République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 998
Proposition de résolution de Mmes et MM. Badia Luthi, Sylvain Thévoz, Diego Esteban, Grégoire Carasso, Nicole Valiquer Grecuccio, Jocelyne Haller, Jean-Charles Rielle, Amanda Gavilanes, Emmanuel Deonna, Aude Martenot, Didier Bonny, Yves de Matteis, Marta Julia Macchiavelli, Anne Bonvin Bonfanti, Pierre Eckert, Philippe de Rougemont, Marjorie de Chastonay, Jean Batou, David Martin : Pourquoi une intégration modèle devrait-elle se terminer en vol spécial ?
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 23 et 24 juin 2022.

Débat

Le président. Nous enchaînons avec l'urgence suivante, la R 998, dont nous débattons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à son auteure, Mme Badia Luthi.

Mme Badia Luthi (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour présenter la situation de M. C., je commencerai par relater très brièvement le contexte qui l'a poussé à quitter son pays, puis j'évoquerai la manière dont ce monsieur a réussi son intégration et la raison pour laquelle son dossier mérite un traitement favorable.

M. C. est bangladais et appartient à la minorité religieuse hindoue. Il est journaliste investigateur de métier. Le Bangladesh a connu un retournement de situation depuis l'arrivée des islamistes radicaux au pouvoir. Ces derniers s'appuient sur la charia, la loi islamique, pour se permettre de persécuter les communautés religieuses minoritaires. Dans le contexte de cette guerre religieuse, M. C. a été kidnappé parce qu'il a osé dénoncer les activités d'un groupe islamiste terroriste préparant des bombes pour faire régner la terreur dans le pays à l'encontre des personnes d'une confession autre que l'islam. M. C. a été enlevé en 2011 par des individus de ce groupe et a subi des actes de torture dont les traces indélébiles marqueront son corps à jamais. Il a été libéré grâce au paiement d'une rançon. Harcelé et menacé de mort, il a réussi à quitter son pays et à venir demander l'asile en Suisse. A son arrivée en 2012, il a été pris en charge par les HUG et suivi au sein de la Consultation pour victimes de la torture et de la guerre. Des constats clairs de tortures ont été établis par des spécialistes professionnels du domaine médical et rapportés dans son dossier. Il souffre à ce jour des séquelles de la torture physique et psychique qu'il a subie, plus particulièrement de stress post-traumatique.

En 2015, le Tribunal administratif a basé son refus d'octroyer l'asile à M. C. sur le prétexte principal que le Bangladesh protège suffisamment ses citoyens. Or si on se réfère aux reportages d'Amnesty International, Human Rights Watch et Reporters sans frontières, on se rend aisément compte de la passivité de l'Etat face aux auteurs de ces violences, d'autant plus que la majorité du gouvernement est formée par des islamistes.

Il est très important de savoir que M. C. a commencé à travailler en 2013, juste une année après son arrivée en Suisse, qu'il a réussi en 2014 à rembourser tout son dû à l'aide sociale, soit une somme de 15 000 francs, et qu'il est toujours indépendant financièrement. Ce monsieur a un comportement exemplaire: son casier judiciaire est vierge et il n'a jamais eu de poursuites. Il subvient à ses propres besoins, aux besoins de sa propre famille et à ceux de la famille de son frère décédé qui est restée sans ressources. Son comportement exemplaire est aussi prouvé par les autorités: depuis environ six ans, il s'est présenté chaque semaine à l'OCPM pour pointer et n'a commis aucun manquement.

Il a toujours été clair dans sa position quant à son refus de rentrer au Bangladesh par peur de se faire tuer - je rappelle que ces islamistes cherchent à exécuter M. C. depuis 2011.

Mesdames et Messieurs les députés, ce monsieur représente un modèle d'intégration. Pourquoi le renvoyer par un vol spécial ? Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir cette résolution. Merci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. André Pfeffer (UDC). Les initiants de cette résolution négligent deux aspects. Premièrement, cette problématique relève de la compétence du droit fédéral et il existe de nombreuses voies de recours pour les requérants déboutés. Deuxièmement, cette résolution concerne un cas individuel et les initiants devraient au moins communiquer les raisons pour lesquelles M. C. a été débouté à plusieurs reprises et ne peut pas bénéficier d'un permis humanitaire.

