République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 18 mars 2022 à 18h05
2e législature - 4e année - 9e session - 53e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h05, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.
Assiste à la séance: M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Béné, Beatriz de Candolle, Joëlle Fiss, Serge Hiltpold, Véronique Kämpfen, Katia Leonelli, Pierre Nicollier, Xhevrie Osmani, Patrick Saudan, Salika Wenger et François Wolfisberg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Rémy Burri, Denis Chiaradonna, Corinne Müller Sontag, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti et Pascal Uehlinger.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Nous reprenons notre programme des urgences avec la M 2531-A, classée en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à la rapporteure, Mme Céline Zuber-Roy.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. La proposition de motion 2531 a été déposée en mars 2019 et traitée à la commission de l'environnement durant trois séances en juin et septembre 2019. Elle concerne le traitement des mâchefers, c'est-à-dire des résidus provenant de l'incinération des déchets. Je précise déjà à ce stade que cette motion ne vise que la question du traitement des mâchefers après l'incinération. La thématique de la réduction des déchets avant incinération, qui a évidemment un impact sur la quantité de mâchefer produit, est actuellement traitée à la commission de l'environnement dans le cadre de la nouvelle loi sur les déchets et ne fait pas l'objet du débat du jour.
Pour en revenir à la M 2531, elle part du constat de la saturation de la décharge de Châtillon et de l'opposition tant des communes que du parlement à la construction d'une nouvelle décharge bioactive pour entreposer les mâchefers, comme l'avait attesté en 2018 l'acceptation de la motion 2452 du PLR et, en 2019, des pétitions 2035 à 2038 provenant des communes de Satigny, Versoix et Collex-Bossy ainsi que d'AgriGenève.
La motion a un double objectif: réduire la quantité de mâchefers avant leur stockage, en visant un minimum de 50% de réduction, et retraiter les vieux mâchefers entreposés à Châtillon pour libérer de la place. La première invite demande de réduire significativement, au minimum de 50%, la quantité de mâchefers mis en décharge. Actuellement, ce taux n'est que de 10%. Cet objectif peut certes paraître ambitieux, comme l'ont relevé les SIG en audition, mais à l'heure de l'urgence climatique, il est nécessaire de faire preuve d'innovation et de relever des défis. C'est du reste ce qu'a fait la direction générale de l'environnement, qui espère même, suite à des essais, atteindre une valorisation des mâchefers de 80%. La première invite de cette motion soutient donc les efforts du département du territoire et encourage les SIG à renforcer leurs efforts en la matière.
La seconde invite s'attaque à la délicate problématique de la gestion des vieux mâchefers entreposés sur le site de Châtillon. La perspective actuelle était de continuer à remplir cette décharge jusqu'à saturation avant d'enfouir définitivement ses déchets. Il semble même qu'il soit envisagé d'installer le nouveau centre de tir cantonal sur ce lieu. La motion propose, elle, de retraiter les déchets déjà déposés afin de les valoriser au moyen des nouvelles technologies développées ces dernières années. Au vu du défi tant financier que technologique que représente ce projet, la motion propose de s'associer au secteur privé pour le mener à bien. Le traitement des anciens mâchefers permettrait de diminuer le volume des déchets stockés et d'allonger la durée de vie de la décharge de Châtillon.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Céline Zuber-Roy. Cet important travail de revalorisation des vieux mâchefers s'inscrit également dans la responsabilité collective envers les générations futures de tout mettre en oeuvre pour minimiser les déchets que nous leur léguerons.
Au moment où le département continue d'avancer sur son projet de nouvelle décharge bioactive, en particulier en commençant des analyses du sol à Satigny, cela malgré l'opposition clairement affichée tant de ce parlement que des communes concernées, il devient urgent d'envoyer cette motion au Conseil d'Etat. Pour cette raison, la majorité de la commission de l'environnement vous invite à la soutenir. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Eric Leyvraz (UDC). Il s'agit d'un problème lancinant, parce que quand vous brûlez une tonne de produits aux Cheneviers, 20% subsistent sous forme de mâchefers. Alors évidemment que Satigny s'oppose à un nouveau dépôt de ces mâchefers. Vous me direz que c'est logique, c'est toujours la même chose: on veut bien un dépôt, mais pas à côté de chez soi, dans son jardin. Il faut dire que Satigny est une commune largement touchée par les problèmes de bruit, de pollution, avec l'aéroport qui est assez proche, tout comme la zone industrielle, à la sortie de laquelle il y a d'énormes passages de véhicules, etc. Il semble donc que Satigny a déjà bien payé de ce côté-là.
Le problème de ces mâchefers que vous devez comprendre, c'est que nous avons une nouvelle usine en préparation, qui va brûler entre 160 000 et 180 000 tonnes de déchets. Par ailleurs, on nous demande de recycler les produits, ce qui est très bien. Maintenant, on nous le demande; après, ce sera obligatoire - on contrôlera les poubelles. Nous pouvons donc nous attendre quand même à une baisse des déchets à incinérer. Mais ce ne sera pas le cas.
Pour quelle raison ? Cette usine que nous allons construire est prévue pour trente ans. Elle brûlera 160 000 à 180 000 tonnes de déchets pendant trente ans: cela représente un million de tonnes de mâchefer, ce qui est énorme ! C'est un problème à long terme. Et pourquoi est-ce que je vous dis qu'on ne baissera pas cette quantité ? Parce que cette usine a besoin de cette quantité de déchets pour fonctionner ! Parce que nous faisons du chauffage à distance, nous faisons de l'électricité, et si nous n'avons pas ce tonnage de déchets, l'usine ne fonctionnera pas, il n'y aura pas de chauffage suffisant pour tout ce qu'on est en train de mettre en place; on dépense des centaines de millions pour ce chauffage à distance, il faudra qu'on amène peut-être des déchets de l'extérieur pour pouvoir faire fonctionner cette usine complètement.
Le deuxième point qui nous gêne beaucoup aussi, c'est qu'on nous promet que ces décharges de mâchefers seront étanches et qu'une fois qu'on aura couvert tout le territoire de ces mâchefers, on remettra de la terre par-dessus et on pourra cultiver sans problème ! Vous savez très bien qu'en Suisse, il y a énormément d'endroits où on a déposé toutes sortes de matériaux et que trente ans, quarante ans après, il faut les ressortir, à des coûts gigantesques, parce que de nombreux problèmes qu'on n'avait pas prévus apparaissent tout à coup.
Il est donc essentiel maintenant que nous renvoyions cette motion au Conseil d'Etat. Il faut trouver des solutions pour diminuer la quantité de ces mâchefers. Il faut aussi trouver des solutions pour quelque chose qui paraît complètement anecdotique, mais qui ne l'est pas du tout, c'est-à-dire les litières pour chats: celles-ci représentent environ 10% de la quantité de mâchefers. Il semble qu'on pourrait quand même les remplacer par des litières végétales pour ne pas charger trop l'usine. Je vous remercie.
M. Philippe Poget (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les mâchefers posent un problème qui n'est toujours pas résolu et la recherche de solutions se poursuit, plus de deux ans après le dépôt du rapport de la commission.
Je vais répéter un peu ce qu'ont dit mes préopinants, mais je rappellerai que cette motion visait d'abord à permettre la diminution de la quantité de mâchefers sortant des Cheneviers: d'une part, en utilisant des moyens techniques qui se développent et par la modification des normes, qui permettrait une valorisation du sable issu du lavage des mâchefers - il faut rappeler que le sable est une ressource naturelle qui va aussi se raréfier, même si elle reste pour l'instant moins onéreuse que le produit issu du recyclage; d'autre part, en diminuant la quantité totale de déchets urbains produits, solution plus simple et certainement à prioriser. Alors M. Eric Leyvraz a cité avant moi l'exemple des litières pour chats: on a appris au cours des travaux sur cette motion que cela représente 10% de la matière minérale des mâchefers, qui elle-même représente 90% de la quantité totale. Qu'est-ce qui nous empêcherait de supprimer cette source ? Cela réduirait la quantité annuelle de mâchefers aux Cheneviers, si on prévoit un volume de 30 000 tonnes, de quelque 2700 tonnes. Est-ce que c'est trop simple ? Qu'est-ce qui empêche les acheteurs de ce produit - la litière -, qui aiment tous leur chat et qui ont certainement tous la volonté de sauvegarder leur cadre de vie, de renoncer à cet apport à la production de mâchefers ? Visiblement, il existe des solutions simples que nous pourrions appliquer rapidement. Le projet de loi sur les déchets que nous traitons actuellement à la commission de l'environnement montre aussi d'autres pistes qui pourraient amener à la réduction de la production de déchets.
La seconde invite qui vise à valoriser les vieux mâchefers stockés à Châtillon semble soulever quand même un certain nombre de difficultés techniques, mais permettrait d'allonger la durée de vie du stockage à Châtillon et inviterait aussi à chercher des solutions qui pour l'instant sont encore inconnues. Est-ce qu'on veut vraiment transmettre ce stock de déchets à nos descendants sans chercher de manière plus intense à oeuvrer pour de meilleures solutions et ainsi assumer notre responsabilité ?
Enfin, nous constatons, comme l'a déjà relevé M. Leyvraz, que la recherche d'un futur site soulève de vives oppositions, notamment dans la commune de Satigny. Je pense que le signal donné par cette motion consiste également à inviter à relancer un processus participatif avec les communes, qui doit permettre d'éviter les blocages actuels. Ce n'est pas en allant à la confrontation avec les citoyens que l'Etat arrivera à trouver un site que nous savons nécessaire.
L'Etat doit aussi poursuivre ses efforts pour réduire les quantités et rechercher des solutions de meilleure valorisation qui aboutiront en fin de compte, on l'espère, au redimensionnement d'un futur site. Le groupe des Vertes et des Verts vous invite donc à soutenir cette motion. Je vous remercie de votre attention.
Mme Badia Luthi (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est sûr que le parti socialiste souhaiterait soutenir cette motion qui vise la valorisation des mâchefers genevois en circuit court, mais deux points nous poussent à revoir notre position.
Premièrement, les SIG travaillent dans ce sens depuis plusieurs années, malgré les difficultés qu'ils rencontrent pour atteindre les objectifs de revalorisation des mâchefers, car le problème provient avant tout de la quantité des déchets à incinérer. D'autre part, ayant intégré le programme éco21, les SIG collaborent déjà avec l'entreprise Soreval, dans l'objectif de favoriser le développement accéléré de la valorisation des mâchefers en les transformant en sable réutilisable et bien sûr dépourvu de toute pollution. Ils se donnent un délai allant de trois à cinq ans pour arriver à une meilleure pratique de valorisation, avec un modèle de fonctionnement écologique et durable dans le temps, et il est très important de ne pas nier ces efforts.
Le PLR demande que les SIG travaillent avec des entreprises privées sur cet objet. Ils ont néanmoins bien déclaré leur volonté de collaborer avec des partenaires privés. Seulement, pour cet objet précis, ils étaient approchés uniquement par des entreprises qui proposaient des projets ne respectant guère la loi, les intérêts de la collectivité publique ou les deux. C'est pour cette raison que, pour le moment, les SIG ne travaillent qu'avec la société Soreval, qui reste la seule ayant présenté un projet valable qui honore le règlement et l'environnement.
Nous tenons à rappeler que les SIG sont un établissement de droit public, dont 55% appartiennent à l'Etat. C'est un établissement autonome certes, mais qui reste de droit public. Et le parti socialiste fait confiance aux SIG, qui mènent une gestion des intérêts de la collectivité qui reste satisfaisante à nos yeux.
La deuxième raison pour laquelle nous nous abstenons de voter cette motion, c'est qu'on nous a bien rendus attentifs aux faux rêves ou espoirs que l'on peut nous promettre, avec des solutions miracles permettant de ne plus avoir de mâchefers grâce à des technologies développées. Le recours au traitement des vieux mâchefers est souhaité par les signataires, mais cette ambition ne peut être réalisée.
Nous ne nions pas que la motion parte de la très bonne intention de s'inquiéter de la valorisation des mâchefers, mais nous nous trouvons malheureusement face à des solutions qui ne sont pas réalisables. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Diane Barbier-Mueller pour deux minutes vingt.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas rappeler les invites de cette motion, puisque Mme la rapporteure et M. Poget l'ont fait: elles demandent la réduction des mâchefers et la valorisation de ces déchets. Cela a été traité en commission et le Conseil d'Etat a eu connaissance de ce travail. Pourtant, ses solutions sont simples: on enterre tout, on fait assumer ça aux... (Brouhaha.) Monsieur le président, je n'arrive pas à m'entendre parler !
Le président. Oui, vous avez raison ! (Un instant s'écoule. Commentaires.)
Mme Diane Barbier-Mueller. Pourtant, c'est tellement intéressant que je le regrette ! (L'oratrice rit. Rires. Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) Poursuivez.
