnel de 2% dans le cas du bouclier fiscal. C'était mon premier point. Il y a un intérêt à redistribuer le dividende à hauteur de 20%; qu'il soit distribué ou non, le même montant d'impôts sera payé. Le fait de doubler le montant des intérêts additionnels pris en compte sur le rendement de la fortune, pour les personnes physiques, amène à des situations où l'entrepreneur aura des comportements allant assécher l'entreprise des liquidités nécessaires pour son développement.
On l'a dit, 133... dix contribuables paient 227 millions d'impôts. J'aimerais juste dire un petit mot sur les forfaitaires fiscaux dans notre pays, la Suisse. Le marché suisse des forfaits fiscaux est en pleine érosion: contrôles plus stricts, règles durcies, concurrence internationale - l'impôt pour riches étrangers n'a plus la cote, mais l'argent continue d'affluer. En Valais, où le taux d'imposition est plus faible que celui de ses voisins romands, cela a fortement touché les contribuables au bas de l'échelle des forfaits pour qui les taxations classiques sont devenues plus intéressantes. Les gens sortent donc du forfait fiscal et paient moins d'impôts en passant au barème ordinaire.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera tant l'initiative que le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). S'agissant de ce premier semestre, 2023 est vraiment l'année de tous les dangers pour Genève et ses ressources. Avec l'IN 179 sur laquelle nous voterons le 12 mars, cette IN 185 est une véritable catastrophe. (Rires.) Ce débat est très important, en particulier maintenant, à quelques semaines de la fin de la législature, à quelques semaines des élections cantonales, parce qu'il représente finalement un choix de société que les électeurs qui nous écoutent auront à faire. D'un côté, il y a la gauche, que l'on peut qualifier de vorace, qui veut toujours plus d'impôts et un Etat omniprésent. Une gauche qui supporte très mal les richesses, qui supporte très mal ceux qui entreprennent, ceux qui prennent des risques, ceux qui parfois réussissent financièrement. Elle supporte très mal les différences et engage une véritable chasse aux sorcières contre ces riches...
Des voix. Oh !
M. Alexandre de Senarclens. ...qui sont coupables d'être riches ou trop riches, que leur richesse rend suspects, qu'il faut traquer. A ce titre, le discours de Sylvain Thévoz - vous n'aurez pas besoin de transmettre, je le fais directement; ne vous dérangez pas, Monsieur le président (Rires.) - est profondément choquant ! Un discours dans lequel on vise nommément des personnes, dans lequel on les stigmatise; on sent poindre un certain discours de haine contre ces personnes qui ont le culot de payer beaucoup d'impôts... (Remarque.) ...et de financer l'essentiel des prestations sociales dans les domaines de la culture, de la santé, de l'Etat - de ce qui fait notre Etat.
L'autre choix, que les électeurs feront certainement, c'est celui de la droite ou du centre, qui veulent justement que l'Etat reste à sa place et qui ne veulent pas niveler la population par le bas, qui savent que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible d'entre nous. C'est précisément ce combat qu'il faut mener pour ne pas faire fuir ces personnes qui font prospérer Genève. Ce n'est pas en les faisant fuir que vous serez plus heureux, Monsieur Thévoz, mais nous serons collectivement tous plus pauvres.
Cette initiative repose sur deux prémisses totalement fausses. D'abord, sur l'idée que nous vivrions, dans la période post-covid, une crise - sanitaire, sociale, économique - épouvantable et que cela nécessiterait un plus grand effort de solidarité. La réalité, c'est que le chômage est au plus bas. La réalité, c'est que l'Etat a assumé: l'Etat a répondu présent lorsqu'il a fallu financer des prestations sociales et venir en aide aux plus faibles. La réalité, c'est aussi qu'en 2021, nous avons eu un boni et qu'en 2022, certainement, nous aurons également un boni.
Une voix. Un bonus !
