République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2131-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Risque climatique : impliquer la BNS dans la lutte, Mme Fontanet, DAF de Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 19, 20 mai, 2 et 3 juin 2022.
Rapport de majorité de Mme Christina Meissner (PDC)
Rapport de première minorité de Mme Katia Leonelli (Ve)
Rapport de deuxième minorité de M. Sylvain Thévoz (S)

Débat

Le président. Nous passons au traitement des pétitions en commençant par la P 2131-A, classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport de première minorité est de Mme Katia Leonelli, remplacée par M. de Rougemont. En premier lieu, je donne la parole à la rapporteure de majorité, Mme Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le collectif BreakFree, auteur de la pétition, veut que la Banque nationale suisse se sépare immédiatement de toutes les actions des entreprises impliquées dans la production, le commerce et la transformation des énergies fossiles. Il souhaite également que la BNS remplisse son rôle de régulateur pour que les flux financiers qu'elle contrôle et l'ensemble de la place financière suisse soient compatibles avec l'objectif de l'accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5 degré. Afin de satisfaire à ces exigences, le collectif a déposé la présente pétition pour que notre parlement engage notre Conseil d'Etat - plus précisément notre grande argentière, Mme Nathalie Fontanet - à déclarer publiquement son soutien à l'alignement de la Banque nationale sur l'accord de Paris sur le climat, à soumettre les bonnes questions lors de la prochaine assemblée générale, à déposer une motion correspondante avec 19 autres actionnaires et/ou à demander la tenue d'une assemblée générale extraordinaire avec d'autres actionnaires détenant au moins 10% du capital-actions.

Mesdames et Messieurs les députés, soyons clairs: la majorité de la commission est sensible aux problèmes de changements climatiques et parfaitement consciente de l'influence prépondérante du monde de la finance sur l'orientation des investissements et activités des entreprises. Mais elle est tout aussi respectueuse et attachée à l'indépendance de la Banque nationale. A titre personnel, j'ajouterai que les actions changent trop souvent de mains pour qu'il soit sûr que ces dernières sont innocentes et que c'est plutôt au niveau des prêts qu'une banque pourra réellement exercer son influence sur ce type d'investissements ou de projets de construction à soutenir. Mais cela, bien sûr, ne concerne pas la Banque nationale, dont ce n'est pas le rôle.

Cela ne signifie pas qu'il ne faut rien dire. On peut et on doit s'exprimer, mais pas par les moyens que propose la pétition - à savoir l'interpellation de l'assemblée générale. Le Conseil d'Etat l'a bien compris et n'a pas attendu le traitement de cette pétition par notre parlement. Le 27 avril 2022, il a directement interpellé par courrier la Banque nationale à propos de sa gestion des risques climatiques et environnementaux. Il a rappelé l'engagement de la Suisse dans le cadre de l'accord de Paris, la responsabilité des acteurs financiers et l'importance d'informer sur l'orientation prise en matière d'investissements climatiquement neutres.

Si les demandes des pétitionnaires vont à l'évidence au-delà de ce que peut faire le gouvernement genevois, ce dernier a d'ores et déjà montré qu'il partageait la préoccupation des pétitionnaires, que les changements climatiques lui tenaient à coeur et qu'il appartenait à toutes les entreprises, y compris la Banque nationale, de respecter les engagements pris par la Suisse. Ainsi, ce qui pouvait être fait par chacun en fonction de ses compétences l'a été, raison pour laquelle la majorité vous propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Aude Martenot (EAG), députée suppléante. «Nous n'avons plus de temps pour les promesses creuses. J'appelle tous les investisseurs à aligner l'ensemble de leurs portefeuilles de prêts sur l'accord de Paris, au plus tard en 2024, mettant ainsi fin à toute finance à fortes émissions. Chaque pays, ville, citoyen, institution financière et entreprise a un rôle à jouer.» Ces mots sont ceux du secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, le 4 juin dernier.

