République et canton de Genève

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RD 1480
Rapport de la commission de contrôle de gestion sur le diagnostic et le traitement des absences à l'Etat
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 22 et 23 septembre 2022.
Rapport de Mme Patricia Bidaux (PDC)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous entamons notre séance des extraits avec le RD 1480. Le rapport est de Mme Patricia Bidaux, à qui je donne la parole.

Mme Patricia Bidaux (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, pour faire un petit historique, c'est en décembre 2020 que la commission de contrôle de gestion s'est emparée du sujet des absences en créant une sous-commission et en lui donnant le mandat d'établir les critères sur la base desquels des diagnostics sont posés, voire des audits sont menés. Il s'agissait également de comprendre comment sont réalisés ces diagnostics, leur visée et pourquoi ils ne sont pas entrepris le cas échéant.

La sous-commission, après avoir entendu le département des finances et l'OPE, s'est attelée à rencontrer l'ensemble des secrétaires généraux et des directions des ressources humaines des départements. Afin de conduire une analyse circonstanciée et d'établir des propositions aussi proches que possible du terrain, elle a par ailleurs auditionné trois entités, soit les TPG, les HUG et les SIG. Et pour aller encore un peu plus loin, elle a de surcroît reçu deux entreprises privées actives à Genève dans l'industrie. Sur la base de ces entretiens, les commissaires ont établi 29 recommandations qui ont toutes été acceptées à l'unanimité par la commission de contrôle de gestion, laquelle a fait sien le présent rapport et a tiré les conclusions suivantes.

Le soin aux présences exige un engagement du manager dit de proximité, un manager qui, trop souvent, devient un technicien de la coordination et du contrôle. Il s'agit d'outils certes nécessaires, mais qui devraient être complétés, par exemple par la valorisation et la mise en perspective des talents des membres du personnel de l'Etat. Tout semble être en place - des entretiens d'évaluation, la nouvelle stratégie «Travailler autrement»; pourtant, certains freins ne sont pas encore levés. Par exemple, la culture du pinaillage et du contrôle mentionnée par les auditionnés ne permet pas de développer un climat de travail sain, ce qui n'est pas sans conséquence sur les absences. Dans le même sens, certains objectifs vont jusqu'à se contredire, les priorités se troublent, empêchant le lâcher-prise qui permettrait de créer une dynamique proactive. Les nombreuses directives accumulées pour tenter de gérer les absences chargent davantage qu'elles n'allègent les procédures. Les managers deviennent des techniciens alors que, de par leur proximité avec le terrain, ils devraient bien davantage encourager leurs troupes.

La commission a été surprise de constater que tous les responsables RH et managers n'avaient pas forcément de formation en lien avec la gestion du personnel. Là encore, tout est en place, les formations continues sont nombreuses. En ce qui concerne l'engagement de nouveaux responsables, le choix devrait se porter sur des personnes formées.

Venons-en maintenant au calendrier politique, qui joue un rôle dans le taux d'absence. Après avoir analysé les bilans sociaux et en particulier la répartition des départements, la commission relève que les changements ne sont pas anodins pour les collaborateurs de la fonction publique. La réorganisation régulière des départements entraîne un stress, car il peut y avoir des variations managériales importantes.

Quant au fameux levier des 7%, il a été instauré en 2019 après validation par le collège des secrétaires généraux. Il consiste en une alerte: dès que le taux d'absence atteint les 7% au sein d'un département, un entretien doit être mené en présence d'un secrétaire général d'un autre département, de l'OPE, du secrétaire général et de la DRH concernés. Cependant, cette entrevue reste envisagée comme une invitation et non comme une obligation. Lors de son audition du 11 mai 2021, la conseillère d'Etat chargée du DF, Mme Fontanet, a émis le souhait que cette démarche devienne systématique. Au cours des autres auditions, on a retrouvé la notion d'invitation; les analyses menées par les secrétaires généraux n'aboutissent que très rarement à de tels entretiens, certains départements mettant en place leur propre accompagnement des offices ou des services en difficulté.

Les commissaires notent que ces différences dans la gestion de la règle des 7% génèrent une inégalité de traitement pour l'ensemble du personnel de l'Etat; ils pointent également le doigt sur les conséquences liées à l'entretien aboutissant à un audit ou à une enquête. En effet, sont impartiales seulement deux personnes sur les quatre qui mènent la discussion interdépartementale conduisant au choix des réponses à donner au taux d'absence élevé. Ainsi, la commission propose de déplacer la responsabilité du choix du type d'audit vers le collège des secrétaires généraux afin d'assurer des décisions libres de tout conflit d'intérêts.

