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RD 1482
Rapport de la commission de contrôle de gestion sur les relations entre le D11 et la direction générale de l'enseignement secondaire II
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 22 et 23 septembre 2022.
Rapport de M. Bertrand Buchs (PDC)

Débat

Le président. Nous poursuivons avec le RD 1482. La parole échoit au rapporteur, M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur. Oui, merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce sujet a occupé la commission de contrôle de gestion pendant onze séances. Il ne s'agit pas d'un rapport de sous-commission, mais de la commission dans son entier qui, après ces onze séances, a décidé de rendre un rapport pour conserver une trace de ce qui avait été dit. Voilà pourquoi nous sommes devant vous aujourd'hui.

Le processus a été difficile, parce qu'on est dans des problèmes d'ordre, je dirais, relationnel, des problèmes qui ne sont généralement pas objectifs, donc il a été ardu pour les commissaires de prétendre à une impartialité dans le contexte de ces rapports personnels. En tous les cas, nous avons été impressionnés par la détresse exprimée par les gens témoignant devant la commission de contrôle de gestion: il est rare d'entendre une souffrance aussi claire et nette parmi des cadres supérieurs. En effet, les difficultés ont lieu entre les directeurs de collèges et la direction générale de l'enseignement secondaire II.

Nous avons décidé de nous saisir de cette affaire suite à des signalements anonymes parvenus à la commission, à des articles de presse et à une question écrite urgente de Mme Natacha Buffet-Desfayes, la QUE 1502. Nous avons également choisi de ne pas retenir certains témoignages, parce qu'ils étaient trop clairs et que les personnes risquaient d'être reconnues, mais aussi parce qu'il s'agissait de problèmes personnels et singuliers qui n'entraient pas dans le cadre de la discussion générale sur les relations entre les directeurs de collèges et la direction du secondaire II.

Ce qui ressort, c'est qu'il y a probablement eu par le passé un temps béni des directeurs de collèges, lesquels disposaient d'une extraordinaire autonomie par rapport à la direction générale, que cette période, qui était probablement exagérée, est désormais révolue, et le retour de balancier dans l'autre sens, c'est qu'on a diminué très nettement la liberté de décision de ces personnes. Elles ont eu l'impression - elles ont l'impression - de se retrouver entre une direction qui leur donne des ordres - des ordres devant être exécutés à la minute - et des collaborateurs et élèves à surveiller, souvent avec un manque de soutien.

C'est un élément qui est revenu à de nombreuses reprises: «Nous ne sommes pas soutenus lorsque nous devons prendre des décisions, nous ne recevons pas de soutien quand nous nous retrouvons face à des situations difficiles», par exemple par rapport à des enseignants qui ne sont plus du tout dans les clous, qui tiennent des propos complotistes, ou à des étudiants qui, eux aussi, exagèrent dans leur comportement. Les directeurs et directrices de collèges se retrouvent démunis face à ce contexte, ne ressentant aucun soutien de la part de la direction générale. Voilà le premier point.

Il est clair que le département a été alerté, qu'il s'est préoccupé de ce problème, qu'il a essayé de mettre en place...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Bertrand Buchs. Oui, je termine rapidement ! ...une médiation, du moins en théorie, parce que ce n'était pas vraiment une médiation, mais plutôt un accompagnement. Là encore, nous avons été étonnés par cette démarche, nous n'avons jamais obtenu de procès-verbaux des séances, il n'y en a, semble-t-il, pas, et les directeurs et directrices de collèges étaient dans le flou complet, n'étant pas au courant des conclusions de cet accompagnement ni de ce qui allait changer.