Le changement climatique est le plus grand défi que doit affronter l'humanité. Diviser par deux nos émissions au plus vite et les réduire à zéro est un immense enjeu, probablement la transformation la plus profonde et la plus rapide que nous ayons jamais eu à faire dans l'histoire humaine. Chaque action collective compte. Or, nous le savons, les investissements de la place financière suisse multiplient par vingt les émissions de tout le pays. La Banque nationale suisse joue un rôle particulièrement prépondérant dans ce domaine, car les montants qu'elle engage sont très importants et ont une valeur systémique dans le système financier mondial. Des rapports nous le disent, les investissements de la BNS nous mènent sur une trajectoire cataclysmique, avec un réchauffement global de plus quatre degrés.

Je parle d'une planète où, d'ici quelques années, des milliards de personnes seront mises sur les routes de l'exil car leur région sera devenue inhabitable, d'un monde où les événements extrêmes se multiplient et deviennent toujours plus graves, d'un monde que les assureurs eux-mêmes qualifient d'inassurable, d'une remise en cause de l'existence même de notre civilisation telle que nous la connaissons.

Les opposants à cette pétition nous répondent avec un dogme, celui de l'indépendance de la BNS. Cet argument est intenable: l'indépendance ne peut être un prétexte pour se montrer indifférent à l'urgence climatique et écologique. Elle ne peut pas non plus être un prétexte pour se placer au-dessus des lois ou des engagements internationaux de la Suisse, tels que l'accord de Paris sur le climat. La BNS elle-même a décidé d'exclure certains investissements dans des entreprises dont l'activité d'exploitation des mines de charbon est importante, ou qui produisent des mines antipersonnel. C'est donc possible. Nous devons prendre nos responsabilités. Genève est actionnaire de la BNS et doit jouer son rôle pour lui demander de désinvestir, dès maintenant, de toute entreprise d'énergie fossile. Cette pétition amène simplement le canton, en tant qu'actionnaire de la BNS, à se mettre en conformité avec son plan climat et sa constitution. Cela se fera même sans aucun risque, car nous parlons d'agir sur 5% de ces investissements uniquement. Ce seul 5% entraîne en effet 59% de ces émissions. Pour toutes ces raisons, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir voter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Philippe de Rougemont (Ve), rapporteur de première minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, la pétition 2131, présentée par l'association Campax et le collectif BreakFree, demande au Grand Conseil et, par extension, au Conseil d'Etat de respecter les principes de l'accord de Paris sur le climat en alignant sur celui-ci sa politique d'investissement et de stabilité du système financier. Plus concrètement, la pétition demande que la BNS se sépare des actions d'entreprises impliquées dans la production, le commerce et la transformation d'énergies fossiles. Elle demande par ailleurs que la BNS remplisse pleinement son rôle de régulateur afin que la place financière suisse soit compatible avec l'objectif de l'accord de Paris consistant à limiter le réchauffement à 1,5 degré. La minorité de la commission appuie ces mesures et invite le Conseil d'Etat à déclarer publiquement son soutien à l'alignement de la BNS sur l'accord de Paris ainsi qu'à déposer une motion en ce sens lors de la prochaine assemblée générale de la BNS.

Le dernier rapport du GIEC, datant du 4 avril 2022, était consacré aux solutions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre afin d'atteindre les objectifs de limitation du réchauffement climatique à 1,5 degré, comme prévu par l'accord de Paris. Ce dernier rapport précise que, si nous voulons nous aligner sur ces objectifs en inversant la courbe des émissions de gaz à effet de serre, cela doit se faire entre aujourd'hui et 2025: trois ans pour maintenir un monde viable tel que nous le connaissons, trois ans pour sauver nos sociétés et nos institutions. Une des solutions proposées par le rapport, sans surprise aucune, est d'abandonner rapidement les sources d'énergie fossile.