Mme Diane Barbier-Mueller. Merci, Monsieur le président. La solution du Conseil d'Etat est simple: on n'a qu'à enterrer ces déchets, tant pis pour les agriculteurs, tant pis pour les champs de colza, les pâturages et les céréales ! (Commentaires.) Aujourd'hui, on le sait, nos agriculteurs n'ont plus beaucoup de terres, on ne veut plus les déclasser, M. Hodgers a été très clair là-dessus: on arrête de toucher à la zone agricole ! Pourtant, pour les mâchefers, alors que des solutions alternatives existent, pas de souci !
Mme Luthi a été un peu confuse dans ses explications au sujet des SIG: ils ont un monopole, mais ne peuvent pas trouver de solutions; les privés sont tous mauvais, tous mal intentionnés, donc on n'arrive pas non plus à trouver de solutions, et pourtant... (Commentaires.) Je vais me laisser un peu de temps, parce que j'ai vu que M. Burgermeister voulait parler ! ...je pense que les solutions de partenariat public-privé ont toujours montré qu'on arrivait à réaliser de grandes choses ainsi. Aujourd'hui, c'est là-dessus qu'il faut axer nos efforts. Le Conseil d'Etat doit se sortir un petit peu... les doigts de la bouche... (Rires.) ...et trouver des solutions correctes ! Merci. (L'oratrice rit. Rires.)
Le président. J'ai toutes sortes d'images désagréables qui me viennent à l'esprit ! (Rires.)
Une voix. Moi aussi, Monsieur le président !
Une autre voix. Je suis pas étonné, hein ! (Commentaires.)
Le président. Monsieur Jean Burgermeister, vous avez la parole.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Cette motion du PLR est passée très près d'être tout simplement inutile. Malheureusement, elle dépasse légèrement ce stade pour devenir légèrement nuisible. Voyez-vous, pour ce qui concerne la première invite, celle d'avoir un objectif de recyclage de 50% des mâchefers, évidemment, nous ne perdons rien à le proclamer. Simplement, en l'état, c'est impossible. Aujourd'hui, le taux de recyclage est d'environ 10%. Les SIG nous ont dit, et le département aussi, qu'ils travaillaient d'ores et déjà - ils n'ont pas attendu cette motion - sur des solutions qui pourraient peut-être à l'avenir permettre d'augmenter ce taux de recyclage pour qu'il atteigne 35% à 45%. Vous voyez donc que, sur ce plan-là, cette motion est parfaitement inutile. Elle affiche des objectifs inatteignables pour l'instant; ce n'est pas son principal défaut, mais elle propose d'avancer dans une direction qui est déjà prise. Il n'y a donc aucun intérêt à la voter.
Par ailleurs, la deuxième invite - et c'est là le petit côté nuisible de cette motion - insiste sur le fait qu'il faut réaliser ces tests avec des partenaires privés. Alors d'une part, c'est déjà le cas, mais évidemment, le PLR a en tête l'idée que certains privés pourraient essayer de se faire du bénéfice, puisque certains ont sans doute des solutions lucratives pour le recyclage des mâchefers. Or le directeur des SIG nous a prévenus en commission qu'il fallait faire attention aux solutions miracles et aux docteurs miracles qui affirment qu'il est possible de ne plus avoir de mâchefers, qui, en principe, ont des intérêts économiques privés, et qui surtout mènent une activité absolument désastreuse pour l'environnement. Ce sont les mots du directeur des SIG. On pourrait évidemment se débarrasser des mâchefers, comme c'est fait notamment dans certains pays voisins, en les répandant dans les sous-couches de revêtement routier; ça aurait le mérite de les faire disparaître de la vue des habitantes et des habitants du canton, mais cela serait extraordinairement néfaste pour les sols qui seraient massivement pollués.
En réalité, aucune piste nouvelle n'est apportée par cette motion et, il faut le dire, si l'on veut réduire massivement les mâchefers - parce que c'est évidemment un objectif souhaitable -, il faut avant tout travailler en amont et notamment au niveau de la production. Vous savez sans doute... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Poursuivez, s'il vous plaît.
M. Jean Burgermeister. Merci, Monsieur le président. Vous savez sans doute que par exemple 10% des mâchefers proviennent des litières à chat. (Exclamation. Remarque.) Mesdames et Messieurs, si nous rendions obligatoires les litières biodégradables, nous pourrions réduire facilement la quantité de mâchefers de 10%. C'est une solution simple, mais évidemment, sur ce plan-là, le PLR reste extraordinairement immobile, puisqu'il se refuse à imposer des restrictions aux entreprises ! C'est pourquoi nous vous proposons de rejeter cette motion largement inutile et un tout petit peu nuisible. Je vous remercie.
Mme Danièle Magnin (MCG). C'est là que nous voyons, Mesdames et Messieurs les députés, comment la seule voix qui s'est opposée à cette motion réussit à prendre une place énorme dans cet hémicycle et à faire un foin maximum pour dire non, alors que nous étions tous d'accord pour dire oui, sauf justement le représentant d'Ensemble à Gauche. Venir dire que les litières de chat composent 10% des mâchefers et que c'est aux entreprises d'y faire attention, c'est un non-sens qui n'aura échappé à personne ! Parce que ce ne sont pas les entreprises qui ont des litières à chats domestiques. Voilà ! (Commentaires.) C'est complètement idiot ! Les chats harets, les chats en liberté, les chats de jardin, les chats qui se promènent n'ont pas de litière ! Voilà, c'est tout simple !
Ça, c'est seulement pour le problème des chats. Pour le reste, il est absolument évident que le tri doit être mieux fait; la commission de l'environnement et de l'agriculture travaille sur la loi sur les déchets proposée par le Conseil d'Etat et nous espérons vivement que la population dans son ensemble portera plus d'attention au tri de ses déchets, de telle sorte qu'il y ait beaucoup moins de mâchefers. Le MCG vous encourage, contrairement à ce que dit Ensemble à Gauche de façon tout à fait éhontée, à accepter la motion 2531. Merci beaucoup.
Des voix. Bravo !
Mme Patricia Bidaux (PDC). Merci, Mesdames et Messieurs, de l'intérêt pour cette motion: alors que tout semblait impossible, beaucoup est devenu probable ! La simplicité habituelle, c'est d'observer autour de nous: on voit les villas, on voit les appartements, les immeubles... Et puis on voit une grande plaine: c'est la zone agricole. La simplicité, une fois de plus, c'est de regarder cette zone agricole et d'en faire la banque des mâchefers. On ouvre des terres agricoles, on construit une boîte hermétique en béton en sous-sol et on la recouvre ! On attend et on espère que rien ne coule, que rien ne s'écoule ! On cultive, on mange et on espère encore que rien ne coule, que rien ne s'écoule ! Enterrer des déchets, qui plus est toxiques, c'est les mettre sous le tapis et penser que tout ira bien !
Les résidus de l'incinération des déchets appelés mâchefers sont constitués de nombreux minéraux et métaux - ferreux et non ferreux -, de métaux lourds, nobles et rares, et de moins nobles, mais majoritaires: les résidus de litières pour chats, nous l'avons entendu. Pour que ces minéraux résiduels soient valorisés, leur composition chimique doit s'approcher le plus possible de celle des minéraux naturels. Les essais menés montrent qu'il est possible de les laver en maintenant l'eau de lavage en circuit complètement fermé, pour éviter tout risque de contamination.
En 2019, des essais d'élaboration de béton - et non pas de bitume - à partir de sable de mâchefer lavé ont finalement été suffisamment satisfaisants pour que celui-ci soit utilisé pour la construction. Ainsi, la conclusion de cette première étude démontre que le lavage permet de séparer efficacement les parties valorisables de mâchefers et que les essais menés à Genève vont plus loin que ceux menés dans cinq installations européennes, en visant une valorisation à hauteur de 80% de la matière du mâchefer. Une partie du solde de cette matière traitée pourrait être recyclée comme matériau de construction ou au moins mise en décharge de type B.
Ainsi, alors qu'il était devenu indispensable de creuser les champs pour y enfouir la totalité des mâchefers produits par nos déchets dans des cuves en béton, une installation ad hoc permettant de déminéraliser un maximum de métaux et ainsi d'augmenter la proportion de sable de mâchefer semble se dessiner. Le PDC, vous l'aurez compris, acceptera cette motion et vous engage à faire de même. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Diane Barbier-Mueller pour cinquante-deux secondes.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Monsieur le président. C'est juste pour un constat, qui ne me surprend pas: M. Burgermeister n'a encore rien compris. Ensemble à Gauche s'oppose comme d'habitude à une mesure pour l'environnement par pur dogmatisme !
Des voix. Bravo ! (Commentaires.)
Le président. C'était effectivement très bref. Le groupe UDC et le groupe Ensemble à Gauche n'ont plus de temps de parole.
Une voix. J'ai été mis en cause, Monsieur le président !
Des voix. Non ! (Exclamations. Rires.)
Le président. Non, vous n'avez pas été mis en cause ! (Commentaires.) Surtout, vous retardez une intervention certainement très attendue: Monsieur Patrick Dimier, vous avez la parole. (Rires.)
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Alors pour une fois, je vais essayer d'être sérieux, les gars ! (Exclamation.)
Des voix. Nooon ! (Commentaires.)
M. Patrick Dimier. Beaucoup de choses ont été dites, mais j'aimerais juste expliquer que le mâchefer est un matériau beaucoup plus complexe à aborder que ne l'est un simple résidu. J'ai longuement parlé avec des personnes lors de notre visite aux Cheneviers et je dois vous avouer que j'ai eu une surprise: je pensais par exemple qu'on pouvait en faire des enrobés. Vous me direz que ça me convient, vous n'avez pas tort ! (Rires.) Mais si on intègre ces mâchefers dans un enrobé, quand les voitures roulent, elles dégagent des poussières et celles-ci se retrouvent bêtement dans l'atmosphère et elles polluent. Ce n'est donc pas une affaire simple à régler.
Bien sûr qu'il faut soutenir ce texte. Moi, je m'étonne toujours d'entendre des gens nous faire des leçons académiques alors que je ne les ai pas vus participer à ces travaux, mais cela doit faire partie de toute l'école léniniste... (Commentaires.) ...qui est si forte et puissante à Genève ! (Rires.) On verra qui a... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je m'arrête, Monsieur le président, vous avez raison. C'est juste pour dire qu'à force de parler de mâchefers, ça saoule, ce qui nous laisse une gueule de bois ! (Rire. Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à la rapporteure de commission, Mme Céline Zuber-Roy, pour quarante-deux secondes.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je vais être brève. Je remercie pour leurs ajouts les commissaires qui étaient présents aux travaux, c'est-à-dire pas M. Burgermeister ! (Rires.) Je relèverai ensuite que cette motion donne une orientation, en signifiant qu'on veut réduire les mâchefers au maximum, qu'on ne veut pas de nouvelles décharges. On soutient donc les démarches actuellement menées par Satigny et d'autres communes. Il faut vraiment trouver d'autres solutions, et même si aller rechercher les vieux mâchefers paraît compliqué, il faut véritablement investiguer pour voir s'il n'existe pas des possibilités. Je vous remercie.
Des voix. Bravo !
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat peut très bien vivre avec cette motion. Elle valide finalement l'essentiel des démarches qu'il mène avec son bras industriel que sont les SIG dans le but de diminuer la quantité de ces mâchefers. Mais la science ne se décrète pas, même par votre auguste assemblée.
Le mâchefer est le résidu incompressible, ce qu'on n'a pas réussi à éviter comme déchet, ce qu'on n'a pas réussi à trier et ce qu'on n'a pas réussi à incinérer. Il reste toujours quelque chose. Alors ce quelque chose - et c'est dans ce sens que le Conseil d'Etat accepte cette motion - doit être le plus petit et le plus restreint possible. Aujourd'hui, nous travaillons depuis quelques années déjà, en partenariat avec le privé, qui a bien évidemment toute sa place et peut montrer toute sa créativité dans cette recherche scientifique - dans le fond, c'est une recherche technique et scientifique -, pour obtenir la réduction la plus importante possible de ce résidu ultime de nos fours.
Cependant, la science a ses limites: la loi de l'entropie dit clairement qu'il reste toujours quelque chose à la fin. Par ailleurs, le droit fédéral indique aussi, comme cela a été évoqué par le député Dimier, qu'on ne peut pas faire tout ce qu'on veut de ce qu'il reste. Il y a des risques: s'il s'agit d'un matériau relativement inerte, il ne l'est pas entièrement; l'utiliser sous forme d'enrobé pour des routes ou sous forme de béton pour des bâtiments représente donc un risque accru pour l'environnement, puisque nous pourrions nous retrouver face à des problématiques de santé publique - pensez à l'amiante ! Ce n'est donc pas si simple de réutiliser ce matériau, quand bien même, j'insiste, nous devons faire mieux, nous pouvons faire mieux. Notre canton est engagé dans des travaux scientifiques pour réduire la part non recyclable des mâchefers. Il est aussi engagé dans un dialogue avec la Confédération pour que le droit suisse permette également son usage. Parce que c'est là un des points saillants de ce dossier: il s'agit avant tout d'appliquer le droit fédéral. Vous comprenez que ni le Conseil d'Etat, ni les SIG, ni même le Grand Conseil ne peuvent déroger à une norme fédérale, qui est claire, en matière de décharge de type D et au sujet du mâchefer. Nous devons donc faire évoluer non seulement la science, mais aussi le marché, pour que les fabricants de béton par exemple acceptent davantage ce type de mélange dans leurs matériaux et que celui-ci puisse être commercialisé.
