République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 976
Proposition de résolution de Mmes et MM. Thierry Cerutti, Ana Roch, Sandro Pistis, Francisco Valentin, Christian Flury, Jean-Marie Voumard, Françoise Sapin : Extension du certificat COVID - quid de la validation du test sérologique pour obtenir le certificat COVID
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 7 et 8 octobre 2021.

Débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante. Il s'agit de la R 976, classée en catégorie II, trente minutes, et, s'il le souhaite, je cède la parole à l'auteur, M. Thierry Cerutti.

M. Thierry Cerutti (MCG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons longuement débattu tout à l'heure sur la gratuité des tests antigéniques et PCR, mais nous sommes aujourd'hui face à une question rhétorique, et aussi médicale, à savoir: quid des tests de sérologie ? Dans le journal «20 Minutes» du jour, vous avez un article qui dit: «Des cantons veulent appliquer la règle "vacciné ou guéri" [...]» Dès lors que les citoyennes et les citoyens de notre canton, et plus largement de notre pays, ont été infectés par le covid, leur corps a réagi de manière sereine puisqu'il l'a combattu et a guéri - et a créé, par la même occasion, des anticorps -, mais si ces gens-là n'ont pas fait un test PCR pour confirmer qu'ils avaient la maladie, eh bien ils sont aujourd'hui considérés comme non vaccinés et surtout non guéris ! Non guéris ! Alors que si ces personnes font des tests de sérologie, il s'avère qu'elles ont non seulement été positives au covid, mais qu'elles ont les anticorps - et elles en ont bien souvent plus que celles et ceux qui sont vaccinés. Je vous rappelle que le vaccin sert à vous donner des anticorps et à vous apporter des éléments afin de combattre la maladie et d'en guérir. Des citoyennes et citoyens de notre canton, et plus largement de notre pays, ont donc déjà ces anticorps de manière naturelle. Ils ont réussi à se battre tous seuls, mais ne sont pas pour autant considérés comme guéris.

Dès lors, ce que je vous propose par le biais de cette résolution, c'est de faire en sorte que le test sérologique soit pris en considération. Et lorsque les personnes testées positives au covid au moyen du test sérologique ont les anticorps suffisants - ça relève du test -, on doit bien naturellement pouvoir leur délivrer un certificat covid sans qu'elles aient besoin de passer par la case vaccin. Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'accepter cette proposition de résolution.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Cette proposition de résolution pose une question intéressante. En effet, si nous souhaitons que la population respecte les règles édictées en matière de gestion de la pandémie, il est nécessaire qu'elle puisse les comprendre. Ainsi, l'instauration du pass sanitaire peut être comprise comme une alternative - nettement préférable - à la vaccination obligatoire ou au semi-confinement. (Brouhaha.) La délivrance du pass sanitaire aux personnes vaccinées, guéries ou testées est également logique. (Brouhaha.) Par contre, la fixation arbitraire... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Madame la députée. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Poursuivez, Madame.

Mme Céline Zuber-Roy. Merci. Par contre, il est beaucoup moins compréhensible de définir comme guéries les seules personnes pouvant présenter un test PCR positif datant de moins de six mois; c'est un choix arbitraire. L'important est que les gens soient immunisés ou testés; en l'occurrence, un test sérologique devrait permettre de prouver une immunité. Certes, il faudrait pour cela fixer un seuil - qui peut même prévoir une large marge de sécurité - et un délai de validité qui peut être lui aussi limité, par précaution.

Il n'existe évidemment pas encore de données scientifiques sûres, mais les résultats sérologiques sont déjà utilisés. Ainsi, de nombreux médecins utilisent ces données pour déterminer si une troisième dose est nécessaire ou non pour leurs patients à risque. De même, et contrairement à ce que M. Poggia a indiqué lors de la dernière séance de la commission législative, je sais de source sûre qu'il est possible d'être dispensé de la deuxième dose du vaccin, en effectuant une demande auprès de la médecin cantonale, si la personne peut attester d'une guérison sur la base d'un test sérologique. Ainsi, ces exemples prouvent qu'il doit être possible de fixer des normes tenant compte des tests sérologiques dans la délivrance des pass covid.