M. Alexandre de Senarclens. Nous n'avons pas besoin de cette hausse d'impôts !
La deuxième ineptie, c'est que les riches ne paient pas assez d'impôts à Genève. C'est totalement faux ! A Genève, vous le savez, l'impôt sur le revenu s'élève à 45% et l'impôt sur la fortune à 1%. Combinés, la plupart des gens très fortunés paient souvent bien plus que l'équivalent de 50% d'impôts sur leur revenu. Ces gens paient énormément d'impôts, bien plus d'ailleurs que dans le reste de la Suisse. On nous parle du mouvement «Tax me now»; il faut laisser ce mouvement aux Etats-Unis. Ce mouvement concerne les USA, où, contrairement à Genève, on ne connaît effectivement pas l'impôt sur la fortune et où l'impôt sur le revenu est en général infiniment plus faible. Ici, nous avons une redistribution très importante, qui est saine et qu'il ne convient pas d'alourdir. C'est grâce à ces contribuables qui sont souvent entrepreneurs, qui créent des emplois et dégagent des ressources fiscales importantes, que nous pouvons financer notre Etat.
Comme vous le savez, et le rapporteur de majorité l'a souligné, nous avons un particularisme à Genève: une part très faible des contribuables paie la majeure partie des impôts. Il ne faut pas tuer ces ressources; nous l'avons rappelé, si les dix plus grosses fortunes devaient partir - et elles seront poussées à le faire -, nous aurons 200 millions de revenus en moins. Ne commettons pas ce suicide collectif et ne nous singularisons pas une fois de plus par rapport au reste de la Suisse. Ne prenons pas ce risque ! C'est un risque à 200 millions, voire à bien plus, que nous ferions courir au canton. Le contribuable fortuné n'est pas captif, contrairement à ce que souhaiterait M. Vanek lorsqu'il évoque l'enfermement de M. Zweifel pour éviter qu'il parle. Le contribuable fortuné n'est pas captif ! Ces entrepreneurs peuvent partir, et ils peuvent partir facilement.
C'est donc un projet mortifère, un projet dangereux qui dynamiterait les ressources fiscales du canton et qu'il faut rejeter de toutes nos forces. C'est le motif qui nous pousse, nous, PLR, à rejeter cette initiative et à ne surtout pas lui opposer un contreprojet. Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Patrick Lussi. Il vous reste deux minutes.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la critique objective et concrète de cette initiative a été faite par le rapporteur de majorité et différents préopinants. Permettez-moi de jeter tout mon venin sur cette initiative par rapport au fond. L'accaparement du produit du travail des actifs, la confiscation de la fortune des nantis prétendument pour les masses laborieuses sont des discours opportunément mensongers des marxistes, léninistes et autres du début du XXe siècle. Actuellement, la gauche reprend tout cela à son profit sous prétexte d'une inégalité flagrante.
Mesdames et Messieurs les députés, qu'a apporté cette manière de penser dans les sociétés, dans les pays où ce genre de régimes prévalaient, si ce n'est de la pauvreté ? De la misère ? De la destruction écologique ? Quand on regarde ce qui s'est passé dans ces pays, c'était une attaque contre la démocratie - qui n'existait pas -, contre la libre pensée, contre le fait de simplement contester l'autorité. Aujourd'hui encore, si vous mettez en cause les diktats de ces gens... Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative est nuisible, cette initiative ne représente pas le bien-être de vie de notre société actuelle. Même si nous payons trop d'impôts, et je suis parfois le premier à le dire, une répartition correcte des richesses s'effectue; ne tombons pas dans les excès et la folie de ce monsieur - enfin, de ces personnes.
Quand j'écoutais l'autre soir M. Thévoz défendre cette initiative à la télévision, je dois dire que j'avais les sangs tournés et je pense que c'était le cas également de nombreux bons Genevois. Ces gens ne vivent pas avec notre époque. Je vous en prie, rejetons avec fermeté cette initiative et refusons le principe d'un contreprojet, car elle poursuit un but totalement nocif et ne nous amènera que misère et pauvreté. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Exactement.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Jean Batou pour quatre minutes cinquante.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais dire une chose: nous parlons beaucoup d'impôts dans ce Grand Conseil, mais finalement, en amont des impôts, il y a la distribution des revenus. Or cette répartition s'opère de telle manière, depuis trente ou quarante ans, que la part du travail diminue en termes relatifs tandis que celle de la propriété augmente. Nous assistons dès lors à la concentration d'énormes richesses d'un côté de la société - c'est vrai dans tous les pays, en Suisse en particulier, notamment à Genève - et, de l'autre côté, à l'augmentation d'une masse de gens qui ont de plus en plus de peine à vivre.
