République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.

Assistent à la séance: MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, et Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Natacha Buffet-Desfayes, Thierry Cerutti, Edouard Cuendet, Salika Wenger, Raymond Wicky, François Wolfisberg et Christian Zaugg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Rémy Burri, Aude Martenot, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti, Gabriela Sonderegger et Pascal Uehlinger.

Annonces et dépôts

Néant.

E 2876-A
Prestation de serment de Olivier LUTZ, élu procureur
E 2877-A
Prestation de serment de Dominique Julien COLOMBO, élu procureur

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de procureurs. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les procureurs entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme magistrat du Ministère public;

- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

M. Olivier Lutz et M. Dominique Julien Colombo.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

E 2880-A
Prestation de serment de Julien MARQUIS, élu juge suppléant au Tribunal pénal
E 2840-A
Prestation de serment de Yann WOODCOCK, élu juge assesseur au Tribunal des baux et loyers du Tribunal civil, représentant les groupements de locataires
E 2841-A
Prestation de serment de Jean BLANCHARD, élu juge assesseur à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du Tribunal civil, représentant les groupements de locataires
E 2884-A
Prestation de serment de Bénédicte DAYEN et Adriano NESE, élus juges assesseurs au Tribunal des baux et loyers du Tribunal civil, représentant les bailleurs
E 2885-A
Prestation de serment de Mélanie VILLARD, élue juge assesseure au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, travailleurs sociaux ou autres spécialistes du domaine social
E 2886-A
Prestation de serment de Alexandra DALANG, élue juge assesseure psychiatre au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant
E 2875-A
Prestation de serment de Nathalie BORNOZ PRETI, élue présidente suppléante de la Chambre des relations collectives de travail

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

M. Julien Marquis, M. Yann Woodcock, M. Jean Blanchard, Mme Bénédicte Dayen, M. Adriano Nese, Mme Mélanie Villard, Mme Alexandra Dalang et Mme Nathalie Bornoz Preti.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

IN 184-B
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 184 « Pour un congé parental maintenant ! »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
Rapport de majorité de M. Bertrand Buchs (PDC)
Rapport de première minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)
Rapport de deuxième minorité de M. Sylvain Thévoz (S)
Rapport de troisième minorité de M. Didier Bonny (Ve)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, merci de regagner vos places et de vous asseoir... et éventuellement d'effectuer vos essayages à l'extérieur de la salle ! (Rires.) Nous abordons les points fixes, en commençant par l'IN 184-B dont le débat est classé en catégorie II, soixante minutes. Monsieur Bertrand Buchs, vous avez la parole.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Oui, merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous allons avoir une discussion très importante ce soir, qui relève même d'un pari sur l'avenir, en décidant si nous soutenons ou pas l'initiative populaire cantonale «Pour un congé parental maintenant !» et si nous validons ou non le principe d'un contreprojet.

La majorité va tenter de relever le défi pour que le canton de Genève soit précurseur, pour qu'il soit le premier de Suisse à instaurer un congé parental. Actuellement, il y a un congé maternité, il y a un congé paternité, et il est logique de parler maintenant d'un congé parental, je pense que tout le monde dans cette salle est en faveur d'un tel dispositif. Cette initiative a été déposée et nous permet de mener une discussion de fond sur la problématique; la majorité a été convaincue par cette initiative, elle estime qu'il faut la soutenir sans lui opposer de contreprojet.

Vous entendrez les trois rapporteurs de minorité nous dire des horreurs au sujet de cette initiative: qu'elle ne tient pas la route, qu'elle est mensongère, qu'elle met en danger le congé maternité. Pour ma part, j'aimerais répondre à toutes ces critiques de façon très simple et très claire.

D'abord, le Conseil d'Etat a accepté l'initiative. Il a effectué une pesée des intérêts sur le plan juridique et, comme cela nous a été expliqué en commission, le résultat de cette réflexion est clair: il vaut la peine de soutenir cette initiative, de ne pas la refuser. Le premier argument, c'est donc que le gouvernement lui-même défend cette initiative et ne veut pas d'un contreprojet.

Ensuite, on s'est posé la question suivante: comment faire pour introduire un congé parental dans un canton sachant qu'il n'y a rien au niveau fédéral ? Comme il n'y a rien au niveau fédéral, il est difficile d'imposer une solution cantonale, donc il a fallu - et c'est peut-être le petit défaut de cette initiative - se montrer un peu finaud pour faire passer le message qu'on veut un congé parental. Ainsi, on a affaire à une initiative qui cherche plutôt à déterminer la façon dont on va financer ce congé parental et surtout si on va le rendre obligatoire ou pas.

Le premier écueil qui nous a occupés, c'est le fait que cette initiative ne rend pas le congé parental obligatoire, mais rend obligatoire le fait de cotiser pour ce congé parental. On peut s'interroger: pourquoi cotiser pour un congé parental qui n'est pas obligatoire et que le patron peut nous refuser, puisque les employeurs seront libres de décider s'ils l'accordent ou non aux collaborateurs ?

Pour nous, cette question ne se pose pas, parce qu'on voit mal un patron cotiser de façon paritaire avec son personnel puis refuser une demande de congé parental: c'est un plus pour une entreprise que d'aider les employés à avoir une meilleure vie, notamment avec leurs enfants, c'est vraiment un plus; et les grandes sociétés et les multinationales offrent déjà des congés parentaux bien plus longs que les 8 semaines proposées dans cette initiative. Pour nous, il vaut la peine de faire ce pari, on se dit que du moment qu'on cotise, même si le patron ou la patronne n'a pas l'obligation de donner ce congé, la grande majorité des gens vont le faire, donc le problème ne va pas survenir.

Le deuxième élément qui a posé problème, c'est le fait que, dans le texte de l'initiative, 2 semaines sont laissées au libre arbitre des parents: la femme ou l'homme peut choisir de les prendre les deux pour soi ou de les céder à l'autre parent. La grande peur de la gauche, c'est que le congé maternité soit ainsi mis à mal. En effet, si le congé maternité fédéral dure 14 semaines, il est de 16 semaines à Genève; les opposants craignent qu'en cédant 2 semaines au père, les femmes n'aient plus que 14 semaines de congé maternité.

Non, Mesdames et Messieurs, parce qu'il ne faut pas oublier qu'une loi d'application devra être élaborée par le Conseil d'Etat. Or le Conseil d'Etat nous a indiqué qu'il ne toucherait jamais aux 16 semaines de congé maternité, et nous, les partis de la majorité qui allons voter cette initiative, nous ne toucherons jamais à cet acquis non plus. Dès lors, l'affaire est réglée, il n'y a pas de risque qu'on porte atteinte aux 16 semaines genevoises de congé maternité.

A nos yeux, il importe de prévoir ces 2 semaines. Pourquoi ? Parce qu'il est essentiel pour un couple de disposer d'une telle liberté, de pouvoir décider quel parent prend combien de semaines sur les 8 accordées, de déterminer en toute liberté comment il s'organise pour sa famille, pour s'occuper des enfants. Cette liberté est fondamentale pour la majorité qui a voté en faveur de l'initiative.

Après pesée des intérêts, les arguments plaident pour aller plus loin, pour franchir un premier pas en faveur d'un congé parental, surtout que d'autres cantons attendent la décision de Genève. En effet, si notre canton fait aboutir cette initiative qui est d'ordre constitutionnel, la modification de notre constitution devra être validée à l'échelle fédérale, ce sont les Chambres fédérales qui décideront si elles acceptent le changement constitutionnel du canton de Genève - pour autant que celui-ci soit d'abord approuvé par le peuple.

Alors, à ce moment-là, on pourra lancer les discussions sur le congé parental au plan fédéral, comme on l'a fait s'agissant du congé maternité; le canton de Genève s'est montré pionnier dans ce domaine et doit à nouveau l'être en ce qui concerne le congé parental. Ensuite, si la Confédération entre en matière, on pourra toujours adapter notre législation au droit supérieur, comme on l'a fait avec le congé maternité - et probablement avec de meilleures conditions que celles qui seront instituées au niveau fédéral.

Pour toutes ces raisons, il convient d'aller de l'avant aujourd'hui. C'est un moment important sur le plan sociétal, c'est un moment important pour la majorité de la commission qui, malgré les quelques défauts de cette initiative, dit oui, il faut accepter ce congé parental, il faut aller de l'avant, parce que ce qui importe pour les familles, c'est de bénéficier d'un congé parental. Oui à l'initiative, non au principe d'un contreprojet. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, au contraire de ce qu'annonçait M. Buchs, je ne vais pas dire des horreurs sur cette initiative. En revanche, ce que je vous promets, c'est de la regarder avec objectivité et de considérer véritablement ce qu'elle peut induire. Et là, effectivement, je dirai des choses qui lui sont défavorables.

Parler de l'initiative 184 sans évoquer le décalage entre son intitulé et la réalité de sa teneur est impossible. Difficile de ne pas se demander comment elle a été présentée à ses signataires. Cette initiative s'intitule «Pour un congé parental maintenant !». Son texte prévoit 16 semaines de congé maternité et 8 semaines pour l'autre parent, soit un total de 24 semaines. Considérons que sur ces 24 semaines, 18 sont déjà instituées par les droits fédéral et cantonal, à savoir 16 semaines de congé maternité et 2 semaines de congé paternité. Dans ce projet, ce n'est donc que 6 semaines qu'il s'agit d'acquérir.

Mais en réalité, et les initiants l'ont avoué - c'est un mérite qu'on doit au moins leur reconnaître -, c'est moins l'instauration d'un congé parental qui les motivait que la volonté de mettre en place le financement de celui-ci. A tel point que l'initiative prévoit, cela a déjà été relevé, que la cotisation à parts égales employé-employeur est obligatoire, mais pas l'octroi du congé par l'employeur. On peut raisonnablement penser que si les choses avaient été présentées ainsi et que le titre de l'initiative avait été plus en phase avec son contenu, celle-ci n'aurait vraisemblablement pas abouti.

Ce d'autant plus qu'elle comporte d'autres défauts rédhibitoires. Outre cette obligation de cotiser sans garantie de pouvoir bénéficier du congé parental - au financement duquel vous contribueriez pourtant avec votre employeur, donc ! -, il faut relever que l'initiative ne prend pas en compte les indépendants, au contraire des dispositions de la LAMat.

Enfin, et ce n'est pas là son moindre défaut, le texte prévoit que chaque parent pourrait céder 2 semaines de son propre congé à l'autre parent. Cela revient à envisager la possibilité que les mères renoncent à l'acquis des 2 semaines genevoises supplémentaires de congé maternité, ce qui constitue un recul des droits et non, comme voudraient le faire croire certains dans ce parlement, un progrès social.

Pire encore, le caractère nébuleux du mode de financement prévu ne permet pas d'exclure une mise en danger du système actuel de financement de la LAMat, voire de la LAMat en son entier, ce qui représenterait une régression dramatique des droits des femmes dans notre canton et un recul irresponsable en matière de sécurité sociale.

Au vu de tous ces éléments, durant la majeure partie des travaux de la commission est apparue la perception d'une forme de tromperie en raison de la fausse promesse faite par les initiants, soit «un congé parental maintenant»; une promesse intenable par le biais de cette initiative. C'est pourquoi le soutien de la majorité de la commission à cette initiative et son refus d'un contreprojet sont incompréhensibles, car nombreux sont les commissaires au sein de cette majorité à avoir exprimé la même méfiance à l'égard du texte et souligné le décalage entre son intitulé et sa réalité.

Et cela, c'est sans compter encore les bases juridiques instables sur lesquelles repose très précairement cette initiative. La délimitation des champs de compétences fédérales et cantonales pour la mise en place d'un congé parental est particulièrement complexe, à tel point que des contours doivent être empruntés pour définir les objectifs de cette initiative.

Or même en affirmant que l'initiative ne vise pas la protection des travailleurs, domaine qui relève de la compétence exclusive de la Confédération, mais la promotion de l'égalité des genres et le bien-être des enfants, à ce stade, rien ne permet de conclure qu'elle ne sera pas invalidée par le Tribunal fédéral sur la base d'une interprétation de ce détour emprunté, que la garantie fédérale ne sera pas refusée ou que la loi constitutionnelle éventuellement issue de l'initiative ne fera pas l'objet d'un recours.

On le constate aisément, nombreux sont les éléments qui rendent l'affirmation «Pour un congé parental maintenant !» trompeuse, voire mensongère. Maladresse, stratégie téméraire ou objectif plus obscur, peu importe; l'initiative 184 n'est pas ce qu'elle prétend être et, à ce seul titre, elle ne devrait pas, sans même parler d'être validée, être soutenue.

Or le Conseil d'Etat a décidé de la défendre; cette position peut questionner. La majorité de droite de la commission l'a également soutenue; plus encore, tout en étant consciente de ses lacunes, elle a refusé le principe d'un contreprojet. Pourtant, cela ne l'a pas empêchée de se poser comme une adepte du progrès social et de reprocher à ceux qui l'ont refusée - la gauche, en l'état - d'être opposés à l'égalité des genres. Un comble, si l'on se réfère aux positions respectives des uns et des autres généralement, notamment au fait que l'Alternative a présenté un projet de loi pour un congé parental de 36 semaines qui a été refusé par cette même majorité au sein de la commission.

Aussi, face à cette situation, les minoritaires ont décidé de déposer un projet de loi pour contribuer à la définition d'un contreprojet à l'initiative 184. L'ajout a été voté tout à l'heure, au début de notre séance de 17h, mais son traitement en urgence a été rejeté. Cela n'empêche que, contrairement à ce que d'aucuns prétendent, nous avions la ferme intention de discuter d'un contreprojet qui aurait permis d'établir un congé parental, mais sans les défauts que présente l'initiative qui nous est soumise ce soir. Je m'arrête là et je laisse la parole à mes collègues.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, c'est effectivement un moment important ce soir, comme l'a souligné M. Buchs, mais important parce que nous devons faire le choix d'envoyer ou non devant le peuple cette initiative mal ficelée, ainsi que l'a démontré Mme Haller, au titre trompeur, qui prétend offrir un congé parental maintenant alors que, dans les faits, elle prévoit simplement une obligation d'assurance sans aucun droit pour les parents de bénéficier d'un congé parental.

Notre responsabilité est la suivante: choisissons-nous de valider cette initiative ainsi formulée au risque qu'elle se fasse recaler devant le peuple - nous sommes sûrs que c'est ce qui se produira, car la population n'est pas bête et n'acceptera pas un texte qui ne lui octroie aucun droit supplémentaire, mais l'oblige à cotiser davantage - ou lui opposons-nous un contreprojet de qualité, c'est-à-dire un vrai droit à un congé parental maintenant, un contreprojet qui sera travaillé en commission durant une année ?

Nous ne comprenons pas la précipitation de la droite qui, comme l'a relevé Mme Haller, s'est d'abord étonnée quand elle a découvert en commission qu'il ne s'agissait pas d'un droit au congé, mais d'une obligation d'assurance, qui a pourtant entendu tout comme nous les critiques des milieux patronaux, lesquels ont dit: «Vous allez renchérir le coût du travail avec une cotisation paritaire employeur-employé sans aucune certitude pour les entreprises de pouvoir octroyer ce congé, car au-delà des considérations financières, il faut remplir certaines conditions matérielles, par exemple être en mesure de remplacer des collaborateurs.»

La droite a également entendu tout comme nous les milieux syndicaux qui sont évidemment contre cette initiative et qui nous ont indiqué: «Les employés vont devoir cotiser davantage, payer pour une assurance qui ne leur accorde aucun droit, ils n'auront aucune garantie de pouvoir bénéficier d'un congé parental.»

En fait, c'est comme si vous payiez toute l'année un certain montant pour disposer d'un repas au restaurant, et puis au moment où vous entrez dans l'établissement, le patron vous gratifie d'un: «Non, pas ce soir» ou «Pas maintenant» ou «Pas ce que tu commandes, juste la moitié du repas». C'est évidemment inacceptable.

