République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 janvier 2022 à 20h30
2e législature - 4e année - 7e session - 40e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, Antonio Hodgers et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Delphine Bachmann, Antoine Barde, Pablo Cruchon, Adrien Genecand, Marta Julia Macchiavelli, Philippe Morel, Youniss Mussa, Vincent Subilia, Salika Wenger et Céline Zuber-Roy, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Denis Chiaradonna, Jean-Charles Lathion, Patrick Malek-Asghar, Aude Martenot, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti, Philippe de Rougemont et Pascal Uehlinger.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec tristesse que nous avons appris le décès de M. Robert François Cramer dans sa 88e année. Entré au Grand Conseil en 1965, M. Cramer siégea quatre ans sur les bancs du parti Vigilance. En plénière, il intervint sur différentes thématiques comme la démocratisation des études, la Fondation des parkings ou encore le logement. Il marqua également son attachement à l'équilibre du budget de l'Etat. A la famille de M. Cramer - et notamment à son fils, ancien député et ancien président du Conseil d'Etat -, nous disons toute notre sympathie en ce moment douloureux.
Nous avons également appris avec peine le décès de M. Michel Amaudruz à l'âge de 82 ans. Entré en 2013 au Grand Conseil, dont il présida la séance d'ouverture, M. Amaudruz siégea deux ans sur les bancs de l'UDC. Lors de l'hommage qui lui fut rendu suite à sa démission en 2015, son intelligence et sa verve furent largement saluées, de même que l'humour dont il savait teinter ses interventions. M. Amaudruz fut par ailleurs membre de l'Assemblée constituante genevoise et conseiller municipal de la Ville de Genève de 2011 à 2013. A la famille de M. Amaudruz - et notamment à sa fille Céline, conseillère nationale et ancienne députée -, nous disons toute notre sympathie en ce moment douloureux.
Pour honorer leur mémoire, je vous prie d'observer, Mesdames et Messieurs les députés, un instant de silence. (L'assemblée, debout, observe un moment de silence.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrates du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les magistrates entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames, vous êtes appelées à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Doris Galeazzi et Mme Aliénor Winiger.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante:
Pétition : Rentes AVS/AI payées au 1er de chaque mois (P-2140)
à la commission des affaires sociales.
Débat
Le président. Nous arrivons aux points fixes et commençons par l'IN 174-D. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Ce point est préavisé pour renvoi à la commission des finances. La parole n'étant pas demandée... (Remarque.) Si ! C'était moins une ! Monsieur le député Jean Burgermeister, c'est à vous.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Je dirai quand même un petit mot sur l'acceptation large de l'initiative, qui doit être vue - et il faut que nous en prenions toutes et tous bien conscience dans ce parlement - comme une volonté très clairement affichée par la population de mettre entièrement fin aux privilèges indécents des conseillers et des conseillères d'Etat.
La distinction entre l'initiative et le contreprojet n'était sans doute pas aisée à comprendre, et surtout, la population s'est tournée davantage vers une initiative que vers un contreprojet qui précisément émanait du Conseil d'Etat. En l'occurrence, cela signifie qu'il faudra se remettre au travail pour élaborer une loi d'application, mais j'aimerais insister sur le fait qu'il est nécessaire d'abolir ces privilèges puisque, lors des travaux en commission, sur le contreprojet notamment, on avait vu une volonté à droite d'instaurer une caisse spéciale, un petit privilège pour les conseillers et les conseillères d'Etat au sein de la CPEG, et je pense que cet élément-là serait en contradiction avec la volonté populaire. Rappelons que celles et ceux qui souhaitaient ce privilège pour le Conseil d'Etat disaient que sans cela, ce ne serait plus attractif de devenir conseiller d'Etat; puisque les salaires n'étaient pas suffisants, les rentes seraient trop faibles pour attirer des personnes compétentes. Celles et ceux qui voulaient instaurer ce petit privilège au sein de la CPEG étaient d'ailleurs les mêmes qui, le même jour de votation, proposaient d'ouvrir plus largement les grands magasins les samedis soirs et les dimanches et d'engager ainsi une réforme sur le dos des salariés... (Commentaires.) ...sur le dos des vendeuses en particulier - ce sont des femmes dans la plupart des cas - et des vendeurs. Mesdames et Messieurs, je pense qu'il faut...
Une voix. Y en a marre ! (Protestations. Commentaires.)
M. Jean Burgermeister. ...réaliser maintenant que la défiance... (Commentaires.)
Le président. Un instant, Monsieur le député !
M. Jean Burgermeister. Oui, mais il...
Le président. Mesdames et Messieurs, vous pouvez demander la parole et je vous l'accorderai ! (Commentaires.) Mais on n'interrompt pas la personne qui a la parole. (Remarque.)
M. Jean Burgermeister. M. Sormanni nous dit: «Y en a marre ! Y en a marre !»
Une voix. Hors sujet !
M. Jean Burgermeister. C'est vrai, il y en a marre précisément... (L'orateur est interpellé. Commentaires.)
Le président. Monsieur le député, je n'aime pas me répéter ! (Commentaires.) Appuyez sur le bouton de demande de parole ! Je vous la céderai. Mais laissez les orateurs s'exprimer ! Je vous défendrai de la même manière.
M. Jean Burgermeister. M. Sormanni pense que je suis hors sujet, évidemment: il ne me laisse pas le temps de continuer ! Cette défiance existe aussi envers le Conseil d'Etat, je pense qu'il faut la reconnaître. Il faut se rappeler que dans les élections complémentaires, les partis gouvernementaux étaient arrivés minoritaires au premier tour. Cette défiance vient aussi de l'aveuglement sur la situation sociale. Et ça, Monsieur Sormanni, ce n'est pas hors sujet, c'est tout à fait le sujet ! Voir à quel point nous pouvons gagner un scrutin populaire, que ce soit sur l'ouverture des magasins ou le salaire minimum, mais qu'a contrario nous sommes systématiquement, systématiquement minorisés ici par une majorité du parlement et par un Conseil d'Etat parfaitement aveugle à la dégradation sociale de ce canton et à l'accroissement des inégalités sociales... Mesdames et Messieurs, c'est un seul et même sujet: celui de comprendre les besoins de la population et d'y répondre. Cela passe évidemment par des politiques sociales plus ambitieuses, mais aussi par l'abolition définitive de tous les privilèges indus au Conseil d'Etat.
M. François Baertschi (MCG). Le peuple a demandé la fin des retraites à vie, mais on a menti aux électeurs genevois. On leur a menti en leur faisant croire que les retraites à vie des conseillers d'Etat allaient être abolies en 2023. Certes, le peuple a voté pour une initiative allant dans cette direction, mais il s'agit d'une initiative non formulée et elle doit être réalisée par un projet de loi voté par ce Grand Conseil. Or ce projet de loi peut encore être attaqué par un référendum, qui, s'il était par impossible accepté - enfin, c'est tout à fait possible, malheureusement -, impliquerait le maintien des retraites à vie. A l'heure actuelle, nous n'avons aucune garantie que la retraite à vie soit supprimée. Il y a presque une sorte d'escroquerie intellectuelle dans le jeu qui a été mené, alors que le MCG a été dans les premiers à demander dans ce Grand Conseil, au travers d'un projet de loi, qu'on supprime les retraites à vie. Mais bien sûr, il y a énormément de résistance. Beaucoup de bobards ont aussi été dits, malheureusement.
J'aimerais revenir sur l'exposé des motifs de cette initiative. Il est inquiétant. Il incite presque à une corruption institutionnelle en demandant aux conseillers d'Etat en fonction de se faire des relations pour leur retraite. Comment se font-ils des relations ? En soutenant des lobbys de manière inavouable ! En offrant des avantages ! En ne respectant pas la loi ! Est-ce cela que l'on veut ? Non ! C'est inquiétant pour l'avenir de notre démocratie. Nous constatons qu'à Genève, hélas, il y a des partisans des républiques bananières ou de régimes peu avouables. Ils ont réussi à duper les électeurs genevois en leur faisant voter cette initiative ! Malheureusement, il aurait fallu voter le contreprojet ! Hélas, des idées fausses, simples, mensongères... Et je pense que le Conseil d'Etat n'aurait pas dû accepter cette initiative telle quelle: il est resté légaliste, il aurait dû s'opposer au fait de se retrouver face à ce marché de dupes. C'est une véritable escroquerie intellectuelle et le MCG en tout cas fera tout pour mettre fin à ces retraites à vie, mais hélas, on en est loin !
M. Alberto Velasco (S). M. Baertschi n'a pas tort, parce que si d'aventure... Je laisse mon collègue s'asseoir tranquillement. (Rire.) Voilà ! Si d'aventure l'initiative n'était pas encore concrétisée et qu'un nouveau Conseil d'Etat était élu, on se retrouverait avec un gouvernement qui bénéficierait toujours des rentes à vie. Et ça, on ne l'a pas très bien expliqué au peuple. C'est vrai que c'est dommage ! Le contreprojet, lui, entrait en effet immédiatement en vigueur. C'était une loi qui entrait immédiatement en vigueur et l'affaire était réglée. Ça, c'est très grave, je suis totalement d'accord: on a induit le peuple en erreur en lui faisant croire que l'initiative était moins chère que le contreprojet. J'ai effectué un petit calcul qui montre que l'initiative avait pratiquement le même coût. C'est une espèce d'équation entre la durée et le montant: dans l'initiative, la période d'indemnisation était moins longue, mais le taux de la rente était plus élevé, et dans notre contreprojet, la période était plus longue, mais le taux de la rente plus bas. Par contre, le coût global était pratiquement le même. Mais les conséquences sont autres, Mesdames et Messieurs, parce qu'on se retrouve aujourd'hui, il est vrai, avec une initiative non formulée qu'il faut formuler, qu'il faut présenter, qu'il faut voter à une vitesse assez importante - je dirais même à la vitesse de la lumière ! Par ailleurs, comme l'a relevé mon collègue Baertschi, s'il y a un référendum, il est possible que la loi soit refusée et qu'on rentre dans un processus assez machiavélique.
Ensuite, je rappellerai que le contreprojet a été accepté à plus de 50%. C'est donc une loi qui n'a pas été refusée. Elle a été acceptée à plus de 50%. J'espère que le Conseil d'Etat s'inspirera de ce contreprojet, parce que... (Brouhaha.) Monsieur le président ! C'est impossible de travailler dans ces conditions.
Le président. Vous avez raison.
M. Alberto Velasco. Donc, ce contreprojet... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Allez-y, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Merci, Monsieur le président. Ce contreprojet était important, parce qu'il réglait non seulement la question des rentes à vie, mais aussi l'affiliation des conseillers d'Etat à la caisse publique. L'affaire était donc réglée ! Mais c'est vrai que, de façon sous-jacente à tout ce débat, comme l'a relevé M. Burgermeister, se trouvait le combat autour de la primauté de prestations ou de cotisations, qui s'est malheureusement immiscé dans le débat sur ce projet de loi. J'espère, Madame Fontanet, Madame la présidente, qu'on essaiera, ou que vous essaierez de nous présenter rapidement quelque chose qui soit inspiré du contreprojet. Merci beaucoup.
M. Yvan Zweifel (PLR). Je suis un peu étonné du débat qui commence sur ce sujet, parce que j'entends des gens qui se plaignent d'un vote démocratique. Le peuple avait à se prononcer sur une initiative et sur un contreprojet. Il a préféré l'initiative. Ça s'appelle la démocratie, il faut malheureusement l'accepter ! Je suis désolé que le Mouvement Citoyens Genevois, le parti socialiste et puis, je crois, Ensemble à Gauche... (Remarque.) Ah non, pardon, pas Ensemble à Gauche ! Je n'étais pas là, je ne l'ai pas écouté ! (Commentaires.) ...nous donnent tout à coup des leçons de démocratie en nous disant: «Ah ! On aurait dû mieux expliquer le contreprojet !» Eh oui, il fallait faire votre job ! Il se trouve que l'initiative a été acceptée, elle est non formulée, et c'est à nous d'effectuer ce travail.
Mais ce qui m'étonne encore plus, c'est qu'il y avait matière à obtenir une très large majorité sur un contreprojet, un contreprojet logique, qui était celui qui sortait d'abord de la commission des finances, où les conseillers d'Etat étaient affiliés à la CPEG, mais en primauté de cotisations; il y avait là matière à trouver un consensus extrêmement large. Le PLR - et je crois pouvoir parler aussi au nom du PDC - s'y serait rallié et nous aurions gagné en votation avec le contreprojet. Vous avez, comme d'habitude, voulu faire le forcing, parce que, comme d'habitude, vous vous êtes aplatis devant le Cartel intersyndical de la fonction publique; vous avez perdu, et maintenant, il faut l'assumer, alors renvoyons cet objet à la commission des finances et faisons notre travail de députés ! Merci !
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur François Baertschi, vous avez la parole pour trente-deux secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je constate que le PLR est pour la tromperie en politique ! (Commentaires.) Raconter n'importe quoi aux électeurs, c'est un peu le propre du libéralisme, peut-être, et... (Protestations.)
Le président. Du calme, s'il vous plaît !
M. François Baertschi. ...le propre des Vert'libéraux...
Le président. Un instant, Monsieur le député ! J'informe le... (Brouhaha.) J'informe le groupe PLR qu'il lui reste du temps au micro ! (Rires.)
M. François Baertschi. Merci. L'électeur, le citoyen doit être respecté. Et pour qu'il soit respecté, il faut lui tenir le discours de la vérité.
Le président. Merci.
M. François Baertschi. Mais ce discours-là n'a pas été tenu ! En fait, c'est un jeu de dupes !
Le président. Il faut conclure.
M. François Baertschi. Et que la démocratie soit un jeu de dupes, ce n'est pas la conception du MCG.
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. François Baertschi. C'est peut-être celle du PLR ou des Vert'libéraux... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. C'est terminé.
M. François Baertschi. ...mais pas du MCG ! Merci, Monsieur le président. (L'orateur continue de s'exprimer hors micro.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur Velasco, le groupe socialiste n'a plus de temps. Monsieur le député Jacques Blondin, vous avez la parole.
M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. Je suis également très surpris de la tournure des débats sur ces quatre points fixes - là, il s'agit du premier, mais cela vaut pour les quatre -, puisque finalement, l'initiative a été acceptée, maintenant il faut faire le job, cela vient d'être dit, et élaborer une loi d'application. Si on voulait être efficace aujourd'hui, il s'agirait simplement de mettre en oeuvre les décisions politiques pour que le travail soit fait. En l'occurrence, pour l'IN 174-D, il s'agit de la renvoyer à la commission des finances pour que, de manière diligente, nous déterminions les conséquences de cette initiative et la façon dont on va l'appliquer. Cela évitera ainsi, comme cela vient d'être relevé, que l'on se retrouve dans deux ans sans loi d'application. J'aimerais vous inciter - je voudrais presque demander une motion d'ordre sur ces points fixes - à déterminer les procédures de traitement parlementaire, à avancer et à mener le débat après. Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, cette initiative doit partir à la commission des finances. Je trouve que ce débat est un peu particulier du point de vue de la défiance exprimée vis-à-vis de nos conseillers d'Etat. Nous avons des conseillers d'Etat, et j'espère bien qu'ils auront une retraite à vie ! La grande question, c'est à partir de quel âge ils vont la toucher, donc de savoir s'ils la touchent tout de suite en arrêtant leur fonction ou s'ils la touchent plus tard. Le peuple a décidé: ce sera plus tard. Mais ce sera une retraite à vie. Donc, au bout d'un moment, il faut savoir raison garder. Il va aussi falloir trouver une loi d'application qui corresponde aux valeurs qu'on a pu défendre au sein de ce Grand Conseil et qui soit le plus possible compatible avec la caisse de pension, c'est-à-dire avec le même type de prestations que touchent les fonctionnaires en fin de carrière - même si les conseillers d'Etat ne sont pas fonctionnaires. Toujours est-il que c'est tout ça qu'il va falloir mettre en place.