Maintenant, il restera toujours quelque chose. Le droit fédéral prévoit l'enfouissement. Alors quelle est la solution, Mesdames et Messieurs, qui aujourd'hui vous solidarisez avec Satigny et les autres communes pour refuser d'enterrer ces mâchefers ? Le droit fédéral dit une chose: il faut l'enterrer en zone agricole, parce que, contrairement à ce que disait la députée Barbier-Mueller, cela reste une zone agricole. Une fois que les mâchefers sont enterrés - selon des dispositions techniques strictes, comme on les connaît en Suisse, avec un drain, un contrôle de leur évolution et une capacité d'intervention en cas de problème avec la cage qui protège le reste de l'environnement de ces mâchefers -, le terrain concerné redevient de la zone agricole effective, avec de beaux champs de colza, Madame la députée ! Il ne faut donc pas croire aujourd'hui que l'enfouissement des mâchefers soit un sacrifice de la zone agricole, ce n'est techniquement pas vrai. C'est une contrevérité. Ce n'est pas vrai non plus d'un point de vue légal, puisque le droit fédéral nous amène à cela.
Bien sûr, ce n'est pas l'idéal ! Je suis le dernier à vouloir mettre des matériaux ferreux ou - cela a été dit - de la litière pour chats ou ce genre de choses dans nos terres agricoles. D'autant plus que si l'on peut cultiver du colza et d'autres produits agricoles, on ne pourra plus cultiver de la haute tige ou de la vigne... (Remarque.) ...parce qu'effectivement, les racines de ce type de cultures vont trop profondément dans la terre et peuvent créer un risque pour l'enveloppe que nous aurons créée. Il y a donc une limitation. Mais quelle est la solution ? Continuer à exporter ? C'est ça, la solution que Genève souhaite ? Demander à nos voisins vaudois, comme ils l'ont fait pendant des années, ou à nos compatriotes jurassiens, qui l'ont fait pendant quatre ans, d'accueillir nos mâchefers ? (Remarque.) Eh bien, cette filière est finie, Mesdames et Messieurs ! (Commentaires.) Et il faut en prendre acte ! (Commentaires.)
Une voix. Chut !
M. Antonio Hodgers. On ne peut pas mener une politique publique de gestion des déchets qui consiste à exporter nos propres déchets chez nos voisins. Et là, je suis quand même surpris d'entendre au sein de ce parlement des propos qui refusent une réalité scientifique qui établit que, quand bien même on réduira les volumes de mâchefers, il y en aura toujours et que, s'il y en a, on doit les gérer sur notre territoire, car il est irresponsable de vouloir les enterrer chez les autres, dans leurs terrains agricoles, comme si les terrains agricoles jurassiens n'avaient pas la même valeur, comme si finalement les autres cantons suisses étaient le réceptacle des déchets genevois. Ce n'est pas tolérable. Nous avons nos propres chats - chacun sait d'ailleurs qu'à Genève, le duc de Savoie a été nommé «le Chat» ! - et nos propres déchets; nous devons l'assumer, tout comme nous devons assumer nos propres responsabilités. (Commentaires.)
Dans ce sens, j'aimerais accepter cette motion avec bienveillance pour travailler dans le sens indiqué, avec le privé, à la réduction des mâchefers, mais j'aimerais profiter aussi de ce débat pour souligner que nous n'échapperons pas au fait d'ouvrir une décharge pour enterrer ces déchets de type D. Nous réserverons donc un bon accueil à ce texte et vous donnons rendez-vous au prochain épisode pour la suite de cette série sur les mâchefers !
Une voix. Et les chats !
M. Antonio Hodgers. Et les chats ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Vous avez visiblement la réponse matou ! (Exclamation. Rire.) Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur la prise en considération de cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2531 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 63 oui contre 7 non et 16 abstentions (vote nominal).
Suite du premier débat
Le président. Nous avons terminé les urgences et reprenons à présent l'ordre du jour avec les deux objets dont nous avions entamé le traitement hier, à savoir le PL 12936-A et le PL 12520-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je rappelle que l'ensemble des rapporteurs se sont déjà exprimés.
Voici les temps de parole restants: M. Carasso dispose encore de deux minutes vingt-deux, M. Zweifel - remplaçant de M. Hiltpold - de deux minutes trente-sept, M. Baertschi de quarante et une secondes; M. Florey a épuisé son temps de rapporteur; tous les groupes ont encore quatre minutes à disposition, à l'exception de l'UDC à qui il ne reste plus qu'une minute trente.
Les députés qui étaient inscrits hier soir à l'issue de la séance pour prendre la parole, et qui l'obtiendront en priorité maintenant s'ils souhaitent toujours la prendre, sont M. Vanek, M. Flury, M. Lefort, M. Olivier Cerutti et M. Zweifel. Monsieur Pierre Vanek, je vous laisse commencer.
M. Pierre Vanek (EAG). Oui, merci, Monsieur le président. Je serai très rapide, puisque nous ne disposons que de quatre minutes pour ces deux objets. En ce qui concerne le PL 12936 en faveur d'un plan hydrogène cantonal, bon, nous l'avons voté en commission par complaisance, je crois que c'est mon camarade Rémy Pagani qui y était, et vous savez qu'il est bon public, mais sérieusement... (Rires.) Sérieusement, Mesdames et Messieurs, le texte ouvre un crédit d'investissement de 10 millions pour le développement d'une filière hydrogène et rien d'autre, aucune condition n'est posée dans le projet de loi ! Or tous les hydrogènes ne se valent pas: l'hydrogène dit bleu, par exemple, est particulièrement polluant. Une étude récente... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Vous pouvez poursuivre.
M. Pierre Vanek. Une étude récente publiée l'été dernier, me semble-t-il, à Cornell et Stanford révèle que cette forme d'hydrogène produite à partir de méthane pose problème et constitue une fausse solution. Il y a ainsi de potentiels soucis quant à la fabrication de ce vecteur d'énergie, et aucune cautèle n'est prévue à ce sujet. Il s'agit de mettre sur pied un plan qui s'appliquera en particulier dans le secteur de la mobilité et du transport routier où, en effet, l'hydrogène peut jouer un rôle intéressant, mais enfin, la question reste ouverte.
L'hydrogène peut être utilisé à des fins précises, notamment dans le transport pour remplacer les batteries lourdes de gros véhicules, mais ce n'est d'aucune manière une panacée. L'un des auteurs du projet a indiqué - cela figure dans le rapport - que «l'hydrogène ne constitue pas à lui seul la solution ultime pour toute la transition énergétique». D'accord, mais cette formulation laisse entendre qu'il représente, disons, une grosse part de la solution alors que ce n'est évidemment pas le cas. En effet, contrairement à ce que croit peut-être le commun des mortels, l'hydrogène n'est pas une source primaire d'énergie, c'est simplement un moyen de la transférer, cas échéant de la stocker.
Dès lors, si nous ne nous opposons pas formellement au projet de loi, nous considérons qu'un débat devrait être mené sur cette question, parce que le sujet n'est de loin pas épuisé, et le texte ne correspond pas tout à fait à ce qu'il aurait sans doute dû être.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous étions sur le point d'élaborer un projet de loi allant dans le même sens lorsque, à l'occasion d'un débriefing post-commission, nous avons appris que le premier signataire avait déjà monté un comité de rédaction et commencé ses travaux sur le PL 12936, donc nous nous sommes simplement joints à lui, cosignant son texte par économie de moyens, démontrant ainsi que nous sommes parfois - du moins sur ce sujet-ci - raccord avec les Verts, pas toujours en opposition avec eux.
La création d'un fonds d'impulsion pour le développement d'un plan hydrogène cantonal donnera les élans nécessaires à la production et à la distribution locales de ce fluide, qui est actuellement fabriqué du côté de Würenlingen, en Suisse alémanique, et qui arrive en Suisse romande par semi-remorques, ce qui n'est pas très pertinent. Cela favorisera également la mise en place de filières de formation, que ce soit à l'école d'ingénieurs pour les futurs professionnels en propulsion par hydrogène ou à l'école des métiers pour les futurs mécaniciens intervenant sur ces types de moteurs. Enfin, c'est une manière de soutenir les entreprises qui emploieront ce carburant d'avenir; celui-ci est non polluant et s'inscrit dans une stratégie globale de diminution des émissions nocives et de protection accrue de l'environnement.
En ce qui concerne le projet de loi 12520 déposé par l'UDC qui ouvre une ligne de crédit de plus de 270 millions de francs pour convertir la flotte de bus diesel des TPG en véhicules électriques, la commission des travaux l'avait refusé dans un premier temps. Nous accueillons avec bienveillance l'amendement général déposé par M. Florey qui demande, lui, un montant d'environ 25 millions de francs pour permettre aux TPG d'acquérir des bus et de réaliser les premières expériences de transport de personnes par propulsion à hydrogène. Nous ne souhaiterions toutefois pas que cette proposition mette en péril le PL 12936. Le groupe MCG soutiendra le PL 12936 et acceptera éventuellement une modification consistant à réduire quelque peu la voilure du PL 12520 selon la requête formulée par l'UDC. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir de remplacer Jacques Béné s'agissant du PL 12520-A, Jacques Béné qui lui-même remplaçait Serge Hiltpold sur ce même texte. Vous l'aurez compris, en matière d'énergies renouvelables, au PLR, nous sommes très forts ! Cela étant dit, parce que le rapporteur de majorité qui suppléait le vrai rapporteur de majorité hier a déjà à peu près tout dit sur le PL 12520, vous me permettrez d'évoquer le PL 12936, soit celui qui veut instaurer un fonds hydrogène pour 10 millions.
Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, le 13 juin de l'année passée, la loi sur le CO2 a été soumise au peuple suisse: à 52%, celui-ci l'a refusée. Il ne l'a pas rejetée parce qu'il est contre les avancées en matière écologique et environnementale, il n'a pas dit non aux moyens à mettre en place pour lutter contre le réchauffement climatique; la population a dit clairement oui à des actions en faveur du climat, oui à des efforts sur ce plan, mais pas de manière punitive, pas via des taxes. La réponse que nous devons donner aujourd'hui est différente et passe par l'innovation - c'était d'ailleurs le message principal du PLR au niveau national.
Eh bien c'est exactement ce que vise le projet de loi déposé par les Verts, et nous ne pouvons que les en remercier et nous joindre à cette proposition. Naturellement - M. Florey le mentionnait hier à juste titre -, il s'agit d'une petite pierre apportée à l'édifice. Actuellement, à l'échelle européenne, il existe déjà des plans hydrogène: 9 milliards en Allemagne, 7 milliards en France. Si vous divisez ces montants par le nombre d'habitants, cela donne 109 francs par habitant en Allemagne et 103 francs par habitant en France. A Genève, 10 millions divisés par 500 000 habitants, cela ne fait que 20 francs, c'est en effet une petite pierre. Mais une petite pierre apportée à un édifice conséquent qui, au-delà de la dimension environnementale, nous amène à la question énergétique, exacerbée avec ce que nous connaissons de tragique à l'est de notre pays et qui nous rappelle la problématique de dépendance énergétique et l'importance de trouver des solutions non seulement écologiquement viables, mais aussi indépendantes en matière de gestion de nos énergies.
A cet égard, et je suis d'accord avec M. Vanek, l'hydrogène ne constitue pas la panacée. Des études montrent d'ailleurs qu'au plan européen, celui-ci ne représentera que 14% des énergies d'ici 2050 et que - M. Carasso l'expliquait hier - s'il y a l'hydrogène décarboné, celui que nous ciblons avec ce projet, il y a aussi l'hydrogène moins décarboné car produit à base d'énergies fossiles, ce qui n'est évidemment pas l'objectif que nous poursuivons à travers ce texte. En revanche, il est crucial de souligner - et M. Carasso le signalait hier également, comme d'autres - que si ce vecteur énergétique ne sera pas forcément important, il sera très utile pour les transports.