Accepter cette initiative et la présenter telle quelle au peuple, sans contreprojet, c'est donc aller à l'échec, il y aura un large front pour la refuser. Nous ne croyons pas aux mots vertueux du Dr Buchs, qui s'écrie: «On fait un pari sur l'avenir, croyez-y, c'est un petit pas en avant !» Nous y voyons plutôt une fuite en avant, un projet qui n'est pas suffisamment étayé et qui comporte des incertitudes juridiques. Les mêmes incertitudes juridiques, certes, que si on présentait un contreprojet avec un droit au congé parental, mais du moment qu'il y a les mêmes risques, alors proposons une obligation d'assurance avec un vrai droit à la clé ! Or cela, la droite ne le voulait pas car, in fine, elle ne souhaite pas un vrai congé parental, elle souhaite une assurance «light» avec des employeurs qui pourront décider en fonction de leurs envies: «Toi, tu peux avoir un congé, toi non.» Ce n'est pas progressiste, ce n'est pas un pari sur l'avenir, cela donne un pouvoir démesuré aux employeurs et crée des inégalités sévères.

En effet, on peut facilement imaginer que de grandes sociétés bénéficieront du fonds, seront structurellement en mesure d'accorder des congés à leurs employés, tandis que des PME ou de toutes petites entreprises rencontreront davantage de difficultés et n'en octroieront pas. Là, on crée des inégalités sociales. Cette initiative, je le répète, est trompeuse dans son titre.

Par ailleurs, en ce qui concerne la question femme-homme, avec la possibilité de rogner 2 semaines, on met en danger les 16 semaines de congé maternité acquises. Depuis la votation sur l'AVS, les femmes devront travailler jusqu'à 65 ans, et maintenant, avec une telle initiative, on leur dit: «Attention, vous n'aurez peut-être plus 16 semaines de congé maternité, mais seulement 14.» Là encore, on attaque des droits acquis; là encore, au nom de la flexibilité, au nom d'un certain progressisme, on prend la direction d'une ubérisation - permettez-moi le terme - des congés, des droits sociaux et de la capacité d'en bénéficier, avec des inégalités suivant le statut social.

Pour le parti socialiste, ce n'est pas acceptable, ce n'est pas sain, ce n'est pas une vision que nous défendons dans une démocratie. Nous ne pouvons que vous inviter à refuser cette initiative et à soutenir le principe d'un contreprojet; nous aurons alors une année pour en élaborer un. Nous savons que d'autres projets sur le congé parental sont en cours dans d'autres cantons: il y a une initiative vaudoise, il y a un projet au Tessin, de nombreux cantons travaillent sur cette question.

Nous refusons que Genève fasse office de «crash-test» pour des raisons électorales, principalement pour des raisons de positionnement politique à deux mois des élections au Conseil d'Etat et au Grand Conseil, alors que - nous le savons et M. Buchs ainsi que la droite le savent aussi - l'Assemblée fédérale devra valider cette modification, il y aura une contestation et ce projet finira très certainement devant le Tribunal fédéral !

On vend aux habitants «un congé parental maintenant», mais la vérité, c'est qu'on vend une assurance obligatoire coûteuse qui finira dans plusieurs années devant le Tribunal fédéral où elle sera certainement recalée. Nous disons non, Mesdames et Messieurs, nous vous recommandons de refuser cette initiative, de la renvoyer de manière responsable en commission pour que nous puissions y élaborer un contreprojet solide qui offre une vraie alternative à la population. Merci.

M. Didier Bonny (Ve), rapporteur de troisième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, si vous n'étiez pas là au début de cette séance ou si vous n'avez pas encore compris pourquoi l'initiative 184 n'est pas ce qu'elle prétend être, vous avez maintenant une troisième chance !

Les Vertes et les Verts sont favorables à toute initiative visant à améliorer les conditions qui prévalent actuellement s'agissant des congés maternité et paternité, à condition toutefois que ladite initiative tienne la route et qu'elle soit ambitieuse. Or tel n'est pas le cas de l'initiative 184 pour quatre raisons.

La première tient au fait que l'initiative constitue une attaque contre le congé maternité. En effet, l'alinéa 3 de l'article 205 de la constitution tel que rédigé dans l'initiative 184 ouvre la possibilité à une diminution du congé maternité, lequel pourrait passer de 16 à 14 semaines en cas d'accord entre les deux parents, ce qui n'est pas acceptable pour les Vertes et les Verts. Les femmes ont droit à un congé maternité de 16 semaines à Genève, pas question de revenir en arrière; les propos du rapporteur de majorité ne nous font pas changer d'avis, le PDC ne décide pas à lui tout seul s'il garde les 16 semaines ou pas.

Une voix.  Ça viendra !

M. Didier Bonny. L'initiative 184 est d'ordre constitutionnel et, à ce titre, elle devra recevoir l'aval de l'Assemblée fédérale en cas d'acceptation par le peuple. En admettant que tel soit le cas, il faudra ensuite la traduire par une loi d'application dans laquelle il devra être précisé, pour éviter tout risque, que le congé maternité est de 18 semaines, évitant ainsi d'aller en dessous des 16 semaines en cas d'accord sur les 2 semaines entre les parents; le cas échéant, cette loi sera soumise au référendum, et nous ne pouvons pas être certains qu'elle sera soutenue par les partis qui prétendent aujourd'hui qu'en aucun cas ils ne toucheront à ces 16 semaines. Les Vertes et les Verts auraient souhaité que cette question soit d'ores et déjà réglée dans le cadre d'un contreprojet.

La deuxième raison a trait aux nombreuses insécurités juridiques, parmi lesquelles on peut relever le risque d'un congé parental cantonal qui empiète sur les compétences du législateur fédéral en matière de droit civil ou encore que ce congé parental ne s'adresse pas à tout le monde en fonction du fait qu'on soit employé au bénéfice d'un contrat de droit public ou privé, ou indépendant. Notons en effet que l'article 205, alinéa 3, ne mentionne pas les indépendants. Il faudrait donc, si l'initiative était acceptée, faire figurer ceux-ci dans la loi d'application, étant donné que les indépendants participent au financement des cotisations sociales pour une part équivalente à celle des salariés. Là encore, les Vertes et les Verts auraient souhaité que ce point soit résolu dans le cadre d'un contreprojet.

La troisième raison figure au coeur même de cette initiative: elle trompe son monde, puisque le congé parental proposé dans le texte est soumis à la bonne volonté de l'employeur ! - point d'exclamation. En effet, l'initiative vise à financer un congé parental, mais en aucun cas à le rendre obligatoire ! - autre point d'exclamation. Rappelons que le financement ne peut pas se faire au moyen des allocations pour perte de gain, le droit fédéral actuel ne l'autorisant pas.

Pour contourner cet écueil, les initiants ont imaginé une assurance financée à parts égales entre employeur et employé, mais la marge de manoeuvre juridique étant insuffisante pour rendre le congé obligatoire - un recours en justice étant quasi assuré -, l'initiative laisse à la libre appréciation de l'employeur de l'accorder complètement, partiellement ou pas du tout ! - troisième point d'exclamation. Cela revient par conséquent à cotiser sans aucune garantie de pouvoir bénéficier de la prestation !!!! - quatre points d'exclamation d'un seul coup.

En définitive, avec son titre racoleur, l'initiative 184 laisse à penser qu'elle représente une réelle avancée en matière de congé parental, mais il n'en est absolument rien. En effet, si l'on additionne les 16 semaines de congé maternité aux 2 semaines de congé paternité déjà existantes, le texte ne propose que 6 semaines supplémentaires. Et encore, puisqu'il n'y aura pas d'obligation de les accorder !!!!! - si vous avez bien suivi, il y a cinq points d'exclamation.

Pour les Vertes et les Verts, concilier au mieux vie professionnelle et privée, tendre à une meilleure répartition des tâches entre les parents et offrir à l'enfant une opportunité plus large de profiter de ses deux parents exige du temps. Le projet de loi 12595 déposé au mois d'octobre 2019 par l'ancienne députée Verte Delphine Klopfenstein Broggini va dans ce sens: il propose de doter Genève d'un congé paternité de 18 semaines ainsi que de faire passer le congé maternité de 16 à 18 semaines, soit 36 semaines en tout contre seulement 24 dans l'initiative 184. Une durée de 36 semaines est bien plus en adéquation avec les objectifs cités plus haut - conciliation entre vie professionnelle et privée, répartition des tâches et bien-être de l'enfant. Les Vertes et les Verts auraient souhaité que ce projet de loi soit discuté dans le cadre d'un contreprojet à l'initiative 184.

En conclusion, l'initiative 184 présente de nombreux défauts, le principal étant que la durée de ce congé parental est très modeste, de seulement 6 semaines, qui plus est facultatives !!!!!! - six points d'exclamation. Les Vertes et les Verts ne peuvent dès lors pas la soutenir. Avec les nombreuses incertitudes juridiques qu'elle comporte, lesquelles ne pourront être levées que dans un second temps - et sans doute d'ici plusieurs années - si elle est acceptée par le peuple, les Vertes et les Verts regrettent que la majorité ait refusé d'entrer en matière sur un contreprojet qui, tout en n'effaçant pas ces insécurités juridiques, aurait au moins eu l'avantage de présenter en votation à la population un projet bien plus abouti que l'initiative 184.

A ce titre, l'Alternative vous a soumis tout à l'heure, avec Mme Haller comme première signataire, un projet de loi qui aurait pu faire office de contreprojet; la majorité n'a pas voulu le traiter, c'est bien dommage. En effet, dans le cadre de ce contreprojet, des questions concernant le nombre plancher de semaines de congé maternité, l'inclusion des indépendants, l'obligation d'accorder ce congé, son mode de financement ou encore le nombre de semaines prévu auraient pu être approfondies.

La majorité ne l'a hélas pas souhaité; c'est une occasion manquée, car une initiative qui a contre elle la CGAS, l'UAPG et les partis de gauche a bien peu de chances de l'emporter devant le peuple, comme un commissaire PLR l'a d'ailleurs relevé en commission. A se demander si, finalement, faire échouer cette initiative et ainsi repousser aux calendes grecques la discussion sur le congé parental n'est pas l'objectif premier de l'UDC, du PLR, du PDC et du MCG. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Patrick Saudan pour trois minutes.

M. Patrick Saudan (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur de majorité pour son excellent rapport. Vous transmettrez, Monsieur le président, à Mme Haller et aux autres rapporteurs de minorité, qui ont mentionné à plusieurs reprises que le titre de cette initiative est trompeur: je ne pense pas que les Genevois sont des imbéciles ! Cette initiative a recueilli 11 200 signatures ! Elle a eu un fort impact dans la société et donc elle n'est pas du tout trompeuse; les Genevois ne se sont pas laissé abuser par ce texte.

Concernant l'insécurité juridique, le rapporteur de majorité l'a bien expliquée et je vous renvoie au rapport juridique des initiants annexé au rapport de commission, qui montre très bien que les initiants ont demandé l'obligation du financement et non du congé parental pour justement ne pas enfreindre le droit fédéral. Un contreprojet n'apporterait rien de plus. Ce que je vous propose, c'est de laisser le peuple voter; si l'initiative est acceptée, nous faisons confiance aux juristes de l'Etat - ils sauront faire une loi d'application qui évitera les écueils juridiques.

En fait, la vérité est assez simple: les partis de gauche, nos collègues, n'aiment pas tellement que des partis du centre ou de centre-droit marchent sur leur pré carré en lançant des textes qui ont un fort impact sociétal. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Delphine Bachmann (PDC). Le congé parental est évidemment une évolution sociétale attendue, et ce depuis de longues années, par les jeunes parents. Je rappelle juste que le Conseil d'Etat, à ce stade, a validé cette initiative. Celle-ci met effectivement en place le financement du congé parental, mais sans pour l'heure rendre le congé obligatoire - pour la simple et bonne raison qu'il n'existe pas au niveau fédéral, exactement comme le congé paternité à l'époque ! Ce texte dit que les cotisations seront prélevées; ce n'est nullement contraire au droit fédéral.

Que va-t-il se passer ensuite ? Eh bien le peuple votera, et je pense qu'il soutiendra cette initiative, ce qui permettra d'inscrire le congé parental - le financement du congé parental - dans la constitution. Puis, l'Assemblée nationale validera la modification, ce qui permettra de mettre le pied dans la porte pour amener le concept de congé parental au niveau fédéral et poursuivre ensuite, sereinement, sa mise en application au niveau cantonal. C'est la seule façon, aujourd'hui, de mettre le pied dans la porte pour avancer vers un congé parental. Un contreprojet n'est ni faisable ni plus rapide.

Je rappelle deux choses: tout d'abord, sur le fond, on entend régulièrement que les indépendants ne bénéficieront pas du congé parental. C'est faux ! Le Conseil d'Etat peut s'engager en ce sens dans la loi d'application et il a d'ores et déjà annoncé qu'ils y seront pris en compte. La deuxième chose, c'est que la gauche, sous prétexte de l'imperfection de cette initiative, va en fait rater le train. Elle veut attendre une décision fédérale qui tardera à venir et utilise pour ce faire un projet de loi, prétendument plus égalitaire, qui contraint et l'homme et la femme à prendre 18 semaines chacun. Mais, Mesdames et Messieurs, nous vivons au XXIe siècle et il y a aujourd'hui un minimum légal qui est valable aussi bien pour le père que pour la mère, dont les droits sont par ailleurs intégralement protégés durant les huit semaines qui suivent la naissance de l'enfant.

Je pense que, comme politiques, nous n'avons pas aujourd'hui à imposer un modèle aux couples qui deviennent parents et que cette liberté organisationnelle - l'adoption, au final, d'une organisation qui convient à chaque couple - peut aussi être soutenue. Le congé parental permettra de le faire; ce n'est pas une attaque contre les droits acquis, mais la reconnaissance de la confiance que l'on a dans les couples qui deviennent parents en leur laissant la liberté de s'organiser plutôt que de leur dicter une organisation. On pourrait d'ailleurs très bien imaginer qu'un père, à terme, ait plus de congé parental qu'une mère, je ne trouve cela nullement choquant ! Je vous remercie donc de soutenir cette initiative.

Mme Badia Luthi (S). Mesdames et Messieurs les députés, une initiative avec un tel titre laisse croire que l'on oeuvre en faveur de la politique familiale. Malheureusement, l'examen de son fond démontre une triste réalité. Le parti socialiste reste extrêmement perplexe vis-à-vis de la face cachée de cette initiative qui ne fait que dégrader les acquis de la loi sur la maternité, pour lesquels la gauche s'est battue afin d'améliorer les conditions sociales des travailleuses et des travailleurs. Nous signalons encore une fois que nous ne sommes pas contre le congé parental: nous sommes contre les injustices que l'initiative 184 provoque par ses dispositions.

De quel droit obligerait-on les travailleuses et les travailleurs à cotiser pour le congé parental sans qu'ils aient aucune garantie d'en bénéficier ? La décision revient à l'employeur seul, l'initiative ne prévoit aucune obligation d'accorder le congé parental. Cela ouvre la porte à l'injustice, à l'inégalité de traitement, voire à la discrimination.

De quel droit obligerait-on un couple à négocier en son sein pour définir l'heureuse ou l'heureux bénéficiaire des 2 semaines de l'autre ? L'initiative 184 ne prend pas en considération les besoins des mères, après un accouchement, en matière de temps, de soutien et d'adaptation à une nouvelle vie. Cette initiative ne fera que créer des tensions au sein des couples. Elle présente clairement le risque que le congé maternité soit réduit à 14 semaines au lieu de 16, ce qui constituerait un recul des acquis au niveau du droit cantonal. Là encore, nous relevons une injustice sociale envers les femmes.

Cette initiative est aussi discriminatoire à l'égard des indépendants. Elle détériore leur situation par rapport aux avantages qu'ils ont à l'heure actuelle. Actuellement, ils cotisent à la LAMat, avec des montants très raisonnables, pour bénéficier de ces prestations alors que les allocations pour perte de gain ne les leur offrent pas. Les syndicats se sont fortement opposés à cette initiative; ils se sont en effet aperçus du piège qu'elle représente. S'ajoute à cela l'inquiétude du département du fait des difficultés que pose son financement.