Donc maintenant, au lieu de déverser cette sorte de haine sur le Conseil d'Etat, qui mérite simplement qu'on le remercie pour son travail et son engagement, nous allons renvoyer tout ça en commission, tranquillement, et nous allons trouver une solution qui soit compatible avec ce que le peuple a voté. Je pense qu'à un moment donné, nous devrions être capables les uns et les autres de respecter nos autorités, étant nous-mêmes une des autorités. Nous allons légiférer le mieux possible, en étant capables de remercier le Conseil d'Etat, tout en rappelant qu'il faut que les conditions de retraite dont il bénéficie soient aussi acceptables pour la population. Merci.
Une voix. Bravo !
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, quel plaisir de vous retrouver ! En tout cas, certains d'entre vous ! (Eclats de rire. L'oratrice rit. Commentaires.) Il se reconnaîtra, merci ! (Rires.) Comme ça, on est tout de suite dans l'ambiance ! Cette nouvelle salle qui se voulait paisible... Eh bien non ! On a longtemps espéré, mais non ! (Rires.) Finalement, vous n'êtes peut-être plus en face les uns des autres, mais nous, nous sommes en face de vous, maintenant ! (Rires.) Ce qui n'améliore peut-être pas notre position !
J'aimerais vous rassurer, Mesdames et Messieurs les députés: le Conseil d'Etat va faire son travail. Nous avons un projet de loi en préparation, que nous déposerons; nous tiendrons évidemment compte des seuls éléments prévus par cette initiative et, bien sûr, nous compléterons le texte avec des éléments liés à la prévoyance, parce que cela ne figurait pas dans l'initiative, contrairement au contreprojet. Nous souhaitons aller vite, mais vous aurez le temps d'examiner tout cela en commission, de vous déterminer, et le Conseil d'Etat espère vivement que cela ne donnera pas lieu à un nouveau combat gauche-droite, mais qu'on arrivera à réunir tout le monde sur un projet qui réponde aux demandes de l'initiative et qui permette aussi aux conseillers d'Etat de bénéficier d'une retraite, une fois l'âge de la retraite atteint. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat.
L'IN 174-D est renvoyée à la commission des finances.
Débat
Le président. Nous passons au point fixe suivant, l'initiative 178 et le rapport du Conseil d'Etat qui lui est lié. Cette initiative est préavisée pour un renvoi à la commission fiscale. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. le député Jean Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, je reprendrai de mon collègue Baertschi ces mots: une idée simple, fausse et mensongère. (Exclamation.) C'est bien de ça qu'il s'agit. Cette initiative propose de réduire de moitié l'impôt auto, à un moment où les préoccupations environnementales et en particulier celles qui sont liées au réchauffement climatique s'imposent comme une priorité politique pour tous. Or, c'est exactement le contraire que vous proposez, c'est-à-dire encourager les véhicules motorisés, la motorisation individuelle, alors que le plan climat cantonal prévoit une réduction de 40% de celle-ci. On a là vraiment une initiative à la Donald Trump, c'est-à-dire totalement erronée, simpliste et mensongère.
Ensuite, il s'agit d'un texte dilatoire. En effet, autant l'UDC que le MCG ont signé la M 2539 qui prévoyait de lutter contre la pollution de l'air et les émissions de CO2. Or, ils nous proposent l'exact contraire directement derrière avec leur initiative. Il y avait un projet de loi du Conseil d'Etat, on pouvait être d'accord ou non avec lui mais c'était une base de discussion. Ce projet a été gelé; finalement, on vise à gagner quelques années en continuant la politique de l'autruche par rapport à la circulation automobile.
Cette initiative est fondée sur des contrevérités, est mensongère, puisque l'impôt auto genevois est à peu près dans la moyenne de ce qui est pratiqué en Suisse.
Une voix. C'est faux !
M. Jean Batou. Il n'y a pas d'abus en la matière. Certes, les très grosses cylindrées, les voitures de luxe sont taxées à un niveau élevé, ce qui est une bonne chose.
Enfin, comme d'habitude, il s'agit d'une initiative pour des caisses vides, c'est-à-dire pour priver l'Etat de 58 millions pour les services publics ainsi que les assurances sociales. C'est cohérent avec la politique de l'UDC, mais pas avec celle du MCG, qui défend, par-ci par-là, les dépenses publiques, la fonction publique - pas toujours - et en même temps veut priver l'Etat de 58 millions.
Pour notre part, nous sommes évidemment contre cette initiative et nous appelons à la rejeter sans contreprojet.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette initiative qui vise à réduire de moitié l'impôt sur les véhicules automobiles est totalement populiste et démagogique. Que peut-on lire dans l'exposé des motifs ? Que l'impôt sur les véhicules à Genève est parmi les plus élevés, voire le plus élevé de Suisse. C'est complètement faux, Mesdames et Messieurs: les voitures légères, les voitures citadines, les voitures qu'on pourrait qualifier de normales sont tout à fait dans la moyenne suisse de l'imposition. Comme mon préopinant l'a dit, c'est vrai que l'impôt est plus élevé pour les gros SUV, pour les 4x4, pour les grosses cylindrées, notamment celles de luxe. Mais heureusement, pour le parti socialiste, que cet impôt est plus élevé ! Si on compare avec d'autres cantons comme le Valais, où il y a des routes de montagne, des vallées, des cols, on peut imaginer qu'on y a peut-être besoin, suivant où on habite, d'une voiture un peu plus puissante, différente. Mais à Genève, Mesdames et Messieurs, on n'a absolument pas besoin d'avoir un gros SUV, un gros 4x4, même pas pour monter la rampe de Cologny. (Commentaires.) Je crois qu'on y arrive avec une voiture citadine, donc je ne vois pas pourquoi on aurait besoin de ce genre de véhicule ! (Vifs commentaires et protestations. Rires.)
Une voix. Vous prenez l'avion pour aller ailleurs !
Le président. Un instant, Monsieur le député. (Le président attend que le silence se rétablisse.) Mesdames et Messieurs, au pied de votre micro se trouve un bouton pour demander la parole; c'est seulement par ce biais-là que je tolérerai les prises de parole. Monsieur le député, à vous.
M. Thomas Wenger. Merci, Monsieur le président. Je me réjouis de ces débats sereins, comme l'a dit Mme la conseillère d'Etat, ça fait vraiment plaisir. (Rire.) Je vous ai donc dit ce que le groupe socialiste pense de cette initiative. On parle d'un éventuel contreprojet qui serait basé sur le projet de loi du Conseil d'Etat que nous sommes en train d'étudier à la commission fiscale, qui vise à juste titre à imposer les véhicules en fonction du seuil d'émission de CO2, pour lutter contre la pollution atmosphérique, et du poids des véhicules, qui prennent énormément de place dans l'espace public. Il vise aussi à favoriser les voitures électriques avec une subvention à l'achat, ce qui nous paraît, en tout cas dans un cadre transitoire, tout à fait approprié.
Je n'ai pas le temps de rappeler les objectifs du plan climat cantonal, mais on sait que nous devons diminuer nos émissions de CO2, que nous devons diminuer la pollution, et cette initiative UDC-MCG nous fait revenir à l'âge de pierre - pas de Pierre Maudet, en tout cas pour l'instant... (Rires.) ...mais à l'âge de pierre tout court... (Remarque.) ...et au «tout à la voiture». L'UDC et le MCG se contrefichent de la pollution de l'air, des nuisances dues au bruit, de l'espace public davantage dévolu aux voitures qu'aux habitants, de la protection de la santé, de la protection de l'environnement. C'est tout le contraire du groupe socialiste, Mesdames et Messieurs, qui refusera catégoriquement cette initiative et essaiera de travailler sur un contreprojet beaucoup plus durable du point de vue social et environnemental. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est aussi un plaisir pour moi que nous nous retrouvions ici. En référence à ma vie antérieure dans la météorologie, j'apprécie la grand-voile qui se trouve en face de nous. Mais j'en viens au sujet.
Par considération pour les citoyennes et les citoyens qui ont signé cette initiative, je la traiterai avec respect, mais je suis tout de même dans l'obligation de signaler que les Vertes et les Verts s'y opposeront avec détermination. Tout d'abord, l'exposé des motifs nous laisse songeurs: «[...] l'Etat supprime régulièrement des infrastructures dévolues aux transports individuels motorisés [...]» Mais c'est parfaitement faux ! Plusieurs nouvelles routes ont été ouvertes durant les dernières années. La route des Nations et la nouvelle jonction autoroutière du Grand-Saconnex, qui va coûter plusieurs centaines de millions de francs au canton de Genève et à peu près autant à la Confédération, en sont des exemples. Alors non, la surface dévolue aux transports individuels motorisés n'est clairement pas en diminution. De fait, les bouchons que fustige l'initiative proviennent essentiellement de la multiplication du nombre de voitures individuelles en circulation et non de la surface qui leur est mise à disposition.
L'exposé des motifs met en avant que des voies entières de circulation auraient été supprimées au profit de la mobilité douce. La belle affaire ! Une bonne partie de ces aménagements ont été supprimés depuis ou remplacés par des aménagements pérennes qui n'empiètent pas sur les chaussées préexistantes.
Une voix. C'est pas vrai, ça !
M. Pierre Eckert. De plus, l'initiative se place dans la perspective de ne payer l'impôt que sur des prestations qu'on utilise, ce qui est parfaitement incohérent. D'ailleurs, si on se plaçait du point de vue des initiants qui insinuent que l'impôt auto devrait être prélevé selon le principe «moins de routes, moins d'impôts», cela conduirait à diminuer les investissements pour les routes et leur entretien. Nous rejoignons parfaitement en ce sens l'argumentaire du Conseil d'Etat.
La mesure proposée ensuite de réduire linéairement de moitié les barèmes de l'impôt n'est pas acceptable non plus. Vous aurez tous et toutes noté la situation budgétaire difficile dans laquelle nous nous trouverons pendant un certain temps encore, il est donc parfaitement irresponsable de diminuer de 58 millions de francs les recettes de l'Etat.
Mais le plus important n'est pas là. Le plus important, c'est l'urgence climatique et la santé des personnes habitant les zones urbanisées, qui rendent nécessaire de donner une nouvelle orientation à la composition du parc automobile genevois, ce que l'initiative ignore totalement avec sa réduction linéaire de l'impôt. Nous soutenons donc clairement le PL 12873 déposé par le Conseil d'Etat. Celui-ci favorise fiscalement les véhicules de faible consommation et la mobilité électrique. Nous avons déjà procédé à de nombreuses auditions au sujet de ce texte à la commission fiscale et avons constaté qu'il donne de bonnes orientations en matière de puissance, d'émissions de CO2 et d'occupation de l'espace public. Il mérite d'être amendé sur quelques points, mais constitue une bonne base de discussion pour un contreprojet. Nous soutenons donc un renvoi de ce paquet à la commission fiscale. (Applaudissements.)
M. Francisco Valentin (MCG). Quel délice d'entendre dans cette nouvelle salle les propos des présidents à vie autoproclamés de l'ATE, de Pro Vélo et de toutes ces associations qui souhaitent bouter hors de Genève tous les véhicules motorisés, mais qui veulent quand même que les impôts soient les plus chers de la Confédération. C'est assez cocasse de voir que sous les coups de boutoir du département de M. le conseiller d'Etat Dal Busco, on ferme un maximum de routes, on limite la vitesse n'importe où, on supprime des places de parc en veux-tu en voilà, on bafoue la constitution quant au libre choix du moyen de transport. A côté de ça, bien sûr, on est très fort sur les bancs d'en face pour flageller le résident contribuable genevois. Par contre, chaque jour, à peu près 90 000 véhicules frontaliers viennent à Genève, qui ne paient pas un franc d'impôt sur les véhicules, aucune taxe, absolument rien, tout en profitant de nos infrastructures, au même titre que les vélos qui, eux, ne paient absolument rien non plus mais veulent des bandes cyclables qui soient des billards.
Il arrive un moment où, quand on aura tué la poule aux oeufs d'or qu'est l'automobile... Surtout, en refusant ce genre d'initiative, on pénalise les classes moyennes inférieures. Dites-vous bien, Mesdames et Messieurs de la gauche, que les détenteurs de gros 4x4 ont les moyens de payer l'impôt sur les véhicules, et ils le feront rien que pour vous enquiquiner, comme le dirait Emmanuel Macron. Merci. (Rire. Commentaires.)
M. Stéphane Florey (UDC). Tout d'abord, vous devriez commencer en vous demandant pourquoi il y a autant de voitures d'habitants genevois immatriculées dans d'autres cantons. C'est tout simplement parce que si vous avez la possibilité de le faire, vous pourrez économiser jusqu'à trois fois l'impôt payé à Genève. Ça, c'est la première réalité que dénonce cette initiative.
Quant à la motion dont a parlé M. Batou, si nous avons lancé cette initiative, c'est parce que cette motion n'a tout simplement pas été respectée par le projet de loi déposé par le Conseil d'Etat, qui prévoit d'ores et déjà une augmentation de l'impôt avec des recettes supplémentaires d'environ 70 millions. C'est complètement aberrant.
Les effets bénéfiques de cette initiative seront de ramener à Genève les personnes qui ont immatriculé leur véhicule dans un autre canton, ce qui leur simplifiera aussi la vie. De plus, elle créera une augmentation du pouvoir d'achat du contribuable, ce qui, en ces temps, est fortement souhaitable et même bénéfique pour tout le monde, y compris pour le canton - vous savez que quand on introduit une baisse d'impôt quelque part, c'est l'Etat qui se retrouve largement bénéficiaire au bout du compte: l'argent n'est pas gardé par les contribuables, vu les faibles sommes que cela représente, mais automatiquement dépensé, et il retombe dans l'économie, donc dans les caisses de l'Etat.
Je ne peux que me réjouir de voir un projet de loi tout pourri être opposé en votation populaire comme contreprojet à cette initiative, simplement du fait que si on oppose une baisse d'impôt à une forte hausse, je vous laisse imaginer le résultat. Je vous remercie.