Actuellement, comme le rappelle la pétition, la BNS possède neuf milliards de francs investis dans les énergies fossiles, notamment chez ExxonMobil et dans pas moins de 148 sociétés pétrolières, un montant représentant 43 millions de tonnes de CO2, soit le double des émissions de la Suisse. Une modification de 5% seulement de ses investissements permettrait à la BNS de réduire de moitié sa production de CO2. Alors, pourquoi ne pas agir ? La BNS a déjà sauté le pas du soutien aux droits humains et environnementaux en excluant le marché des armes et celui du charbon. Elle sait se donner des limites. M. Jean-Marc Falter, membre de la direction de la BNS, nous a indiqué lors de son audition le 21 février 2022 que si la BNS refusait d'investir dans les entreprises qui ne respectent pas les droits humains fondamentaux, c'est parce qu'il existe un consensus à cet égard en Suisse, ce qui n'est, selon lui, pas le cas pour les énergies fossiles. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit là d'un argument à la limite du climatoscepticisme. M. Falter a mentionné à plusieurs reprises que des contraintes quelconques dans les investissements de la BNS pourraient représenter un risque pour son objectif premier, soit garantir la stabilité des prix.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Philippe de Rougemont. La minorité de la commission, comme les pétitionnaires, est fermement convaincue que, de la même manière que la BNS arrive à remplir son rôle en excluant les entreprises produisant des armes, elle sera capable de le remplir aussi en excluant les entreprises impliquées dans la production, le commerce et la transformation d'énergies fossiles. Cela ne remet nullement en cause l'indépendance de la BNS dans la poursuite de cette mission. D'ailleurs, garantir l'intérêt général de la Suisse et éviter les investissements qui créent de graves dommages à l'environnement fait partie des obligations de la BNS. Il s'agit simplement pour celle-ci de tenir davantage compte des effets collatéraux, désastreux pour la société, de certaines politiques financières et de régulation.

Les raisons que le Conseil d'Etat nous a données en défaveur de cette pétition sont essentiellement formelles. En ce sens, elles ne sont pas suffisantes selon nous pour justifier le maintien d'un fonctionnement décidément inadapté à nos défis contemporains. Il est absolument inaudible que le Conseil d'Etat ainsi que la BNS se cachent derrière l'excuse que les accords de Paris donnent uniquement des objectifs en matière environnementale, sans indication sur la mise en oeuvre des mesures, alors que nous sommes si loin desdits objectifs et que les solutions sont tellement claires, en particulier dans le cas présent.

En déclarant l'urgence climatique en 2019, il y a trois ans déjà, le canton de Genève a démontré avoir pris la mesure de la problématique environnementale de notre époque. Il est temps pour notre canton d'afficher cette clairvoyance en appuyant la volonté de cette pétition au sein de la prochaine assemblée générale de la BNS et en déclarant publiquement son soutien à l'alignement de la BNS sur l'accord de Paris sur le climat. Alors que notre Conseil d'Etat justifie son inaction par le manque de possibilités qui s'offrent à lui en la matière, nos voisins vaudois - avec le même statut d'actionnaires - se disent prêts à envisager deux mesures: le refus du rapport annuel de la BNS et la proposition de modification de la loi sur la BNS. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité de la commission vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, selon une majorité de ce Grand Conseil - et c'est malheureusement assez triste -, il est peut-être temps de se montrer sensible au problème climatique, mais pas encore d'agir. C'est à peu près ce qui a été dit lors de l'examen de cette pétition. Le constat de l'urgence climatique, le constat établi par les rapports du GIEC, le constat de l'effet contraignant des accords de Paris en vue de plafonner l'augmentation de la température à 1,5 degré, si possible, tout cela était plus ou moins validé. Mais quand il s'agit de passer à l'action et de prendre des mesures, en l'occurrence d'inciter la BNS - comme l'a très bien dit M. de Rougemont - à retirer ses positions de plus de dix milliards de francs qui seraient investis dans les énergies fossiles, alors là tout le monde recule, en tout cas la majorité de droite, en arguant de l'impossibilité de le faire.