Il est légitime de se demander si les initiants d'un tel texte remettent en cause, ou même combattent, le droit d'asile. Pour rappel, le droit d'asile protège toute personne persécutée pour des raisons d'opinion, de race, de confession et autres. La Suisse respecte ce droit international et donne à tous les requérants déboutés la possibilité de recourir.

Cette résolution est incomplète, ne comporte pas d'analyse objective et ne peut pas remplacer une voie de recours. Pour ces raisons, le groupe UDC refusera ce texte. Merci de votre attention.

Mme Joëlle Fiss (PLR). Monsieur le président, vous transmettrez à Mme Luthi qu'elle souligne dans sa résolution un sujet brûlant et d'une extrême importance.

Avant de parler de ce texte, je souhaite dire quelques mots sur le Bangladesh. Ce pays est déchiré entre un gouvernement qui se veut laïque et des groupes de militants djihadistes très violents qui jettent le pays dans un chaos total depuis des années. L'Etat est incapable de contrôler ces groupes qui visent à déstabiliser le pays et à prendre le pouvoir. Il n'y a aucun doute sur le fait que les premières victimes de cette lutte sont souvent des minorités opposées à la vision des ultraconservateurs: hindous, chrétiens, athées, intellectuels, dissidents politiques et libres penseurs sont, franchement, tués farouchement. Par ailleurs, on n'oublie pas du tout les événements de 2015 qui ont plongé le Bangladesh dans un chaos et lors desquels une série de blogueurs laïques ont été traqués et assassinés par un groupe formellement associé à Al-Qaïda, mais qui se revendiquait proche de l'Etat islamique. Une liste de 84 Bangladais à abattre avait en effet été publiée, dont ceux-là mêmes qui ont été tués. Et rien ne changera tant que les autorités du Bangladesh resteront impuissantes face à cette violence chronique.

La persécution de M. C., exposée dans cette résolution, rentre certainement dans ce contexte. Vous transmettrez à Mme Luthi, Monsieur le président, qu'elle a raison de souligner que les ONG surveillent de près cette situation. C'est pour cela que je m'étonne que ce texte ne fournisse pas davantage de détails; il nous manque malheureusement des informations concrètes sur la situation de M. C. Tout ce que Mme Luthi vient de dire sur le sort de M. C., que ce soit son kidnapping, la demande de rançon, tous ces détails sont très importants. Mais pourquoi n'a-t-il pas bénéficié d'un avocat pour faire recours ? Pourquoi les ONG que vous mentionnez n'ont-elles pas pris en charge ce cas ? Il s'avère par le hasard des choses que je travaille de près sur ces questions, or voilà l'information typique qu'il faut obtenir pour constituer un dossier et faire campagne. Souvent, si elles sont loin de leur pays d'origine et de persécution, les victimes veulent sensibiliser les gouvernements et donner leur nom complet ainsi qu'un maximum de détails. Il s'avère également par le hasard des choses que mon employeur actuel, le rapporteur spécial de l'ONU qui s'occupe de ces dossiers, sera à Genève la semaine prochaine. Je propose donc qu'on lui transmette ce cas avec tous les détails possibles, si des renseignements peuvent être recueillis. En effet, sans plus d'informations, il me semble très difficile d'agir. C'est pour cette raison que le PLR ne peut pas adopter ce texte, mais il reste à votre disposition pour transmettre l'information au rapporteur spécial. Merci. (Applaudissements.)

Mme Aude Martenot (EAG), députée suppléante. Cette résolution permet de mettre en lumière une situation absurde - une de plus - en ce qui concerne le traitement des personnes requérantes d'asile en Suisse et à Genève.

Sunil C. vit à Genève depuis dix ans, travaille, parle parfaitement français et s'est plié à toutes les exigences administratives imposées aux personnes demandant l'asile. Depuis huit ans, il travaille dans le domaine de la restauration, un secteur qui manque de main-d'oeuvre, en particulier à l'heure actuelle, depuis la pandémie. Pourtant, alors que tout indique que la présence de Sunil à Genève est parfaitement adéquate, notre canton a décidé de procéder à son renvoi vers le Bangladesh où il risque sa vie.