Les entreprises privées disposent d'une certaine marge de manoeuvre dans le traitement des absences et le soin aux présences. Le partage de bonus, les horaires flexibles, l'investissement des DRH auprès des managers, les formations à la gestion des absences, le partage des valeurs de l'entreprise, les programmes de gestion du stress pour les collaborateurs ou encore la prise en charge rapide et sans concession des tensions semblent assurer un climat de travail positif si on analyse le taux d'absence - respectivement de 2,2% et de 3,95% en 2020.

En conclusion, la commission tient à remercier les personnes auditionnées. La stratégie «Travailler autrement» devrait accompagner le changement de culture souhaité. Parmi les 29 recommandations proposées, des améliorations ainsi qu'un soutien aux présences devraient permettre de lutter contre les absences de manière plus ciblée afin que ceux qui travaillent ne deviennent pas de futurs absents. Pour toutes les raisons qui précèdent, la commission de contrôle de gestion, qui a fait sien le présent rapport à l'unanimité, vous recommande de l'approuver. Je vous remercie.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche refusera de prendre acte de ce rapport pour divers motifs. Si la santé du personnel de l'Etat est éminemment importante, la question des absences l'est évidemment aussi, mais il ne s'agit pas tant de traiter les absences que de les prévenir. Le rapport en parle, bien sûr, au fil des 144 pages, mais de notre point de vue, c'est totalement insuffisant. Il n'est pas possible de détailler ici les recommandations, mais nous invitons la commission de contrôle de gestion ainsi que le Conseil d'Etat à les revoir.

Pourquoi ? Le problème, en fait - et je le dis presque sous forme de boutade -, est le suivant: j'observe depuis des lustres que plus on évoque le taux d'absence - ce n'est pas un sujet nouveau -, plus il augmente. Pour quelle raison ? Parce que les réponses sont toujours les mêmes. Pour cela, il suffit de jeter un oeil à la page 143 du rapport, soit l'annexe 10, qui dresse la liste des auditionnés que vient de mentionner la rapporteuse de majorité: n'y figurent que des directeurs des ressources humaines, des secrétaires généraux, des postes hiérarchiques - conseillers d'Etat, etc. Aucun représentant des employés, aucune voix du personnel de terrain, qui est tout de même le premier concerné par les absences. C'est emblématique ! En général, en effet, quand il y a un problème, on dit: «Ah, on va mettre plus de soutien, on va mettre plus de hiérarchie, on va mettre plus de RH.» On s'obstine alors qu'il s'agit d'une mauvaise solution.

Mesdames et Messieurs les députés, il est clair pour Ensemble à Gauche qu'il y a là un message assez hypocrite de l'employeur, le Conseil d'Etat, qui prétend lutter contre l'absentéisme alors qu'en fait, il multiplie les menaces à l'égard de ses collaborateurs, déploie de nombreuses épées de Damoclès au-dessus de leur tête. Il suffit de penser à la volonté des licenciements facilités, à la suspension de l'augmentation salariale, à la hausse de l'âge de la retraite, à la suppression du plan d'encouragement au départ anticipé, à l'indexation incomplète des salaires. Pensez-vous sérieusement que le personnel va mieux se porter avec toutes ces menaces et ces iniquités ? Non ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Mesdames et Messieurs les députés et les conseillers d'Etat, il conviendrait d'abord de diminuer le temps de travail, de baisser la charge de travail, de réduire les tâches administratives et d'apporter un vrai soutien aux travailleurs, lesquels n'ont pas besoin d'un téléphone de leur chef hiérarchique quand ils sont en épuisement professionnel; il faut plutôt prévenir ces situations, parce que l'épuisement professionnel est une problématique extrêmement importante...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Olivier Baud. ...et, pour l'instant, on ne l'appréhende pas du tout de manière correcte.

Le président. Merci...

M. Olivier Baud. Les propositions du Conseil d'Etat, voilà des... (Le micro de l'orateur est coupé.)

M. Alberto Velasco (S). D'abord, je tiens à remercier la rapporteuse et présidente de la commission, Mme Bidaux, qui a rédigé un excellent rapport. Mais je veux également rendre hommage à une personne qui, à l'époque, m'avait rendu attentif à cette problématique, à savoir ma collègue Mme Valiquer. Ensemble, nous avions en effet lancé l'idée qu'il fallait mener une enquête au sujet non pas des 7%, mais des agissements des secrétaires généraux. En ce qui nous concerne, c'est ce sujet qui nous intéressait au sein de la commission.

Vous savez très bien, Mesdames et Messieurs, qu'aucun député n'était au courant de cette règle des 7%. Pour ma part, j'avais déjà assisté à des taux d'absence de 14%, voire 18%, et tout à coup, j'apprends qu'à partir de 7%, deux secrétaires généraux, avec l'appui du collège que j'appelle des liaisons dangereuses, peuvent très bien commander un audit externe, puis, sur la base de ce document qui s'est trouvé être d'une médiocrité incroyable - ceux qui l'ont lu le savent -, s'adresser au Conseil d'Etat et dépouiller un département.