M. Yvan Zweifel (PLR). Je suis heureux de voir que ce débat amène un haut degré d'incandescence dans cette nouvelle salle. (Rires.) On parle ici de l'impôt auto: l'impôt auto porte mal son nom, parce qu'en réalité, c'est une taxe. Quelle est la différence entre une taxe et un impôt ? Une taxe, on la prélève sur des personnes en particulier pour en affecter l'argent à des prestations en faveur des mêmes personnes. Il s'agit donc ici de prendre de l'argent aux automobilistes pour des prestations en faveur de ces mêmes automobilistes. Or aujourd'hui, force est de constater, Mesdames et Messieurs, que le Conseil d'Etat fait un peu le contraire, c'est-à-dire qu'il a plutôt tendance à diminuer les prestations en faveur des automobilistes. Pas besoin de rappeler certaines pistes cyclables peintes ici et là nuitamment - pour reprendre un adverbe utilisé à l'époque - ou encore la volonté de transformer toute la ville, voire tout le canton, en zone 30 km/h, pour constater que c'est effectivement une réalité, une volonté du Conseil d'Etat. Dès lors, si j'applique cette logique, baisser la taxe sur les automobiles, c'est-à-dire l'impôt automobile, paraîtrait logique, puisqu'on baisse aussi les prestations. Cela signifierait aller dans le sens de l'initiative.
Cependant, Mesdames et Messieurs, on ne va pas faire ici un raisonnement trop simpliste. Il faut rappeler qu'une motion a été déposée par la commission fiscale puis votée par ce parlement à l'unanimité, qui demandait qu'une nouvelle taxation soit mise en place, plus favorable à l'environnement, mais sur la base d'une neutralité fiscale: c'étaient les deux points essentiels qui avaient conduit à l'unanimité. Le Conseil d'Etat a déposé un projet de loi, il souhaite que celui-ci serve de contreprojet. Force est de constater, là aussi, que ce contreprojet amène quelques problèmes. D'abord, il est très alambiqué, très complexe, ensuite, il est fondamentalement contraire à la motion puisqu'il ne respecte pas la neutralité fiscale - il prévoit 50 millions de plus -, et surtout, il pénalise le transport professionnel, ce qui n'est en aucun cas une bonne chose: si on veut enlever des véhicules, au moins qu'on n'enlève pas ceux des usagers qui travaillent dans ce canton. Le fonds prévu en faveur de l'électromobilité nous pose aussi problème: comme M. Wenger l'a dit, en réalité, la voiture électrique n'est que transitoire; pour plus tard, on veut un carburant du futur - on parle de l'hydrogène, on aura l'occasion d'en discuter ultérieurement, demain j'imagine. Encore une fois, si on veut créer un fonds, qu'on le fasse pour le futur et pas pour quelque chose de transitoire. Et puis, d'autres projets de lois sont à l'étude à la commission fiscale, Mesdames et Messieurs, notamment un du MCG qui reprend une initiative du TCS, qui pourrait lui aussi servir de contreprojet.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, le groupe PLR souhaite un renvoi à la commission fiscale afin de trouver la meilleure solution possible en faveur à la fois des automobilistes et de tous les citoyens de ce canton. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Patrick Dimier pour une minute et trente secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais rappeler que dans une démocratie qui se respecte, personne ne peut parler à la place du peuple. Ecoutons le peuple. Nous voulons lui soumettre une initiative, on verra bien quelle sera sa sanction. Il choisira l'un ou l'autre des deux textes, mais ce qui est sûr, c'est que c'est le peuple qui aura raison, et quant aux personnes qui siègent ici, qu'elles soient pour ou contre n'a aucun intérêt.
Il me semble aussi - mon collègue Valentin en a parlé tout à l'heure - qu'on ne peut pas à la fois vouloir taxer tant et plus les Genevois qui paient l'impôt et laisser pénétrer tous les jours sur le territoire des dizaines de milliers de voitures avec une seule personne à bord. Mais quand on fait des propositions pour lutter contre ce phénomène, on a tout le monde contre nous, tous les bancs de ce parlement, y compris le Conseil d'Etat ! Alors qu'on arrête de nous dire des sornettes.
Je conclurai en disant: en voiture Simone, c'est toi qui conduis, c'est moi qui klaxonne ! (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Patrick Lussi, vous avez la parole pour quarante-huit secondes.
M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. J'essaierai d'être bref. Je fais partie de ceux qui soutiennent cette initiative, pas pour... Comment vous dire ? Pas pour favoriser certains, mais simplement pour rappeler que le pouvoir d'achat de chacun est constamment menacé, que ceux qui peuvent encore s'offrir une voiture, payer les taxes automobiles sont ceux qui paient des impôts. En conséquence, il faut aussi prendre en considération le fait d'augmenter le pouvoir d'achat des gens en diminuant les taxes auto. Raison pour laquelle le groupe MCG... (L'orateur rit. Rires et commentaires.) ...le groupe UDC soutient ce projet. S'il va en commission, nous l'y soutiendrons. Excusez-moi ! C'est Valentin qui m'a trompé ! (L'orateur rit. Commentaires.)
Le président. Comme dit M. Florey, c'est l'émotion de la nouvelle salle. Monsieur le député Jacques Blondin, vous avez la parole.
M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. La tournure des débats me donne à croire que nous allons voter sur le siège le soutien à l'initiative dont il est question. Je suis un peu surpris des propos qu'on a tenus. Il ne s'agit pas de savoir si cette initiative est mensongère ou non: elle a été déposée munie de signatures, il y a des conséquences à en tirer, nous devons faire notre travail. Vous transmettrez à M. Eckert, qui a parlé du PL 12873 gelé à la commission fiscale, qu'effectivement, c'est une hypothèse de travail, mais ce projet de loi ne fait pas l'unanimité, je vous le rappelle. La modestie veut que nous prenions acte maintenant de ce qu'une partie de la population a décidé en signant l'initiative. Comme cela vient d'être dit, c'est le peuple qui tranchera. J'espère que les différents groupes arriveront à produire un contreprojet qui tienne compte d'une certaine réalité, faute de quoi le peuple aura le choix, et l'initiative est tout à fait susceptible de remporter les suffrages de la population. A nous de jouer, donc ! Bien évidemment, le PDC ne veut pas voter sur le siège, ce serait prématuré. Il recommande de transmettre ce texte à la commission fiscale.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que ces initiatives sont automatiquement renvoyées en commission. Le mot de la fin revient à M. le président du Conseil d'Etat.
M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Merci beaucoup, Monsieur le président. Vous venez de faire le rappel qui s'impose: c'est à la commission fiscale qu'il incombera d'analyser cette initiative. Le Conseil d'Etat, c'est aussi la règle, vous fait part de son avis au travers de son rapport, qui vous est soumis et qui sera étudié.
Il juge que cette initiative doit être rejetée pour une raison très simple - il y en a de multiples, mais il insiste sur l'une d'entre elles: ce texte est totalement déconnecté de la réalité. (Remarque.) Je ne vais pas répéter les propos de plusieurs d'entre vous; nous nous trouvons dans un contexte climatique que le Conseil d'Etat a endossé, il a pris ses responsabilités en la matière avec un plan; à de nombreuses reprises et de manière unanime, il a agi et a proposé à ce parlement d'agir dans l'esprit qui doit nous animer aujourd'hui, c'est-à-dire en se préoccupant de la question climatique. L'initiative est donc totalement déconnectée de la réalité. Ça suffit amplement, aux yeux du Conseil d'Etat, pour qu'il vous propose de la rejeter.
Contrairement à ce qu'on a pu entendre, le Conseil d'Etat a toujours été attentif à ce que ce parlement lui a indiqué en la matière, en l'occurrence dans une motion votée à une très large majorité, si ce n'est à l'unanimité...
Une voix. Non !
M. Serge Dal Busco. Presque, ou une très large majorité ! Une motion qui lui demandait de revoir le système, système en effet compliqué, alambiqué, comme certains l'ont dit, déjà aujourd'hui, parce que la réalité est assez complexe. Le souhait de ce Grand Conseil au travers de cette motion rend les choses encore plus complexes, puisqu'il s'agit de s'adapter en particulier aux nouvelles technologies, aux nouvelles exigences imposées par la lutte contre le changement climatique, et également d'assurer ce que l'on peut aisément considérer comme la résolution de la quadrature du cercle, c'est-à-dire une neutralité fiscale. On l'a fait au travers d'un projet de loi qui est certainement perfectible, dont les débats ont été suspendus en commission dans l'attente de l'aboutissement de cette initiative, mais qui pourrait - c'est en tout cas l'avis du Conseil d'Etat - constituer la base d'un contreprojet moyennant peut-être quelques ajustements.
Par rapport à ce que j'ai entendu sur la création de ce fonds visant à inciter à la mutation du parc automobile - moins de moteurs thermiques, plus de motorisation alternative -, ce n'est pas exclusivement une motorisation électrique qui est visée, ce peuvent être d'autres technologies; on mentionne l'hydrogène, par exemple. Il n'y a pas de rigidité, on peut tout à fait adapter le texte et s'adapter surtout à la technologie.
Mesdames et Messieurs, au cours de ce processus obligatoire - puisque c'est ainsi que cela se passe, les initiatives vont d'abord en commission -, nous souhaitons vivement que vous suiviez notre recommandation, c'est-à-dire le refus de cette initiative et la présentation d'un contreprojet qui pourrait largement se baser sur le texte que nous vous avons soumis, qui à notre sens est équilibré... (Commentaires.) ...et vise des objectifs que votre Grand Conseil a fixés en adoptant la motion. Si vous arrivez à faire mieux au sein de la commission et à améliorer ce texte, nous en serons tous heureux. Mais en tous les cas, nous vous recommandons de rejeter cette initiative à l'issue de vos débats. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
L'initiative 178 et le rapport du Conseil d'Etat IN 178-A sont renvoyés à la commission fiscale.
Débat
Le président. Nous traitons maintenant le troisième point fixe, soit l'initiative 179 ainsi que le rapport du Conseil d'Etat correspondant. Ces deux points sont classés en catégorie II, trente minutes, et sont préavisés pour un renvoi à la commission fiscale. Je cède la parole à M. le député Jean Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, tout le monde ne sait pas qu'à Genève, 1600 personnes, 1600 contribuables touchent 1 milliard de francs par année de dividendes sur leurs actions. Or ils ne sont pas taxés comme les salariés. Les salariés sont taxés sur le 100% de leurs revenus, alors que les actionnaires - les gros actionnaires seulement, ceux qui détiennent 10% des actions d'une entreprise - sont taxés sur 70% de leurs revenus. De plus, les actionnaires ne paient pas de cotisations sociales, contrairement aux salariés. C'est une injustice caractérisée. Nous avons parlé très longuement avec la population en récoltant des signatures pour cette initiative, parce que nous les avons récoltées deux fois: une première fois, puis, la loi fédérale ayant changé dans les derniers jours, il a fallu recommencer la récolte. Nous avons donc récolté deux fois 6500 signatures.
Ensuite, aujourd'hui, sur les bénéfices nets d'une entreprise, 70% sont versés en dividendes en moyenne en Suisse. Il y a 30 ans, c'était 30%. Ce qui veut dire que l'essentiel de la richesse produite par le travail va accroître la fortune des classes privilégiées de ce pays et ne contribue plus à l'investissement dans l'économie réelle. C'est pour cela qu'à Genève, au cours de ces sept dernières années, les fortunes cumulées de ceux qui disposent de plus de 3 millions de francs de fortune ont triplé. En sept ans, les grosses fortunes à Genève ont triplé, malgré la crise, malgré la montée de la pauvreté dans ce canton. Notre canton est le plus inégalitaire de Suisse. Pourquoi ? Parce que justement, tous ces privilèges fiscaux sont accordés aux plus riches.
Enfin, on nous objecte que la population a voté un paquet ficelé, la RFFA. Eh bien oui, en acceptant la RFFA, les gens ont voté pour un financement de l'AVS, pour des subventions aux assurances-maladie, mais je vous assure que les gens n'ont pas voté pour une inégalité de traitement entre les salariés et les gros actionnaires. Par conséquent, évidemment, Ensemble à Gauche se battra pour que cette initiative triomphe en votation populaire et pour qu'enfin une injustice considérable soit éliminée du paysage fiscal genevois. Merci.
M. André Pfeffer (UDC). Nous entendons les exigences de la gauche, mais il faut aussi rappeler qui paie les impôts à Genève. 0,2% des contribuables paient 17,4% des impôts sur le revenu. 4,1% des contribuables paient presque la moitié. 15,2% paient presque les trois quarts. Je répète: 15,2% des contribuables paient 73,8% des impôts sur le revenu !
Une voix. Encore une fois !
M. André Pfeffer. S'agissant des entreprises, la situation est encore plus tendue: 0,1% des entreprises rapporte presque la moitié des impôts des personnes morales. La gauche, habituée à des prestations bien plus généreuses qu'ailleurs, risque de faire fuir ses bienfaiteurs. Avec de tels projets, notre gauche gourmande ne fait rien d'autre que de mordre sa main nourricière. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Je dois avouer que je suis assez content de ce débat ce soir, parce que c'est un vrai débat droite-gauche, finalement un peu précurseur de celui que nous mènerons, que la population mènera en 2023, et j'espère que des gens nous écoutent ce soir. En effet, c'est la question qui va être soumise à la population avec l'élection du Grand Conseil et du Conseil d'Etat en 2023: veulent-ils toujours un Etat qui devient de plus en plus gros, qui taxe de plus en plus, ou un Etat un peu plus svelte, un peu plus raisonnable et qui taxe un peu moins ?
La question qui nous est posée ce soir, c'est de savoir si on considère qu'il est important que les actionnaires ne soient pas taxés sur l'intégralité des dividendes, puisqu'il y aurait dans ce cas une double imposition: la société est déjà imposée, et si on arrive à une imposition totale avec celle de l'actionnaire également, c'est ce qu'on appelle une double imposition, et c'est justement ce qu'il faut éviter. L'objectif de la RFFA que nous avons votée en 2019, c'était justement d'éviter cela. Ce vote est tout récent, et voilà que la gauche veut d'ores et déjà revenir dessus. Cela crée une insécurité dans le domaine fiscal qui est très dommageable. Il faut savoir que tous les cantons en Suisse appliquent cette atténuation de la double imposition, que cette initiative va porter gravement préjudice à l'activité entrepreneuriale à Genève, que cela va détériorer l'attractivité du canton, alors que l'on sait qu'en comparaison intercantonale, notre canton est le champion toutes catégories confondues dans le domaine fiscal: c'est celui qui épuise, qui exploite le plus son potentiel fiscal.
