République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12517-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier le projet de loi de M. Patrick Dimier modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses (LCI) (L 5 05) (Protégeons l'essence de la propriété privée)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 12 et 13 décembre 2019.
Rapport de Mme Claude Bocquet (PDC)

Premier débat

Le président. Nous arrivons au... (Brouhaha. Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) ...PL 12517-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à Mme la rapporteure Claude Bocquet.

Mme Claude Bocquet (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, lors de la présentation de ce projet de loi, la commission s'est rendu compte que le texte proposé ne correspondait pas aux intentions de son auteur. Ce dernier souhaitait modifier l'article 79 de la loi sur les constructions et les installations diverses, qui est actuellement libellé de cette façon: «Sous réserve des murs de soutènement et des murets de 80 cm de hauteur au maximum, le département peut refuser les murs séparatifs qui ne sont pas»... (Brouhaha.)

Le président. Madame la rapporteure, un instant, s'il vous plaît ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Ces discussions peuvent très bien avoir lieu en dehors de cette salle ! Je vous remercie. Madame la rapporteure, poursuivez !

Mme Claude Bocquet. Oui, je reprends ! «Sous réserve des murs de soutènement et des murets de 80 cm de hauteur au maximum, le département peut refuser les murs séparatifs qui ne sont pas intégrés à un bâtiment.»

La proposition de modifier cet article fait suite à un cas particulier, une connaissance de l'auteur qui voulait remplacer une haie de thuyas par une palissade en bois et n'en avait pas reçu l'autorisation, sans explication concernant le refus. L'auteur soutenait que les demandes étaient systématiquement refusées et souhaitait modifier cette façon de faire, pour que les refus deviennent des exceptions. Il a donc proposé le libellé suivant: «Sous réserve des murs de soutènement et des murets de 80 cm de hauteur au maximum, le département ne peut refuser qu'à titre exceptionnel et pour de justes motifs les murs séparatifs qui ne sont pas intégrés à un bâtiment.»

Au vu de ce texte peu clair, la commission a demandé à son auteur de présenter un amendement qui le rende conforme à son intention initiale. En effet, alors qu'actuellement les murs de moins de 80 cm ne peuvent normalement pas être refusés, ce n'est plus le cas avec cette tournure de phrase, ce qui n'était pas le but recherché par l'auteur du texte.

Lors de son audition, le directeur des affaires juridiques de l'office des autorisations de construire a confirmé que les murs et les clôtures étaient soumis à autorisation de construire, afin d'éviter l'effet de cloisonnement. Il a expliqué que les murs de moins de 80 cm sont en général autorisés, mais soumis à autorisation également. Le département du territoire est plus souple quant aux clôtures grillagées. Le confort et l'envie de préserver son intimité ne justifient pas la construction d'un mur, alors que la réduction des nuisances sonores est une raison suffisante.

Le président de la commission d'architecture, également auditionné, a dit que le risque de ce projet de loi était le cloisonnement spatial du territoire, qui nuirait à la qualité paysagère. Il a indiqué que la notion de cohérence était importante par rapport à l'appréciation qui était faite au sujet des demandes. Par exemple, si le lieu se trouve sur une voie dont l'état actuel présente un certain nombre de murs déjà bâtis, la commission préavise positivement la construction d'un mur. Les préavis de la commission d'architecture sont consultatifs, mais ils sont suivis à 98% par le département.

Lors des discussions internes de notre commission, on a soulevé les problèmes que ces murs et clôtures posent à la petite faune qui ne peut plus traverser ces territoires clôturés.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Claude Bocquet. Un autre souci important est la sécurité lors de gros orages, car les murs empêchent l'eau de s'évacuer sur les propriétés avoisinantes et transforment les routes en rivières qui peuvent être dangereuses.

Finalement, l'amendement présenté par l'auteur de ce projet de loi n'a pas convaincu la commission car, à part le rajout concernant le passage pour la petite faune, la tournure de la phrase n'était pas plus claire. En outre, la commission a estimé qu'il n'était pas adéquat d'autoriser sans autre tous les murets de soubassement qui mesuraient 60 cm au maximum, pour les raisons expliquées précédemment. Les commissaires préfèrent laisser la loi telle quelle: on étudie les demandes avant de délivrer une autorisation de construire. Il serait toutefois certainement opportun de donner quelques explications lors des refus d'autorisation de construire, afin d'en améliorer la compréhension.