Ceux qui nous disent ici que corriger cette inégalité croissante de la distribution des richesses au niveau fiscal aboutirait à une catastrophe sont les mêmes qui, à Berne, votent pour empêcher la mise en place durable d'un salaire minimum de 4000 francs par mois à Genève; les députés qui poussent des cris d'orfraie en nous expliquant que nous allons plonger Genève dans la misère si nous prélevons 2,5 pour mille sur la part des grandes fortunes de ce canton dépassant 3 millions sont les mêmes - issus des mêmes partis - qui veulent baisser le salaire minimum genevois et le faire passer en dessous de 4000 francs par mois. Cherchez l'erreur.
Cette initiative constitue une petite correction en regard de l'explosion de la répartition inégale des revenus. Vous aurez l'occasion d'intervenir sur cette question et d'agir là contre le 12 mars prochain, Mesdames et Messieurs. Pourquoi ? Parce que nous proposons - et les mêmes partis soutiennent cette proposition - de taxer les dividendes des gros actionnaires sur un pied d'égalité avec les salaires et les retraites. Pourquoi proposons-nous cela ?
Il faut savoir qu'il y a trente ans, les actionnaires d'une entreprise réinvestissaient 70% des bénéfices nets dans celle-ci afin d'y développer l'emploi, la production, le cercle vertueux d'un capitalisme tourné vers la création d'emplois. Aujourd'hui, tout au contraire, ces mêmes actionnaires retirent de l'entreprise 70% de la richesse créée et n'en réinvestissent plus que 30%.
Ces 70% qui partent vers les fortunes privées et l'économie de casino, que ce soit dans l'immobilier ou la bourse, représentent un milliard de francs par an ! Un milliard de francs par an captés par 1600 personnes, extraits, détournés de la richesse produite par le travail au sein des entreprises. Ces 1600 personnes - qui, je vous assure, ne sont pas des patrons de PME, puisqu'ils gagnent en moyenne 50 000 francs par mois en dividendes - expliquent l'accumulation faramineuse des fortunes dans ce canton.
Alors écoutez-moi bien: cette initiative vise à tripler les déductions sociales pour les petites fortunes, les petits artisans, les très petites entreprises, ce qui fera une différence pour une grande majorité de contribuables, et à demander un tout petit effort pendant dix ans - le Conseil d'Etat suggère cinq ans - à une petite partie de multimillionnaires.
Je vous garantis qu'il vaut la peine de le faire et qu'il faudra également agir en amont, au niveau de la distribution des revenus, en augmentant les salaires et non en les réduisant, comme le veulent le PLR, Le Centre et l'UDC. Oui, nous devons non pas réduire les revenus, mais les augmenter; après, si vous payez correctement le travail, il ne sera plus nécessaire de taxer les riches. (Applaudissements.)
Mme Françoise Sapin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce soir, nous parlons de l'initiative 185; en mars prochain, nous voterons sur l'initiative 179. Il y en a encore d'autres à venir, je ne vais pas les nommer maintenant. Mais c'est du harcèlement, Mesdames et Messieurs ! Du harcèlement à l'encontre des contribuables qui financent l'essentiel des prestations à la population dans ce canton. De plus, la pandémie est terminée, donc cette initiative est dépassée.
Je ne vais pas répéter tous les chiffres qui ont été relevés par le rapporteur de majorité, mais ceux-ci sont effarants. Nous prenons le risque de voir les gens fortunés quitter notre canton, ce qui créerait de gros trous dans les revenus fiscaux. Le MCG ne prendra pas ce risque: nous refuserons cette initiative. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, Françoise !
Le président. Merci bien. La parole revient à M. François Baertschi pour quatre minutes et demie.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce qu'il y a d'inquiétant avec cette initiative, c'est qu'elle fait partie d'une suite d'initiatives fiscales qui affichent un dogmatisme d'un autre temps et ont pour objectif de faire fuir les gros contribuables par un harcèlement fiscal complètement scandaleux et dangereux, ce qui, au final, aura des conséquences sur les prestations en faveur des personnes les plus précaires de notre canton, ce qui aura des conséquences également pour la classe moyenne, quoi qu'en disent les initiants.
Nous sommes très surpris que les conseillers d'Etat de gauche aient suivi cette initiative irresponsable, laquelle nous mènera tout droit vers des difficultés financières parfaitement prévisibles. En effet, les conséquences de cette initiative sont hélas prévisibles, tristement prévisibles.
