République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 novembre 2021 à 16h05
2e législature - 4e année - 5e session - 31e séance
PL 12974-A
Premier débat
Le président. Nous arrivons maintenant au PL 12974-A, classé en catégorie II, cent vingt minutes. Madame la rapporteure de majorité Patricia Bidaux, vous avez la parole.
Une voix. Il y a une motion d'ordre !
Mme Patricia Bidaux. Merci...
Le président. Un instant, Madame la rapporteure de majorité. Monsieur Stéphane Florey, merci de formuler votre motion d'ordre dans le respect de la LRGC.
Mme Patricia Bidaux. Merci, Monsieur le président...
Le président. Non, attendez: M. Florey présente une motion d'ordre.
M. Stéphane Florey (UDC). Au vu de tous les amendements qui ont été déposés, le débat va devenir incompréhensible et je demande donc un renvoi en commission.
Le président. Monsieur le député, ce n'est pas une motion d'ordre ! Je vous donnerai la parole tout à l'heure...
M. Stéphane Florey. Non, mais c'est un renvoi...
Le président. ...pour que vous formuliez cette demande ! (Remarque.) Le renvoi en commission n'est pas une motion d'ordre; vous attendez votre tour de parole, Monsieur le député ! Madame la rapporteure de majorité Patricia Bidaux... (Remarque.)
M. Stéphane Florey. Je demande le renvoi...
Le président. Monsieur Florey, vous connaissez... (Commentaires.) ...le règlement ! Et je vous donne maintenant un avertissement ! (Commentaires.) Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.
Mme Patricia Bidaux (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, entrons enfin dans le débat sur le CO22. J'ai bien entendu l'appel de M. Alexandre de Senarclens et j'espère sincèrement qu'il sera entendu par tous les bancs de cette assemblée.
Qu'est-ce que le CO22 ? Quelles sont ses nouveautés, quelles fins vise-t-il et à quels coûts ? Commençons par les coûts. Les chiffres avancés indiquent qu'il s'agit de 25,8 postes pour 2022 et de 10 pour 2023, parmi lesquels 3,8 seront rendus en 2025 - et là, je vous le concède, nous devrons être attentifs. Pour comparaison, le coût de l'introduction du mercredi matin a été de 150 ETP.
Deuxième élément: la réforme du cycle nommée nCO a été mise en place non pas suite à un constat ou à une analyse de l'état du cycle d'orientation, mais pour faire face aux initiatives 134 et 138. Le rapport n° 83 de la Cour des comptes datant de décembre 2014 et celui du SRED de septembre 2019 sont d'ailleurs clairs sur le sujet. Ainsi peut-on lire dans le rapport de la Cour des comptes, page 3: «Le projet de loi avait notamment pour but de trouver un consensus politique afin de sortir d'une "guerre des écoles". Le résultat de la votation montre que cet objectif a été atteint. L'élaboration du projet ne repose toutefois pas sur des éléments objectifs, tels que des analyses de données, et ne permet donc pas d'avoir une assurance suffisante du bien-fondé des hypothèses émises et des objectifs.» Et dans le rapport du SRED sur les effets de la réforme, page 9: «Ce contre-projet, outre ses considérations organisationnelles du secondaire I, a pour ambition une recherche de consensus sur un modèle clair mais pas trop contraignant [...].» Entre son entrée en vigueur et aujourd'hui, cet hémicycle a étudié divers textes parlementaires demandant un cycle qui oriente, un cycle qui ne laisse personne sur le bord du chemin, et j'en passe.
Troisième élément de la réforme: la structure des classes. L'organisation actuelle du cycle d'orientation répartit le nombre d'élèves par classe en fonction des niveaux: pour les R3, ceux qu'on appelle les plus... pour les meilleurs - je vais le dire comme ça -, il y a 22,7 élèves par classe en moyenne alors qu'il y en a 16 pour les R2 et 12 pour les R1. Le CO22 propose des classes de 18 élèves. Ce que propose également le CO22, c'est la fin des trois regroupements: ils n'ont pas permis d'améliorer l'orientation, la dynamique d'établissement, ni même les compétences de ceux qui sont les plus faibles.