C'est sur cette injustice-là que je dois insister en tant que député, parce que je trouve qu'on ne peut pas utiliser les institutions pour faire chuter un conseiller d'Etat ou quelqu'un d'autre, quelle que soit l'opinion que nous ayons de lui. Ce qui s'est passé est grave, Mesdames et Messieurs. Le mécanisme des 7% existe partout à l'heure où je vous parle. Or certains services accusent un taux d'absence plus élevé que 7%, et on n'active pas cette mesure.

Voici la question que nous devons nous poser: comment est-il possible que les secrétaires généraux aient joué ce jeu-là ? Ça m'interroge, parce qu'on en arrive finalement à la conclusion que le pouvoir de cet Etat ne réside pas du tout entre les mains du Grand Conseil ou du Conseil d'Etat; le pouvoir de cet Etat, ce sont les secrétaires généraux qui le détiennent. Nous avons tous vu ce qui s'est passé. Il s'agissait d'un conseiller d'Etat qui n'était plus PLR; demain, cela pourrait arriver à un autre magistrat, quel que soit son groupe - le mien ou un autre.

Je m'insurge contre ce procédé, je refuse qu'on utilise un élément important de gestion... Vous savez que j'ai toujours été contre les pratiques des RH dans l'administration de ce canton. Depuis dix ans, je m'élève contre la pratique, disons, non professionnelle des RH à l'Etat. Utiliser une norme qui n'était inscrite dans aucun règlement, une norme qui constitue pourtant une référence afin de parvenir à ce qui s'est passé, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas possible. Il faut à tout prix qu'à l'avenir, cela ne se reproduise plus.

Pour conclure, notre parti adhère aux recommandations proposées dans le rapport. Comme je l'ai déjà indiqué, il me tient à coeur de remercier notre présidente qui a réalisé un excellent travail, ainsi que les membres de la commission. Merci.

Le président. Je vous remercie. Monsieur Bertrand Buchs, vous n'avez plus de temps de parole. La parole revient à M. Jean Romain.

M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président. Je dois évidemment remercier Mme Bidaux pour le travail qui a été effectué au sein de la sous-commission, parce que non seulement la commission de contrôle de gestion dans son ensemble a accepté les recommandations, mais Mme Nathalie Fontanet va également prendre le problème à bras-le-corps - elle a d'ailleurs déjà évoqué les pistes à suivre concernant les RH.

La grande distinction qui a été opérée et sur laquelle nous devons revenir, c'est la différence entre absence et absentéisme. L'absence est due à la maladie, à l'accident, tandis que l'absentéisme répond à une volonté, et il est très difficile, il faut le reconnaître, de toujours départager les deux; je peux admettre que c'est compliqué.

Dans son intervention, M. Baud mélange plusieurs choses qui n'ont rien à voir les unes avec les autres, mais - lumière ! - il souligne tout de même quelque chose d'important, c'est que les RH, et il a raison, font partie de l'écueil que nous essayons de mettre à jour et que le Conseil d'Etat devra régler. Nous avons un immense problème de RH, et c'est à ce niveau-là que devront s'effectuer les principaux changements.

Quant au taux de 7% sur lequel M. Velasco vient d'insister, celui-ci a tout à fait raison: il s'agit d'une norme variable qui permet, au gré des humeurs, de faire ceci dans tel endroit et cela dans tel autre. Soit nous avons une règle générale qui s'applique équitablement à tous, soit nous n'en avons pas, mais alors on ne peut pas prendre ce levier des 7% comme prétexte pour virer quelqu'un ou pour lui chercher des poux dans la tonsure.

Il s'agit là de quelque chose d'extrêmement important, et le Conseil d'Etat devrait empoigner ce problème assez rapidement et déterminer ce qu'il en est, cela doit entrer dans tous les règlements à tous les niveaux de notre Etat. En ce qui concerne les RH, je me permettrai d'y revenir dans le cadre du rapport suivant. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux que confirmer ce qui a été indiqué précédemment. Le MCG remercie également les membres de la sous-commission de même que la rapporteuse pour son excellent rapport, que nous soutenons sans réserve. On voit bien qu'il y a deux poids, deux mesures, et ce n'est pas normal que les choses fonctionnent ainsi. Soit il y a une règle et on l'applique, soit il n'y en a pas. Tout a été dit, je ne veux pas en rajouter, mais je pense qu'il serait bienvenu que le Conseil d'Etat se saisisse de cette problématique et réponde aux interrogations et demandes qui ont été listées fort justement dans le rapport de la sous-commission, repris bien sûr par l'entier de la commission de contrôle de gestion. Merci.

Le président. Je vous remercie. Nous procédons au vote.

Mis aux voix, le rapport divers 1480 est approuvé et ses recommandations sont transmises au Conseil d'Etat par 66 oui contre 9 non.