République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12944-A
Rapport de la commission de l'enseignement supérieur chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Patricia Bidaux, Jean-Luc Forni, Sébastien Desfayes, Jacques Blondin, Souheil Sayegh, Jean-Marc Guinchard, Jean-Charles Lathion, Bertrand Buchs, Claude Bocquet, Christina Meissner, Delphine Bachmann modifiant la loi sur les bourses et prêts d'études (LBPE) (C 1 20) (Pour que nos enseignants stagiaires puissent bénéficier de meilleures conditions d'études)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 9 et 10 décembre 2021.
Rapport de M. Jean-Luc Forni (PDC)

Premier débat

Le président. Nous poursuivons avec le traitement des urgences en commençant par le PL 12944-A, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Jean-Luc Forni, remplacé par M. Jacques Blondin; je lui cède la parole.

M. Jacques Blondin (PDC), rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. C'est avec plaisir que je vous remplace pour présenter ce rapport. Je vais me limiter à lire vos excellentes conclusions, qui se situent à la fin du document et résument fort bien la teneur de ce projet de loi.

«Une large majorité de la commission de l'enseignement supérieur vous invite à accepter ce projet de loi 12944.

«La commission a auditionné les étudiants de l'IUFE, la CUAE, les différents départements concernés ainsi que les représentants des enseignants du secondaire et ceux de la CIIP.

«Il en ressort que la modification de la LBPE voulue par ce PL permet de faire bénéficier de bourses et prêts d'études les étudiants devant effectuer un deuxième master pour accomplir leur formation. La LBPE ainsi modifiée permettra d'apporter une aide ciblée aux étudiants de l'IUFE dans la précarité, aux yeux d'une large majorité de la commission de l'enseignement supérieur. La commission a constaté que cela ne concernait qu'une minorité d'étudiants qui ne peuvent bénéficier d'un stage rémunéré, faute de places disponibles, durant une partie de leur cursus et qui n'ont pas la possibilité d'effectuer une suppléance ou des remplacements à côté de leur stage en accompagnement. Après des années difficiles liées aux restrictions budgétaires et à la covid-19, le DIP a montré que, pour les prochaines années, les stages en responsabilité resteraient largement majoritaires, mais qu'il fallait aussi tenir compte de la reconnaissance de ces stages liée au cadre fédéral et aux places disponibles, la mobilité des enseignants diplômés entre le secondaire I et le secondaire II restant prioritaire. Le DIP a aussi informé la commission que le salaire médian des stagiaires (50% d'entre eux) au niveau du département est à peu près de 30 000 francs (tous revenus confondus). 25% des stagiaires se retrouvent en dessous des 21 000 francs de revenus annuels. Le salaire maximum est de 69 000 francs.

«La LBPE ainsi modifiée pourra offrir un soutien financier ciblé et personnalisé aux stagiaires en situation précaire. C'est pourquoi la commission de l'enseignement supérieur vous recommande d'adopter ce PL.» Merci.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur, de cet excellent rapport ! (Rires.) Je passe la parole à M. le député Emmanuel Deonna.

M. Emmanuel Deonna (S). Merci beaucoup, Monsieur le président. Notre parlement a été saisi de plusieurs objets concernant la précarité à l'université: celle des étudiants, qui exigeaient des menus à 3 francs à la cafétéria, ainsi que celle du corps intermédiaire, qui demandait, et réclame toujours, de meilleures conditions tant d'embauche que de travail. Avec ce projet de loi, notre Grand Conseil cherche spécifiquement à mieux répondre aux besoins des étudiants de l'Institut universitaire de formation des enseignants - l'IUFE -, comme l'a rappelé M. Blondin.

Proposé par notre collègue Patricia Bidaux, du PDC, ce texte a été examiné au même moment que la M 2753 déposée par Mme Glenna Baillon-Lopez, Mme Amanda Gavilanes et moi-même pour le PS. Cette proposition de motion demande de maintenir la possibilité, pour chaque étudiant, d'effectuer un stage en responsabilité d'au moins une année, de rémunérer les stages en accompagnement, de procéder à l'augmentation de la ligne budgétaire dédiée aux stages dans le budget de fonctionnement de l'Etat et de clarifier et harmoniser l'organisation des stages en accompagnement avec l'IUFE. Comme l'indique le rapport du député Forni - du président Forni -, les auditions de la CIIP, de l'IUFE et de l'Union du corps enseignant secondaire genevois ont permis de mieux comprendre la situation des étudiants et de déboucher sur un compromis qui a convaincu une large majorité de la commission.

