République et canton de Genève

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PL 12971-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Stéphane Florey, Christo Ivanov, Patrick Lussi, Eric Leyvraz, André Pfeffer, Patrick Hulliger, Eliane Michaud Ansermet, Thomas Bläsi, Cyril Aellen, Virna Conti, Murat-Julian Alder, Helena Rigotti, Fabienne Monbaron, Philippe Morel ouvrant un crédit d'investissement de 100 000 000 francs pour la mise en oeuvre rapide d'un revêtement phonoabsorbant sur l'ensemble du réseau routier cantonal
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 9 et 10 décembre 2021.
Rapport de majorité de Mme Adrienne Sordet (Ve)
Rapport de première minorité de M. Stéphane Florey (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Rémy Pagani (EAG)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous en arrivons au traitement de notre ordre du jour ordinaire. Voici le PL 12971-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je prie les rapporteurs de bien vouloir gagner la table centrale. (Un instant s'écoule.) La parole échoit à Mme Adrienne Sordet.

Mme Adrienne Sordet (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme cela a été soulevé - et à juste titre, d'ailleurs - dans ce projet de loi que vous avez toutes et tous lu, près de 120 000 personnes à Genève sont exposées au bruit routier qui dépasse les limites fixées par l'ordonnance sur la protection contre le bruit. C'est en ce sens que l'Etat oeuvre et pose déjà des revêtements phonoabsorbants sur des tronçons ayant besoin d'un assainissement. Ainsi, sur les 258 kilomètres de routes cantonales, environ 130 kilomètres sont concernés. Aujourd'hui, près de 92% de ces voies problématiques disposent déjà de phonoabsorbant, et l'objectif de 100% devrait être atteint en 2024.

Il est vrai que le phonoabsorbant n'a qu'une durée de vie limitée, soit d'une quinzaine d'années, et qu'il faut prévoir de le renouveler. Heureusement, ce revêtement est un peu devenu la norme, et il est de plus en plus utilisé pour recouvrir la chaussée lorsqu'il faut ouvrir des routes pour divers travaux ou chantiers. En mentionnant cela, je pense par exemple au réseau de chauffage qui va parcourir le canton prochainement.

Dès lors, l'objectif du texte est déjà presque atteint, et ce montant de 100 millions pourrait être investi dans des mesures complémentaires de lutte contre le bruit ou dans d'autres secteurs de la mobilité qui nécessitent davantage de financement. Si on mettait en oeuvre ce projet de loi dans la période qu'il prévoit, cela surchargerait les rues de chantiers parfois inutiles et provoquerait de grosses perturbations de trafic alors que la plupart des routes sont déjà assainies: ainsi, cela engendrerait des nuisances sonores supplémentaires.

J'en profite pour rappeler que le phonoabsorbant est une solution qui doit être couplée à d'autres mesures si on veut résoudre les problèmes liés au bruit routier. En effet, si ce revêtement permet de lutter contre les bruits de frottement, il ne réduit pas les bruits de moteur de gros camions ou encore les pétarades des scooters et autres moteurs débridés. Sans dispositifs complémentaires, cet objet rate sa cible, l'argent n'est pas investi au bon endroit. Bref, vous l'aurez compris, la majorité estime que le crédit est démesuré et vous invite à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de première minorité. Dans la lutte contre le bruit, ce projet de loi revêt une grande importance, puisqu'il propose d'investir 100 millions de francs pour l'installation rapide d'un revêtement phonoabsorbant sur l'ensemble des routes cantonales. Selon un article de la «Tribune de Genève» paru au moment du dépôt du texte, le réseau routier n'a jamais été entièrement équipé, donc la première chose à entreprendre serait déjà d'atteindre les 100%. Mais l'Etat a aussi besoin de ce qu'on peut appeler un fonds de roulement, car les revêtements de première génération doivent être remplacés. Le présent crédit est dès lors doublement utile: il s'agit, comme je l'ai dit, de finir d'équiper l'ensemble du réseau routier cantonal, mais également de commencer à remplacer le phonoabsorbant de première génération.