Le CO22 propose en outre la fin de l'orientation au primaire et par conséquent le retour de l'orientation en 9e année grâce à une première année non pas hétérogène mais mixte, qui redonne enfin au cycle d'orientation la légitimité de son nom. En 9e année sont donc prévus un tronc commun et deux disciplines à niveaux. En 10e année, ce seront quatre disciplines à niveaux et des options ainsi que l'introduction d'une heure d'orientation professionnelle pour tous les élèves, cela afin de valoriser toutes les filières. En 11e année seront introduites deux voies qui ne devraient pas s'opposer - et que nous ne devons pas opposer au sein de ce parlement ! Leur valeur professionnelle à terme est clairement perceptible.
La fin des regroupements permet de lutter contre l'exclusion et d'instituer une école offrant une meilleure égalité des chances. Penser que la mixité se fera au détriment des élèves de R3, c'est réduire à peu de choses l'ensemble des élèves et les compétences des enseignants. Les élèves de R1 étant les plus faibles, ils sont trop souvent démotivés - à tel point qu'ils décrochent et, n'atteignant même plus les compétences et les exigences pour un apprentissage, se retrouvent dans des structures transitoires. Il ne s'agit pas non plus de penser que les élèves les plus faibles ou avec des difficultés diverses n'auront plus besoin d'un enseignement particulier; ce serait tout autant une gageure. Mais ce n'est pas ce que propose le CO22 !
Mesdames et Messieurs les députés, à force de démotiver nos jeunes, nous ne faisons que leur lancer à la figure: «Tu n'y arriveras pas; je ne m'intéresse pas à ta progression; tu es faible et tu le resteras.» C'est se priver de leurs compétences, Mesdames et Messieurs, car même les élèves de R3 ne sont pas bons dans toutes les branches ! De même, les élèves de R2 et R1 peuvent aussi montrer de bons résultats dans certaines branches, voire de meilleurs résultats que les élèves de R3. Il est par ailleurs prévu d'introduire une voie rapide, dite parcours accéléré, pour les élèves démontrant des compétences scolaires et qui font preuve de rapidité dans les apprentissages, qui sont autonomes, motivés et ont une maturité avérée. Bien entendu, la mise en place d'un tel parcours se fait avec la collaboration et l'assentiment des parents et de l'élève.
Quatrième élément: la formation des enseignants. A l'heure actuelle, des formations destinées aux directeurs et aux responsables de branche sont en cours dans les cycles d'orientation. Elles se déploieront tout au long de la mise en oeuvre du CO22.
Tous les auditionnés se sont déclarés favorables à ce projet de loi. Certes, la FAMCO a des revendications - à moins que ce ne soient des recommandations - mais elles sont structurelles et ne remettent pas en question le texte en soi. D'ailleurs, dans son courrier d'octobre 2021 que nous avons reçu peu de temps avant cette plénière, elle confirme les propos de la première audition et mentionne - je cite exactement les mots utilisés - que «la perspective est intéressante». Il est de notre devoir de lutter contre l'exclusion. Le consternant état des lieux suite à la réforme du nCO démontre que l'élan d'une réforme doit se faire au service des jeunes, qu'ils aient de la facilité, soient en chemin ou encore en difficulté.
Je soulignerai par ailleurs ici que le groupe PLR a fait preuve d'assiduité - comme tous les groupes, à part peut-être l'UDC qui n'était finalement pas présente lors des séances du groupe d'accompagnement -, mais cette assiduité n'a été suivie d'aucune proposition. Le même groupe PLR a quatre députés présents dans la commission de l'enseignement, mais ils n'ont pas non plus proposé d'amendements durant tout le processus de travail en commission. La majorité a travaillé, la majorité a questionné, la majorité a proposé et la majorité a voté !