En mars 2020, le DIP a levé l'obligation d'effectuer des stages en responsabilité. Les stages en accompagnement ne sont pas rémunérés, ce qui a mis les futurs enseignants dans des difficultés financières. Les futurs enseignants du secondaire I et II doivent passer par la case stage de deux ans; les étudiants de l'IUFE n'ont toutefois pas tous accès à des stages en responsabilité rémunérés. Le nombre de bourses a été multiplié par trois pendant la dure épreuve du covid: la situation des étudiants s'est beaucoup précarisée et les bourses déterminent la trajectoire de très nombreux étudiants qui deviendront des enseignants. Les bourses sont souhaitables, car leur octroi exige un examen réel et concret de la situation des étudiants qui garantit une égalité de traitement - déclaration, fiches de salaires, etc.; en ce sens, elles protègent donc de l'arbitraire.

Selon les enseignants du secondaire, ce projet de loi permettra de tenir compte des difficultés des étudiants qui se trouvent dans des situations financières difficiles. Avoir une année de stage en responsabilité rémunéré et une année de stage en responsabilité partagée non rémunéré est problématique, en particulier pour des étudiants dont la moyenne d'âge est de 35 ans. Les étudiants à l'IUFE, comme vous le savez, je pense, sont pour la plupart en reconversion professionnelle. Le groupe socialiste vous recommande donc d'approuver ce projet de loi: il profitera aux étudiants qui doivent effectuer un deuxième master pour achever leur formation et permettra d'apporter une aide nécessaire, ciblée aux étudiants de l'IUFE qui se retrouvent dans des situations de précarité. Je vous remercie.

Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, afin d'enseigner au secondaire I et II, vous le savez probablement, il est nécessaire d'achever d'abord des études dans un domaine spécifique et de passer par la case master dans cette discipline particulière. Une fois ce master terminé, il est nécessaire d'enchaîner - pour autant que les inscriptions dans le domaine précis soient ouvertes - avec un master en pédagogie à l'Institut universitaire de formation des enseignants, l'IUFE. Deux masters sont donc requis pour devenir enseignant au secondaire.

Ce sont de très longues études qui sont parfois semées d'embûches puisque certains étudiants, par exemple formés en philosophie ou en italien - des branches bénéficiant de très peu d'heures d'enseignement -, doivent attendre plusieurs années avant qu'une place se libère dans leur discipline. Et cela sans même avoir l'assurance d'un emploi au bout de leur formation. Cela implique mathématiquement que la moyenne d'âge au sein de l'IUFE est plus élevée que dans d'autres filières de même niveau; la plupart de ces étudiants en passe de devenir enseignants ont donc déjà eu un emploi, souvent ils ont même déjà fondé une famille, et ils ne peuvent dans tous les cas pas se passer d'une rentrée d'argent pendant deux ans. Or la loi sur les bourses et prêts d'études, actuellement, ne permet pas aux étudiants effectuant un second master d'avoir accès à un prêt ou à une bourse puisque cette formation est jugée non nécessaire - autrement dit, comme un luxe. Ce projet de loi vise à combler cette lacune, étant donné qu'un second master est indispensable pour devenir enseignant.

