République et canton de Genève

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IN 174-D
Initiative populaire cantonale 174 « Pour l'abolition des rentes à vie des Conseillers d'Etat »

Débat

Le président. Nous arrivons aux points fixes et commençons par l'IN 174-D. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Ce point est préavisé pour renvoi à la commission des finances. La parole n'étant pas demandée... (Remarque.) Si ! C'était moins une ! Monsieur le député Jean Burgermeister, c'est à vous.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Je dirai quand même un petit mot sur l'acceptation large de l'initiative, qui doit être vue - et il faut que nous en prenions toutes et tous bien conscience dans ce parlement - comme une volonté très clairement affichée par la population de mettre entièrement fin aux privilèges indécents des conseillers et des conseillères d'Etat.

La distinction entre l'initiative et le contreprojet n'était sans doute pas aisée à comprendre, et surtout, la population s'est tournée davantage vers une initiative que vers un contreprojet qui précisément émanait du Conseil d'Etat. En l'occurrence, cela signifie qu'il faudra se remettre au travail pour élaborer une loi d'application, mais j'aimerais insister sur le fait qu'il est nécessaire d'abolir ces privilèges puisque, lors des travaux en commission, sur le contreprojet notamment, on avait vu une volonté à droite d'instaurer une caisse spéciale, un petit privilège pour les conseillers et les conseillères d'Etat au sein de la CPEG, et je pense que cet élément-là serait en contradiction avec la volonté populaire. Rappelons que celles et ceux qui souhaitaient ce privilège pour le Conseil d'Etat disaient que sans cela, ce ne serait plus attractif de devenir conseiller d'Etat; puisque les salaires n'étaient pas suffisants, les rentes seraient trop faibles pour attirer des personnes compétentes. Celles et ceux qui voulaient instaurer ce petit privilège au sein de la CPEG étaient d'ailleurs les mêmes qui, le même jour de votation, proposaient d'ouvrir plus largement les grands magasins les samedis soirs et les dimanches et d'engager ainsi une réforme sur le dos des salariés... (Commentaires.) ...sur le dos des vendeuses en particulier - ce sont des femmes dans la plupart des cas - et des vendeurs. Mesdames et Messieurs, je pense qu'il faut...

Une voix. Y en a marre ! (Protestations. Commentaires.)

M. Jean Burgermeister. ...réaliser maintenant que la défiance... (Commentaires.)

Le président. Un instant, Monsieur le député !

M. Jean Burgermeister. Oui, mais il...

Le président. Mesdames et Messieurs, vous pouvez demander la parole et je vous l'accorderai ! (Commentaires.) Mais on n'interrompt pas la personne qui a la parole. (Remarque.)

M. Jean Burgermeister. M. Sormanni nous dit: «Y en a marre ! Y en a marre !»

Une voix. Hors sujet !

M. Jean Burgermeister. C'est vrai, il y en a marre précisément... (L'orateur est interpellé. Commentaires.)

Le président. Monsieur le député, je n'aime pas me répéter ! (Commentaires.) Appuyez sur le bouton de demande de parole ! Je vous la céderai. Mais laissez les orateurs s'exprimer ! Je vous défendrai de la même manière.

M. Jean Burgermeister. M. Sormanni pense que je suis hors sujet, évidemment: il ne me laisse pas le temps de continuer ! Cette défiance existe aussi envers le Conseil d'Etat, je pense qu'il faut la reconnaître. Il faut se rappeler que dans les élections complémentaires, les partis gouvernementaux étaient arrivés minoritaires au premier tour. Cette défiance vient aussi de l'aveuglement sur la situation sociale. Et ça, Monsieur Sormanni, ce n'est pas hors sujet, c'est tout à fait le sujet ! Voir à quel point nous pouvons gagner un scrutin populaire, que ce soit sur l'ouverture des magasins ou le salaire minimum, mais qu'a contrario nous sommes systématiquement, systématiquement minorisés ici par une majorité du parlement et par un Conseil d'Etat parfaitement aveugle à la dégradation sociale de ce canton et à l'accroissement des inégalités sociales... Mesdames et Messieurs, c'est un seul et même sujet: celui de comprendre les besoins de la population et d'y répondre. Cela passe évidemment par des politiques sociales plus ambitieuses, mais aussi par l'abolition définitive de tous les privilèges indus au Conseil d'Etat.