Maintenant, dans la pratique, il faut savoir ce qu'on veut. Soit on ne fait rien, ce qui signifie qu'on ne respecte pas l'OPB, et que va-t-il se passer au final ? On va fermer les rues à la circulation, on va fortement réduire la vitesse - je rappelle que des recours sont pendants devant les tribunaux à propos de la limitation à 30 km/h. Soit on vote ce projet de loi pour mettre en oeuvre ce qui aurait déjà dû être fait depuis un bon nombre d'années, on accepte une fois pour toutes d'appliquer l'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit et on termine bel et bien la pose de revêtements phonoabsorbants sur l'ensemble du réseau routier cantonal.

Voilà la question qu'il faut se poser aujourd'hui, ce n'est pas autre chose. Soit on respecte l'OPB, soit on refuse ce texte avec toutes les conséquences que cela implique - je les cite ici: fermeture des rues, forte diminution de la vitesse, mesures anti-voitures. C'est la raison pour laquelle je vous encourage à accepter ce montant de 100 millions pour compléter le revêtement de notre réseau routier. Je vous remercie.

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. D'abord, des faits. Dans notre ville, 120 000 personnes souffrent du bruit. Souffrir du bruit, ce n'est pas anodin, on parle de maladies consécutives à cette pollution sonore qui est reconnue, notamment chez les enfants et les personnes âgées. Par conséquent, on ne peut pas simplement dire que 120 000 personnes souffrent des nuisances sonores et puis passez, il n'y a rien à voir.

Je rebondis sur ce qui vient d'être indiqué en ce qui concerne le phonoabsorbant: si la première génération avait peu de longévité, la seconde génération, quant à elle, ce n'est pas quinze ans, mais trente ans de durée de vie. Plus on va avancer, plus ce revêtement deviendra la norme. Ce sont, je le rappelle, de petites billes (plutôt que du concassé) qui sont placées sur le dernier centimètre de bitume, et aujourd'hui, cela coûte le même prix au mètre carré que le goudron standard. Le phonoabsorbant deviendra ainsi la norme, tout comme les pneus silencieux. En effet, on sait que même avec une amélioration extrêmement importante de la motorisation et la diminution du bruit des moteurs, les bruits de frottement subsisteront, et c'est la principale cause de la pollution sonore pour les gens.

Pour nous, toute initiative est bonne à prendre, même si on parle d'une durée de sept, de quinze ou de trente ans. La population est aujourd'hui incommodée, voire dans un état sanitaire extrêmement grave, à cause de la non-mise en conformité de nos routes aux abords des immeubles locatifs. En conséquence, notre groupe soutient toute proposition qui va dans ce sens. Je m'arrête là pour l'instant. Merci de votre attention.

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs, nous voici saisis d'un projet de loi de l'UDC qui porte bien la marque de son principal auteur, qui émane donc de cet auteur-là plutôt que de l'UDC. Celui-ci nous a en effet habitués à des projets d'envergure, comme son projet de loi d'investissement de 250 millions pour les TPG, transformé en crédit de 30 millions pour acheter des bus à hydrogène alors que nous avons peiné à réunir quelque 10 millions pour produire de l'hydrogène. 100 millions pour le phonoabsorbant, ce n'est pas rien, et j'imagine que pour l'UDC qui estime que nous dépensons toujours beaucoup trop et à mauvais escient, qui ne vote jamais aucun budget du canton, une telle somme doit vraiment paraître gigantesque.

Je signale à cet égard que je ne suis pas en train de médire du groupe UDC - précision utile, car c'est ce que m'a reproché le premier signataire à réitérées reprises. Non, je ne formule pas de reproches, je rappelle simplement des faits et souligne les contradictions d'un parti qui exige souvent des sommes faramineuses et compte sur nous pour les inscrire au budget, budget qu'il ne vote ensuite jamais. C'est juste un rappel qui n'enlève en rien l'affection que je porte moi-même à certains membres de l'UDC.

La problématique est juste: le bruit routier est une nuisance qui engendre de vraies pathologies ainsi qu'un mal de vivre, et cela concernerait 120 000 personnes à Genève, soit une part importante de la population. Evidemment, si nous donnons aujourd'hui 100 millions au Conseil d'Etat pour le phonoabsorbant, il va les utiliser, comme il nous l'a indiqué en commission: «Merci beaucoup, nous en ferons bon usage.» Voilà plus de dix ans que le gouvernement s'attelle à transformer quelques routes cantonales prioritaires, ce qui coûte déjà cher. 120 kilomètres ont été traités, principalement en dehors de la ville, sinon à la campagne. Mais vu leur âge, ces revêtements doivent progressivement être remplacés, et ce sera le cas tous les quinze ans. Le phonoabsorbant est en fin de vie, il faut donc le rénover. C'est une histoire sans fin, c'est une sorte de tonneau des Danaïdes qui nous guette si nous ne choisissons pas d'autre solution que celle-ci.

