République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2740-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Ana Roch, Daniel Sormanni, Jean-Marie Voumard, Sandro Pistis, François Baertschi, Thierry Cerutti, Florian Gander, Patrick Dimier, Christian Flury, André Python, Françoise Sapin : Pour éviter les licenciements, l'Etat doit augmenter les RHT !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 1er et 2 juillet 2021.
Rapport de M. André Pfeffer (UDC)

Débat

Le président. Voici le prochain point de l'ordre du jour: la M 2740-A dont le débat figure en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. André Pfeffer, que j'invite à s'installer à la table des rapporteurs avec sa carte. (Un instant s'écoule.) Monsieur Pfeffer, c'est à vous.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, le présent objet invite le Conseil d'Etat «à demander à ses services d'instruire de manière systématique toutes nouvelles demandes de préavis de réduction de l'horaire de travail (RHT)». Voilà une proposition qui reste d'actualité.

Je me réfère à l'audition du directeur général de l'office cantonal de l'emploi qui a d'abord rappelé la situation: jusqu'au 31 mars 2021, les décisions d'octroi de RHT à Genève ont concerné 13 325 entreprises pour un montant de 1 160 000 000 francs, ce qui est absolument énorme. Il a ajouté qu'au printemps 2020, toutes les demandes étaient accordées, l'ensemble des dossiers étaient traités et recevaient une réponse. Or ce fait a été contesté; plusieurs exemples montrent que des requêtes n'ont pas été instruites systématiquement et immédiatement.

La proposition de motion a toujours lieu d'être, et pourquoi ? Comme certains d'entre vous ont certainement pu le lire ces derniers jours, suite à une décision du Tribunal fédéral, le Conseil fédéral a prolongé les RHT pour un montant de 2,1 milliards afin que, durant une certaine période, elles incluent également les jours fériés et les congés.

Il s'agit d'un sujet vraiment important étant donné la situation que nous avons connue. Lors des discussions en commission, nous avons constaté que certains dossiers n'avaient pas été instruits de manière systématique. Pour ces raisons, je vous recommande d'accepter ce texte. Merci de votre attention.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je suis assez étonné par cette proposition de motion et surtout un peu inquiet, puisqu'une majorité semble se dessiner pour l'adopter. Elle me fait penser à celle que nous avons débattue tout à l'heure - qui ne provenait pas du MCG, mais de l'UDC - concernant le taux de chômage, le taux de demandeurs d'emploi et le taux au sens du BIT; les explications ont été parfaitement claires et rationnelles, et nous avons compris que ces trois taux étaient disponibles. Ici, on se trouve à peu près devant le même genre de texte, celui-ci remettant en question la façon dont l'OCE traite les demandes RHT.

L'audition - le rapport est parfaitement clair là-dessus - a mis en avant la manière dont le dispositif s'organise et le fait que tous les dossiers ont été instruits; lorsqu'il y a des oppositions, celles-ci sont prises en compte et les requêtes réétudiées. Ce qu'on constate, c'est simplement que certains commissaires de droite sont en désaccord avec les propos des représentants de l'administration cantonale sur le fait que le système est en ordre et qu'il ne dépend pas de mesures cantonales, mais bien de la législation fédérale. En effet, ce n'est pas à l'OCE de dicter les procédures RHT; celles-ci découlent de la loi sur l'assurance-chômage et, par conséquent, du droit fédéral. Les protocoles d'étude pour l'octroi des RHT ne se font pas au niveau du canton de Genève et de l'OCE, et les membres du service nous ont d'ailleurs expliqué avoir pris en considération des changements de règles provenant de Berne et les avoir systématiquement appliqués.

Dans le cas présent, il est très surprenant de voir qu'une majorité se dégage pour remettre en question la gestion des RHT au niveau cantonal, alors que tant les différentes auditions que le rapport mentionnent explicitement que le dispositif a été appliqué selon les normes fédérales en vigueur. Je suis stupéfait qu'une majorité se dessine pour contredire l'application cantonale des normes fédérales en ce qui concerne les RHT, application qui relève de l'office cantonal de l'emploi. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'opposera à cet objet.

M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la commission a fait son travail sur cet objet, puisque des trois invites initiales, il n'en reste aucune. (Commentaires.) Eh bien non, aucune ! Une nouvelle invite a été rédigée, qui a fait l'unanimité et repose sur des bases très simples: le cadre légal s'agissant des RHT dépend de Berne, Genève a fait le job, voire plus que ce qu'on lui demandait. Par rapport à la période covid, la direction de l'office cantonal de l'emploi a fait un mea culpa, admettant qu'à certains moments, les collaborateurs ont été débordés et qu'il y a eu quelques problèmes. Depuis peu, les choses sont corrigées - j'espère que ça restera le cas. En réalité, et ça vient d'être indiqué, par cette proposition de motion, nous demandons à l'Etat de faire son travail. Nous soutenons l'idée que l'Etat fasse son travail et, partant, nous voterons ce texte. Merci.