La Communauté genevoise d'action sociale a vivement encouragé la commission des affaires sociales à travailler sur un contreprojet afin de remédier aux lacunes flagrantes de cette initiative, mais la droite a refusé d'entendre la voix de la raison. Mesdames et Messieurs les députés, si on veut faire évoluer la politique de la famille, on doit le faire avec bienveillance à tous les niveaux. Le parti socialiste refuse cette initiative, parce qu'elle supprime des avantages sociaux et économiques acquis grâce à une longue lutte de la gauche. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. André Pfeffer (UDC). Le groupe UDC ne soutient pas l'élaboration d'un contreprojet. Au vu des discussions en commission et suite à la lecture des rapports de minorité, il semble probable qu'un éventuel contreprojet servirait uniquement à surenchérir sur les prestations. Comme l'a relevé l'Union des associations patronales genevoises, les milieux patronaux ne sont pas opposés au principe d'un congé parental. Nos entreprises ont besoin d'une certaine stabilité au sein de leur personnel, tout comme de pouvoir engager des collaborateurs et des talents. C'est aussi dans l'intérêt de nos entreprises de créer un environnement favorable pour leurs collaborateurs qui ont des enfants.

La flexibilité que propose cette initiative est intéressante. Il est question de pouvoir reporter 2 semaines d'assurance en faveur d'un des parents, en fonction de la décision du couple. Cette flexibilité permet aux couples de choisir comment bénéficier de cette prestation, en fonction de leurs priorités et de leurs décisions. Les initiants ont réussi à collecter des milliers de signatures, le Conseil d'Etat a validé cette initiative et le débat public doit maintenant avoir lieu. Encore une fois, le groupe UDC ne soutient pas l'élaboration d'un contreprojet. Merci pour votre attention.

Mme Véronique Kämpfen (PLR). Il faut dire d'emblée que le titre de l'IN 184, «Pour un congé parental maintenant !», induit en effet quelque peu en erreur. Ce que demande de fait ce texte, c'est l'introduction d'un financement qui permette la mise en place du congé parental. En cela, les initiants ont eu un trait de génie puisque le Parlement fédéral a refusé, en 2021, d'autoriser les cantons à légiférer sur le congé parental à la suite d'un texte déposé dans le canton du Jura. Le fait de demander l'instauration du congé parental de façon indirecte, en passant par le biais du financement, est peut-être - nous l'espérons - ce qui permettra à Genève de mettre en place un tel congé, revendiqué par une large partie de la population.

Un des avantages de cette initiative est la flexibilité qu'elle prévoit: les couples pourraient se répartir librement 2 semaines entre eux. Concrètement, cela donne à la mère la possibilité de prendre les 16 semaines actuelles et à l'autre parent 8 semaines, ou alors 14 semaines et 10 semaines pour l'autre parent, ou encore 18 semaines pour l'une et 6 semaines pour l'autre. Dans tous les cas, le maximum serait de 24 semaines, soit 6 de plus qu'à l'heure actuelle à Genève, où la mère a droit à 16 semaines et le père à 2.

On peut regretter que le texte de l'initiative et son exposé des motifs soient succincts. Les modalités relatives à la prise du congé financé ne sont pas précisées. Cependant, dans un courrier adressé à la commission des affaires sociales - l'annexe 2 du rapport -, il est clairement indiqué que le congé cantonal, dans l'esprit des initiants, doit être souple afin d'être rendu plus accessible pour les parents et les employeurs. Ainsi, le congé devrait être pris dans l'année suivant la naissance, soit en bloc soit sous forme de journées ou de demi-journées non successives. Cette flexibilité est particulièrement à saluer, tout comme le fait que les cotisations pour financer ce congé soient effectuées de manière paritaire, à moitié par les employeurs et à moitié par les employés.

Le PLR est sensible au fait que le coût du travail à Genève est lourd et que le canton serait le seul à connaître une telle avancée sociale, ce qui lui donnerait un désavantage concurrentiel par rapport aux autres cantons en raison de l'augmentation des charges salariales. D'un autre côté, les entreprises genevoises disposeraient d'un outil flexible, non obligatoire, qui leur donnerait un avantage pour recruter les meilleurs collaborateurs et les maintenir au sein de l'entreprise, ce qui est particulièrement précieux dans les temps de pénurie de main-d'oeuvre que nous connaissons. On peut considérer ce congé parental comme un outil de motivation.

Avant de conclure, je me permets quelques commentaires sur le projet de loi déposé à la dernière minute par la gauche et renvoyé ce soir en commission. Je n'avais pas prévu de m'exprimer sur ce point, mais certains rapporteurs de minorité l'ayant fait, voici quelques considérations à chaud. Ce pseudo-contreprojet reflète exactement ce que le PLR veut éviter. C'est une obligation de prendre 8 semaines de congé parental: il n'y a donc aucune flexibilité, ni pour les parents ni pour les employeurs. Le projet de loi n'indique pas comment seraient perçues les cotisations pour financer ces 8 semaines; il est par conséquent à craindre que, comme pour les allocations familiales, les cotisations soient à la seule charge des employeurs. De plus, le risque est grand que les pères ne s'impliquent pas dans ce congé et que les mères prennent d'emblée 24 semaines, ce qui pourrait s'avérer préjudiciable à l'égalité entre les sexes et aux carrières féminines. Enfin, cette proposition contrevient aux décisions prises jusqu'à présent par l'Assemblée fédérale. S'il n'est déjà pas certain que l'IN 184 pourra être mise en place en raison de l'insécurité juridique qui n'est pas tout à fait levée, il paraît certain que ce projet de loi contrevient aux règles fédérales en la matière, comme l'a rappelé en 2021 le Parlement fédéral en refusant d'autoriser les cantons à légiférer sur le congé parental.

Je reviens sur cette IN 184 qui nous occupe: au cours des travaux sur ce texte, la flexibilité de l'ensemble du projet et le fait qu'il réponde réellement à une demande forte de la population ont convaincu le groupe PLR, qui vous demande de soutenir cette initiative sans lui opposer de contreprojet. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Gabriela Sonderegger (MCG), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, le MCG est favorable à une politique en faveur des familles et des jeunes parents. Il n'est effectivement pas tolérable de ne pas disposer du temps nécessaire, indispensable aux jeunes familles. La situation actuelle en Suisse n'est pas tolérable. Si cette initiative n'est pas idéale, elle représente un véritable progrès que nous ne pouvons pas refuser. Pour cette raison, le MCG soutiendra l'IN 184 mais ne votera pas le contreprojet. Merci.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe maintenant la parole à M. Boris Calame pour trois minutes.

M. Boris Calame (HP). Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, ayez confiance. (Rires.) Les couples n'ont pas besoin que l'Etat décide pour eux. L'entreprise d'aujourd'hui a besoin de séduire et de conserver sa jeunesse productive; elle saura mettre en oeuvre ce congé parental, ce d'autant que le financement est assuré. Un couple est parfaitement à même de décider quelles organisation et répartition des tâches il entend s'appliquer. Pour ce qui est de la garantie fédérale, elle est nécessaire pour l'entier des textes constitutionnels; cela a notamment été le cas en 2012 suite à la révision de notre constitution - rien de nouveau.

Ici, on parle de permettre aux mères de choisir entre 14 et 18 semaines et aux pères entre 6 et 10 semaines, cela dans le cadre d'une décision commune. Un couple n'est pas composé de deux individus opposés, mais est bien le résultat d'une union qui veut le meilleur pour sa descendance. Pour certains, à gauche, vous voulez donner des leçons en vous référant aux indépendants; l'avez-vous seulement été ? Non, je ne le crois pas. L'indépendant que je suis s'organise en connaissant parfaitement les règles du jeu.

Alors, pour finir, chères et chers collègues, soyez courageux ! Ce texte est constitutionnel; le détail sera réglé par la loi d'application. J'ai confiance dans le choix des couples en faveur de leur descendance et de la constitution d'une famille. Je vous remercie pour votre attention et votre soutien à cette initiative. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au... (Un instant s'écoule.) ...siège 93 - je ne sais pas qui c'est. (Remarque.) Monsieur Aellen, il faudrait mettre votre carte ! Voilà, je vous donne la parole. (Remarque.) Ce n'est pas grave, prenez la parole; vous la mettrez après.

M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Cette initiative préserve la liberté, protège les droits et s'appliquera maintenant; c'est ce sur quoi tout le monde s'accorde, du moins sur deux des points - sur la liberté, je ne suis pas certain. Et, corollaire de la liberté, le texte s'abstient effectivement d'introduire une contrainte, ce qui est totalement insupportable pour la gauche. Mais on ne peut pas laisser dire tout et n'importe quoi.

La première chose que j'aimerais souligner, c'est qu'il est faux de dire que les femmes n'auront pas un congé maternité de 16 semaines minimum ! Le droit fédéral prévoit trois choses: 8 semaines d'interdiction de travailler après l'accouchement; 14 semaines de financement obligatoire par l'assurance-maternité; et 16 semaines de congé obligatoire à la demande de la personne, en application de l'article 35a de la loi sur le travail. L'initiative porte exclusivement sur le financement du congé. Et dans le cadre du financement du congé, il est possible d'offrir une grande flexibilité aux familles - je sais que le terme de flexibilité fait peur à la gauche alors que la droite le revendique.

Deux choses encore. On nous a reproché de ne pas agir en parti gouvernemental; j'espère que les socialistes et les Verts ne nous le reprocheront pas cette fois-ci puisque le gouvernement soutient cette initiative contre ces deux partis. Enfin, merci aux trois fonctionnaires, ou anciens fonctionnaires, pour la leçon sur le financement du privé, mais j'aimerais juste vous rappeler une chose: un contrat de travail est conclu entre deux personnes ! Il concerne un employeur et un employé, qui se mettent d'accord sur les modalités, les conditions de travail et qui signent tout à fait librement leur contrat; c'est comme ça que les choses se passent. (Rires.) Je sais que ça fait rire, mais peut-être que si vous aviez une seule fois signé un contrat de travail, vous le sauriez ! (Vives protestations. Applaudissements.)

Maintenant, très concrètement, la gauche nous a dit que l'octroi du congé parental est un attrait supplémentaire pour les entreprises. Ce sera effectivement un attrait supplémentaire pour les entreprises et donc, croyez-nous, nous serons contents de l'accorder à nos employés. Merci. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Je souhaiterais rassurer M. Saudan - vous pourrez lui transmettre, Monsieur le président: il ne s'agit pas de considérer que les électeurs ou que les signataires de cette initiative sont stupides ! Mais je considère qu'ils ont été trompés ! Et j'espère vraiment que l'on dira la vérité lorsque le texte sera soumis à votation et que l'initiative sera présentée sans fard !

Maintenant, sur la loi d'application, qui devrait permettre au couple, au cas où il le déciderait, que l'épouse, la mère donne 2 semaines à l'autre parent, eh bien on nous a dit que ce serait simple: pour éviter cet écueil, on ferait une loi d'application qui octroierait 18 semaines de congé maternité. Quant à cette tare dont l'initiative est porteuse à nos yeux - elle ne rend pas ce congé parental obligatoire -, eh bien la loi d'application pourrait introduire cette obligation. S'agissant de cette loi d'application vouée à arrondir les angles, qui d'une certaine manière sert de prétexte pour accepter ce texte, j'aimerais vous voir dans quelques mois - ou peut-être dans un ou deux ans, je ne sais pas quel sera le calendrier -, au moment où on la proposera à ce même parlement, avec la même majorité peut-être qui aura voté l'initiative; j'aimerais savoir si vous voterez une augmentation du congé maternité de 16 à 18 semaines et l'obligation d'accorder un congé parental ! On nous a fait l'éloge de la flexibilité; eh bien vous serez jugés sur pièce et, le cas échéant, nous vous attendrons dans la rue !

Et puis, quand même, dire que si la droite propose des progrès sociaux, c'est une inversion des situations habituelles, ce qui déstabilise ou dérange la gauche...! J'aimerais vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que chaque fois que vous avez proposé des choses allant dans le sens des intérêts de la population, qui renforçaient les droits de la population et des travailleurs, vous ne nous avez pas trouvés contre vous ! Si d'aventure vous vouliez introduire de véritables progrès sociaux - et grand bien vous fasse -, nous serions avec vous ! En attendant, s'il s'agit d'amener de pseudo-progrès sociaux comme celui que vous défendez aujourd'hui, vous nous trouverez évidemment sur votre chemin.

Si par ailleurs la liberté du couple, c'est finalement que la femme renonce à 2 semaines d'un acquis social, si c'est là que vous placez la liberté et la responsabilité dans le couple, excusez-moi, mais j'ai l'impression que vous n'avez pas bien compris ce qu'est l'équilibre dans un couple. Vous avez peut-être oublié qu'un certain nombre de femmes subissent des pressions, que ce soit sur le lieu de travail ou au sein du couple, pour renoncer à un certain nombre de leurs droits. Passer comme chat sur braise sur cet élément est particulièrement douteux, voire malhonnête !

Une introduction souple et flexible, nous dit-on: «Mais oui, on va commencer doucement: c'est d'ailleurs pour ça qu'on ne le rend pas obligatoire, on veut être flexible - et puis il faut que les employeurs, petit à petit, se rendent compte que c'est dans leur intérêt.» Oui, oui, bien ! Petit à petit ! Mais cotisez déjà aujourd'hui, vous bénéficierez plus tard des effets de cette cotisation ! J'aimerais vous faire part de ce que j'ai trouvé il y a quelques semaines dans un journal à propos du congé paternité - congé paternité qui repose sur une loi fédérale que personne n'a mise en question jusqu'à maintenant. Il apparaît, selon le constat de Travail.Suisse, que seuls 70% des pères peuvent en bénéficier. Entre 5% et 15% ne peuvent pas y prétendre parce qu'ils ne remplissent pas les conditions, mais il y en a en tout cas, pour sûr, 15% - peut-être plus - qui ont subi des pressions sur leur lieu de travail pour ne pas prendre ce congé. Alors imaginez pour un congé parental qui n'est pas garanti, qui ne repose pas aujourd'hui sur des bases juridiques stables - et vous voudriez qu'on lâche la proie pour l'ombre ?! Vous voudriez qu'on soutienne un projet mensonger; il vous sert finalement à justifier des éléments politiques qui vous sont propres, mais ne vise qu'à tromper les électeurs.

Dire que vous êtes pour le progrès social, excusez-moi, mais en l'occurrence - en d'autres situations peut-être, et encore, nous sommes souvent opposés sur ces questions-là -, en ce qui concerne ce projet, vos arguments ne tiennent pas la route, permettez-moi de vous le dire. Ils sont mensongers: d'une certaine manière, vous enfarinez un peu le sujet et les notions de liberté dans le couple, de respect des personnes. Dans les faits, ce n'est pas ce que vous proposez, et j'espère vraiment qu'au moment où ce texte sera soumis au peuple, vous aurez le courage de lui dire la vérité. Quelques-uns d'entre vous ont au moins eu la décence d'indiquer les défauts de cette initiative; j'espère que vous continuerez dans cette voie. En tout cas, nous, nous serons là et nous les dirons !

Une voix. Bravo !

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce débat a permis de clarifier les enjeux autour de cette initiative. On a entendu la droite parler de flexibilité, de souplesse, de pari sur l'avenir, de bénéfice pour les entreprises et les employeurs, d'attractivité pour Genève, l'idée étant que notre canton soit mieux positionné par rapport aux autres et attire des employés qui, selon la bonne volonté de l'employeur, pourront bénéficier ou non d'un congé parental. Je ne suis pas sûr que les plus de 11 000 personnes qui ont signé l'initiative «Pour un congé parental maintenant !» avaient en tête que, finalement, ils n'auraient peut-être pas droit à un congé parental.

