République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 20 mai 2022 à 18h05
2e législature - 5e année - 1re session - 5e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h05, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assiste à la séance: M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Alexis Barbey, Jean Batou, Jacques Béné, Thierry Cerutti, Jennifer Conti, Marc Falquet, Christian Flury, Romain de Sainte Marie, Patrick Saudan, Vincent Subilia et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Rémy Burri, Denis Chiaradonna, Nicolas Clémence, Florian Gander, Aude Martenot, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti, Gabriela Sonderegger et Sébastien Thomas.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une procureure. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (La procureure entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Yana Kiener.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
M. Andres Martinez, Mme Isabelle Koechlin-Niklaus et M. Philippe Mercier.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. Je vous informe que l'objet suivant est retiré par ses auteurs:
Proposition de résolution de Mme et MM. Pierre Vanek, Pierre Eckert, Marjorie de Chastonay, Jean Burgermeister, Philippe Poget, Olivier Baud, Jean Batou, Jean Rossiaud, Boris Calame : Après le NON au Pré-du-Stand, construisons un cycle d'orientation et une infrastructure de formation sportive ! (R-900)
Premier débat
Le président. Nous reprenons notre ordre du jour ordinaire, avec le PL 12732-A et la P 2110-A, traités conjointement et classés en catégorie II, quarante minutes. Je donne d'emblée la parole à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Considérant les incertitudes qui pèsent en matière d'asile, notamment en ce qui concerne l'hébergement de réfugiés, le Conseil d'Etat demande l'ajournement de ce projet de loi ainsi que de la pétition y relative.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Sur l'ajournement, Monsieur Pagani ? (Commentaires.) Tout le monde est d'accord. Les rapporteurs ne souhaitant pas s'exprimer, je lance le vote sur cette demande d'ajournement.
Mis aux voix, l'ajournement sine die du rapport sur le projet de loi 12732 et la pétition 2110 est adopté par 50 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Le prochain point qui nous occupe est la R 800-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de résolution date du 29 septembre 2015, donc d'il y a bientôt sept ans. Sept ans pour que ce parlement se décide sur cet objet ! Entre-temps, j'ai assisté à une conférence très intéressante - vous savez que ce dont on parle ici, ce sont les travaux du professeur Rubbia, prix Nobel de physique, c'est lui qui a développé cette technologie. J'ai appris que l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne travaille là-dessus, il y a eu des avancées très intéressantes sur le traitement des déchets radioactifs. Je pense qu'après sept ans, même si on refuse cet objet, il pourrait valoir la peine pour notre commission de l'énergie de s'informer des avancées, de savoir si elles sont vraiment prometteuses, si on peut vraiment traiter, comme on le dit, les déchets nucléaires avec cette technologie qui est née dans notre canton. Par conséquent, je propose le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'énergie. Cela nous permettrait d'auditionner les physiciens de l'Ecole polytechnique fédérale, puisque par ailleurs, les auteurs invitent le Conseil fédéral «à étudier la voie du thorium dans sa stratégie et sa politique énergétique»; c'est une université fédérale qui se charge de cela, il serait donc intéressant de les entendre. Je vous propose dès lors le renvoi à la commission de l'énergie. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Il est pris bonne note de votre demande. Monsieur le rapporteur de minorité, souhaitez-vous vous exprimer sur le renvoi ?
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Ecoutez, je suis très heureux de voir que la majorité de la commission revient...
Une voix. Le rapporteur de majorité !
M. Christo Ivanov. ...de voir que le rapporteur de majorité - mais nous étions seuls contre tous, mon cher ! - revient un peu à la raison et se rend compte des mutations et des évolutions s'agissant du futur énergétique. Nous ne sommes plus dans la croissance ou la décroissance, mais dans la post-croissance ! (Commentaires.) Je soutiendrai donc le renvoi en commission, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de résolution 800 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 39 non contre 25 oui.
Le président. Nous poursuivons donc notre débat, je cède la parole à M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek. Oui, merci, Monsieur le président. Je... (Commentaires.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. Le rapporteur de minorité n'a pas présenté son rapport. Je lui passe donc la parole et vous la reprendrez après. Monsieur le rapporteur de minorité, c'est à vous.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette résolution invite simplement le Conseil fédéral, comme cela a été dit par le rapporteur de majorité, à étudier la voie du thorium, qui s'appelle aussi le nucléaire civil, dans le cadre de sa stratégie et de sa politique énergétique. Il s'agit de développer la recherche pour trouver d'autres solutions. Vous avez vu que l'Ecole polytechnique fédérale travaille sur de nouveaux chantiers en partenariat entre autres avec la Finlande; ils sont près de mettre au point un nouveau réacteur qui pourra travailler sur cette piste prometteuse qu'est le thorium.
Le Conseil fédéral indique que la consommation d'énergie par habitant doit diminuer de 40% d'ici 2030; c'est sans compter la croissance démographique de 80 000 résidents par an en Suisse, soit plus d'un million d'habitants d'ici 2030, et sans tenir compte de la libre circulation des personnes, du solde positif des naissances par rapport aux décès et de l'avènement des voitures électriques entre autres; cela risque d'entraîner un déficit de ressources énergétiques, voire une crise majeure de l'énergie. Avec ce qui se passe actuellement, notamment la guerre en Ukraine, il est évident qu'il va falloir travailler sur de nouvelles pistes, et celle du thorium en est une. J'ai terminé pour l'instant, Monsieur le président.
M. Pierre Vanek (EAG). J'ai été un peu surpris par la demande de renvoi du rapporteur de majorité qui me représente. Nous étions en effet une majorité des députés de la commission - à l'exception donc de l'UDC - à dire qu'il fallait rejeter cette résolution, et je pense toujours qu'il faut la rejeter. D'abord, parce que l'invite est évidemment tout à fait inutile: l'UDC a des représentants abondants à Berne. Le Freysinger, il y a une dizaine d'années, et Addor, il y a deux-trois ans, ont taguenassé le Conseil fédéral sur cette question, et le détour par la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève, qui est un canton qui proscrit le nucléaire, je le rappelle - à part ça, c'est une valeur constitutionnelle à laquelle nous avons prêté serment ! -, pour donner des indications à Berne sur le type de recherches nucléaires qu'il faut poursuivre, est un peu incongru et absurde.
C'est d'autant plus incongru que la résolution contient toute une série de considérants qui vantent de manière abusive et unilatérale le thorium comme étant un nucléaire vert, merveilleux et ne posant aucun problème. Je pourrais vous faire une conférence - je ne suis probablement pas le plus qualifié, mais enfin, je sais lire quelques articles scientifiques: une bonne partie des vertus qu'on prête au thorium sont inexactes. Dans une des réponses à une intervention d'Addor au Conseil national, le Conseil fédéral lui-même répond: «Le thorium pourrait comporter un désavantage considérable dans la mesure où les réacteurs au thorium fournissent une quantité plus importante de matériel pouvant servir au nucléaire militaire - uranium-233.» Le thorium et ses descendants présentent en outre de graves problèmes de radiotoxicité, et le développement potentiel de réacteurs au thorium n'en est qu'à ses tout débuts.
Mais surtout - je ne vous ferai pas de conférence technique, d'abord parce que ce n'est pas le lieu, ensuite parce que je suis incompétent en la matière, je suis un amateur un peu éclairé, mais pas forcément beaucoup - quelle est la fonction d'agiter le thorium ? Il y a toujours en matière nucléaire une étape ultérieure, un conte de fées, qui va résoudre tous les problèmes: c'étaient les surgénérateurs - on en a parlé abondamment dans cette salle -, les Superphénix. Ils devaient nous assurer une ère d'abondance et d'énergie quasiment gratuite. Mais auparavant, dans les années 50, avec la conférence «Atoms for peace» à Genève, c'était la même chose: on présentait le nucléaire à venir comme étant la solution à tous nos problèmes.
On a vu, depuis cinquante ou soixante ans, que ce n'est pas le cas; on l'a vu avec les surgénérateurs. Or le thorium, c'est la même chose. Les promoteurs du nucléaire agitent toujours le drapeau d'une... Il y a aussi la fusion qui va venir: depuis que je suis tout petit, la fusion, elle est toujours pour dans vingt ans et elle va résoudre nos problèmes. Et tout ça a une fonction, une fonction politique et non technique: une fonction politique consistant à nous démobiliser par rapport aux exigences de l'heure en matière de politique énergétique, celles de développer activement des énergies renouvelables et d'investir dans leur production, mais aussi et peut-être surtout de gérer et de diminuer la demande en énergie, d'utiliser l'énergie de manière plus rationnelle, de mener une politique de l'énergie qui réponde à toutes ces considérations qu'on trouve aujourd'hui dans nos lois genevoises. Ce type de texte a pour fonction de dire: «Ecoutez, les gars, en fait, l'essentiel et la solution sont ailleurs !» Je pense qu'il faut achever ce texte, qui a...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. Oui, oui, vous avez raison, j'y viens ! (Rire. Commentaires.) Il faut achever ce texte. Si on veut discuter, je discute volontiers avec Christo Ivanov ou avec n'importe qui de propositions énergétiques, mais cette résolution-là, vraiment, la majorité écrasante de la commission qui a...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. ...voulu l'écarter et lui dire non avait raison et il faut la suivre !
M. Adrien Genecand (PLR). Pour le groupe libéral-radical, il serait dommage de se priver de la réflexion. Je vous passe la genèse du thorium, dont le nom a été donné en hommage au dieu Thor par celui qui a découvert la molécule. Il s'agit d'un combustible qui serait d'une certaine façon une substitution à l'uranium. Quoi qu'en dise Pierre Vanek, s'agissant de la consommation énergétique, on est toujours à plus de 100 millions de barils par jour, et ce n'est pas tellement que la consommation d'énergie a baissé, ne serait-ce qu'une année - sauf avec le covid, et ça a repris depuis. Par conséquent, le fait est que les centrales nucléaires jouent encore un rôle très important dans la production énergétique, y compris de notre pays, et que, le problème des déchets pouvant en quelque sorte être réglé par la question de la recherche notamment liée au thorium, il serait dommage de priver le canton et plus généralement la Suisse d'une réflexion à ce sujet.
