République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h
2e législature - 5e année - 2e session - 16e séance
R 986-A
Débat
Le président. Nous traitons à présent la R 986-A. Le rapport est de Mme Christina Meissner, à qui je cède la parole.
Mme Christina Meissner (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les médias se sont fait encore tout récemment l'écho de ce qui se passe en Tunisie. Qu'il est loin le Printemps arabe dont la Tunisie a été le berceau ! La dérive autocratique se poursuit de manière très inquiétante. La résolution faisait état de la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature et de la suspension du parlement; mais depuis, dans la nuit du 30 au 31 mars 2022, le président tunisien a dissous le parlement et a ordonné des poursuites contre ses membres. De plus, il s'est arrogé arbitrairement le droit de nommer les membres de l'autorité électorale et a refusé la présence d'observateurs internationaux lors des élections qu'il souhaite organiser. Enfin, il a décidé de revoir la toute jeune constitution de 2014 d'inspiration parlementaire. Il le fait actuellement et, quelle que soit la pertinence des modifications de cette constitution, c'est la méthode qui ne respecte pas les droits démocratiques fondamentaux, ces modifications étant décidées par l'équipe rapprochée du président et lui-même. Pour finir, le 23 juin 2022, soit hier, le premier ministre est arrêté sans que l'on sache pourquoi. La crise politique est grave.
Il existe des liens forts entre notre parlement et la Tunisie. Des délégations genevoises se sont rendues en Tunisie en 2015, avec notre ancien sautier - «sautière» ? j'avoue que je ne suis pas tout à fait sûre du titre ! -, Mme Hutter, et la Suisse a beaucoup aidé la Tunisie au niveau culturel et du développement de la démocratie. Ces relations auraient pu se poursuivre si la situation tunisienne ne s'était pas dégradée.
Ensuite, ce qui arrive au parlement tunisien n'est pas anodin. Nous sommes un parlement et, à ce titre, la suspension, puis la dissolution d'une assemblée législative démocratiquement élue devraient nous interpeller. Il faut souligner que la vice-présidente du parlement tunisien a pris la peine de témoigner au nom des siens devant notre commission des Droits de l'Homme; cela montre qu'il y a une considération et à quel point l'attente est forte de la part des parlementaires tunisiens quant à la solidarité que d'autres élus pourraient manifester par-delà le monde. La Tunisie est devenue le seul pays au monde qui ne dispose plus de parlement - même en Corée du Nord, il y en a un !
Pour toutes ces raisons, la commission vous demande d'accepter cette résolution telle qu'amendée. Les deux amendements proposés par le PDC et le PLR étaient nécessaires, d'une part pour tenir compte des événements précités qui sont venus s'ajouter au texte original, d'autre part pour une question de forme: il s'agit d'inviter le Conseil d'Etat à relayer notre préoccupation plutôt que de la déclarer directement nous-mêmes. Je vous remercie d'exprimer, par votre vote positif, votre solidarité interparlementaire.
M. Pierre Vanek (EAG). Il y a peu de choses à ajouter à ce qu'a dit la rapporteuse d'unanimité de la commission des Droits de l'Homme. Il y a une marche vers la dictature en Tunisie qu'il convient de tenter d'enrayer par notre solidarité, comme nous l'avons fait en soutenant la lutte des opposants tunisiens contre la dictature de Ben Ali à l'époque et en aidant, modestement, avec nos moyens, à Genève, à la révolution tunisienne en janvier 2011.
Cette résolution est importante. Notre parlement a été engagé dans ses relations avec la Tunisie, pas seulement en 2015, mais avant la révolution tunisienne, sous la dictature de Ben Ali. Notre collègue Christian Grobet y allait régulièrement pour tenter d'assister à des procès politiques. Egalement membre de notre groupe Alliance de gauche et membre du Bureau, Anita Cuénod a aussi participé à des délégations en Tunisie. Des relations réellement fortes avec les démocrates et les progressistes tunisiens ont été forgées, dans une solidarité qui s'étend sur des lustres.
Cette résolution invite simplement le Conseil d'Etat à affirmer publiquement - c'est un détour, parce qu'à mon sens, le Grand Conseil peut l'affirmer directement, mais c'est un détail - notre solidarité avec toutes celles et tous ceux qui luttent en Tunisie, aujourd'hui comme hier, pour le rétablissement et le renforcement d'institutions réellement démocratiques, respectueuses de l'ensemble des droits humains, politiques, sociaux, civils et économiques des femmes et des hommes de ce pays.
C'est une résolution qui condamne les violations crasses des minima de règles démocratiques qui sont en train d'être effectuées par le pouvoir exécutif tunisien, qui a assumé les pleins pouvoirs. Le président a assumé les pleins pouvoirs, avec à son service une police décomplexée, vengeresse, qui s'attaque aux opposants. Tout cela est inadmissible, et notre message unanime de condamnation de cette dérive est évidemment bienvenu du point de vue de l'ensemble des progressistes et des démocrates en Tunisie. Merci.
M. Eric Leyvraz (UDC). Je serai très bref. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les communistes parler de dictature, parce qu'ils savent de quoi ils parlent ! (Rires. Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, le vote est lancé.
Mise aux voix, la résolution 986 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 43 oui contre 7 non et 18 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Cette motion invite donc le Conseil d'Etat...
Une voix. Monsieur le président, c'est une résolution, pas une motion ! (Commentaires.)
Le président. Cette résolution, excusez-moi ! (Commentaires.) Cette résolution invite donc le Conseil d'Etat à agir... (Remarque.) On la renvoie donc au Conseil d'Etat. (Commentaires.)
Une voix. On demande au Conseil d'Etat de réagir ! (Commentaires.)
Le président. Quoi qu'il en soit, nous avons voté la résolution.