République et canton de Genève

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PL 12939
Projet de loi du Conseil d'Etat permettant de lutter contre le sans-abrisme en période de pandémie
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 29 et 30 avril 2021.

Premier débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante. Cet objet est classé en catégorie II, trente minutes. La parole est demandée par M. le député Stéphane Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Je ne sais pas si M. Apothéloz voulait d'abord présenter son projet de loi: je vais peut-être lui laisser le temps de réagir et je prendrai la parole après.

Le président. Bien. Monsieur Thierry Apothéloz, vous avez la parole.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est effectivement de tradition de permettre au Conseil d'Etat de présenter ses projets de lois et je remercie M. le député Florey. Il s'agit d'une urgence, même si le sujet est connu de votre parlement puisque vous avez déjà soutenu un texte rigoureusement similaire - sauf sur une phrase. Le principe est de permettre la poursuite de l'activité que nous avons développée pour soutenir les personnes sans abri, en collaboration avec les hôteliers genevois et une fondation privée dont le don permet d'assurer l'encadrement des personnes concernées. Quant au canton, il pourrait - avec le même montant de 1,4 million de francs attribué pour la période précédente - offrir la possibilité à 167 personnes de bénéficier d'une structure d'encadrement entre le 1er juin et le 31 octobre avec les hôteliers et les travailleurs sociaux engagés par le CausE. Le bilan de la première opération est très positif avec un taux d'occupation de 95%, répondant ainsi de manière bénéfique aux besoins de la population la plus fragile de notre canton. Nous avons aussi noté que trois femmes bénéficiaires ont pu retrouver du travail et deux familles obtenir un logement. Ce projet contribue ainsi à l'insertion sociale nécessaire de cette population.

En parallèle à ce texte, nous avons déposé le projet de loi que vous avez renvoyé hier à la CACRI visant à fixer les compétences entre le canton et les communes. Ce dispositif n'étant pas encore en vigueur, puisque votre parlement ne l'a pas voté, il est nécessaire de ne pas interrompre l'activité d'accueil telle que nous l'avons lancée le 1er décembre dernier, pour assurer une continuité de la prise en charge qui devra ensuite être faite par les communes genevoises.

Le Conseil d'Etat est attentif à ne pas créer de ruptures et, partant, il vous encourage à voter ce projet de loi en urgence, en vous remerciant d'ores et déjà d'avoir accepté l'ajout de son traitement à l'ordre du jour, ce qui nous permet de respecter le délai du 30 avril puisque c'est le dernier jour pour que l'association communique la décision de votre parlement à ses collaboratrices et à ses collaborateurs. Si la réponse est positive, nous pouvons maintenir l'activité à partir du 1er juin jusqu'au 31 octobre, comme je l'ai dit. Si votre parlement devait décider le contraire, eh bien, les courriers de résiliation de contrat de travail seront envoyés ce soir pour la fin mai aux collaboratrices et aux collaborateurs - avec l'expérience pilote d'aujourd'hui, nous pouvons offrir un accueil de 155 places jusqu'au 30 mai prochain.

M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, le groupe UDC ne pourra accepter le chantage fait aujourd'hui, avec les fameux courriers qui seraient envoyés si nous n'acceptons pas ce projet de loi. Ce chantage est inacceptable et c'est pour ça que nous vous proposerons de renvoyer ce texte en commission pour y mener une étude sérieuse. S'il y avait manifestement urgence au début, la situation est maintenant fondamentalement différente. En plus, on va vers une période qui est plus favorable qu'au mois de décembre, quand on était en plein hiver. Aujourd'hui, il est important pour l'UDC d'avoir un bilan du premier texte voté pour savoir qui a bénéficié de ces aides et qui seront les bénéficiaires de ce deuxième projet de loi. Pour nous, il est bien clair qu'une bonne partie sont évidemment les sans-papiers et les illégaux qui n'ont rien à faire chez nous et tout simplement les personnes qui profitent du système ! C'est pour ça que nous, nous réclamons une étude de cet objet qui soit cette fois sérieuse, et nous demandons que ce texte soit renvoyé en commission, là où a été envoyé le projet de loi cité par M. Apothéloz concernant les communes; je pense qu'il s'agit de la CACRI. Nous demandons donc le renvoi à la CACRI pour que cet objet soit traité parallèlement au projet de loi cité par M. Apothéloz.

Le président. Merci, Monsieur le député, j'ai bien pris note de votre demande de renvoi à la CACRI. La parole va maintenant à M. le député Didier Bonny.

M. Didier Bonny (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le droit au logement est un droit fondamental: la loi 12821 du Conseil d'Etat votée par le Grand Conseil le 26 novembre dernier le rappelait à bon escient. Ce nouveau texte propose de reconduire le dispositif qui a permis de loger 155 personnes sans abri dans des chambres d'hôtel pendant la période hivernale. Le Conseil d'Etat répond ainsi aux souhaits émis par le Grand Conseil qui a voté à l'unanimité la motion 2706 le mois dernier et il assume ses responsabilités en matière de lutte contre le sans-abrisme, en attendant - espérons-le - une solution pérenne telle que proposée par le PL 12911. Ce texte, visant à sécuriser les prestations d'hébergement d'urgence en fixant les responsabilités respectives du canton et des communes, a été renvoyé hier en commission par notre Grand Conseil.

