République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 février 2022 à 20h30
2e législature - 4e année - 8e session - 45e séance
PL 12814-A
Premier débat
Le président. Nous terminons notre séance avec notre prochaine urgence, le PL 12814-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Christian Flury.
M. Christian Flury (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le pont de Lancy et le carrefour du Grand-Lancy font partie intégrante de la tangente ouest ou du contournement ouest de la ville. Il s'agit de l'axe de circulation périurbain qui relie l'avenue Louis-Casaï à la route de Saint-Julien, le tronçon par lequel passait la majeure partie du trafic entre la Suisse et la France avant la mise en service de l'autoroute de contournement.
Il convient ici de saluer l'audace et la vision des urbanistes qui avaient, dans les années 1950, osé le coup de crayon qui a donné naissance au pont de Lancy, idéalement situé dans le prolongement du pont Butin et débouchant sur l'avenue des Communes-Réunies. Au fil des années, la construction d'ouvrages a permis d'améliorer la fluidité du trafic sur ce contournement: le viaduc du Pailly, le pont de l'Ecu, puis la tranchée couverte des Palettes.
Aujourd'hui, le pont de Lancy et le carrefour du Grand-Lancy subsistent comme points noirs sur cette tangente. La récente arrivée au Grand-Lancy du tram, dont les voies cisaillent l'axe nord-sud de la circulation routière, n'arrange rien. Ce projet de crédit d'étude d'un montant de 5,8 millions permettra d'étudier la requalification multimodale de ce pont et de ce carrefour. En l'état, il est envisagé de renforcer le pont de Lancy et d'y créer un second tablier placé sous la chaussée actuelle, qui supportera deux voies de circulation. Dans le prolongement, le carrefour du Grand-Lancy sera mis en dénivelé et la tranchée couverte refera surface à l'avenue des Communes-Réunies à la hauteur de la piscine de Marignac.
Notre prospère région poursuit son développement: elle compte chaque année plus d'habitants et de travailleurs qui ont tous des besoins en mobilité. Quand bien même le transfert modal vers la mobilité douce est bien engagé, les besoins de la circulation ne sont pas près de baisser sur le pont de Lancy. Afin de pouvoir y faire face et d'améliorer la sécurité de tous les usagers utilisant ce pont, qu'ils soient piétons, cyclistes, automobilistes ou chauffeurs de poids lourds, la majorité de la commission des travaux vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à réserver un accueil favorable à ce projet de loi et à le voter. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de minorité. C'est typique, on se retrouve en plein dans les années 60 avec un tel discours, Monsieur le rapporteur de majorité: vous représentez le passé, celles et ceux qui veulent favoriser la voiture. En l'occurrence, il faut quand même donner des chiffres pour que les personnes qui ont l'amabilité de nous écouter comprennent un peu de quoi il retourne.
Sur le pont du Mont-Blanc, en 2019, il y avait 52 000 voitures par jour. Un effort considérable a été fait entre 2015 et 2019. 2015: 64 000 voitures par jour. 2019: 52 000. Aujourd'hui, avec la stratégie qui est mise en place, je ne veux pas trop m'avancer, mais cela a réaugmenté. Tous les efforts pour faire en sorte que nos concitoyennes et concitoyens se posent la seule question qu'ils devraient se poser le matin en se levant, à savoir la question du choix de leur moyen de transport... Vous les laissez croire que tout est ouvert, que tout est possible. Vous avez cité la tranchée couverte des Palettes - ce que vous allez faire, ce qui est déjà le cas aujourd'hui... Un autre chiffre concernant la tranchée couverte d'Arare - vous savez, celle qui amène à la douane: 38 000 voitures. Aujourd'hui, sur le pont de Lancy, il y a exactement 38 000 voitures qui passent. Aujourd'hui, il y a deux voies seulement; demain, avec deux fois deux voies - parce que c'est deux fois deux voies dont il est question -, on ne peut qu'imaginer que la circulation va devenir celle qui existe en ce moment sur le pont du Mont-Blanc.