Nous sommes d'accord avec les Verts sur le principe de l'objet qui nous est soumis ici - nous ne le sommes pas toujours sur d'autres questions en ce qui concerne les véhicules -, parce que nous savons que nous avons besoin de transports lourds, notamment de camions, et si ceux-ci peuvent être le moins polluants possible grâce à l'hydrogène, c'est immanquablement positif. L'Europe affiche de grandes ambitions dans ce domaine, puisque d'ici 2035, le territoire européen devra offrir un point de ravitaillement tous les 150 kilomètres pour les véhicules à hydrogène, c'est vraiment audacieux. Alors je le répète: 10 millions, c'est une petite chose, mais c'est une petite chose qui va dans le bon sens et c'est la raison pour laquelle le PLR vous invite à adopter le PL 12936. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve). Le projet de loi 12936 pour un plan hydrogène cantonal peut sembler modeste: 10 millions, ce n'est pas grand-chose à l'aune des plans nationaux allemand - 10 milliards d'euros - ou français - 6 milliards d'euros -, dont les premiers projets ont d'ailleurs été acceptés hier, six d'entre eux se développant à nos portes. C'est modeste, mais ce n'est pas rien, puisque cet argent va servir de carburant au développement d'une production d'hydrogène décarboné - c'est-à-dire d'hydrogène vert, Monsieur Vanek, pas bleu ! - à Genève; ce n'est pas rien au regard de la crise énergétique, accentuée par la guerre en Ukraine. L'actualité nous esquisse un monde instable et le danger de nous voir privés d'énergie, et c'est bien le problème des Allemands aujourd'hui. C'est donc le début d'un chemin vers un peu de souveraineté énergétique retrouvée que nous prendrons avec ce texte.
C'est précisément dans ce but que les autres Européens, mais pas seulement, déploient des plans hydrogène, au nombre de 26 sur la planète actuellement et qui, comme je viens de l'indiquer, se matérialisent en projets de production d'hydrogène décarboné. Le rapporteur de majorité a listé hier les bénéfices de l'hydrogène, je ne vais pas y revenir. Pour résumer, les entités locales qui développent cette technologie à Genève, notamment les SIG, ont besoin d'une telle aide pour organiser à la fois la production locale d'hydrogène vert et sa distribution. En effet, qui dit production dit également distribution. Bien sûr, ce projet s'inscrit parfaitement dans la transition énergétique annoncée l'année dernière par le Conseil d'Etat.
Cette nouvelle façon de fabriquer du carburant va entraîner des changements majeurs dans la motorisation. Ici, il s'agit de nourrir le transport lourd, soit les camions, mais dans un futur proche, ce seront les transports collectifs, les bateaux, les véhicules individuels et les vélos ! D'ailleurs, il existe déjà des vélos à hydrogène. En fait, les véhicules électriques n'ont été qu'une parenthèse provisoire de l'évolution vers une mobilité moins polluante. Naturellement, le groupe Vert qui est à l'initiative de ce projet de loi va soutenir cette voie, il acceptera le texte.
Je dirai maintenant un mot sur le PL 12520 dont la vocation est d'offrir 278 millions aux TPG pour l'achat de véhicules électriques de type TOSA. L'objet avait été refusé en commission, cela a été mentionné, on ne va pas en reparler ce soir. Mais si on ne va pas en reparler, c'est parce que M. Florey propose maintenant un amendement général à 25 millions pour que les TPG achètent des bus à hydrogène. J'ai de la peine à comprendre son raisonnement, même s'il a tenté de l'expliquer hier: comment peut-on être contre le plan hydrogène, mais en même temps pour acquérir des véhicules à hydrogène à hauteur de 25 millions ? Des véhicules étrangers, bien sûr, qui rouleront avec de l'hydrogène étranger - je n'ai pas pu m'en empêcher. Curieuse idée de l'UDC !
Au-delà de cette petite pique, Monsieur Florey, je peux admettre qu'obtenir des bus à hydrogène n'est pas forcément une mauvaise idée, mais elle ne passe pas par un amendement corsaire en plénière, elle passerait plutôt par un projet de loi documenté que nous pourrions soutenir, que nous pourrions même coécrire avec vous après les travaux de commission sur le PL 13059, que le Conseil d'Etat nous a annoncé hier. Pour conclure, nous adopterons le PL 12936 et nous rejetterons cet amendement généreux mais un peu corsaire au PL 12520 ainsi que celui-ci. Merci. (Applaudissements.)
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, pour commencer, j'aimerais remercier le premier auteur du PL 12936 qui nous a donné l'occasion d'étudier cette thématique et d'en saisir l'essentiel. Il y a eu de nombreuses auditions, c'est vrai, notamment des SIG et du Conseil d'Etat, et même celui-ci a admis que le projet pouvait aller dans sa direction, la commission l'a très bien compris.
En effet, l'Etat doit accompagner la mise en oeuvre de l'exploitation d'hydrogène. Ce fonds d'impulsion nous permettra de mieux appréhender notre territoire, de définir où il sera possible de se ravitailler, où nous pourrons peut-être même produire de l'hydrogène un jour; il contribuera à ce que la formation s'organise selon un nouvel axe, par exemple en matière de reconversion professionnelle, car des métiers vont disparaître tandis que d'autres vont se créer. Aussi, cette potentialité qui a été décryptée par les SIG est tout à fait de bon aloi.
La compatibilité avec notre réseau de transports publics constitue l'un des enjeux, et les TPG, qui doivent de toute façon renouveler leur flotte de véhicules diesel, auront la possibilité de réaliser une période d'essai avec Van Hool dans notre canton pour déterminer comment se comportent nos bus avec de l'hydrogène au sein d'un réseau principalement urbain - on sait que cet aspect peut avoir un impact. On a entendu des critiques hier soir, mais je pense pour ma part que le partenariat public-privé a tout son sens dans ce domaine; nous ne sommes pas les seuls à aller dans cette direction et nous avons des choses à apprendre les uns des autres.
Dans le cadre des transitions technologiques, nous devons nous montrer proactifs, et c'est ce que nous demandons aujourd'hui au Conseil d'Etat, l'anticipation étant ici le maître-mot. Nous comprenons le lien avec le PL 12520, Monsieur le député de l'UDC, mais dans la mesure où le gouvernement nous a soumis un vrai projet de loi pour le renouvellement de la flotte des TPG et que le rapporteur de majorité suggérait hier de renvoyer ce point en commission, le parti démocrate-chrétien sera favorable à cette demande pour que les choses soient faites convenablement, nous suivrons cette proposition de façon que nous puissions étudier ces deux textes en même temps. Le PDC acceptera donc le projet de loi en faveur d'un plan hydrogène cantonal et est d'accord avec le renvoi en commission du PL 12520-A; par contre, si celui-ci est voté ce soir, il le refusera. Je vous remercie de votre attention, Mesdames et Messieurs.
Une voix. Bravo.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Rémy Pagani pour une minute trente-six.
M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été tellement bon public que la fraction parlementaire Ensemble à Gauche votera ce projet de 10 millions, parce qu'il s'agit tout de même d'une tentative pour améliorer les choses. Il faut cependant rappeler que la meilleure énergie est celle qu'on économise; en l'occurrence, quand on voit le nombre de déplacements en ville, notamment avec du diesel, on se dit que c'est complètement aberrant.
Je précise par ailleurs que l'hydrogène est une énergie secondaire créée à partir d'une autre énergie, et on a vu - on le voit encore - profusion de cas où de l'électricité est produite avec du charbon de Colombie, par exemple. Tout cela est extrêmement compliqué, et c'est la raison pour laquelle nous sommes pour que l'Etat ait la haute main sur ce fonds et que les SIG y mettent leur patte au niveau technologique, l'idée étant de fabriquer seulement de l'énergie secondaire verte.
En ce qui concerne le texte de M. Florey, son amendement général est raisonnable dans la mesure où certaines villes possèdent aujourd'hui une flotte de gros bus qui fonctionnent à l'hydrogène, donc nous soutiendrons le renvoi en commission ou cette modification si celui-ci est refusé. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Monsieur le député, le vote sur le renvoi en commission a eu lieu hier soir.
Une voix. Je le redemande !
Le président. Ah, vous le redemandez, Monsieur Florey ? Eh bien j'attends votre intervention, allez-y.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Oui, Monsieur le président, je redemande le renvoi en commission du PL 12520-A. Merci.
Le président. Très bien. Je vais donner la parole aux rapporteurs et au Conseil d'Etat s'ils la désirent. Monsieur Baertschi, sur le renvoi en commission ?
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Oui, Monsieur le président, merci. Voilà une demande un peu surprise - quoique, j'aurais dû m'y attendre. De manière générale, si c'est pour étudier davantage le sujet... Parce qu'on a parlé d'hydrogène vert ou bleu, mais pour nous, c'est de l'hydrogène rouge et jaune qu'il faudrait, comme nos TOSA rouge et jaune ! Si on... (Remarque.) De l'énergie rouge et jaune, bien évidemment ! Ecoutez, je ne sais que dire; nous avions décidé hier de ne pas renvoyer le texte en commission. (Un instant s'écoule.) C'est uniquement le deuxième, c'est ça ? (Remarque.) Bon, si c'est uniquement le deuxième, d'accord, le groupe MCG peut soutenir le retour en commission.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Comme l'avait proposé le remplaçant numéro un hier soir, en tant que remplaçant numéro deux, je réitère l'idée de renvoyer le PL 12520-A en commission de manière qu'il soit étudié en même temps que le projet de loi du Conseil d'Etat.
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous exprimer sur la proposition de renvoi du PL 12520-A à la commission des travaux.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12520 à la commission des travaux est adopté par 61 oui contre 27 non.
Le président. Je prie MM. Zweifel et Baertschi de regagner leur place alors que MM. Carasso et Florey peuvent rester pour la suite des travaux sur le PL 12936-A. Nous poursuivons donc le débat, et je cède la parole à M. Patrick Dimier pour une minute et trente-huit secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, j'évoquerai deux détails techniques. En Islande, pays avec lequel nous sommes associés dans l'AELE, l'ensemble des transports publics fonctionnent à l'hydrogène. Vous me direz que pour les Islandais, la source d'énergie première est disponible, donc les choses sont plus simples, mais il vaudrait la peine de se concerter avec eux, car ils disposent d'une très grande expérience en la matière, de même que pour le trafic poids lourds.
La deuxième chose qu'il faut savoir, c'est que l'inventivité de l'économie va bien plus vite que ce qu'on imagine, et une université allemande est déjà fort avancée dans des travaux qui portent sur une matérialisation sous forme de - vous excuserez cet anglicisme - «powerpaste», qui permet d'éviter les stations de distribution d'hydrogène. Là aussi, je pense que la commission qui va s'occuper d'étudier cette affaire en détail pourrait s'y intéresser. Enfin, je voudrais dire qu'il faut absolument soutenir l'hydrogène, parce que là où il y a de l'hydrogène, il y a du plaisir ! Merci. (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à M. Stéphane Florey pour deux minutes et trente secondes.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. En relisant le rapport ainsi que le projet de loi 12936, je m'aperçois qu'il ne sert qu'à la gloriole de son auteur, parce que celui-ci dit absolument tout le contraire de ce que j'ai expliqué en commission. C'est d'une mauvaise foi crasse ! Nous avons toujours soutenu que sur le fond, oui, ce texte est nécessaire, mais pas sur la forme.
L'objet ne prévoit qu'une subvention de 10 millions, ce qui est ridicule: on ne fera pas plus avec 10 millions que ce qu'on fait aujourd'hui, d'autant que c'est uniquement destiné au secteur privé, lequel n'en a pas besoin. La Migros, les SIG, la fondation qui gère ce dossier s'en sortent très bien sans deniers publics. Non seulement cette dernière n'a émis aucune demande dans ce sens, mais surtout elle n'en a nul besoin !
D'où l'idée de faire valoir un intérêt spécifique pour le canton via les transports publics. Le but, c'était de les inclure - et c'est toujours le cas -, d'une part pour qu'ils fassent partie de ce consortium, d'autre part pour leur offrir la possibilité d'exploiter une ligne complète avec des bus qui fonctionnent parfaitement dans d'autres villes, contrairement à ce que prétend M. Lefort. Il s'agit de créer un point de ravitaillement afin que les TPG puissent mener des essais réels dans le canton. Voilà la proposition que j'ai développée - ou que j'ai tenté de développer.
Maintenant, en ce qui concerne le PL 12520, eh bien nous reprendrons les travaux en commission, mais vu la structure du texte, nous ne pourrons pas l'accepter. Comme nous sommes malgré tout bons joueurs et qu'il est intéressant sur le fond, nous nous abstiendrons. Je vous remercie.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Il est vrai, Mesdames et Messieurs, que face au projet de loi 12936, le Conseil d'Etat s'est tout d'abord montré quelque peu sceptique, mais il faut lui pardonner: d'ordinaire, c'est le Conseil d'Etat qui propose les crédits et le Grand Conseil qui les refuse. Et là, tout à coup, voilà que le parlement, sans qu'on lui réclame rien, nous offre 10 millions ! Nous avons eu un moment de stupeur !