Certes, l'octroi de l'asile est du ressort des autorités fédérales, mais le canton détient une marge de manoeuvre pour refuser un renvoi absurde et accorder un permis de séjour. Il est en effet prévu dans la loi sur l'asile que pour des situations évaluées au cas par cas, des cas de rigueur répondant à des critères très précis, il est possible de recevoir un soutien de la part des autorités cantonales afin d'obtenir un permis B humanitaire.

Sunil remplit chacun des critères exigés par la loi. Sachant qu'il séjourne à Genève depuis dix ans, qu'il paie ses impôts, que son patron est convaincu par la qualité de son travail et que sa vie est réellement menacée en cas de renvoi, comment est-il possible que le canton n'active pas cette clause de rigueur afin de solliciter un permis B humanitaire pour Sunil ? J'ai entendu plusieurs députés se demander pourquoi ils n'avaient pas plus d'informations. Il suffit que le canton fasse l'effort d'envoyer la requête à Berne pour obtenir ces réponses. Or ces derniers temps, nous avons trop souvent constaté le manque de volonté politique pour exploiter cette clause de rigueur, y compris en faveur de personnes qui remplissent à la lettre toutes les exigences légales, même lorsqu'il s'agit de très jeunes gens qui se voient interdire de poursuivre leur formation et obligés de végéter dans le canton, à en perdre leur santé mentale. On peut se demander pourquoi, dans pareil contexte, M. Poggia s'obstine à un tel blocage, alors que la loi elle-même prévoit des cautèles très précises sur lesquelles s'appuyer pour décider de situations de rigueur.

Nous encourageons les députés à voter aujourd'hui cette résolution pour rappeler qu'une loi existe et qu'il est grand temps de l'appliquer lorsque c'est possible, comme c'est le cas avec Sunil. Nous exigeons du canton qu'il s'ouvre à un accueil digne pour toutes les personnes qui verraient leur vie mise en danger si un renvoi devait avoir lieu. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous parlons d'un homme travailleur, intégré depuis des années et ayant vécu dix ans à Genève, qui se retrouve soudainement, comme un délinquant, prisonnier, enfermé au centre de détention de Frambois situé à la route de Satigny. Il est détenu là-bas en vue d'un renvoi forcé par vol spécial. Cet homme s'appelle M. C., il est journaliste et vient du Bangladesh. Je répète tous ces éléments parce qu'ils sont importants, je pense, pour la bonne compréhension de cette résolution. M. C. est issu de la minorité hindoue. Or, depuis le début de cette année, la vulnérabilité des minorités hindoues s'est aggravée au Bangladesh, et les personnalités qui défendent cette minorité dans ce pays sont victimes de vagues de kidnapping, de torture, et parfois même sont assassinées.

M. C. a, quant à lui, déjà vécu le kidnapping et la torture. La prochaine étape qui l'attend, c'est la mort, puisqu'il est bel et bien menacé de mort ! M. C. craint de se faire arrêter dès son arrivée, s'il doit être renvoyé au Bangladesh, car il risque là-bas des conditions de détention contraires aux principes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Suite à un rapport récent du Comité contre la torture, l'ONU a effectivement fait état d'arrestations illégales et de répression contre des personnes, notamment des journalistes ainsi que des défenseurs et défenseuses des droits humains qui osent s'exprimer contre le gouvernement actuel. Et l'impunité des tortionnaires est également connue.

Cette résolution demande donc au Conseil d'Etat d'agir au nom des droits humains, parce que le seul crime de M. C. est d'avoir défendu la liberté d'expression, la liberté de culte, la liberté d'exister. Aujourd'hui je pose la question: est-ce que Genève va vraiment renvoyer une personne intégrée depuis dix ans, n'ayant commis aucun crime, ayant remboursé sa dette auprès de l'Hospice général qui l'a aidée un temps, comme on l'a dit, et ayant trouvé un travail ? Est-ce que Genève va vraiment renvoyer en connaissance de cause un homme menacé de mort ? Au-delà du cadre légal, y a-t-il une once de raison, de cohérence ou d'humanité dans nos décisions ? Je le répète, il est menacé de mort ! Si rien n'est fait, si le Conseil d'Etat ne devait pas bouger dans ce cas de figure, alors ce serait réellement une honte pour Genève.

Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts demandent au Conseil d'Etat de libérer M. C. immédiatement, de renoncer à son renvoi et de lui octroyer une autorisation de séjour dans le respect de l'article 14, alinéa 2, de la loi fédérale sur l'asile. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe maintenant la parole à M. Thomas Bläsi pour une minute vingt-cinq.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Je parle en remplacement de mon collègue Marc Falquet, président de la commission, qui tenait à s'exprimer mais qui a dû se retirer pour des raisons familiales. Je vous résume donc ce qu'il m'a transmis.

M. Marc Falquet a été sensible au dossier présenté et à ses caractéristiques. Il a également estimé que cette personne avait un profil relativement idéal et qu'il était difficile d'imaginer la renvoyer dans un pays où, selon M. Falquet, il y avait vraiment un risque pour sa santé.

Cet homme, par ses écrits, par ses propos ou autres, a suscité une réaction contre lui. Je n'ai pas de commentaires à faire sur l'origine du problème. En revanche, si l'on a effectivement une certitude qu'il existe un risque pour sa vie, il m'est difficile de ne pas adhérer à ce que m'a transmis mon collègue.

Je souhaiterais donc légèrement modérer la déclaration de mon chef de groupe qui, par ailleurs, était juste. Le groupe était un peu partagé à ce sujet, et une partie aimerait que ce dossier soit renvoyé au conseiller d'Etat, en lequel nous avons toute confiance, afin qu'il prenne en compte le pour et le contre dans cette affaire et qu'il examine ce qui doit être fait.

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député.

M. Thomas Bläsi. Je ne m'estime pas forcément compétent, mais je n'aimerais pas que ce dossier soit refusé aussi rapidement, alors que visiblement...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Thomas Bläsi. ...le profil de cette personne semble être favorable à Genève. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Mon groupe laissera la liberté de vote sur ce sujet, mais pour ma part je voterai en faveur de la résolution qui a été déposée. Moi je m'étonne de cette situation. C'est tout simplement du pragmatisme ! Cet homme vit ici depuis dix ans, il paie ses impôts et ses charges sociales, il a un emploi et ne fait de mal à personne. Après dix ans, on va lui dire: «Puisque vous ne remplissez pas certains critères fédéraux, vous devez rentrer chez vous» ?!

La situation géopolitique a été extrêmement bien expliquée. Chaque semaine, on peut lire que dans ces pays - Bangladesh, Inde et autres - des églises brûlent et des minorités religieuses sont persécutées. Si cette personne dit avoir été persécutée, il faut la croire ! Pourquoi ne pas la croire ? En quoi ça vous gêne que ce monsieur puisse rester à Genève ? On manque de plongeurs et des restaurants ferment car ils n'ont plus de personnel. Là, on a quelqu'un qui bosse, et vous allez lui dire: «Non, parce que ce n'est pas sûr, peut-être que vous n'avez pas été torturé, peut-être que vous nous mentez, alors rentrez chez vous» ?! Mais c'est n'importe quoi ! C'est franchement n'importe quoi ! (Applaudissements.) Ce monsieur est là, il paie des impôts, il a appris la langue et il s'est intégré. Donc il reste, point ! Merci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Sylvain Thévoz pour deux minutes dix-sept.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous rassurer. Nous sommes dans notre rôle, nous ne sommes pas en train de rendre la justice. Nous soutenons une proposition politique à partir d'éléments nombreux - on ne va pas en redonner, même si on pourrait en fournir d'autres. On a du reste été en contact notamment avec l'avocat de M. Sunil C.

Il y a une liste d'éléments très forts. En effet, il risque sa vie aujourd'hui au Bangladesh, en raison de la prise de pouvoir par une des milices islamistes qui l'avait menacé lors de sa fuite en 2011, et il jouit d'une intégration modèle, si bien qu'il peut faire valoir l'article 14, alinéa 2, de la LAsi. Il a donc demandé le réexamen de la décision de l'OCPM.