On arrive donc là à une contradiction qui ne vient pas de vous, parce qu'en fait, vous défendez, comme d'habitude, les automobilistes et les années 80; vous êtes du passé, vous n'avez pas compris que le climat a changé, que nous avançons vers une catastrophe climatique qui met en cause pour la première fois la présence de l'humanité sur cette terre. Mais ce qu'il y a de grave, c'est que le Conseil d'Etat, lui, est paradoxal dans son discours: il dit, d'une part, qu'il faut réduire de 40% - 40% ! - la circulation, ce qui voudrait dire qu'on passerait de 38 000 à 14 000 voitures, s'il appliquait ce qu'il a dit il y a quelques mois ou même ce qu'il prétendait il y a quelques jours, à savoir abaisser de 40% la circulation dans notre canton, comme d'ailleurs la Ville de Genève s'est employée à le faire, puisque, je vous le rappelle, 50% des habitants de la Ville de Genève n'ont plus de voiture.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Rémy Pagani. Oui, tout à fait, Monsieur le président. Par conséquent, je trouve que le discours du Conseil d'Etat est très paradoxal; j'espère qu'il s'en expliquera - il dira, j'imagine: «Oui, mais il faut faire circuler, c'est un compromis qui a été passé d'ailleurs avant que la crise climatique n'ait déployé ses effets.» Et ce de la part d'un magistrat qui, lui, était - comme vous, Monsieur le rapporteur de majorité - pour le «tout à la voiture».
Nous proposons donc de refuser ce projet de loi, parce qu'il est désuet, parce qu'il ne correspond pas aux objectifs liés à l'urgence climatique que vous avez tous, Mesdames et Messieurs, que nous avons tous décrétée ! Il ne correspond pas à cette urgence climatique. Il est temps de mettre un terme à ce réflexe quasiment pavlovien consistant à faire croire à nos concitoyennes et concitoyens qu'ils peuvent toujours se déplacer en voiture et de leur montrer qu'ils ont peut-être intérêt à utiliser d'autres modes de transport - les transports collectifs, mais aussi les scooters électriques et les vélos électriques: ça, c'est une véritable politique de mobilité qui satisfait l'urgence climatique et qui lutte contre la dégradation du climat que nous subissons déjà aujourd'hui. Je vous remercie de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC). La minorité se trompe totalement quand elle affirme qu'il faudrait refuser ce projet de loi pour des raisons liées au climat. Ce projet est nécessaire pour deux raisons. D'abord, parce que le pont lui-même montre des signes d'affaissement depuis bientôt une dizaine d'années, à tel point qu'aujourd'hui, les poids lourds en général, mais spécifiquement les transports publics qui empruntent ce pont, doivent réduire leur vitesse pour réduire au maximum les vibrations. C'est la première chose. Deuxièmement, c'est tout simplement pour garder une cohésion entre le Grand et le Petit-Lancy. Aujourd'hui, vous avez trois moyens pour passer du Grand au Petit et vice-versa, c'est-à-dire la route du Grand-Lancy - et encore, vous êtes un peu déviés sur Onex, ce n'est donc même plus une liaison directe; ensuite, la rampe du Pont-Rouge, qui monte de l'entrée du Grand-Lancy au Petit-Lancy, et enfin, le pont de Lancy, la seule vraie voie qui relie les deux: c'est une voie directe, qui est nécessaire, comme je le disais, pour garder cette cohésion, mais également ne serait-ce que pour les transports publics, pour les secours - un dépôt de pompiers se trouve à la limite entre le Grand et le Petit-Lancy, il faut bien qu'ils puissent circuler de part et d'autre de la commune. C'est pour ces deux raisons qu'il faut absolument aujourd'hui voter ce projet de loi. Encore une fois, je le répète, il est nécessaire, pour ne pas dire obligatoire. Nous vous recommandons de voter ce projet, et les Lancéens vous en remercient d'ores et déjà. Je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). Le rapport de minorité n'est en rien étonnant, à part pour ceux qui ne connaissent pas son origine politique. Pour eux, les libertés individuelles ne s'exercent que de manière collective. Donc, bien évidemment que tout ce qui pourrait être en faveur du respect de notre constitution - mais je sais que dans ce camp-là, on s'en fiche un peu... Cela veut dire que nous avons la liberté du mode de transport, et ça, ça en fait partie.