Au vu de ces explications, la majorité de la commission vous demande de rejeter ce projet de loi.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Je me souviens que lorsque j'étais étudiant, on se moquait parfois de la rédaction d'un article du code des obligations, que je vais vous lire, parce que c'est vrai que c'est assez rigolo. C'est l'article 62, alinéa 1 - cela n'a rien à voir, je vous le dis tout de suite, avec ce dont nous parlons aujourd'hui ! L'article 62, alinéa 1, du code des obligations dit ceci: «Celui qui, sans cause légitime, s'est enrichi aux dépens»... Non, pardon, je me trompe ! «Paiement de l'indu», article 63: «Celui qui a payé volontairement ce qu'il ne devait pas ne peut le répéter s'il ne prouve qu'il a payé en croyant, par erreur, qu'il devait ce qu'il a payé.» Comprenne qui pourra ! Je pense que c'est probablement par jalousie que Patrick Dimier a déposé ce projet de loi, puisque - vous n'avez sans doute pas lu le texte proposé, mais je vais vous le lire: «Sous réserve des murs de soutènement et des murets de 80 cm de hauteur au maximum, le département ne peut refuser qu'à titre exceptionnel et pour de justes motifs les murs séparatifs qui ne sont pas intégrés à un bâtiment.» L'auteur du projet avait en fait l'intention d'autoriser systématiquement les murs et murets de 80 cm de hauteur au maximum et, en réalité, la rédaction choisie produit l'effet inverse, c'est-à-dire de limiter le principe des murs jusqu'à 80 cm de hauteur, mais d'autoriser les murs plus hauts. L'adoption de cette loi aurait donc pour conséquence que la campagne genevoise verrait fleurir les murs - peut-être que c'est la nostalgie du mur de Berlin ! - mais seulement ceux de plus de 80 cm, puisque les murs de moins de 80 cm seraient autorisés seulement à titre exceptionnel.

Derrière l'erreur, il y a quand même un autre problème, c'est que les murs ont un impact négatif sur l'environnement et sur la petite faune; ils ont un impact négatif, parce qu'ils ont tendance à imperméabiliser les sols; mine de rien, même un mur de 10-15 cm de large, si on en construit partout, ce sont des centaines, peut-être des milliers de mètres carrés qui s'imperméabilisent. Les murs ont aussi comme impact de limiter l'écoulement naturel de l'eau et de créer des risques d'inondation. Cela représente toute une série de problèmes qui font qu'il faut rester à la législation actuelle, qui en principe interdit la construction de murs, sauf lorsque c'est indispensable, par exemple en raison de bruits qui sont vraiment désagréables et qui nuisent de manière importante à la qualité de vie des habitants. Ensemble à Gauche vous prie donc de bien vouloir rejeter ce projet de loi.

M. Patrick Dimier (MCG). Je suis toujours très intéressé d'entendre un autre francophone, qui n'est pas français, venir me faire des leçons sur la pratique de notre langue. C'est vrai que les belgicismes ne valent pas mieux que les romandismes, si on peut dire ça comme ça !

La proposition, en réalité, vient du fait que le département applique une politique qui est totalement l'inverse de ce que dit la loi actuelle, c'est-à-dire que le texte actuel stipule que le département peut s'opposer. (L'orateur insiste sur le mot «peut».) Cela signifie donc que c'est une exception - à moins qu'on ne parle pas le même français -, alors que l'opposition du département est systématique ! Systématique ! Automatiquement, le département refuse ! Le but de cette modification est donc bien entendu de faire l'inverse ! Et de le dire «expressis verbis», si tout le monde comprend. Il faut bien entendu que le département, lorsqu'il s'oppose, explique pourquoi.

Alors j'entends la rapporteuse de majorité - pardon, Madame, parce que je n'aime pas traiter les gens de rapporteurs, mais le français moderne m'y oblige ! - et... (Commentaires.) Ce que je veux dire, mais vous l'avez à peu près bien traduit, c'est que la commission a invité le département à changer sa pratique et à être plus clair. Mais il me semble, si tant est que nous soyons tous d'accord sur ce qu'est une démocratie, que lorsque l'Etat prend une position, il doit en exposer les motifs, ce que ne fait jamais, jamais, le département dans le cas précis.

Je veux aussi vous dire - puisque j'adore être charrié, ça m'amuse, et j'adore charrier les autres, mais quand on me dit que je ne parle pas français, alors je veux quand même vous répondre que, si moi je ne parle pas français, je ne sais pas quelle langue parle le département ! L'espagnol, peut-être, c'est une langue en vogue dans ce département actuellement. Mais il n'en demeure pas moins qu'un département représente l'autorité. Or, pour que l'autorité soit crédible, il faut qu'elle fasse des choses crédibles. Merci donc d'avoir invité le département à changer sa pratique, j'espère que cela sera traduit dans les faits, mais il est certain que la pratique actuelle est contraire à toutes les règles de démocratie. Merci. (Commentaires.)

M. Cyril Aellen (PLR). M. Dimier nous explique que le département n'applique pas la loi et qu'il faut donc la changer. Eh bien, non ! Quand le département n'applique pas la loi - si c'est le cas -, il faut que le département applique la loi ! Et puis, si ce n'est pas justifié, eh bien, on demande des justifications. Et si la décision est négative, le cas échéant, parce que la loi n'est pas appliquée, eh bien, on fait recours. Mais changer la loi parce que le département ne l'applique pas n'est pas une solution démocratique, raison pour laquelle il faut refuser ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Patrick Dimier, le groupe MCG n'a plus de temps de parole. Plus personne ne souhaitant s'exprimer, je...

M. Patrick Dimier. Monsieur le président, j'ai été mis en cause !

Le président. Ce n'était pas une mise en cause, Monsieur le député ! (Commentaires.) Je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi. Le vote est lancé. (Commentaires.)

Mis aux voix, le projet de loi 12517 est rejeté en premier débat par 43 non contre 7 oui et 16 abstentions.