Le présent projet de loi ne propose qu'une seule mesure: on pose du phonoabsorbant partout. Cela nous coûtera cher et pendant longtemps. Or il existe d'autres moyens pour réduire le bruit routier - c'est une priorité -, qui s'avèrent bien plus rapides que la mise en oeuvre de ce texte: il s'agit de diminuer le nombre de véhicules - je sais bien que cette idée fait sauter en l'air le premier auteur -, d'augmenter la proportion de transports collectifs, de mieux contrôler les véhicules bruyants, d'installer des radars anti-bruit, de favoriser (fiscalement, donc) les véhicules moins bruyants, de réduire la vitesse en ville.

Ces pistes sont connues; elles sont beaucoup plus rapides à concrétiser, bien moins chères et surtout plus durables que de passer son temps à installer du phonoabsorbant, puis à le renouveler tous les quinze ans à grands frais. Vous l'aurez compris, les Verts refuseront ce projet de loi. Merci.

Une voix. Bravo !

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je rappelle tout d'abord que le crédit de 100 millions qui est demandé ici correspond à une durée de pratiquement dix-neuf ans si l'assainissement est réalisé au rythme actuel, parce qu'en tenant compte de la capacité des entreprises à intervenir sur le réseau routier, il est question d'environ 5,5 millions par année. On constate dès lors que ce montant est quelque peu disproportionné par rapport aux velléités du projet de loi dont le titre parle de «mise en oeuvre rapide».

Ce point est important, car on a bien vu, par exemple l'été dernier, les problèmes rencontrés dans la planification: on a dû couler du phonoabsorbant sur l'axe principal qui monte aux Eaux-Vives sous une chaleur pas possible en raison des plannings à respecter, les ouvriers travaillaient par 45 degrés, ça n'allait pas du tout. Ainsi, les enjeux de tempo et de calendrier font que ce texte est difficile à concrétiser.

Au niveau du coût, c'est vraiment démesuré. Les sommes qu'on a dépensées jusqu'à maintenant s'élèvent à 85 millions, ce qui signifie qu'on devrait en faire encore plus. Objectivement, d'un point de vue budgétaire, il faut utiliser des crédits de renouvellement, c'est à ça qu'ils servent, et je ne pense pas qu'on soit obligé de passer par l'investissement pour continuer le processus.

Le dernier problème majeur, et d'autres situations en lien avec le génie civil l'ont illustré, c'est qu'il faut coordonner les travaux. En fait, on relève de manière générale et répétée des problématiques de coordination avec les SIG ou les TPG lors des différentes fouilles. Imaginez qu'on pose du phonoabsorbant, et puis une année après, on installe un réseau de chauffage à distance en ville; ça ne va pas ! De nombreux tronçons sont tributaires du développement des SIG et des lignes TPG, et on ne peut pas juste déclarer qu'on va mettre du phonoabsorbant absolument partout. Pour ces raisons, le PLR refusera ce crédit d'investissement et encourage le département à poursuivre son travail comme il l'a fait jusqu'à présent en utilisant des crédits de renouvellement. Merci, Monsieur le président.

M. Jacques Blondin (PDC). Je reviens sur les discussions que nous avons menées au sein du landerneau politique au moment où le Conseil d'Etat a publié son arrêté pour la mise en place d'une limitation à 30 km/h en ville pour lutter contre les nuisances sonores. C'est une constellation d'éléments qui conduisent au problème du bruit en ville. Le constat, cela a été souligné, c'est que 120 000 personnes souffrent du bruit, il s'agit d'une réalité qu'on ne peut pas ignorer, Mesdames et Messieurs. Il y a la ville, mais il y a aussi tous les villages de campagne qui subissent du transit matin et soir et dans lesquels le vacarme est considérable.