La souplesse et l'hyperflexibilité de ce dispositif font davantage penser à un projet Uber qu'à un droit. Et la droite, comme elle l'a fait dans le dossier Uber, fonce bille en tête sur un projet «moderne», un projet «flexible», un projet «souple», un projet qui condamne les travailleurs à perdre des droits, à être moins payés, à lâcher la proie pour l'ombre. La droite n'a pas retenu la leçon d'Uber; la droite n'a pas retenu la leçon d'Uber devant les tribunaux. Le MCG n'a pas appris du combat de M. Poggia; le MCG qui, de manière laconique, indique en une phrase: «C'est un très bon projet, on le soutient», n'a aucun argument pour se coller au PLR, mais le suit pourtant aveuglément sur la voie d'un projet antisocial.

Ce n'est pas être un vieil éléphant socialiste ou de gauche que de s'indigner contre le mépris et l'arrogance du PLR lorsqu'il déclare: «Vous n'êtes pas des indépendants, vous n'avez jamais signé de contrat de travail, vous êtes des fonctionnaires» ou «Vous ne payez pas d'impôts». Faites attention avec cette petite machine à déconsidérer, Mesdames et Messieurs du PLR, parce que c'est l'écrasante majorité des Genevois - 250 000 ou 260 000 personnes - qui ne possèdent pas de fortune que vous traitez avec mépris... (Applaudissements.) ...quand vous vous exclamez: «Les gens n'ont même pas réussi à mettre de l'argent de côté, oh, ils ne paient pas d'impôts !»

Vous créez ainsi une société à deux vitesses, comme avec cette initiative vous allez créer un statut à deux vitesses: ceux à qui l'employeur voudra bien accorder un congé parental et les autres qui n'y auront pas droit. Vous savez très bien la classe que vous défendez. Quand vous soutenez: «Il n'y a plus de classes sociales, il n'y a plus de rapports de force, on s'arrange dans les familles comme on s'arrange avec son employeur, c'est-à-dire à bien plaire», mais de qui vous moquez-vous ? Qui croit à ça ?

82% des hommes travaillent à 100%, 42% des femmes travaillent à 100%. Pourquoi ? Parce qu'ils n'arrivent pas à s'entendre ? Non ! Parce qu'au moment où arrive un enfant, qui aura la possibilité de poursuivre une carrière, qui devra garder l'emploi le mieux rémunéré ? L'homme ! Et la femme restera à la maison. Ce sont des statistiques, sans doute aussi pénibles à entendre pour vous que les statistiques sur les revenus, et vous savez très bien que les personnes qui bénéficieront de ce congé seront les employés des grandes firmes que vous défendez.

C'est pourquoi, une dernière fois, je lance un appel, en particulier aux membres du MCG: ne foncez pas derrière le PLR qui vous enverra, comme pour Uber, dans le mur, renvoyez cette initiative à la commission des affaires sociales pour qu'on y élabore un contreprojet solide et ne trompez pas le peuple dont vous vous réclamez. Merci.

M. François Baertschi (MCG). Je suis presque forcé de répondre...

Une voix. Ben oui !

M. François Baertschi. ...au député socialiste - vous transmettrez, Monsieur le président. Il nous accuse de nous engager dans l'ubérisation; je ne vois pas ce que ça a à voir avec l'initiative que nous examinons aujourd'hui. On ne va pas, je ne sais pas, commander des limousines pour des enfants ou Dieu sait quoi ! On entre là dans une vision tout à fait délirante.

Pour ma part, j'ai l'impression d'avoir face à moi des personnes qui se trouvent dans un mode binaire, digne du XIXe siècle: «Il y a la gauche, il y a la droite, il y a les bons et les méchants !» Si vous avez suivi les travaux, nous avons formulé certaines remarques, nous n'approuvions pas à 100% cette initiative, mais nous pensions qu'il s'agissait malgré tout d'une piste intéressante. Or comme nous ne suivons pas la gauche, hop, nous sommes immédiatement dans le camp du mal, c'est complètement ridicule.

Il y a des réalités, Mesdames et Messieurs. Les réalités, c'est quoi ? Ce sont de jeunes familles, de jeunes couples qui aimeraient disposer de davantage de temps pour s'occuper de leurs enfants. Une proposition nous est présentée ici; on peut en penser ce que l'on veut, nous estimons quant à nous qu'elle constitue quand même un petit progrès qu'il ne faut pas négliger. Nous devons peut-être avancer à petits pas, peut-être que des difficultés juridiques nous réserveront de mauvaises surprises.

Quoi qu'il en soit, nous ne cautionnons pas cette vision caricaturale de la politique et des modèles sociaux. Non, là, véritablement, on est au niveau zéro de la politique, je suis désolé de vous le dire. Merci, Monsieur le président.

Une voix. Bravo, François !

Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. Didier Bonny, à qui il reste quatre minutes cinquante.

M. Didier Bonny (Ve), rapporteur de troisième minorité. Oui, je vois, j'ai tout le temps, donc pas de stress. Très bien, merci, Monsieur le président. Je ne vais pas utiliser l'entier des cinq minutes qu'il me reste, j'aimerais juste revenir sur deux ou trois points qui ont été évoqués au cours de la discussion.

Tout d'abord, Monsieur le président, vous transmettrez à M. Aellen que quand on mène ce genre de débat, on a tendance à en rajouter un petit peu, et son mélange entre les fonctionnaires, l'initiative 184, celles et ceux qui n'ont jamais signé de contrat de travail de leur vie, ce n'est vraiment pas d'un niveau très élevé. A cet égard, je tiens à l'informer que j'ai signé un contrat de travail pas plus tard que début octobre, je peux même le lui montrer, si ça lui fait plaisir. Voilà, cela étant... (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Didier Bonny. Merci ! (Commentaires.) Bien. Cela étant dit... (Commentaires.) Non, mais, Monsieur le président...

Le président. S'il vous plaît, laissez l'orateur s'exprimer.

M. Didier Bonny. Oui, merci, sinon mes cinq minutes ne me suffiront pas. Cela étant dit, et pour être un peu plus sérieux, Monsieur Buchs - vous lui transmettrez, Monsieur le président, même s'il est assis juste à côté de moi -, très franchement...

Une voix. Le bon docteur Buchs !

M. Didier Bonny. Oui, on peut le dire: le bon docteur Buchs. Je crois absolument M. Buchs quand il dit qu'il ne souhaite pas toucher aux 16 semaines de congé maternité, je le sais totalement sincère, pas de problème. En revanche, je crois beaucoup moins les autres partis... (Exclamations.) ...qui soutiennent cette initiative. Alors j'ai peut-être mal compris, mais quand la personne du même groupe dit: «Il y a 8 semaines, il y a 14 semaines, il y a 16 semaines, il faut de la flexibilité, ce n'est pas trop grave, enfin voilà, il faut utiliser ces options», ça va exactement dans le sens inverse de ce qu'a soutenu M. Buchs, donc on ne peut pas s'en remettre au fait que la droite ne touchera jamais aux 16 semaines. Comme on dit, les promesses rendent les fous joyeux !

Une voix. Tu es un méfiant, toi !

M. Didier Bonny. Je suis peut-être un méfiant, mais c'est aussi l'expérience qui parle.

Ensuite, Mesdames et Messieurs les députés, la grosse différence entre la droite et la gauche - c'est d'ailleurs bien pour ça qu'il y a une droite et une gauche, sinon on ne serait pas là ce soir, on aurait déjà traité ce point depuis très longtemps... (Remarque.) Eh bien là, en l'occurrence, Monsieur Guinchard - il m'a interpellé directement, Monsieur le président, j'en profite pour lui souhaiter un bon anniversaire ! (Rires.) En l'occurrence, sur ce sujet, Le Centre est bien à droite ! La grande différence entre la droite et la gauche, donc, c'est que la droite, et M. Pfeffer l'a très bien démontré - vous transmettrez, Monsieur le président, parce que tout de même, l'UDC qui soutient le congé parental, non, mais on croit rêver !...

Une voix. Eh bien oui !

M. Didier Bonny. Ou cauchemarder, je n'en sais rien, ça dépend du point de vue. Ce que je veux dire, c'est que la droite veut faire de ce congé parental un argument marketing pour engager du meilleur personnel ! La gauche, quant à elle, non, elle veut simplement ne pas créer une inégalité de traitement. Or cette initiative 184 crée une inégalité de traitement. Nous avons essayé de le montrer depuis plus d'une heure maintenant. A gauche, on ne peut pas être d'accord avec cette manière de procéder, on ne peut pas admettre que certains vont bénéficier d'un congé parental et d'autres pas. Ce n'est pas ça, l'approche de la gauche ! (Applaudissements.)

Notre approche - et on a très peu évoqué cet aspect - met au centre le bien de l'enfant, le fait que les parents puissent se répartir les tâches. On ne se cache pas derrière un argument économique en disant aux gens: «Si vous venez chez nous, vous aurez un congé parental; si vous ne venez pas, vous n'en aurez pas.» De quoi se préoccupe-t-on à droite ? On ne se préoccupe absolument pas de la famille. Pourtant, le parti dont le représentant est assis juste à côté de moi, à ma gauche, devrait s'en préoccuper, mais non, on vise tout bonnement le bien-être économique. Bien sûr que l'enjeu économique est important, mais le bien-être des personnes l'est encore plus pour la gauche, et c'est pour cette raison que nous ne pouvons pas soutenir cette initiative. Merci.

Une voix. Bravo.

Le président. Je vous remercie. Madame Haller... Vous reste-t-il du temps de parole ? Oui, vous disposez encore d'une minute.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur un élément, Mesdames et Messieurs. Il ne s'agit pas d'une bête opposition gauche-droite. Il y a effectivement une plus forte propension à gauche à défendre les acquis sociaux et à essayer de promouvoir le progrès social, mais on trouve aussi des gens à droite qui ont ce type d'attentes...

Des voix. Ah !

Mme Jocelyne Haller. ...et de projets. Il n'empêche que certains font de la politique politicienne, et c'est notamment ce qui a dû prévaloir dans le regard qui a été porté sur ce projet, ils ne défendent pas cela. Je vous rappelle que l'UAPG s'est prononcée contre l'initiative, et ce n'est pas forcément la gauche de la gauche.

Cela étant, je souhaite encore souligner autre chose. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ce que la majorité s'apprête à faire ce soir, c'est favoriser un recul: un recul social, un recul des droits des femmes. Sous prétexte de la liberté et de la responsabilité dans le couple, encore une fois, vous trompez le monde, vous êtes surtout en train de fragiliser un acquis social. Je répéterai juste ce qu'un membre du PLR avait indiqué en commission concernant le projet de loi sur l'adoption: il avait dit s'y rallier...

Le président. Il vous faut conclure, Madame.

Mme Jocelyne Haller. Je conclus volontiers, Monsieur le président ! Il avait dit: «Je suis pour ce projet, parce qu'il désacralise la durée du congé maternité.» Voilà ce dont il est question entre autres ce soir...

Le président. C'est terminé...

Mme Jocelyne Haller. Je vous invite vraiment à refuser cette initiative et à accepter le principe du contreprojet. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Monsieur Boris Calame, il vous reste une minute.

M. Boris Calame (HP). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer d'être bref, mais il y a des choses que je ne peux pas entendre. Rappelons quand même la réalité: aujourd'hui, pour un couple marié, la mère a 16 semaines de congé et le père 2 semaines; avec l'initiative, la mère aurait toujours 16 semaines - plus ou moins, 2 pouvant être cédées - et le père 8 semaines. Pour un couple pacsé, la mère biologique a 16 semaines, comme aujourd'hui, l'autre parent n'a rien; dans la proposition, ce serait 16 semaines et 8 semaines, donc on a vraiment une progression importante.

Pour des parents adoptifs, aujourd'hui, c'est 16 semaines pour le père ou la mère, l'autre n'a rien; là, ce serait 16 et 8 semaines, ce qui n'est pas anodin. Et pour une famille d'accueil, aujourd'hui, c'est zéro et zéro, et on passerait à 16 et 8 semaines. Mesdames et Messieurs, on ne peut pas dire qu'il s'agit d'une régression dans la réalité des familles, des parents ou des parents adoptifs, c'est plutôt un sacré progrès, voilà ce qu'il faut reconnaître. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je repasse la parole à M. Bertrand Buchs pour trois minutes.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Un peu plus, non ?

Une voix. Il a droit à plus.

M. Bertrand Buchs. Je trouve le débat intéressant, parce que deux visions différentes s'affrontent. Là, Mesdames et Messieurs, on discute un projet de loi constitutionnelle, donc il est clair qu'on ne va pas y inclure tous les détails, il faudra une loi d'application, et celle-ci répondra aux problèmes que vous avez soulevés.

Maintenant, je vous trouve extrêmement conservateurs, les partis de gauche ! En fin de compte, la gauche est très conservatrice alors que la droite est beaucoup plus progressiste. (Exclamations.) Oui, c'est vrai. Vous ne vous rendez pas compte que la société a changé et que la dynamique dans un couple est complètement différente de ce qui se passait avant. C'est précisément en favorisant la liberté au sein du couple que vous offrez plus de pouvoir aux femmes, c'est comme ça que vous leur accordez plus d'importance.

En disant: «On ne peut pas faire confiance aux gens, on doit inscrire ça dans la loi, parce que ce sont tous des méchants qui vont empêcher la femme de bénéficier de ce qui lui revient de droit», vous êtes à l'envers de ce que nous pensons maintenant. On parle d'égalité... (Rire.) ...d'égalité complète dans le couple - vous pouvez rire, Madame Nyffeler, mais c'est vrai, on parle d'égalité absolue dans le couple. Pour notre part, on fait le pari qu'on va changer la société, on est positifs...

Une voix. Bravo !

M. Bertrand Buchs. Vous, ce soir, vous êtes négatifs. Vous êtes négatifs, parce que vous ne faites pas confiance. Vous savez, je fais un métier où si je ne fais pas confiance aux personnes qui viennent me parler, je ne peux pas travailler. La confiance, c'est ça, c'est de dire: «Ensemble, on va réussir à développer un projet qui tient la route.»

Le canton de Genève sera ainsi précurseur, comme pour la loi sur la maternité; il sera précurseur en devenant le premier canton à instituer un congé parental. Votez cette initiative et refusez le principe d'un contreprojet, allons vers la modernité et l'avenir, ne revenons pas en arrière en nous montrant conservateurs. La droite n'est pas conservatrice, la droite est progressiste ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'initiative 184 vise à modifier l'article 205 de notre constitution en adaptant la formulation d'un alinéa et en en inscrivant un nouveau, de manière à créer une nouvelle assurance sociale. Si le peuple vote cette modification, nous aurons l'occasion de mener un deuxième débat autour de la façon dont le parlement souhaite la mettre en oeuvre.

Cette formulation constitutionnelle, le Conseil d'Etat l'a mentionné dans son rapport, engendre des incertitudes juridiques quant à l'application de la norme au sens strict sans perdre les acquis. A ce stade, le Conseil d'Etat l'admet et l'assume; il a d'ailleurs écrit qu'il entend remédier à ces différents facteurs d'insécurité par une loi d'application qui réglera ces questions et permettra de doter enfin notre canton d'un congé parental.

Par ailleurs, les réflexions du Conseil d'Etat sont les suivantes. Le Conseil d'Etat considère qu'il est opportun de faire se prononcer le peuple genevois dans son ensemble sur une nouvelle assurance sociale. En effet, nous le savons, dans le domaine de l'assurance sociale, il y a assez peu d'innovation. Dans notre pays, nous avons une relation à l'aide à la famille extrêmement fermée. Partant, cette initiative nous donne l'occasion de discuter de la façon dont nous pouvons soutenir les familles en particulier.

Le résultat des votations dans différents autres cantons est instructif à plusieurs niveaux. La voie choisie par cette initiative est de faire en sorte que le financement soit assuré, mais sans être lié au droit des travailleuses et travailleurs - nous n'avons strictement aucune compétence en la matière; nous pourrions agir à un autre niveau, par exemple celui de la protection de l'enfant ou de l'égalité entre les femmes et les hommes.