Par ailleurs, mon collègue de l'UDC l'a relevé, cela aurait un impact catastrophique sur les finances du canton, car on connaît notre pyramide fiscale très pointue, avec quelques gros contribuables qui contribuent très largement aux impôts et au bien-être de toute la population. Comme vous le savez, comme le Conseil d'Etat l'a rappelé dans son message, 4,2% des contribuables paient 48,4% de l'impôt cantonal sur le revenu. C'est très, très conséquent. Or, tout le monde, toute la classe moyenne paiera si un de ces gros contribuables s'en va, et c'est important de le rappeler: nous avons besoin que ces gros contribuables demeurent à Genève, et à nouveau, c'est l'enjeu des élections de 2023. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, ces vingt dernières années, les Genevois ont dû avaler nombre de couleuvres sous forme de cadeaux fiscaux faits aux plus riches et aux entreprises, avec toujours la même logique de la droite: faire en sorte que les plus fortunés et les multinationales ne paient plus d'impôts du tout. La suppression de l'impôt sur les successions et du droit des pauvres, l'augmentation de la déductibilité des donations ou encore les réformes de l'imposition des entreprises RIE II et RFFA ne sont que quelques exemples de ces cadeaux fiscaux. Ces baisses d'impôts successives et systématiques pour les plus fortunés font perdre des milliards aux collectivités publiques. Celles-ci n'ont plus les moyens d'offrir des services à la population en quantité suffisante. Il n'y a qu'à voir les milliers de places en crèche qui manquent, les problèmes dans les domaines de la santé et de l'éducation, ainsi que les nombreux services sociaux débordés par les sollicitations, ne disposant pas des effectifs suffisants, tout cela étant aggravé par la période du covid.
Mesdames et Messieurs, l'offensive libérale met en danger l'équilibre de notre société, que ce soit au niveau communal - suppression de la taxe professionnelle -, cantonal - on l'a vu juste avant: diminution de l'impôt sur les véhicules - ou fédéral - suppression du droit de timbre, sur lequel, on le rappelle, notre peuple votera le 13 février, et là, il faut dire clairement aux personnes qui nous écoutent de voter non à la suppression de cet impôt qui ferait perdre jusqu'à 250 millions par an à la Confédération. Le train de suppressions continue, la droite voulant supprimer l'impôt anticipé sur les obligations - moins 1 milliard de revenus pour la Confédération. Suivra la suppression du droit de timbre de négociation sur les obligations suisses. Pour rappel, les cantons seront touchés par ces mesures, vu que 10% de l'impôt anticipé leur est également versé.
Il est donc prudent de prévoir d'autres sources de revenus. Cette initiative, dans ce contexte de cadeaux nouveaux et d'allégements fiscaux, nous permet d'identifier une niche fiscale qui permettra de préserver la santé de l'Etat sans que ce soit toujours aux mêmes de payer, c'est-à-dire les salariés et les retraités. Sa mise en oeuvre, et ça, c'est le Conseil d'Etat qui l'indique dans son rapport, permettra de rapporter entre 79 et 157 millions à l'Etat par année, des recettes indispensables au maintien et au développement des prestations, qui permettront également de réaliser les investissements nécessaires pour répondre à l'urgence climatique.
Concernant la double imposition, les salariés sont taxés à 100% sur leur salaire et paient la TVA. Il n'est donc absolument pas juste que, s'agissant d'entreprises qui réalisent du bénéfice, les actionnaires ne paient pas sur 100% des gains sur les actions. Le parti socialiste soutiendra donc cette initiative. Nous vous remercions de votre attention.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Vertes et les Verts partagent en grande partie les objectifs de cette initiative, mais ont une position réservée sur l'une des propositions. Il ne vous a pas échappé que l'initiative propose de modifier deux articles de loi. Nous ne demandons d'ailleurs qu'à être convaincus sur la deuxième modification.
Cette initiative se concentre tout d'abord sur l'article 22 de la loi sur l'imposition des personnes physiques, qui concerne le rendement de la fortune mobilière. L'ensemble des revenus possibles est énuméré. On y voit par exemple les intérêts d'avoirs, les dividendes, les parts de bénéfice, les revenus de droits d'auteur, etc. Tout cela est imposé à 100%, tout comme les revenus d'une activité salariée. Arrive alors l'alinéa 2 qui fixe une exception pour les dividendes, lorsque les droits de participation équivalent à 10% au moins du capital-actions. Le revenu imposable est alors réduit à 70%. Et cela crée clairement une iniquité par rapport à tous les autres types de revenus.
L'argument de la double imposition ne tient pas ici, puisque l'imposition s'applique à deux entités différentes: d'une part, à la personne morale qui participe à l'impôt sur le bénéfice et, d'autre part, à la personne physique qui reçoit le dividende. C'est comme si on disait que le salaire ne doit être imposé que partiellement, parce que l'entreprise employeuse paie déjà ses impôts. En ce sens, une imposition de l'ensemble des dividendes est parfaitement justifiée.
L'autre article visé par l'initiative est l'article 19B, qui concerne le produit de l'activité lucrative indépendante. Seuls 60% des dividendes sont imposés, pour autant que les droits de participation équivalent à 10% au moins du capital-actions. Il s'agit ici d'indépendants, pour lesquels l'impôt sur le bénéfice et l'impôt sur le dividende s'appliquent à la même personne physique. Nous avons des doutes sur le fait qu'une imposition à 100% soit utile dans ce cas de figure, mais nous demanderons une évaluation en détail dans le cadre du travail de commission.
C'est le seul point de cette initiative sur lequel nous émettons un doute et il ne concerne que le point 8.3 de l'argumentaire du Conseil d'Etat en lien avec l'activité entrepreneuriale. Nous réfutons par contre tous les autres arguments. Premièrement, celui consistant à dire que l'atténuation de la double imposition a été acceptée en votation populaire: cela a déjà été dit, cela faisait partie d'un très gros paquet ficelé appelé RFFA, qui comportait bien d'autres aspects, et le débat s'était surtout cristallisé autour du taux d'imposition. Le deuxième argument que nous réfutons consiste à dire que tous les autres cantons atténuent la double imposition: ce n'est pas une raison, Genève peut donner une image de précurseur. En dernier lieu, celui de la détérioration de l'attractivité de Genève: pour les personnes physiques, ce n'est certainement pas vrai, les faits prouvent le contraire, puisque les gros revenus et les grosses fortunes continuent d'affluer à Genève. Nous traiterons tout cela en commission. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède maintenant la parole à Mme la députée Françoise Sapin.
Une voix. Aah !
Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce qu'il y a de bien avec Ensemble à Gauche, c'est la constance des attaques. Je citerai comme exemple le bouclier fiscal: je ne sais pas combien de fois on a voté sur cet objet dans cet hémicycle ! (Commentaires.) Cette nouvelle attaque sur les dividendes est inique. Je rappellerai juste que les méchants actionnaires qui encaissent des milliards paient doublement des impôts: une fois sur le bénéfice de leur entreprise et une fois sur les dividendes. Quand on dit ici que ce n'est pas vrai qu'il s'agit d'une double imposition, peut-être que ce raisonnement s'applique aux multinationales, où il ne s'agit pas des mêmes personnes, mais que faites-vous de toutes les PME dont le propriétaire est le seul et unique actionnaire ? Lui, il paie bien deux fois des impôts. Par ailleurs, quand j'entends que les multinationales paient moins d'impôts qu'avant la RFFA, c'est faux. C'est totalement faux: la RFFA a augmenté le taux d'imposition des multinationales de 11,4% à 13,99%. Mais trêve de mots, je ne vais pas faire le débat ici et maintenant. Le MCG votera le renvoi de cette initiative à la commission fiscale.
Le président. Merci, Madame la députée. Je vous rappelle que le renvoi en commission est automatique. Monsieur le député Sébastien Desfayes, c'est à vous.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Merci, Monsieur le président. Soyons justes avec le député Batou, il a dit une chose correcte ce soir.
Une voix. Aah !
M. Sébastien Desfayes. Effectivement, son groupe a recueilli deux fois les signatures nécessaires. Pourquoi ? Parce que la première fois, le texte de son initiative aboutissait à une baisse de la fiscalité, ce qui avait d'ailleurs été signalé par le député Zweifel... (Commentaires.) ...qu'on peut remercier ici - ou pas ! Cela montre deux choses: dans le meilleur des cas, cela témoigne d'une désinvolture crasse par rapport à un sujet important et, dans le pire des cas, d'une incompétence. (Remarque.)
Ce qu'il faut savoir, c'est que cette initiative passe totalement à côté de son but. A partir d'un seuil de 10% de détention du capital-actions, on dit qu'il s'agit des gros actionnaires. Mais c'est faux ! Parce que si on possède 10% du capital-actions d'une société, cette société ne sera bien entendu pas UBS, pas Novartis, pas une société cotée. Qu'est-ce que ce sera ? Une société familiale ! Ce sont donc de petits entrepreneurs qui seront péjorés par cette imposition. Cela pose un double problème: un problème d'injustice par rapport à l'entrepreneuriat, mais aussi par rapport à notre système d'imposition en Suisse, qui taxe l'outil de travail. C'est un impôt quasiment unique au monde, qui n'existe même pas dans les enfers fiscaux comme la France. Et non seulement on ne corrige pas ce défaut, mais en plus on l'empire ! Merci.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole pour une minute et cinquante et une secondes à M. le député Patrick Dimier.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est juste pour rappeler deux choses. L'opposition principale qui existe entre les marxistes, cryptomarxistes, et nous, c'est qu'eux se plaignent sans cesse qu'il y a trop de riches et que notre souhait à nous, c'est qu'il y en ait davantage ! Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que si une république peut se permettre d'avoir moins de 4% des gens qui paient plus de 50% de l'impôt, c'est un luxe. Par conséquent, notre souhait à nous, c'est bien évidemment qu'on augmente cette part de 4% pour augmenter la capacité fiscale de ce canton. Lorsque vous avez une pyramide et que vous la faites tenir sur sa pointe, il y a peu de chances que vous gardiez l'équilibre très longtemps. Merci.
Des voix. Bravo ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour cinquante-huit secondes, je cède la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. On l'aura compris, Ensemble à Gauche, comme à son habitude, attaque les riches. Ensemble à Gauche attaque les riches sans fin. Alors maintenant, on a une nouvelle version. Qu'est-ce que c'est ? Le «virus des inégalités» et les gros actionnaires ! Mais à force de vouloir tuer les riches, comme vous voulez le faire, vous allez vous attaquer aux pauvres et les ruiner ! (Commentaires.) C'est ce que vous faites, c'est ce que vous allez réussir à faire ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Parce que l'argent de la RFFA sert à payer les dépenses sociales et les dépenses de l'Etat ! C'est grâce aux riches que nous pouvons nous payer tout ça ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Batou, il ne reste plus de temps au groupe Ensemble à Gauche. (Exclamations. Commentaires.) S'il vous plaît !
Une voix. Il y a une injustice, là ! (Rires.)
Une autre voix. Mise en cause !
Le président. Il n'y a pas de mise en cause. Monsieur Romain, il ne reste plus de temps au groupe PLR. (Commentaires.) Pour conclure ce débat, je cède la parole à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a effectivement décidé de refuser cette initiative sans lui opposer de contreprojet... (Exclamations.) ...et ce pour différentes raisons. Mais avant de commencer à les énumérer, j'aimerais corriger quelques inexactitudes. La RFFA n'a pas seulement augmenté le taux d'imposition des entreprises: elle a aussi augmenté le taux d'imposition des dividendes, Mesdames et Messieurs. Cela a donc été l'occasion de passer de 60% à 70% de taux d'imposition des dividendes. Je crois donc qu'il faut maîtriser ses sujets avant de tenter d'en parler et d'insinuer qu'il n'y aurait eu que des baisses d'impôts dans cette république. La RFFA a bel et bien impliqué une hausse d'impôts.
Les raisons qui motivent le Conseil d'Etat à refuser cette initiative sont diverses. Je ne reviendrai pas sur la question de la pyramide fiscale que j'ai l'occasion de vous décrire à chaque projet de budget et à chaque validation des comptes. Comme on le constate, cette pyramide fiscale a tendance à s'intensifier, avec, de plus en plus, une toute petite partie de la population qui paie une grande partie de l'impôt.
L'initiative vise à taxer doublement une entreprise et son actionnaire. Elle vise aussi à distinguer une fois de plus Genève des autres cantons. L'ensemble des cantons atténue aujourd'hui cette double imposition, et Genève serait le seul à ne pas le faire. C'est à ce moment-là que surgit cette volonté de s'opposer à l'attractivité fiscale. L'attractivité fiscale n'est pas un gros mot, elle est absolument essentielle. Il est essentiel que nous puissions accueillir dans notre canton des contribuables susceptibles de payer des impôts, notamment pour compenser les 36% de contribuables qui n'en paient pas; s'ils n'en paient pas, c'est non seulement parce que, pour certains, ils n'en ont peut-être pas les moyens, mais aussi parce que nous menons une politique en matière de taxation qui est sociale, notamment pour les familles. Dans ce contexte-là, si on veut mieux traiter certains groupes de la population et faire en sorte qu'ils ne paient pas d'impôts, il est important que nous ayons des contribuables qui en paient. Je vous répète ce qui a déjà été dit: le canton de Genève est celui qui utilise le plus son potentiel fiscal, c'est-à-dire que c'est le canton dans lequel tout ce qui peut être fait pour qu'il y ait des impôts est fait. Nous sommes le champion en la matière. A un moment donné, augmenter encore plus les impôts aura malheureusement un seul effet: faire partir ces gros contribuables.
Je vous parle d'expérience: j'ai eu ces jours des discussions avec des contribuables importants qui, d'une part, sont inquiets de la suite, se voyant de plus en plus imposés, et qui, d'autre part, sont déstabilisés - je le répète aussi régulièrement - par les différents projets ou initiatives qui inondent notre canton. Ces personnes qui vivent dans notre canton, qui vivent en Suisse aiment la sécurité juridique de ce pays et aiment évidemment payer des impôts - elles me l'ont dit, d'ailleurs -, mais elles n'iront pas au-dessus d'un certain montant. C'est quelque chose que je constate régulièrement et qui m'inquiète, parce que le jour où ces contribuables-là quitteront notre canton, nous n'aurons pas les bonnes nouvelles que nous avons eues par exemple à la fin novembre, avec des estimations de revenus fiscaux supérieures pour l'année à venir. Nous nous retrouverions avec des nouvelles négatives et avec tout à coup des estimations de revenus fiscaux inférieures. Et là, je n'ose penser à la catastrophe ! Nous avons besoin de ces revenus pour financer les politiques publiques, pour financer l'aide aux plus nécessiteux. Dans ce contexte-là, j'insiste sur le fait que nous ne devons pas nous distinguer encore plus des autres cantons. Cela fait partie des raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat a souhaité refuser cette initiative, qui est un message extrêmement négatif vis-à-vis des contribuables du canton et de celles et ceux que nous souhaiterions y attirer. Voilà, Mesdames et Messieurs, cette initiative sera évidemment renvoyée en commission.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat.
L'initiative 179 et le rapport du Conseil d'Etat IN 179-A sont renvoyés à la commission fiscale.
Débat
Le président. Nous passons au quatrième et dernier point fixe, l'initiative 180, qui est liée au rapport du Conseil d'Etat correspondant. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Ces objets sont préavisés pour renvoi à la commission du logement. Je cède la parole à M. le député David Martin.
M. David Martin (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, les Vertes et les Verts se réjouissent de l'aboutissement de cette initiative qui demande que 10% du parc de logements du canton soit en coopérative à l'horizon 2030.