A la fin des travaux, nous avons émis des recommandations que vous trouvez dans le rapport. Les voici - ensuite, je laisserai la parole aux personnes qui souhaitent la prendre: s'assurer du respect du cadre fixant l'autonomie du D11 - le D11, c'est l'association des directeurs et directrices de collèges - et des directeurs de l'enseignement supérieur II tel que fixé dans le règlement C 1 10.31 en ses articles 8 et 11; rappeler le soutien nécessaire de la direction générale à ses collaborateurs dans l'exercice de leur autonomie; s'assurer de la loyauté des directeurs et des enseignants découlant du règlement - cela implique aussi qu'il y a des devoirs; permettre au D11 de participer à l'élaboration des directives de la direction générale du secondaire II; proposer des solutions pérennes pour ramener le taux d'absence en dessous de 7% - je rappelle qu'il est monté jusqu'à 36%, quatre directeurs et directrices sur onze étaient en arrêt maladie, ce qui signifie qu'il y avait vraiment un problème; et enfin prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme aux problèmes relationnels relevés dans ce rapport. Je vous remercie.

Mme Salika Wenger (EAG). Nous venons d'entendre deux plaintes, toujours des directions générales. J'aimerais d'abord - c'est ce que je voulais faire tout à l'heure dans le cadre du dernier rapport - rectifier une expression qui nous vient de la manière de gérer les travailleurs et qui s'appelle les «ressources humaines»: en français, c'est le service du personnel, nous parlons de gens.

Il y a des années, on nous a présenté un projet intitulé «new public management». A l'époque, toute la gauche avait pressenti ce qui est en train de se produire aujourd'hui, c'est-à-dire les difficultés que l'on rencontre, notamment en raison d'une surveillance incompréhensible - c'est vrai pour les directeurs, c'est vrai pour le personnel, c'est vrai pour tout le monde à l'Etat. Actuellement, les collaborateurs de la fonction publique passent plus de temps à lire les recommandations, les rapports, les rapports sur des rapports qu'à effectuer leur propre travail.

Lorsque nous avons reçu les directeurs de collèges, nous avons à nouveau eu cette impression, c'est-à-dire qu'on les prend pour des managers plutôt que pour des directeurs d'école secondaire. Ainsi, ils n'ont plus le temps, ni la capacité, ni même parfois les compétences pour accomplir leur travail que nous connaissons tous et dont nous avons tous bénéficié dans cette enceinte.

Alors ce rapport est très bien, les recommandations sont très bien, mais je crains qu'en cette fin de législature, nous commencions à recevoir de plus en plus de rapports de cet ordre, ce qui prouve que nous avions raison à l'époque, quand on a institué le «new public management» au sein de l'Etat, de dire: «L'Etat n'est pas une entreprise privée.» J'ai bien peur que nous voyions arriver d'autres rapports de cet acabit, parce que c'est ce que le système implique.

Ce rapport est comme tous les autres rapports, et nous le refuserons, parce qu'il ne correspond pas à la réalité politique. Ce n'est qu'un compte rendu technique de la situation...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Salika Wenger. ...il n'y a pas d'analyse réelle de ce qui se passe...

Le président. C'est terminé.

Mme Salika Wenger. ...dans la gestion de l'Etat. Or les rapports successifs...

Le président. Merci, c'est terminé !

Mme Salika Wenger. ...nous montrent que les choses ne fonctionnent pas.

M. Jean Romain (PLR). J'aimerais d'abord indiquer que la commission de contrôle de gestion, que je présidais alors, avait été saisie par Mme Ana Roch d'un certain nombre de documents, de lettres qui nous avaient alertés sur ce conflit. Ensuite, il faut le souligner, deux ou trois auditions n'ont pas été intégrées dans le rapport, parce que nous devions une certaine protection à ces personnes qui, de manière générale, avaient peur.

Au département de l'instruction publique, chers collègues, on a peur, parce que la direction générale empêche les profs et les directeurs d'exécuter leur travail. Il y a des gens compétents, des gens choisis pour leurs compétences, des gens formés, mais ce qui est surréaliste, c'est qu'on leur met des bâtons dans les roues et qu'on vient ensuite se plaindre que ça ne va pas.

M. Buchs a évoqué la détresse concernant les relations; alors il est question de relations très précises entre la direction - peut-être même le directeur de l'enseignement secondaire II, je ne sais pas - et le D11 qui étaient extrêmement tendues. C'est vrai qu'il y a quelques années, les directeurs avaient beaucoup plus de liberté, mais on ne peut pas non plus les traiter comme des personnes corvéables à souhait. Ils portent une responsabilité, et cette responsabilité implique, de la part de la direction générale et même du département de l'instruction publique, une certaine confiance.