Afin d'obtenir les réponses à ces questions, d'améliorer en même temps la compréhension du système - et donc l'adhésion de la population -, puis éventuellement d'amender la résolution une fois que nous aurons obtenu les réponses à ces questions, le groupe PLR demande le renvoi en commission de cet objet pour pouvoir le traiter. Je précise qu'il s'agit de la commission de la santé, Monsieur le président. Merci.

Le président. Il en est pris bonne note, Madame la députée. (Remarque.) Oui, Monsieur le député Thomas Bläsi, vous avez une motion d'ordre.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais demander une motion d'ordre visant à suspendre la séance: j'estime que nous avons un règlement qui nous impose de porter le masque de manière correcte - et qu'il est de notre responsabilité de donner l'exemple à la population -, mais personne ne le respecte, ou en tout cas pas une grande partie d'entre nous, et vous ne le faites pas respecter non plus.

Je vois pour ma part des médecins et d'autres qui ne portent pas le masque alors que cette règle nous est imposée. Nous voulons écrire des projets de lois, nous voulons faire respecter des lois, mais nous sommes incapables de respecter notre propre règlement sur les masques ! En ce qui me concerne, je suis vacciné, mais j'ai des patients âgés et je ne tiens pas à leur transmettre le covid parce que j'ai siégé avec cent personnes incapables de respecter les règles. Voilà, je propose donc une motion d'ordre pour suspendre cette séance. Merci, Monsieur le président. Et ce n'est pas une question de peur, juste une question de cohérence: nous avons des règles mais nous ne sommes pas capables de les respecter ! C'est une honte vis-à-vis de la population !

Le président. Merci. Votre motion d'ordre est bien comprise, mais soyez rassuré sur le fait que le plan de protection est appliqué par le Bureau. Je discute régulièrement avec les chefs de groupe et des rappels sont faits régulièrement durant la session, Monsieur le député. (Remarque.) Nous sommes donc saisis d'une motion d'ordre consistant à suspendre la séance; pour qu'elle soit acceptée, la majorité des deux tiers est requise.

Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée par 61 non contre 15 oui et 1 abstention (majorité des deux tiers non atteinte).

Le président. La motion d'ordre est rejetée, mais je saisis cette occasion pour vous rappeler que, selon notre plan de protection, enlever le masque n'est possible qu'en cas de prise de parole. (Brouhaha.) Le reste du temps, le masque doit être porté en permanence. Nous poursuivons le débat; Madame la députée... (Brouhaha. Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Madame la députée Virna Conti, vous avez la parole.

Mme Virna Conti (UDC), députée suppléante. Merci, Monsieur le président. Je serai brève sur ce sujet: cette résolution pose une question à laquelle une réponse a déjà été donnée ce matin par notre médecin cantonale. Elle expliquait qu'un test sérologique positif - c'est-à-dire lorsqu'il y a présence d'anticorps - démontre effectivement que la personne a eu, une fois, l'affection, mais que pour bénéficier d'un certificat de guérison, il faut pouvoir dater le moment de l'affection; ce n'est pas le cas avec un test sérologique, et c'est le point central. Alors ne faisons pas une interprétation erronée des examens sérologiques - n'est pas médecin qui veut ! Je n'ai pas confiance en ce texte mais j'ai confiance en la médecine, moi. Et au passage, évidemment sans viser personne et sans rancune, l'extrême droite vous embrasse de toute sa radicalité ! Merci.

Une voix. Bravo !

Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour rappel, vu que le débat a été interrompu, cette résolution demande de prendre en compte la sérologie dans le certificat covid et de déclarer la gratuité de la sérologie au même titre que des tests antigéniques.

En pleine pandémie, il est fondamental, pour nous, de prendre en considération tous les paramètres nous permettant d'arriver à une immunité collective. Or, d'une certaine manière, en ne remboursant pas la sérologie et en ne la prenant que partiellement en compte dans le certificat covid, l'Etat choisit aujourd'hui d'ignorer une partie de la population qui participe elle aussi à l'immunité collective en ayant déjà des anticorps et n'a donc pas besoin de se faire vacciner. Je pense notamment aux personnes qui, à cause de pathologies particulières, ne peuvent se faire vacciner et pour qui il serait fort utile de savoir si elles détiennent ou non des anticorps. Pas plus tard qu'hier, nous apprenions que le canton de Vaud propose d'offrir une sérologie aux personnes hésitantes face à la vaccination afin de déterminer leur taux d'immunité plutôt que de favoriser les bons de 50 francs proposés par la Confédération pour inciter à la vaccination.