Cela étant, pas question de prendre de mauvaises habitudes, aussi avons-nous réfléchi pour déterminer la manière dont ces 10 millions pourraient être utilisés, notamment en tenant compte de la fiche 2.3 du plan climat cantonal qui vise à accélérer le développement de l'électromobilité et en examinant de façon un peu plus approfondie cette énergie secondaire. Vous le savez, nous avons un plan ambitieux en matière d'électromobilité.
La plupart des fabricants de voitures de tourisme misent aujourd'hui sur l'électricité plutôt que sur l'hydrogène, car il y a tout de même un coût à créer de l'hydrogène, lequel doit ensuite être transformé en électricité, mais dans passablement d'autres domaines, par exemple celui des poids lourds ou du transport professionnel, l'usage de l'hydrogène pourrait se révéler beaucoup plus pertinent que la recharge de batteries du type TOSA. La planète est en ce moment à la recherche de la bonne technologie, et comme souvent, il n'y aura pas qu'une seule bonne réponse, il y aura une panoplie de moyens technologiques divers, et il ne fait aucun doute que l'hydrogène y trouvera sa place.
Comme l'a demandé le rapporteur de minorité, revient-il vraiment au secteur public d'investir ? Dans le fond, il s'agit pour l'essentiel de recherche privée pour des flottes privées, excepté le volet TPG. Globalement, Mesdames et Messieurs, si nous pouvons faire confiance à l'innovation dans le secteur privé, il est également judicieux de considérer que le secteur public a un rôle à jouer dans la recherche et le développement, dans la stimulation de marchés de niche parfois trop petits pour pouvoir émerger, en tout cas à la vitesse qui doit nécessairement être celle de la transition écologique aujourd'hui, ici de la transition énergétique.
Dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, ces 10 millions de francs sont bienvenus... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît.
M. Antonio Hodgers. Ils nous permettront de...
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! J'informe les rapporteurs que la discussion est terminée. Vous pouvez reprendre, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Antonio Hodgers. Merci. Ces 10 millions nous permettront d'évaluer les besoins, de définir d'entente avec le secteur privé les emplacements où il serait possible d'installer des stations de recharge, de stimuler le réseau de fabrication et d'approvisionnement de l'hydrogène. Bien souvent, les transitions énergétiques s'opèrent au départ grâce à un apport du secteur public; ensuite, le marché peut prendre le relais sans plus de subventions étatiques. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat accueille donc très volontiers ce projet de loi 12936 de 10 millions.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote sur le PL 12936.
Mis aux voix, le projet de loi 12936 est adopté en premier débat par 78 oui et 4 abstentions.
Le projet de loi 12936 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12936 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 78 oui et 5 abstentions (vote nominal).
Débat
Le président. Voici le point suivant de l'ordre du jour: la M 2365-B. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur François Lefort, la parole vous revient.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Oui, j'attends juste le rapporteur de minorité...
Une voix. Il arrive, il arrive !
M. François Lefort. Tiens, Thomas, je ne me souvenais pas que tu avais fait un rapport de minorité ! Voilà, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, petit retour dans le passé: cette proposition de motion date de 2017. Traitée en 2018 à la commission d'aménagement, elle avait été refusée par dix voix contre et deux abstentions; lors de notre plénum du 25 janvier 2019, elle avait été renvoyée en commission où elle a encore fait l'objet de quatre séances avant d'être rejetée une nouvelle fois par huit non, cinq abstentions et un oui - celui du rapporteur de minorité, donc. Le deuxième rapport figure à l'ordre du jour de notre parlement depuis la session de mai 2020. Ce petit historique pour vous indiquer que l'affaire est importante et urgente !
Le texte avait été déposé après qu'un concours d'adjudication pour ce terrain public géré par l'Etat de Genève avait abouti. Voilà donc les prémices d'une interférence avec un processus légal, ce d'autant que la proposition de motion poursuivait également le dessein de favoriser l'une des parties.
Voyons les détails. L'association Wake Sport Center, présidée par M. Lutolf, entendait déposer une demande en préalable auprès de l'OAC pour son projet de construction d'un bâtiment nautique, dont plus de la moitié des surfaces consacrée à l'exploitation d'un restaurant doté d'une vaste terrasse avec vue sur le jet d'eau. Or, depuis 2017, l'Etat de Genève réorganise les lieux - les lieux publics, pas seulement ceux de Genève-Plage - pour les rendre à nouveau accessibles à un large public, ce qui entre en contradiction avec l'idée de privilégier ce projet privé qui, de toute façon, aurait nécessité une mise au concours. De plus, le Wake Sport Center sollicitait une concession de 75 ans avec gratuité.
L'aspect énergétique de l'opération, qui intègre le principe «zéro émission nette» pour la pratique tractée du wakeboard, constitue un prétexte, un faux nez, car s'il est une activité nautique réellement écologique, c'est la voile, pas le wakeboard. Par ailleurs, plusieurs autres associations existent à Genève et proposent des activités de wakeboard, donc les besoins de ceux qui veulent pratiquer ce sport sont couverts, nous ne les avons pas prises en compte.
Le fin mot de l'histoire, c'est que le Wake Sport Center a été évacué de force au mois de juin 2019, ne bénéficiant plus d'une permission d'occupation du secteur suite à la mise au concours. Des travaux de rénovation ont été menés au centre nautique de Genève-Plage fin 2019-début 2020 pour les aménagements de surface et cinquante places d'entreposage de planches à voile et de paddle sont maintenant mises à disposition des navigateurs individuels. Le caractère sportif, nautique, écologique et populaire des lieux a été réaffirmé par ces nouvelles infrastructures.
Dernière agréable conséquence de la réorganisation du périmètre: à partir de septembre 2021, l'Etat s'est lancé dans le réaménagement du quai de Cologny en amont du centre nautique afin d'y permettre la baignade dès le printemps 2022, et pour les gens qui passent à cet endroit, vous vous êtes aperçus que les travaux étaient pratiquement achevés. L'idée était de fournir un espace de baignade à un endroit qui y était auparavant soustrait, car situé précisément à l'emplacement de l'ancien téléski nautique du Wake Sport Center.
Vous l'aurez compris, chers collègues, cet objet, qui cherchait à promouvoir un intérêt privé, est inutile. Peut-être existait-il un autre intérêt primaire, mais nous ne l'avons pas compris en commission. Ce que nous avons découvert, en revanche, c'est que le but était clairement de favoriser un intérêt privé en opposition à l'intérêt public que nous devons défendre ici, et pour cette raison, le caucus Vert ainsi que la majorité de la commission vous appellent à refuser le texte.
Pour conclure, je dirais qu'il faut reconnaître un grand avantage à cette proposition de motion, c'est de nous avoir permis, au-delà de la problématique du Wake Sport Center, de prendre connaissance de la volonté générale de l'Etat de mettre désormais au concours les occupations du domaine public au bord de l'eau et de faire cesser les passe-droits et autres rentes hérités du passé. Et pour cela, l'Etat a tout notre soutien. Merci.
Présidence de M. Jean-Luc Forni, premier vice-président
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est l'histoire d'un endroit que les Genevoises et les Genevois aimaient bien et fréquentaient relativement souvent, soit pour y pratiquer du wakeboard, soit pour que leurs enfants s'adonnent à cette activité, soit pour aller boire un verre en fin de semaine, notamment le soir. Pour ceux qui ne connaissent ou ne connaissaient pas le Wake Sport Center, il se situait à côté du Tropical Corner, un peu plus loin que la Nautique. C'est l'histoire d'un lieu qui était apprécié des habitantes et habitants, ceux qui, du fait de leurs moyens, ne pouvaient pas devenir membres de la Nautique, c'est-à-dire la majorité.
Cette proposition de motion a été déposée en janvier 2017, soit il y a cinq ans. Elle a été signée par une constellation de plusieurs partis qui d'ordinaire ne présentent pas de textes parlementaires ensemble: le groupe socialiste, Ensemble à Gauche, le PDC et l'UDC. Que demandait le texte à la base ? Il visait à étudier, et j'y reviendrai, la faisabilité d'un centre de performance nautique s'inscrivant dans une démarche de transition énergétique.
L'idée provenait d'une association, le Wake Sport Center, qui comptabilisait vingt ans d'activité au centre nautique avec des jeunes et des adultes passionnés d'un sport, le wakeboard, qu'ils pratiquaient sur notre lac Léman. Environ 5000 personnes fréquentaient l'établissement chaque année, 1200 pratiquants et 650 jeunes se livraient au wakeboard, que ce soit à travers des cours ou des écoles de sport. Un centre et une pratique sportive soutenus par une dizaine de communes de même que par le Fonds de l'aide au sport du canton de Genève, c'est-à-dire une association totalement reconnue. Il s'agissait d'ailleurs du plus grand club de wakeboard de Suisse.
Ses représentants nourrissaient la volonté très claire - c'était il y a cinq ans, donc ils n'étaient pas non plus visionnaires - de préparer la transition énergétique. Ainsi que l'a souligné le rapporteur de majorité, il est vrai que le wakeboard n'est pas un sport très écologique, parce qu'il faut être tracté par un bateau. Cela étant, ils avaient installé à partir de 2015, je crois, le wakecable, comme ils l'appelaient, à savoir une sorte de téléski nautique permettant la pratique du wakeboard; autrement, bien entendu, des embarcations sont nécessaires pour tirer les gens. Ils voulaient donc opérer cette évolution, protéger l'environnement, adopter une démarche plus écologique tant au niveau des bâtiments que de la navigation grâce à des bateaux électriques.
Il n'était absolument pas question, pour répondre aux propos du rapporteur de majorité, de passe-droit ni d'avantage en faveur d'une association privée. Les motionnaires demandaient simplement au Conseil d'Etat - je vous lis l'invite - «d'évaluer la faisabilité et les difficultés techniques ainsi que les adaptations légales» - s'il devait y en avoir - «pour la réalisation d'un projet de centre de performance nautique s'inscrivant dans une démarche de transition énergétique».
Or depuis le dépôt de l'objet, patatras, la situation a complètement changé: le Wake Sport Center a été évacué le 3 juin 2019, cela a été mentionné, et toute cette histoire a fini en énorme gâchis. J'ai tout de même décidé de maintenir le texte ainsi que mon rapport de minorité, même si je me retrouve bien seul au final, d'une part parce qu'il s'agissait d'un beau projet, d'autre part parce que celui-ci soulève une problématique plus générale qui est celle de certaines rentes de situation qui existaient avant et qui existent encore aujourd'hui, malgré ce que soutient le rapporteur de majorité, en ce qui concerne la mise à disposition des infrastructures et autres buvettes au bord de l'eau.
Or pour nous - enfin pour moi, en l'occurrence, et ceux qui voudront bien voter avec moi -, c'est une question fondamentale de transparence: celle-ci doit être de mise dans ce domaine, non seulement pour les sports nautiques mais plus encore pour les buvettes autour de notre lac, afin que dorénavant, l'attribution des dossiers ne fasse plus de vagues. (Exclamations.) Merci beaucoup.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette proposition de motion pleine de bon sens sur la transition énergétique d'un centre de performance nautique est composée de deux volets. Le premier a trait au non-renouvellement d'une concession d'exploitation accordée par l'Etat à une association privée. S'agissant de ce type de contrat, ce n'est pas à nous, Grand Conseil, de nous en mêler.
Le deuxième axe concerne la transition écologique des bateaux utilisés. Comme vous le savez certainement, le wakeboard est un sport qui s'apparente au ski nautique, à la différence près que les bateaux vont moins vite et que les novices se font tracter par une corde pour pouvoir glisser sur l'eau tandis que les avancés profitent de la vague créée par l'embarcation pour surfer. Actuellement, les bateaux sont propulsés par des moteurs à explosion qui consomment de l'énergie fossile, et à l'heure où l'urgence climatique a été décrétée, ce n'est pas la meilleure chose à faire sur un lac.
Les auteurs demandent que l'Etat engage une réflexion quant à l'utilisation potentielle de bateaux à propulsion électrique pour cette activité, c'est-à-dire employant une énergie propre et renouvelable. Cette opération passerait par l'installation d'une structure de recharge alimentée par des panneaux solaires, marquant ainsi la naissance d'un partenariat entre l'Etat, les SIG, ABB Sécheron et les motionnaires; une piste de développement qui pourrait être suivie sur ce site ou à tout autre endroit au bord du lac où le Wake Sport Center ou une association similaire aurait trouvé un emplacement pour déployer la pratique de ce sport au profit des jeunes. A dessein de favoriser ce processus, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG soutiendra ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Francine de Planta (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le Wake Sport Center, c'est l'histoire d'une association sportive qui a vu le jour en 1983, soit il y a plus de trente ans. Comme l'a indiqué le rapporteur de minorité, il occupait un espace où les Genevois et les Genevoises aimaient se retrouver. Il y avait une véritable ambiance au Wake, c'était un lieu magique où on passait d'excellents moments ! Pendant toutes ces années, l'organisation a permis à plus de 700 jeunes de «rider» sur un plan d'eau idéalement situé à Genève-Plage. En effet, il faut savoir que trouver un endroit dans la rade de Genève où on ne dérange ni les adeptes de paddle ni les baigneurs n'est pas facile, et ce périmètre était vraiment parfait.