Alors effectivement, il ne faut pas une seule mesure, il faut un ensemble de mesures. Comme on l'a entendu dans les débats, pour certains, le plus simple consiste à supprimer purement et simplement les voitures. Mais même si très peu de véhicules circulent, ils continuent à faire du bruit. Je vous invite à vous rendre dans un village dont une partie de la chaussée est recouverte de phonoabsorbant et l'autre pas: vous constaterez la différence, elle est phénoménale.

Utiliser ce genre de revêtement pour réduire le bruit des véhicules au niveau du roulement - cela n'a bien sûr aucun impact sur le moteur - nous paraît essentiel, et notre groupe ne comprend pas le sens de cette discussion, pourquoi il faudrait choisir une option au détriment des autres. Quand on écoute les positions des uns et des autres, on constate que du côté des Verts, il s'agit plutôt de diminuer le nombre de véhicules...

Une voix. Le bruit !

M. Jacques Blondin. Le bruit, oui, via le nombre de véhicules. Quant au PLR, à part en ce qui concerne le budget, il a une autre approche que celle-ci, quand bien même il a revendiqué le phonoabsorbant pour limiter la problématique du bruit en ville.

Pour notre part, nous sommes favorables à ce projet de loi. J'émettrai une seule remarque: vu les contrats qui ont déjà été passés et la part de travail qui a déjà été réalisée, le montant articulé est un peu élevé. Nous en avons discuté avec les initiants, un amendement sera sans doute déposé pour réduire cette somme, ce qui nous paraît une bonne chose. Eu égard à ces 120 000 personnes qui souffrent et au nombre de problèmes qu'il faudra aborder - et il faudra les traiter tous -, nous vous incitons à soutenir le présent texte qui favorise la pose de revêtements phonoabsorbants. Merci.

M. Grégoire Carasso (S). Chers collègues, ne nous y trompons pas: les 120 000 personnes qui souffrent du bruit habitent, pour l'essentiel d'entre elles - et malheureusement, sous l'angle du bruit -, en ville. Sur les quelque 258 kilomètres de routes cantonales, situées pour la plupart hors du territoire de la Ville de Genève, 130 kilomètres ont été identifiés pour faire l'objet d'équipements phonoabsorbants. Et cela comprend des routes cantonales d'importance en campagne.

Mais c'est principalement là où les personnes subissent les nuisances sonores, autrement dit dans les centres urbains, qu'il est question de phonoabsorbant. Des revêtements ont été déployés sur ce réseau de 130 kilomètres à hauteur de 92% fin 2020, et si vous avez suivi les travaux de la commission - vous transmettrez à M. Blondin, Monsieur le président, ce soir ou à une autre occasion -, fin 2024, 100% de ces 130 kilomètres prioritaires seront traités. L'investissement existe, il est consenti année après année par le canton, et les crédits de renouvellement sont là pour assurer l'entretien et l'assainissement qu'évoquait notre collègue Hiltpold.

L'UDC nous soumet un montant de 100 millions, soutenue par M. Pagani qui, depuis que le phonoabsorbant existe, en est un véritable fan. Naturellement, il est plus facile d'installer des revêtements phonoabsorbants que de supprimer des places de parc ou d'en recréer dans la zone «Clé de Rive», mais c'est un autre débat que celui de la facilité du phonoabsorbant ou de l'intérêt de créer de nouveaux emplacements de parking au centre-ville.

Cela étant dit, vous aurez bien compris, Monsieur le président, chers collègues, que ce crédit de 100 millions constitue un oreiller de paresse pour l'UDC, ce groupe qui dépense le moins en faveur de la mobilité douce et pour lutter contre le bruit; il se donne bonne conscience en sachant que ces 100 millions ne servent à rien, car l'investissement a déjà été prévu là où c'est nécessaire.

Par contre, cette somme est absolument indispensable pour protéger les 120 000 personnes qui souffrent, et ce n'est pas en ajoutant une troisième couche de phonoabsorbant que nous allons y parvenir, mais bien en réduisant la vitesse en ville, en diminuant le nombre de voitures et en favorisant, ainsi que le plan climat le propose, le transfert modal, l'objectif étant d'atteindre, et j'imagine que M. le conseiller d'Etat va nous le rappeler tout à l'heure, une baisse de 40% du transport individuel motorisé d'ici 2030. Voilà comment nous pourrons aider ces 120 000 personnes, et certainement pas en nous asseyant sur cet oreiller de paresse dont je m'étonne que M. Pagani - vous transmettrez, Monsieur le président - se fasse l'avocat. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole à M. Boris Calame pour une minute et demie.