Dans le prolongement de ce qu'a dit M. Alberto Velasco, je rappellerai que, au-delà de la question de l'EPFL, Carlo Rubbia, l'ancien directeur général du CERN, a été salué et félicité et a obtenu un prix en 2020 pour ses travaux notamment sur cette question. Par ailleurs, il y a une société du nom de Transmutex qui, depuis Genève, cherche à travailler sur cette découverte et à la rendre industrielle. A nouveau, là, il ne s'agit pas tellement ni de dépenser des sous ni d'envoyer autre chose qu'un message d'intention, dans le sens où réfléchir à ça, c'est probablement... Quoi qu'en pensent Pierre Vanek et d'autres dans ce parlement - j'en suis certain -, le fait est que le nucléaire, au même titre que l'hydroélectrique, c'est 6 grammes de production de CO2 par kilowatt-heure produit...
Une voix. Soixante !
M. Adrien Genecand. ...et, avec l'hydroélectrique, c'est largement moins que d'autres énergies; ce sont donc les énergies les moins productrices et émettrices de CO2. Par conséquent, c'est évidemment dans ce domaine-là... De plus, le facteur de charge permet de produire de façon constante, à 90%, pendant toute l'année, et souvent, il est utilisé quand les énergies renouvelables ne peuvent pas, elles, produire. Le nucléaire constitue donc un apport non négligeable sur ces questions et si on peut apporter une solution à la problématique de la sécurité et des déchets, il serait évidemment dommage de s'en priver. Je vous remercie.
Mme Claude Bocquet (PDC). Selon l'auteur, il est possible de transformer les centrales nucléaires actuelles en centrales au thorium, élément qui est moins radioactif et non fissile, donc moins dangereux. Cette allégation a été invalidée par certains commissaires, qui ont relevé qu'il fallait de l'uranium 235 ou du plutonium pour démarrer la réaction nucléaire. Les physiciens auditionnés ont également confirmé que les choses n'étaient pas si simples.
Les commissaires ont été surpris de la proposition de cette résolution, alors que notre constitution s'oppose à toute construction de centrales, de dépôts et d'usines de retraitement, et que Genève a approuvé la sortie du nucléaire à 72,5% ! Il serait donc assez incongru que notre parlement envoie cette résolution à Berne.
Sans entrer dans des explications techniques sur les propriétés des différentes filières nucléaires, que notre parlement est loin de maîtriser, il faut tout de même savoir que les déchets produits par un réacteur au thorium ont une durée de vie de cinq cents ans. Dire que le thorium est un atome vert pour le développement durable, c'est prendre beaucoup de liberté avec la définition des mots «vert» et «durable».
Des études ont démontré que la population suisse pourrait économiser 30% de son énergie, sans perdre en qualité de vie, en évitant le gaspillage. Ces 30% représentent ce qui est produit par les centrales nucléaires actuellement. Nous avons donc en main ce qu'il faut pour pouvoir réellement aller vers un développement durable, et cela sans utiliser de thorium ! Le PDC vous invite à refuser cette proposition de résolution.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, il est difficile pour moi de commencer cette intervention sans citer le refrain de Boris Vian dans «La Java des bombes atomiques» écrite en 1955: «Y a quelque chose qui cloche là-dedans, j'y retourne immédiatement.» (Rires.) Les pro-nucléaires se sont finalement rendu compte de l'impasse de la filière de l'uranium et se rabattent maintenant sur celle du thorium - en y retournant immédiatement, bien entendu !
Tout comme la fusion nucléaire, la filière thorium se trouve sur la table depuis les années 1960 - du temps où je poursuivais mes études de physique - et n'a pas beaucoup progressé depuis, malgré tout ce qu'on peut en dire. Le thorium nous fait miroiter quelques promesses, notamment celle de pouvoir éliminer les déchets de longue durée de vie des centrales actuelles, mais ce concept reste à démontrer, du moins pour une application industrielle - c'est bien joli de le faire sur le papier, de façon théorique, mais il faut en faire une application industrielle ! Il restera tout de même passablement de déchets, cela a déjà été mentionné, de durée de vie faible à moyenne, qu'il faudra gérer pendant plusieurs centaines d'années - alors pas plusieurs centaines de milliers d'années, mais plusieurs centaines quand même ! La filière du thorium présente donc quelques avantages sur la filière uranium, mais cela reste du nucléaire, dont la Suisse, par votation populaire, a décidé de se passer.
Il est irréaliste de penser qu'une centrale de ce nouveau type puisse être opérationnelle en Suisse avant 2050-2060. Rendez-vous compte: maintenant, on parle d'un projet de recherche. Il va falloir peut-être l'industrialiser, puis démonter la loi sur l'énergie actuelle, et ensuite, il faudra la construire. Nous avons donc besoin d'au moins trente ans ! Donc avant 2050, aucune de ces centrales ne sera construite. Or 2050, c'est la date à laquelle la stratégie énergétique doit être pleinement réalisée, pas la date à laquelle elle doit débuter !
Laissons donc la filière thorium aux activités de recherche qui pourront éventuellement trouver des applications dans la deuxième moitié de ce siècle. Mais s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, n'intégrons pas cette idée dans la stratégie énergétique de la Confédération ! La transition passera notamment par un développement massif du solaire photovoltaïque, ce qu'on appelle le sprint solaire. La technologie existe, le soleil est présent - on l'a vu aujourd'hui ! Il suffit d'en avoir la volonté politique.
Enfin, comme cela a déjà été dit par le député Vanek, il serait bizarre que Berne reçoive une demande de ce genre de la part des autorités d'un canton dont la constitution spécifie explicitement: «Les autorités cantonales s'opposent par tous les moyens [...] aux installations de centrales nucléaires [...].» Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, rien qu'en raison de la constitution genevoise, cette résolution est incongrue. On aura l'air de quoi ? Déjà, la grande majorité de nos résolutions destinées à Berne passent directement à la poubelle, mais alors celle-ci va y aller avant même d'être arrivée ! C'est un premier point.
Maintenant, il est faux de dire que le thorium est un combustible nucléaire: il ne l'est justement pas, il faut l'enrichir avec de l'uranium 235 ou avec du plutonium 239; ce n'est pas moi qui l'invente, ce sont les physiciens que nous avons entendus en commission qui le disent, il suffit de lire le rapport - et merci au rapporteur d'avoir fidèlement résumé tout cela. Qui plus est, on ne peut pas utiliser les centrales existantes, ce sont deux systèmes complètement différents: les actuelles sont à eau pressurisée; pour celles au thorium, ce serait ce qu'ils appellent à sels fondus.
D'accord, peut-être qu'en Suisse, les études se poursuivent, qu'on est à la pointe de tout ça: eh bien quand ils auront accouché d'une souris, on le saura, que ce soit dans dix, vingt ou trente ans ! Tant mieux s'ils poursuivent la recherche, et peut-être qu'ils trouveront des choses ! Il n'y a pratiquement plus personne à part la Chine qui poursuit un certain nombre d'essais. Aux Etats-Unis, ils ont arrêté, ils ont fermé les centrales, en Allemagne aussi, et pour ce qui est des centrales expérimentales qu'ils ont tenté de mettre sur pied, ce n'est pas si sûr qu'elles fonctionnent. Je ne sais pas pourquoi on s'emberlificote là-dedans, je crois que ça n'a pas de sens ! Nous ne sommes pas des ingénieurs nucléaires, et on peut difficilement se faire... A part avec ce qui a été fait à la commission de l'énergie, où on a pris la peine d'entendre des physiciens, qui nous ont présenté les principes de base que je viens de vous réexpliquer, mais tout cela est parfaitement expliqué dans le rapport.
Ça ne sert donc à rien d'aller plus loin; c'est pour ça aussi que nous avons refusé de renvoyer cette résolution en commission pour recommencer le travail, même si elle a déjà quelques années. Pour l'instant, ce n'est pas viable, ça ne fonctionne pas, et de toute façon, il faudrait recommencer à zéro, pour se lancer dans des centrales dites nucléaires, qui plus est dans un canton qui s'est déclaré antinucléaire. Par ailleurs, on devra utiliser de quoi enrichir ce thorium, donc de l'uranium ou du plutonium. Ce n'est donc pas la bonne solution et je pense qu'il n'est pas utile de continuer à imaginer un certain nombre de choses et d'envoyer à Berne cette résolution qui ne servira pas à grand-chose. Cela n'arrêtera pas la recherche et les travaux en Suisse: ils vont se poursuivre, mais nous n'avons pas besoin de nous mêler de ça, ça ne nous apportera rien. Je vous invite donc à rejeter cette résolution. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Philippe de Rougemont pour une minute vingt-quatre.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Merci, Monsieur le président. On se demande dans quel canton on vit, je crois qu'on a la mémoire très courte. Il faut rappeler qu'à Genève, il y avait un projet de centrale nucléaire près de Russin: à Verbois, il devait y avoir une centrale nucléaire en 1971. Les vignerons et les propriétaires fonciers de la commune ont entraîné avec eux les scientifiques du canton et les autres communes pour dire non. La résistance a été tellement forte que ce projet a été abandonné, tout autant que le projet de Graben à Berne et de Kaiseraugst à Bâle. On est un canton antinucléaire et ce n'est pas pour rien, il faut un peu s'en souvenir.
Actuellement, l'industrie nucléaire est aux abois dans le monde entier. Cette industrie est active dans 33 pays du monde; beaucoup en sont sortis, et ceux qui veulent poursuivre dans cette industrie-là sont des dictatures, ce ne sont pas des démocraties. Il y a aussi l'Angleterre, mais c'est EDF qui a racheté British Energy pour créer un client. Cette industrie veut se sauver elle-même en disant qu'elle veut sauver la planète, et c'est à nous ici d'être lucides, de garder la tête froide et de nous souvenir de ce qu'il s'est passé...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Philippe de Rougemont. ...quand on prétend maîtriser l'infiniment petit, alors que ce qu'il faut faire, c'est maîtriser notre demande d'énergie. C'est la politique du canton et de la Confédération. Par conséquent...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Philippe de Rougemont. ...je vous enjoins de rejeter ce projet d'un autre âge, complètement dépassé. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole à M. Charles Selleger pour une minute et demie.