Or en quelques années, la confiance à l'intérieur de ce département a été complètement rompue, et je trouve cela dommage. Il y a une sorte d'autoritarisme qui va du haut jusqu'en bas de l'échelle et qui fait que toute la hiérarchie est touchée, peut-être même que toute la hiérarchie a peur. On n'en parle pas suffisamment. J'entends souvent Mme Anne Emery-Torracinta se plaindre que tel événement n'est pas remonté, ce qui est vrai, je ne le mets pas en doute, mais cela prouve que quelque chose ne fonctionne pas dans le traitement même de l'information, et on se réveille soudain avec des histoires comme ça, qu'on apprend parfois à travers les journaux. Voilà ce qu'il va falloir changer, voilà la problématique qu'il va falloir prendre à bras-le-corps.

Il s'agit d'un bon rapport qui a été accepté par l'ensemble de la commission. On aurait pu dire des choses - vous avez raison, Madame Wenger - bien plus terribles, bien plus fortes, bien plus accusatrices, mais nous devions trouver un modus vivendi de façon à ce que ce rapport soit tout de même fidèle à ce que pensent toutes les ailes politiques de la commission. La détresse mentionnée est extrêmement grave, et je ne suis pas sûr - mais pas sûr du tout - qu'en changeant simplement notre parlement l'année prochaine, celle-ci s'évanouira comme par miracle. Je vous remercie.

Une voix. Bravo.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci à M. Buchs d'avoir rédigé ce rapport. Nous en avons longuement discuté en commission, il a été formulé de façon aussi fidèle et respectueuse que possible pour les personnes. C'est pourquoi je ne peux pas entendre ce qui vient d'être dit, les deux prises de parole précédentes ont largement dépassé le cadre du rapport et ce qui y est indiqué. Je ne pense pas qu'on puisse accuser le «new public management» et le terme «autoritarisme» n'a jamais figuré dans le rapport.

Nous devons être conscients qu'il y a des difficultés au sein du collège des directeurs, des difficultés qui préexistaient et qui se sont cristallisées lors du covid. En effet, il est bien clair que la pandémie a créé de grands problèmes dans la gestion. Je pense qu'il faut en rester aux conclusions apportées, elles vont dans les deux sens et nous les avons longuement discutées en commission.

Il s'agit bien entendu d'offrir une certaine autonomie aux directeurs et directrices de collèges, mais pas totale, parce qu'il faut malgré tout assurer une coordination; pas une autonomie totale, mais tout de même, il faut les laisser influer sur la marche des affaires. D'un autre côté, on exige également des directeurs et directrices de collèges qu'ils fassent preuve d'une forme de loyauté - même d'une très grande loyauté - vis-à-vis de leur employeur. Il s'agit essentiellement des trois premières recommandations qui se trouvent dans le rapport et qui doivent être lues comme telles, ce ne sont pas des accusations. Voilà, tout ça pour dire que je ne peux pas cautionner les propos tenus dans les deux interventions précédentes. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vois pas le rapport entre cette affaire et le «new public management»; pour moi, il n'y a aucun lien. Il a été difficile de transcrire dans un rapport, et je remercie M. Buchs d'avoir réussi à le faire, le malaise que nous avons ressenti lorsque nous avons reçu ces directeurs. Visiblement, il y a davantage qu'un grain de sable dans les rouages, et il était extrêmement compliqué de parvenir à traduire cela et, en plus, d'en tirer des recommandations.

Evidemment, ces directeurs doivent suivre un certain nombre d'instructions, mais ils doivent également disposer d'une autonomie et ne pas voir leur jugement systématiquement - je le dis entre guillemets - «remis en cause» lorsqu'ils prennent une décision vis-à-vis d'un enseignant ou d'un élève. Ce malaise très fort qu'ils sont venus exprimer à la commission, eh bien il fallait le transposer d'une certaine manière, et il est traduit dans le présent rapport.