M. Boris Calame (HP). Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, cette proposition est une fausse bonne idée. D'une part, le phonoabsorbant ne peut pas être installé partout, car il est beaucoup plus sensible, beaucoup plus mou que le bitume standard. Vous ne pourriez jamais en poser dans un giratoire, par exemple, car il se déformerait sous le poids des camions ou des bus, c'est très compliqué.

Et puis il faut aussi parler des déchets: quand on dégrappe d'anciennes routes qui doivent être rénovées, on ne peut pas récupérer ceux-ci pour créer un nouveau revêtement, donc que va-t-on faire ? On va ouvrir de nouvelles décharges, on va épuiser les ressources alors que la solution idéale consisterait à récupérer ces matières récoltées sur les routes et à les transformer en revêtement ordinaire.

Aujourd'hui, le canton est assez bon élève, mais certaines communes rencontrent vraiment des problèmes, notamment la Ville de Genève, pour ne pas la citer, qui est en retard, très en retard dans l'assainissement de son réseau routier. Encore une fois, augmenter le volume de gravats non recyclables et non recyclés est une grosse erreur, je vous invite donc à refuser ce projet de loi.

M. Patrick Dimier (MCG). Il est amusant de constater que tout le monde s'accorde à relever que le trafic fait beaucoup de bruit, mais que personne ne consent aux mêmes solutions. Je relèverai deux éléments: d'une part la densité de la circulation, d'autre part la manière dont on gère les nuisances sonores qu'elle génère. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, on peut le lire tous les jours dans la presse ces derniers temps, 120 000 personnes par jour entrent sur notre territoire; 87% de ces 120 000 personnes viennent en voiture et plus de 90% d'entre elles sont seules à bord de leur véhicule.

Sans être MCG à tout crin, on peut faire preuve d'un minimum de logique. Si vous souhaitez réduire le bruit, il n'y a pas trente-six solutions, la meilleure consistant à limiter le trafic. Or lorsque le MCG propose un texte allant dans ce sens, celui-ci est refusé en commission, et pour quel motif ? (Remarque.) Non, mais ce qui est intéressant, c'est d'expliquer pour quel motif: parce que c'est trop dur avec les Français. De qui se moque-t-on, là ? Ce n'est pas du phonoabsorbant, mais un audiophone qu'il faudrait vous installer dans les oreilles pour que vous entendiez ce qui se passe et écoutiez les 120 000 personnes qui se plaignent.

Le deuxième élément qu'il est très important de mettre en avant pour soutenir le phonoabsorbant, c'est qu'à partir de 30 km/h, le roulement des automobiles fait plus de bruit que la mécanique. Dès lors, tant et aussi longtemps que même à 30 km/h... C'est amusant, parce qu'on soutient le 30 km/h pour les voitures, mais on favorise le 45 km/h pour les vélos ! Mais enfin, on marche sur la tête dans ce canton !

Ce que je veux dire, et c'est essentiel, c'est que la solution présentée par l'UDC... Alors on peut discuter à perte de vue du montant, peut-être est-il trop élevé, j'ai en tout cas entendu des arguments qui plaident dans ce sens. A l'UDC, donc, de déposer un amendement pour abaisser cette somme, mais sur le fond de la question, cette proposition est pertinente, et comme toujours, le MCG favorise la pertinence. Je vous remercie.

Une voix. Bravo.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à M. Serge Hiltpold pour quarante secondes.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, je serai bref. S'agissant de la pollution sonore, et on le constate aussi dans des quartiers passablement bien équipés en phonoabsorbant, le problème principal n'est pas tant le bruit de roulement des voitures que les nuisances dues aux échappements libres, comme les pots Akrapovic des scooters qui engendrent des montées en décibels absolument démesurées.