Le club a encadré de nombreux jeunes avec succès, ce qui les a conduits non seulement à gagner le championnat suisse, mais également à participer au championnat d'Europe. Soucieux de s'inscrire dans une transition énergétique, le Wake Sport Center a d'abord investi pour installer le fameux wakecable; ce fut un énorme succès. Puis, il s'est lancé dans un projet écologique ambitieux, celui de développer des bateaux électriques - c'était l'un des premiers acteurs sur le lac à s'engager dans une telle entreprise -, qui devait se réaliser en partenariat avec ABB. Il s'agissait d'une initiative réellement visionnaire ! Voilà pourquoi il sollicitait le soutien du canton.
Nous ne reviendrons pas sur la manière dont l'association a été amenée à quitter les lieux qui l'accueillaient depuis plus de trente ans, l'événement a suffisamment défrayé la chronique. Au-delà de cette affaire, ainsi que l'a souligné le rapporteur de minorité, on peut surtout s'étonner de la façon dont sont traités les différents prestataires qui exercent une activité sur le domaine public des rives du lac et s'interroger, Mesdames et Messieurs les députés, quant à la notion d'égalité de traitement et à l'application de mises au concours s'agissant de certains emplacements. On s'étonne d'autant plus que nous faisons face aujourd'hui à des situations telles que celles mises en exergue récemment par la Cour des comptes - je pense aux Voiles ou aux bains des Pâquis.
Alors certes, cette proposition de motion n'a plus de raison d'être, puisque le Wake Sport Center a malheureusement été évacué dans des conditions pas très élégantes en 1919, mais le PLR regrette vivement... (Rires. Commentaires.) En 2019, excusez-moi ! Le PLR regrette vivement que la gestion du domaine public cantonal, notamment des rives du lac, offre le sentiment d'être exercée à géométrie variable. Pour cette raison, il s'abstiendra. (Applaudissements.)
M. Olivier Cerutti (PDC). Monsieur le président du parti socialiste, cher rapporteur de minorité, c'est par solidarité que je prends la parole. Je ne m'exprimerai pas sur la forme - ce ne sera pas nécessaire, puisque beaucoup de choses ont été dites -, mais sur le fond. En effet, en déposant cette proposition de motion - je fais partie des personnes qui l'ont signée -, nous avons pris la décision de réaliser le projet avec M. Lutolf, lequel s'est beaucoup donné pour la jeunesse du bord du lac, il était très motivé.
On parle d'une démarche de transition énergétique. Ce fameux câble électrique, qui permettait aux jeunes d'apprendre à faire du wake, comme on dit vulgairement, constituait déjà le premier palier d'une telle évolution, puisqu'il fonctionnait à l'électricité sans utiliser de bateau à moteur. Lorsque M. Lutolf est arrivé avec son idée de construire des locaux sur ce site - qui est magnifique, il faut le relever -, on peut comprendre qu'il y ait eu une levée de boucliers. A ce moment-là, on lui a indiqué la chose suivante: «Si votre projet ne s'inscrit pas complètement dans la transition écologique, Monsieur Lutolf, vous n'aurez jamais la chance de le concrétiser.» Nous nous sommes concertés avec M. Wenger et d'autres qui sont membres de... qui ont signé le texte, et c'est sur cette base-là que nous avons décidé de le soutenir.
Personnellement, je défends cet objet, même s'il est devenu caduc, par solidarité avec vous, Monsieur le président du parti socialiste - à qui je fais beaucoup de publicité, mais il est vrai que sur un dossier comme celui-ci, qui aurait plutôt eu tendance à diviser, nous sommes parvenus à trouver des convergences. Mesdames et Messieurs, nous avons traité cette proposition de motion en prenant beaucoup de temps, en faisant preuve de passivité, comme c'est parfois le cas ici, et ce soir, ma foi, nous enterrons un beau projet. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo !
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est à se demander si on cherche à déterminer l'âge du capitaine, parce que cette proposition de motion est obsolète, tous les intervenants sont d'accord pour dire que l'affaire est close, qu'il faut passer à autre chose. Simplement, les enjeux sont importants, et c'est la raison pour laquelle je me permets d'intervenir.
Aujourd'hui, les citoyens genevois, à plus forte raison les personnes qui habitent dans de petits appartements, ont besoin de se retrouver au bord du lac. Or toute une série de gens profitent des rives de manière indue; je ne vais pas citer de noms, mais il y a quelqu'un qui a des bureaux à un mètre du lac, en amont du jet d'eau, alors que d'autres louent des locaux sur le quai au bas des Eaux-Vives, je pourrais énumérer de multiples cas qui empêchent les Genevoises et les Genevois de se promener le long de l'eau. Sans parler de celles et ceux qui prétendent à tort être propriétaires des rivages, qui ne peuvent même pas tolérer la présence d'un petit sentier pour que, comme on le fait à Thonon, en France voisine, la population puisse se balader près de ce beau lac et bénéficier de moments de fraîcheur qui nous sont si indispensables - et qui le seront encore plus dans le futur, malheureusement. Il faut que nous prenions toutes et tous conscience que les berges du lac comme celles des rivières appartiennent à la population et que l'intérêt général doit être respecté.
J'en appelle au Conseil d'Etat pour remettre de l'ordre dans toutes ces petites concessions qui ont été octroyées on ne sait pas par qui ni comment et qui font que les Genevoises et les Genevois ne peuvent pas déambuler sur des lieux qui sont pourtant publics et qui, partant, devraient être libérés; hélas, voilà des années que la situation perdure pour un tas de raisons. Au gouvernement de faire appliquer la Constitution fédérale qui impose aux détenteurs d'un terrain au bord de l'eau de laisser un passage, ainsi que cela se pratique d'ailleurs dans n'importe quel pays, pour que chacun jouisse de ce bien commun qu'est notre lac Léman. Je vous remercie de votre attention.
M. Christo Ivanov (UDC). Je serai bref. J'avais cosigné cette proposition de motion avec notre regretté collègue qui a quitté Genève, Bernhard Riedweg. En effet, il s'agissait d'un projet tout à fait novateur, un partenariat était prévu avec ABB dans le but de réaliser des bateaux électriques pour le wake. Malheureusement, cela a été signalé, l'histoire s'est terminée en eau de boudin, je dirais, et pour ces raisons, le groupe UDC votera oui à ce texte. Je vous remercie.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce débat est surprenant, d'abord parce que, vous l'avez dit, on parle ici d'un objet qui n'est plus, l'administration cantonale ayant réglé l'affaire avant que votre ordre du jour, ma foi, vous permette de vous pencher sur la question, mais également de par le message ambivalent que vous envoyez au gouvernement.
En effet, tous les intervenants sont convenus qu'il fallait mettre de l'ordre dans les occupations du domaine public au bord du lac. Nous devons admettre qu'historiquement, des concessions ont été octroyées à bien plaire, en fonction des connaissances, des requêtes, de certains réseaux, d'appuis politiques plus ou moins manifestes. Depuis quelques années, le Conseil d'Etat, pour lui le département du territoire, s'efforce de rétablir l'Etat de droit. Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit, Mesdames et Messieurs: il s'agit d'un espace public qui appartient à la république, qui revient à tout le monde.
J'entends le rapporteur Thomas Wenger s'exclamer: «Ah, c'était un endroit où on pouvait se réunir !» et d'autres expliquer, comme Mme de Planta: «Les enfants pouvaient y pratiquer du sport.» Or à quel moment les choses se sont-elles tendues ? Eh bien quand le titulaire des lieux a déposé une demande d'autorisation de construire pour un restaurant occupant plus de 50% de la surface ! Et que sollicitait-il en parallèle ? Une concession gratuite pour 75 ans !
Quel est ce lobby qui se manifeste ce soir ? Je m'en étonne, surtout de la part du président du parti socialiste... (Exclamations.) ...dont le groupe parlementaire a présenté un projet de loi précisément pour favoriser l'accès libre aux rives du lac ! Une privatisation rentable, sous la forme d'un restaurant - que rêver de mieux comme affaire, quand même, qu'un restaurant au bord de l'eau ? Avec, de surcroît, une concession gratuite pour 75 ans !
Un peu de sérieux, Mesdames et Messieurs. Bien entendu que cet endroit doit être ouvert au public, mais il faut que l'Etat de droit s'applique. Pourquoi le Conseil d'Etat a-t-il fait fermer l'établissement ? Parce que la justice en a décidé ainsi ! Dès lors, que dire de cette proposition de motion sinon qu'elle s'oppose à la fois au principe de l'égalité, au libre accès aux berges du lac et à une décision de justice ? M. Lutolf a eu l'occasion de postuler comme ses concurrents, comme d'autres citoyens et entrepreneurs qui, eux, n'ont pas la chance de disposer de réseaux parlementaires pour les défendre devant cette chambre; il a eu l'opportunité de monter un dossier et il a perdu, d'autres projets l'ont emporté.
Au demeurant, Mesdames et Messieurs les députés, il est toujours possible d'aller boire un verre là-bas, la place a été réaménagée avec un magnifique bois indigène, il y a des activités de paddle, de kayak, de voile et surtout un accès pour les nageurs beaucoup plus important, que la présence du câble empêchait auparavant. Ainsi, cette portion du lac accueille dorénavant beaucoup plus de citoyennes et de citoyens.
Dans le cadre de ce débat, je souhaiterais qu'on n'oublie pas que quand on dit que le lac appartient à tout un chacun, il appartient vraiment à tout un chacun, et qu'on cesse de signifier, à travers ce type d'objet, que dans cette république, si on bénéficie de certains appuis politiques, si on évoque vaguement le vivre-ensemble et la transition énergétique - concept qui vient à la rescousse pour justifier une privatisation du domaine public -, il se trouve des députés pour entrer dans le jeu.
Non, Mesdames et Messieurs, le département est bien déterminé à faire le ménage autour du lac. Ce n'est pas évident, il ne s'agit pas non plus de casser des activités qui existent depuis longtemps; nous procédons par opportunité, nous agissons chaque fois que nous avons la possibilité de remanifester l'Etat de droit de même que le principe de libre accès aux rives. Ce soir, je vous invite réellement à refuser ce texte qui implique la poursuite des anciennes pratiques, ce qui n'est pas tolérable aux yeux du Conseil d'Etat.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Présidence de M. Diego Esteban, président
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le moment de vous prononcer.
Mise aux voix, la proposition de motion 2365 est rejetée par 40 non contre 13 oui et 27 abstentions (vote nominal).
Débat
Le président. Le prochain point de l'ordre du jour est la M 2416-A, classée en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. David Martin, remplaçant de la rapporteure de majorité.
M. David Martin (Ve), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette proposition de motion a malheureusement un peu pris la poussière dans notre ordre du jour puisqu'elle a été déposée par le PDC et les Verts en 2017 - ça fait donc bientôt cinq ans -, néanmoins elle reste tout à fait d'actualité. Depuis lors, notre Grand Conseil a accepté l'initiative Verte «De l'air, moins de bruit» en avril 2019, qui instaure des mesures d'urgence en cas de pic de pollution, telles que la gratuité des transports publics.
Pour revenir à cette motion, que dit-elle ? Elle invite le Conseil d'Etat à créer, à brève échéance, des zones à faibles émissions polluantes - plus connues en tant que «low emission zones» dans l'appellation anglaise ou encore «zones à trafic limité», ZTL, dont le concept est similaire - dans les centres urbains du canton. En effet, de nombreux quartiers d'habitation sont aujourd'hui encore exposés, et ce depuis des décennies et sans véritable amélioration, à des dépassements fréquents des valeurs limites de pollution de l'air, en particulier s'agissant des particules fines et du dioxyde d'azote. Cette pollution est à l'origine d'un grave problème de santé publique: elle cause, chaque année, approximativement trois mille décès prématurés en Suisse, pour un coût estimé à 4 milliards. Il s'agit donc de combattre cette pollution par tous les moyens.