M. Charles Selleger. Excusez-moi, c'est encore une erreur: le bouton est tellement mal placé que chaque fois que je mets un bout de papier dessus, ça s'allume ! (Commentaires.)
Le président. Très bien, merci, Monsieur le député. Je donne donc la parole à M. le rapporteur de minorité Christo Ivanov pour une minute quarante-neuf, plus le temps du groupe.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je voulais répondre à ma préopinante du PDC. Ce n'est pas cinq cents ans pour les déchets à base de thorium, c'est trois cents, et vraisemblablement... (Commentaires.) ...vraisemblablement, c'est beaucoup moins. J'aimerais quand même juste dire - parce qu'on ne va pas s'éterniser sur ce débat - que la Chine a testé en septembre 2021 le premier réacteur nucléaire à sels fondus et au thorium.
Une voix. C'est une dictature !
M. Christo Ivanov. Ce prototype, érigé non loin de la ville de Wuwei, est d'une puissance modeste, puisqu'il est censé pouvoir produire de l'énergie pour moins de 1000 habitants, avec un objectif de 100 000 habitants.
Cela a été relevé par mon préopinant PLR, la société Transmutex à Genève, une start-up qui a levé beaucoup de fonds, travaille sur une nouvelle génération de réacteurs utilisant le thorium comme combustible à la place de l'uranium. Il serait donc bien que la Suisse et notre canton - puisqu'il y a le CERN à Genève, qui est quand même important, avec un prix Nobel de physique, M. Rubbia, cela a été dit - ne ratent pas le virage de la future génération post-nucléaire ou cinquième génération nucléaire qui va bientôt arriver. Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir accepter cette résolution. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco, pour deux minutes vingt.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, je vous ai dit que cette résolution date d'il y a sept ans, c'est-à-dire de la précédente législature. En sept ans, beaucoup de choses se passent. Moi, vous savez, l'obscurantisme scientifique ou technique, je n'y adhère pas ! On peut être opposé au nucléaire et s'informer des avancées, notamment si notre Ecole polytechnique fédérale fait des choses intéressantes. Pourquoi est-ce que je vous dis cela ? Parce qu'en ce qui me concerne, je suis très intéressé par le traitement des déchets nucléaires. Si justement il existe un moyen de réduire le temps de traitement de ces déchets, pourquoi ne pas s'y intéresser ? Qu'est-ce qui empêche d'aller en commission et d'auditionner les gens qui travaillent sur ces pistes depuis un certain nombre d'années pour s'informer ? Cela ne veut pas dire que vous allez accepter la résolution ! Mais au moins, vous serez informés de ce qu'il s'est passé en sept ans ! Il se peut que rien n'ait été fait. Mais il se peut qu'il y ait eu des avancées.
Cela étant dit, Monsieur le président, effectivement, comme l'a relevé M. Vanek, j'ai la responsabilité de représenter la majorité, etc., mais ce que je veux dire par là, c'est que les dernières éoliennes ont été refusées en Valais; Genève se positionne comme un canton à l'énergie, entre guillemets, «verte», mais si toute l'Europe voulait faire la même chose, je ne vois pas où on irait chercher cette énergie ! Aujourd'hui, il y a un problème énergétique grave, tout le monde en discute, tout le monde en parle, et à un moment donné, il faudra aussi dire à la population: «Soit vous réduisez de 30% ou 40% votre train de vie» - et à ce moment-là, on pourra vivre avec l'énergie autre que les énergies fossiles - «soit, franchement, il y aura des problèmes !» Le rôle des députés, c'est peut-être de voter contre le nucléaire, mais à un moment donné, il faut aussi reconnaître que les centrales hydrauliques, on ne peut plus en construire, et qu'il y a de graves questions qui se posent en matière d'approvisionnement.
Donc voilà, après, chacun peut prendre ses responsabilités, une fois informé. Moi, je regrette sincèrement qu'on ne puisse pas, de manière ouverte, sans a priori, sans dogmes, en parler librement, s'informer, et ensuite prendre ces décisions. Je le regrette beaucoup. J'ai fait une proposition de renvoi en commission pour justement permettre de s'informer sur le point où on en est en Suisse, puisque la Confédération met de l'argent là-dedans, mais ça a été refusé. Soit !
Une voix. Bravo ! (Commentaires. Un instant s'écoule.)
M. Alberto Velasco. La position de la commission - je finis là, Monsieur le président -, c'est de voter contre cette résolution. Voilà. Je vous l'ai donnée, et c'est ainsi. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur Adrien Genecand, il vous reste une minute quarante.
M. Adrien Genecand (PLR). Je n'aurai pas besoin d'autant de temps, Monsieur le président. C'était pour vous donner des statistiques sur notre canton, dans le prolongement de ce que vient de dire le rapporteur de majorité, parce qu'elles sont quand même très intéressantes: on achète deux tiers de notre électricité et on en produit un tiers - largement constitué, soit pour près de 30% de la consommation totale, par les barrages et par les Cheneviers -, et là-dedans, la production d'électricité photovoltaïque et géothermique et celle des diverses personnes qui ont installé des panneaux, pour l'instant, ça représente moins de 2%. C'est le stade où on se trouve aujourd'hui. Alberto Velasco a donc raison de vous le dire, quand on entend notre préopinant du groupe des Verts nous expliquer qu'il va falloir réduire la consommation, eh bien, on se réjouit de la transparence et de la clarté du message: Mesdames et Messieurs, ça veut dire qu'il faudra réduire de deux tiers votre consommation électrique ! (Exclamation.) Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder au vote. Je rappelle que la majorité de la commission recommande de rejeter cet objet.
Une voix. Vote nominal, Monsieur le président ! (Commentaires.)
Le président. Le vote sera de toute façon nominal, puisqu'il s'agit d'un vote final. Il n'est pas nécessaire de le demander, il se fait ainsi d'office.
Mise aux voix, la proposition de résolution 800 est rejetée par 58 non contre 30 oui et 1 abstention (vote nominal).
Débat
Le président. A présent, nous traitons la R 831-B en catégorie II, trente minutes. La parole échoit à Mme Céline Zuber-Roy.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission de l'environnement et de l'agriculture a étudié la proposition de résolution 831 au cours de deux séances au printemps 2019. Ce texte avait déjà fait l'objet d'un premier traitement en commission en septembre 2017, mais y avait été renvoyé par la plénière en mars 2019 suite au dépôt d'un amendement général par ses auteurs.
Pour rappel, le premier examen en commission avait confirmé que si la R 831 aborde un vrai problème, à savoir la dangerosité de certains produits phytosanitaires, notamment pour les abeilles, celui-ci est toutefois déjà identifié et surtout pris en charge par les Chambres fédérales. A tel point que les trois substances visées par le projet initial ont été interdites par la Confédération, comme l'objet le demandait.
Face à cet état de fait, qui rendait la proposition de résolution caduque, ses auteurs ont préféré présenter un amendement général en plénière plutôt que, plus logiquement, de la retirer. Cet amendement invite le Conseil fédéral - je cite - «à organiser la sortie programmée de l'ensemble des néonicotinoïdes» et «à renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives aux néonicotinoïdes».
La commission a donc repris son travail. Cependant, la nouvelle proposition ne change que peu la problématique. Il n'est pas utile que Genève renvoie une résolution au Parlement fédéral sur un sujet qu'il traite déjà. Comme l'a révélé l'audition de M. Max Huber, de la Société romande d'apiculture, un rassemblement interparlementaire et interpartis, appelé «groupe abeilles» et composé de soixante parlementaires fédéraux, s'est déjà formé avec la volonté de protéger les abeilles. Dans ce cadre, le renvoi d'un texte genevois n'est clairement pas nécessaire. Pour ces raisons, la majorité de la commission de l'environnement vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser cet objet, amendé ou non.
M. Philippe Poget (Ve), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, par cette proposition de résolution et à travers un amendement présenté en commission, nous avons voulu envoyer un signal fort au Conseil fédéral pour qu'il poursuive dans la bonne direction et élargisse l'interdiction d'utilisation à tous les néonicotinoïdes, pas seulement aux trois déjà proscrits. Divers rapports scientifiques nous confirment les problèmes engendrés par leur usage; on citera notamment la longue stabilité dans le miel - jusqu'à quarante mois - de ces pesticides controversés, ce qui vient ajouter aux impacts sur la vie des abeilles des conséquences potentielles sur la santé humaine.
Durant les travaux de commission, on a pu constater que tous les membres sont d'accord quant à la nécessité de protéger les abeilles, mais la majorité a cependant estimé que ce texte était superflu et procédait d'une analyse incomplète de la situation, le déclin des abeilles étant un phénomène multifactoriel. Par ailleurs, le recours à trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes est partiellement restreint depuis 2013 et définitivement prohibé depuis fin 2018. Mais cela ne suffit pas et c'est pourquoi nous avons proposé l'amendement déjà mentionné par Mme Zuber qui vise «à organiser la sortie programmée de l'ensemble des néonicotinoïdes» et «à renforcer» - c'est le deuxième point important - «les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives aux néonicotinoïdes».
Cet objet aurait de bonnes perspectives d'être accepté au niveau fédéral. En effet, ainsi que l'a déjà indiqué également la rapporteure de majorité, il existe un groupe interparlementaire et interpartis concernant les abeilles, qui réunit soixante parlementaires. Le thème est d'actualité, puisque en date du 18 mars 2022, un conseiller national Vert, M. Walder, a déposé l'interpellation suivante: «Néonicotinoïdes. Que fait le Conseil fédéral ?» On travaille donc sur le sujet et je pense qu'il faut continuer à mettre la pression sur notre Parlement.