M. François Baertschi (MCG). Le peuple a demandé la fin des retraites à vie, mais on a menti aux électeurs genevois. On leur a menti en leur faisant croire que les retraites à vie des conseillers d'Etat allaient être abolies en 2023. Certes, le peuple a voté pour une initiative allant dans cette direction, mais il s'agit d'une initiative non formulée et elle doit être réalisée par un projet de loi voté par ce Grand Conseil. Or ce projet de loi peut encore être attaqué par un référendum, qui, s'il était par impossible accepté - enfin, c'est tout à fait possible, malheureusement -, impliquerait le maintien des retraites à vie. A l'heure actuelle, nous n'avons aucune garantie que la retraite à vie soit supprimée. Il y a presque une sorte d'escroquerie intellectuelle dans le jeu qui a été mené, alors que le MCG a été dans les premiers à demander dans ce Grand Conseil, au travers d'un projet de loi, qu'on supprime les retraites à vie. Mais bien sûr, il y a énormément de résistance. Beaucoup de bobards ont aussi été dits, malheureusement.

J'aimerais revenir sur l'exposé des motifs de cette initiative. Il est inquiétant. Il incite presque à une corruption institutionnelle en demandant aux conseillers d'Etat en fonction de se faire des relations pour leur retraite. Comment se font-ils des relations ? En soutenant des lobbys de manière inavouable ! En offrant des avantages ! En ne respectant pas la loi ! Est-ce cela que l'on veut ? Non ! C'est inquiétant pour l'avenir de notre démocratie. Nous constatons qu'à Genève, hélas, il y a des partisans des républiques bananières ou de régimes peu avouables. Ils ont réussi à duper les électeurs genevois en leur faisant voter cette initiative ! Malheureusement, il aurait fallu voter le contreprojet ! Hélas, des idées fausses, simples, mensongères... Et je pense que le Conseil d'Etat n'aurait pas dû accepter cette initiative telle quelle: il est resté légaliste, il aurait dû s'opposer au fait de se retrouver face à ce marché de dupes. C'est une véritable escroquerie intellectuelle et le MCG en tout cas fera tout pour mettre fin à ces retraites à vie, mais hélas, on en est loin !

M. Alberto Velasco (S). M. Baertschi n'a pas tort, parce que si d'aventure... Je laisse mon collègue s'asseoir tranquillement. (Rire.) Voilà ! Si d'aventure l'initiative n'était pas encore concrétisée et qu'un nouveau Conseil d'Etat était élu, on se retrouverait avec un gouvernement qui bénéficierait toujours des rentes à vie. Et ça, on ne l'a pas très bien expliqué au peuple. C'est vrai que c'est dommage ! Le contreprojet, lui, entrait en effet immédiatement en vigueur. C'était une loi qui entrait immédiatement en vigueur et l'affaire était réglée. Ça, c'est très grave, je suis totalement d'accord: on a induit le peuple en erreur en lui faisant croire que l'initiative était moins chère que le contreprojet. J'ai effectué un petit calcul qui montre que l'initiative avait pratiquement le même coût. C'est une espèce d'équation entre la durée et le montant: dans l'initiative, la période d'indemnisation était moins longue, mais le taux de la rente était plus élevé, et dans notre contreprojet, la période était plus longue, mais le taux de la rente plus bas. Par contre, le coût global était pratiquement le même. Mais les conséquences sont autres, Mesdames et Messieurs, parce qu'on se retrouve aujourd'hui, il est vrai, avec une initiative non formulée qu'il faut formuler, qu'il faut présenter, qu'il faut voter à une vitesse assez importante - je dirais même à la vitesse de la lumière ! Par ailleurs, comme l'a relevé mon collègue Baertschi, s'il y a un référendum, il est possible que la loi soit refusée et qu'on rentre dans un processus assez machiavélique.