Maintenant, si ce rapport est approuvé par le parlement, ce dont je ne doute pas, la balle est dans le camp du Conseil d'Etat pour essayer de trouver des solutions équilibrées. Les directeurs ont droit à l'autonomie, ils doivent être soutenus et, de leur côté, ils doivent se montrer loyaux. Je pense qu'ils le sont et qu'ils sont compétents.

Cette problématique est complexe, mais que reflète-t-elle finalement ? Nous en avons parlé tout à l'heure, il y a un malaise dans la gestion du personnel de l'Etat, et ce dans tous les sens. Voilà ce que je ressens. Je n'aime pas non plus le terme «ressources humaines», parce que cela a une mauvaise connotation pour moi; on doit respecter le personnel, mais le personnel doit aussi respecter sa hiérarchie.

Or au sein de l'administration publique, tout est beaucoup plus compliqué - et j'ai fait trente ans dans les services de l'Etat: absentéisme, ceux qui profitent, ceux qui effectuent le travail à double pour remplacer ceux qui ne sont pas là, tout est complexe. On a vu que le Conseil d'Etat entend avancer, on a lu ses propositions dans ce domaine; j'espère qu'il va y parvenir. Il s'agit ici d'une problématique qui concerne plus particulièrement le département de l'instruction publique, et nous attendons qu'il y soit remis bon ordre et qu'elle soit résolue le plus rapidement possible. Merci.

M. Thomas Bläsi (UDC). Au groupe UDC, nous remercions vivement M. Buchs d'avoir réussi à donner un ton urbain à un sujet et à des situations qui ne l'étaient pas. En tant que commissaire, ce qui m'a principalement marqué, c'est la grande inquiétude vis-à-vis de la hiérarchie exprimée dans de nombreuses auditions et par plusieurs collaborateurs. Ce qui m'a également impressionné, c'est la capacité du système à s'autodéfendre alors que tous les doigts pointaient vers le même problème, c'est-à-dire vers le directeur de l'enseignement secondaire II qui, par ailleurs, n'a pas été reconduit et n'est plus à son poste - mais il a été très long et difficile d'identifier ces événements.

Aux membres de la commission que j'ai entendus tout à l'heure regretter qu'on n'ait pas fait ceci ou cela, eh bien je rappelle qu'ils sont tout à fait libres de poser des questions. En l'occurrence, tout le monde pouvait le faire, toutes les réponses pouvaient être obtenues, et ce n'est pas le rapport qui pose problème, mais bel et bien la situation.

Au nom du groupe UDC, je tiens par ailleurs à souligner que je trouve absolument scandaleux les échanges qu'on a pu lire entre les collaborateurs de l'Etat, entre des chefs hiérarchiques et des directeurs, c'est totalement inacceptable ! A ce niveau-là de salaire et de compétences, on n'ose même pas imaginer que les gens puissent se permettre de prendre un clavier pour écrire de cette manière à leurs subalternes ou à leurs supérieurs. L'Etat fonctionne mal, il ne fonctionne pas bien; ce qui est certain, c'est qu'il va falloir que certains gagnent en souplesse et d'autres en intelligence. Merci, Monsieur le président.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe socialiste remercie bien sûr le rapporteur pour le travail qu'il a effectué. Toutefois, il convient de souligner certains éléments. Il s'agit d'un rapport de commission, aucune sous-commission n'a été créée sur ce sujet. Au fond, ce que la commission a voulu faire, c'est simplement mettre en avant des problématiques qui, toutes, méritent une solution.

Au groupe socialiste, nous sommes assez surpris d'entendre qu'on fait tout à coup le procès du département de l'instruction publique alors qu'il s'agissait de ramener du calme, de l'écoute et vraiment de respecter la souffrance au travail des collaborateurs et collaboratrices de l'Etat. A cet égard, je me réfère à l'excellent rapport de Mme Bidaux, que nous avons entendue tout à l'heure, pour lequel il n'y a pas eu toutes ces réactions. Or elle a bien mis en avant que l'on doit apporter un soin aux présents pour gérer les problèmes d'absence.

