République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2426-C
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Olivier Baud, Claire Martenot, Christian Zaugg, Jocelyne Haller, Pierre Vanek, Jean Batou, Salika Wenger, Maria Pérez : Pour de meilleures conditions d'enseignement au cycle élémentaire, une diminution du nombre d'élèves par classe est nécessaire !

Débat

Le président. Nous traitons à présent la M 2426-C. La parole va à M. le député Olivier Baud.

M. Olivier Baud (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, accorder davantage de moyens aux premiers degrés de l'école, assurer de meilleures conditions d'accueil pour les élèves qui débutent leur scolarité, voilà une idée assez simple, sur laquelle tout le monde se rejoint. C'est ce que demande cette motion - qui date de 2017, quand même. Le département avait d'abord invoqué le manque de ressources. Il a été invité à revoir sa copie, et sa nouvelle réponse fait état d'une réflexion un peu plus approfondie, mais hélas insuffisante.

Le DIP et le SRED semblent prendre la question à l'envers - beaucoup de justifications et d'étalage de mesures mises en place. Bien accueillir les élèves de 4 et 5 ans en 1P ou 2P ne signifie pas disposer de tout un éventaire de solutions à chaque problème. Je ne fais pas dans l'angélisme, je sais pertinemment qu'il faut des réponses pour les élèves à besoins éducatifs particuliers. Ce que demande cette motion, c'est toutefois un changement radical. Partir de l'a priori que des élèves vont poser des difficultés et qu'il faut avoir sous la main une sorte de pharmacie prête à l'emploi, envoyer là un éducateur, là une ECSP, là une psychologue, là une infirmière, là un AIS, là une enseignante spécialisée, etc., c'est augmenter la dispersion des forces, entériner un saupoudrage de moyens et cautionner une forme d'étiquetage des élèves dès leur arrivée.

«Qui ne peut ne peut», diraient peut-être nos voisins vaudois. Ou qui ne veut ne veut ? Ou qui ne peut ne veut, ou qui ne veut ne peut ? Bref !

Une voix. On comprend rien ! (Remarque.)

M. Olivier Baud. Je vous traduirai, Monsieur Romain ! Opposer le nombre d'élèves par classe et le taux d'encadrement ne sert à rien si ce n'est à faire diversion. Les deux ont leur importance. Le département pourrait montrer sa volonté de changement en visant par exemple un maximum de 18 élèves par classe en 1P à la rentrée 2023. Mais il faudrait en parallèle améliorer l'encadrement, c'est-à-dire engager des enseignantes et enseignants. Imaginez 2 classes de 1P à 18 élèves, soit un total de 36 élèves, mais avec 3 enseignantes ou enseignants pour enseigner à ce groupe. Cela laisse beaucoup de possibilités, de souplesse pour organiser l'enseignement ou le co-enseignement - mot absent de la réponse, par ailleurs: 3 groupes de 12 élèves, un groupe de 24, un autre de 12, etc. Le pari, c'est justement qu'avec un 150% de postes d'enseignement pour une classe - ou 3 titulaires pour 2 classes -, la prise en charge du groupe d'élèves soit bien meilleure qu'avec une multitude d'intervenants sporadiques pour du soutien, du conseil, etc. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Entendons-nous bien: tous ces intervenants ont leur utilité et il ne s'agit pas de s'en séparer. Mais améliorer le taux d'encadrement appelle une autre réponse. Toutes les aides ne pallient pas la carence de l'encadrement, car elles sont d'une autre nature. Les deux premiers degrés de l'école méritent de meilleures conditions.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Olivier Baud. Espérons qu'à l'avenir, ce message sera entendu et que les postes - parce qu'il s'agit bien de postes qu'il faudra voter, des postes d'enseignants, qui doivent être...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Olivier Baud. ...attribués au front des classes - soient votés. Merci.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Je ne suis pas sûre que nous soyons si éloignés l'un de l'autre, Monsieur Baud, sur ce sujet... (Remarque.) ...mais j'aimerais rappeler que nous sommes exactement en train de traiter ces questions maintenant à la commission de l'enseignement à partir d'un projet de loi. Nous aurons peut-être l'occasion, je l'espère, d'être aussi consensuels que pour le projet de loi précédent concernant le service de santé de l'enfance et de la jeunesse, que vous avez voté.

C'est un sujet extrêmement important. Vous avez raison, Monsieur Baud: il n'y a pas qu'une seule solution. Mais je suis toujours très circonspecte quand on parle du nombre d'élèves par classe. Bien sûr, ce n'est pas la même chose si on parle de 10 élèves ou de 30 - là, on est d'accord, la différence est énorme. Mais quand il s'agit de classes de 18, 20, voire 22, même 24 élèves, ce qui fait la différence, c'est l'homogénéité ou l'hétérogénéité des classes. Vous pouvez avoir une classe de 18 élèves, mais si vous avez un élève extrêmement complexe à gérer et que vous êtes seul devant la classe avec les enfants, ça n'ira pas, forcément. A l'inverse, vous pouvez avoir une classe de 24 élèves, et s'il n'y a pas de souci, cela se passera très bien.

Ce n'est donc pas sur le nombre d'élèves par classe qu'il faut absolument agir, c'est sur le taux d'encadrement. Et là, je vous rejoins: dans les petits degrés, on devrait se diriger de plus en plus vers des solutions de co-enseignement, mais peut-être pas à 100% - il ne s'agit pas d'attribuer deux adultes à une classe en permanence, mais il faut effectivement renforcer l'encadrement chez les tout petits. Parce que ce qu'on observe aujourd'hui, c'est qu'il s'agit de classes extrêmement hétérogènes, avec des petits de 4 ans qui peuvent être parfois particulièrement complexes, dont on ne connaît pas toujours la situation, dont les parents n'ont pas toujours su ou pu expliquer ce qui allait se passer. On voit des enseignants et des enseignantes qui se retrouvent très démunis lorsqu'ils doivent répondre aux difficultés.

J'invite donc la commission de l'enseignement à se pencher attentivement sur cette question et je vous invite aussi toutes et tous à lire le rapport du SRED mentionné dans la réponse à cette motion, portant sur les problématiques liées à l'entrée en scolarité en 1P. J'invite la commission - si elle le souhaite - à entendre le SRED à ce propos, parce que c'est extrêmement intéressant.

Enfin, peut-être une dernière chose: ce n'est pas le DIP qui ne veut pas donner de moyens pour l'encadrement. Je rappelle que les budgets sont votés par votre parlement et qu'il ne tient qu'à la majorité d'allouer les moyens nécessaires. (Remarque.) Je rappelle aussi qu'en 2020, très malheureusement, nous avons eu une rentrée scolaire avec beaucoup d'élèves en plus à l'école primaire et dans l'enseignement spécialisé, sans aucun poste supplémentaire, parce que votre Grand Conseil en avait décidé ainsi, et non pas le Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2426.