La question de l'obligation pour l'employeur d'accorder un congé a été largement débattue en commission comme ce soir. Le canton ne dispose pas de marge de manoeuvre pour imposer un congé parental dans les relations de droit privé qui permettrait aux travailleuses et travailleurs de se libérer valablement de l'obligation de travailler. Il s'agit là de compétences exclusives de la Confédération, épuisées par celle-ci dans le domaine du droit privé et de la protection des travailleuses et travailleurs. Il existerait également un risque d'inégalité entre les parents en fonction des décisions prises par les employeurs d'accorder ou non un congé.

Pour l'Office fédéral de la justice comme pour le Conseil d'Etat, un congé parental pourrait être institué au niveau cantonal s'il poursuit un autre but d'intérêt public que le droit fédéral n'épuise pas, en particulier, je l'ai dit, la protection de l'enfant ou l'égalité entre les hommes et les femmes.

S'agissant du financement, les initiantes et initiants ont reconnu qu'il existait une zone d'ombre sur cette question précise; ils envisagent, disent-ils, une nouvelle assurance dont il faudrait délimiter les contours et qui se rapprocherait du mode des APG. A ce stade, il n'a pas été clairement établi s'il serait possible de faire cohabiter le système actuel avec un autre; naturellement, il ne s'agit pas de remplacer la LAMat, et la marge de manoeuvre est particulièrement étroite.

Ainsi que l'Office fédéral de la justice nous l'a écrit, un financement par le biais des cotisations APG en tant que telles via un supplément cantonal ou par un financement paritaire entre employeur et employé ne peut pas être considéré. Une prise en charge du congé parental par le biais de la fiscalité, c'est-à-dire par le budget général du canton, serait envisageable, mais comme vous l'avez lu, le Conseil d'Etat est défavorable à cette option. Et si la décision s'oriente vers les caisses de compensation, il faudrait obtenir l'accord de l'Office fédéral des assurances sociales alors que si on prévoit un financement cantonal calqué sur le mécanisme des APG, il faudrait sans doute le concrétiser avec une institution cantonale chargée de percevoir et de distribuer cette nouvelle cotisation.

Nous l'avons relevé, des flous juridiques demeurent, que le Conseil d'Etat s'engage à dissiper avec l'appui, nous l'avons entendu, d'un certain nombre de partis. Le Conseil d'Etat est résolu à ne jamais péjorer la situation des parents en touchant à la LAMat. Il souhaite une avancée sociale, et non une régression des droits; sur ce point, il n'y a aucun doute.

Il convient de maintenir à tout prix le droit à 16 semaines au moins pour la mère. A ce sujet, afin de vous rassurer autant que faire se peut, le Conseil d'Etat serait prêt à proposer dans la loi d'application, comme cela a été évoqué, de rehausser le congé maternité à 18 semaines de manière à ne pas remettre en cause les acquis. Je pense que le texte ne manque pas de clarté de ce point de vue là et je rappelle que l'arrêté du Conseil d'Etat est également relativement clair.

Enfin, s'agissant de l'obligation pour l'employeur d'accorder un congé parental, il serait possible de se fonder sur l'article 6 du code civil qui prévoit, à son alinéa 1: «Les lois civiles de la Confédération laissent subsister les compétences des cantons en matière de droit public.» Voilà une voie possible.

En conclusion, Mesdames les députées, Messieurs les députés, les incertitudes juridiques ont été évoquées, il y a des défis et nous allons les relever. Un contreprojet aurait pu être élaboré et traité en commission, cela n'a pas été le choix, hélas, de la majorité de la commission; nous aurions pourtant pu accomplir ce travail en amont. Le Conseil d'Etat s'appliquera à chercher des solutions dans le cadre du projet de loi d'application si l'initiative 184 est validée par le peuple genevois, afin de trouver une voie satisfaisante. A cet égard, l'engagement que les partis ont pris ce soir nous aidera certainement à construire une solution en accord avec tout le monde.

Genève a été capable d'être le premier canton suisse à offrir une innovation aux familles en instaurant une assurance-maternité, quatre ans avant celle de la loi fédérale. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le gouvernement est favorable à ce nouveau progrès et vous invite dès lors à soutenir cette initiative.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le moment de voter.

Mise aux voix, l'initiative 184 est acceptée par 53 oui contre 34 non et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 55 non contre 38 oui (vote nominal).

Vote nominal

IN 185-B
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 185 « Pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
Rapport de majorité de M. Yvan Zweifel (PLR)
Rapport de première minorité de M. Pierre Vanek (EAG)
Rapport de deuxième minorité de M. Sylvain Thévoz (S)

Débat

Le président. Nous passons à l'IN 185-B et sommes toujours en catégorie II, soixante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Yvan Zweifel.

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. A propos de l'initiative précédente, on nous a expliqué en long et en large, en particulier sur les bancs de gauche, que le titre était trompeur. Mais que dire alors du titre de l'initiative 185, «Pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes» ? «Une contribution temporaire»: nous allons le voir tout à l'heure, il y a trois mesures dans cette initiative; une seule est temporaire, deux sont pérennes, notamment celle qui vise à matraquer fiscalement un certain nombre de contribuables, en particulier les entrepreneurs et les patrons de PME.

On dit que c'est une «contribution temporaire de solidarité», en sous-entendant peut-être que les personnes aujourd'hui fortunées dans ce canton ne sont pas solidaires, alors que nous sommes précisément dans le canton où les plus riches sont les plus solidaires: il faut rappeler ici que 3% des contribuables paient 84% de l'impôt sur la fortune et que 4% des contribuables paient 50% de l'impôt sur le revenu, des proportions inimaginables dans les autres cantons. Nous avons ici les personnes fortunées les plus solidaires de tout le pays, avec les taux d'impôt sur la fortune et sur le revenu maximum qui sont les plus élevés de tout le pays.

On dit ensuite que c'est une «contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes», en sous-entendant que les seuls qui seraient touchés sont les plus riches de ce canton. Eh bien, là encore, l'administration fiscale, qui nous a fourni des chiffres - vous les trouvez dans mon rapport -, est extrêmement claire: sur la période de dix ans - la partie dite temporaire -, sur les 200 millions escomptés par les initiants, 133 millions, c'est-à-dire deux tiers, seraient payés par les entrepreneurs, les patrons de PME, ceux qui créent de la valeur dans ce canton, ceux qui créent des emplois, ceux qui créent de la richesse.

Et puis, après dix ans, lorsque persistent les deux autres mesures, sur les 72 millions alors escomptés, 65 millions sont payés par les entrepreneurs; 91% de l'augmentation est payée par les patrons de PME, alors que les initiants eux-mêmes nous expliquent que «non, non, on voulait toucher les plus riches qui fument des cigares avec des hauts-de-forme en regardant les employés se tuer à la tâche, mais surtout pas les patrons d'entreprises, qui effectivement créent de la richesse et de l'emploi dans ce canton». Par conséquent, l'initiative, le titre, absolument tout à part le premier mot, est mensonger; rien à voir avec l'initiative précédente.

Par ailleurs, lorsqu'on lance ce genre d'initiatives, il est évidemment intéressant de savoir ce qu'il se passe pour les personnes les plus impactées - tout à l'heure, on aura droit à un cours de vocabulaire par M. Vanek; moi je maintiens qu'«impacter» est effectivement important - et la question se pose ici. On l'a posée à l'administration fiscale, qui a été claire sur ce point également: si les dix personnes - dix personnes, cela représente 0,002% de la population ! - les plus impactées venaient à quitter le canton... Alors on ne se mettra pas d'accord avec la gauche pour savoir si elles partiraient ou si elles ne partiraient pas, mais lorsqu'on fait de la politique, gouverner, c'est prévoir, comme disait l'autre, et il faut se demander s'il y a une probabilité qu'elles partent ou pas. On ne sera pas d'accord, pas de souci, mais la question, c'est: si elles partent, quel sera l'impact de ce départ ?

Je vous donne les chiffres: si les dix personnes les plus impactées - qui ne sont pas forcément les plus riches, je le répète encore une fois, cela peut être des entrepreneurs, qui ne sont pas forcément les plus fortunés - quittent ce canton, on perd 20% des 200 millions escomptés de l'initiative. Enfin, on ne les gagne pas, en l'occurrence ! Et on perd ce qu'elles paient aujourd'hui réellement, au titre de l'impôt sur la fortune comme au titre de tous les autres impôts. Ces dix personnes paient 186 millions d'impôt, soit 18,6 millions par personne.

Que représentent ces 186 millions ? Vous retrouvez l'information à la page 11 de mon rapport: cela représente tout simplement l'équivalent du salaire et des charges patronales de 1240 ETP de l'Etat, c'est-à-dire 7% du total des fonctionnaires du petit Etat; leurs salaires et leurs charges sociales sont payés par seulement dix personnes dans ce canton. 186 millions représentent aussi l'intégralité des subsides d'assurance-maladie supplémentaires votés par le peuple en mai 2019, dans le cadre du contreprojet à l'initiative 170. Ce montant, pour rappel, c'était un accord entre la gauche - qui a lâché tout le monde en rase campagne - et la droite, qui visait à faire passer le nombre de bénéficiaires de ces subsides de 53 000 à 140 000. On va donc expliquer à ces 87 000 personnes supplémentaires qui, grâce à ce vote et à ce contreprojet, aujourd'hui bénéficient de 186 millions de subsides, qu'elles peuvent les oublier; la gauche ira leur expliquer cela.

Ces 186 millions représentent également 18% de la participation de l'Etat au budget des HUG. Tout ça, payé uniquement par dix personnes, ces dix personnes conspuées aujourd'hui et sur lesquelles on crache. Tout à l'heure, les rapporteurs de minorité auront l'occasion de le rappeler. On ne peut pas mener cette politique et prendre un tel risque, avec seulement dix personnes qui partiraient. Si on prend les vingt personnes les plus touchées, c'est une perte sèche de 241,6 millions - on a déjà effacé tout le gain potentiel de l'initiative -, et si cinquante personnes s'en vont, de 310 millions. Cette initiative, c'est tout simplement de la folie pure !

Et puis, les initiants aiment nous expliquer qu'ils souhaitent avoir une plus grande égalité, parce que les inégalités sont trop fortes. Mais quand cette initiative aura eu pour effet de faire baisser l'impôt de 91% des personnes qui aujourd'hui paient un impôt sur la fortune - tant mieux pour elles ! -, mais, en contrepartie, de faire augmenter de plus de 50% celui de 9% des contribuables qui paient aujourd'hui un impôt sur la fortune, et quand ces derniers partiront, que va-t-il se passer ? Ce sont les contribuables moyens, ceux de toutes les autres classes sociales, qui devront payer. A la question posée à l'administration fiscale - si les dix contribuables les plus impactés partent, combien faudrait-il de contribuables qui paient un impôt moyen ? -, la réponse est 15 341 ! 15 341 ! Si les vingt contribuables les plus touchés partent, il en faudra 19 926. Si les cinquante contribuables... (Rire.) Cela fait rire M. Vanek, il rira moins tout à l'heure ! ...les plus touchés partent, il faudra 25 600 contribuables pour les remplacer. Cette initiative, c'est tout simplement de la folie pure ! En réalité, lorsque ces personnes partiront, tout cela se répercutera sur le reste des contribuables, en particulier sur la classe moyenne. (Remarque.)

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Yvan Zweifel. Oui, je termine tout de suite. Cela aura effectivement pour effet de réduire les inégalités, mais ce sera une augmentation gigantesque des impôts de la classe moyenne. Finalement, cette initiative - et je conclus là-dessus - illustre parfaitement cette maxime de Winston Churchill: le capitalisme est une inégale répartition des richesses, le socialisme est une égale répartition de la misère. (Remarque.) C'est exactement ce qu'il se passera avec cette initiative. La majorité raisonnable et responsable de la commission fiscale vous invite à la rejeter avec fermeté, ainsi que tout contreprojet. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Je riais en effet, parce que j'admirais la virtuosité du député en face, qui alignait des «si» et qui bâtissait des scénarios hypothétiques, relevant d'un autre monde. Un monde qu'il essaie systématiquement de construire, chaque semaine, à la salle des Fiefs, où se réunit la commission fiscale, un monde alternatif où les pauvres, ceux qui sont malheureux, menacés, etc., ce sont les très riches, constamment sur le point de fuir les rives du Léman, de partir vers d'autres cieux. Le problème, c'est que cet élément de construction là est purement hypothétique et ne correspond pas à la réalité. J'ai eu le plaisir d'être élu dans cette salle en 1993 et j'entends depuis la dernière décennie du siècle dernier les menaces de riches qui vont partir, qui vont fuir, et on se retrouvera dans une misère noire, mais la réalité est différente ! (Remarque.) La réalité est différente !

Le 31 décembre, la «Tribune de Genève» reproduisait un article du journal «Bilan» - sérieux, ce n'est pas un organe d'extrême gauche ! - qui expliquait que toutes sortes de contribuables britanniques fortunés venaient s'installer à Genève, fuyant le reliquat du conservatisme anglais qui gouverne comme une poule sans tête la Grande-Bretagne pour encore un moment, qui supprime des impôts, les réintroduit, etc. La «Tribune de Genève» décrivait l'attractivité de Genève à travers notamment notre ancien collègue Bénédict Fontanet, qui dépeignait le havre de stabilité politique et fiscale qu'on trouve à Genève, des collectivités publiques financièrement solides, etc., etc., qui expliquent l'attrait de Genève. Les riches viennent donc ici. Les riches viennent, viennent, viennent ici, parce qu'on leur fait des cadeaux fiscaux en or massif ! (Commentaires.) Et il s'agit simplement de retourner un tout petit peu - c'est de l'homéopathie, cher ami ! - les choses dans l'autre sens et de prélever une contribution temporaire de solidarité très très modeste sur ces grandes fortunes.

Pourquoi est-il parfaitement légitime de parler de contribution temporaire ? Vous avez les chiffres dans les éléments de l'administration fiscale: pendant les dix premières années, environ 200 millions pour le canton et 50 millions pour les 45 communes sont prélevés. Après cette période, cela descend respectivement à 66 et à 12 millions; la grande majorité de la contribution supplémentaire obtenue grâce à cette initiative est en effet temporaire. Il y a quelques aspects positifs qui effectivement perdureront, mais enfin, ce n'est pas un problème.

D'autres éléments plaident en faveur de cette initiative. C'est l'impérative nécessité pour notre collectivité publique d'avoir des moyens face à la crise, face à la crise économique, face aux besoins en matière de protection de l'environnement et de transition écologique, face aux questions de santé et de formation, etc., de faire rentrer quelques recettes supplémentaires. Alors vous dites: «Merci, mais il n'y en a pas besoin ! Il n'y en a pas besoin !» Cela signifie que vous ne reconnaissez pas les besoins, justement - c'est le bon mot que vous avez employé, «sotto voce» -, de la population dans une toute série de domaines, qui sont croissants et auxquels notre collectivité ne peut pas répondre si elle n'a pas ces quelques moyens supplémentaires que, raisonnablement, les personnes concernées... Parce que vous peignez ce diable de la fuite de ces contribuables, or certains millionnaires - il y en a un qui manifestait à Davos l'autre jour, vous l'avez vu - réclament une taxation supplémentaire raisonnable, car ils se rendent compte que les conditions d'existence ne peuvent pas supporter cette polarisation constamment accrue ! Vous déplorez cette pyramide fiscale qui fait que peu de gens paient beaucoup et que beaucoup de gens paient peu. Mais enfin, cette pyramide fiscale n'est que le reflet des inégalités croissantes dont vous savez très très bien qu'elles sont documentées à l'échelle fédérale ! L'indice de Gini - qui concerne les inégalités en matière de fortune - est pour Genève de, quoi ? 0,9 ? 0,92 ?

Une voix. Pratiquement 1 !

M. Pierre Vanek. Pratiquement 1 ! C'est pratiquement le maximum ! C'est donc une inégalité massive, contre laquelle, très modestement, cette initiative intervient.