Durant son audition, l'association des étudiants nous a informés que l'IUFE considère que le taux d'activité de la formation s'élève à 75% pour le master à une discipline et varie de 93% à 95% pour celui à deux disciplines. Etant donné qu'ils n'ont accès à aucune aide financière, les étudiants effectuent parfois de nombreuses heures de remplacement, allant jusqu'à travailler à 150% pour avoir des rentrées d'argent décentes. Ces conditions, Mesdames et Messieurs les députés, sont parfaitement indignes. Pour mettre fin à une partie des peines des étudiants et étudiantes de l'IUFE, nous nous invitons à soutenir ce projet de loi PDC tel qu'amendé en commission. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole va à Mme Dilara Bayrak... (Remarque.) C'est une erreur. Je passe donc la parole à M. Olivier Baud.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, Ensemble à Gauche soutient ce projet de loi. La remarque qu'on pourrait faire, c'est que, d'une manière générale - je dis bien d'une manière générale -, les formations en emploi devraient quand même être plus valorisées, favorisées, dans notre canton, mais la tendance constatée est plutôt à leur disparition. Je parle bien d'une manière générale, pas uniquement dans le domaine de l'enseignement.

Ce projet de loi concerne plus particulièrement l'IUFE, l'Institut universitaire de formation des enseignants. C'est vrai que ça devient aussi très compliqué pour la reconnaissance des diplômes, et puis il y a toutes les règles imposées par la Conférence suisse des directeurs de l'instruction publique. Comment jongler avec ça dans ce parcours ? Tout le monde s'accorde à dire que c'est très compliqué et que ce n'est pas forcément bénéfique. Cependant, il ne s'agit pas là de remettre en question ce qu'a édicté la CDIP ou l'IUFE, mais simplement de constater que c'est bien d'avoir au moins le droit de faire une demande de prêt ou de bourse d'études lors d'un deuxième master, et qu'empêcher les étudiantes et les étudiants de ce canton de pouvoir en faire la demande est une forme d'inégalité de traitement. (Brouhaha.) Ensemble à Gauche soutient ce projet de loi tel qu'amendé - intelligemment - en commission. (Brouhaha. Remarque.) Merci, Monsieur Velasco. Oui... (Remarque.) Qu'est-ce qui est impossible ?

M. Alberto Velasco. Ce n'est pas possible de travailler comme ça, avec la porte ouverte !

M. Olivier Baud. Ah, ce n'est pas possible de travailler comme ça ! Oui, alors fermez la porte, s'il vous plaît. Merci. Je crois que je vais conclure là: votez ce projet de loi ! Merci beaucoup.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit, tout a été bien dit, et je remercie la commission pour le travail qu'elle a mené: il a permis d'apporter des clarifications, peut-être même d'affiner le texte. Il était en tout cas important, pour le groupe PDC, de trouver un nouvel équilibre, notamment en matière de droits et d'accès à des aides pour des étudiants qui ont l'obligation de faire un deuxième master. Donc merci de soutenir cette motion... (Remarque.) ...pardon, ce projet de loi - merci, Monsieur le député, de me corriger. Voilà, c'est tout !

M. Daniel Sormanni (MCG). Juste quelques mots concernant ce projet de loi. M. Deonna l'a dit tout à l'heure, on avait quelque part le choix entre ce texte et la proposition de motion déposée par le parti socialiste, la M 2753, qui en effet demande tout simplement que les stages soient rémunérés - point ! - et que la ligne budgétaire du département de l'instruction publique soit augmentée pour ce faire. Je pense que c'est un petit peu plus compliqué, et à mon avis ce projet de loi répond finalement à cette problématique: ceux qui sont en difficulté peuvent désormais avoir accès aux bourses. C'est beaucoup plus ciblé et, surtout, probablement beaucoup moins coûteux et beaucoup plus souple. Je vous invite donc bien évidemment à voter ce projet de loi. Merci.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat se réjouit que le parlement ait trouvé une solution, mais permettez-moi d'apporter quelques précisions, parce que je ne suis pas sûre que tout le monde ici connaisse les tenants et aboutissants de la formation des enseignants. Effectivement, les enseignants du secondaire doivent d'abord avoir une formation disciplinaire - un master en mathématiques, en allemand, en histoire, en géographie, que sais-je - puis la faire suivre d'un deuxième master, pédagogique, qui les prépare à enseigner. De ce fait, dans le système actuel des bourses d'études, ils n'ont pas droit à une aide.