Mme Ana Roch (MCG). Nous pouvons relever, cela a déjà été souligné, que le canton de Genève a été sensible à la détresse des entreprises pendant la pandémie avec l'octroi des RHT. Ce qui est condamné ici - vous transmettrez à M. de Sainte Marie, Monsieur le président -, ce n'est pas un défaut d'application ou de rigueur concernant la loi fédérale, mais bien le fait que certains dossiers n'ont pas été instruits. Cela signifie que pour une simple question de sensibilité ou d'appréciation, des requêtes RHT ont été rejetées sans demande de renseignements complémentaires.

Aujourd'hui, ce que nous voulons avec ce texte, c'est que chaque dossier soit examiné et qu'en cas de doute, les sociétés soient interrogées de manière plus approfondie pour qu'elles puissent répondre aux questions. Il s'agit de rendre une décision juste par rapport aux informations reçues, et pas de se contenter de l'appréciation d'un juriste de l'OCE. Voilà ce que vise cette proposition de motion, Mesdames et Messieurs, et pour ces raisons je vous recommande de continuer à la soutenir comme en commission. Merci.

M. Pierre Eckert (Ve). Je serai extrêmement bref. Il nous semble tout d'abord que cette proposition de motion est largement caduque. A ma connaissance, les indemnités RHT ne sont plus versées actuellement - espérons que ça ne reviendra pas. C'est clair qu'il y a eu une surcharge évidente à l'OCE dans le cadre de l'octroi des RHT, mais les diverses auditions conduites ont montré que le service a bien rempli sa tâche et qu'il a traité l'ensemble des dossiers avec équité et selon les directives en vigueur. En conséquence, Mesdames et Messieurs, nous vous proposons de refuser cet objet.

Le président. Merci, Monsieur le député, pour votre concision ! La parole revient à M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Le groupe Ensemble à Gauche refusera également cette proposition de motion. Il est indéniable que certaines procédures ont pu prendre plus de temps au plus fort de la crise et qu'un retard s'est accumulé. Mais enfin, les auditions ont démontré qu'il n'y avait aucune nécessité de revoir le dispositif et que ce texte non seulement ne sert à rien, mais surtout tape à côté de la cible.

En réalité, en matière de RHT, il existe deux problèmes majeurs. D'abord, c'est une perte de plus de 20% du revenu pour les salariés qui n'a jamais été compensée, malgré les demandes réitérées - vous vous en souvenez sans doute - d'Ensemble à Gauche à ce sujet: nous considérions que si l'Etat aidait les entreprises, il devait aussi garantir le salaire des employés. Ce n'était pas l'avis du MCG, puisque presque simultanément, ce groupe déposait un projet de loi pour autoriser les entreprises à retarder le paiement du treizième salaire, et ce contre l'avis des patrons eux-mêmes, qui avaient été auditionnés. Voyez donc que le MCG, lorsqu'il fait semblant de s'intéresser aux couches populaires, ne parvient pas à rester convaincant très longtemps.

L'autre écueil, Mesdames et Messieurs, c'est l'absence totale de contrôle de l'Etat quant à l'octroi des RHT. Nous avons appris de la bouche du représentant de la CGAS, c'est-à-dire des syndicats, qu'entre août et septembre 2020, le nombre d'indemnités RHT octroyées avait diminué brutalement. Alors que s'est-il passé entre août et septembre 2020 ? Il n'y a pas eu de différence notable sur le front sanitaire, mais un changement du règlement en matière de RHT: les sociétés, au moment du dépôt de leur demande, ne pouvaient plus se contenter de mentionner la crise du covid, elles devaient argumenter - pas forcément de manière ultradétaillée - sur la façon dont la pandémie avait impacté leur activité. Eh bien cette seule contrainte, tout de même extraordinairement raisonnable et parfaitement justifiable, a suffi pour faire chuter massivement les requêtes des entreprises.

Cela doit nous interroger quant aux pratiques ayant eu cours. Il n'est pas exclu, Mesdames et Messieurs, que certaines firmes aient bénéficié de RHT tout en continuant à exiger de leurs collaborateurs, payés partiellement seulement, qu'ils viennent travailler. D'ailleurs, le représentant des syndicats nous a indiqué que le taux de non-conformité observé à l'échelle de la Confédération était assez faible, mais à ma connaissance, il n'y a pas eu de vérifications à Genève, donc au niveau de la masse salariale genevoise, cela pourrait représenter des centaines de millions de versements non justifiés.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, le MCG tape à côté de la cible. En fait, on a subventionné les entreprises sans le moindre contrôle tout en refusant systématiquement des aides pour les salariés. Voilà la réalité concrète depuis le début de la crise covid dans ce canton.