Le parti socialiste aimerait souligner qu'aucun département n'est épargné. Je vous rappelle les travaux de mon collègue Alberto Velasco sur l'office des poursuites, je signale également que la commission de contrôle de gestion a créé des sous-commissions qui travaillent sur ces mêmes problématiques; moi-même, je préside une sous-commission sur le domaine pénitentiaire, dont les taux d'absence sont largement supérieurs à 7%. Et on pourrait encore citer bon nombre de dossiers dont s'occupe la commission de contrôle de gestion.

Si on veut arriver à créer une confiance, à veiller au respect que l'on doit à toute collaboratrice et à tout collaborateur de l'Etat, eh bien on n'instrumentalise pas les rapports de la commission de contrôle de gestion. Ici, encore une fois, il ne s'agit pas d'un rapport d'une sous-commission, mais du résumé des auditions que nous avons menées. L'ensemble des députés de la commission ont dit qu'il fallait reconnaître la souffrance des directeurs et directrices de collèges, mais aussi rappeler que chacun a des droits et des devoirs quand il travaille au sein de l'administration. Aussi, attelons-nous à résoudre les problèmes de souffrance, les difficultés que l'on observe de manière large à l'Etat plutôt que d'instrumentaliser un sujet qui est tout de même difficile. Merci beaucoup.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, avant de revenir sur le fond et sur les recommandations du rapport, que je partage pour l'essentiel - j'y reviendrai -, quelques éléments quant à la forme. Je dois vous dire que le Conseil d'Etat - et le Conseil d'Etat dans son ensemble, pas juste le DIP - a été très surpris par la forme du rapport: les procès-verbaux des auditions sont cités in extenso, c'est-à-dire que les paragraphes ont été repris tels quels, ce qui signifie qu'on identifie parfaitement qui a dit quoi. Alors pour ma part, je n'ai aucun souci avec ce que j'ai indiqué, mais j'ai également cru comprendre - cela figure même dans le rapport - que certains témoignages n'avaient pas été intégrés parce qu'on risquait de reconnaître les personnes. Or, dans le même temps, quand on lit le compte rendu des interventions, par exemple du président ou de la vice-présidente de l'association des directrices et directeurs, soit du D11, on sait qui c'est. Je trouve cela extrêmement gênant.

Une autre chose me dérange. J'ai comparé le PV de mon audition - je n'avais pas accès aux autres PV, bien sûr, vous le savez bien, mais enfin, j'avais le mien - avec le rapport, eh bien c'est texto ce que j'ai dit, mais avec quelques paragraphes en moins. Dès lors, je m'interroge: pourquoi certaines parties ont-elles été enlevées ? Je trouve cela un tout petit peu surprenant.

Puisque nous sommes ici au coeur d'une problématique de RH - même si vous n'aimez pas ce terme -, de personnel, de personnes, d'êtres humains, je trouve que la meilleure protection à apporter aux gens aurait été plutôt de proposer un rapport de synthèse, quitte à dire: «Voilà ce que nous avons constaté, voilà les souffrances partagées» en insérant éventuellement quelques extraits parlants, mais sans qu'on sache qui a dit quoi. Avec le procédé choisi, on met finalement les personnes en difficulté, sachant que la commission de contrôle de gestion n'est pas n'importe quelle commission, on sait qu'il y a un secret de fonction, les PV ne sont pas transmis. Ainsi, le Conseil d'Etat unanime souhaiterait rendre votre parlement attentif à ce point, car il faut protéger les personnes, il faut qu'elles puissent s'exprimer en toute confiance quand elles viennent témoigner devant vous. C'était mon premier commentaire sur la forme.

J'en ai un second. Il est fait allusion à un moment donné, et il me semble que M. le rapporteur de commission l'a également relevé, à un rapport qui aurait été écrit, mais pas remis, dont on ne sait pas s'il existe. Alors sachez que tout a été donné à la commission, il n'a jamais été sollicité de rapport écrit sur la situation. Comprenez-moi bien: nous étions dans un état d'esprit où nous voulions accompagner les personnes des deux côtés, que ce soit la direction générale ou les directeurs, avec bienveillance, et certainement pas en rendant un rapport écrit qui pointe les gens du doigt en disant: «Il a dit, elle m'a dit, il s'est passé ceci, il s'est produit cela.» L'idée était plutôt - et cela figure dans le PowerPoint que vous avez reçu - d'émettre des remarques de type général. Rien ne vous a été caché, le département ne dissimule pas les documents et surtout pas à la commission de contrôle de gestion qui, par définition, a droit à ces informations. Voilà ce que j'avais à signaler sur les aspects de forme.

