République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 8 octobre 2021 à 14h
2e législature - 4e année - 4e session - 25e séance
RD 1422
Débat
Le président. Nous traitons... (Remarque.) C'était tardif, Monsieur le député ! Nous traitons maintenant le RD 1422. (Commentaires.) Monsieur François Baertschi, vous avez la parole.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Le plan financier quadriennal 2022-2025 n'est pas du tout satisfaisant, comme nous avons pu le constater lors d'un examen à la commission des finances. Nous avons observé que, s'agissant des ETP, il y a une augmentation très importante des nouveaux employés au sein de l'Etat de Genève, qui passent de 219 à 364, alors que nous nous trouvons actuellement dans une situation tout à fait déficitaire. C'est donc particulièrement risqué; c'est une course en avant qu'on est en train de mener. On a d'ailleurs pu constater que l'augmentation des dépenses dans le plan financier était relativement... très importante. Pas «relativement», mais très importante. En comparant le plan financier 2022-2025 avec le plan 2021-2024 - parce que trop souvent, on prend ces plans financiers pour quelque chose d'accessoire et on n'établit pas de comparaison avec celui de l'année précédente -, on se rend compte qu'on procède à une inflation des dépenses au lieu d'essayer de poursuivre la politique menée les années précédentes.
Alors il est certain qu'il peut y avoir des éléments exceptionnels - comme la crise covid -, mais, indépendamment de ces événements exceptionnels, on se rend compte que ce plan financier constitue une possibilité donnée à l'augmentation massive des dépenses. En tout cas en ce qui concerne le groupe MCG, ainsi qu'un certain nombre de députés de la commission des finances, nous avons été relativement choqués par la chose. C'est pour cela que nous pensons que le Conseil d'Etat doit se remettre à la tâche et nous présenter un plan financier quadriennal plus raisonnable, notamment s'agissant des nouveaux postes à l'Etat. Il faut savoir que l'on tient compte de la situation actuelle, de la réalité des budgets et des obligations de l'Etat, mais on ne doit pas aller vers une inflation des dépenses. C'est pour cela que nous vous demandons de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il est pris bonne note de cette demande. Je cède maintenant la parole à M. le député Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Je regrette quand même qu'on n'ait eu qu'une demi-seconde tout à l'heure pour le rapport sur l'égalité des salaires. Un renvoi en commission aurait permis à ce parlement de travailler un peu sérieusement sur un sujet important. Vous avez fait preuve, Monsieur le président, d'un peu plus de patience précédemment pour d'autres sujets. Il s'agit quand même d'une analyse sur l'égalité salariale entre femmes et hommes à l'Etat de Genève. Cela aurait mérité un tout petit peu plus de patience de votre part. Bref.
Concernant le PFQ 2022-2025, il y a beaucoup de choses à dire, bien sûr. Il reprend, pour l'essentiel, les éléments du PFQ précédent. La suspension de l'annuité une année sur deux notamment est ancrée dans cette volonté au sein du Conseil d'Etat de faire porter une grande partie des économies et des cadeaux fiscaux - accordés aux plus riches et aux grandes entreprises - aux salariés de la fonction publique. Le non-versement de l'annuité est devenu en réalité ces dernières années la règle plus que l'exception - Ensemble à Gauche était d'ailleurs le seul parti à s'y opposer cette année -, et le cumul de ces annuités non versées coûte très très cher dans la carrière d'un salarié de la fonction publique aujourd'hui.
Mais il y a un point en particulier que je trouve très dommageable dans ce PFQ, c'est la réforme sur les retraites, sur les caisses de pension publiques, c'est-à-dire la CPEG, la caisse de la police et la FPTPG. Vous savez que l'année dernière, le Conseil d'Etat avait annoncé sa volonté d'augmenter la part salariale des cotisations LPP, ce qui engendre automatiquement une baisse des salaires nets pour les salariés de la fonction publique - je ne me souviens plus, de tête, je dirais de l'ordre de 6%. Il avait réussi l'exploit, en pleine deuxième vague covid, de drainer des foules dans la rue - une grande partie de la fonction publique, mais aussi des citoyennes et des citoyens du canton - qui s'insurgeaient contre cette politique d'austérité en pleine crise, qui s'attaquait notamment, il faut le rappeler, aux salaires des infirmières, des travailleuses et travailleurs sociaux, de celles et ceux qui sont et qui étaient mobilisés face au covid. Et puis, cette année, de crainte sans doute d'une nouvelle mobilisation de la fonction publique, le Conseil d'Etat a reculé un tout petit peu et a opté pour une version de cette réforme que je qualifierais d'un peu tordue. Il a dit: «Très bien, nous allons effectivement augmenter la part salariale de la cotisation LPP, mais seulement pour les personnes qui seront engagées à l'avenir.» (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est-à-dire qu'il renonce à s'attaquer aux personnes qui sont déjà engagées, espérant par là les décourager de se mobiliser, et s'attaque à celles et ceux qui seront engagés dans les prochaines années, soit principalement les jeunes, celles et ceux qui sont en âge notamment de fonder une famille, celles et ceux aussi qui souffrent tout particulièrement de la crise que nous traversons.