Le président. Merci. Je passe la parole à M. François Baertschi pour une minute cinquante-huit.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Les membres d'Ensemble à Gauche ne cherchent qu'une seule chose: le dogmatisme. Ils n'en ont rien à faire de la population, des salariés, des personnes modestes, de toutes les victimes, de ceux qui ne seront pas couverts si on ne valide pas notre texte parlementaire. Que fait M. Burgermeister ? Il se contente d'éructer: «Je suis le défenseur des classes populaires !» Non, vous ne les défendez pas ou vous les défendez très mal, Monsieur Burgermeister ! (Exclamations.) Vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Burgermeister qu'il a encore beaucoup de progrès à accomplir pour défendre les classes populaires. Et qu'il arrête d'attaquer notre groupe, parce que le MCG, lui, défend les classes populaires et les protège contre les travailleurs frontaliers, contre tout un ensemble de voyous qui exploitent les travailleurs de ce canton. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie. La parole...

Une voix. J'ai été mis en cause, Monsieur le président ! (Exclamations.)

Le président. Je vous donne la parole pour dix secondes, Monsieur Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Enfin tout de même, Monsieur le président, c'est bien le MCG qui a lancé un référendum contre l'indemnisation des travailleurs précaires, lesquels avaient perdu la totalité de leurs revenus au plus fort de la pandémie ! (Applaudissements.) C'est le MCG qui, pendant la crise covid...

Le président. Merci...

M. Jean Burgermeister. ...a mené la bataille contre les pauvres !

Le président. Merci, Monsieur le député, on a bien compris.

M. Jean Burgermeister. Et qui nous reproche maintenant de ne pas défendre les classes populaires ! Ils se foutent de la gueule du monde !

Le président. S'il vous plaît !

M. Jean Burgermeister. Regardez-les, ils ont même le sourire !

Le président. Voilà, c'est terminé.

M. Jean Burgermeister. Ils le savent, Mesdames et Messieurs... (Le micro de l'orateur est coupé. Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! Mettons un terme à ces joutes oratoires. Pour conclure, la parole échoit à Mme la conseillère d'Etat Fabienne Fischer.

Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. En préambule, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite remercier mes collègues Anne Emery-Torracinta et Mauro Poggia de m'avoir brièvement remplacée pendant que j'annonçais devant la presse une nouvelle d'importance, que vous avez peut-être déjà lue sur les applications de vos médias préférés: le Tribunal fédéral a rendu son arrêt dans le dossier Uber et donné pleinement raison au canton de Genève, qui considérait que les chauffeurs étaient des travailleurs salariés, et non des indépendants. (Applaudissements.)

Une voix. C'est un combat qui a été initié par un magistrat MCG, que ça vous plaise ou non !

Une autre voix. Bravo !

Le président. S'il vous plaît !

Mme Fabienne Fischer. Je dois à la vérité historique de reconnaître que la décision de faire recours et de porter la cause jusqu'au Tribunal fédéral revient effectivement à M. Mauro Poggia, qui s'est engagé dans ce processus avec courage et détermination, avec l'appui de l'ensemble du Conseil d'Etat.

Aujourd'hui, je suis particulièrement heureuse de constater d'une part qu'une circonstance qui permettait des distorsions de concurrence sera corrigée, d'autre part que les règles de protection des revenus et des conditions de travail des conducteurs de véhicules Uber seront respectées de manière beaucoup plus raisonnable. C'est un tout nouveau chapitre de l'histoire de l'économie de plateforme et de ce type de prestations de services qui s'ouvre avec cette décision du Tribunal fédéral, et le Conseil d'Etat en est évidemment très satisfait.

Cela étant dit, je serai extrêmement brève sur la proposition de motion dont vous débattez actuellement et je relèverai uniquement un point: l'OCE procède de manière systématique à l'examen de tous les dossiers qui lui sont soumis. Si des cas ont été incorrectement traités, une procédure a eu lieu, et s'il reste aujourd'hui des situations dans lesquelles des entreprises n'auraient pas, à l'issue de l'étude de leur dossier, obtenu gain de cause sur ce qui leur est dû, eh bien je suis à disposition pour voir ce qu'il en est, mais à ma connaissance et après un contrôle rigoureux, y compris des directives selon lesquelles fonctionne l'office cantonal de l'emploi, le travail a été effectué de manière systématique pour l'ensemble des requêtes. En l'occurrence, inviter le Conseil d'Etat à rendre un rapport supplémentaire sur cette question, ce serait demander à l'Etat non pas de faire son travail, comme l'indiquait un député, mais de faire un travail inutile. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous procédons au vote.

Mise aux voix, la motion 2740 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 42 oui contre 32 non (vote nominal).

Motion 2740 Vote nominal