Il est nécessaire d'organiser l'abandon définitif de l'ensemble des néonicotinoïdes, comme la France l'a fait depuis le 1er septembre 2018, en l'accompagnant d'un renforcement de la recherche en lutte biologique, car nos agriculteurs et agricultrices ont besoin d'alternatives pour se passer définitivement de ces substances dangereuses. Si certains pays européens ont accepté à titre temporaire de permettre l'usage d'un produit comme le Gaucho - n'y voyez rien de politique -, qui doit prétendument sauver la culture de la betterave à sucre, nous pourrions pour une fois nous montrer plus radicaux que l'Europe et nous en tenir à notre interdiction de cette molécule, ce que l'OFAG a heureusement fait.
Sans abeilles et autres insectes pollinisateurs, je le rappelle, il n'y aura plus d'agriculture. Même dans la production hors sol, on introduit des abeilles. Nous estimons dès lors qu'il est primordial de soutenir cette proscription afin de préserver les abeilles qui sont les alliées indispensables des paysannes et des paysans. Au vu de ces arguments, la minorité vous demande d'accepter cette proposition de résolution de même que son amendement et de la renvoyer au Conseil fédéral.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. La rapporteuse de majorité, Mme Zuber-Roy, a correctement rappelé l'historique de cette proposition de résolution, notamment le fait qu'à la base, elle visait trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes qui ont depuis été interdits par la Confédération. Eh bien précisément, Madame la rapporteuse, Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas de raison de s'arrêter là ! La situation est mouvante, et ce parlement doit évoluer avec les circonstances et adapter ses revendications. C'est logique, c'est du bon sens et c'est aussi beaucoup plus simple que de déposer texte après texte. Il est évidemment plus intéressant pour une commission ayant déjà réalisé le travail de modifier un objet qui a été discuté collectivement.
L'amendement général que j'ai déposé et signé avec les Verts s'ancre parfaitement dans la continuité de l'objectif initial; on élargit les considérants en disant que ce ne sont pas seulement trois pesticides de la classe des néonicotinoïdes qu'il faut proscrire, mais qu'il s'agit d'organiser l'abandon de l'ensemble des néonicotinoïdes. Une sortie programmée, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas un couperet insupportable pour l'agriculture, c'est une planification à court ou moyen terme de ce bannissement indispensable afin de pouvoir s'adapter. D'autant plus, et cela a été souligné par les deux rapporteurs, que nous préconisons par ailleurs le renforcement de la recherche d'alternatives.
On le voit, ce sont des revendications extraordinairement raisonnables, et en ce qui me concerne, je serais surpris que ce Grand Conseil n'accepte pas des propositions aussi modestes. Si nous ne sommes pas prêts à envisager à terme la sortie des néonicotinoïdes, cela signifie tout simplement qu'une majorité de ce parlement a décidé de ne rien faire en matière de préservation de la biodiversité, car enfin, l'agriculture peut s'en passer: ce n'est pas quelque chose d'indispensable et c'est beaucoup plus facile à remplacer que des engrais, par exemple.
Ces insecticides ont un très fort potentiel de dissémination, ils se répandent dans l'ensemble de la plante. Comme cela a été relevé, c'est nocif pour les abeilles. Alors on pense souvent aux abeilles domestiques, mais il faut rappeler qu'en Suisse, il existe plus de six cents espèces d'abeilles sauvages, dont près de la moitié - 45% - sont menacées, Mesdames et Messieurs, et les néonicotinoïdes jouent un rôle dans le déclin de ces espèces essentielles à la pollinisation des plantes sauvages.
Le problème touche d'autres pollinisateurs, les syrphes notamment. De plus, une étude de l'Université de Neuchâtel a démontré la présence de ces substances toxiques dans les plumes des oiseaux, il y a donc un risque bien réel d'impact sur la santé de l'avifaune également.
Une voix. Sur le temps de son groupe.
Une autre voix. Il passe sur le temps de son groupe.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Jean Burgermeister. Merci de parler à trois dans le micro ! Je poursuis: mais pire encore, Mesdames et Messieurs les députés, et cela devrait tous et toutes vous interpeller, des néonicotinoïdes peuvent se retrouver dans les aliments destinés à l'être humain. On sait qu'ils peuvent être présents en assez grande quantité dans le miel, et ce de manière persistante. Or des études suggèrent qu'une exposition forte à ces substances est susceptible d'entraîner des conséquences neurologiques chez l'être humain.
Dès lors, Mesdames et Messieurs, je m'étonne de l'opposition acharnée du PLR, qui est incompréhensible, à rebours de la nécessité pour la santé publique ainsi que pour l'environnement de programmer - je n'ai pas parlé de sortir demain, mais bien de programmer - l'arrêt des néonicotinoïdes, en accompagnant bien entendu les acteurs de l'agriculture en Suisse et à Genève. On peut se laisser le temps, mais enfin, vous en conviendrez, il y a une certaine urgence à préparer cette sortie indispensable. C'est pourquoi je vous invite, tout comme le rapporteur de première minorité, M. Poget, à voter l'amendement qui a été présenté, puis la proposition de motion ainsi amendée. (Remarque.) La proposition de résolution, pardon !
Le président. Merci, Monsieur. Je salue à la tribune la présence d'une ancienne députée, Mme Jacqueline Roiz ! (Applaudissements.) Monsieur François Wolfisberg, vous avez la parole.
M. François Wolfisberg (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous ne remettons d'aucune manière en cause la toxicité de certains produits, mais il a clairement été démontré que nos agriculteurs, dans leur globalité, sont sensibilisés à cette problématique et que l'utilisation des substances citées se fait en bonne intelligence et avec parcimonie. Sans oublier les producteurs bio qui cherchent sans cesse des alternatives organiques. L'utilisation avant floraison préserve les pollinisateurs de contact, et de la bouche des apiculteurs, les molécules incriminées ne constituent pas, en Suisse et surtout à Genève, la cause première de mortalité des abeilles.
Dans leur volonté d'exemplarité aveugle, les initiants de ce texte ne se rendent pas compte qu'une telle proposition est la mort annoncée de nos acteurs agricoles qui, jour après jour, se surpassent pour livrer des produits de qualité avec des prix abordables à la majorité des résidents du canton. Pour ces raisons, s'il faut bien sûr absolument préserver les abeilles, on ne doit en aucun cas les mettre en concurrence avec nos paysans, lesquels méritent notre confiance et notre soutien. En conclusion, tout comme la majorité de la commission, le groupe PLR vous invite à rejeter cet objet ainsi que l'amendement. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve). De quoi parle-t-on ici ? Il est question de protection des abeilles, bien sûr, mais de manière plus générale, c'est la sauvegarde des insectes bénéfiques, la préservation de la biodiversité qui forment le sujet de cette proposition de résolution. Or la protection de la biodiversité, c'est la protection de notre sécurité alimentaire, de notre nourriture, de la qualité des produits, de notre bien-être et finalement de notre santé.
A ceux qui aiment les abeilles - je vous ai entendus -, mais qui minimisent le problème de l'effondrement de la biodiversité, je dirai que nous évoquons ici des choses graves et des choix sérieux, puisque sans pollinisation des espèces végétales, celles-ci ne se reproduisent plus et disparaissent ! En Europe, 78% de la flore sauvage... Je les vois rire, évidemment ! En Europe, 78% de la flore sauvage - 78% ! - et 84% de la flore cultivée sont dépendantes de la pollinisation; c'est dire le rôle crucial que jouent les insectes pollinisateurs et notamment les abeilles domestiques, qui assurent à elles seules 30% de la pollinisation totale.
Alors je ne suis pas un grand client de la marchandisation des services à l'environnement, contrairement à d'aucuns, mais cela peut avoir le mérite de parler à certains bancs. Ce service à l'agriculture mondiale est estimé à 155 milliards d'euros, et c'est un service environnemental gratuit et irremplaçable. Tellement irremplaçable que des brevets ont déjà été déposés pour suppléer les abeilles. Oui, Mesdames et Messieurs, cinq brevets ont été présentés ces dernières années pour des microrobots pollinisateurs, qui n'existent actuellement que dans les séries Netflix, heureusement. On peut rire, mais voyez que certains pensent déjà au jour où il n'y aura plus d'abeilles.
Oui, la pollinisation constitue un service environnemental gratuit et irremplaçable, et pourtant l'abeille domestique et les pollinisateurs sauvages disparaissent, les populations déclinent depuis 1970. Ce syndrome de dépérissement des colonies est bien connu des apiculteurs, l'un de ses stigmates est une production de miel divisée par deux à trois selon les années, ce qui rend le métier de plus en plus difficile. Ce déclin n'est pas exclusivement dû aux pesticides, mais également à des maladies, aux parasites comme le varroa destructor ainsi qu'aux insecticides qui augmentent la mortalité des abeilles.
Les néonicotinoïdes utilisés pour lutter contre les insectes ravageurs dans les cultures représentent aujourd'hui dans le monde un tiers des insecticides et ils ne regroupent pas seulement les trois molécules que nous avons interdites, ils comptent treize molécules différentes. Seules trois d'entre elles sont interdites pour un usage en plein air en Europe et en Suisse depuis 2018 alors qu'elles ont une durée de vie d'environ trente ans. Responsables de la chute de la biodiversité, elles aggravent l'effondrement des colonies d'abeilles et elles sont aussi dangereuses pour la santé humaine, puisque plusieurs études récentes les mettent en relation avec le cancer du sein hormonodépendant chez les femmes.
Pour ces raisons, et c'est ce que nous vous proposons à travers notre amendement, il faut d'une part organiser une sortie programmée de l'ensemble des néonicotinoïdes, pas seulement des trois produits dont l'utilisation a été suspendue, et d'autre part renforcer la recherche afin de trouver des solutions biologiques pour les agriculteurs. Merci.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Léna Strasser (S). «Maman, c'est quoi un insecte ?» Mesdames les députées, Messieurs les députés, encore combien d'années avant que les enfants n'interpellent ainsi leurs parents ? 60% des insectes sont menacés de disparition, et parmi eux les abeilles. Pro Natura, en vue de la Journée mondiale de la biodiversité qui aura lieu dimanche, lance un cri d'alerte sur cette crise, arguant que les Suisses n'ont pas conscience de l'état de l'environnement qui se dégrade dans notre pays et des dangers qui nous menacent si le déclin des espèces se poursuit à ce rythme.