Ensuite, simplement, sur les éléments factuels. S'agissant des contribuables genevois, pour prendre les très riches, ceux que vous présentez quelque part comme les pauvres victimes, qui détiennent plus de 100 millions de fortune imposable déclarée et parfois beaucoup plus, vous le savez bien, vous le savez encore mieux que moi, l'administration fiscale nous annonce 124 contribuables dans cette situation. La contribution supplémentaire de toutes ces personnes fortunées réunies induite par l'initiative durant les dix premières années - donc la période durant laquelle, précisément, le surcoût temporaire s'impose - se monterait à 96,6 millions de francs par an. On voit l'aspect extrêmement modeste de la contribution qui est demandée et l'aspect éventuellement abusif de votre démonstration sur les départs ! Parce que vous faites une démonstration pseudo-logique en disant...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Pierre Vanek. Oui, oui, je vais m'arrêter ! (Remarque.) ...qu'elles risquent de partir, mais je peux faire une démonstration analogue à votre égard ! Je pourrais dire que si mon ami Zweifel en face, au lieu d'être le sympathique jeune homme que je vois, était un fou furieux, eh bien, il faudrait l'enfermer ! Il faudrait l'enfermer, parce qu'il représenterait un danger réel ! Un danger réel pour mon ami Guinchard... (Rire.) ...un danger pour les députés autour de lui ! (Rire. Commentaires.) Il faudrait l'enfermer ! Et je fais une discussion autour de... (Commentaires.) Non, mais il y a un proverbe qui répond à ça: «Avec des si» - avec des si, Monsieur le député ! -, «on mettrait Paris en bouteille.» Paris est mieux à l'air libre et nos riches cohabitants du canton peuvent parfaitement payer ce qu'on leur demande. C'est indispensable pour les services publics, les prestations sociales et toute une série d'autres domaines d'intervention - dont le nombre a nécessairement augmenté - de la collectivité.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative est raisonnable. Elle propose que les fortunes de plus de 3 millions soient soumises durant dix ans seulement à une contribution de solidarité de 2,5 pour mille; elle propose également que le bouclier fiscal soit adapté, le rendement net de la fortune passant de 1% à 2%.

Cette initiative va dans le sens de ce que préconisent le FMI, Oxfam - vous avez certainement vu récemment le rapport d'Oxfam qui dit, en gros, que suite à la crise du covid et à la crise d'Ukraine, les collectivités publiques doivent éponger les dettes, doivent assurer leur pérennité et leur stabilité en imposant davantage les grandes fortunes. Ce n'est pas une initiative d'une gauche radicale, isolée, passéiste. C'est une initiative qui va dans le sens de ce que demandent le FMI, Oxfam, d'autres entités et les millionnaires eux-mêmes.

Il y a un mouvement appelé «Tax me now» de millionnaires qui disent: «Nous sommes prêts à payer davantage.» Warren Buffett, aux Etats-Unis, le disait: «Je paie proportionnellement moins d'impôts que ma secrétaire.» Il y a un mouvement général, Monsieur Zweifel, qui demande cela et vous avez refusé... Peut-être que vous, vous vous êtes abstenu, mais la majorité de la droite a refusé d'entendre ces millionnaires qui auraient pu venir nous dire qu'ils ne sont pas contre ce genre d'initiatives. Ceux qui sont contre, ce sont certains groupes politiques, certains groupes liés à des réseaux de fiscalistes, d'avocats, de banquiers privés qui tirent profit d'une imposition «soft», parce qu'ils ont des mécanismes d'évasion fiscale, de protection des millionnaires, qu'ils s'enrichissent sur ces millionnaires qui, eux, ne verraient peut-être guère de différence entre payer un fiscaliste ou payer l'Etat, sauf que cela ferait une énorme différence pour les habitants, pour la population qui, elle, se trouve dans un moment particulièrement difficile - je ne vous ferai pas un long discours sur l'augmentation des charges et du coût de la vie, sur la diminution du pouvoir réel d'achat -, dans un moment où l'Etat doit répondre présent et doit pouvoir assurer des services de base pour une population qui se trouve dans une souffrance certaine.

M. Zweifel a essayé de nous jouer la corde sensible des PME. C'est une corde éculée, répétitive, peut-être la seule que le PLR sait jouer, mais elle est, une fois de plus, erronée. Cette initiative engendre une baisse d'impôt pour 90% des personnes qui paient un impôt sur la fortune. Ce sont uniquement les plus fortunés, les plus riches qui verront leur contribution augmenter, et ça, c'est avéré et attesté. Simplement, il parle des entrepreneurs, de quelques entrepreneurs. (Remarque.) Mais qu'est-ce qu'un entrepreneur pour le département des finances, représenté par Mme Fontanet ? C'est un contribuable qui détient des participations qualifiées.

Je vais vous donner l'exemple d'un petit patron de PME, qui détient des participations qualifiées. Il s'appelle M. Torbjörn Törnqvist; c'est le patron de Gunvor, cette petite PME qui a doublé sa fortune en 2021, qui a réalisé des bénéfices de 4,5 milliards au premier semestre 2022 - on peut donc imaginer 9 ou 10 milliards l'année passée - et qui détenait, en 2016, 78% de Gunvor, ayant racheté, un jour avant la mise en oeuvre des sanctions décrétées par les Etats-Unis contre la Russie, 44% des parts de M. Guennadi Timotchenko... (Remarque.) Timtchenko. Merci d'avoir prononcé son nom correctement, vous le connaissez probablement mieux que moi, Monsieur Subilia ! (Rire.)

Et peut-être que Mme Fontanet nous racontait des sornettes quand elle nous disait: «Oh, mais à Genève il n'y a personne ! Il n'y a aucun entrepreneur qui détient plus de 10% de son entreprise ! Ce ne sont que des PME ! Il n'y a aucun grand patron qui détient plus de 10% de son entreprise !» C'est faux ! M. Torbjörn Törnqvist: 78%, 70%. Et on peut continuer la liste avec Trafigura, Mercuria, Vitol, MSC - Aponte... Je prononce juste ? (Remarque.) Quel est pourcentage d'actions de M. Aponte dans MSC ? Ce n'est évidemment pas une PME, mais c'est exactement ce que nous ciblons avec cette initiative: des personnes riches à milliards, qui aujourd'hui détiennent les actions, les participations dans leur entreprise, détiennent des fortunes gigantesques, ahurissantes, qu'on ne peut même pas imaginer et sur lesquelles elles paient proportionnellement, en termes d'effort fiscal, moins que la classe moyenne - c'est un pur scandale ! C'est un pur scandale que des députés qui prétendent défendre la collectivité publique, qui ont fait le serment de défendre les Genevois, défendent a contrario ces personnes-là, qui, je le dis, ne contribuent pas à l'effort à la hauteur de leurs moyens du point de vue des besoins de l'Etat.

Pour le PLR, comme toujours, Genève, c'est l'enfer fiscal: tout le monde va partir. Le chantage est effectif. Ils nous disent: «Si vous votez cette légère modification pour une adaptation du taux d'imposition de la fortune, tout le monde va partir !» Mais aujourd'hui - ce sont les chiffres du département -, à Stans, Nidwald, un couple marié, avec deux enfants et une fortune de 5 millions, paie 6310 francs. Aujourd'hui, à Genève, 42 590 francs; couple, marié, deux enfants. Que le PLR nous explique pourquoi aujourd'hui, tous les riches ne sont pas à Stans, à Sarnen ou à Altdorf - Monsieur Zweifel ! Pourquoi ne sont-ils pas à Appenzell ou à Zoug ? Pourquoi ? Cela veut dire qu'ils ne partent pas ! Ils sont là, ils continuent d'arriver ! Triplement des fortunes à Genève... Enfin, pas triplement: les fortunes de plus de 3 millions ont augmenté de 145% et celles de 10 millions de 100% entre 2010 et 2018. Ils ne partent pas, parce qu'ils sont bien ici; ils ne partent pas, parce que, proportionnellement à ce qu'ils possèdent, le taux d'effort...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Sylvain Thévoz. ...qui leur est demandé, et je terminerai rapidement, est infinitésimal ! Avec cette initiative, un couple marié, avec deux enfants et une fortune de 5 millions, paiera 1000 francs en plus par année. Quand vous avez 5 millions de fortune, est-ce que vous pouvez payer 1000 francs de plus par an ? Oui, vous pouvez, Monsieur Zweifel ! (Commentaires. Rires.) Et même peut-être que vous le devriez, pour la collectivité, pour ceux qui ne les ont pas. Vous voulez connaître la charge fiscale pour une personne seule, avec 5 millions de fortune ? Elle paierait 6800 francs en plus avec cette imposition. C'est infinitésimal.

J'aimerais vous dire encore, et je conclurai avec ça, que Genève, selon une étude récente du cabinet Henley, est la ville au monde avec la plus grande densité de millionnaires et de milliardaires. 345 fortunes dépassent les 100 millions de dollars et il y a seize milliardaires à Genève, Mesdames et Messieurs - et tant mieux ! Mais comment pouvez-vous expliquer aux Genevoises et aux Genevois qui font des efforts, qui n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois, qui sont étranglés par les conditions actuelles, que l'effort infinitésimal de ces grandes fortunes sur dix ans n'est pas possible ? Cela, ce n'est pas honnête, c'est antidémocratique, nous le combattons.

Cette initiative est bonne, raisonnable, nous la défendrons, et nous soutiendrons également le contreprojet du Conseil d'Etat qui soutient cette initiative, mais qui propose simplement de réduire à cinq ans son effet. Nous vous invitons à en faire de même par souci démocratique, par souci de justice sociale. Merci.

M. Sébastien Desfayes (PDC). Un rapport de minorité - le député Vanek en a d'ailleurs parlé - fait référence à la prétendue vérité alternative et à George Orwell également. En écoutant les deux rapporteurs de minorité, on n'a en tout cas pas entendu le Ministère de la Vérité, c'est le moins qu'on puisse dire !

C'est la soirée des titres mensongers. On parle d'une «contribution temporaire»: d'abord, cette contribution de solidarité est un impôt et il n'y a pas d'impôt temporaire ou provisoire - on le sait depuis 1915 et l'instauration de l'impôt fédéral direct ! En plus, il suffit de regarder objectivement le texte de cette initiative pour réaliser qu'une des trois mesures préconisées, soit attaquer le bouclier fiscal, est destinée à se pérenniser; il n'y a là rien de temporaire. J'espère que le conseiller d'Etat Apothéloz le relèvera dans son intervention, parce que ça ne figure pas dans le rapport sur l'IN 185, ce qui est regrettable.

Le député Zweifel l'a dit, cette augmentation d'impôts touche pour 91% des entrepreneurs. Alors je n'ai pas très bien compris les explications du deuxième... non, surtout pas du deuxième ! C'est heureusement le second rapporteur de minorité qui nous dit qu'il n'y a pas de seuil. Mais un entrepreneur, c'est précisément une personne qui détient plus de 10% de son entreprise ! Vous pouvez ne pas les aimer, c'est votre droit, mais sachez simplement que ces personnes contribuent à la prospérité de la collectivité: elles emploient des gens, paient des impôts - et leur entreprise également; sans cela, nous ne pourrions pas avoir un Etat social.

Et puis le but - il faut toujours regarder le but d'une initiative - est d'augmenter, nous dit-on, les recettes fiscales. Mais quand on écoute les personnes qui connaissent bien le sujet - et ce n'est pas nécessairement le conseiller d'Etat qu'on va entendre ce soir, mais peut-être Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet -, on s'aperçoit que, selon toute vraisemblance, on aura une diminution des impôts. Et pas une diminution mineure: une diminution massive qui, à supposer simplement que les dix plus grands contribuables quittent le canton, pourrait aller jusqu'à 225 ou 226 millions de recettes fiscales par année, qui échapperaient donc aux caisses publiques genevoises. Est-ce que c'est un risque que l'on veut courir ? Prenons un autre exemple: si les vingt-cinq ou trente plus grands contribuables du canton partent de Genève, ce sont plus de 300 millions de recettes fiscales qui nous échappent ! Ne vous y trompez pas: on s'attaque d'abord aux riches et c'est in fine la classe moyenne qui passera à la caisse.

Le rapporteur de première minorité nous a dit qu'avec des si, on mettrait Paris en bouteille. C'est un bon exemple, Paris, parce que la pyramide fiscale genevoise s'amincit et ressemble de plus en plus à la tour Eiffel. (Rires.) Cette tour Eiffel, M. Vanek - et il est tout à fait en phase avec son idéologie - veut l'écraser ! Donc on écrase la pyramide, on écrase la tour Eiffel...

Une voix. Oh !

M. Sébastien Desfayes. ...ne restent plus que des pauvres, et le rêve de M. Vanek est enfin atteint: ce n'est plus Paris. Genève ne ressemblera pas à la Ville lumière, ce sera Karl-Marx-Stadt ! (Rires.) Ah, une belle soirée de brouillard du mois de janvier ! Voilà votre rêve, Monsieur Vanek. Je ferai tout pour qu'il ne se réalise pas.

Passons au rapporteur de seconde minorité - il me reste encore un peu de temps - qui sort un argument du genre attrape-gogo, dira-t-on, lorsqu'il nous indique: «Oui, mais il y aura des personnes qui paieront moins d'impôt sur la fortune !» Regardez simplement les chiffres et vous verrez qu'il y aura effectivement un nombre assez conséquent de contribuables qui paieront moins d'impôt sur la fortune, mais de combien parle-t-on ? On parle de 50 à 150 francs de diminution d'impôts par année: c'est un gadget qui ne trompera pas grand monde, si ce n'est personne.

Vous avez évoqué Warren Buffett. Vous avez peut-être fait une confusion avec la famille Buffet, de Corsier, que je connais bien et avec qui j'ai des liens particuliers. (Rires.) Mais sachez que Warren Buffett habite à Omaha, Nebraska, où le taux d'imposition sur la fortune est de 0% - 0% ! Alors qu'il est de 1% à Genève et que vous voulez l'augmenter encore de 50%, ce qui est un taux unique au monde ! Les riches qui veulent augmenter des impôts, ce ne sont donc pas les riches qui sont à Genève: c'est précisément ceux qui sont dans des pays où l'impôt sur la fortune n'existe pas, soit quasiment tous les pays du monde.

Dans votre rapport, vous citez Standard & Poor's et dites que la note de Genève est moyenne, comme celle d'un cancre - ce que vous n'êtes pas, je précise. Vous voulez donc tout faire, tout ce qui est en votre pouvoir, en lançant cette initiative, pour que la note de Genève soit baissée.

Un dernier point: j'ai dit que M. Vanek est tout à fait conforme à son idéologie - tout le monde doit être pauvre -, nous ne devons donc pas lui en tenir rigueur. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Quant à M. Thévoz, il doit flatter son électorat: il est en période électorale. On peut les excuser; finalement, ne seraient-ils pas dans leur rôle ? Mais tel n'est pas le cas du Conseil d'Etat ! Je dois dire mon énorme déception devant ce rapport du gouvernement, parce que les enjeux sont beaucoup trop importants pour que l'on joue là-dessus. Vous n'avez pas...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Sébastien Desfayes. Vous devez respecter la fonction qui est la vôtre, celle de conseillers d'Etat, dont le rôle est de défendre au mieux les intérêts de Genève...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Sébastien Desfayes. ...de défendre le contribuable. Raison pour laquelle je tiens à exprimer encore une fois, au nom de mon groupe...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Sébastien Desfayes. ...l'énorme déception causée par la majorité du Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Oh, bien !

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je pensais - j'espérais - qu'on pourrait peut-être, dans le cadre de ce débat, sortir un petit peu des clichés déjà entendus dans les débats budgétaires et autres sur les grandes fortunes et sur l'imposition. Bon, manifestement, on n'y échappera pas - c'est encore pire ! Entendre mon préopinant nous dire que si on vote cette initiative, on va se retrouver dans «Good Bye Lenin !», ça va être l'Union soviétique, le brouillard, etc., c'est franchement assez pathétique, je suis désolé de le dire comme ça.