Maintenant, en ce qui concerne le fond, je note plusieurs choses. Tout d'abord, nous n'avons pas attendu la commission de contrôle de gestion pour nous préoccuper de la situation. Si j'ai bien compris, la CCG s'est réunie à ce propos pour la première fois le 21 juin 2021. Eh bien le département s'est saisi de la question dans les vingt-quatre heures suivant l'alerte transmise par les directeurs, qui m'avaient écrit le 17 juillet 2020. Je leur ai répondu le 18 juillet - c'était un samedi -, leur proposant de les rencontrer le 20 juillet; ils ont préféré remettre cela à la fin des vacances d'été, donc je les ai vus le 17 août, c'est-à-dire un mois après, en présence de la secrétaire générale, et le département a entamé le travail à ce moment-là. Nous nous sommes donc tout de suite saisis du dossier avec la volonté de montrer que quand il y a des problèmes de type humain, peu importe à qui en reviennent les responsabilités, il faut les traiter rapidement. Sur le fond, je partage la plupart des recommandations; à quelques petits détails près - mais je ne veux pas y revenir -, je suis d'accord avec le contenu du rapport.

Peut-être encore une remarque d'ordre plus général sur la vision quelque peu, comment dirais-je, manichéenne que vous avez parfois du fonctionnement de l'Etat. A juste titre, vous parlez souvent de surcontrôle, de rapports constants - je ne sais plus lequel d'entre vous a évoqué les rapports qu'il faut faire en permanence. Mais qui réclame ces rapports ? Qui exige de toujours tout documenter ? C'est aussi le parlement, c'est la Cour des comptes, c'est le service d'audit interne. Aujourd'hui, à tort ou à raison, nous sommes dans une culture de l'écrit extrêmement forte, il faut tout documenter, tout justifier.

J'ignore combien de questions écrites urgentes ont été déposées aujourd'hui, mais vous nous demandez souvent des chiffres, des données, des informations. Quand nous sommes saisis d'une question écrite urgente, que se passe-t-il ? Elle est envoyée dans les services. Si cela concerne le collège de Genève, puisque c'est de cela qu'il est question ici, elle ira au D11 qui va devoir informer, faire remonter les choses, etc. Nous sommes tous dans cette culture et nous n'arriverons pas à en changer si, les uns comme les autres, nous ne sommes pas prêts à lâcher prise sur certaines données et, quelque part, à laisser vivre les services, à faire confiance, ce qui implique parfois aussi le droit à l'erreur.

Je vais vous donner un exemple concret. Vous avez tous souligné ici: «Il faut octroyer plus de liberté aux directeurs de collèges quand bien même ils doivent rester loyaux au système.» Voici un exemple très concret: en avril dernier, les directeurs de collèges ont décidé de ne pas organiser d'examens le 14 juin, parce qu'ils avaient un peu peur qu'il y ait des problèmes en cas de nouvelles manifestations en lien avec la grève des femmes. Que s'est-il passé suite à cette décision, qui ne venait pas du département - elle ne venait ni de moi ni de la direction générale, mais a été prise par les directeurs et relève de leurs prérogatives ? Eh bien il y a immédiatement eu une question d'une députée PLR, qui s'offusquait d'une telle mesure. Voilà la réalité, Mesdames et Messieurs les députés.

Par conséquent, si vous souhaitez que les directeurs et directrices disposent d'une certaine autonomie, il faut également que vous leur fassiez confiance et que vous ne soyez pas en permanence en train de reprocher des décisions que les uns ou les autres ont pu prendre. Pour le reste, comme je vous l'ai indiqué, j'adhère à l'essentiel des conclusions de ce rapport. Merci beaucoup.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.

Mis aux voix, le rapport divers 1482 est approuvé et ses recommandations sont transmises au Conseil d'Etat par 74 oui contre 8 non et 1 abstention.