Ensuite, je rappellerai que le contreprojet a été accepté à plus de 50%. C'est donc une loi qui n'a pas été refusée. Elle a été acceptée à plus de 50%. J'espère que le Conseil d'Etat s'inspirera de ce contreprojet, parce que... (Brouhaha.) Monsieur le président ! C'est impossible de travailler dans ces conditions.

Le président. Vous avez raison.

M. Alberto Velasco. Donc, ce contreprojet... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Allez-y, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. Merci, Monsieur le président. Ce contreprojet était important, parce qu'il réglait non seulement la question des rentes à vie, mais aussi l'affiliation des conseillers d'Etat à la caisse publique. L'affaire était donc réglée ! Mais c'est vrai que, de façon sous-jacente à tout ce débat, comme l'a relevé M. Burgermeister, se trouvait le combat autour de la primauté de prestations ou de cotisations, qui s'est malheureusement immiscé dans le débat sur ce projet de loi. J'espère, Madame Fontanet, Madame la présidente, qu'on essaiera, ou que vous essaierez de nous présenter rapidement quelque chose qui soit inspiré du contreprojet. Merci beaucoup.

M. Yvan Zweifel (PLR). Je suis un peu étonné du débat qui commence sur ce sujet, parce que j'entends des gens qui se plaignent d'un vote démocratique. Le peuple avait à se prononcer sur une initiative et sur un contreprojet. Il a préféré l'initiative. Ça s'appelle la démocratie, il faut malheureusement l'accepter ! Je suis désolé que le Mouvement Citoyens Genevois, le parti socialiste et puis, je crois, Ensemble à Gauche... (Remarque.) Ah non, pardon, pas Ensemble à Gauche ! Je n'étais pas là, je ne l'ai pas écouté ! (Commentaires.) ...nous donnent tout à coup des leçons de démocratie en nous disant: «Ah ! On aurait dû mieux expliquer le contreprojet !» Eh oui, il fallait faire votre job ! Il se trouve que l'initiative a été acceptée, elle est non formulée, et c'est à nous d'effectuer ce travail.

Mais ce qui m'étonne encore plus, c'est qu'il y avait matière à obtenir une très large majorité sur un contreprojet, un contreprojet logique, qui était celui qui sortait d'abord de la commission des finances, où les conseillers d'Etat étaient affiliés à la CPEG, mais en primauté de cotisations; il y avait là matière à trouver un consensus extrêmement large. Le PLR - et je crois pouvoir parler aussi au nom du PDC - s'y serait rallié et nous aurions gagné en votation avec le contreprojet. Vous avez, comme d'habitude, voulu faire le forcing, parce que, comme d'habitude, vous vous êtes aplatis devant le Cartel intersyndical de la fonction publique; vous avez perdu, et maintenant, il faut l'assumer, alors renvoyons cet objet à la commission des finances et faisons notre travail de députés ! Merci !

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur François Baertschi, vous avez la parole pour trente-deux secondes.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je constate que le PLR est pour la tromperie en politique ! (Commentaires.) Raconter n'importe quoi aux électeurs, c'est un peu le propre du libéralisme, peut-être, et... (Protestations.)

Le président. Du calme, s'il vous plaît !

M. François Baertschi. ...le propre des Vert'libéraux...

Le président. Un instant, Monsieur le député ! J'informe le... (Brouhaha.) J'informe le groupe PLR qu'il lui reste du temps au micro ! (Rires.)

M. François Baertschi. Merci. L'électeur, le citoyen doit être respecté. Et pour qu'il soit respecté, il faut lui tenir le discours de la vérité.

Le président. Merci.

M. François Baertschi. Mais ce discours-là n'a pas été tenu ! En fait, c'est un jeu de dupes !

Le président. Il faut conclure.

M. François Baertschi. Et que la démocratie soit un jeu de dupes, ce n'est pas la conception du MCG.

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. François Baertschi. C'est peut-être celle du PLR ou des Vert'libéraux... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. C'est terminé.

M. François Baertschi. ...mais pas du MCG ! Merci, Monsieur le président. (L'orateur continue de s'exprimer hors micro.)

Le président. Excusez-moi, Monsieur Velasco, le groupe socialiste n'a plus de temps. Monsieur le député Jacques Blondin, vous avez la parole.