Même problème avec certains véhicules dotés de dispositifs qui amplifient le bruit. Or là, les mesures à entreprendre ne sont pas très compliquées, il faut juste que la police fasse son travail et contrôle ces personnes. Sur une soirée, vous avez un ou deux scooters de ce type qui passent, et ça pourrit la vie de l'ensemble des habitants d'un quartier. Merci.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de première minorité. J'ai bien entendu le discours du représentant PLR et, comme vous pouvez le constater, Mesdames et Messieurs, j'ai déposé un amendement qui abaisse le crédit à 50 millions. Oui, c'est vrai, peut-être que le montant de 100 millions était excessif, mais j'ai bien compris l'enjeu consistant à absorber cette somme en réalisant des travaux, une somme qu'il faudrait davantage lisser dans le temps.

Cela dit, et M. Dal Busco l'a souligné en commission, ça coûte. L'Etat a tout de même besoin de cet argent, donc je vous propose, via un amendement, de descendre le montant à 50 millions. Il s'agit, je le rappelle ici, d'équiper entièrement le réseau cantonal et de favoriser le renouvellement des revêtements actuels, si possible rapidement et en tenant compte des remarques de M. Hiltpold, afin d'assainir le phonoabsorbant de première génération. Je vous remercie.

M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Très rapidement, je signale à M. Hiltpold qu'il dispose sur son téléphone portable d'un instrument lui permettant de mesurer les décibels. Qu'il l'utilise en rentrant ce soir dans son appartement, et il se rendra compte du niveau de bruit. Peut-être a-t-il la chance d'avoir 20 à 30 décibels dans son logement, mais s'il ouvre la fenêtre, avec les voitures, ça monte facilement à 60, voire 70 décibels avec les scooters. Dans les rues où les gens subissent le bruit, on peut avoir jusqu'à 50 décibels dans un appartement ! 50 décibels, c'est inadmissible, il faut descendre à 40 décibels, et c'est bien pour ça que le phonoabsorbant est réclamé par toute la population à Genève.

Cela étant, je trouve un peu fort de café que les socialistes et les Verts se contentent de dire à ces 120 000 personnes: «Vous avez la jambe cassée, mais ce n'est pas grave, repassez dans dix ans, quand il n'y aura plus de voitures.» Enfin, pour résumer, on marche sur la tête.

Il existe des solutions pragmatiques qu'il s'agit d'adopter, notamment le CEVA - nous avons voté majoritairement le CEVA et nous offrons la possibilité de prendre le train à une bonne partie de nos amis frontaliers, et on constate un engouement -, notamment la limitation à 30 km/h en ville, nous soutenons cette mesure.

Cet argent-là pourrait aider l'Etat de Genève et servir à financer enfin les 45 kilomètres de routes cantonales situées sur le territoire de la Ville de Genève, car ce sont principalement ces axes routiers qui posent problème. Ce ne sont pas vos 8 millions, Monsieur Dal Busco - je ne sais pas exactement à combien vous en êtes - qui vont permettre à la Ville de Genève d'installer du phonoabsorbant partout. Vous le savez, même la Cour des comptes a indiqué que vous deviez payer entre 19 et 27 millions par année pour assumer votre responsabilité consistant à assainir les routes cantonales qui passent en ville, qui vous appartenaient et que vous avez refilées en douce à la Ville de Genève, mais sans lui donner les moyens d'entreprendre des travaux alors que la loi l'impose.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous nous rallions très pragmatiquement à la proposition ramenée à 50 millions. Je suis persuadé, puisqu'il s'agit d'une ouverture de crédit, que le gouvernement en fera bon usage et soulagera enfin les personnes qui souffrent du bruit, lesquelles peuvent également contrôler sur leur téléphone à combien s'élève le niveau de décibels dans leur appartement. Selon les standards, pour bien dormir, il faut entre 20 et 30 décibels, et croyez bien que c'est le cas dans peu de logements. En ce qui me concerne, en tout cas, c'est 40 décibels que je subis toutes les nuits. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci bien. La parole retourne à Mme Adrienne Sordet, à qui il reste quarante secondes.