Il y a deux cas de figure. Le premier, c'est celui des pics de pollution, aujourd'hui relativement bien traité grâce au Stick'AIR, ce macaron qui soustrait certains véhicules à la circulation si leur standard énergétique n'est pas suffisamment performant. Les «low emission zones» visent quant à elles particulièrement la pollution chronique, à savoir celle à laquelle sont exposés au quotidien les habitants des quartiers; c'est là que ces zones ont tout leur sens. Elles ont été mises en oeuvre avec succès dans plusieurs villes d'Europe - en Allemagne, en France, en Italie - à la grande satisfaction des habitants. En réalité, elles consistent à restreindre l'accès aux véhicules les plus polluants, avec des conditions spécifiques qui s'appliquent aux résidents et aux visiteurs, avec des exceptions pour les véhicules professionnels et les livraisons et parfois certaines plages horaires. Ces zones permettent de répondre de façon combinée aux enjeux en matière de pollution de l'air, de nuisances sonores et de stationnement. C'est donc une mesure très favorable pour les résidents et leur qualité de vie. Pour toutes ces raisons, la commission, à l'époque, a largement soutenu cette motion - les rangs PDC, MCG, socialistes, Ensemble à Gauche et Verts - et la majorité vous invite à continuer à la soutenir lors du vote de ce soir. Je vous remercie.
Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de première minorité. Cela a été dit, cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat à créer à brève échéance, dans les centres urbains du canton et en particulier au centre-ville de Genève, des zones à faibles émissions polluantes pour lutter contre la pollution atmosphérique émanant du trafic routier, qui met en danger la santé publique. Elle se base notamment sur le fait qu'en 2015, les valeurs limites fixées pour le dioxyde d'azote et pour les particules fines ont été dépassées à maintes reprises. Les auteurs souhaitent dès lors reproduire ce qui a été mis en place dans d'autres villes européennes, bien plus grandes que Genève, à savoir la création de zones à l'intérieur desquelles seuls certains véhicules seraient autorisés à circuler, soit les véhicules qui émettent peu de polluants atmosphériques, qui devraient être identifiés par un macaron spécifique. A la différence des dispositions déjà acceptées par ce Grand Conseil en cas de pic de pollution, les zones préconisées seraient pérennes.
Notre minorité s'oppose toujours à ces mesures qu'elle juge excessives, disproportionnées et même inapplicables. Les pics de pollution ont en effet notablement diminué depuis le dépôt de cette motion et le parc automobile s'améliore d'année en année - de plus, il est de bonne qualité en comparaison internationale. Ces mesures instaureraient un traitement différencié des habitants selon qu'ils résident ou non dans la zone protégée: au lieu de répartir la circulation sur tout le canton, une partie de celle-ci serait reportée sur des axes déjà bien chargés, imposant aux habitants voisins de subir les véhicules et la pollution supplémentaires qui seraient détournés devant chez eux. Elles discrimineraient par ailleurs certaines entreprises qui ne pourraient pas changer leur parc automobile dans le délai prévu.
Enfin, l'instauration de cette vignette écologique pérenne devrait être autorisée par la Confédération et cette mesure n'a pas été validée à ce jour. En 2017, lors d'une consultation, le Conseil fédéral a suivi la majorité des 3700 avis opposés à l'instauration de zones environnementales. Il a jugé un nouveau projet législatif inopportun et préconisé de rejeter l'instauration de zones environnementales et l'introduction de vignettes écologiques. En 2019, le Conseil national a suivi cette préconisation et a rejeté la motion 17.3569 par 129 voix contre 62. Il n'existe donc, à ce jour, aucune base légale permettant l'instauration de telles zones de façon pérenne, et par là des vignettes y relatives.
Nous ne prétendons pas considérer cette situation comme banale et sommes conscients de ce que la qualité de l'air doit être le souci de tous. Mais nous pensons que le problème doit être réglé par d'autres biais comme l'adaptation de la qualité des carburants et des gaz d'échappement, et surtout la promotion des véhicules non émetteurs desdits gaz. Pour tous les éléments cités, nous refuserons cette proposition de motion et vous invitons à en faire de même.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. On l'a dit, il est question de l'instauration d'une vignette pour restreindre l'accès à certaines zones du centre-ville et périurbaines, ce qui constitue une pénalité pour un grand nombre d'usagers et plus spécifiquement pour nos entreprises, sans d'ailleurs aucune base légale, ma préopinante l'a dit. Je rappelle que la stratégie cantonale fixe trois objectifs de protection de l'air à l'horizon 2030:
1) viser le respect des valeurs limites d'immission de l'OPair sur le territoire cantonal, notamment pour les NO2 et les PM10;
2) faire respecter, pour toutes les installations stationnaires, les valeurs limites d'émission fixées dans l'OPair et le RPAir;
3) par rapport à la situation de référence de 2005, réduire de façon volontariste les émissions d'oxydes d'azote - NOx - de 50% et les émissions de PM10 de 18%.
Il y a donc trois axes stratégiques ciblés par l'Etat et deux axes stratégiques transversaux concernant les poussières fines et les suies. Tout est inclus dans la stratégie cantonale 2030, avec des objectifs précis et une gamme importante de moyens d'action. Pour toutes ces raisons, notre minorité vous demande de refuser cette motion qui n'a pas de base légale pour être appliquée. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). La motion a été déposée il y a quelques années pour qu'on s'occupe du problème de la pollution de l'air et surtout des maladies liées à cette pollution. Ça fait des années qu'on ne fait strictement rien alors que, on le sait, les risques liés aux particules fines et à d'autres particules sont énormes. Chaque fois qu'on propose des solutions pour essayer d'améliorer la santé publique, on nous répond qu'il n'y a pas de base légale; on nous répond que tout est sous contrôle; on nous répond qu'il y a un plan cantonal - on nous répond: circulez, y a rien à voir ! C'est une motion: il n'y a peut-être pas de base légale, mais c'est une motion - je veux dire par là que vous discutez des bases légales s'il est question d'un projet de loi.
La discussion est importante parce qu'il faut que les choses changent, et peut-être qu'elles changent avant 2030. On doit s'occuper sérieusement de ces particules fines qui génèrent probablement beaucoup plus de problèmes que les trois mille décès qui en découlent: il y a probablement beaucoup plus de maladies chroniques qui se développent à cause de ces particules fines. Il est donc important qu'il y ait des zones, dans les villes, où les gens peuvent se rendre en sachant qu'ils courent peu de risques parce qu'elles sont faiblement polluées. D'autres pays ont déjà fait ça ! L'Allemagne l'a fait dans beaucoup d'endroits, dans la quasi-majorité de ses villes... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député. C'est beaucoup trop bruyant ! Beaucoup trop bruyant ! (Un instant s'écoule.) Les discussions peuvent avoir lieu à l'extérieur de la salle; c'est mieux pour le débat. Poursuivez, Monsieur le député.
M. Bertrand Buchs. Je disais que beaucoup de villes allemandes ont instauré ces zones, tout comme des villes françaises et des villes italiennes; ce n'est donc pas une idée saugrenue, une Genferei de plus, mais une idée importante et qui est développée au niveau européen. Je vous encourage par conséquent à voter cette motion. Je vous remercie.
M. Jean Burgermeister (EAG). Je serai très bref... (Remarque.) Qu'est-ce qu'il dit, le petit au fond ? Je n'entends rien !
Une voix. Oh !
Le président. Non, mais c'est... Excusez-moi ! Excusez-moi, Monsieur le député !
M. Jean Burgermeister. Il faut parler plus fort, Monsieur Zweifel !
Le président. Monsieur le député !
M. Jean Burgermeister. Oui ?
Une voix. Il y en a qui l'interrompent.
M. Jean Burgermeister. Je me fais interrompre !
Le président. Il y a des termes un peu limite !
M. Jean Burgermeister. Petit ?!
Le président. On ne fait pas de commentaires sur le physique des gens, s'il vous plaît; on peut le rappeler à l'ordre d'une autre manière. Poursuivez.
M. Jean Burgermeister. Mais je ne l'ai pas rappelé à l'ordre, Monsieur le président, je l'encourageais à répéter plus fort ! (Commentaires. Protestations.)
Une voix. Ça suffit !
Le président. Un peu de patience ! Aux personnes qui ne peuvent pas s'empêcher de s'exprimer sans demander la parole, je rappelle qu'il y a des salles à côté qui permettent de manifester sa frustration, mais laissez le débat se faire, s'il vous plaît ! Par pitié ! Je le répète beaucoup trop souvent ! Monsieur Burgermeister. (Un instant s'écoule. Commentaires. Rire.)
M. Jean Burgermeister. Un peu de calme dans la salle, s'il vous plaît ! (Rire.) Attendez votre tour pour parler, Mesdames et Messieurs les députés, je vous en prie ! Je n'ai jamais insulté personne: je suis toujours aimable et souriant ! (Remarque.)
Je voudrais dire, très brièvement, quand vous arrêterez de m'interrompre... (Rires.) ...que cette motion est finalement intéressante. Elle est raisonnable - très raisonnable ! (Rires.) - et Ensemble à Gauche la soutiendra. Créer des zones à faibles émissions dans le canton, pourquoi pas - sans doute est-ce insuffisant, par ailleurs: le canton lui-même devrait être transformé en zone à faibles émissions.
Il est vrai que la problématique est importante, d'abord pour une raison environnementale, mais également - le rapporteur de majorité l'a dit - pour une question de santé sérieuse: les particules fines sont chaque année responsables de beaucoup de problèmes de santé, voire de morts, en Suisse. Cette problématique de santé est aussi une problématique sociale puisque ce sont, dans la grande majorité des cas, les classes populaires qui vivent aux abords des grands axes routiers. On est beaucoup plus exposé à la pollution, y compris aux particules fines, lorsqu'on habite à côté du boulevard du Pont-d'Arve que lorsqu'on habite par exemple à Cologny ou à Vandoeuvres. La droite, qui a tendance à qualifier de bobos ceux qui s'occupent de l'environnement, tourne là le dos à la santé publique et en premier lieu à celle des classes populaires, très durement touchées par cette problématique.
Maintenant, je pense que la motion est insuffisante: je l'ai dit, c'est l'ensemble du canton qui devrait être une zone à faibles émissions. Pour ça, il faut aller encore bien plus loin dans les politiques d'encouragement de la mobilité douce, mais aussi particulièrement des transports publics qui évidemment doivent d'abord se développer à prix abordable. Il faut ensuite viser, idéalement, la gratuité des transports publics - c'est ce qu'il faut viser: c'est d'actualité et, rappelons-le, le combat est porté de longue date par Ensemble à Gauche. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, sans trop d'illusions, nous voterons cette motion, mais nous vous encourageons à aller bien plus loin pour réduire massivement la pollution de l'air et les émissions de gaz à effet de serre dans le canton. Je vous remercie.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Si le PLR partage pleinement l'objectif de réduire la pollution et l'avis que les questions environnementales sont essentielles, nous considérons malheureusement que ce texte est une fausse bonne idée. Il y a un côté un peu surenchère et dans l'air du temps, mais ce type de motion ne va malheureusement rien résoudre. Nous vivons dans un tout petit canton et la ville de Genève, où devraient s'appliquer ces zones, est plus petite encore; ça n'aura donc aucun effet sur la pollution. Il est par ailleurs problématique d'avoir des traitements différenciés selon les parties de la ville, selon que l'on habite dans tel ou tel endroit.
Il faut savoir que d'énormes progrès ont été faits dans l'isolation des immeubles, avec une diminution très importante des émissions de CO2 et des particules fines. L'industrie automobile a aussi fait des progrès énormes: les véhicules hybrides et purement électriques constitueront 40% à 60% des nouvelles immatriculations en 2025 - tout cela va augmenter de façon exponentielle. Il faut par ailleurs rappeler que la loi 12196 prévoit, en cas de pic de pollution, des macarons et l'interdiction de certains véhicules polluants. Par conséquent, les mesures existent, on peut les appliquer. Il y a en outre, et c'est ressorti des auditions, un problème de légalité: le droit supérieur n'accepte pas cette restriction de circulation. Pour tous ces motifs, le groupe PLR n'a pas été convaincu par cette motion et vous invite à la refuser. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Francisco Valentin (MCG). Cette motion est en effet totalement dépassée à l'heure actuelle. Beaucoup de choses ont été faites, beaucoup de choses sont encore à faire. Evidemment, on parle toujours de la santé; peut-être faut-il juste malheureusement réaliser que nous ne sommes pas égaux en matière de santé et que l'être humain est destiné à mourir un jour ou l'autre. (Exclamations.)
Encore une fois, on voit le manque de discernement des bancs d'en face qui s'attaquent toujours au même bouc émissaire, à savoir la voiture ou le véhicule motorisé. Je les invite à consulter le site officiel de la Ville de Genève - tout le monde sait la couleur politique de la Ville de Genève et les frasques qui en sortent: on y apprend que les véhicules motorisés ne représentent que 10% de la production de gaz à effet de serre à Genève. Je pense qu'on ne peut pas tellement remettre en cause une étude sérieuse menée par des gens, ou alors on se demande s'ils le sont. Pour 10%, on est donc prêt à taper une fois de plus sur un énorme vecteur d'impôts, sur des milliers de places de travail, et bien évidemment sans jamais proposer aucune alternative. Pour ces raisons, le groupe MCG vous invite à rejeter cette motion qui aurait pu être retirée depuis fort longtemps par ses auteurs. Merci.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, franchement, comment est-il possible qu'on entende ce genre de discours aujourd'hui, en 2022, au Grand Conseil genevois ? Il y a deux problématiques fondamentales liées à la mobilité: les nuisances sonores - j'y reviendrai brièvement - et la pollution de l'air, la pollution atmosphérique. Monsieur Valentin, du MCG, vous nous dites que 10% de la pollution atmosphérique serait due à la voiture; c'est plutôt 15%, à quoi vous pouvez ajouter 15% pour le trafic aérien. (Remarque.) La voiture et le trafic aérien émettent donc 30% des gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique ! (Remarque.) Et quelle solution nous propose le MCG ? «Ah, ben désolés, Mesdames les citoyennes, Messieurs les citoyens, tout le monde doit mourir; bon, vous allez mourir un peu avant à cause de la pollution ! Voilà, ça, c'est notre programme politique !»