On retrouve ici la dynamique d'une élue française de gauche qui disait tout récemment qu'elle voulait supprimer les milliardaires en France. J'ai l'impression que la gauche de ce parlement poursuit le même objectif: supprimer les riches du canton de Genève. Joli programme ! Mais, en définitive, il n'y aura plus personne pour payer les prestations en faveur des plus modestes de ce canton. Voilà l'effet direct de cette initiative, Mesdames et Messieurs, c'est ce que vous allez obtenir. C'est tout à fait regrettable, vous êtes en train de mener une politique catastrophique.
Voilà pourquoi il faut voter massivement non en mars à l'initiative 179 - ce n'est pas celle que nous examinons ce soir, mais la première de cette sinistre série. Il faut à tout prix voter massivement non: non à l'enfer fiscal, non à la folie fiscale des groupes de gauche qui sont partis dans un délire qu'on ne trouve qu'à Genève. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien, François !
Le président. Je vous remercie. Monsieur Thomas Wenger, je vous rends la parole pour une minute.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Merci, Monsieur Baertschi, merci, Madame Sapin, de montrer le vrai visage du MCG: voilà longtemps que le MCG n'est plus un parti ni de gauche ni de droite, c'est clairement un parti de droite qui est aligné sur le PLR, qui défend les grandes fortunes de notre canton et plus du tout les Genevoises et les Genevois à revenus modestes ou de la classe moyenne. Sans rire, vous pensez vraiment que des personnes possédant une fortune de plus de 100 millions - 200 millions, 500 millions - vont déménager pour aller habiter à Stans ou à Sarnen ?
Des voix. Oui ! (Commentaires.)
M. Thomas Wenger. Vous croyez réellement qu'ils vont vendre leur maison à Cologny, à Vandoeuvres, retirer leurs enfants de l'école, tout cela pour économiser quelques dizaines de milliers de francs sur une fortune de 200 millions ? Mais réveillez-vous, le MCG, et réveillez-vous, la droite, sur cette initiative ! (Applaudissements.)
Une voix. Toi, réveille-toi !
Le président. Merci. Je cède maintenant la parole à M. Patrick Dimier pour deux minutes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Et merci à vous, Monsieur Wenger, d'étaler à votre tour les inepties de vos concepts. Le MCG n'est ni de gauche ni de droite, il est pour les Genevois. Si vous voulez que les Genevois vivent bien, il faut qu'on soit en mesure de leur servir des prestations sociales de qualité, et pour servir des prestations sociales de qualité, il faut de gros contribuables qui les financent. Tout le reste, c'est de la bouillie pour les chats ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie. Monsieur Baertschi, il vous reste une minute cinquante.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Comme nous avons été interpellés par M. Wenger, je vais lui répondre - vous transmettrez: oui, en effet, nous craignons que les riches s'en aillent, et il n'y a pas que Stans et Appenzell, il existe de nombreuses destinations où ils peuvent se rendre, parce que quand on a beaucoup d'argent, on se déplace facilement. Le seul problème, c'est que ceux qui n'en ont pas sont obligés de rester à Genève et seront victimes des politiques irresponsables de la gauche avec ses initiatives. Voilà la réalité. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Monsieur Thévoz, vous avez trente secondes pour répondre à votre interpellation.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. J'estime avoir été mis en cause par M. de Senarclens, qui m'a interpellé en m'accusant de prôner la haine anti-riches; c'est exactement ce que disait Mme Fontanet lors du vote du budget. Chacun jugera.
Pour ma part, j'ai rappelé des faits, j'ai rappelé des éléments factuels: qu'il y a seize milliardaires ainsi que de très grandes fortunes à Genève et qu'il serait juste qu'ils soient simplement imposés sur un montant qui permette la redistribution fiscale.
Cela semble insupportable pour les membres du PLR. Je me demande sur quelle planète ils vivent; en tout cas pas sur terre, sachant les besoins actuels. Je regrette, Monsieur de Senarclens, que vous perdiez les pédales à ce point; adressez-vous au président si vous avez des remarques. Merci.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Vanek, vous n'avez plus de temps de parole... (Remarque.) Non, les trente secondes sont largement épuisées. Par contre, Monsieur Zweifel, je vous accorde trente secondes vu que vous avez deux rapporteurs de minorité en face de vous. Trente secondes, pas plus.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Oui, Monsieur le président, trente secondes pour rappeler rapidement la différence entre l'impôt sur le revenu et celui sur la fortune. Lorsque vos revenus augmentent, vos impôts augmentent, mais vous avez des liquidités pour les payer. Cette initiative touche l'impôt sur la fortune: lorsque votre fortune augmente, elle ne crée pas nécessairement plus de liquidités, et c'est bien là le problème.