Vous transmettrez à M. Zweifel, Monsieur le président, qu'on peut aussi sortir des clichés tels que: les socialistes crachent sur les grandes fortunes, ils veulent la fuite des grandes fortunes. Vous savez que ce n'est pas vrai; il y a des fortunes, de grandes fortunes à Genève, et c'est tant mieux ! Ce que le parti socialiste veut, c'est la redistribution des richesses - une plus juste et plus équitable redistribution des richesses. Je reviendrai sur ces fameuses grandes fortunes, Monsieur le président, mais voilà ce que le parti socialiste veut: une redistribution des richesses via les impôts sur le revenu et sur la fortune. C'est la base de la cohésion sociale, Monsieur Zweifel, c'est la base de la solidarité.

La fortune imposable totale, à Genève, est aujourd'hui d'environ 100 milliards de francs ! Elle a augmenté de 145% en huit ans, de 2010 à 2018. Parlons de l'impact de cette initiative et de cette contribution temporaire de solidarité, dont le but, pour nous, est d'augmenter légèrement les impôts sur les grandes fortunes notamment, au vu de la fortune que ces personnes possèdent. Pour les fortunes jusqu'à 2 millions, l'impact consiste en une baisse d'impôts en raison de l'augmentation des déductions sociales. Pour les fortunes de 2 à 5 millions, les 5877 contribuables qui ont un tel patrimoine vont se partager 3,4 millions d'impôts annuels au total, ce qui fait 578 francs. Quand vous avez une fortune de 2 à 5 millions, même si c'est une villa, etc., je pense que vous arrivez à faire face à 500 francs par année. Ensuite, fortunes de 25 à 50 millions: 367 contribuables. De 50 à 100 millions: 159 contribuables. Et, on l'a dit, 124 contribuables ont une fortune de plus de 100 millions - est-ce que les gens qui nous écoutent se rendent compte de ce que c'est que d'avoir une fortune de 100 millions ?! Si on prend les chiffres, et on l'a aussi dit, y compris les forfaits fiscaux, ce sont 345 contribuables avec plus de 100 millions de fortune et 16 milliardaires qui habitent à Genève !

Quel est le revers de la médaille, Monsieur Zweifel et la droite ? C'est que nous sommes l'épicentre suisse des inégalités ! On a parlé de ce fameux indice de Gini: c'est scientifique, nous sommes le canton suisse qui connaît le plus d'inégalités. Nous avons 70 000 Genevoises et Genevois qui touchent d'une manière ou d'une autre l'aide sociale - que ce soit l'aide sociale économique, l'allocation de logement, les prestations complémentaires pour les familles, les prestations complémentaires pour les seniors. A cela, ajoutez environ 135 000 personnes - des Genevoises et des Genevois - qui touchent aujourd'hui des subsides pour payer leurs primes d'assurance-maladie. En plus - c'est un chiffre qui ressort tout le temps -, 36% des Genevoises et des Genevois n'ont pas les moyens de payer le moindre franc d'impôt !

Alors, ce que demande cette initiative, c'est simplement que les plus fortunés d'entre nous contribuent un tout petit peu, de manière temporaire, sur une base solidaire, pour avoir une meilleure redistribution des richesses, plus équitable, plus juste, via l'impôt. C'est pourquoi le parti socialiste soutient cette initiative. Merci.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative a été déposée à la fin de la première vague de covid-19, alors qu'une partie de la population se trouvait à l'aide alimentaire pendant que les profits et la fortune d'une autre prenaient l'ascenseur - dans le sens de la montée, bien entendu. Les conséquences de cette situation sont appelées à perdurer. Les besoins en matière de santé, de soutien social et de formation par exemple croissent nettement plus rapidement que le nombre de personnes résidant dans le canton. En même temps, et je crains de devoir me répéter, nos besoins en matière d'investissements sont importants, notamment pour résoudre la question climatique qui se dresse droit devant nous, grosse comme une montagne. Les inégalités croissent donc de jour en jour et les besoins de soutiens de la part de l'Etat sont de plus en plus forts. Alors quelles solutions ? Cette initiative en propose une.

Dans le cadre du WEF notamment - je reviens sur ce qui a été dit tout à l'heure -, nous avons pu lire des déclarations assez décoiffantes: «Une meilleure imposition des plus riches de la planète permettrait de réduire les inégalités et d'enrayer durablement la pauvreté. [...] L'organisation internationale [Oxfam] préconise un impôt sur la fortune de 2% pour les millionnaires, de 3% pour les fortunes supérieures à 50 millions de dollars et de 5% pour les milliardaires.» Vous voyez que l'initiative est largement en dessous de ça ! Paradoxalement, ce type de mesure est soutenu par certains ultrariches de ce monde. Dans une lettre adressée aux dirigeants mondiaux participant au Forum économique de Davos, plus de deux cents millionnaires appellent à une hausse des impôts pour les ultrariches «pour notre bien commun». Nous avons tenté d'inviter des représentants en commission, on l'a dit, mais sans succès.

Mesdames et Messieurs, contrairement à ce qu'affirme le rapporteur de majorité, l'initiative ne crache pas sur les contribuables aisés de ce canton, mais en reconnaît la valeur et apprécie leur volonté en matière de solidarité. La proposition de l'initiative - augmenter de 50% l'impôt sur la part de la fortune qui dépasse 3 millions de francs - reste bien en dessous des demandes de ce groupe et se trouve donc parfaitement dans l'air du temps. De plus, le texte prévoit de tripler les déductions sociales sur la fortune. Pour un couple sans enfants, elle passera par exemple de 166 797 francs à 500 000 francs. Pour la fortune commerciale, la déduction maximale possible passera de 507 287 francs à 1 500 000 francs. Faites vos calculs: les petits propriétaires et les propriétaires de petites PME verront leur imposition sur la fortune nettement réduite. Et cela de façon durable, car cette disposition n'est pas limitée dans le temps.

Quelques mots encore sur les arguments des opposants, qui vous diront - et ils l'ont d'ailleurs déjà dit - que l'initiative fera fuir les grandes fortunes du canton. On constate toutefois que malgré une fiscalité déjà élevée, les grandes fortunes continuent d'affluer à Genève. C'était déjà le cas dans les années 2010 et divers articles de presse, que je ne vous cite pas ici, montrent que cet afflux se poursuit et même s'amplifie. Le prétendu enfer fiscal genevois est donc pavé d'intentions qu'il est difficile de décrypter. Nous ne croyons pas, par conséquent, à la réalité de cet épouvantail que la droite agite devant nous sans discontinuer.

Les opposants nous disent également que l'initiative menace les entreprises. J'ai déjà mentionné précédemment qu'en raison de la hausse des déductions sociales sur la fortune, les plus petites entreprises sont plutôt favorisées avec cette initiative. Cela vaut jusqu'à un capital de 5 millions environ: au-dessus, le texte prévoit un modeste supplément d'impôt. Comme il ne concerne que l'imposition des personnes physiques, seuls les gens possédant des parts dans leur propre entreprise sont par ailleurs touchés. Le département nous a détaillé les contributions supplémentaires que ce type d'entrepreneurs pourrait être appelé à verser; le rapport de majorité les détaille largement et je ne les répéterai pas.

Cependant, et faute de mieux, le département a choisi de considérer comme entrepreneurs les contribuables qui possèdent des participations qualifiées - c'est-à-dire plus de 10% - dans une entreprise. J'insiste sur le fait que ce type d'entrepreneurs n'est en rien représentatif des PME de ce canton. En fait, comme pour l'initiative sur l'imposition complète des dividendes, il s'agit des mêmes 1600 contribuables qui encaissent globalement un milliard de francs de dividendes. A défaut d'évaluation plus fine, cela représente tout de même le versement d'environ 50 000 francs de dividendes chaque mois. Alors vous n'allez pas me dire qu'avec un revenu pareil, il n'est pas possible de payer temporairement une contribution un peu plus importante à l'impôt sur la fortune !

A première vue, si cette initiative est votée par le peuple, il sera difficile de la mettre en oeuvre avant 2025. Une durée de validité de cinq ans nous amènerait en 2030, soit environ dix ans après l'irruption de la vague covid. Nous pouvons donc suivre sans autre la proposition du Conseil d'Etat, soit de limiter la durée du taux accru à cinq ans, et nous soutiendrons par conséquent le principe d'un contreprojet.

Pour terminer, je signale que ces arguments n'ont pas convaincu l'entier du groupe, mais seulement une grande majorité de celui-ci. (Remarque.)

Une voix. Bravo !

M. Pierre Eckert. Je vous remercie. (L'orateur rit.)

M. Christo Ivanov (UDC). Je vais revenir spécialement sur le troisième point de cette initiative fort trompeuse, qui vise à modifier l'article 60 de la LIPP relatif au bouclier fiscal et prévoit un rendement net de la fortune d'au moins 2% de la fortune nette, contre 1% actuellement. Or, c'est justement la pérennité de cette troisième mesure qui engendre une ponction fiscale supplémentaire importante chez ceux qui paient déjà une part gigantesque des impôts à Genève, qu'il s'agisse de l'impôt sur la fortune ou de l'impôt sur le revenu.

J'aimerais ensuite vous parler du rapport BAK, parce que j'ai été très étonné que personne n'ait mentionné ce rapport fort intéressant... (Commentaires.) ...d'un institut suisse indépendant de recherche économique. En effet, Genève a une fiscalité plus élevée que la grande majorité des autres cantons. Je cite le rapport BAK: «La combinaison du potentiel de ressources et d'exploitation du potentiel fiscal donne les recettes fiscales par tête. Dans le canton de Genève, celles-ci sont supérieures d'environ 90% à la moyenne des cantons.» Cela est confirmé par l'Administration fédérale des finances qui publie chaque année l'exploitation du potentiel fiscal de chaque canton. Genève est en tête de ce classement, chaque année - et de loin -, avec 34,2% contre une moyenne de 24,6% pour toute la Suisse. On le voit bien, il y a tromperie sur la marchandise, si j'ose dire, et c'est le moins que l'on puisse dire.

Cela a été mentionné, cette initiative aurait pour effet de diminuer l'impôt sur la fortune de 91% des contribuables qui en paient aujourd'hui. Mais les conséquences directes, c'est que 9% des actuels contributeurs à l'impôt sur la fortune verraient leur taxation exploser, avec une augmentation moyenne de plus de 50%. Par ailleurs, si on ne se concentre que sur les 186 millions actuellement payés par dix contribuables, que nous allons ainsi perdre, il est intéressant de se demander ce que représente ce montant: 18% de la participation de l'Etat au budget des HUG, par exemple.

Il faut qu'il y ait une prise en compte du rendement additionnel de 2% dans le cas du bouclier fiscal. C'était mon premier point. Il y a un intérêt à redistribuer le dividende à hauteur de 20%; qu'il soit distribué ou non, le même montant d'impôts sera payé. Le fait de doubler le montant des intérêts additionnels pris en compte sur le rendement de la fortune, pour les personnes physiques, amène à des situations où l'entrepreneur aura des comportements allant assécher l'entreprise des liquidités nécessaires pour son développement.

On l'a dit, 133... dix contribuables paient 227 millions d'impôts. J'aimerais juste dire un petit mot sur les forfaitaires fiscaux dans notre pays, la Suisse. Le marché suisse des forfaits fiscaux est en pleine érosion: contrôles plus stricts, règles durcies, concurrence internationale - l'impôt pour riches étrangers n'a plus la cote, mais l'argent continue d'affluer. En Valais, où le taux d'imposition est plus faible que celui de ses voisins romands, cela a fortement touché les contribuables au bas de l'échelle des forfaits pour qui les taxations classiques sont devenues plus intéressantes. Les gens sortent donc du forfait fiscal et paient moins d'impôts en passant au barème ordinaire.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera tant l'initiative que le principe d'un contreprojet. Je vous remercie.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). S'agissant de ce premier semestre, 2023 est vraiment l'année de tous les dangers pour Genève et ses ressources. Avec l'IN 179 sur laquelle nous voterons le 12 mars, cette IN 185 est une véritable catastrophe. (Rires.) Ce débat est très important, en particulier maintenant, à quelques semaines de la fin de la législature, à quelques semaines des élections cantonales, parce qu'il représente finalement un choix de société que les électeurs qui nous écoutent auront à faire. D'un côté, il y a la gauche, que l'on peut qualifier de vorace, qui veut toujours plus d'impôts et un Etat omniprésent. Une gauche qui supporte très mal les richesses, qui supporte très mal ceux qui entreprennent, ceux qui prennent des risques, ceux qui parfois réussissent financièrement. Elle supporte très mal les différences et engage une véritable chasse aux sorcières contre ces riches...

Des voix. Oh !

M. Alexandre de Senarclens. ...qui sont coupables d'être riches ou trop riches, que leur richesse rend suspects, qu'il faut traquer. A ce titre, le discours de Sylvain Thévoz - vous n'aurez pas besoin de transmettre, je le fais directement; ne vous dérangez pas, Monsieur le président (Rires.) - est profondément choquant ! Un discours dans lequel on vise nommément des personnes, dans lequel on les stigmatise; on sent poindre un certain discours de haine contre ces personnes qui ont le culot de payer beaucoup d'impôts... (Remarque.) ...et de financer l'essentiel des prestations sociales dans les domaines de la culture, de la santé, de l'Etat - de ce qui fait notre Etat.

L'autre choix, que les électeurs feront certainement, c'est celui de la droite ou du centre, qui veulent justement que l'Etat reste à sa place et qui ne veulent pas niveler la population par le bas, qui savent que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible d'entre nous. C'est précisément ce combat qu'il faut mener pour ne pas faire fuir ces personnes qui font prospérer Genève. Ce n'est pas en les faisant fuir que vous serez plus heureux, Monsieur Thévoz, mais nous serons collectivement tous plus pauvres.

Cette initiative repose sur deux prémisses totalement fausses. D'abord, sur l'idée que nous vivrions, dans la période post-covid, une crise - sanitaire, sociale, économique - épouvantable et que cela nécessiterait un plus grand effort de solidarité. La réalité, c'est que le chômage est au plus bas. La réalité, c'est que l'Etat a assumé: l'Etat a répondu présent lorsqu'il a fallu financer des prestations sociales et venir en aide aux plus faibles. La réalité, c'est aussi qu'en 2021, nous avons eu un boni et qu'en 2022, certainement, nous aurons également un boni.

Une voix. Un bonus !

M. Alexandre de Senarclens. Nous n'avons pas besoin de cette hausse d'impôts !

La deuxième ineptie, c'est que les riches ne paient pas assez d'impôts à Genève. C'est totalement faux ! A Genève, vous le savez, l'impôt sur le revenu s'élève à 45% et l'impôt sur la fortune à 1%. Combinés, la plupart des gens très fortunés paient souvent bien plus que l'équivalent de 50% d'impôts sur leur revenu. Ces gens paient énormément d'impôts, bien plus d'ailleurs que dans le reste de la Suisse. On nous parle du mouvement «Tax me now»; il faut laisser ce mouvement aux Etats-Unis. Ce mouvement concerne les USA, où, contrairement à Genève, on ne connaît effectivement pas l'impôt sur la fortune et où l'impôt sur le revenu est en général infiniment plus faible. Ici, nous avons une redistribution très importante, qui est saine et qu'il ne convient pas d'alourdir. C'est grâce à ces contribuables qui sont souvent entrepreneurs, qui créent des emplois et dégagent des ressources fiscales importantes, que nous pouvons financer notre Etat.

Comme vous le savez, et le rapporteur de majorité l'a souligné, nous avons un particularisme à Genève: une part très faible des contribuables paie la majeure partie des impôts. Il ne faut pas tuer ces ressources; nous l'avons rappelé, si les dix plus grosses fortunes devaient partir - et elles seront poussées à le faire -, nous aurons 200 millions de revenus en moins. Ne commettons pas ce suicide collectif et ne nous singularisons pas une fois de plus par rapport au reste de la Suisse. Ne prenons pas ce risque ! C'est un risque à 200 millions, voire à bien plus, que nous ferions courir au canton. Le contribuable fortuné n'est pas captif, contrairement à ce que souhaiterait M. Vanek lorsqu'il évoque l'enfermement de M. Zweifel pour éviter qu'il parle. Le contribuable fortuné n'est pas captif ! Ces entrepreneurs peuvent partir, et ils peuvent partir facilement.