La crise sanitaire que nous vivons depuis le printemps dernier a eu notamment pour conséquence une augmentation sans précédent du nombre de personnes sans abri à Genève. Il est donc indispensable de voter aujourd'hui ce nouveau crédit de 1,4 million de francs pour poursuivre le soutien aux plus défavorisés et défavorisées d'entre nous - parmi lesquels se trouvent des familles et donc des enfants qui pourraient être scolarisés sans pour autant avoir un toit. Cette perspective est impensable et insupportable pour les Vertes et les Verts !

Ce renouvellement de crédit a aussi comme vertu de poursuivre l'aide à une partie du secteur hôtelier genevois, lequel est très durement touché par la crise. Il est également important d'accompagner ces personnes vulnérables parce que confrontées à une grande précarité. A ce titre, les Vertes et les Verts expriment leur satisfaction quant au fait que le projet de loi prévoie à nouveau un accompagnement socio-éducatif, financé par le privé, pour assurer un indispensable suivi individuel et ainsi garantir que l'accueil hôtelier se passe au mieux.

En conclusion, notre groupe soutiendra bien évidemment le vote en urgence de ce projet de loi issu d'un partenariat entre le canton de Genève, le Collectif d'associations pour l'urgence sociale dont l'action est reconnue de longue date, le privé et les hôteliers, dans l'intérêt des personnes sans abri et donc de notre société dans son ensemble ! (Applaudissements.)

Mme Véronique Kämpfen (PLR). Monsieur le président, le projet de loi 12939 propose de reconduire la loi votée en urgence à la fin de l'année passée pour octroyer à nouveau 1,4 million de francs en faveur des sans-abri. A cette somme s'ajoutera 1 million de francs de la part d'une fondation privée pour offrir un accompagnement social à ces personnes.

Le groupe PLR votera ce texte, parce qu'il est évident que Genève ne peut laisser quiconque dormir dans la rue, mais il regrette que ce projet de loi ait été nécessaire: en effet, alors que nous votions le premier montant de 1,4 million de francs, le Conseil d'Etat nous avait assuré travailler sur une loi-cadre pour régler une bonne fois pour toutes la répartition entre les communes et le canton des tâches et des coûts du sans-abrisme. Force est de constater qu'il n'a pas su agir avec la célérité qu'aurait requise un sujet de cette importance. Cela nous oblige à voter aujourd'hui sur un projet de jonction entre deux textes en attendant que soit étudiée la loi-cadre sur l'aide aux personnes sans abri - abrégée LAPSA - qui a été renvoyée hier à la commission des affaires communales, régionales et internationales.

C'est d'ailleurs en raison de cette regrettable situation de transition que ce PL 12939 présente un alinéa qui stipule que son mécanisme de financement tombera dès l'instant où la LAPSA entrera en vigueur: c'est dire à quel point il s'agit d'une solution de secours et non du résultat d'une réflexion de fond !

Le groupe PLR suivra attentivement les travaux sur la LAPSA et appelle de ses voeux une solution qui permettra enfin de définir les compétences respectives du canton et des communes et d'établir - comme indiqué dans l'exposé des motifs du PL 12939 - le principe d'une solidarité intercommunale pour faire face au sans-abrisme. Il est grand temps que cet écheveau soit enfin dénoué !

M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, le parti démocrate-chrétien votera cette loi. Je rejoins Mme Kämpfen qui disait qu'on a vraiment besoin d'une loi-cadre sur le sans-abrisme. Pendant des années, on a travaillé au coup par coup et, surtout, c'était la Ville de Genève qui prenait en charge l'entier de ce problème. On s'est rendu compte avec cette crise qu'il n'était pas possible de laisser la Ville de Genève gérer l'entier du problème et qu'il fallait une réflexion beaucoup plus profonde sur le traitement du sans-abrisme. Je pense qu'on est sur le bon chemin avec le travail réalisé en commission et les propositions faites par M. le conseiller d'Etat Apothéloz.

Nous espérons donc que cette loi-cadre arrivera rapidement: cela permettra d'arrêter de voter des lois en urgence et cela permettra de traiter ce problème très grave du sans-abrisme sur le long terme. Surtout, ce qui est très positif avec cette loi, c'est qu'on apporte un suivi socio-éducatif qui est très important lorsqu'on prend en charge ces gens. Un suivi socio-éducatif permettra de trouver des solutions à leurs problèmes, en plus de leur donner une chambre d'hôtel. C'est quelque chose qui doit être entendu.