Le taux d'extinction des insectes est huit fois plus rapide que celui des mammifères, reptiles et oiseaux, et a un impact sur ces derniers ainsi que sur le reste de notre écosystème. Les abeilles constituent l'un des plus importants pollinisateurs de culture vivrière; un tiers de la nourriture que nous ingurgitons repose sur leur travail. Certes, les causes de la disparition des insectes sont plurielles - bétonnage du paysage, pollution lumineuse, changement climatique -, mais le recours à certains pesticides représente l'un des facteurs sur lesquels nous pouvons agir aujourd'hui en renvoyant cette proposition de résolution au Conseil fédéral.
Se borner à réduire l'usage des néonicotinoïdes, comme mon préopinant du PLR l'a suggéré, n'est pas suffisant. L'un des auditionnés en commission l'a rappelé: même s'ils sont utilisés à toutes petites doses, ils impactent les abeilles, qu'elles soient domestiques ou sauvages. Or nous avons besoin des abeilles, et celles-ci ont besoin que nous prenions des décisions concrètes pour leur sauvegarde, notamment celle de nous passer des produits qui leur sont nuisibles.
Nous sommes conscients que celles et ceux qui nous nourrissent en cultivant leur terre nécessiteront un soutien dans cette transition; il est dès lors indispensable de renforcer les recherches agronomiques afin de développer des alternatives aux insecticides. C'est l'objet de l'amendement présenté en commission que nous adopterons ainsi que la proposition de motion... Enfin, la proposition de résolution, plutôt. Merci. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Le MCG défend la nature genevoise. Le MCG défend le patrimoine genevois. Le MCG défend les abeilles genevoises... (Rires.) ...même si elles font parfois quelques incursions de l'autre côté de la frontière. Aussi, nous soutiendrons la proposition de résolution ainsi que son amendement, qui est le bienvenu et qui actualise le texte initial.
Néanmoins, même si nous sommes ravis qu'on nous propose de protéger les abeilles à Genève, nous sommes également surpris que les Verts nous demandent d'agir à Berne. Je comprends bien que la première signataire vient d'être élue au Conseil national et j'en suis heureux pour elle...
Une voix. Ah bon ?
Une autre voix. Il n'y a pas eu d'élections récemment.
M. François Baertschi. Néanmoins, je pense que l'action du groupe qui nous a présenté cet objet devrait se faire en priorité à Berne, on ne devrait pas utiliser le parlement genevois comme une sorte de caisse de résonance, je ne suis pas certain que cela soit de la plus grande efficacité. Pour ma part, je suis toujours très gêné quand des partis nationaux cherchent à utiliser notre Grand Conseil pour intervenir sous la coupole fédérale; c'est d'autant plus gênant lorsqu'il s'agit d'un thème qui nous est cher, d'un sujet qui doit être soutenu. Malheureusement, on utilise les mauvaises méthodes.
Alors agissons, nous irons bien évidemment dans la direction des personnes qui interviennent, parce que la sauvegarde des abeilles genevoises constitue un enjeu important, même capital pour la nature genevoise; nous y tenons, donc nous accepterons le texte, mais nous émettons tout de même ce petit bémol. Merci, Monsieur le président.
Mme Patricia Bidaux (PDC). En préambule à mon intervention, Monsieur le président, je souhaiterais que vous transmettiez à mes collègues qu'en tant que paysanne genevoise, je suis lassée des propos paternalistes qu'on entend continuellement envers notre agriculture genevoise, qui est composée de jeunes gens motivés et formés à l'utilisation des machines, à la gestion du patrimoine, à la prise en charge de leur terrain; ils passent constamment des permis, notamment celui de traiter. Je tenais à le souligner, parce que nos paysans sont des hommes et des femmes formés et toujours en cohérence avec ce qu'ils font, avec le travail de la terre. Merci de ne pas l'oublier.
Pour remettre les choses en perspective, Mesdames et Messieurs, je rappellerai que trois colliers pour chien contre les puces et les tiques, c'est l'équivalent du traitement d'un hectare de betterave dans nos champs. Alors quand votre animal de compagnie vient dormir dans votre lit, ne me dites pas que c'est parce que vous avez léché l'herbe de la plantation d'à côté que vous êtes contaminé, c'est bel et bien parce que vous avez caressé votre petit toutou. Voilà la deuxième chose que je voulais relever.
Concernant la recherche qui est en cours et qui doit évidemment se poursuivre, je précise qu'aucun paysan du canton ne souhaite continuer à utiliser des produits qui pourraient se révéler dangereux pour la santé. Moi-même, je n'entends pas faire de la publicité pour ces substances.
Nous sommes déjà en avance. Aujourd'hui, il y a des choses qui sont faites. Aujourd'hui, on utilise le sarclage. Aujourd'hui, on met en oeuvre des techniques modernes pour faire face à tout cela. S'agissant des produits biologiques, sachez que l'huile de neem, qui est un puissant insecticide, est utilisée en agriculture biologique et a le même effet sur la survie des abeilles. Merci de prendre du recul, merci d'ouvrir votre réflexion et pas seulement de suivre ce qu'on entend, ce qui est dans l'air du temps. Etre dans le vent, c'est l'ambition d'une feuille morte, il s'agit de regarder un peu ce qui se passe quotidiennement dans nos champs et de considérer le travail de nos paysans.
Pour toutes les raisons qui précèdent et parce que notre parti est convaincu que les agriculteurs de ce canton font le nécessaire, cherchent des solutions adéquates, s'engagent aussi au niveau national pour les actions qui doivent être menées, soutiennent la recherche, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser le renvoi de cette proposition de résolution à Berne. Je vous remercie. (Applaudissements. Commentaires.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole va à M. Patrick Dimier, à qui il reste cinquante-sept secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. On aura appris au moins une chose dans ce débat, c'est qu'il est nécessaire d'avoir un Gaucho pour chasser les pucerons Verts ! C'est déjà ça. Je dois dire que les oppositions ont la fâcheuse tendance à nous donner le bourdon, parce que s'il y a vraiment quelque chose d'important à protéger, ce sont les abeilles. D'ailleurs, je vous invite tous à planter de petites graines qui feront venir les abeilles dans vos champs, dans vos jardins et pourquoi pas sur vos balcons. Ce parlement est une ruche, et on ne saurait rester...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Patrick Dimier. Oui, une seconde, j'arrive ! Pour conclure, je suis la preuve qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une taille de guêpe pour traiter du sujet !
Le président. Je vous remercie. Madame Danièle Magnin, il ne reste plus de temps à votre groupe.
Une voix. J'ai compris, Monsieur le président, merci. Cela ne me surprend pas !
Le président. Maintenant, je repasse la parole à M. Jean Burgermeister...
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, merci, Monsieur le président...
Le président. ...pour une minute quarante sur le temps du groupe.
M. Jean Burgermeister. Pardon ?
Le président. Il vous reste une minute quarante.
M. Jean Burgermeister. Je ferai vite, Monsieur le président, merci. D'abord, j'aimerais répondre à la députée PDC qui a rappelé l'engagement bien réel des paysans et des paysannes de ce canton, et souligné une réalité qu'on a vue émerger ces dernières années, celle d'une nouvelle génération d'agriculteurs et d'agricultrices montrant une sensibilité accrue pour les questions environnementales, notamment la préservation de la biodiversité. Mais raison de plus, Mesdames et Messieurs, pour accompagner ce mouvement en instaurant un cadre légal à l'échelle du pays afin d'empêcher une concurrence qui serait difficile à supporter entre celles et ceux qui entendent s'affranchir de ces produits nocifs et celles et ceux qui continuent aveuglément à les utiliser au détriment de l'intérêt du plus grand nombre, de la santé publique et de la biodiversité.
C'est précisément parce qu'il serait injuste de faire reposer la nécessaire sortie des néonicotinoïdes sur les seules épaules des paysans et des paysannes en leur disant: «Maintenant, faites un effort !» que nous proposons ici un texte qui dispose la chose suivante: la Suisse doit programmer cet arrêt, doit également trouver des alternatives... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et ne pas faire peser toute la responsabilité sur le dos de celles et ceux qui cultivent la terre au quotidien.
Enfin, je vais encore répondre très brièvement au député PLR: on a appris aujourd'hui que le PLR, pourtant chantre de la compétition libre et non faussée, s'inquiétait de voir mis en concurrence les paysans et les abeilles.
Le président. C'est terminé, merci...
M. Jean Burgermeister. Eh bien qu'il soit rassuré, Mesdames et Messieurs: les deux travaillent en général main dans la main, et c'est précisément pour préserver cette collaboration essentielle... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur poursuit son intervention.) ...qu'il faut voter la résolution amendée ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. La parole va à M. Philippe Poget.
M. Philippe Poget (Ve), rapporteur de première minorité. Est-ce qu'il me reste du temps ? (Remarque.) D'accord, eh bien votez la résolution amendée, Mesdames et Messieurs ! Merci. (Rires.)
Le président. Merci à vous. Pour finir, je rends la parole à Mme Céline Zuber-Roy pour une minute.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Une minute, alors je serai brève. Comme je l'ai indiqué en introduction, il s'agit ici de renvoyer un texte au Conseil fédéral alors que, j'ai clairement insisté là-dessus, le sujet est déjà traité à l'échelle fédérale. Je remercie Mme Bidaux pour son intervention qui constitue un témoignage, qui permet d'appréhender la complexité de la problématique. Il ne suffit pas de définir de grands principes en s'écriant: «On en sort, voilà, c'est fini !», il faut une approche plus subtile, et j'ai toute confiance en nos parlementaires fédéraux pour cela.
Je réagis à l'intervention de M. Baertschi, qui nous a indiqué que le MCG soutiendra la proposition de résolution. Il trouve dommage... (Remarque.) Oui, mais je ne peux pas me tourner en parlant dans le micro !
Une voix. Il t'entend !