Enfin, dire que le CO22 est une réforme par le bas, c'est accepter qu'on pousse une catégorie d'élèves et qu'on abandonne une autre catégorie. Maximiser le potentiel de tous les élèves, ce n'est pas niveler par le bas ! La majorité de la commission vous demande instamment d'accepter le PL 12974 pour toutes les raisons qui précèdent. Je vous remercie de votre attention silencieuse. (Applaudissements.)
M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de première minorité. Monsieur le président, à combien de temps ai-je droit en tant que rapporteur de minorité ?
Le président. En catégorie II, cent vingt minutes, vous avez droit à douze minutes.
M. Pierre Nicollier. Je vous remercie beaucoup ! Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la première minorité du Grand Conseil vous invite à refuser ce projet de loi: il n'améliorera pas la situation actuelle mais va au contraire la péjorer. Nous vous invitons à le refuser pour des raisons de fond, mais également pour des raisons pratiques qui mettront en échec les élèves et les enseignants dès la rentrée d'août 2022.
Pour rappel, les élèves les plus en difficulté se trouvent actuellement dans le regroupement 1. Ces élèves ont terminé leur cursus primaire en échec - à l'entrée du cycle, ils sont en échec dans les trois disciplines qui fixent les normes de promotion: le français I qui évalue la compréhension et l'expression écrites et orales, le français II - le français technique - et les mathématiques. Le CO22 se propose de confronter à nouveau ces élèves au même enseignement, centré sur les disciplines, cause de leur échec en primaire ! Il propose donc de faire perdurer la situation d'échec dans laquelle sont plongés depuis des années les élèves les plus fragiles ! En échec dans les disciplines, les élèves poursuivront, avec le CO22, un enseignement par les disciplines. Nous voyons, avec 2,3% des jeunes de R1 qui atteignent les objectifs, que cela conduira à un échec: le CO22 ne propose aucun accompagnement différencié pour ces élèves en grande difficulté à qui une didactique d'apprentissage frontal ne convient pas.
Le CO22 ne remet pas en question la manière dont on aborde les apprentissages avec ces ados en difficulté et en échec dans les disciplines au seuil du cycle. Il ne propose aucune solution pour amener ces élèves à la réussite alors qu'ils sont en échec depuis trop longtemps ! Le CO22 va encore participer à la détérioration de l'estime de soi des élèves en difficulté depuis le primaire, dont l'école ne reconnaît pas les compétences mais montre seulement du doigt les difficultés. Modifier l'organisation du cycle d'orientation sans se poser la question de la stratégie pédagogique de manière globale ne fera que reproduire des résultats identiques. Nous devons nous poser les questions suivantes: est-il adéquat de poursuivre une formation avec un enseignement frontal pour ces élèves ? Si la situation est si grave, pourquoi ne pas remettre en question la nature même de l'enseignement et les objectifs du PER qui ne sont de toute façon pas adaptés à ces élèves en difficulté ?
Les enseignants vont devoir modifier leurs pratiques, me direz-vous. En fait, selon le DIP, la formation est déjà en route - soyons rassurés - via le ruissellement du savoir qui se pratique depuis quelques semaines déjà dans chaque établissement. Concrètement, les responsables de discipline sont formés; je vous expliquerai comment dans un instant. Ils vont devoir faire ruisseler leur savoir relatif à la gestion d'une classe mixte sur leurs pairs enseignants. Cette formation pratique solide - c'est ce que demandent les enseignants: une formation pratique qui leur permet d'avoir des solutions - eh bien le DIP l'a organisée pour les responsables de discipline. Pour rappel, ces responsables de discipline ne sont pas des formateurs d'adultes, pas du tout, ce sont des enseignants choisis pour représenter leur discipline au sein de leur établissement.
D'un point de vue pratique, cette formation solide consiste en treize modules - qui sont là, si quelqu'un veut les regarder. (L'orateur montre un document.) Sur ces treize modules, dix sont donnés via Zoom - excusez-moi, pas Zoom, mais le système utilisé par le cycle d'orientation. Il y en a par exemple un qui s'intitule «Quelle complémentarité entre distance et présence dans l'enseignement ?», un autre s'appelle «Evaluation»; il n'y a pas de date, pas d'heure, on ne sait pas si ce sera en présentiel ou par vidéoconférence - c'est écrit «Projet en cours de construction». Aujourd'hui, les enseignants sont donc censés être formés comme ça !