Nous avons une position politique à prendre - M. Buchs, parmi d'autres, l'a rappelé - au sujet d'un homme dont la vie est en danger et que le renvoi expose à une mort ou à des préjudices sévères. De plus, cette personne jouit d'une intégration modèle, elle a un emploi, elle a remboursé les 15 000 francs reçus après son arrivée ici et elle remplit une série de conditions figurant à l'article 14, alinéa 2.

Voici donc notre rôle: il consiste à renvoyer ce texte au Conseil d'Etat, à attirer son attention sur cette situation et à l'inviter - M. Poggia et les autres membres du Conseil d'Etat le feront très certainement, avec tous les éléments complémentaires dont ils disposent - à juger et à appuyer ou non cette demande de recours pendante devant l'OCPM.

J'imagine néanmoins qu'une question se pose pour la défense de M. Sunil C.: doivent-ils faire recours auprès du Secrétariat d'Etat aux migrations - SEM - ou attendre la décision du Conseil d'Etat et de l'OCPM avant de transmettre cette demande de reconsidération au SEM ? Je vous remercie, Monsieur Poggia, de votre retour. Il ne s'agit pas pour vous, comme j'ai pu le lire, de prendre une décision sous la pression politique. En effet, à mon sens il n'est pas question ici de pression politique, mais d'une part de la volonté d'éviter que des gens correspondant aux critères établis par notre Etat de droit soient expulsés, et d'autre part du souci sincère, humanitaire, de ne pas renvoyer des personnes via des vols spéciaux vers une destinée qui pourrait leur être fatale. Merci beaucoup pour votre écoute. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Murat-Julian Alder pour dix-huit secondes.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Merci, Monsieur le président. Ça sera amplement suffisant pour rappeler à ce parlement que nous sommes là pour adopter des actes généraux et abstraits et non pas pour nous déterminer sur des cas individuels et concrets. Nous sommes clairement en train de violer le principe de la séparation des pouvoirs et l'autonomie de l'administration cantonale, raison pour laquelle je vous invite à refuser cette résolution qui est contraire au principe de la séparation des pouvoirs. Merci de votre attention.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). J'ai entendu beaucoup de choses de ce côté-là de l'hémicycle ! (L'orateur désigne les bancs de gauche.) Je suis tout de même étonné d'entendre qu'il y a des éléments très forts: une intégration modèle, le paiement des impôts. C'est très bien ! Si c'est le cas, j'en suis ravi ! Mais ce n'est pas le seul cas; des cas particuliers, il en existe beaucoup. Si l'on accepte cette résolution - je vous signale du reste que notre groupe aura la liberté de vote -, je me demande - et j'en ai peur - si la gauche ne va pas revenir tous les mois avec de telles résolutions, sans documents, sans rien du tout, avec seulement des écrits. On ne connaît pas la vérité; on ne sait pas ce que vous avez dit ! Il y a un écrit noir sur blanc, mais on n'a aucune preuve. Pour ces raisons, je voterai non à ce texte. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nul doute que beaucoup d'entre vous se coucheront ce soir la conscience tranquille grâce à la démarche qui a été entreprise. Il se trouve néanmoins que plusieurs éléments qui ont été indiqués sont inexacts, mais je suis tenu par le secret de fonction et ne peux pas entrer dans le détail de ce cas particulier. On nous dit que la vie de cette personne est en danger, mais cet élément doit être démontré devant les tribunaux. Or plusieurs procédures ont été engagées et mettent fermement en doute cette version des faits. Cet homme a une épouse et des enfants au Bangladesh qui ne font l'objet d'aucune mesure de quiconque. Les tribunaux ont par conséquent pris des décisions.