Mme Céline Zuber-Roy. Magnifique ! Il nous explique d'un côté qu'il n'aime pas renvoyer des textes à Berne, mais qu'il le fera tout de même, je trouve cela regrettable. Vraiment, on continue à décrédibiliser Genève, parce que même si sur le fond...
Le président. Sur le temps de votre groupe.
Mme Céline Zuber-Roy. Ah, parfait ! (Rires.) Merci, Monsieur le président.
Le président. Oui, il vous restait encore un petit peu de temps sur votre groupe, Madame.
Mme Céline Zuber-Roy. Une minute quarante-cinq, ça va aller ! Donc je disais... (L'oratrice reprend son souffle.) Excusez-moi ! Monsieur Baertschi, vous nous expliquez que vous êtes d'accord sur le fond, mais sauf erreur, vous avez... Non, pardon, vous n'avez plus de conseillers nationaux, mais il y a toujours des relais: comme cela a été noté, M. Walder, parlementaire genevois, a déposé une interpellation dans ce sens.
La question est déjà examinée à Berne, donc simplement ajouter une intervention genevoise qui dit en gros: «Nous savons toujours mieux que vous, merci de travailler sur le sujet, mais nous allons quand même vous expliquer comment faire votre travail, merci d'agir comme les Genevois le préconisent, parce que nous sommes meilleurs que vous», je ne suis pas convaincue de l'efficacité de ce procédé. (Commentaires.) J'entends les rapporteurs de minorité s'exclamer: «C'est vrai !» J'avoue que par fédéralisme, je pensais à l'égalité, mais bon...
Amendé ou pas, cet objet... Je précise encore une fois que l'amendement n'est pas nouveau, c'est bien celui qui a été étudié en commission. La majorité ne juge pas utile de renvoyer un texte aux autorités fédérales pour leur signifier: «Merci de poursuivre les démarches que vous avez déjà entamées.» Pour cette raison, et non pas parce que nous estimons que c'est une bonne chose d'utiliser ces produits, mais bien parce que nous faisons confiance au Parlement fédéral, je vous invite à refuser tant l'amendement que la proposition de résolution, amendée ou non.
Le président. Je vous remercie. (Remarque.) Vous n'avez plus de temps de parole, Monsieur Burgermeister... (Remarque.) Eh non, vous avez déjà eu quatre secondes de plus ! Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une demande d'amendement présentée par M. Philippe Poget:
«Invites (nouvelle teneur)
invite le Conseil fédéral
- à organiser la sortie programmée de l'ensemble des néonicotinoïdes;
- à renforcer les recherches agronomiques, notamment dans les études d'alternatives aux néonicotinoïdes;
invite le Conseil d'Etat
à soutenir cette initiative cantonale.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 51 oui contre 40 non.
Mise aux voix, la résolution 831 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral et au Conseil d'Etat par 52 oui contre 41 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous poursuivons avec la R 846-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport initialement rédigé par M. Christian Dandrès est repris par M. Alberto Velasco, à qui je donne la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. Nous sommes ici saisis d'une proposition de résolution dont l'origine est étonnante: l'auteur est M. Zacharias qui, tout à coup, a été pris d'une attitude bienveillante envers les locataires et les personnes âgées de plus de 65 ans. Voici ce que demande cet objet qui a été accepté par une majorité, Mesdames et Messieurs - je le lis:
«[...] vu l'article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 décembre 1985;
considérant:
- la Constitution fédérale, du 18 avril 1999, et plus particulièrement son article 7 relatif à la dignité humaine;
- la loi fédérale complétant le Code civil suisse, du 30 mars 1911, qui règle le droit du bail en ses articles 253 et suivants,
demande à l'Assemblée fédérale
de modifier la loi fédérale complétant le Code civil suisse, dans le sens d'inscrire une interdiction de résilier le contrat de bail d'une personne âgée de plus de 65 ans lorsque cette résiliation intervient uniquement dans le but de pouvoir augmenter le loyer ("congé économique").»
Il me semble que c'est assez clair. Je dois relever le fait que M. Dandrès avait proposé un amendement stipulant que la protection des locataires de plus de 65 ans s'applique hormis en cas de défaut de paiement ou de violation du devoir de diligence. Malheureusement, cette modification a été refusée. Nous avons tout de même voté la proposition de résolution, car elle protège les gens.
Vous savez que bien souvent, à partir de 65 ans, les personnes ont des revenus restreints. Chez nous, certains touchent tout juste 3500 francs avec l'aide complémentaire, et trouver un loyer de 1100 francs aujourd'hui, c'est très difficile. Généralement, quand on résilie le bail de ces locataires, le loyer augmente. Les gens qui arrivent à l'âge de la retraite habitent dans leur logement depuis vingt, trente ans, et il est extrêmement difficile pour eux de voir leur bail résilié pour des raisons économiques. Alors voilà, Mesdames et Messieurs, je vous propose d'accepter ce texte qui demande à l'Assemblée fédérale de modifier le code civil.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Ronald Zacharias, Eric Stauffer, Pascal Spuhler et Carlos Medeiros ont élaboré un projet populiste afin de blâmer la Gérance immobilière municipale pour ses pratiques douteuses envers certains de ses locataires. Et la gauche soutient ça. C'est une belle vitrine, bravo, belle alliance - un peu contre nature, mais voilà.
Maintenant, si nous nous intéressons vraiment au fond de ce projet de loi - de cette proposition de résolution, pardon, celle-ci demande au Parlement fédéral d'empêcher toute résiliation de bail s'agissant de locataires de plus de 65 ans. 65 ans ! Certains d'entre vous dans cette salle sont concernés par cette mesure d'âge, et je suis désolée, mais je trouve que vous faites tous encore très jeunes. Pour moi, la vision du retraité vulnérable et sans défense est un peu abusive alors que la plupart des personnes de plus de 65 ans sont en pleine force de l'âge et très actives, vous devriez vous sentir offensés, voire insultés.
Une voix. Exactement !
Mme Diane Barbier-Mueller. Outre la porte ouverte aux abus que ce privilège va générer et éventuellement la violation de la liberté économique, le vrai problème de ce texte, c'est la défiance qu'il risque d'engendrer envers les personnes de plus de 65 ans. Un bailleur devant choisir entre un couple de retraités et un autre privilégiera le couple jeune pour éviter de se retrouver avec des locataires dont il ne pourra pas résilier le bail. Cela créera un effet boule de neige: il y aura une cristallisation de la pénurie de logements, les personnes de plus de 65 ans ne quitteront plus leurs appartements, appartements qui seront sous-occupés, et les jeunes familles ne trouveront pas de foyer adapté à leurs besoins, il n'y aura plus que des trois ou quatre-pièces. Sans mentionner le fait que cet objet va alourdir l'ordre du jour de Berne pour absolument rien, puisqu'il sera classé sans suite - c'est en tout cas ce que j'espère. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser cette proposition de résolution pour toutes les raisons que j'ai évoquées. Merci.
Une voix. Très bien !
M. André Pfeffer (UDC). Cette proposition de résolution est louable, mais je rappelle que M. Ronald Zacharias, avocat, spécialiste de l'immobilier et auteur du texte, n'a pas pu répondre à un commissaire qui demandait s'il avait opéré un examen de conformité avec le droit fédéral. Cet élément est important et devrait au minimum être réglé avant l'envoi d'un objet à Berne. Par ailleurs, je m'étonne de l'absence d'auditions et de discussions, voire d'évaluations, au sein de la commission du logement.
Comme vient de le relever notre collègue Barbier-Mueller, une telle proposition de résolution pourrait avoir des effets négatifs. Le renforcement de la protection d'une catégorie de personnes pourrait inciter les bailleurs à prendre plus de garanties envers ces mêmes locataires.
En ce qui concerne l'invite, indépendamment de l'âge qui y est indiqué, je pose une question au Conseil d'Etat: j'aimerais savoir si l'interdiction de résilier un bail uniquement pour pouvoir augmenter le loyer n'est pas déjà en vigueur à Genève. Vu l'absence d'étude approfondie de ce texte, je trouve qu'il serait très peu sérieux de le renvoyer à Berne. Pour cette raison, le groupe UDC le rejettera. Merci.
M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, quelques mots pour vous dire que je vais reprendre l'amendement de M. Dandrès tel qu'il avait été formulé en commission.
Cette proposition de résolution part d'une bonne intention: elle vise, je le répète, à ce que les résiliations de bail dans le but d'augmenter le loyer soient interdites pour les personnes âgées de plus de 65 ans, que celles-ci ne puissent pas être expulsées. Les retraités ont moins de revenus, c'est une évidence.
Je vous rappelle que toute cette affaire est partie du fait que certains se voyaient résilier leur bail parce que leurs enfants quittaient la maison et qu'ils n'avaient plus le droit d'occuper leur logement, notamment ceux de la Ville de Genève, que leurs revenus «dépassaient», entre guillemets, le taux d'effort et le taux d'occupation. C'est un pur scandale de voir des gens de plus de 65 ans se faire mettre dehors pour ces raisons alors qu'ils s'acquittent de leur loyer depuis des années, qu'ils ont complètement rentabilisé les appartements en payant des loyers surfaits, oui, surfaits, car le taux hypothécaire n'a pas été abaissé comme il se doit. Et soudain, on leur dit: «Ah, mais votre pécule ne vous permet plus d'habiter dans des logements de la Ville de Genève.» Celle-ci a mis un terme à cette pratique, elle a interdit la résiliation de bail des personnes de plus de 65 ans, et c'est bien.
Avec cet amendement, nous proposons de faire de même. Il s'agit d'inviter les Chambres fédérales à faire en sorte que, sauf exception - comme je l'explique dans la demande, l'exception étant le défaut de paiement, parce que dans ce cas-là, on n'y peut pas grand-chose -, la résiliation de bail soit purement et simplement interdite s'agissant des retraités, qui l'ont bien mérité, parce qu'ils ont travaillé toute leur vie, qu'ils ont payé leur loyer régulièrement, bien souvent pendant quarante ans, qu'ils ont complètement rentabilisé le logement que leur propriétaire, qu'il soit public ou privé, a mis à leur disposition, propriétaire qui est totalement rentré dans ses frais... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...par rapport à son investissement de départ. Il n'y a pas de raison de ne pas interdire cette pratique comme le proposent certains, en l'occurrence M. Zacharias...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur...