Mais la pétition ne demande pas de contraindre la BNS, elle enjoint au parlement d'inviter le Conseil d'Etat à le faire et à montrer une position politique genevoise - Philippe de Rougemont l'a aussi évoqué -, comme lorsque nous avons voté l'urgence climatique. C'est une prérogative du Grand Conseil, nous sommes donc dans notre rôle. Du reste, le Conseil d'Etat - et je remercie Mme Meissner de l'avoir rappelé - a pris position le 27 avril: il a invité la BNS à faire preuve de davantage de respect pour le climat et à agir en conséquence. Sur ce point, la position de Mme Fontanet à la commission des pétitions était très décevante, dans la mesure où la magistrate freinait des quatre fers, pour qu'au final le Conseil d'Etat fasse exactement le contraire de ce qu'elle préconisait. Il y a donc là une forme de discrépance pour le moins étrange.

La conséquence serait alors de se dire qu'il n'y a plus grand-chose à attendre de la part de la majorité de droite du Grand Conseil, ni de la minorité, actuellement de droite, du Conseil d'Etat. Il y a en effet des «climato-réactionnaires», ou plutôt des gens qui affirment que le climat, c'est bien, mais lorsqu'il s'agit de voter, de se positionner, quand il faut inviter la BNS à revoir ses positions, alors là il n'y a plus personne, parce qu'on pense à l'économie et qu'on va mettre à mal des positions économiques !

Malheureusement, en 2022, il y a un enjeu économique et un enjeu climatique. Et si vous continuez à faire prédominer de manière écrasante l'économie sur le climat, Mesdames et Messieurs, alors nos enfants et nos petits-enfants n'auront plus le luxe de peser ces deux intérêts, parce qu'il n'y aura plus ni économie ni climat. Nous sommes face à des choix importants, radicaux, qui doivent être effectués dans les deux, trois, quatre prochaines années. Nous sommes déjà en retard et, de grâce, il faut saisir chaque occasion de rappeler que le souci du climat, le souci de l'environnement et de la pérennité de l'existence sur terre doit primer une sacralisation de l'économie. Nous vous invitons par conséquent à soutenir cette pétition et à appeler vos conseillers d'Etat à changer de position face à une vision beaucoup trop tardive et réactionnaire sur les questions climatiques. Merci. (Applaudissements.)

Mme Francine de Planta (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, ne nous méprenons pas. L'indépendance de la BNS est indispensable, et j'aimerais rappeler pourquoi. Je citerai tout d'abord sa mission. La mission de la BNS est définie par un mandat étroit et très clair, qui consiste à garantir la stabilité des prix. Et je voudrais souligner qu'en cette période d'instabilité géopolitique et d'inflation croissante, cette mission est essentielle. La BNS contribue ainsi à préserver le pouvoir d'achat des Suissesses et des Suisses. Notre pays est du reste moins frappé par l'inflation que d'autres Etats, comme le Royaume-Uni, où la hausse des prix pourrait dépasser 8% à l'automne et où de nombreux ménages tombent dans la précarité.

En tant que banque centrale, Mesdames et Messieurs, la BNS poursuit trois objectifs principaux. Son bilan doit pouvoir être mis au service de la politique monétaire, maintenir la valeur des réserves monétaires à long terme et enfin refléter les normes et valeurs de la population suisse. Bref, la BNS doit garantir les réserves à long terme, et dans ce but elle se doit de mener une gestion passive quant à son portefeuille d'actions. Elle ne peut pas jouer un rôle actif sur les marchés, au risque de perdre son indispensable neutralité et d'entrer dans d'inévitables conflits d'intérêts. En un mot: il ne lui appartient pas de faire de la politique.

Cela ne l'a toutefois pas empêchée - et l'un des rapporteurs de minorité l'a rappelé - de prendre plusieurs mesures en vue d'intégrer des critères ESG dans sa gestion. Cependant, l'accord de Paris - auquel vous vous référez énormément - donne des objectifs en matière environnementale, mais pas d'indications au sujet de la mise en oeuvre des mesures.