Deuxièmement, on nous parle de protection de l'environnement, du réchauffement climatique - c'est la même chanson qu'on entend de manière constante -, mais c'est aussi le pendant de faire venir 100 000 personnes, 100 000 frontaliers par jour, dont 87% utilisent un mode de transport individuel et 92,2% sont seuls à bord de leur voiture ! Je dirais donc volontiers au minoritaire et à tous ceux qui l'accompagnent, avec le respect que je leur dois, bien entendu, qu'il faut peut-être commencer par labourer votre champ avant d'aller labourer celui des autres !
Par ailleurs, le projet qui nous est proposé, que j'espère bien que la majorité de ce parlement va accepter, c'est tout simplement la logique absolue: si on veut diminuer la pression du trafic dans le centre-ville ou dans la petite couronne, bien évidemment que c'est ce genre d'installation et ce genre d'infrastructure qu'il faut réaliser. Toute autre décision irait à revers du bon sens. Ordre, contre-ordre, désordre ! Merci.
M. Grégoire Carasso (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe socialiste ne pourra pas soutenir ce crédit d'étude. Il reste attaché au compromis de la LMCE. Il est convaincu - comme la commune de Lancy d'ailleurs - de l'urgence et de l'importance de la rénovation de ce pont central, cardinal, sur la ceinture qui traverse notre canton, qui doit, conformément à ce compromis de la LMCE, faire l'objet de réaménagements.
La raison pour laquelle, après un débat nourri et après avoir attentivement suivi les discussions - je pense du reste que les collègues qui ont fait référence à la commune de Lancy, à ses citoyennes et à ses citoyens, l'ont fait peut-être un peu rapidement -, le groupe socialiste oscille entre un refus de principe et une abstention, je vais vous l'expliquer.
En novembre 2021, une majorité du Conseil municipal de la Ville de Lancy a voté une résolution sur cet objet, qui s'intitule «Non à une autoroute qui coupe Lancy en deux !». Les riverains, les habitants et leurs représentants au Conseil municipal se sont opposés à ce projet. Non pas parce qu'ils sont opposés au compromis de la LMCE - le groupe socialiste non plus d'ailleurs -, mais simplement parce que ce projet-là est configuré à l'aune du XXe siècle: on passe de deux voies de voitures à quatre voies de voitures; on passe d'un pont à un niveau à un pont à deux niveaux - un double tablier. On rajoute quatre trémies dans une commune qui est déjà traversée quotidiennement par les voitures, et la place réservée en surface à la mobilité douce est réduite. Les nuisances pour les habitantes et les habitants seront décuplées et, avec ce double tablier, des risques importants vont peser sur la faune, la flore et bien entendu sur les amoureux du vallon de l'Aire.
Pour toutes ces raisons... Et peut-être pour une encore: un chiffre n'a pas encore été évoqué dans le débat - nous sommes au stade du crédit d'étude, tout est encore possible, raison pour laquelle il nous paraît décent d'osciller entre l'abstention et le refus -, c'est le crédit envisagé pour cet énorme investissement routier, qui s'élève à près de 150 millions. Cela montre à quel point l'investissement est essentiellement dirigé vers le transport individuel motorisé, dans des proportions qui nous semblent excessives. Je vous remercie de votre attention.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, on voit la complexité contenue dans le titre de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée. Parce que la première chose qui devrait être cohérente, ce sont les décisions de ce parlement. Tout comme devrait l'être aussi le vote du parti socialiste et des Verts, qui ont approuvé ce projet de loi en commission. En fait, on devrait avoir... Il y a un refus d'Ensemble à Gauche et une abstention socialiste. Ce projet de loi est un compromis. Il fait partie d'un paquet général que le PLR accepte s'agissant des pistes cyclables, que le PLR accepte pour certaines zones...