Parlez-en à des patrons d'entreprises, Mesdames et Messieurs: que vont-ils faire pour s'acquitter de cet impôt supplémentaire ? Licencier du personnel, diminuer leurs investissements. Cela aura exactement l'effet contraire de ce que vous souhaitez: il y aura moins de recettes fiscales pour l'Etat et la cohésion sociale tant vantée par M. Wenger n'existera tout simplement pas; il n'y aura plus que le social, mais sans aucune cohésion. Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter non à cette initiative funeste et à refuser tout contreprojet. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous savez le Conseil d'Etat particulièrement divisé sur cette initiative. Il a pris une décision à sa majorité, il a pris ses responsabilités, comme il l'a d'ailleurs fait sur le précédent objet concernant le congé parental: il a refusé cette initiative. Il suggère en revanche que vous vous déterminiez sur un contreprojet qui, comme cela a été mentionné, ramènerait la durée de cette contribution de solidarité de dix à cinq ans. Je serai relativement sobre dans ma prise de parole.
Cette décision de préconiser une durée de cinq ans a été prise sur la base de deux arguments principaux: la considération, d'une part, qu'une contribution devait s'inscrire dans un laps de temps plus court en lien avec les différentes crises que nous subissons, d'autre part que le risque d'un départ de contribuables pourrait être atténué par un effort demandé sur un terme plus raisonnable.
L'initiative 185 - cela a été indiqué, mais je me plais à le rappeler - prévoit le triplement des déductions fiscales, une contribution de solidarité à partir d'un niveau de fortune de 3 millions durant dix ans - ou cinq ans, selon les points de vue - ainsi qu'une adaptation du bouclier fiscal avec une augmentation du calcul du rendement net de la fortune qui passerait de 1% à 2%. Cela conduirait, dans son application, à une baisse de l'impôt sur la fortune pour plus de 90% des contribuables, dont une partie rejoindrait le cercle des personnes sans impôt sur la fortune; dans le même temps, un peu moins de 9% des contribuables subiraient une hausse parfois marquée, il est vrai, de leur imposition.
L'un des risques que les travaux de la commission ont permis d'identifier est que cela modifierait sensiblement la structure des contribuables soumis à l'impôt sur la fortune dans notre canton: il en résulterait une concentration de l'impôt sur la fortune sur un faible nombre de personnes, en particulier celles et ceux dont les fortunes imposables figurent parmi les plus élevées.
Au chapitre de l'intérêt de cette initiative, le Conseil d'Etat relève, toutes choses étant égales par ailleurs, que des recettes fiscales supplémentaires seraient dégagées, ce qui nous aiderait dans le cadre des défis que nous affrontons en matière de finances publiques; il s'agit d'une solution qui répondrait aux besoins de financement de plus en plus grands de notre système social face au vieillissement de la population, à l'augmentation des coûts de la santé ou encore aux crises successives auxquelles nous faisons face.
Cet aspect est également à replacer dans le contexte des décisions de votre parlement, puisque vous avez en effet voté plusieurs modifications de l'imposition qui ont pour conséquence de diminuer les recettes fiscales de notre canton; je pense notamment à la loi 13030 qui maintient une sous-évaluation de la valeur des immeubles genevois utilisée dans le calcul de l'impôt sur la fortune et qui induit une baisse de celui-ci de 15%. L'impact sur les contributions est important, puisque cette réduction de la fiscalité est estimée à 80 millions, et on nous fait croire que cela n'a pas de relation avec le budget lorsqu'on évoque ce type de dispositions.
Ainsi, à sa majorité, le Conseil d'Etat a décidé de vous proposer de ramener la durée de cette contribution de solidarité de dix à cinq ans et de soutenir le principe d'un contreprojet. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je lance la procédure de vote.
Mise aux voix, l'initiative 185 est refusée par 57 non contre 37 oui et 2 abstentions (vote nominal).
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 62 non contre 33 oui (vote nominal).