Vous me direz que c'est mon opinion et que vous ne la partagez peut-être pas; je vais maintenant évoquer une lettre que nous avons reçue, signée par plus de deux cents enseignants du cycle d'orientation. Il faut savoir que la FAMCO aussi compte environ deux cents enseignants dans ses rangs; on voit donc qu'il y a plus de personnes qui ont signé ce courrier que de personnes affiliées à ce syndicat alors que celui-ci est censé représenter les enseignants s'agissant de cette réforme. Je vous le lis rapidement:
«Madame, Monsieur,
«Enseignantes et enseignants dans différents établissements du cycle d'orientation de Genève, maîtresses et maîtres de diverses disciplines, nous soutenons nos RD d'allemand, d'anglais, de français, de mathématiques dans leur opposition au Parcours de formation au CO22. Ce parcours de formation n'a aucun lien avec leur rôle de responsables de disciplines, ils ne sont ni professeurs de pédagogie ni formateurs d'adultes. Il est dès lors totalement inadéquat de leur faire porter la responsabilité de former l'ensemble du corps professoral aux notions éminemment complexes de mixité intégrée et de différenciation.
«Par ailleurs, les enseignantes et les enseignants de toutes les autres disciplines demandent à être pris en considération dans ce projet. Ils seront eux aussi impactés par la mixité dans leurs cours.
«Dans sa lettre du 2 novembre, Mme Torracinta nous écrit que le "projet CO22, (est) issu d'un riche travail collaboratif entre tous les partenaires, (et) vise donc à permettre la réussite de tous les élèves, qu'ils aient de la facilité ou des difficultés."
«Les avis des enseignants n'ont pas été pris en compte, ils n'ont pas été appelés à collaborer. Nous vous demandons ici de rendre cette collaboration réelle. Pour nourrir les réflexions des groupes de disciplines face au projet CO22, il est nécessaire que les enseignants reçoivent des informations plus précises que celles qui avaient été ébauchées dans la présentation [...] au printemps dernier. A savoir:
«1. Les établissements genevois souffrent d'une ségrégation géographique importante. Certains cycles ont beaucoup plus d'élèves de R1-R2 que d'autres - principalement sur la rive droite - comment pensez-vous compenser cette inégalité de proportion d'élèves peu scolaires au sein des classes de 9e ? [...]»
Pour expliquer de quoi il s'agit, cela signifie que nous aurons, dans certains cycles, des classes avec 50% de R3 et 50% d'élèves qui ont plus de difficultés - cela concernera les cycles de la rive droite. Sur la rive gauche, il y aura des classes avec 85% de R3... Dans une classe de 18 élèves, on aura 16 élèves de R3, soit les plus performants, et puis 2-3 élèves qui ont des difficultés. Si vous recherchez l'égalité, est-ce que vous pensez que le CO22 va aider ?!
Une voix. Bravo !
M. Pierre Nicollier. C'est scandaleux ! Je continue la lecture:
«2. Quels seront les critères d'orientation en fin de 8P ?» Alors que la réforme est prévue pour la rentrée, dans neuf mois, les enseignants demandent donc comment les élèves seront orientés vers les deux différents niveaux du CO22.
«3. Tous les élèves de 9e suivront-ils le même programme ?
«4. Qu'est-ce que la mixité intégrée ?» Ce n'est pas très rassurant que deux cents enseignants du cycle d'orientation posent cette question - la lettre est datée d'avant-hier !
«5. De quelle manière les élèves seront-ils évalués en 9e année ? Par groupe de niveau ? Quelles sont les certifications en fin de 9e ?
«6. Au sein des classes, les élèves sauront-ils à quel groupe de niveau ils appartiennent ?
«7. Comment assurer un cours solide permettant aux plus faibles de ne pas être noyés et aux plus doués d'être stimulés ?
«8. Quels soutiens pragmatiques pour la prise en charge des élèves en difficulté ?