C'est donc un projet mortifère, un projet dangereux qui dynamiterait les ressources fiscales du canton et qu'il faut rejeter de toutes nos forces. C'est le motif qui nous pousse, nous, PLR, à rejeter cette initiative et à ne surtout pas lui opposer un contreprojet. Je vous remercie, Monsieur le président.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Patrick Lussi. Il vous reste deux minutes.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la critique objective et concrète de cette initiative a été faite par le rapporteur de majorité et différents préopinants. Permettez-moi de jeter tout mon venin sur cette initiative par rapport au fond. L'accaparement du produit du travail des actifs, la confiscation de la fortune des nantis prétendument pour les masses laborieuses sont des discours opportunément mensongers des marxistes, léninistes et autres du début du XXe siècle. Actuellement, la gauche reprend tout cela à son profit sous prétexte d'une inégalité flagrante.

Mesdames et Messieurs les députés, qu'a apporté cette manière de penser dans les sociétés, dans les pays où ce genre de régimes prévalaient, si ce n'est de la pauvreté ? De la misère ? De la destruction écologique ? Quand on regarde ce qui s'est passé dans ces pays, c'était une attaque contre la démocratie - qui n'existait pas -, contre la libre pensée, contre le fait de simplement contester l'autorité. Aujourd'hui encore, si vous mettez en cause les diktats de ces gens... Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative est nuisible, cette initiative ne représente pas le bien-être de vie de notre société actuelle. Même si nous payons trop d'impôts, et je suis parfois le premier à le dire, une répartition correcte des richesses s'effectue; ne tombons pas dans les excès et la folie de ce monsieur - enfin, de ces personnes.

Quand j'écoutais l'autre soir M. Thévoz défendre cette initiative à la télévision, je dois dire que j'avais les sangs tournés et je pense que c'était le cas également de nombreux bons Genevois. Ces gens ne vivent pas avec notre époque. Je vous en prie, rejetons avec fermeté cette initiative et refusons le principe d'un contreprojet, car elle poursuit un but totalement nocif et ne nous amènera que misère et pauvreté. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Exactement.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Jean Batou pour quatre minutes cinquante.

M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais dire une chose: nous parlons beaucoup d'impôts dans ce Grand Conseil, mais finalement, en amont des impôts, il y a la distribution des revenus. Or cette répartition s'opère de telle manière, depuis trente ou quarante ans, que la part du travail diminue en termes relatifs tandis que celle de la propriété augmente. Nous assistons dès lors à la concentration d'énormes richesses d'un côté de la société - c'est vrai dans tous les pays, en Suisse en particulier, notamment à Genève - et, de l'autre côté, à l'augmentation d'une masse de gens qui ont de plus en plus de peine à vivre.

Ceux qui nous disent ici que corriger cette inégalité croissante de la distribution des richesses au niveau fiscal aboutirait à une catastrophe sont les mêmes qui, à Berne, votent pour empêcher la mise en place durable d'un salaire minimum de 4000 francs par mois à Genève; les députés qui poussent des cris d'orfraie en nous expliquant que nous allons plonger Genève dans la misère si nous prélevons 2,5 pour mille sur la part des grandes fortunes de ce canton dépassant 3 millions sont les mêmes - issus des mêmes partis - qui veulent baisser le salaire minimum genevois et le faire passer en dessous de 4000 francs par mois. Cherchez l'erreur.

Cette initiative constitue une petite correction en regard de l'explosion de la répartition inégale des revenus. Vous aurez l'occasion d'intervenir sur cette question et d'agir là contre le 12 mars prochain, Mesdames et Messieurs. Pourquoi ? Parce que nous proposons - et les mêmes partis soutiennent cette proposition - de taxer les dividendes des gros actionnaires sur un pied d'égalité avec les salaires et les retraites. Pourquoi proposons-nous cela ?

Il faut savoir qu'il y a trente ans, les actionnaires d'une entreprise réinvestissaient 70% des bénéfices nets dans celle-ci afin d'y développer l'emploi, la production, le cercle vertueux d'un capitalisme tourné vers la création d'emplois. Aujourd'hui, tout au contraire, ces mêmes actionnaires retirent de l'entreprise 70% de la richesse créée et n'en réinvestissent plus que 30%.

Ces 70% qui partent vers les fortunes privées et l'économie de casino, que ce soit dans l'immobilier ou la bourse, représentent un milliard de francs par an ! Un milliard de francs par an captés par 1600 personnes, extraits, détournés de la richesse produite par le travail au sein des entreprises. Ces 1600 personnes - qui, je vous assure, ne sont pas des patrons de PME, puisqu'ils gagnent en moyenne 50 000 francs par mois en dividendes - expliquent l'accumulation faramineuse des fortunes dans ce canton.

Alors écoutez-moi bien: cette initiative vise à tripler les déductions sociales pour les petites fortunes, les petits artisans, les très petites entreprises, ce qui fera une différence pour une grande majorité de contribuables, et à demander un tout petit effort pendant dix ans - le Conseil d'Etat suggère cinq ans - à une petite partie de multimillionnaires.

Je vous garantis qu'il vaut la peine de le faire et qu'il faudra également agir en amont, au niveau de la distribution des revenus, en augmentant les salaires et non en les réduisant, comme le veulent le PLR, Le Centre et l'UDC. Oui, nous devons non pas réduire les revenus, mais les augmenter; après, si vous payez correctement le travail, il ne sera plus nécessaire de taxer les riches. (Applaudissements.)

Mme Françoise Sapin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce soir, nous parlons de l'initiative 185; en mars prochain, nous voterons sur l'initiative 179. Il y en a encore d'autres à venir, je ne vais pas les nommer maintenant. Mais c'est du harcèlement, Mesdames et Messieurs ! Du harcèlement à l'encontre des contribuables qui financent l'essentiel des prestations à la population dans ce canton. De plus, la pandémie est terminée, donc cette initiative est dépassée.

Je ne vais pas répéter tous les chiffres qui ont été relevés par le rapporteur de majorité, mais ceux-ci sont effarants. Nous prenons le risque de voir les gens fortunés quitter notre canton, ce qui créerait de gros trous dans les revenus fiscaux. Le MCG ne prendra pas ce risque: nous refuserons cette initiative. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo, Françoise !

Le président. Merci bien. La parole revient à M. François Baertschi pour quatre minutes et demie.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce qu'il y a d'inquiétant avec cette initiative, c'est qu'elle fait partie d'une suite d'initiatives fiscales qui affichent un dogmatisme d'un autre temps et ont pour objectif de faire fuir les gros contribuables par un harcèlement fiscal complètement scandaleux et dangereux, ce qui, au final, aura des conséquences sur les prestations en faveur des personnes les plus précaires de notre canton, ce qui aura des conséquences également pour la classe moyenne, quoi qu'en disent les initiants.

Nous sommes très surpris que les conseillers d'Etat de gauche aient suivi cette initiative irresponsable, laquelle nous mènera tout droit vers des difficultés financières parfaitement prévisibles. En effet, les conséquences de cette initiative sont hélas prévisibles, tristement prévisibles.

On retrouve ici la dynamique d'une élue française de gauche qui disait tout récemment qu'elle voulait supprimer les milliardaires en France. J'ai l'impression que la gauche de ce parlement poursuit le même objectif: supprimer les riches du canton de Genève. Joli programme ! Mais, en définitive, il n'y aura plus personne pour payer les prestations en faveur des plus modestes de ce canton. Voilà l'effet direct de cette initiative, Mesdames et Messieurs, c'est ce que vous allez obtenir. C'est tout à fait regrettable, vous êtes en train de mener une politique catastrophique.

Voilà pourquoi il faut voter massivement non en mars à l'initiative 179 - ce n'est pas celle que nous examinons ce soir, mais la première de cette sinistre série. Il faut à tout prix voter massivement non: non à l'enfer fiscal, non à la folie fiscale des groupes de gauche qui sont partis dans un délire qu'on ne trouve qu'à Genève. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Très bien, François !

Le président. Je vous remercie. Monsieur Thomas Wenger, je vous rends la parole pour une minute.

M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Merci, Monsieur Baertschi, merci, Madame Sapin, de montrer le vrai visage du MCG: voilà longtemps que le MCG n'est plus un parti ni de gauche ni de droite, c'est clairement un parti de droite qui est aligné sur le PLR, qui défend les grandes fortunes de notre canton et plus du tout les Genevoises et les Genevois à revenus modestes ou de la classe moyenne. Sans rire, vous pensez vraiment que des personnes possédant une fortune de plus de 100 millions - 200 millions, 500 millions - vont déménager pour aller habiter à Stans ou à Sarnen ?

Des voix. Oui ! (Commentaires.)

M. Thomas Wenger. Vous croyez réellement qu'ils vont vendre leur maison à Cologny, à Vandoeuvres, retirer leurs enfants de l'école, tout cela pour économiser quelques dizaines de milliers de francs sur une fortune de 200 millions ? Mais réveillez-vous, le MCG, et réveillez-vous, la droite, sur cette initiative ! (Applaudissements.)

Une voix. Toi, réveille-toi !

Le président. Merci. Je cède maintenant la parole à M. Patrick Dimier pour deux minutes.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Et merci à vous, Monsieur Wenger, d'étaler à votre tour les inepties de vos concepts. Le MCG n'est ni de gauche ni de droite, il est pour les Genevois. Si vous voulez que les Genevois vivent bien, il faut qu'on soit en mesure de leur servir des prestations sociales de qualité, et pour servir des prestations sociales de qualité, il faut de gros contribuables qui les financent. Tout le reste, c'est de la bouillie pour les chats ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie. Monsieur Baertschi, il vous reste une minute cinquante.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Comme nous avons été interpellés par M. Wenger, je vais lui répondre - vous transmettrez: oui, en effet, nous craignons que les riches s'en aillent, et il n'y a pas que Stans et Appenzell, il existe de nombreuses destinations où ils peuvent se rendre, parce que quand on a beaucoup d'argent, on se déplace facilement. Le seul problème, c'est que ceux qui n'en ont pas sont obligés de rester à Genève et seront victimes des politiques irresponsables de la gauche avec ses initiatives. Voilà la réalité. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Monsieur Thévoz, vous avez trente secondes pour répondre à votre interpellation.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. J'estime avoir été mis en cause par M. de Senarclens, qui m'a interpellé en m'accusant de prôner la haine anti-riches; c'est exactement ce que disait Mme Fontanet lors du vote du budget. Chacun jugera.

Pour ma part, j'ai rappelé des faits, j'ai rappelé des éléments factuels: qu'il y a seize milliardaires ainsi que de très grandes fortunes à Genève et qu'il serait juste qu'ils soient simplement imposés sur un montant qui permette la redistribution fiscale.

Cela semble insupportable pour les membres du PLR. Je me demande sur quelle planète ils vivent; en tout cas pas sur terre, sachant les besoins actuels. Je regrette, Monsieur de Senarclens, que vous perdiez les pédales à ce point; adressez-vous au président si vous avez des remarques. Merci.

Le président. Je vous remercie. Monsieur Vanek, vous n'avez plus de temps de parole... (Remarque.) Non, les trente secondes sont largement épuisées. Par contre, Monsieur Zweifel, je vous accorde trente secondes vu que vous avez deux rapporteurs de minorité en face de vous. Trente secondes, pas plus.

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Oui, Monsieur le président, trente secondes pour rappeler rapidement la différence entre l'impôt sur le revenu et celui sur la fortune. Lorsque vos revenus augmentent, vos impôts augmentent, mais vous avez des liquidités pour les payer. Cette initiative touche l'impôt sur la fortune: lorsque votre fortune augmente, elle ne crée pas nécessairement plus de liquidités, et c'est bien là le problème.

Parlez-en à des patrons d'entreprises, Mesdames et Messieurs: que vont-ils faire pour s'acquitter de cet impôt supplémentaire ? Licencier du personnel, diminuer leurs investissements. Cela aura exactement l'effet contraire de ce que vous souhaitez: il y aura moins de recettes fiscales pour l'Etat et la cohésion sociale tant vantée par M. Wenger n'existera tout simplement pas; il n'y aura plus que le social, mais sans aucune cohésion. Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter non à cette initiative funeste et à refuser tout contreprojet. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous savez le Conseil d'Etat particulièrement divisé sur cette initiative. Il a pris une décision à sa majorité, il a pris ses responsabilités, comme il l'a d'ailleurs fait sur le précédent objet concernant le congé parental: il a refusé cette initiative. Il suggère en revanche que vous vous déterminiez sur un contreprojet qui, comme cela a été mentionné, ramènerait la durée de cette contribution de solidarité de dix à cinq ans. Je serai relativement sobre dans ma prise de parole.

Cette décision de préconiser une durée de cinq ans a été prise sur la base de deux arguments principaux: la considération, d'une part, qu'une contribution devait s'inscrire dans un laps de temps plus court en lien avec les différentes crises que nous subissons, d'autre part que le risque d'un départ de contribuables pourrait être atténué par un effort demandé sur un terme plus raisonnable.

L'initiative 185 - cela a été indiqué, mais je me plais à le rappeler - prévoit le triplement des déductions fiscales, une contribution de solidarité à partir d'un niveau de fortune de 3 millions durant dix ans - ou cinq ans, selon les points de vue - ainsi qu'une adaptation du bouclier fiscal avec une augmentation du calcul du rendement net de la fortune qui passerait de 1% à 2%. Cela conduirait, dans son application, à une baisse de l'impôt sur la fortune pour plus de 90% des contribuables, dont une partie rejoindrait le cercle des personnes sans impôt sur la fortune; dans le même temps, un peu moins de 9% des contribuables subiraient une hausse parfois marquée, il est vrai, de leur imposition.

L'un des risques que les travaux de la commission ont permis d'identifier est que cela modifierait sensiblement la structure des contribuables soumis à l'impôt sur la fortune dans notre canton: il en résulterait une concentration de l'impôt sur la fortune sur un faible nombre de personnes, en particulier celles et ceux dont les fortunes imposables figurent parmi les plus élevées.

Au chapitre de l'intérêt de cette initiative, le Conseil d'Etat relève, toutes choses étant égales par ailleurs, que des recettes fiscales supplémentaires seraient dégagées, ce qui nous aiderait dans le cadre des défis que nous affrontons en matière de finances publiques; il s'agit d'une solution qui répondrait aux besoins de financement de plus en plus grands de notre système social face au vieillissement de la population, à l'augmentation des coûts de la santé ou encore aux crises successives auxquelles nous faisons face.

Cet aspect est également à replacer dans le contexte des décisions de votre parlement, puisque vous avez en effet voté plusieurs modifications de l'imposition qui ont pour conséquence de diminuer les recettes fiscales de notre canton; je pense notamment à la loi 13030 qui maintient une sous-évaluation de la valeur des immeubles genevois utilisée dans le calcul de l'impôt sur la fortune et qui induit une baisse de celui-ci de 15%. L'impact sur les contributions est important, puisque cette réduction de la fiscalité est estimée à 80 millions, et on nous fait croire que cela n'a pas de relation avec le budget lorsqu'on évoque ce type de dispositions.

Ainsi, à sa majorité, le Conseil d'Etat a décidé de vous proposer de ramener la durée de cette contribution de solidarité de dix à cinq ans et de soutenir le principe d'un contreprojet. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je lance la procédure de vote.

Mise aux voix, l'initiative 185 est refusée par 57 non contre 37 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 62 non contre 33 oui (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite une bonne soirée et vous donne rendez-vous demain à 14h. (Remarque.) Je rappelle que le prochain point fixe sera traité demain à 16h. Bonne nuit, bonne rentrée chez vous !

La séance est levée à 23h05.