Une voix. Ouais ouais ! (Remarque. Rire.)
M. Serge Hiltpold. Merci, vous pouvez me laisser parler ? Ça vous pose un problème, Monsieur Thévoz ? Ce serait sympa d'être respectueux des autres députés et des personnes qui ont des idées différentes des vôtres ! Donc cette cohérence, vous ne l'avez pas ! Vous ne l'avez pas. Et vous reniez de nouveau votre parole et vos engagements. C'est aussi simple que ça.
On parle de fluidité de la moyenne ceinture. On parle de piétonnisation de certaines zones. Cela fait partie de la fluidité de cette moyenne ceinture. Le PLR soutiendra cette position, comme il a soutenu également les pistes cyclables. Ce que vous oubliez de dire, c'est qu'on retravaille les espaces publics. Pour retravailler les espaces publics, il faut élargir certaines pistes. Vous qui êtes amis du vélo, je vous invite à descendre le pont de Lancy: il n'y a pas de piste cyclable ! Qu'est-ce que vous faites quand vous prenez le trottoir ? Vous vous retrouvez sur un mur qui fait 2 mètres, coincé entre un mur en béton, une barrière, et souvent des vélos qui descendent sur le trottoir. Vous défendez également les piétons. Il faut aussi élargir les tabliers pour donner cette possibilité. Pour ce qui est de la piste cyclable à la montée, elle est logique, puisque le vélo va moins vite. On lui consacre donc de la place.
Maintenant, ce parlement doit prendre ses responsabilités, on ne peut pas sans cesse revenir sur des décisions. La politique fonctionne sur deux éléments, et ce sont des maîtres mots: la confiance et la bonne foi réciproques. Moi, j'estime que quand des groupes parlementaires, en commission, votent ou ne s'opposent pas, il faut au moins que vous ayez la dignité de suivre vos commissaires ! Parce que ce compromis, les commissaires socialistes l'ont compris à la commission des travaux, c'est un équilibre. Et si on veut obtenir un équilibre tant sur la mobilité que sur les finances, il faut au moins respecter les engagements pris. Au nom du groupe PLR et de la majorité de cette commission, je vous invite donc à voter avec cohérence pour une mobilité équilibrée et à soutenir ce projet. Merci.
Une voix. Bravo !
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, après les propos alarmistes du rapporteur de minorité et les besoins de répondre à la LMCE, nous sommes face au compromis, qui est nécessaire. Aujourd'hui, la ville de Lancy se développe, se construit. Elle répond aux besoins de logements de notre canton. Et quand on prend cette route, on voit les grues, les constructions qui se font. Nous sommes devant un projet qui devrait nous permettre avant tout d'apaiser les nouveaux quartiers situés sur cet axe routier. L'apaisement, Mesdames et Messieurs ! Voilà ce que recherche le Conseil d'Etat aussi à travers ce projet: l'apaisement des quartiers. Je crois que c'est essentiel pour bien vivre ensemble. Un accès routier de ce type-là qui est au coeur de la LMCE est aussi un projet qui prend en compte la problématique des passages piétons, des pistes cyclables et on voit notamment au travers des limitations de vitesse que ce projet est une nécessité pour le futur.
Voter 5,8 millions de crédit, Monsieur le rapporteur de minorité, nous permettra effectivement de mieux comprendre dans quelle direction on doit restaurer le pont, qui, comme cela a été dit par mon prédécesseur tout à l'heure, présente aujourd'hui des problèmes d'entretien. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous rappeler que notre population a voulu cette loi pour une mobilité cohérente; qu'elle nous a demandé d'aller dans cette direction et qu'il est important de comprendre la direction nécessaire pour la mobilité, pour la population, pour la ville de Lancy qui continue de se développer et de répondre à nos besoins. Je vous invite à voter ce projet de loi qui n'est qu'un crédit d'étude et qui nous permettra de comprendre quels sont les véritables besoins. Merci de votre attention.