Pourquoi est-ce une bonne idée ? Evidemment, on n'insistera jamais assez sur les avantages que les coopératives offrent par rapport à la convivialité, au vivre-ensemble, au lien social, ou encore sur leur rôle pionnier et d'innovation en matière de construction durable. Mais la principale raison, toute simple, en faveur des coopératives, c'est le niveau des loyers. Le rapport du Conseil d'Etat le dit très clairement, se référant à cette étude de l'OCSTAT qui montre que, sur le parc de coopératives ancien, le niveau moyen des loyers est 38% plus bas que sur le marché libre.
Aujourd'hui, ces coopératives fonctionnent sans aucune aide de l'Etat. Le soutien aux coopératives devrait donc largement dépasser les clivages politiques. D'ailleurs, les Zurichois l'ont bien compris et ont une sacrée longueur d'avance sur nous, avec un parc de coopératives qui représente aujourd'hui déjà 20% des habitations.
Demander que les collectivités - Etat et communes - utilisent plus proactivement le droit de préemption qui existe déjà pour accueillir des terrains remis sous forme de droits de superficie, qui est une forme de location longue durée dans laquelle l'Etat récupère largement ses billes, cela relève donc tout bonnement du bon sens.
Mesdames et Messieurs les députés, le parc de logements locatifs émet aujourd'hui 30% environ des émissions du canton. Eh bien, je vous le dis, si toutes les habitations du canton étaient en coopérative, nous ne serions certainement pas dans cette situation, parce que ces structures ont, par statut, par définition, l'obligation de réinvestir la totalité de leurs revenus dans le bâtiment; je suis sûr que si nous avions davantage de coopératives à Genève déjà aujourd'hui, l'état d'assainissement de notre parc immobilier serait bien meilleur.
Pour toutes ces bonnes raisons, les Verts soutiennent l'initiative 180 et se réjouissent de pouvoir en discuter en commission, où elle sera certainement renvoyée ce soir. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S). Bien évidemment, cette initiative est très importante, dans un canton où le pourcentage de coopératives est très faible - en comparaison avec le canton de Zurich, où il y a 20% de coopératives, nous sommes loin du compte ! Mais ce qui est intéressant, et mon préopinant a insisté là-dessus, ce sont les loyers ! Dans les coopératives, le loyer ne fait que diminuer à mesure de l'amortissement financier de l'opération. Avec un socle de coopératives de 10%, on verrait donc diminuer la spéculation qui existe aujourd'hui en matière de loyers à Genève. N'oublions pas que dans notre canton, aujourd'hui, un simple quatre-pièces pour moins de 2500 francs en loyer libre, c'est extrêmement difficile à trouver ! C'est donc un but louable de faire en sorte que, dans ce canton, il y ait des coopératives. Elles existaient déjà avec les coopératives ouvrières à l'époque: pour loger les travailleurs et pour des questions de pérennité, les entreprises avaient développé ce type de structures. Malheureusement, ça s'est perdu et on a oublié à Genève de continuer à les favoriser. Par conséquent, le groupe socialiste se réjouit évidemment de cette initiative: non seulement elle amènera une solution pour le logement, mais en plus cette solution sera pérenne s'agissant des loyers, qui, au lieu d'augmenter, ne feront que diminuer. Je vous remercie de réserver un bon accueil à cette initiative.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le Mouvement Citoyens Genevois soutient bien évidemment cette initiative, car incontestablement, les coopératives sont une solution alternative pour construire des habitations écologiquement performantes, mais surtout dont la durabilité des loyers est garantie. C'est une solution permettant à toutes les catégories de la population et à la classe moyenne de trouver un appartement à Genève. Il est important de faire en sorte que nos résidents puissent se loger à Genève et ne doivent pas s'expatrier dans le canton de Vaud ou en France pour trouver un bien qui corresponde à leur budget. Indiscutablement, c'est un bon moyen d'obtenir cette catégorie de logements, avec des loyers qui restent accessibles tout au long de leur vie. C'est la raison pour laquelle nous soutenons cette initiative et son renvoi à la commission du logement. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG). On n'en doutera pas, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra cette initiative, tout en relevant un certain nombre d'écueils. Certaines coopératives ne sont pas accessibles à la majorité de la population, contrairement à ce que dit M. Sormanni: dans cette population qui s'appauvrit de plus en plus, qui a aujourd'hui économisé 20 000 francs pour mettre une part importante dans une coopérative ? Cela exclut de fait... Il y a d'ailleurs de futurs coopérateurs qui se lancent dans l'aventure et qui sont immédiatement - ou après une année ou deux - expulsés du collectif qui monte la structure, parce qu'ils n'arrivent pas à réunir les fonds nécessaires pour y participer.
Par contre, d'autres coopératives, comme Cité Vieusseux - je n'en citerai qu'une qui est historiquement très importante -, fonctionnent avec des parts sociales. C'est ce type de coopératives que nous soutenons. Les personnes qui veulent accéder à des logements bon marché souscrivent une part sociale, ne sont pas propriétaires de leur appartement, ne s'en sentent pas propriétaires, bien qu'elles y habitent, bien qu'elles investissent dans leur habitat comme tout le monde et l'améliorent éventuellement. Au moment où elles partent et où elles changent de logement, on leur rend leur part sociale. Et pire que ça: elles participent à des assemblées générales où, on l'a dit, et je l'ai constaté personnellement, des votes sont organisés pour baisser les loyers ! Vous entendez bien: baisser les loyers ! Alors que la majorité des locataires aujourd'hui voient leur loyer augmenter ou stagner ! Et les propriétaires ne les font même pas bénéficier - c'est un pur scandale - de la baisse des taux hypothécaires, alors que ce sont des milliards que les propriétaires se mettent dans les poches !
Par conséquent, nous sommes favorables à ces coopératives, dans la mesure où, avec des parts sociales, elles sont accessibles à tout un chacun, et à des coopératives sans but lucratif et surtout sans transmission familiale ! Parce que certaines coopératives ont dans leurs statuts la transmission des appartements aux enfants; c'est une sorte de thésaurisation et ce ne sont pas du tout les valeurs que nous défendons. Nous défendons la coopérative avec parts sociales, comme un moyen pour tout un chacun de participer à l'élaboration et à la construction de logements pérennes et bon marché. Je vous remercie de votre attention et de votre patience, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député, pour votre concision. Monsieur Olivier Cerutti, c'est à vous.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, le parti démocrate-chrétien a toujours défendu un menu locatif, c'est-à-dire que nous avons besoin tant de coopératives que de logements sociaux et de PPE dans ce canton. Ce que vise l'initiative est une exigence totalitaire de construire de la coopérative. Nous ne pouvons pas suivre ses objectifs, à savoir construire entre 2500 et 3000 logements par année uniquement en coopérative. C'est pour cela que ce débat a toute son importance.
Il me paraît intéressant de relever deux chiffres. Premièrement, ces coopératives sont réalisées avec les instituts bancaires de prêt jusqu'à hauteur de 95% du prix de l'immeuble. Comment voulez-vous amortir ces 95% sur un nombre d'années relativement important ? On a notamment la chance d'avoir à l'heure actuelle des taux d'intérêt excessivement bas. Il ne faudrait pas qu'ils bougent de manière trop forte. Nous nous retrouverions avec un effet yoyo sur les loyers qui serait tel que je ne suis pas sûr que les gens resteraient dans ces coopératives.
Deuxième élément, à un moment donné, il faut savoir quelle fiscalité on veut dans ce canton ! La commission fiscale s'occupe actuellement du volet fiscal sur l'immobilier. Or il faut savoir et se rappeler que ces coopératives ne paient pas d'impôts. Cela a une incidence sur nos revenus fiscaux. Je ne suis pas sûr... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Merci. Vous pouvez poursuivre.
M. Olivier Cerutti. Merci, Monsieur le président. Je ne suis pas sûr aujourd'hui qu'au vu de l'initiative telle qu'elle est proposée, le parti démocrate-chrétien ou Le Centre puisse suivre de tels objectifs concernant les coopératives. Ce débat a toute son importance. C'est un fait de société, à savoir comment nous souhaitons vivre dans ce canton. Nous ne pouvons pas construire des logements uniquement dans ce cadre. Quand on sait qu'aujourd'hui, pratiquement la totalité est garantie par l'Etat, cela équivaut à une façon d'étatiser le sol. Je vous remercie de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC). J'aimerais dire que les coopératives comportent effectivement beaucoup d'avantages - j'habite moi-même dans une coopérative. C'est vrai qu'y habiter représente certains avantages. Par contre, dire qu'elles ne sont pas subventionnées et ne bénéficient d'aucune subvention est totalement faux: certaines d'entre elles bénéficient du fonds LUP. Il faut quand même le dire et le savoir. Aujourd'hui, vous avez toutes les facilités possibles et imaginables pour monter une coopérative. Celle où j'habite a été montée avec moins de 1000 francs. Neuf personnes ont mis chacune 100 francs. Elles ont rempli tous les formulaires, préparé les dossiers et tout ce qui les accompagne, elles ont bénéficié du fonds LUP, de tous les avantages au niveau des prêts bancaires et de tout ce qui va avec. Vous pouvez monter une coopérative comme ça, il n'y a rien de plus facile.
Ce à quoi il faudra faire attention, c'est que, comme on l'a dit, on ne peut pas faire que de la coopérative, il faut aussi d'autres types de logements. Sur ce point, bien évidemment, c'est la commission qui mènera le débat de fond. Enfin voilà, il faut savoir déjà de quoi on parle s'agissant des coopératives. Ça, je tenais à le dire. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Cyril Aellen (PLR). Le groupe PLR accueille cette initiative avec attention et l'étudiera. A la question de savoir si le fait qu'il y ait plus de logements en coopérative est une bonne chose, le groupe PLR répond par l'affirmative. Il se réjouit de voir dans l'exposé des motifs qu'il est fait référence aux coopératives zurichoises, auxquelles on compare cet objectif de 10%. Je pense que c'est un bon axe de réflexion, parce que les coopératives zurichoises sont très différentes des genevoises, en l'état. Je crois que c'est une bonne chose; je remercie les auteurs de l'initiative d'avoir établi cette comparaison pour qu'on puisse aller de l'avant de cette façon-là. Il faudra d'ailleurs interpréter les termes «sans but lucratif» contenus dans l'article 1, alinéa 2. Ce travail devra être fait.
Les avantages allégués de l'habitat coopératif sont partiellement justes, et le PLR y adhère. Effectivement, bien souvent, cela permet d'avoir des loyers inférieurs à ceux d'autres types de logements. C'est un peu plus cher naturellement que si on a la possibilité d'avoir des PPE, ce qui reste quand même le moyen de se loger le moins cher dans la durée. Les constructions écologiques ne sont pas l'apanage des coopératives, mais elles en réalisent aussi. Il fait bon vivre dans les coopératives: ce n'est pas le cas uniquement dans les coopératives, mais elles font aussi partie des immeubles où il fait bon vivre, donc c'est important. Enfin, il y a effectivement des coopératives qui assurent des quartiers vivants et durables, et, si ce n'est pas seulement le fait des coopératives, c'est aussi le cas et c'est bienvenu.
Le PLR n'est pas forcément opposé à l'objectif de 10% de coopératives. Même si cela contrevient un petit peu aux accords précédents, il conviendra d'en discuter sereinement. En revanche, le PLR sera extrêmement attentif au renvoi très pernicieux que prévoit en l'état cette initiative au chapitre de la LGL portant sur les droits de préemption et d'expropriation - à mon sens, c'est ça qu'il faudra corriger. Comme l'indique le Conseil d'Etat dans son rapport, en réalité, «par cette formulation, le comité d'initiative souhaite que l'Etat puisse faire usage des droits de préemption et d'expropriation prévus par la LGL». Je sais qu'il y a même certains milieux proches du PLR qui sont parfois favorables à l'expropriation, mais ce seront les mêmes qui viendront s'opposer à ce type de procédé. Nous y serons très attentifs et c'est à cela que nous travaillerons à la commission du logement.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. le député Patrick Dimier pour une minute et cinquante secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce sera largement suffisant. C'est juste pour apporter deux approches complémentaires. Premièrement, bien entendu, l'habitat en coopérative est une addition à une certaine forme de propriété. C'est bien ce qui rend le propos de notre camarade Pagani, bolchevik bien connu, complètement idiot ! Evidemment qu'il faut que cela puisse passer à la génération d'après, c'est tout l'enjeu ! C'est aussi de pouvoir maintenir un habitat bon marché. Les coopératives, comme vient de le dire notre collègue Aellen, c'est effectivement un excellent moyen de contenir la hausse des loyers, si ce n'est même le meilleur. Lorsqu'on dit qu'on lutte contre les loyers excessifs de propriétaires - comment dire ? - gloutons, c'est oublier qu'une grande partie de l'habitat à Genève est aux mains des caisses de pension ! Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour quarante-cinq secondes, la parole revient maintenant à Mme la députée Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Effectivement, nous sommes favorables aux sociétés coopératives. Leur qualité dépend de leur règlement et de ce que les coopérateurs ont décidé. Oui, ils peuvent choisir un habitat éventuellement plus coûteux... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole. L'oratrice s'interrompt.) Merci ! (Rires.)
Une voix. Bravo, Danièle !
M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je dirai aussi quelques mots pour expliquer la position du Conseil d'Etat qui vous est consignée dans ce rapport. Le Conseil d'Etat soutient cette initiative et vous invite à l'accepter, parce qu'il fait lui aussi le constat que ce type de logement revêt un grand nombre d'intérêts et d'avantages. Celui-ci était relativement à la mode il y a un certain nombre de décennies, en gros après la Deuxième Guerre mondiale, pendant une trentaine d'années, où on a produit beaucoup de logements en coopérative en Suisse. Ce type d'habitat s'est un peu essoufflé dans les années 1970-1980, avant de connaître un regain d'intérêt dans les années 1990 et surtout dans les années 2000.
Les avantages sont nombreux. Certains d'entre vous les ont mentionnés. La part des logements coopératifs dans le parc immobilier genevois est insuffisante et est très en deçà de celle d'autres cantons, de Suisse alémanique en particulier, notamment de Zurich - le cas zurichois a été abondamment décrit tout à l'heure -, puisque son taux de coopératives se situe largement au-delà du double du socle que cette initiative propose d'atteindre.
Un autre avantage aux yeux du Conseil d'Etat: aujourd'hui, vous le savez, la politique du logement qui consiste à subventionner très fortement soit la pierre - l'investissement - soit directement les personnes qui occupent les logements est extrêmement coûteuse pour les finances publiques. Or nous pensons que les avantages intrinsèques des coopératives - notamment le fait que ce type d'habitat conduise à une stabilité des loyers, à des loyers modérés, ainsi qu'à une responsabilisation des gens qui les occupent - peuvent fondamentalement conduire à une modération de l'effort financier que l'Etat fournit, qui est en hausse constante au fil des ans. Il y a donc aussi un intérêt public du point de vue des finances à promouvoir ce type d'habitat.