Non, Mesdames et Messieurs les députés, la BNS n'est pas climatosceptique, comme le prétendent les rapporteurs de minorité. Elle n'a tout simplement pas la légitimité d'exclure les placements dans ce domaine. Je le répète, la BNS a un mandat étroit et très clair, qui consiste à garantir la stabilité des prix. Dès lors que le mandat de la BNS est fixé par la loi, une modification de la base légale serait nécessaire pour axer la politique de la BNS en lien avec les questions environnementales. Une telle évolution serait d'ailleurs des plus hasardeuses, et je doute que la population suisse soit prête à faire de la BNS une entité politisée, bras armé de la politique climatique et incapable de juguler l'inflation.

Enfin, rappelons que l'action de la BNS est profitable aux cantons. En 2021, souvenez-vous, elle a versé 117 millions supplémentaires à Genève, au titre de la rétrocession des bénéfices. Il faut donc donner à la BNS les moyens de bien gérer son portefeuille en toute indépendance, et ne pas lui demander de faire de la politique. Pour toutes ces raisons, le PLR vous recommande le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est très souvent question en ce moment dans le débat public d'éco-anxiété. On sait combien l'environnement détermine notre santé physique et mentale. Cependant, contrairement à ce que prétendent certains, l'éco-anxiété n'est pas un simple phénomène de mode. L'éco-anxiété est rationnelle, au regard de la réalité des chiffres. Il est logique de ressentir une certaine peur à l'égard du changement climatique. Cela signifie simplement que l'on comprend les enjeux et la gravité du problème.

Dans ce contexte, le PLR peut invoquer à l'envi l'indépendance ou l'autonomie de la BNS, il est vraiment très réjouissant de constater que de nombreux citoyens transforment leur émotion, leur anxiété, en levier d'action. Ces citoyens changent de mode de vie ou s'engagent dans l'action militante - une action judicieuse, sensée. Campax et le collectif BreakFree s'inquiètent à très juste titre de l'opacité des investissements - de certains, du moins - de la BNS. En tant qu'actionnaire de la BNS, le canton de Genève doit contribuer à une révision des conditions-cadres de cette dernière afin qu'elle respecte l'accord de Paris sur le climat et qu'elle arrête d'investir aussi massivement dans les énergies fossiles. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Pierre Eckert.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Quitte à contredire le député Thévoz...

Le président. Pour quarante-six secondes, Monsieur le député.

M. Pierre Eckert. Merci. Quitte à contredire le député Thévoz, il n'y a aucun risque à désinvestir. Plusieurs études universitaires ont relevé que les investissements dans les énergies fossiles ne sont pas particulièrement efficaces actuellement. Donc, pour répondre également à Mme de Planta, la Banque nationale suisse pourra continuer à distribuer ses bénéfices même en désinvestissant du fossile. Et j'aimerais encore mentionner, si vous le permettez, le rôle exemplaire que doit tenir la BNS...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Pierre Eckert. Pardon ?

Le président. Il vous faut conclure.

M. Pierre Eckert. Oui, oui, je vais le faire. (Commentaires.) M. de Rougemont a fini une minute avant la fin du temps de parole, mais le chronomètre a continué à tourner !

Une voix. C'est vrai ! (Brouhaha.)

M. Pierre Eckert. Laissez-moi trente secondes !

Des voix. Non ! (Commentaires.)

Le président. Lorsque M. de Rougemont est arrivé à la fin du temps de parole qui lui était dévolu en tant que rapporteur, il a commencé à entamer celui de son groupe. (Commentaires.) Il vous restait donc quarante-six secondes. (Brouhaha.) Je suis désolé, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Patrick Dimier.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je souhaiterais corriger quelques erreurs. Dire de la BNS qu'elle ne fait pas de politique, c'est se mettre le doigt dans l'oeil. La BNS fait bien entendu de la politique. Bien entendu ! Elle choisit en fonction de l'économie mondiale les secteurs les plus porteurs pour faire des bénéfices et pouvoir les distribuer. Prétendre que la BNS ne fait pas de politique, c'est donc totalement faux.