Présidence de M. Diego Esteban, président
M. François Lefort (Ve). Nous parlons ici d'un élément de la mise en oeuvre de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée - la LMCE -, un consensus. Pas un compromis, comme l'a dit mon préopinant socialiste, un consensus de la dernière législature dont notre collègue Lisa Mazzone, maintenant conseillère aux Etats, a d'ailleurs été une cheville ouvrière; un consensus dont les effets se sont déjà développés dans le centre-ville. Ce projet s'inscrit donc dans la suite de ces premières mesures de mise en oeuvre et en est complémentaire. Nous sommes ici au stade du crédit d'étude.
J'entends volontiers les critiques qui surviennent de façon surprenante à ma droite, mais il faut être juste: contrairement à ce que j'entends dire par mon collègue socialiste, la résolution du Conseil municipal de Lancy n'est pas une opposition, mais plutôt une proposition d'accompagner le projet, tout comme le Conseil administratif de Lancy désire discuter et accompagner ce projet au stade du crédit d'étude. Voyons ce qu'il sortira de ces discussions !
Pour le surplus, cela a été mentionné, ce pont est obsolète. Il doit absolument être rénové avant de devenir dangereux, ce qu'il n'est pas loin d'être. Actuellement, à titre d'exemple, le trafic de transports publics est de 56 bus par heure - 56 bus par heure ! Il est donc saturé. Sa rénovation et son extension en double voie superposée permettront justement d'augmenter la fréquence des transports publics pour une moyenne ceinture efficace.
Pour ces raisons, les Verts voteront bien sûr ce crédit d'étude, pour justement réaliser des études propres à satisfaire la Ville de Lancy et les besoins en transports publics, visant aussi à éviter de disperser le trafic dans les quartiers environnants, parce qu'il faut bien imaginer que la suppression ou, disons, la non-extension de ce pont se répercutera sur tous les quartiers environnants de Lancy. Les Verts voteront donc ce crédit d'étude et nous verrons ensuite ce qui en ressortira avec le crédit d'investissement, mais c'est une musique d'avenir, et la Ville de Lancy sera de toute façon un des partenaires prioritaires et certainement importants dans les discussions qui mèneront au projet final. Voilà ce que les Verts vous proposent, c'est-à-dire de voter ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole à M. le député Rémy Pagani pour une minute et quarante-neuf secondes.
M. Rémy Pagani (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je dirai juste quelques mots. J'ai été rapporteur de minorité contre la traversée de Vésenaz. Certains tenaient le même discours: cela va faciliter et fluidifier le trafic. Mais si vous alliez il y a vingt ans à Vésenaz entre 6h et 9h et que vous y retournez aujourd'hui à la même heure, vous constatez que c'est la même chose ! Cela ne change rien, Mesdames et Messieurs ! Même de votre point de vue, cela ne change rien d'ouvrir la circulation au «tout pour la voiture». Il faut absolument que nos concitoyennes et concitoyens comprennent qu'ils doivent réfléchir avant de prendre un mode de transport ou un autre: quel est le plus simple ? A ce moment-là, chacun pourra bénéficier d'une plus grande mobilité. Nous ne sommes pas contre la mobilité, nous sommes pour la diversité de la mobilité ! Il existe aujourd'hui des vélos électriques, des scooters électriques, des voitures électriques, les transports publics font un effort considérable - considérable ! - pour mettre à disposition... Ce qui n'existait pas il y a vingt ans ! Aujourd'hui, vous prenez un tram quand vous voulez, un bus quand vous voulez. Nos concitoyens doivent faire l'effort. Et les inviter à faire cet effort, ce n'est pas ouvrir deux fois deux voies, c'est-à-dire une semi-autoroute ! Il est question dans ce crédit d'étude d'étudier une semi-autoroute ! Deux fois deux voies... (Commentaires.) ...c'est passer d'une capacité de 38 000 voitures à 58 000-60 000 par jour ! C'est pour ça que nous vous proposons de refuser y compris ce crédit d'étude. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité Christian Flury, vous avez la parole pour une minute et trente-cinq secondes.