Ce sont les raisons - parmi d'autres encore - pour lesquelles le Conseil d'Etat vous invite, lorsque vous examinerez cette initiative en commission, à y prêter une grande attention et à la soutenir, en tout cas les principes qu'elle propose. On se trouve là en dehors d'un débat gauche-droite - c'est ce qui est intéressant d'ailleurs -, et le Conseil d'Etat va suivre ces travaux avec grand intérêt. J'ai entendu avec plaisir des propos qui me laissent à penser qu'on peut nourrir quelque espoir que sorte de votre commission, notamment dans le cadre du traitement de cette initiative, un projet intéressant. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
L'initiative 180 et le rapport du Conseil d'Etat IN 180-A sont renvoyés à la commission du logement.
Premier débat
Le président. Nous entamons maintenant les urgences avec le PL 13003-A, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Véronique Kämpfen, à qui je cède sans plus attendre la parole.
Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Le projet de loi 13003 vise à harmoniser le droit cantonal... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Madame la rapporteure ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Vous pouvez poursuivre.
Mme Véronique Kämpfen. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi 13003 vise donc à harmoniser le droit cantonal avec le droit fédéral en matière d'aide au recouvrement et d'avance sur contribution d'entretien. La date butoir pour la mise en application de cette loi était le 1er janvier de cette année.
Le droit fédéral impose au canton de mettre à disposition des personnes créancières d'une pension alimentaire une aide au recouvrement adéquate, lorsqu'elles la sollicitent. La collectivité publique peut avancer les contributions d'entretien lorsque la personne débitrice de la contribution d'entretien ne satisfait pas à ses obligations en la matière. C'est le cas à Genève, où le service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires, abrégé SCARPA, a été créé à la fin des années 1970 déjà. Ce service a pour mission de procéder au recouvrement des pensions alimentaires, et en parallèle, de verser aux personnes créancières d'une pension alimentaire des avances de pension lorsque c'est nécessaire.
L'adaptation du droit cantonal au droit fédéral n'entraînera pas de coûts additionnels pour le SCARPA. Les nouveautés concernent le recouvrement des créances d'entretien échues avant le dépôt de la demande, le soutien à l'obtention d'allocations familiales et l'aide au recouvrement pour l'enfant majeur. Ce projet de loi a été adopté à l'unanimité moins une abstention par la commission des affaires sociales. Je vous invite à l'accepter aujourd'hui. Merci, Monsieur le président.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi adapte la loi genevoise aux prescriptions de l'ordonnance fédérale du 6 décembre 2019. En ce sens, il est nécessaire. Il apporte même certaines améliorations, comme la diminution du délai d'entrée en matière pour ce qui concerne l'enclenchement d'une procédure de recouvrement ou les avances de contribution d'entretien, ce qui répond indéniablement aux besoins des personnes contraintes de solliciter une aide lorsque la contribution d'entretien n'est pas payée par le débiteur alimentaire. En revanche, la question de la priorité du recouvrement des avances prime toujours sur le recouvrement de la pension alimentaire. Cette fois encore, l'opportunité n'a pas été saisie de favoriser l'autonomie de la personne en permettant qu'elle puisse percevoir directement la pension due plutôt que de devoir attendre que le SCARPA se rembourse.
Ainsi, ce projet de loi permet de mettre en phase les législations fédérale et cantonale. Il nous faut y souscrire. Cependant, nous ne pouvons négliger l'aubaine qu'il nous offre de corriger une anomalie, une injustice induite par cette lacune d'adaptation de la LARPA et son règlement d'application à une modification de la loi fédérale survenue il y a quelques années, qui visait à ne plus parler de pension alimentaire pour un enfant et pour le parent-gardien, mais d'une contribution d'entretien pour l'un et d'une contribution de frais de prise en charge pour l'autre, cette dernière restant comprise dans la contribution de l'enfant. Or l'absence d'adaptation de la législation cantonale à cette modification fédérale entraîne depuis lors une discrépance: la loi et son règlement d'application ne sont plus en cohérence avec le droit fédéral. Le parent-gardien n'étant à proprement parler pas bénéficiaire d'une contribution d'entretien, mais uniquement d'une contribution aux frais de prise en charge, se trouve donc privé du droit à une avance lorsque la contribution des frais de prise en charge n'est pas plus payée que la contribution d'entretien. A l'époque, une motion avait demandé que cela soit modifié, mais n'avait pas été acceptée.
La révision de la LARPA qui nous est proposée par ce projet de loi nous donne l'occasion de corriger ce non-sens et de donner une suite logique à la modification de la loi fédérale sur la contribution de prise en charge. C'est pourquoi M. Thévoz et moi-même vous proposons un amendement prévoyant que, lorsqu'une contribution pour frais de prise en charge est prévue dans le montant de la contribution d'entretien, le montant de l'avance est augmenté à hauteur des chiffres actuellement en vigueur dans le règlement et dans la loi sur les avances et le recouvrement des pensions alimentaires, de sorte que le parent-gardien ne soit pas pénalisé par cette absence d'adaptation de la loi cantonale aux dispositions fédérales. Ainsi, M. Thévoz et moi-même vous demandons d'accepter l'amendement qui vous est proposé. Je vous remercie de votre attention.
Présidence de M. Jean-Luc Forni, premier vice-président
M. André Pfeffer (UDC). Après plusieurs auditions et de multiples discussions, ce projet de loi a finalement été accepté à la quasi-unanimité de la commission. Ce texte est technique et constitue surtout une adaptation de notre droit cantonal au droit fédéral. Une nouvelle ordonnance fédérale impose, dès le 1er janvier 2022, certaines normes pour le recouvrement lié aux pensions alimentaires. Pour notre canton, cette adaptation n'implique aucun coût, aucune nouvelle tâche administrative. Pour les Genevoises et Genevois, ce projet de loi ne changera quasiment rien. Genève maintiendra des prestations bien plus généreuses que la plupart des autres cantons et maintiendra évidemment aussi son système sur les avances de pensions alimentaires. Le groupe UDC vous recommande d'accepter ce projet de loi. Merci.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe PDC votera ce projet de loi, parce qu'il est nécessaire et obligatoire. Il devait entrer en vigueur le 1er janvier de cette année. Notre groupe ne votera pas l'amendement proposé par Mme Haller et M. Thévoz: la question a été posée à la directrice du service, qui a répondu qu'il n'était pas nécessaire de faire ce changement. Nous suivons donc l'avis de l'Etat et nous ne voterons pas cet amendement. Je vous remercie.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, tout d'abord, merci d'avoir accepté cette urgence. Cela a été relevé, nous avions l'obligation d'adapter notre droit cantonal suite à la décision fédérale modifiant certains éléments liés au recouvrement des pensions alimentaires. Cette ordonnance fédérale a été longuement travaillée - plus de quatre ans - avec les différents cantons d'un point de vue technique, pour proposer enfin un texte qui nous permette d'harmoniser en Suisse cette question du recouvrement des créances d'entretien liées au droit de la famille.
On peut se réjouir du fait que ces pratiques soient harmonisées, même si le canton de Genève a été de loin - en tout cas au niveau des cantons romands - très en avance sur ces questions-là, puisqu'il a mis sur pied, cela a été rappelé par Mme la rapporteure, un service ad hoc, créé à cet effet, ce qui n'est pas le cas dans le reste des cantons suisses.
Le projet de loi tel qu'il vous est proposé par le Conseil d'Etat permet de préciser les missions du SCARPA, d'indiquer le droit applicable en la matière et de repenser, ou en tout cas de définir les arriérés, ce qui est pris en charge et pour quels montants. Le dossier a été largement étudié par la commission des affaires sociales, que je tiens à remercier pour sa patience sur ce projet certes technique, mais ô combien important pour celles et ceux qui vivent une séparation.
Pour terminer cette intervention, j'ajouterai un mot concernant l'amendement qui a été déposé ce soir. Celui-ci me pose un problème majeur, raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous invite à le refuser: il créerait une immense inégalité entre les enfants. En effet, lorsqu'une pension alimentaire est fixée par un juge pour des coûts directs, alors l'avance ne serait que de 673 francs. Pour les enfants dont le juge a fixé une contribution pour des coûts directs et indirects, alors l'avance serait de 1500 francs, selon la proposition. Cet élément-là n'est tout simplement pas acceptable pour le Conseil d'Etat, qui, je le répète, vous encourage à le refuser.
Pour conclure, le Conseil d'Etat souhaite que ce projet de loi soit approuvé par votre Conseil, pour ainsi nous permettre de répondre à l'ordonnance fédérale.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Il y a encore une demande de parole. Normalement, on ne prend plus la parole après le Conseil d'Etat...
Une voix. Au deuxième débat !
Le président. Vous prendrez donc la parole au deuxième débat, Madame Haller ?
Une voix. Au troisième !
Le président. Je vous remercie. Nous passons donc au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13003 est adopté en premier débat par 93 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 2 (nouvelle teneur avec modification de la note) à 3A (nouveau).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 4:
«Art. 4, al. 3 (nouveau)
3 Dans les cas où la contribution d'entretien en faveur de l'enfant comprend une contribution de prise en charge, le montant maximal de l'avance en faveur de l'enfant est de 1506 francs.»
Je cède la parole à son auteure, Mme la députée Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. J'avais déjà expliqué préalablement le sens et la teneur de cet amendement, mais j'aimerais réagir à ce qui a été dit par M. Apothéloz, à savoir que cet amendement provoquerait une inégalité de traitement... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...entre les enfants qui percevraient un montant inférieur à 633 francs de pension alimentaire...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. ...et les autres, qui percevraient un montant supérieur. Je précise que cet amendement stipule clairement que le montant est haussé lorsque la contribution d'entretien comprend...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. ...une contribution de prise en charge. Pardon ?
Le président. C'est terminé, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Oui, j'ai terminé. Je vous remercie. C'était une précision que je souhaitais apporter. Il n'y a pas d'inégalité de traitement, l'amendement était précis à cet égard.
Le président. Très bien. Mesdames et Messieurs, je lance le vote sur cet amendement.
Une voix. Ça bloque !
Une autre voix. Ça n'a pas marché !
Des voix. Oh non !
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 38 oui.
Mis aux voix, l'art. 4 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les art. 5 (nouvelle teneur avec modification de la note) à 16, al. 4 (nouveau).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13003 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 93 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, les points liés PL 12879-A et PL 12876-A. Nous sommes en catégorie II, cinquante minutes. En ce qui concerne le second texte, M. Jacques Béné remplace le rapporteur de majorité Murat-Julian Alder. Je cède la parole à... (Un instant s'écoule.) Qui est-ce ?
Une voix. M. Béné.
Une autre voix. Il n'a pas mis son badge.
Le président. Vous n'avez pas inséré votre carte, Monsieur Béné, voilà pourquoi je ne vous identifiais pas.
M. Jacques Béné. Ah !
M. Jean Burgermeister. Je vous résume volontiers la position du rapporteur de majorité ! (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur Burgermeister, mais votre tour viendra !
Une voix. Un peu de patience !
Le président. Monsieur Béné, c'est à vous.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Oui, alors ça m'aurait fait plaisir que M. Burgermeister résume la position de la majorité, mais je ne lui fais pas tellement confiance sur ce coup-là !
M. Jean Burgermeister. Tu as bien raison !
M. Jacques Béné. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite commencer ce débat en remerciant la direction de l'aéroport pour tous les efforts déployés ces dernières années, en particulier durant les deux ans qui viennent de s'écouler, pour les mesures qui ont été prises afin d'éviter les licenciements lors de la pandémie et de réduire au maximum les pertes de chiffre d'affaires. Il faut savoir que le manque à gagner pour 2020 s'élevait à plus de 300 millions alors qu'il y a eu une diminution du résultat de seulement 200 millions, cela démontre le travail réalisé par l'AIG.
Je tiens ensuite à signaler qu'il faudrait éviter, dans le cadre de cette discussion sur un prêt conditionnel de 200 millions, de partir sur des considérations liées aux conditions de travail sur le site de l'aéroport, de s'égarer sur l'urgence climatique. On sait que l'aviation mondiale représente 2% - ou 3% - des émissions de CO2; si on fait la comparaison rien qu'avec le domaine du logement, celui-ci tourne autour des 30%.
Gardons-nous aussi de reparler des horaires de décollage et d'atterrissage des avions ainsi que des nuisances, sujet qui constitue une sorte de serpent de mer...
M. Jean Burgermeister. On ne parle de rien, alors !
M. Jacques Béné. Ecoutez, il s'agit d'un contrat de prêt, on n'est pas là pour évoquer les nuisances engendrées par la plateforme aéroportuaire. Ce que je veux dire, c'est qu'il convient surtout de réunir les conditions-cadres qui permettront à l'économie de ce canton de sortir le mieux possible de la crise, et c'est dans ce sens que le Conseil d'Etat a proposé un projet de loi afin de limiter le risque de manque de liquidités à terme pour l'aéroport.
Le texte a été amendé suite à des observations de la COMCO et mentionne bien désormais qu'il s'agit d'un prêt de dernier recours, accordé vraiment à titre subsidiaire. Je précise à cet égard, puisque certains voudraient voir la Confédération intervenir, que la Suisse ne peut pas agir à ce niveau, ce n'est qu'à titre subsidiaire du subsidiaire qu'elle intercéderait. Il revient d'abord à l'aéroport de faire le maximum, puis au canton de Genève de passer à l'action et, en dernier ressort, la Confédération peut éventuellement s'en mêler. C'est l'article 103 de la loi sur l'aviation qui le stipule. Quant à l'article 87 de la Constitution fédérale, il indique que les installations de Zurich, Genève et Bâle-Mulhouse sont des structures d'intérêt national qui doivent répondre à la demande et relèvent de la responsabilité de la Confédération.
Mesdames et Messieurs, il faut absolument soutenir l'Aéroport international de Genève au moyen de ce prêt conditionnel. Je rappelle que cette infrastructure s'adresse à un bassin de population de plus de 6,5 millions d'habitants, que l'aviation d'affaires est extrêmement importante pour l'économie locale, que plus de deux cents entreprises sont dépendantes de l'activité de Cointrin, ce qui représente plus de 11 000 postes - voire près de 33 000 -, qu'il s'agit d'une valeur ajoutée de 4,1 milliards pour la région. L'aéroport est un acteur essentiel pour notre canton, un établissement capital pour nos emplois.
Ce soir, nous avons les moyens de lui prouver notre attachement, de lui exprimer notre reconnaissance en lui épargnant des attaques continues, en cessant d'en faire un bouc émissaire pour tous les maux de notre territoire et de la planète. L'AIG est en concurrence avec d'autres grands aéroports européens; les Lyonnais n'attendent qu'une chose, c'est qu'on réduise nos activités aéroportuaires, ils en seraient ravis. Ainsi, pour lui offrir un second souffle, pour qu'il ne se retrouve pas dans une position difficile en cas de manque de liquidités, la majorité de la commission vous invite à dire un grand oui à ce prêt conditionnel et à refuser tous les amendements qui vous seront soumis par les minorités Verte et Ensemble à Gauche. Je vous remercie.