M. Rémy Pagani. Merci beaucoup.
Une voix. Il dit toujours ça au moment où on conclut, c'est agaçant !
M. Daniel Sormanni (MCG). Effectivement, Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de résolution part d'une bonne intention et ce n'est que justice de la voter telle qu'elle est sortie de commission. Un certain nombre de cas ont défrayé la chronique au sein de la Gérance immobilière municipale, mais une très large majorité - sauf erreur même l'unanimité - du Conseil municipal de l'époque a amendé son règlement afin de mettre fin à ces pratiques.
Et heureusement, car certaines personnes ne correspondaient plus aux conditions légales prévues par le règlement, et il arrivait qu'elles reçoivent leur congé sans autre forme de procès, si je peux le formuler ainsi, avec tous les problèmes que cela peut engendrer s'agissant de personnes d'un certain âge. Il y a même eu des gens de plus de 70 ans, voire 75 ans, qui ont vu leur bail résilié, et il a fallu intervenir individuellement sur le règlement de la GIM pour éviter cela.
Le texte part donc d'un bon sentiment, et je pense qu'on peut tout à fait aller de l'avant avec cette proposition de résolution, ce que je vous invite à faire. Par contre, nous n'entrerons pas en matière sur l'amendement, qui avait déjà été présenté en commission et que la majorité avait refusé. A mon sens, l'invite de base est suffisante et nous vous recommandons de la soutenir. Merci.
Le président. Je vous remercie. Monsieur André Pfeffer, il vous reste une minute treize.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais préciser ceci: l'invite telle qu'elle a été votée en commission spécifie que l'interdiction de résilier un bail s'applique uniquement lorsqu'il s'agit d'augmenter le loyer. J'ai déjà posé la question au Conseil d'Etat; à mon avis, renvoyer cette proposition de résolution telle quelle n'a aucun sens, parce que cette condition est déjà en vigueur à Genève. Maintenant, M. Pagani propose un amendement qui, lui, est très clair: il stipule qu'il est interdit de résilier le bail de toute personne âgée de plus de 65 ans excepté lors de non-paiement du loyer et autre. Cela étant, j'attire l'attention de cette assemblée sur le fait qu'il faut vraiment garder l'invite telle qu'elle est sortie des travaux de commission. Merci.
Le président. Merci bien. Je repasse la parole à M. Alberto Velasco pour trois minutes trente.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur ad interim. Pour combien de temps, Monsieur le président ?
Le président. Trois minutes trente.
M. Alberto Velasco. Oh ! Magnifique ! D'abord, Mesdames et Messieurs, il s'agit d'une proposition de résolution, n'est-ce pas, avec tout ce que cela implique, ce n'est pas un projet de loi qui, lui, serait impératif. Le texte demande simplement aux Chambres fédérales de procéder à des changements, voyez-vous, et connaissant le Parlement fédéral, les chances sont plutôt minces. Mais enfin quand même, Genève pourrait s'enorgueillir de faire un geste envers les personnes âgées de plus de 65 ans !
Il ne faut pas croire que tous ceux qui arrivent à la retraite perçoivent des rentes confortables. Il y a énormément de gens qui, à l'époque, n'avaient pas de deuxième pilier et touchent juste l'AVS. L'AVS, vous savez que c'est 2300 francs au maximum, et ils doivent ensuite aller à l'aide complémentaire. A l'aide complémentaire, certes, le loyer est pris en charge, mais à condition qu'il ne dépasse pas un certain montant. Or aujourd'hui, les loyers que ces personnes doivent payer sont bien au-delà de ce que le complément de retraite englobe. Cette proposition de résolution est importante, parce que si ces gens-là viennent à voir leur bail résilié, sur le marché actuel de Genève, je les vois difficilement trouver un logement correspondant à leurs revenus.
Vous me direz qu'ils peuvent s'adresser à l'aide sociale, mais quand on sait que 8000 personnes attendent actuellement un logement social, j'ai de la peine à voir comment ils pourraient s'en sortir. Pour les locataires qui reçoivent une résiliation de bail pour les raisons qui ont été relevées ici, c'est l'angoisse, une angoisse terrible ! Terrible ! Ces gens me téléphonent parfois, puisque je suis président de l'ASLOCA, en pleurant, ils ne savent pas que faire, vous comprenez, c'est compliqué. Alors on les reçoit, on leur dit qu'on va essayer de les défendre.
Ce que je veux dire par là, c'est qu'on se trouve ici devant une catégorie de la population qui a très peu de moyens de s'en sortir ou de se défendre. Toutes les personnes qui sont à la retraite, je le répète, ne disposent pas de rentes à un niveau qui leur permet d'affronter pareille situation. Chers collègues, il ne s'agit que d'une proposition de résolution qui invite Berne à prendre ce cas en charge, voilà tout, et je vous demande à vous, députés genevois, d'ouvrir votre coeur et de la voter. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous procédons maintenant au vote de l'amendement qui nous a été soumis par M. Rémy Pagani et que je vous lis:
«Nouvelle invite
- d'interdire la résiliation du contrat de bail d'une personne âgée de plus de 65 ans hormis dans l'un des cas visés à l'article 271a, al. 3, du code des obligations.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 35 oui.
Mise aux voix, la résolution 846 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 45 oui contre 39 non et 3 abstentions (vote nominal).
Débat
Le président. Voici le point suivant de notre ordre du jour: la R 973-A, classée en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Les rapporteurs sont priés de prendre leur carte avant de s'installer à la table. (Un instant s'écoule.) Pour le moment, seul le rapporteur de deuxième minorité s'est annoncé... (Un instant s'écoule.) Ah voilà, je donne la parole à la rapporteure de majorité, Mme Amanda Gavilanes.
Mme Amanda Gavilanes (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Excusez-moi, j'avais oublié d'appuyer sur le bouton. A croire, vu le sujet, que j'étais sous l'eau... Bref, c'est la fin de la journée !
Une voix. C'est bientôt fini.
Mme Amanda Gavilanes. Oui, voilà. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui le rapport de majorité concernant la proposition de résolution 973, qui porte sur l'aménagement du Rhône en aval du pont Sous-Terre. Celle-ci a été traitée par la commission d'aménagement du canton lors de trois séances en septembre, novembre et décembre 2021. Les travaux ont mis en lumière la nécessité d'une collaboration entre l'Etat et la Ville de Genève afin de garantir le développement d'un projet où l'eau, qui constitue un élément structurant du territoire, est considérée à sa juste valeur. C'est précisément à partir de l'eau que l'on pourra concevoir un plan d'aménagement de qualité qui remplisse les attentes de la population genevoise.
En effet, voilà de nombreuses années que la pointe de la Jonction et le pont Sous-Terre connaissent une fréquentation de plus en plus élevée, que la Ville et le canton - mais surtout la Ville - tentent de trouver des solutions, et la présente proposition se place dans cette lignée-là, il s'agit de donner une impulsion. Comme vous le savez, les bords du Rhône ont un succès croissant, en particulier durant la saison estivale; les berges de la pointe de la Jonction et du pont Sous-Terre sont littéralement prises d'assaut, et il est nécessaire d'installer dans cette zone des infrastructures qui offrent plus de convivialité et de sécurité.
Malheureusement, il n'a pas été possible de trouver un compromis. Cet objet légèrement amendé par la commission demande au canton de prendre langue avec la Ville afin de résoudre ce problème et de procurer aux habitants l'accès à l'eau qu'ils réclament tant et dont nous avons discuté à de nombreuses reprises ces dernières semaines dans notre enceinte. Je me permets de vous lire le texte tel que sorti des travaux de commission:
«[...] invite le Conseil d'Etat
- à effectuer toutes les démarches nécessaires permettant de réaliser un projet d'aménagement pour l'accès au Rhône en aval du pont de Sous-Terre, le long de la pointe de la Jonction, en collaboration avec la Ville de Genève;
et plus particulièrement
- à faciliter l'installation ou la prolongation de pontons le long des berges;
- à développer les accès à l'eau et les délimitations nécessaires à la baignade dans le fleuve;
- à soutenir la mise en place d'un système d'information des changements de débit du fleuve;
- à faciliter la mise en place d'un pont pédestre en aval du pont de Sous-Terre.»
C'est cette dernière invite qui a été amendée par la commission. A la quasi-unanimité... Non, je plaisante: à la majorité, la commission a accepté cette proposition de résolution et vous invite dès lors à y donner bonne suite. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole va maintenant à M. Stéphane Florey, rapporteur de deuxième minorité.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Tu ne prends pas la parole ?
M. Rémy Pagani. Après ! Après toi.
M. Stéphane Florey. Mais tu dois intervenir en premier.
M. Rémy Pagani. Non, non, vas-y.
M. Stéphane Florey. Bon... Cette proposition de résolution pose un problème de sécurité. On l'a vu par le passé: tous les aménagements au fil de l'eau génèrent malheureusement un certain nombre de noyades. Or un noyé, c'est un noyé de trop. Il faut juste se demander pourquoi; quand vous créez ce type d'infrastructures, vous donnez confiance aux citoyens, ils croient qu'ils vont pouvoir se baigner en toute sécurité alors que c'est totalement faux.
La baignade en eaux vives reste dangereuse, et avant d'installer quoi que ce soit, il faut que les personnes aient conscience de cela et que l'Etat lui-même l'admette. Soit on informe correctement les gens en leur disant: «Vous pouvez vous baigner, mais c'est à vos risques et périls. Si un accident survient, ma foi, on vous aura mis au courant, vous aurez pris le risque en toute connaissance de cause», soit on s'applique à ce que cela n'arrive pas, c'est-à-dire que le jour où on construit des équipements, on fournit la sécurité qui va avec.