«A ce jour, aucune des questions listées ci-dessus n'a reçu de réponse concrète.
«A dix mois de la rentrée scolaire, à quelques mois à peine de sa préparation, nous vous demandons d'éclairer l'ensemble des enseignants genevois sur le projet CO22 en répondant aux interrogations ci-dessus avec précision. C'est une étape incontournable avant que les RD de toutes les disciplines puissent réfléchir, avec leur groupe, à l'application de votre concept novateur en fonction des réalités des exigences du PER.» Il s'agit du plan d'études romand.
Je vais continuer ma présentation, mais je demande déjà, à ce stade, le renvoi en commission à la fin de ma prise de parole. Nous avons en effet besoin d'entendre l'UAPG, dont le courrier n'a visiblement pas passé le «cut» de la présidence parce que le secrétariat général ne l'a jamais reçu. Si nous avons entendu le SRED, nous n'avons par ailleurs jamais entendu l'université - il y a une faculté, à l'université, qui s'occupe de psychologie, avec des experts en matière de système scolaire. Et nous devrions aussi entendre la FAMCO parce qu'il serait intéressant de savoir ce qu'elle pense du fait que deux cents - deux cents ! - enseignants signent une lettre adressée au DIP pour dire que le projet... enfin, je crois qu'ils n'ont aucune idée du projet - c'est peut-être un peu extrême de ma part de dire ça, mais ils se posent en tout cas beaucoup de questions. Nous avons besoin d'entendre le DFJC du canton de Vaud - on reviendra plus tard là-dessus - et je pense quant à moi qu'on devrait en outre entendre les directeurs du D20, soit des vingt cycles d'orientation.
Pour revenir à ma présentation, pensons-nous, après tout ce que nous avons entendu, que les enseignants soient en mesure de transformer les gestes métier dès la rentrée ? Pensons-nous qu'ils puissent identifier, pour chaque jeune, son niveau de connaissances et sa vitesse d'apprentissage ? Adapter pour chacun d'entre eux un enseignement différencié, suivi d'évaluations également différenciées ? Là, nous avons reçu une réponse: les évaluations devront être différentes, c'est-à-dire pas avec des barèmes différents, mais vraiment différentes. En matière de gestion de classe, comment feront les enseignants face à la mixité et aux dynamiques que celle-ci va engendrer ? Les élèves fragiles, en difficulté scolaire et souvent sociale, pour lesquels cette réforme est proposée, bénéficieront-ils du soutien pédagogique et affectif dont ils ont besoin ?
Cette réforme est forcée. Elle est encore en plein chantier; il nous manque énormément de réponses et vous allez d'ailleurs bientôt recevoir un amendement à ce sujet. Les modalités de sa mise en oeuvre sont complètement nébuleuses. Il faut savoir que le département nous a indiqué il y a à peine un mois qu'il changeait les branches dans lesquelles il y aura de la mixité intégrée - dix mois avant la rentrée ! Pour la 10e année, eh bien on n'a pas d'informations: il pourrait y avoir des classes hétérogènes ou des classes de mixité intégrée dans quatre branches. Il faut réaliser que si on fait des classes hétérogènes, ça signifie que tous les élèves auront les cours d'allemand en même temps; je ne sais pas si le DIP a réfléchi au nombre de classes de laboratoire qu'il y a dans chaque cycle. Cela doit nous faire penser à une autre chose: en diminuant le nombre d'élèves de 7%, on ajoute une vingtaine de classes alors qu'on n'a même pas de locaux. Certains cycles devront donc amener des Portakabin sur leur parking à partir du mois de septembre pour pouvoir accueillir les élèves. On nage en plein délire ! Comment peut-on prétendre à une réforme de fond alors que nous cuisinons aussi légèrement, en dernière minute, les modalités fondamentales ?