M. Christian Flury (MCG), rapporteur de majorité. Ce sera largement suffisant. Merci, Monsieur le président. Vous l'aurez bien compris, la requalification multimodale de ce tronçon favorisera l'ensemble de ses usagers, qu'ils soient piétons, cyclistes ou automobilistes, et s'inscrit dans le droit fil du respect de la LMCE. Notre constitution cantonale garantit à nos concitoyens le libre choix de leur mode de déplacement. Alors voilà ! J'habite au Petit-Lancy et il me faut moins de temps pour me rendre à pied qu'à moto ou à vélo à la piscine, parce que le pont de Lancy est bouché. Et je ne suis ni livreur ni dépanneur ou transporteur quotidiennement coincé sur ce pont de Lancy. Nous n'oublierons pas que nos travailleurs transfrontaliers ne viennent ni à pied ni à vélo sur leur lieu de travail, mais bel et bien en voiture.
Certes, dans la Chine de Mao, où peut-être M. Pagani rêve d'aller... (Commentaires.) ...tous allaient à vélo. Entre-temps, ils sont passés à la voiture ! Or, ce n'est pas notre choix de société. Ce projet de crédit d'étude répond à un réel besoin et est urgent. Je vous encourage à le voter largement. Je vous remercie.
M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il me faut vous avouer que je dois changer un peu mon discours, parce qu'évidemment, quand j'ai lu le rapport que la commission a déposé à l'intention de ce Grand Conseil, je me suis dit: c'est super ! Une fois n'est pas coutume, il y a une très large majorité sur un projet de mobilité. Serions-nous ou seriez-vous revenus à de bien meilleures intentions ? Celles qui prévalaient dans ce parlement il y a environ six ans, lorsque le compromis sur la mobilité a été échafaudé et a ensuite été plébiscité en juin 2016 par la population - 68% d'approbation ! (Remarque. L'orateur rit.) Est-ce qu'un miracle se produirait à nouveau dans ce parlement ? Apparemment pas ! Ou pas tout à fait en tout cas, si j'en crois notamment la position du parti socialiste.
Evidemment, parfois les actions que le Conseil d'Etat entreprend en matière de mobilité réjouissent les uns, fâchent les autres, et dans d'autres domaines c'est exactement le contraire; mais je vais rappeler une fois encore - cela a déjà été fait par certains d'entre vous - que la LMCE, le fameux compromis, est la feuille de route du Conseil d'Etat en matière de mobilité. Il y a eu le blanc-seing de la population - 68%, je vous le rappelle. Ce à quoi nous nous employons inlassablement, c'est donc à mettre en oeuvre cette volonté populaire. Cela passe par l'apaisement des quartiers. On l'a fait, on le fait, les communes le font. Cela passe par la mise en place de régimes de vitesse appropriés, tels que la loi les décrit; cela passe aussi par la concrétisation de la fluidification du trafic individuel motorisé sur des axes que la loi spécifie de manière tout à fait claire - on parle dans la loi du «U» lacustre et de cette fameuse moyenne ceinture, qu'on appelle maintenant la ceinture urbaine.
Or lorsqu'on regarde le fonctionnement de la ceinture urbaine aujourd'hui, on constate qu'il y a un point noir majeur, situé précisément dans le virage du Grand-Lancy avec le franchissement de la rivière l'Aire; il y a ce pont dont on parle, qui est effectivement en mauvais état, et c'est véritablement un point noir, parce que l'objectif indiqué dans la LMCE s'agissant de la ceinture urbaine, ce n'est pas la vitesse - d'ailleurs, la stratégie vitesse proposée par le Conseil d'Etat, Monsieur Pagani, prévoit sur la ceinture urbaine 50 km/h, on peut donc difficilement parler d'autoroute ou de semi-autoroute, vous en conviendrez ! Ce que l'on cherche à faire, c'est assurer ce que la loi préconise pour la ceinture urbaine: la fluidité ! Et cette fluidité ne peut être atteinte que par l'élimination de ce point noir: un croisement en surface, avec le cisaillement du tram, on l'a entendu, mais aussi avec - on l'a entendu s'agissant des transports publics qui descendent ou qui montent l'axe du pont Butin - une saturation qui péjore gravement la desserte en transports publics, ceux-ci étant malheureusement trop souvent encore englués dans le trafic.