Mme Adrienne Sordet (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, la position de la majorité n'a pas changé vis-à-vis de ce crédit, qu'il s'élève à 50 ou à 100 millions. Suffisamment d'arguments ont été donnés par mes différents collègues de la majorité pour ne voter ni le projet de loi ni l'amendement. Comme nous l'avons mentionné, les investissements sont déjà prévus là où c'est nécessaire, des crédits de renouvellement existent aussi. Si ce n'est toujours pas clair pour vous, la majorité vous invite à refuser cet objet ainsi que l'amendement qui vous est soumis. Je vous remercie.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est franchement très touchant d'entendre cette belle unanimité ainsi que cette préoccupation partagée pour la quiétude des habitantes et habitants; il me semble que dans d'autres débats sur le même sujet ou sur des objets analogues, elles étaient largement absentes. Néanmoins, c'est vrai, j'ai indiqué en commission, au nom du Conseil d'Etat, que nous saurions faire bon usage d'une telle générosité, surtout provenant d'un parti qui ne nous a pas habitués à cela, et entreprendre quelque chose d'intelligent avec cet argent.

En effet, voilà un certain nombre d'années que nous avons commencé à poser des revêtements phonoabsorbants, d'abord de première, puis de deuxième génération, bientôt de troisième génération, puisque nous devons les renouveler, ceux-ci perdant leur efficacité au fil du temps - cela a été dit et redit. Nous l'avons fait sur 92% des routes qu'il est aujourd'hui intelligent d'équiper. M. le rapporteur de majorité allègue qu'il faut revêtir la totalité du réseau cantonal, mais nous n'allons pas poser du phonoabsorbant là où ce n'est pas utile, là où personne n'habite, cela paraît totalement disproportionné et en décalage complet avec la parcimonie avec laquelle son parti nous demande généralement de dépenser les deniers publics.

Nous saurons donc faire bon usage de ces 50 millions, puisque le crédit a été abaissé de moitié, si votre parlement décide de les voter: nous redimensionnerons les prochaines tranches de crédits de renouvellement pour couvrir les besoins d'assainissement. Un montant de 50 millions nous permettrait d'assurer le financement sur une dizaine d'années environ, si on se base sur les cadences de renouvellement habituelles; ce que nous ne dépenserions pas au titre de crédits de renouvellement, nous le dépenserions sur cette somme, donc fondamentalement, si vous adoptez le présent projet de loi, cela ne nous dérange absolument pas, nous saurons utiliser l'argent à bon escient.

En revanche, Mesdames et Messieurs, il faut le rappeler - certains d'entre vous l'ont fait: cela ne suffit pas. Cela ne suffit pas à s'acheter une bonne conscience ! Les revêtements phonoabsorbants sont tout à fait utiles à certains endroits, ils permettent d'atteindre les objectifs et les normes de l'ordonnance fédérale, mais là où il est question de ces 120 000 personnes, ils n'ont pas l'efficacité voulue. Dès lors, si nous développons une stratégie que d'aucuns dans ce parlement n'aiment pas beaucoup, au point d'ailleurs d'en contester les mesures devant les tribunaux, c'est bien parce qu'il n'y a pas d'autre alternative. Il n'y en a pas !

Il y avait certes des alternatives légales qui consistaient, dès lors qu'il n'existait pas de solution pour respecter les normes, à demander ce qu'on appelle des allégements, des exceptions à l'application de l'ordonnance fédérale, mais la justice refuse désormais de les accorder. Elle nous a obligés à réaliser des essais, par exemple au boulevard du Pont-d'Arve, ce qui nous a permis de constater que la diminution de la vitesse a un effet positif sur le bruit.

Voilà pourquoi nous avons mis en place cette stratégie dont je me permets de rappeler, Mesdames et Messieurs, qu'il ne s'agit pas d'un objectif d'abaissement généralisé de la vitesse à 30 km/h, mais d'une réduction là où la loi ne le prévoit pas déjà aujourd'hui, notamment la LMCE dans l'hypercentre. Il s'agit d'un dispositif nocturne consistant à baisser la vitesse entre 22h et 6h du matin.

Ces mesures vont de pair, il faut tout de même renouveler les revêtements phonoabsorbants. Si, dans un grand élan de générosité, vous décidez d'y affecter un crédit spécial, nous saurons en faire bon usage, mais cela ne nous affranchit hélas pas du tout de concrétiser une stratégie qui vise à réduire la vitesse, en particulier la nuit. Voilà ce à quoi il faut tendre si nous entendons sincèrement et véritablement préserver le sommeil et la quiétude des habitants. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12971 est rejeté en premier débat par 54 non contre 33 oui.