Pour nous, les Vertes et les Verts, en tout cas pour une majorité d'entre nous, il semble fondamental d'inclure la sérologie dans le certificat covid car, rappelons-le, le but de la stratégie sanitaire mise en place est, ou devrait être, d'arriver à une immunité collective assez élevée pour enrayer cette pandémie. Ne pas prendre en compte la sérologie, c'est donc laisser de côté toutes les personnes qui présentent déjà des anticorps, ayant attrapé le virus, et qui n'auraient par conséquent pas besoin de se faire vacciner. Ne pas prendre en considération la sérologie, c'est vouloir imposer le vaccin de force même quand cela n'est pas nécessaire. Nous pensons également à tous les jeunes, dont une partie a probablement attrapé le virus de manière asymptomatique et participe déjà à l'immunité collective sans le savoir.

Nous demandons aujourd'hui au Conseil d'Etat d'adopter une stratégie complète pour enrayer cette pandémie et de prendre en compte l'immunité collective dans sa globalité et pas uniquement la voie du vaccin pour y arriver - voilà encore un exemple d'une mauvaise décision qui interfère avec le bon suivi de l'épidémie. Je vous remercie donc d'accepter cette résolution.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien suivra la demande de renvoi à la commission de la santé. Le problème de la sérologie est intéressant et c'est pourquoi il faut à mon sens en discuter en commission. Et je pense que la prise de parole de Mme Roy était juste: il faut également que nous puissions communiquer à la population une opinion qui tient la route.

Les données qui résultent de la sérologie - de toutes les sérologies: pas seulement pour la covid, mais pour n'importe quelle maladie - sont très difficiles à interpréter. Est-ce que c'est une infection nouvelle ? Est-ce que c'est une infection ancienne ? Pour certaines maladies, on est capable de l'établir. La covid, c'est tout de même une maladie nouvelle et on n'est pas capable d'interpréter les résultats sérologiques. Et puis ça dépend aussi des laboratoires et de la technique. Dire par conséquent qu'on peut déterminer, à partir d'un test sérologique, que la personne a été infectée il y a un mois, deux mois, six mois, et lui donner un pass covid, c'est impossible, c'est absolument impossible.

Je pense qu'on pourra, avec le recul, décider d'une limite au niveau de la sérologie pour déterminer si la maladie ne fait plus courir de risques à ces personnes, mais ça demandera du temps. Actuellement, ce n'est pas le cas. Moi, tout médecin que je suis, je ne peux donc pas interpréter les résultats sérologiques; la seule chose que je peux dire aux gens, c'est qu'ils ont effectivement eu cette maladie à un moment ou à un autre, mais je ne sais pas s'ils ont besoin ou non du vaccin. La discussion en commission sera importante parce que la question est importante, et puis ça nous permettra de donner une réponse logique à nos concitoyens. Maintenant, il faudra aussi que cette résolution ne traîne pas en commission pendant quatre ans. Merci.

M. Pierre Vanek (EAG). Le parlement bégaie un peu, disons, parce que nous avons déjà gratifié la résolution 975 approuvant l'arrêté du Conseil d'Etat du 5 août d'une invite qui demandait à prendre en compte le test sérologique pour des membres du personnel de l'Etat, certes, n'étant pas titulaires du certificat covid, mais la question a été posée dans ce parlement et Mauro Poggia nous a répondu en commission. Je ne le crois pas forcément comme parole d'évangile, mais enfin le conseiller d'Etat a donné des éléments de réponse, expliquant qu'à son avis, d'un point de vue scientifique, les tests de sérologie ne sont pas suffisants pour être pris en compte de la manière dont les auteurs de la résolution avaient pensé qu'ils pouvaient l'être.

Je ne vais donc pas m'étaler là-dessus; nous sommes aussi relativement sceptiques sur ce plan, mais nous soutiendrons volontiers le renvoi à la commission de la santé pour que cette question assez complexe - le député Buchs l'a expliqué à l'instant - qui a une dimension médicale et scientifique puisse être discutée, comme elle le mérite, autrement qu'à l'emporte-pièce dans ce plénum. Pour que la commission de la santé puisse le faire, nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs, les uns et les autres, à renvoyer ce texte en commission ainsi que l'a proposé l'une de mes préopinantes.