Le président. Merci.
M. Jean Burgermeister. Cela va créer des inégalités de traitement entre les personnes qui travaillent au sein d'une même institution de l'Etat.
Le président. Il faut conclure.
M. Jean Burgermeister. Je regrette très fortement ce choix. Je demande, Mesdames et Messieurs, le renvoi de ce PFQ à la commission des finances.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il en est pris bonne note. Je cède maintenant la parole à M. le député Yvan Zweifel.
M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Au nom du groupe PLR, je vais être d'accord, mais uniquement avec la fin de l'intervention de M. Burgermeister, c'est-à-dire que nous vous proposons également le renvoi à la commission des finances, parce qu'il s'agit d'un document essentiel dans l'étude non pas du budget justement, mais du plan que prévoit le Conseil d'Etat pour revenir à l'équilibre budgétaire. Vous le savez, cela fait maintenant deux années que notre canton se traîne dans les chiffres rouges. L'étude du BAK a très clairement démontré que le canton de Genève - on le savait, mais comme ça, au moins, il y a quelqu'un d'indépendant, de scientifique et de neutre qui l'a dit - est celui dont la fiscalité est la plus lourde, qui utilise le plus son potentiel fiscal, puisque nous avons une fiscalité 90% supérieure à la moyenne des vingt-cinq autres cantons et qu'en parallèle, nous sommes, évidemment - mais ça non plus, on ne l'apprend à personne -, le canton qui dépense le plus, puisque si l'on compare les dépenses par habitant du canton de Genève avec celles des vingt-cinq autres cantons, nous sommes 89% supérieurs à la moyenne de ceux-ci.
Cette étude est allée un cran plus loin pour répondre à une question de la gauche qui était légitime, à savoir: «Est-il juste de diviser toutes les charges par le nombre d'habitants pour des cantons qui ne sont pas comparables ?» Cette étude est donc allée un cran plus loin en disant: «Ok, on va établir des comparaisons politique publique par politique publique et non pas seulement le total et on va le diviser non pas par le total de la population, mais par les bénéficiaires de ladite prestation.» Ce qui fait qu'effectivement, un canton qui compte plus d'écoles ou qui accueillerait des écoliers d'un autre canton n'est pas défavorisé dans ce calcul et on ne le compare pas avec les vingt-cinq autres cantons ou à la moyenne de ceux-ci, mais avec des cantons comparables. Même en procédant ainsi - donc en tenant compte des différences socioéconomiques qui existent et que personne ne nie à Genève par rapport à des cantons de la Suisse alémanique et du centre de celle-ci -, Genève dépense toujours 39% de plus par habitant que la moyenne des cantons comparables.
Cette étude est extrêmement claire et il est donc urgent que le Conseil d'Etat, qui l'a lui-même demandée - ce dont on le remercie -, non seulement la demande, mais surtout en applique les conséquences, c'est-à-dire qu'il prenne des mesures, et celles-ci doivent se refléter dans ce plan financier quadriennal. Or le groupe PLR estime que si des mesurettes sont prises ici, des mesures profondes doivent aujourd'hui être décidées sur un constat qui est cinglant, à l'opposé de celui qu'a dressé M. Burgermeister. Pour enfin retrouver l'équilibre, notre canton doit prendre exemple sur les autres cantons et sur la Confédération, et non pas sur des pays voisins, par exemple celui qu'adore notre conseiller d'Etat qui s'exprimera tout à l'heure, j'imagine - un pays qui, depuis 1974, ne connaît que des déficits.
Mesdames et Messieurs, le groupe PLR vous demande le renvoi à la commission des finances pour que ce rapport soit étudié avec intelligence et qu'on découvre avec le Conseil d'Etat ce qu'il va faire pour enfin améliorer la situation financière de ce canton.