Il est vrai que l'on peut se poser la question: une personne qui travaille et qui respecte nos lois n'a-t-elle pas droit à régulariser sa situation ? C'est une question politique, Mesdames et Messieurs. Nous sommes dans un Etat de droit qui a établi une loi sur l'asile et qui a fixé les conditions dans lesquelles une personne demandant l'asile peut l'obtenir et les conditions dans lesquelles cette personne doit quitter notre pays si l'asile ne lui est pas reconnu. Qu'elle se comporte bien n'est pas un plus ! C'est le minimum ! On attend des personnes qui sont chez nous qu'elles respectent nos lois. Si maintenant le fait de respecter nos lois est un élément favorable, une circonstance spéciale qui doit permettre que l'on tienne compte de la situation, je pense qu'on est en train d'inverser les valeurs.

Moi je suis toujours prêt, avec mes services - d'ailleurs une délégation du Conseil d'Etat à la migration a été constituée pour cela -, à examiner les cas particuliers, parce que nous voulons en tenir compte, dans la mesure où Genève n'est sans doute pas un canton comme les autres. Mais il n'y a pas à exercer des pressions politiques - car, j'insiste, il y a vraiment des pressions politiques: cette personne s'est inscrite dans un parti politique en Ville de Genève, et c'est la raison pour laquelle sa cause est ainsi portée. (Exclamations.)

Se pose alors la question, Mesdames et Messieurs: le pauvre quidam qui est ici peut-il obtenir les mêmes droits que quelqu'un soutenu politiquement ? Pour ma part je réponds que oui, car j'étudie tous les dossiers ! Encore récemment j'ai examiné la situation d'une personne qui doit quitter notre pays prochainement et a demandé à me voir. Avec mes services, nous sommes arrivés à la conclusion que cette personne était victime de la machine étatique et qu'elle était véritablement malade. Nous avons également conclu qu'il n'y avait pas de raison, parce qu'elle n'était pas correctement défendue, que l'assurance-invalidité lui refuse des droits et qu'on lui reproche ensuite d'avoir sollicité l'aide sociale pour exiger d'elle qu'elle quitte notre pays. Toutes les situations doivent être étudiées, et j'ai bien compris qu'une majorité de ce parlement va nous demander de réexaminer ce dossier.

Mais rappelons la situation ! J'ai entendu dans cet hémicycle des propos quand même assez incroyables: «Il faut donner à M. C. un permis. Nous demandons au canton de lui octroyer un permis.» Vous devez pourtant savoir que ce n'est pas de la compétence cantonale; ce n'est pas nous qui demandons son renvoi, c'est la Confédération qui l'a exigé ! Si nous lui demandons un permis, nous sollicitons du SEM la délivrance d'un permis pour cas de rigueur. Si nous considérons que cette personne doit pouvoir rester chez nous, nous devons donner un préavis favorable, c'est la démarche cantonale. Cela étant, un préavis favorable n'est pas donné parce que cette personne est gentille et s'est bien comportée, mais parce qu'il y a des éléments concrets.

Je l'ai dit au nom du Conseil d'Etat et je le répète: si des éléments nouveaux - et je crois savoir qu'on nous a transmis aujourd'hui des éléments que nous allons regarder - doivent être pris en considération pour pouvoir soumettre un préavis favorable au SEM, nous le ferons. Mais il s'agit aussi de garder une crédibilité, ne serait-ce que dans l'intérêt d'autres personnes pour lesquelles nous allons intervenir. Si le SEM considère que de toute façon tout ce qui provient de Genève ne mérite pas d'être examiné, comme les résolutions que l'on envoie à tour de bras au Parlement fédéral, alors nous ne serons même plus crédibles lorsque nous devrons l'être. C'est la raison pour laquelle nous devons ici aussi accorder à ce dossier un traitement non pas qui vous fasse plaisir, Mesdames et Messieurs, mais qui puisse garantir des chances de succès suffisantes à la démarche que nous entreprenons auprès de Berne. Nous ferons donc notre travail dans ce dossier avec ou sans le soutien politique de ce parlement, et je ne dis pas cela par défiance pour votre démarche, mais pour garantir une égalité de traitement pour toutes les personnes qui passent par la machine administrative genevoise. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais vous faire voter, Mesdames et Messieurs, sur cette résolution 998.

Mise aux voix, la résolution 998 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 43 oui contre 41 non et 4 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 998 Vote nominal