Présidence de M. Diego Esteban, président
Le président. Merci bien. Maintenant qu'il a pris place, je peux passer la parole au rapporteur sur le PL 12879, à savoir M. Jean-Marc Guinchard. Allez-y, Monsieur.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. J'allais justement vous demander de bien séparer les deux sujets, à savoir le prêt d'une part et le PL 12879 d'autre part. Ce dernier propose d'inscrire dans la loi sur l'Aéroport international de Genève les principes instaurés par l'initiative constitutionnelle votée en novembre 2019 par une forte majorité de la population. Le Conseil d'Etat avait adopté un avant-projet de mise en oeuvre qu'il a ensuite soumis à l'ensemble des acteurs intéressés: communes françaises et suisses, milieux économiques, associations, riverains, partis politiques, etc. Il a tenu compte d'un certain nombre de points qui ont été soulevés; toutefois, la structure et les lignes principales de son texte sont restées les mêmes.
Le projet de loi s'articule autour de quatre grands axes que je vais vous détailler, Mesdames et Messieurs. Le premier définit le cadre légal de la convention d'objectifs qui sera fixée entre le canton et l'AIG au début de chaque législature; un nouvel article ancre celle-ci dans la loi spécifique à l'établissement. Le deuxième point concerne l'inscription du PSIA dans la législation cantonale. Le troisième volet porte sur le principe de validation par le Grand Conseil de la stratégie et du plan d'affaires à moyen et long terme. Dans cette optique, l'aéroport devra, au minimum tous les cinq ans, présenter ces deux documents afin que le parlement puisse se prononcer sous forme de résolution. Le quatrième axe est le renforcement du rôle de la commission consultative, laquelle devient une commission officielle.
Lors des séances qui ont suivi, les commissaires ont entendu toutes les parties concernées afin de se forger une opinion. Il est apparu très vite que selon les représentants des initiants comme ceux des communes - la majorité des magistrats, d'ailleurs -, si les milieux intéressés ont été consultés, ils n'ont guère été écoutés et que le texte présenté en commission faisait fi de leurs remarques pourtant variées et constructives à leurs yeux. A l'occasion du deuxième débat, les groupes Vert et PDC ont repris à leur compte les différents amendements déposés par l'ARAG et la CARPE, mais ceux-ci ont été en grande partie refusés.
Les fronts étaient alors figés: les uns défendaient à tout prix l'autonomie de l'AIG et son importance vitale pour notre économie et la Genève internationale ainsi que la primauté du droit fédéral, particulièrement touffu dans le domaine du transport aérien; les autres souhaitaient que le modèle d'affaires soit revu, que les prescriptions en matière de pollution sonore et atmosphérique soient mieux précisées et que l'aéroport assume beaucoup plus sa responsabilité sociale sur le site - n'est-ce pas, Monsieur Burgermeister ? Enfin, d'aucuns s'interrogeaient quant à l'utilité d'inscrire dans une loi d'application des dispositions figurant déjà dans la loi constitutionnelle sur laquelle le peuple s'était prononcé.
A l'issue du deuxième débat et face à ces positions divergentes, plusieurs députés se sont inquiétés du lancement potentiel d'un référendum dont le succès devant le peuple aurait pu avoisiner le score de la votation de novembre 2019. Le magistrat chargé du département des infrastructures a alors prié les commissaires de suspendre leurs travaux en l'état et de lui laisser un mois afin qu'il puisse rencontrer les représentants des initiants et de l'AIG et trouver un compromis acceptable en se basant sur les travaux issus du deuxième débat.
Il en a été fait ainsi, et un nouveau texte dit de compromis a été soumis aux commissaires qui en ont pris connaissance en date du 20 décembre et qui ont à nouveau auditionné les représentants des initiants et de l'aéroport. Le conseiller d'Etat a souligné que l'objectif était d'aboutir à un consensus de sorte que le projet de loi ne soit pas contesté dans les urnes par la suite. Dans cet esprit, le département a rencontré les initiants lors de trois séances de travail. Les articles modifiés ont été passés en revue en partant de l'article constitutionnel voté par le peuple afin d'étudier les ajustements apportés. Tout cela s'est fait selon un principe cardinal cher à la majorité de la commission, à savoir le respect du droit supérieur et du cadre fédéral qui régissent de manière très contraignante les activités de notre plateforme aéroportuaire.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Jean-Marc Guinchard. Ah, je croyais que je disposais de cinq minutes ! Les propositions ont été discutées avec les initiants et validées par le Conseil d'Etat. Les missions de l'AIG ont été précisées, la convention d'objectifs est clairement détaillée, la référence au PSIA a été rendue plus claire, un rapport annuel du Conseil d'Etat y est consacré: les députés ont pu constater qu'un travail conséquent avait été mené afin de rapprocher les camps.
Je tiens à remercier ici le magistrat chargé du dossier et ses collaborateurs pour leurs efforts. Comme les députés l'ont relevé, tant l'aéroport que les initiants peuvent se satisfaire de l'accord trouvé. C'est dans ce contexte, Mesdames les députées, Messieurs les députés, afin de respecter l'unanimité, moins trois voix, rencontrée en commission, que je ne peux que vous inciter à accepter l'entier du texte et à refuser tout amendement susceptible de casser l'équilibre passablement fragile obtenu en commission après de longues séances. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. Je précise que vous disposiez bien de cinq minutes, mais vous les avez épuisées - le temps passe vite quand on s'amuse ! Nous revenons au PL 12876-A avec le rapport de première minorité. Monsieur Jean Burgermeister, vous avez la parole.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. J'interviendrai sur le prêt de 200 millions à l'Aéroport international de Genève en informant d'emblée le rapporteur de majorité, M. Béné, que je vais le décevoir sur toute la ligne, lui qui nous indiquait qu'il ne faudrait pas - non, surtout pas ! - parler de la question sociale quand on traite de l'aéroport. Il ne faudrait pas non plus - pensez-vous ! - évoquer l'aspect environnemental, cela n'a rien à voir. Enfin, il ne faudrait pas non plus - ce serait tout de même le comble ! - discuter des horaires du trafic aérien. Non, s'il vous plaît, n'abordons rien de ce qui a trait à l'aéroport ! Eh bien, Monsieur Béné, je vais parler un peu de tout cela, parce que contrairement à vous, je ne pense pas que nous soyons ici pour donner des conditions-cadres à l'économie, mais bien pour répondre aux besoins de la population et défendre ses intérêts.
Puisqu'il s'agit d'un prêt à l'aéroport, j'aimerais d'abord préciser ceci: je ne sous-estime pas la crise que traverse cet établissement, le fait qu'il soit durement touché par la pandémie, et ce depuis le début, et qu'un certain nombre d'emplois sont en jeu au sein de la plateforme aéroportuaire. Mais je pense, Mesdames et Messieurs, que lorsqu'il est question d'argent public, eh bien nous devons poser des conditions avant de le donner ou de le prêter, comme c'est le cas ici. J'avais d'ailleurs défendu cette même idée avec Ensemble à Gauche au moment où il convenait d'aider les entreprises, nous préconisions des contreparties en faveur des salariés. Dans le cas d'espèce, je trouve qu'avant de voter un prêt de 200 millions, un minimum de garanties sur les plans social et environnemental sont nécessaires.
D'abord, la question sociale. Ce qui frappe quand on évoque l'Aéroport international de Genève, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le nombre de conflits sociaux qui ont lieu sur l'ensemble du site. Ces dix dernières années, entre 15% et 48% des problèmes enregistrés par la CRCT se déroulaient au sein de l'aéroport, ce qui représente un peu moins de cinquante litiges - 48 - en tout sur dix ans, soit tout de même près de cinq par année, ce n'est pas négligeable.
Certes, dans la plupart des cas, l'AIG n'est pas directement l'employeur, mais enfin l'infrastructure est le théâtre de ces conflits, Mesdames et Messieurs, et cela ne peut pas être un hasard, cela doit forcément nous interpeller, cela pourrait nous conduire à penser que tout n'est pas mis en oeuvre, que ce soit du côté des autorités de l'aéroport ou du Conseil d'Etat, pour garantir des conditions sociales correctes sur la plateforme aéroportuaire.
Il se dit d'ailleurs que les autorités auraient récemment fait un constat de sous-enchère salariale abusive et répétée au sein des services de l'assistance au sol. Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas prétendre que tout cela n'a rien à voir avec le thème qui nous occupe aujourd'hui, nous ne pouvons pas faire comme si les cas de sous-enchère abusive et répétée, comme si les conflits sociaux à répétition au sein de l'aéroport n'étaient qu'une parenthèse anecdotique lorsqu'on discute d'un prêt public de 200 millions.
Ensuite, il y a l'aspect environnemental. On ne peut pas faire croire, comme tente de le faire le gouvernement, que nous allons réduire les émissions de gaz à effet de serre de 60% d'ici 2030 - donc dans huit ans - sans diminuer drastiquement - drastiquement ! - le trafic aérien. C'est une nécessité absolue. Alors bien sûr se pose la question de la sauvegarde des emplois, mais c'est précisément pour cela qu'il faut empoigner le sujet maintenant, pour que nous élaborions un plan dans la durée qui permette de conserver les postes, qui encourage les reconversions, et ce avant qu'il faille prendre des mesures dans la précipitation tant la catastrophe environnementale, vous le savez - certains refusent encore de l'admettre -, sera brutale. Malheureusement, au moment où la majorité de ce parlement se décidera enfin - peut-être, un jour - à intervenir avec des actions à la hauteur de la crise, eh bien il sera trop tard pour obtenir un accompagnement social satisfaisant.
Mesdames et Messieurs, l'urgence climatique doit nous obliger à repenser le modèle de développement économique de ce canton, et on ne peut pas miser, comme ici, sur l'idée qu'il faut absolument faire repartir la machine comme avant, c'est-à-dire qu'on retrouve les chiffres de l'aviation de 2019, ceux d'avant la crise. C'est un non-sens, et c'est d'autant plus un non-sens que cela signifierait qu'après deux ans de pandémie, nous n'avons rien appris. Pourtant, Mesdames et Messieurs, vous devriez le savoir: l'accroissement continu du trafic aérien mais aussi le réchauffement de la planète sont des facteurs qui favorisent les épidémies mondiales. Par conséquent, si nous ne nous attaquons pas aux racines du problème, nous serons condamnés à revivre encore et encore, et certainement dans des laps de temps de plus en plus rapprochés, des pandémies comme celle que nous avons connue, voire peut-être de plus mortelles, de plus virulentes pour la population.
Mesdames et Messieurs, au sortir d'une telle expérience, et elle n'est pas encore derrière nous, nous ne pouvons pas nous dire: «Recommençons comme avant, faisons comme si de rien n'était, relançons la machine !» Nous n'aurions rien appris et nous foncerions à nouveau droit dans le mur. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, tant que des garanties minimales aux niveaux social et environnemental ne seront pas réunies, le groupe Ensemble à Gauche rejettera ce projet de loi, et il ne peut que vous inviter à en faire autant.
M. Boris Calame (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, chères et chers collègues, le PL 12876 ouvre la possibilité pour le Conseil d'Etat d'accorder un prêt s'élevant jusqu'à 200 millions de francs à l'Aéroport international de Genève. Il a été traité l'année passée par la commission des finances. Lors des travaux, les Verts ont souligné le résultat du vote populaire de 2019 sur l'initiative 163 «Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève»: l'acceptation a été globalement de 56,27%, avec des scores allant jusqu'à plus de 75% dans les communes les plus impactées par les nuisances quotidiennes de la plateforme aéroportuaire. Ces chiffres démontrent le ras-le-bol bien réel des populations riveraines, mais aussi une levée de boucliers généralisée de plus en plus marquée.
Certes, l'aéroport est important pour Genève et la région; toutefois, il serait particulièrement surprenant que l'Etat, qui doit se porter garant de la protection des citoyennes et citoyens, puisse allouer pareil soutien sans aucune condition. Il faut rappeler la teneur de l'article 10 de notre constitution: «L'activité publique s'inscrit dans le cadre d'un développement équilibré et durable», mais également celle de son article 19 qui stipule que «toute personne a le droit de vivre dans un environnement sain». Le projet de prêt de 200 millions à l'aéroport qui a été sollicité par le gouvernement devrait pour le moins respecter ces règles constitutionnelles ainsi que l'issue de la votation du 24 novembre 2019.
La pandémie a été une expérience difficile pour l'AIG, mais plaisante et reposante pour les riveraines et riverains. Ils et elles ont retrouvé des sons presque oubliés car, depuis des années, de jour comme de nuit, couverts par le vacarme incessant des aéronefs. La réduction des mouvements a aussi permis de limiter les odeurs de kérosène qui saturent l'air à proximité de l'infrastructure. Un sacré paradoxe: alors que nous étions confinés, une part considérable de la population de la rive droite a retrouvé des conditions de vie correctes, des nuits apaisées et une qualité de l'air enfin acceptable. De fait, ça a été le retour à la vie.
Par ailleurs, nous savons toutes et tous que les conditions de travail du personnel des entreprises concessionnaires de l'aéroport sont particulièrement difficiles. Quand on pense au nombre de textes parlementaires, de pétitions et autres démarches qui ne trouvent jamais écho auprès de l'établissement sous prétexte qu'il n'est pas responsable des normes sociales dans ces sociétés...! Ce n'est tout simplement pas admissible. Les conventions collectives de travail doivent s'imposer.
Au vu des 200 millions proposés au prêt, pour l'heure sans conditions, du respect et de la protection que l'Etat doit impérativement à la population, les Verts ont déposé quatre amendements à ce projet de loi que nous vous invitons à soutenir. A terme, la survie ou non de l'AIG ne dépendra pas des montants octroyés, mais bien de son acceptation par les citoyennes et citoyens, et pour cela, il sera amené à réaliser des efforts urgents et obligatoires. Je vous remercie.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme cela a été indiqué, le projet de loi dont il est question ici entend appliquer l'initiative dite pour un pilotage démocratique de notre aéroport, qui visait à diminuer les nuisances de l'AIG et a été acceptée en 2019 par une large majorité de la population. Aujourd'hui, comment évoquer cette infrastructure sans parler des nuisances, sans parler de protection de l'environnement, sans parler de santé publique des habitantes et des habitants de Genève, des riveraines et des riverains, sans parler - j'y reviendrai après - des conditions de travail des employés ?
A l'heure actuelle, l'aviation représente environ 15% des émissions de gaz à effet de serre du canton de Genève. 15% ! C'est énorme. Des dizaines de milliers de riveraines et de riverains, d'habitantes et d'habitants souffrent quotidiennement. Allez à Versoix, à Vernier, à Bellevue; quelles que soient les communes autour de la plateforme aéroportuaire, les conditions de vie sont vraiment très difficiles pour les gens qui y résident. C'est la raison pour laquelle nombre d'entre elles, dirigées tant par la droite que par la gauche, ont soutenu cette initiative.