Après, on a les génies de l'UDC - excusez-moi, Monsieur le président - qui nous proposent d'abroger la LMCE... (Remarque.) ...la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, lancée il y a cinq ans, pourquoi ? Pour donner la priorité à la mobilité douce et aux transports publics afin de trouver des solutions en matière de mobilité, premièrement pour que les gens puissent avoir une alternative moins polluante et plus durable à leur voiture, et deuxièmement pour réduire les nuisances sonores et la pollution atmosphérique. Pourquoi ? Pas parce qu'on est contre la voiture, mais parce qu'on a envie de préserver la santé des habitants du canton de Genève !
Si on prend les nuisances sonores - je fais une petite digression -, 120 000 personnes habitent aujourd'hui, à Genève, dans des endroits où les normes de l'OPB, des normes fédérales de protection contre le bruit, sont dépassées ! Ces gens souffrent donc du bruit, et on prend là en compte uniquement la voiture et pas encore le trafic aérien. La réponse qu'on va leur donner, c'est: «Ah, ma foi, vous souffrez, c'est comme ça, souffrez en silence; de toute façon, vous allez mourir un jour !» C'est ça, la réponse ?!
S'agissant de la pollution atmosphérique, même chose: on doit prendre des mesures. Celles-ci doivent être drastiques et claires: privilégier la mobilité douce, la mobilité durable, diminuer le nombre de voitures et réduire les émissions de gaz à effet de serre - moins 60% d'ici 2030 et la neutralité carbone en 2050 selon le plan climat cantonal; c'est fondamental !
Le parti socialiste soutiendra bien sûr cette motion afin de créer ces zones, comme il a soutenu le Stick'AIR pour lutter contre la pollution aux particules fines et pour que les véhicules trop polluants ne puissent plus venir dans le canton de Genève, ne puissent plus venir au centre-ville. Il faut penser à la santé de nos concitoyennes et de nos concitoyens, et ça, ça mérite un peu de courage politique et des mesures drastiques. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole pour une minute trente-cinq à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste dire que si on prend des mesures, elles doivent se faire aux endroits où il y a vraiment un risque de pollution maximale. On sait - les études allemandes l'ont très clairement démontré - que si vous placez une station de mesure à 200 ou 300 mètres de la route ou de la rue où il y a énormément de voitures et de pollution liée aux voitures, vous n'obtenez pas les mêmes résultats car vous êtes à ce moment-là toujours en dehors des zones de risque. Si on mettait la station de mesure au boulevard du Pont-d'Arve, ce qui a été fait une fois, eh bien je peux vous dire que vous utiliseriez un peu plus souvent la loi que vous avez votée en lien avec le Stick'AIR ! Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à Mme la députée Danièle Magnin pour une minute et vingt-sept secondes.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Je voudrais simplement rappeler que ce sont les bâtiments mal isolés qui polluent le plus dans notre canton, notamment tous ceux de l'Etat et des communes - bâtiments mal isolés qu'il faut chauffer, surchauffer, avec des énergies non renouvelables parce qu'on n'est pas suffisamment passé aux énergies renouvelables.
D'autre part, depuis que je siège dans ces instances, on oublie systématiquement, au Conseil municipal ou au Grand Conseil, que le parc automobile devient non polluant parce qu'électrique et non bruyant parce qu'électrique ! Et quand on dit que les voitures ne font quasiment plus de bruit, on vous répond: «Ah, mais alors c'est dangereux: comme elles ne font pas de bruit, on ne les entend pas venir !» Mais on n'a pas les yeux dans sa poche, nom d'un petit bonhomme ! C'est quand même assez scandaleux de voir la liberté des gens de se déplacer comme ils l'entendent rétrécir à ce point sous des prétextes obsolètes ! Mais c'est terminé !
C'est fallacieux et obsolète parce qu'on est justement passé à un autre type d'énergie. Alors développons ces types d'énergie et arrêtez d'embêter le monde avec vos projets inutiles ! Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Les Vertes et les Verts, bien évidemment... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Madame la députée. (Un instant s'écoule.) Dehors, s'il vous plaît. Poursuivez, Madame la députée.
Mme Marjorie de Chastonay. Merci, Monsieur le président. Je voulais juste préciser quand même qu'évidemment - ça me semble tellement évident que ça en devient presque ridicule, face aux propos du MCG qui parle de fatalisme par rapport à la mort, ce qui est assez choquant - nous soutenons cette motion qui n'est pas du tout obsolète ou surannée. Elle est encore très actuelle: il y a des milliers de morts à cause de cette pollution - les chiffres ont été mentionnés. Nous allons donc naturellement soutenir ces zones à faibles émissions polluantes parce que nous sommes dans une situation d'urgence climatique et parce qu'il faut protéger la population et à l'évidence réduire tant les émissions que les nuisances sonores dans les quartiers. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. On va faire court: la deuxième minorité vous demande de refuser cette motion qui vise à restreindre l'accès, dans certaines zones, aux véhicules théoriquement les plus polluants. Mme Magnin l'a dit, beaucoup roulent aujourd'hui à l'électrique et rouleront demain à l'hydrogène. Une fois de plus, on va pénaliser les entreprises, sans parler du fait qu'il n'y a pas de base légale pour cette future vignette. Pour toutes ces raisons, la deuxième minorité vous demande de refuser cette motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je rends la parole à Mme la rapporteure de première minorité, Fabienne Monbaron, pour une minute et cinq secondes.
Mme Fabienne Monbaron (PLR), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais répondre à M. Wenger en disant que pour protéger la santé des citoyens, il aurait peut-être fallu que les signataires osent demander une zone sur l'entier du canton ! (Rires.) Parce qu'avec ce qui est proposé, vous déplacez simplement la circulation pour la rajouter à celle qu'il y a déjà à la périphérie de la ville... (Commentaires.) ...et en voulant épargner ceux du centre-ville, vous allez submerger de ces gaz les gens qui habitent aux abords de ces routes.
Je relèverai aussi que le macaron Stick'AIR, depuis qu'il a été instauré, a peut-être été mis en application une fois - je voulais dire jamais, mais il est possible que je l'aie raté. Je pense que ça n'est arrivé qu'une seule fois et je maintiens donc ce que je préconisais, à savoir de refuser cette motion. Merci.
Le président. Merci, Madame la rapporteure de première minorité. La parole va maintenant à M. le rapporteur de majorité, David Martin, pour deux minutes.
M. David Martin (Ve), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. En ma qualité de rapporteur de majorité, j'aimerais d'abord remercier le MCG de nous avoir révélé, dans ce débat, son vrai programme pour la mobilité du canton: comme nous allons tous mourir, eh bien continuons à nous intoxiquer avec des gaz de voiture ! (Rire. Remarque.) Je crois que c'est très clair !
De nombreux députés ont rappelé le véritable enjeu des poussières fines, de la pollution des gaz d'échappement, et s'il est vrai que le parc automobile s'améliore progressivement, un peu, les gaz d'échappement que l'on sent au quotidien lorsqu'on est dans la rue - je pense que nous l'avons tous expérimenté à pied ou à vélo - ne présagent rien de bon pour la santé. Le problème n'est donc pas déjà réglé, il continue à exister.
Le député PDC l'a dit, de nombreuses villes d'Europe pratiquent ces zones à faibles émissions: ce n'est pas une idée saugrenue. Soyons donc un petit peu courageux et faisons de notre canton un lieu exemplaire; transformons nos centres urbains en des lieux agréables à vivre et sains pour leurs habitants. Je vous remercie.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, la qualité de l'air est un thème important. On estime de trois à cinq mille les décès prématurés, en Suisse, liés à la mauvaise qualité de l'air; or, l'épidémie du coronavirus a donné lieu aux mêmes chiffres. Pensez aux mesures que notre pays a prises pour limiter ces morts-ci, pour les éviter - peut-être que certains, dans cette salle, ne déplorent pas ces décès, mais l'énorme majorité des habitantes et des habitants les prennent en considération; le droit à la vie est peut-être le premier bien public que les autorités doivent défendre. Trois à cinq mille décès prématurés ! C'est l'épidémie du coronavirus; ce sont les mêmes chiffres en somme.
Bien évidemment, la voiture n'est pas responsable de tout, tant s'en faut. Bien évidemment, tous les quartiers, toutes les régions ne sont pas logés à la même enseigne, et nous avons des espaces, à Genève, qui dépassent les normes fédérales en matière de concentration de particules fines. Nous avons donc une responsabilité particulière puisqu'il existe des normes fédérales - et si elles existent, c'est pour qu'elles soient respectées, mais nous n'y arrivons pas au centre-ville et à proximité de l'aéroport. C'est pourquoi - pour répondre à Mme Monbaron - les «low emission zones» qui se trouvent en Allemagne et en Italie notamment sont relativement concentrées et restreintes: il s'agit de protéger la part de la population confrontée, en matière de qualité de l'air, à des taux dépassant les normes légales. Et ce n'est pas toute la population genevoise: les quartiers sont inégaux par rapport à cela. Que devons-nous faire ? Abandonner celles et ceux qui ont la malchance d'habiter dans les quartiers les plus touchés ? Ça, c'est le premier point.
Une note positive, Mesdames et Messieurs: nous devons prendre en compte le fait que les efforts collectifs des pouvoirs publics, mais aussi beaucoup de l'industrie - y compris l'industrie automobile - amènent une amélioration de la qualité de l'air aujourd'hui à Genève. Il faut le dire ! C'est vrai que nous avons tendance à effectuer les mesures aux mêmes emplacements d'une année à l'autre pour faire des comparaisons; les données ne voudraient pas dire grand-chose, le Dr Buchs l'a indiqué, si on déplaçait les instruments de mesure. Mais la qualité s'améliore donc, quand bien même elle reste problématique dans certains secteurs.
Mesdames et Messieurs, cette question des «low emission zones» est à rattacher aux macarons que nous avons déjà mis en place. L'Etat a gagné face au recours du TCS: les macarons ont été admis par la Cour constitutionnelle, mais à condition qu'ils servent dans le cadre des pics de pollution. C'est là qu'il faut donner raison au rapporteur de minorité: en l'état, le droit fédéral ne permet pas aux cantons d'instaurer des zones à faibles émissions polluantes. Mais quand bien même ! J'aimerais qu'on réfléchisse en matière de mobilité: il faut savoir par exemple qu'éliminer les deux premiers macarons, c'est-à-dire les voitures les plus polluantes, permettrait de diminuer la pollution de 50% en ne touchant que 16% du parc automobile !
Même si le Conseil d'Etat vous invite à refuser cette motion parce que nous n'avons pas de base légale pour introduire, à l'instar des villes allemandes et italiennes, ce système à Genève, celui-ci est peut-être plus juste, en matière de mobilité, que le péage urbain qui permet de se payer le droit de polluer. Ce système met la pression sur une partie du parc automobile - une partie très minoritaire à vrai dire, 16% -, mais en touchant ce 16%, on règle 50% du problème. C'est aussi une manière de valoriser les automobilistes, qui pour la plupart ont des véhicules plus récents et donc plus respectueux de l'environnement.
Voilà, Mesdames et Messieurs. Je conclurai peut-être mon propos ainsi: refusez cette motion parce que nous n'avons pas de base légale - Genève ne pourra pas légalement introduire une zone permanente, l'arrêt de la Cour constitutionnelle l'a redit. Nous pouvons recourir à cette mesure lors de pics de pollution, bien que nous ne l'ayons jamais appliquée: nous avons dépassé le seuil une seule fois, mais c'était à cause du sable du Sahara. On n'allait donc pas culpabiliser les automobilistes genevois et le Conseil d'Etat y a renoncé opportunément. Mais ces zones à faibles émissions fonctionnent bien dans d'autres pays et je pense que le débat devra quand même être porté aux Chambres fédérales. Merci beaucoup et bonne soirée.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. (Brouhaha.) Encore un peu d'attention ! Nous passons au vote.
Mise aux voix, la motion 2416 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 50 oui contre 36 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est la fin de cette session: bon retour dans vos foyers !
La séance est levée à 20h10.