Dire, encore une fois, qu'il ne faut pas investir dans les énergies fossiles ou tout ce que vous voulez... C'est la BNS qui choisit ce qu'elle va faire, mais ceux qui impriment la politique de la BNS, ce sont les cantons, or ils sont d'une absence remarquée, remarquable et constante dans les assemblées générales de cette banque. On ne les voit jamais. Pourquoi ? Parce qu'ils confient leurs intérêts à des tiers. Voilà ce qui se passe. Et «last but not least», la BNS confie la gestion de la majorité de son patrimoine à une entreprise pour le moins discutable, appelée BlackRock. Et quand on sait où et comment se finance BlackRock, il est légitime de se poser des questions.

En conclusion - et Mme de Planta avait raison -, il convient de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Mais cela n'empêche en aucun cas le Grand Conseil d'inviter le Conseil d'Etat à agir sur la Banque nationale, car c'est lui qui est à la manoeuvre et qui a cette responsabilité. Mme Fontanet et moi-même avons eu quelques éclats à propos des problèmes de la Banque nationale, mais je crois que les choses sont maintenant réglées entre nous. (Exclamations.) Quoi qu'il en soit, cela ne signifie pas que le Conseil d'Etat peut faire ce qu'il veut, puisque c'est lui qui doit défendre les intérêts des Genevois. Merci.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Je m'aperçois pendant cette session que j'ai, semble-t-il, beaucoup de liens avec le MCG. (Rires.) J'ai une intimité avec l'un de ses membres, j'ai des éclats avec l'autre. Ecoutez, je me réjouis qu'on en discute ! (Rires.)

Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce qu'a indiqué le rapporteur de la deuxième minorité, je ne freine pas des quatre fers car je n'ai heureusement pas de fers aux pieds. (Exclamations.) Je ne fais que respecter la loi, respectivement les normes qui régulent la Banque nationale. Le Conseil d'Etat a récemment écrit à la BNS pour lui demander de quelle façon elle comptait sortir de certains investissements et nous avons reçu de sa part une réponse circonstanciée, dans laquelle elle nous a également rappelé quelles étaient ses obligations. La BNS, on l'a mentionné, est indépendante, et elle poursuit des objectifs qui ont été très longuement explicités par Mme de Planta lors de son intervention. Je remercie en outre la rapporteure de majorité, dont le rapport est lui aussi exhaustif.

L'ensemble des cantons a reçu cette pétition, et d'ailleurs nous l'avions reçue personnellement. Lors de la Conférence des directeurs des finances, nous avons discuté du sort à donner à ce texte. Nous avons échangé ensemble - les directeurs sont tous issus de partis différents, je vous rassure, le PLR n'est pas le seul à la tête des finances - à propos de la suite qui pouvait être donnée à cette pétition, du moins celle adressée directement à la Conférence des directeurs des finances et aux directeurs des finances, et nous avons toutes et tous relevé que, contrairement à ce que vous semblez penser, le canton n'a pas de marge d'appréciation. Les cantons tiennent à l'équilibre de la BNS, à ce qu'elle puisse faire son travail, ce pour quoi elle a été créée. Et nous nous réjouissons également de pouvoir régulièrement recevoir des revenus de la part de la BNS, qui cette année - cela a été indiqué - ont doublé. Voilà, Mesdames et Messieurs, il n'y a pas de climatosceptiques au sein du Conseil d'Etat et personne ne freine des quatre fers. En revanche, nous respectons la loi. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix les conclusions de la majorité de la commission, à savoir le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2131 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 50 oui contre 39 non (vote nominal).

Vote nominal