Que dire également de la mobilité douce sur cet axe ? C'est pour cela qu'on parle d'un ouvrage multimodal. C'est essentiel ! C'est essentiel pour que les objectifs que ce parlement a fixés et que la population a validés puissent déployer tous leurs effets, comme les mesures dans les quartiers doivent apporter tous leurs effets, notamment un apaisement et une amélioration de la qualité de vie. C'est ça, l'essence de la LMCE, et c'est ça qu'on doit mettre en oeuvre ! Il est navrant de constater qu'à chaque fois... Pas à chaque fois: je pensais que cette fois-ci, ce serait différent. Que là, on serait en cohérence avec la loi - qui précisément vise la cohérence. Eh bien, ce n'est pas tout à fait le cas. J'en suis navré, même s'il semble qu'il y aura une majorité pour ce projet de loi, ce qui estompe ma déception. Par ailleurs, et là je m'adresse à ceux qui pensent qu'on va trop loin avec des réductions de vitesse qu'ils estiment exagérées, je leur dirai que c'est exactement la même chose ! C'est exactement la même chose ! C'est le pendant, l'autre élément de cet équilibre que ce parlement et que le peuple ont voulu.
Mesdames et Messieurs, il faut donc vraiment voter ce crédit. Bien entendu, c'est un ouvrage qui sera conséquent. C'est certain. Mais il faut garder à l'esprit que, même si on ne réalise pas ce dénivelé et ce deuxième tablier sur ce pont, il y aura des dépenses à hauteur de dizaines de millions pour assainir le pont en question, dont la capacité de trafic lourd a effectivement dû être réduite pour des raisons de sécurité, quoique la sécurité des personnes ne soit pas remise en cause; c'est à titre de précaution.
Je le sais, ce n'est pas le dernier débat que l'on mènera en lien avec cette cohérence. Cela fait maintenant trois ans et demi que je m'occupe de la mobilité; certains diront que j'essaie de m'occuper de la mobilité - c'est une tâche extrêmement difficile... (Remarque.) Oui, peut-être ! Oui ! (Remarque.) Mais, Monsieur Sormanni, vous n'êtes pas à ma place, c'est moi qui suis à ma place ! En l'occurrence, la volonté de ce parlement et du peuple est claire ! (Remarque.) Et je vous mets au défi de constater que ce n'est pas la volonté populaire qu'on cherche à appliquer. Il faut aller chercher dans la loi ce qui y figure et ce qui y figure est très clair: s'agissant de la moyenne ceinture, de la ceinture urbaine, c'est la fluidité, et cette fluidité ne peut être assurée qu'avec la réalisation de ces travaux, et en l'occurrence, avant d'arriver aux travaux, avec la possibilité de les étudier et d'examiner la configuration. Nous avons déjà commencé, nous avons d'ailleurs eu de longues discussions avec le Conseil administratif de Lancy, avec lequel nous nous engageons bien entendu à collaborer pour que le projet soit agencé et organisé le plus judicieusement possible.
Voilà, Mesdames et Messieurs, pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais je me suis permis de rappeler le contexte général dans lequel on essaie de faire avancer cette cause de la mobilité - et de toutes les mobilités - dans le canton. C'est vraiment avec conviction que ce parlement, s'il veut être cohérent avec les décisions qu'il a prises précédemment, et s'il veut être cohérent avec ce que le peuple a confirmé par son vote, doit voter ce crédit d'étude. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je lance la procédure de vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12814 est adopté en premier débat par 77 oui contre 8 non.
Le projet de loi 12814 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12814 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 69 oui contre 8 non et 3 abstentions (vote nominal).