Voilà des années qu'on observe les différentes autorités, notamment la Ville de Genève, se renvoyer la balle. J'entends encore M. Pagani prendre la parole au Conseil municipal en tant que conseiller administratif et renvoyer la patate chaude au Conseil d'Etat, il le disait lui-même à l'époque, et on en est là aujourd'hui. Vous pouvez concevoir tous les projets d'aménagement que vous voulez, le problème, c'est que le risque est évident et que personne ne veut l'endosser.
Alors maintenant, comme je l'indiquais avant, soit l'Etat dit à la population: «C'est chacun pour soi et on se dédouane de toute responsabilité s'il vous arrive quelque chose», mais il faut le formuler clairement et bien le mettre en avant, soit il s'engage vraiment en prenant les choses en main, en développant un réel concept de sécurité, en mettant tout en oeuvre pour qu'il n'y ait plus de noyades. Bien entendu, la sécurité ne sera jamais de 100%, j'en suis parfaitement conscient et je peux très bien vivre avec, mais il faut arrêter de revenir à la charge chaque année.
En effet, depuis que je siège ici, c'est-à-dire 2007, on vote quasiment tous les deux ans des projets de ce type, que ce soit des pétitions, des motions ou des résolutions, tout ça pour satisfaire la gloriole du premier signataire, qui peut alors s'exclamer: «Ah, moi j'ai réussi à améliorer la baignade au bord du Rhône !» Sauf qu'on parvient toujours au même résultat: des aménagements sont mis en place, les gens vont se baigner et malheureusement, de temps en temps, on déplore des décès dus à des noyades.
Il faut bien comprendre que Genève n'a pas la culture de la baignade en eaux vives, c'est un mythe. On ne voit nulle part ailleurs les mêmes équipements, à savoir qu'aujourd'hui, on incite la population à nager entre deux barrages. Vous ne trouvez ça nulle part ailleurs, il n'y a qu'à Genève qu'on voit ça ! Allez à Berne ou n'importe où d'autre, il n'y a pas la même configuration. Non seulement le danger n'est pas le même, mais surtout les gens ont cette culture de la baignade en eaux vives; à Genève non, ça reste un mythe. Vous faites croire aux habitants qu'ils peuvent se baigner dans le Rhône. La plupart des autres cantons et villes n'ont pas la chance d'avoir un lac à proximité; ici, on peut nager dans le lac, mais non, on pousse les gens à aller se noyer dans le Rhône. C'est juste une aberration ! Assumez vraiment ça ou alors refusez cette proposition de résolution. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce qu'il faut dire en préambule, c'est que le canton ne développe malheureusement pas de politique pour mettre en oeuvre la volonté populaire, qui devient de plus en plus pressante, d'accéder aux berges de notre lac. Je prends l'exemple du quai Wilson: celui-ci est encore en enrochements alors qu'on nous promet depuis quinze ans des estacades, des lieux agréables, et j'ai pourtant vu des tas de projets. Voilà le premier problème.
Le deuxième enjeu, c'est l'accessibilité à l'ensemble des rives du lac. Je l'ai indiqué hier soir et je continuerai à le marteler: tant que le gouvernement du canton ne manifestera pas de volonté de développer, comme autour du lac de Neuchâtel, des sentiers pédestres... Il ne s'agit pas de créer des pistes cyclables, il s'agit d'aménager un cheminement piétonnier, comme à Thonon, où les gens peuvent accéder au lac, se promener, s'y rafraîchir, parce qu'aujourd'hui, on est face à un vrai problème climatique; les étés seront de plus en plus rudes pour les uns et les autres, et il faut rendre les bords du lac accessibles au public.
Or ce qu'on voit, mis à part la plage des Eaux-Vives qui est très bien de ce point de vue là, c'est qu'on met des millions au Vengeron ou à la plage des Eaux-Vives, et puis on envoie les gens se baigner le long du Rhône. En ce qui me concerne, j'ai un véritable problème de conscience chaque fois que je vois l'hélicoptère partir pour les bords du Rhône afin de repérer un noyé ou quelqu'un qui s'est perdu, je trouve cela lamentable.
Les pompiers le savent, et l'Etat de Genève le signale très clairement - je vous cite ses recommandations: «On ne nage pas dans le Rhône comme on le ferait en piscine. La baignade en eaux vives n'est recommandée qu'aux excellents nageurs et nageuses. Courants forts et imprévisibles, chutes de température, bateaux qui aspirent ou assomment, variations de profondeur, objets inattendus et dangereux, risque de fond rocheux, les dangers sont nombreux. Il faut donc s'y préparer et veiller les uns aux autres.» C'est un extrait de la fiche «Se baigner dans le Rhône» qui figure sur le site ge.ch, vous pouvez aller la consulter.
C'est tout de même extraordinaire: nous sommes le seul canton où on invite les gens à se baigner dans une zone en deçà d'un barrage, là où les eaux changent constamment, et on y construit des pontons, on y installe ci et ça, on y vend de l'alcool. Les gens se précipitent dans ce lieu, alcoolisés, alors évidemment, les accidents sont prévisibles. Certes, ça paraît très beau, très bucolique de nager dans le Rhône à cet endroit-là ou, de manière générale, de se baigner... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Il y a des salles à votre disposition à l'extérieur pour tenir vos colloques, Mesdames et Messieurs, mais ici, laissez les orateurs s'exprimer. Je vous remercie. Poursuivez, Monsieur.
M. Rémy Pagani. Ça paraît peut-être très bucolique pour les jeunes, et d'ailleurs, il y a encore le problème du pont Sous-Terre. Il est interdit de sauter depuis le pont Sous-Terre, mais personne n'est présent pour empêcher les jeunes de se lancer. Pourtant, c'est défendu ! Et on laisse croire le contraire aux jeunes gens. Je ne vous dis pas le drame quand un adolescent se noie dans des conditions pareilles; évidemment, les derniers noyés étaient des étrangers qui séjournaient à Genève temporairement, donc les drames se sont passés ailleurs. Mais le jour où un jeune bien de notre république se noiera, c'est fort possible qu'une famille se retourne contre l'Etat ou la Ville de Genève parce qu'ils n'auront pas suffisamment mis en garde ou même parce qu'ils auront soutenu la pratique de la baignade à cet endroit.
Je le dis et le redis: il faudrait au moins sécuriser les lieux. Il y avait l'idée que les services de secours volontaires - qui accomplissent un travail admirable, je tiens à le souligner, pour ce qui est de la protection de la rade, pour aller rechercher des bateaux en perdition - s'occupent d'une zone définie, comme on le voit ailleurs, et c'est d'ailleurs étonnant qu'on ne s'en inspire pas. Dans l'ouest de la France, où on va tous, au bord de l'Atlantique, il y a des périmètres délimités pour la baignade qui sont surveillés par les pompiers. Or à Genève, cela n'existe pas, il n'y a même pas un secteur circonscrit sur le Rhône, ouvert au public, où les gens peuvent nager s'ils le souhaitent vraiment.
Je ne suis pas opposé à la baignade en tant que telle, je condamne le fait que les autorités encouragent celle-ci sans se donner les moyens de protéger la population, mission à laquelle elles se sont pourtant engagées, c'est quand même pour cela que nous sommes élus, c'est pour préserver nos citoyens. Malheureusement, ce que je constate, c'est qu'on se contente de mettre un petit panneau en avertissant les gens qu'il est dangereux de nager à cet endroit, c'est tout. Merci de votre attention. J'ai terminé, Monsieur le président.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi exceptionnellement d'intervenir après les rapporteurs et avant un bon nombre d'orateurs pour vous dire que cet objet revêt bien entendu une importance majeure. Or quelle n'a pas été ma surprise de constater que la commission n'a auditionné aucun des services cantonaux concernés, elle a juste entendu la Ville de Genève.
Il s'agit ici de compétences de l'office cantonal de l'eau avant tout. Il faut également régler avec l'office cantonal de l'agriculture et de la nature les questions liées aux obligations fédérales de protection de la biodiversité. Quant aux éléments essentiels évoqués par M. Pagani en matière de sécurité, il convient encore d'entendre la police cantonale qui est chargée de la sécurité des personnes et qui mène des politiques sur ce plan.
Très sincèrement, Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport qui contient seulement l'avis de la Ville de Genève occulte toute une série d'actions d'ores et déjà menées; des enjeux sont aujourd'hui soulevés qui n'y figurent nulle part. C'est pourquoi le Conseil d'Etat propose le renvoi en commission de cette proposition de résolution dans le but d'auditionner ces trois entités cantonales concernées par l'objet de vos discussions.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, donc je repasse la parole aux rapporteurs. Monsieur Florey ?
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président, c'est exactement la chose à faire: aller au bout de l'étude, au terme du processus, et ceux qui continueront à défendre cette proposition de résolution le feront en toute connaissance de cause, avec possiblement des morts sur la conscience, mais ça les regarde.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, je suis en faveur du renvoi en commission dans la mesure où nous avons la responsabilité d'étudier l'ensemble de la problématique. On pourrait d'ailleurs nous reprocher de ne pas avoir fait le travail ou accuser le Conseil d'Etat - c'est pourquoi je me réjouis de cette intervention de M. Hodgers - de ne pas avoir pris la parole pour dire: «Vous n'avez pas suffisamment examiné la question, il faut aller plus loin», le Mémorial étant consultable. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à soutenir le renvoi. Il ne s'agit pas de peindre le diable sur la muraille, ce n'est pas nécessaire, je crois que tout le monde a compris qu'il convient d'approfondir le sujet. Je vous remercie par avance.
Mme Amanda Gavilanes (S), rapporteuse de majorité. Je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit, nous sommes également en faveur du renvoi en commission.
Le président. Bien, merci. Mesdames et Messieurs, je vous prie de vous prononcer sur la demande de renvoi à la commission d'aménagement du canton.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de résolution 973 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 57 oui contre 25 non.
La proposition de résolution 900 est retirée par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons bien travaillé. Je vous donne rendez-vous les jeudi 2 et vendredi 3 juin prochains pour nos séances supplémentaires. Passez un excellent week-end !
La séance est levée à 19h50.