M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. Je suis également très surpris de la tournure des débats sur ces quatre points fixes - là, il s'agit du premier, mais cela vaut pour les quatre -, puisque finalement, l'initiative a été acceptée, maintenant il faut faire le job, cela vient d'être dit, et élaborer une loi d'application. Si on voulait être efficace aujourd'hui, il s'agirait simplement de mettre en oeuvre les décisions politiques pour que le travail soit fait. En l'occurrence, pour l'IN 174-D, il s'agit de la renvoyer à la commission des finances pour que, de manière diligente, nous déterminions les conséquences de cette initiative et la façon dont on va l'appliquer. Cela évitera ainsi, comme cela vient d'être relevé, que l'on se retrouve dans deux ans sans loi d'application. J'aimerais vous inciter - je voudrais presque demander une motion d'ordre sur ces points fixes - à déterminer les procédures de traitement parlementaire, à avancer et à mener le débat après. Merci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, cette initiative doit partir à la commission des finances. Je trouve que ce débat est un peu particulier du point de vue de la défiance exprimée vis-à-vis de nos conseillers d'Etat. Nous avons des conseillers d'Etat, et j'espère bien qu'ils auront une retraite à vie ! La grande question, c'est à partir de quel âge ils vont la toucher, donc de savoir s'ils la touchent tout de suite en arrêtant leur fonction ou s'ils la touchent plus tard. Le peuple a décidé: ce sera plus tard. Mais ce sera une retraite à vie. Donc, au bout d'un moment, il faut savoir raison garder. Il va aussi falloir trouver une loi d'application qui corresponde aux valeurs qu'on a pu défendre au sein de ce Grand Conseil et qui soit le plus possible compatible avec la caisse de pension, c'est-à-dire avec le même type de prestations que touchent les fonctionnaires en fin de carrière - même si les conseillers d'Etat ne sont pas fonctionnaires. Toujours est-il que c'est tout ça qu'il va falloir mettre en place.

Donc maintenant, au lieu de déverser cette sorte de haine sur le Conseil d'Etat, qui mérite simplement qu'on le remercie pour son travail et son engagement, nous allons renvoyer tout ça en commission, tranquillement, et nous allons trouver une solution qui soit compatible avec ce que le peuple a voté. Je pense qu'à un moment donné, nous devrions être capables les uns et les autres de respecter nos autorités, étant nous-mêmes une des autorités. Nous allons légiférer le mieux possible, en étant capables de remercier le Conseil d'Etat, tout en rappelant qu'il faut que les conditions de retraite dont il bénéficie soient aussi acceptables pour la population. Merci.

Une voix. Bravo !

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, quel plaisir de vous retrouver ! En tout cas, certains d'entre vous ! (Eclats de rire. L'oratrice rit. Commentaires.) Il se reconnaîtra, merci ! (Rires.) Comme ça, on est tout de suite dans l'ambiance ! Cette nouvelle salle qui se voulait paisible... Eh bien non ! On a longtemps espéré, mais non ! (Rires.) Finalement, vous n'êtes peut-être plus en face les uns des autres, mais nous, nous sommes en face de vous, maintenant ! (Rires.) Ce qui n'améliore peut-être pas notre position !

J'aimerais vous rassurer, Mesdames et Messieurs les députés: le Conseil d'Etat va faire son travail. Nous avons un projet de loi en préparation, que nous déposerons; nous tiendrons évidemment compte des seuls éléments prévus par cette initiative et, bien sûr, nous compléterons le texte avec des éléments liés à la prévoyance, parce que cela ne figurait pas dans l'initiative, contrairement au contreprojet. Nous souhaitons aller vite, mais vous aurez le temps d'examiner tout cela en commission, de vous déterminer, et le Conseil d'Etat espère vivement que cela ne donnera pas lieu à un nouveau combat gauche-droite, mais qu'on arrivera à réunir tout le monde sur un projet qui réponde aux demandes de l'initiative et qui permette aussi aux conseillers d'Etat de bénéficier d'une retraite, une fois l'âge de la retraite atteint. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat.

L'IN 174-D est renvoyée à la commission des finances.