Pourquoi auraient-ils besoin d'aide ? Mme Leonelli et M. Deonna nous ont parlé de l'âge des étudiants à leur entrée à l'Institut universitaire de formation des enseignants, qui est en effet relativement élevé; non pas qu'ils ont enseigné avant et qu'ils étaient en attente ou autre, mais probablement parce que ce sont des personnes qui ont occupé un poste ailleurs, dans le privé, après leur formation. Elles doivent trouver que la fonction publique, que l'enseignement à Genève est suffisamment attractif et intéressant pour chercher à y entrer. Ces personnes sont donc plus âgées, avec parfois une charge de famille, et c'est effectivement difficile quand on a 35 ans et une charge de famille de se retrouver sans salaire.

Pourquoi se retrouvent-ils sans salaire ? C'est là que j'aimerais apporter une petite explication: ce n'est pas une volonté du DIP - M. Baud l'a évoqué -, c'est lié à des exigences intercantonales, posées par la CDIP. La CDIP ne veut pas de formation en emploi, en principe. Monsieur Baud, je le regrette infiniment, parce qu'il y a une tradition genevoise en la matière que je soutiens - et j'ai été formée de cette manière-là; on était formé en emploi. La CDIP veut que ce soit plutôt ce qu'on appelle «en accompagnement», qu'on soit avec d'autres enseignants, et ne soutient pas, ou de manière minime, je dirais, la formation en emploi. En tout cas, lorsqu'elle l'admet, elle la limite - elle la limite à quatre à six périodes par semaine environ, contrairement à l'époque bénie que j'ai connue: on était alors à mi-temps, et en plus payé aux trois quarts. On était payé, de mon temps, pour suivre les cours de formation ! C'est vous dire si c'était une autre époque et si elle était effectivement bénie pour les étudiants. Première remarque, donc: la CDIP freine sur la formation en emploi.

Deuxième remarque: c'est une particularité genevoise - une genevoiserie, me direz-vous, mais à laquelle, semble-t-il, les enseignants du secondaire tiennent, nous avons un statut du corps enseignant unique: les enseignants du secondaire sont formés pour enseigner à la fois au cycle d'orientation et au secondaire II. Or, que nous dit la CDIP ? Elle refuse qu'un enseignant qui serait par hypothèse formé en emploi au cycle d'orientation n'ait jamais touché... enfin, ne soit jamais allé dans une classe du collège... (Remarque. Rires.) Oui, ne me faites pas dire ce que je ne voulais pas dire ! (L'oratrice rit.) Il est effectivement obligatoire qu'une partie des stages soit effectuée au gymnase, ainsi qu'on l'appelle en Suisse alémanique et dans d'autres cantons romands, c'est-à-dire au collège chez nous. Ce qui a obligé l'IUFE et le département, le gros de la formation se faisant plutôt au cycle parce que c'est là que les besoins se font essentiellement sentir à l'heure actuelle, à imaginer un système où on peut, dans la mesure du possible - et c'est souvent le cas en première année -, être formé en responsabilité et donc avoir des heures d'emploi rémunérées. Mais, par la force des choses, ces enseignants formés au cycle en première année doivent aller en accompagnement au collège en deuxième année, sans rémunération. Ce sont ces éléments-là qui ont de fait engendré un problème qui n'existait pas par le passé.

Quant à l'année 2020, elle a effectivement été un peu particulière. On a pu heureusement rectifier le tir - je rappelle que nous n'avions pas de nouveaux postes au budget et que nous avons par conséquent dû... Nous aurions pu faire le choix de renoncer complètement à former des enseignants parce qu'on n'avait pas de stages en responsabilité à leur offrir ou très peu - beaucoup moins que d'habitude -, mais nous avons choisi de permettre quand même la formation pour éviter aussi qu'on se retrouve à terme en manque d'enseignants. Elle s'est toutefois davantage déroulée en accompagnement et a par conséquent été moins rémunérée que d'habitude.

Voilà pour les quelques explications que je voulais vous donner. Et je me réjouis au fond de cette solution qui sera, à mon avis, probablement la bonne et qui permettra de cibler les personnes qui en ont le plus besoin. Merci.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12944 est adopté en premier débat par 68 oui et 2 abstentions.

Le projet de loi 12944 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12944 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui contre 21 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Une voix. Bravo !

Loi 12944 Vote nominal