Je vais parler d'une dernière chose: de la recherche et de ce qu'elle nous dit sur l'hétérogénéité et la mixité. Un article très intéressant est paru dans «The Comparative Education Review», dont on pourrait traduire le titre par: «Comment le système scolaire gère-t-il l'hétérogénéité des élèves ?» Il compare vingt-six systèmes scolaires et les résultats sont très très clairs: lorsque les systèmes éducatifs sont stratifiés et spécifiques, l'adéquation entre les qualifications et les destinations professionnelles est plus forte. Nous allons vers un système qui va perdre les jeunes !
Pour toutes ces raisons, la première minorité vous demande de renvoyer ce projet de loi en commission. Laissons-nous le temps de réfléchir afin de nous assurer, lorsque nous reviendrons avec un projet, que nous avons les enseignants avec nous mais aussi les parents d'élèves, et que nous ne sommes pas en mode guérilla comme à l'heure actuelle. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de première minorité. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission et je cède la parole à M. le rapporteur de deuxième minorité, Christo Ivanov, pour qu'il s'exprime à ce propos.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, la deuxième minorité soutient bien évidemment le renvoi en commission qu'a requis mon préopinant, M. Nicollier. Je vous remercie, Monsieur le président, j'ai dit.
Le président. Madame la rapporteure de majorité, sur le renvoi en commission.
Mme Patricia Bidaux. Je vous remercie... (Le micro de l'oratrice n'est pas allumé.)
Le président. Attendez un instant que l'on allume votre micro; la liste est longue. (Un instant s'écoule.) Vous avez la parole.
Mme Patricia Bidaux (PDC), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Je vais vous exposer les arguments de la majorité, qui refusera ce renvoi. Concernant la lettre de l'UAPG, j'ai quelque peu pris les devants et je me suis renseignée: j'ai lu le rapport d'activité 2020 de cet organisme. Il est très intéressant de constater que dans ce rapport d'activité 2020, l'UAPG mentionne très précisément que les membres de son bureau ont étudié plusieurs points, dont les enjeux de la réforme du CO22; or aucune demande d'audition n'est parvenue à la commission. Ils étaient au courant, ils ont reçu des informations du département, alors je ne comprends pas très bien le but de cette démarche puisque leur demande nous est parvenue, à nous, députés, seulement hier matin. C'est pourquoi je trouve la démarche très cavalière et celle des enseignants, dont le courrier nous est aussi parvenu très tard et n'est pas signé - il n'est en tout cas pas nominatif -, également. Pour les raisons que je viens de citer, la majorité refusera le renvoi en commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas vous faire maintenant l'apologie du CO22 mais vous dire pourquoi il ne faut pas renvoyer ce projet de loi en commission: tout simplement parce que ce texte a été longuement travaillé avec l'entier des partenaires ! Avec l'entier des partenaires: des enseignants étaient dans les groupes de travail, tout comme des représentants des syndicats, les directions d'établissements - non seulement du cycle mais aussi du primaire et du secondaire II -, et puis également avec les partenaires externes que sont par exemple les parents et les employeurs. (Remarque.)
La députée Bidaux, rapporteure de majorité, que je félicite d'ailleurs pour l'excellence de son rapport, a bien dit que les milieux professionnels ont été consultés par le biais du CIF, le Conseil interprofessionnel pour la formation. Le CIF est prévu par la loi sur la formation professionnelle; il est paritaire et composé de représentants de l'Etat, des employés et des employeurs. Trois membres de l'UAPG siègent par ailleurs à son bureau - dont le directeur de la formation de la FER, qui faisait en outre partie de la commission consultative qui a accompagné ce projet. Pas plus tard qu'il y a quelques semaines, j'ai présenté l'aboutissement des travaux. J'ai insisté sur les heures dédiées à la formation professionnelle, les heures d'IOSP - deux périodes et non une y seront consacrées pour l'ensemble des élèves de 10e -, et ils m'ont dit: «Quand est-ce que ce projet de cycle va enfin entrer en vigueur ?» Vous cherchez donc à gagner du temps et, par conséquent, je n'en perdrai pas plus pour l'instant. J'invite cette assemblée à refuser le renvoi en commission.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur la demande de renvoi en commission.
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Très bien, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12974 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 60 non contre 34 oui (vote nominal).