Mme Amanda Gavilanes (S). Nous traitons encore d'un objet sur le covid, et nous avons visiblement encore autant de députés que d'épidémiologistes et de médecins dans ce parlement. Le parti socialiste refusera le renvoi à la commission de la santé et refusera cette résolution pour la simple et bonne raison qu'il se fie aux autorités médicales. Nous ne sommes pas des spécialistes, et n'étant pas médecin moi-même, je ne me risquerai pas à essayer de vous expliquer - que ce soit avec d'autres mots ou avec les mêmes - ce que sont l'immunité ou la sérologie. Je ne répéterai pas non plus ce que la médecin cantonale et le député Buchs notamment ont dit à ce propos. Nous refuserons donc cette proposition de résolution et, surtout, nous encourageons l'ensemble des députés à faire confiance aux autorités sanitaires de notre canton. (Applaudissements.)

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il me faut d'abord vous rappeler que les catégories qui permettent d'obtenir le certificat covid sont déterminées exclusivement par la Confédération. Le canton de Genève ne peut pas fixer de critères supplémentaires. La sérologie, le résultat d'un test sérologique est sans doute important, mais il faut savoir que l'immunité humaine repose sur deux systèmes: l'immunité humorale d'abord, qui est mise en évidence par les résultats sérologiques, mais il y a également une immunité cellulaire qui, elle, n'est pas mise en évidence par ces examens. Un résultat sérologique positif montre donc que le patient a été en contact avec le SARS-CoV-2, mais il ne permet pas de savoir quand exactement. C'est précisément pour cela qu'il ne peut pas donner lieu à un certificat covid, puisqu'on ne connaît pas la durée de la protection - tout en sachant que la contamination par le virus développe des anticorps, mais trois à quatre fois moins que le vaccin, ce qui est encore un argument en faveur du vaccin.

Il faut savoir que Genève n'est pas opposé à ce qu'on recherche d'autres voies; c'est pourquoi nous avons suggéré à la Confédération, dans le cadre de la consultation que nous avons déposée aujourd'hui, de prendre en charge le coût d'un test sérologique si à l'issue de ce test la personne entre dans un processus de vaccination, plutôt que de verser 50 francs à des rabatteurs. Pourquoi ? Parce que la personne qui fait un test sérologique n'est pas quelqu'un de réfractaire à la vaccination, mais une personne qui se dit: «Je n'ai certainement pas besoin d'être vaccinée parce que je suis déjà protégée.»

Si cette personne se fait tester et a une explication, à cette occasion, d'un professionnel de la santé, on pourra lui dire, si le résultat du test est négatif et qu'elle n'a donc jamais été en contact avec le virus: «Madame - ou Monsieur - vous n'êtes absolument pas protégée.» Et peut-être que la personne qui se croyait protégée va alors entrer dans un processus vaccinal; du moins peut-on l'espérer. Si la personne a au contraire un résultat positif, la médecin cantonale peut effectivement décider, selon le résultat de ce test, que la couverture vaccinale est atteinte après une seule dose, comme cela a été justement dit. Auquel cas une seule dose sera proposée, d'ailleurs immédiatement - cela est possible -, et cette personne pourrait alors obtenir un certificat covid.

On voit donc bien que le test sérologique peut être un moyen d'avoir une dose au lieu de deux. C'est néanmoins le moment de la vaccination par la dose unique qui fera partir le délai de protection et non la date de la possible contamination par le virus, puisque celle-ci n'est pas déterminée par le résultat sérologique. Renvoyez donc, si vous le souhaitez, cette proposition de résolution en commission pour que la médecin cantonale, voire les experts que vous déciderez d'auditionner, puissent vous apporter des précisions. Sachez par contre que nous n'avons aucune marge de manoeuvre pour ce qui est de la première invite car nous ne pouvons pas décider quelles catégories de personnes peuvent bénéficier de ce certificat. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'assemblée à se prononcer sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 976 à la commission de la santé est adopté par 61 oui contre 16 non et 4 abstentions.