M. Jacques Blondin (PDC). Je ne veux pas répéter ce que vient d'excellemment préciser M. Zweifel, mais le PDC est d'avis que nous devons renvoyer cet objet au Conseil d'Etat, parce que c'est à lui de procéder à l'analyse qui est demandée actuellement, c'est-à-dire une analyse structurelle que nous attendons tous pour ramener nos finances dans un délai très court - le plus court possible - à un niveau différent de celui qui est actuellement proposé. La commission des finances peut évidemment le faire, mais pour notre part nous sommes vraiment d'avis qu'il est nécessaire - et nous le souhaitons - que le Conseil d'Etat, dans les discussions actuelles, se repose certaines questions quant à l'organisation du petit Etat ainsi qu'au fonctionnement des entreprises indépendantes. De ce point de vue, accepter aujourd'hui ce rapport nous paraît effectivement prématuré. Nous proposons donc, comme le MCG, le renvoi au Conseil d'Etat.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste conteste une large partie des mesures présentées par le Conseil d'Etat dans le cadre de ce plan financier quadriennal, notamment le projet de loi de révision des ratios de cotisation employés-employeurs pour les différentes caisses de pension publiques et parapubliques, qui représenterait une baisse de salaire net pour les collaborateurs et collaboratrices du petit et du grand Etat. Notre parti conteste aussi d'autres mesures, comme le fait de maintenir le gel de l'annuité une année sur deux de façon systématique, et d'autres encore - je ne vais pas toutes les mentionner.
Le parti socialiste conteste également cette vision qui nous semble tout à fait dogmatique et idéologique de vouloir à tout prix un retour à l'équilibre sur le court terme, alors que le peuple a voté un certain nombre de mesures engendrant un impact à la baisse sur nos recettes fiscales - je pense évidemment à RFFA - et que nous avons aussi à absorber les conséquences économiques et sociales de cette crise majeure du covid.
Par ailleurs, l'exercice du PFQ est évidemment un petit peu compliqué et ambigu, puisque le Conseil d'Etat nous présente une évaluation des futures recettes en 2025, alors qu'on sait que, ne serait-ce qu'entre le budget d'une année et les comptes de cette même année, il se trompe bien souvent de plusieurs centaines de millions. Il s'agit donc d'un exercice d'équilibrisme un peu périlleux qu'on doit prendre naturellement avec beaucoup de pincettes. Cela étant dit, la commission des finances a déjà commencé une étude préalable tant du budget 2022 de l'Etat de Genève que de ce plan financier 2022-2025, raison pour laquelle nous soutiendrons cette demande de renvoi à la commission des finances. Je vous remercie.
M. Eric Leyvraz (UDC). L'UDC acceptera le renvoi de ce plan quadriennal 2022-2025 au Conseil d'Etat. Il faut quand même rappeler que ce plan est totalement surréaliste et que c'est une vaste plaisanterie. On refait ce plan quadriennal toutes les années et, chaque fois, il nous promet des miracles, l'équilibre dans quatre ans. Cela fait plusieurs années qu'on voit cela, or évidemment, l'équilibre n'est jamais là. Par conséquent, nous votons le renvoi, mais nous ne nous attendons pas du tout à de grands progrès de la part du Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rassure, je ne nourris aucune illusion quant aux effets de mon intervention. De toute évidence, les dés sont jetés. Je me bornerai à relever que tout observateur neutre et objectif constatera que le seul dénominateur commun entre les différents groupes qui se sont exprimés, c'est le mécontentement. Pour le reste, certains, comme d'habitude, se plaignent que l'on dépense trop, d'autres que l'on ne dépense pas assez. Si le Conseil d'Etat avait une vision court-termiste de ce qu'il doit faire et de son travail d'équilibriste - puisque c'est le terme qui a été utilisé -, il se bornerait à fâcher une minorité d'entre vous. Or c'est précisément parce qu'il a voulu trouver des solutions équilibrées dans tous les domaines qu'il fâche tout le monde. Je vois que l'exercice est périlleux - même davantage, puisqu'il ne fait que vous réunir sur ce point commun consistant à dire: «Nous ne voulons pas de cela !» Il faudra un jour que quelqu'un effectue un travail minutieux pour voir à quel point la schizophrénie politique qui s'exprime dans ce parlement est remarquable. Pour ma part, j'en ai été le spectateur direct pour ce qui est de la question de l'internalisation des convoyeurs de détenus, puisque non seulement vous avez demandé qu'on internalise désormais cette tâche, mais vous vous êtes ensuite empressés de faire en sorte que je ne dispose pas des crédits nécessaires pour pouvoir former et engager les personnes que requérait cette internalisation, pour m'entendre dire ensuite que je ne faisais pas le travail que vous m'aviez demandé de faire. (Commentaires.) Voilà. Nous verrons donc si le travail peut être repris, de quelle manière nous pourrons stratégiquement essayer de réduire le nombre de mécontents, puisque la politique, c'est finalement cela: essayer de choisir qui on veut mécontenter. Je vous remercie. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission des finances ainsi que d'une demande de renvoi au Conseil d'Etat. Je vous les fais voter dans cet ordre. Bien entendu, si les deux sont refusées, il sera pris acte de ce rapport.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 1422 à la commission des finances est rejeté par 63 non contre 23 oui.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1422 est adopté par 78 oui contre 4 non et 2 abstentions.
Le rapport du Conseil d'Etat RD 1422 est donc refusé.