Le projet de loi de mise en oeuvre, et c'est fondamental, doit servir à réduire les nuisances sonores, la pollution atmosphérique, les émissions de CO2; il a également pour objectif de mieux protéger la santé de notre population tout comme l'environnement et le climat. Alors on va sans doute entendre sur les bancs de la droite: «Oui, mais il y aura des développements technologiques d'ici 2030 ou 2035, nous aurons des avions à hydrogène, on n'entendra plus rien, il n'y aura plus de pollution de l'air.» Mesdames et Messieurs, la technologie va peut-être améliorer un peu les choses, mais cela ne va pas nous sauver à court ou moyen terme. Il faut absolument faire baisser le trafic aérien.
En 2019, je le rappelle, l'AIG enregistrait 18 millions de passagers. En 2016, il y en avait 16 millions, c'est-à-dire deux millions de moins, pour exactement les mêmes bénéfices, et personne n'y trouvait rien à redire. On voit très bien qu'il est possible de réduire les activités, il faut absolument repasser sous la barre des 16 millions de passagers. Ce n'est pas parce qu'on diminue le trafic qu'on signe l'arrêt de mort de notre aéroport.
S'agissant des conditions de travail, il est extrêmement important pour le parti socialiste d'en parler, d'évoquer les plus de 10 000 collaboratrices et collaborateurs qui officient sur la plateforme aéroportuaire. Cela a été souligné, de nombreux conflits sociaux se déroulent sur le site, les conditions de travail y sont dures, voire extrêmement difficiles: on trouve du temps partiel forcé avec des gens qui aimeraient être à 100% mais ne le peuvent pas, des situations précaires, du travail sur appel avec du personnel qui vient pour seulement trois heures et doit ensuite rentrer. A nos yeux, ces conditions sont parfaitement inadmissibles et nous devons les combattre.
Quant au prêt de 200 millions, le groupe socialiste l'acceptera - à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. A notre sens, il est particulièrement important, à court terme, de maintenir l'emploi, et ce dispositif le permettra en dernier recours. Nous voterons également le projet de loi d'application de l'initiative, ainsi que je l'ai expliqué, pour assurer un avenir plus durable à notre aéroport à court et moyen terme, pour réduire le trafic aérien, pour limiter les nuisances et améliorer les conditions de travail des personnes qui travaillent sur la plateforme aéroportuaire. Nous soutiendrons donc les deux textes, le prêt de 200 millions et la mise en oeuvre de l'initiative pour un aéroport plus durable. Merci. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Ces deux projets de lois jumelés concernent le même acteur, mais sont totalement différents. Je commencerai par m'exprimer sur le PL 12876. L'Aéroport international de Genève constitue la pièce maîtresse de notre économie, il est extrêmement important pour la Genève internationale, pour notre prospérité et notre qualité de vie - je dis bien «qualité de vie». Aujourd'hui, l'établissement a besoin d'un prêt de 200 millions afin de traverser la crise sanitaire, mais dès que la situation sera normalisée, il remboursera cet emprunt de façon à renflouer les caisses de l'Etat de Genève, lequel en a grand besoin. Pour ces raisons, le groupe UDC acceptera ce texte.
Maintenant, en ce qui concerne le PL 12879, il s'agit d'appliquer l'initiative acceptée par le peuple en 2019. Dans un premier temps, et ce fait n'apparaît malheureusement pas clairement dans le rapport de majorité, notre Conseil d'Etat avait jugé inutile de mener un vrai entretien avec les initiants pour établir ce texte. Suite à plusieurs interventions de commissaires, le gouvernement a finalement changé d'attitude et a adapté son projet initial en tenant compte des auteurs de cette initiative qui, je le répète, a été plébiscitée par la population genevoise. Cette version finale est conforme au droit fédéral, prend en considération les normes existantes, notamment les courbes PSIA, et a reçu l'approbation des initiants. Dès lors, Mesdames et Messieurs, le groupe UDC vous recommande d'accepter ce second projet de loi. Merci de votre attention.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il est assez difficile de suivre le débat sur ces deux projets de lois, car ceux-ci sont très différents. Je m'exprimerai uniquement sur le PL 12879, à savoir la mise en oeuvre de l'initiative sur l'aéroport, et je laisserai mon collègue Boris Calame se prononcer sur le texte qui concerne le prêt.
Du fait de la situation sanitaire que nous connaissons, l'AIG a subi une importante baisse de trafic. De nouvelles habitudes, notamment en matière de visioconférences, ont été prises. Le tourisme mondial restera pendant un certain temps encore un cran en dessous de son niveau avant la crise. Si l'impact économique est fort, on a en revanche pu observer une nette amélioration de la qualité de vie des riveraines et des riverains de Chancy à Hermance en passant par les communes les plus touchées que sont Vernier, Meyrin, Le Grand-Saconnex, Bellevue, Genthod et Versoix, ce qui représente une partie importante de la population du canton.
Dans la planification qui avait cours avant la pandémie, l'aéroport et la Confédération, à travers le PSIA, tablaient sur une croissance du trafic de plus de 50% à l'horizon 2030. Il est clair que cette perspective est caduque; elle n'est ni réaliste ni souhaitable, et il faudra s'y faire, Mesdames et Messieurs les députés. Il est donc nécessaire de mettre en place de nouvelles orientations pour la plateforme aéroportuaire qui soient basées sur la durabilité dans toutes ses acceptions: durabilité environnementale, durabilité économique et durabilité sociale.
La durabilité économique implique qu'il faudra sortir du modèle qui existe depuis une vingtaine d'années où l'offre crée largement la demande et qui permet de passer à bon prix une petite soirée à Barcelone plutôt que de consommer local dans un restaurant de la place. Conjuguer cet objectif avec les intérêts de la population de l'ensemble du bassin genevois, voilà exactement ce que demandait l'initiative populaire 163 «Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève - Reprenons en main notre aéroport». Cette initiative, rappelons-le, a été acceptée par 56% de la population - et à près de 75% dans les communes de Bellevue et Genthod. C'est un signal fort qui exige une transposition tout aussi forte dans la loi sur l'aéroport.
Le projet déposé par le Conseil d'Etat, malheureusement, était très minimaliste de ce point de vue. Après de multiples auditions de communes et d'associations de riverains, dont la CARPE qui avait lancé l'initiative, il est ressorti que le texte proposé ne correspondait en rien à leurs attentes. Au nom des Vertes et des Verts, nous avons présenté une série d'amendements visant à se rapprocher des buts de l'initiative, mais ils ont en grande partie été balayés par la majorité de droite de la commission. Cela aurait certainement conduit à un vote final polarisé et à un nouveau scrutin populaire sur ce sujet clivant.
L'Esprit saint a alors frappé... Ah non, je ne peux pas dire cela, puisque nous nous trouvons dans un parlement laïc ! Disons plutôt que l'esprit de Genève a alors frappé: le Conseil d'Etat a négocié avec la CARPE pour parvenir à un texte de consensus. Alléluia, celui-ci a été adopté par une très grande majorité de la commission, et les Vertes et les Verts vous invitent à le valider également. Pour résumer, qu'avons-nous obtenu ?
Tout d'abord, sur l'insistance de nos collègues de droite, et je le salue ici, le respect du droit supérieur est mentionné à plusieurs reprises dans le projet de loi. Nous nous en réjouissons, car de fait, il suffira de modifier la législation fédérale pour qu'elle s'applique automatiquement à Genève. Et pour cela, rien de plus simple, Mesdames et Messieurs les députés: il faudra juste que les électrices et électeurs de ce canton envoient à Berne les tenantes et tenants d'une politique plus verte lors des élections nationales de l'automne 2023. (Commentaires.) Je rappelle à cet égard que si le droit supérieur s'applique, c'est pour l'ensemble du corpus, soit aussi pour l'OPair et l'OPB sur lesquelles le PSIA s'assied lourdement.
Autre amélioration: la mission a été adaptée, la situation urbaine de l'aéroport est explicitement mentionnée. D'autre part, il est maintenant stipulé que l'AIG «veille à diminuer les nuisances dues au trafic aérien, en particulier le bruit, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre», c'est une nouveauté dont nous nous félicitons. La convention d'objectifs a été étoffée et comprend la définition de mesures pour limiter les nuisances comme le bruit, la pollution de l'air et les émissions de CO2; des indicateurs doivent être fixés. Le conseil d'administration a été complété par un représentant supplémentaire des départements français limitrophes et deux communes ont été ajoutées, ce que nous saluons encore. Mesdames et Messieurs, je vous incite à accepter ce projet de loi. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. Olivier Cerutti pour trois minutes cinquante-six.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Dans la conjoncture que nous connaissons, il est important de rappeler que nous parlons bel et bien de notre aéroport et de son rayonnement pour l'ensemble de notre région. Ce support économique remplit une véritable mission pour la Genève internationale, pour nos exportations, une vocation de connexion qui nous permet d'éviter l'isolement dans le monde.
Ce prêt n'est rien d'autre, Mesdames et Messieurs, qu'un ultime parapluie en cas de défaillance. Les efforts consentis par la direction de l'AIG pour survivre au cours de la crise que nous traversons méritent d'être relevés, car sans cela, Mesdames et Messieurs, nous n'en serions pas là.
Dans le cas d'espèce, si nous devions nous trouver face à l'arrêt de l'activité économique, eh bien je n'ose pas imaginer les effets sociaux que cela engendrerait pour l'ensemble des gens qui travaillent sur le site. Les conflits sont effectivement non négligeables; il en va du partenariat social, et nous invitons le Conseil d'Etat à prendre ses responsabilités. Le PDC acceptera les deux projets de lois sans aucun amendement et vous remercie de votre soutien.
M. François Baertschi (MCG). Les entreprises installées sur le site de l'aéroport doivent cesser d'engager massivement des frontaliers. (Exclamations.)
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi. Le MCG dénonce cette pratique depuis des années. L'affaire Swissport est l'exemple même de ce que nous ne voulons pas. A un certain niveau de salaire trop bas, il est impossible d'engager des habitants de Genève; seuls les frontaliers peuvent vivre avec de tels revenus. L'Aéroport international de Genève ne doit pas le tolérer.
C'est pourquoi le groupe MCG a déposé un amendement pour imposer des conditions aux entreprises privées situées sur la plateforme. Nous proposons que la directive dite de préférence cantonale de l'emploi soit appliquée aux sociétés concessionnaires.
Le MCG est favorable à un prêt de 200 millions de francs à l'aéroport et à ses employés. Nous ne pouvons pas mettre en péril cette infrastructure, mais il ne faut pas oublier le personnel des entreprises oeuvrant sur le site. Inlassablement, le MCG entend protéger les travailleurs genevois face au dumping des frontaliers. Nous vous invitons dès lors à voter cet amendement.
Le président. Je vous remercie et donne la parole à M. Serge Hiltpold pour quatre minutes quarante-cinq.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ma première remarque concerne le projet d'application de l'initiative sur l'aéroport. J'aimerais souligner les efforts réalisés par le Conseil d'Etat et les partis responsables de la commission de l'économie qui ont su mesurer la situation... (Commentaires.) Ça ne vous dérange pas trop que j'essaie de m'exprimer ? Merci ! ...et trouver un consensus. En effet, on émet beaucoup de critiques contre notre parlement, mais il faut aussi mettre en avant les dossiers qui fonctionnent.
Les choses avancent quand il y a une symétrie des efforts, et cette symétrie des efforts a été atteinte dans les deux textes, celui de mise en oeuvre de l'initiative sur l'aéroport et celui sur le prêt conditionnel. Le seul regret du parti libéral-radical a trait aux deux nouveaux membres au sein du conseil d'administration, le dispositif ne sera pas plus efficace à nos yeux. En effet, il n'est pas prouvé qu'on va gagner en efficience avec deux personnes supplémentaires.
Ce que nous notons en revanche avec satisfaction, c'est le respect du droit supérieur et du cadre fédéral. Cette observation me permet d'enchaîner sur la problématique du prêt en disant qu'il faut peut-être élargir un peu la vision genevo-genevoise que nous avons de notre canton. Genève constitue un pilier pour le DFAE, pour la politique extérieure de la Suisse: c'est la porte vers la diplomatie, c'est la porte vers les affaires internationales, et dans ce contexte, l'aéroport est l'un des facteurs qui permettent un bon encadrement.
Dans le cadre des travaux sur ce projet de loi, on a eu droit, au sein de la commission de l'économie comme dans d'autres, à tout le désarroi lié à la situation complexe des diverses entreprises soutenues par les prêts covid. Tant à gauche qu'à droite, ces prêts ont obtenu une quasi-unanimité, renforcés par des accompagnements via des amendements sociaux. La nécessité d'aider les sociétés était là; elle était sincère, je l'espère.
De la même manière, ces 200 millions ne sont pas un chèque en blanc, il s'agit d'un prêt. Ce montant représente quatre ans de bénéfices de l'aéroport. En effet, celui-ci reverse au canton de Genève 50 millions par année. 200 millions, c'est donc quatre ans du travail effectué par cette plateforme, par les acteurs qui travaillent sur le site. Dans un raisonnement économique, on ne peut que valider cette idée.
En ce qui concerne les conflits sociaux, j'aimerais insister sur le fait que l'AIG est l'un des seuls établissements publics autonomes dont la direction a baissé sa rémunération. Cette mesure n'a pas été signalée, mais elle a été effective. Pour ma part, je souhaite exprimer mes remerciements au conseil d'administration, à la direction de l'aéroport qui a fait face à une situation de crise majeure, difficile, avec des conditions instables. Je vois M. Burgermeister sourire; une expérience entrepreneuriale vous ferait le plus grand bien, Monsieur, surtout quand il faut diriger des personnes et que vous ignorez quelle sera l'évolution sur les plans à la fois sanitaire, économique et social, quand il faut prendre des décisions. Les actions menées étaient justes, personne n'a été licencié à l'aéroport. Personne n'a été licencié ! Il s'agit d'un élément fondamental dans le cadre social.
Maintenant, j'aimerais revenir sur le partenariat social. On voit ici, excusez-moi du terme, la faiblesse des syndicats. Lorsque le partenariat social est fort, vous n'avez pas de conflits à la CRCT; les litiges se manifestent quand il n'y a pas d'accord. Mais pour parvenir à un accord, encore une fois, il faut une symétrie des efforts. Certains secteurs marchent très bien, d'autres ne fonctionnent pas. Il y a donc des questions à se poser du côté de l'employeur et de la direction, mais également des syndicats. Je pense que des améliorations sont possibles, les gens devraient être un peu plus sur le terrain, il devrait y avoir moins de représentants syndicaux qui ne sont pas du métier.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, le PLR se ralliera au consensus trouvé quant à l'application de l'initiative de même que sur le bouclier. A notre sens, c'est l'image d'un travail parlementaire abouti et réfléchi. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Merci à vous. Mesdames et Messieurs les députés, vu l'heure, j'interromps ici le débat; nous le reprendrons demain à la séance de 16h.
Le président. Je vous donne rendez-vous ici même demain à 14h pour notre séance des extraits, Mesdames et Messieurs. N'oubliez pas d'emporter vos cartes, elles sont nécessaires pour accéder à l'enceinte du bâtiment. Très belle soirée à vous et bon retour dans vos foyers !
La séance est levée à 23h.