Quant à la critique consistant à demander quelles sont les personnes prises en charge, je pense qu'on ne doit pas faire de différence en situation de crise: tout le monde doit être pris en charge. On vote des aides pour tout le monde, on doit donc aussi voter des aides pour les gens qui dorment dans la rue. Ce n'est pas une question de temps et de météo clémente; on a le même problème, été comme hiver. Les gens ont droit à une chambre et à une certaine hygiène et il n'est pas normal qu'on laisse des gens sous les ponts au bord de l'Arve, au bord du Rhône ou devant l'ancien restaurant Landolt - quinze à vingt personnes dorment là toutes les nuits ! Nous voterons donc cette loi et nous remercions M. le conseiller d'Etat Apothéloz.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Monsieur le président, la nécessité qui prévalait le 26 novembre dernier pour voter la loi 12821 a permis d'assurer l'hébergement de 155 personnes dans des hôtels. Ce texte a permis d'offrir des conditions de logement dignes tout en soutenant l'hôtellerie. Tout le monde avait alors estimé que c'était indispensable; aujourd'hui, ça l'est tout autant ! Vivre dans la rue est une calamité et c'est surtout une injustice sociale: c'est irrespectueux et c'est une inégalité incroyable pour les personnes concernées ! Je ne vois pas au nom de quoi nous devrions nous satisfaire d'une situation comme cela: il y aurait des moments où il faudrait mettre les personnes sans abri sous un toit alors qu'à d'autres moments, sous prétexte que la température grimperait légèrement, ces personnes pourraient rester dans la rue ? C'est inacceptable et pour nous, il est absolument indispensable d'offrir des conditions de vie dignes à ces personnes ! Comme vient de le dire M. Buchs, surtout, il s'agit d'accompagner ces personnes dans la construction d'un projet de réinsertion sociale et/ou professionnelle.

M. Florey parlait tout à l'heure de chantage lorsqu'il s'agissait de savoir si on serait en mesure de continuer et si les personnes qui s'étaient investies dans le développement de cette activité pourraient la poursuivre ou pas. Il ne s'agit pas de chantage, il s'agit d'une obligation morale de l'Etat d'assurer des conditions de vie dignes à une partie de la population - quelle qu'elle soit - parce que nous ne sommes pas non plus dénués de responsabilités dans le fait qu'il y ait des populations migrantes ! Le jour où on voudra bien admettre cette réalité, peut-être que certains discours changeront !

Quoi qu'il en soit, pour nous, il est important de définir une politique qui ne soit plus élaborée au jour le jour ou en fonction de la température, mais qui garantisse réellement que chacun puisse bénéficier d'un toit et de prestations d'accompagnement de qualité dans notre canton. Cela nous paraît absolument nécessaire. Nous avons un projet de loi corollaire à celui-ci, renvoyé à la CACRI: il s'agit du PL 12911 qui attribue aux communes la compétence exclusive de prendre en charge l'hébergement. Si cela constitue sans doute une avancée par rapport à cette valse des renvois d'un interlocuteur à l'autre qui a eu lieu jusqu'à maintenant, il faut que nous soyons aujourd'hui très conscients qu'il ne s'agit pas simplement d'assurer un hébergement d'urgence réduit au minimum, mais d'offrir des conditions de vie dignes, avec un accompagnement social. J'espère que les communes l'ont bien compris: en prenant en charge les coûts de l'hébergement d'urgence, celles-ci devraient aussi s'engager à assurer ces prestations d'accompagnement. Nous voterons ce texte et nous vous remercions d'en faire autant.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous faisons face à un étrange paradoxe: plus nous avançons dans la crise sociale de la covid-19, plus le dispositif d'accueil pour les sans-abri faiblit, cela malgré le vote du Grand Conseil demandant de maintenir les structures d'accueil nécessaires ouvertes en 2021. (Commentaires.) Pour rappel, le 25 mars dernier, ce parlement votait la motion 2706 «pour lutter efficacement contre la Covid-19: zéro sans-abri» qui demandait de maintenir les structures d'accueil nécessaires et le fonctionnement de l'ensemble du dispositif de lutte contre le sans-abrisme mis en place en 2021 afin qu'aucune personne sans abri ne soit contrainte de dormir dans la rue pendant la pandémie. Ce dispositif d'hébergement d'urgence était augmenté à 579 places en mars 2020; il est descendu à 489 places en mars 2021 et a, depuis, encore perdu cent lits du fait de la fermeture des abris de la protection civile par la Ville de Genève. Ce dispositif risquerait d'en perdre encore 160 si ce projet de loi «sans-abriste» n'était pas voté aujourd'hui. Mesdames et Messieurs, alors que toutes les aides étatiques augmentent massivement, on doit se demander pourquoi l'offre en lits pour lutter contre le sans-abrisme diminue. Fort heureusement, le Conseil d'Etat a pris ses responsabilités, il propose un renouvellement du projet de loi que nous avons voté cet automne, avec le même financement de 1,4 million de francs, et il maintient donc son engagement.

Le besoin est aujourd'hui d'autant plus criant que la Ville de Genève a clos le dispositif d'hébergement hivernal qu'elle mettait en place chaque année de novembre à mars, je l'ai dit. Depuis lors, une centaine de personnes sont à la rue, et c'est le Conseil d'Etat qui le dit. Ce projet de loi ne les logera pas; ce projet de loi maintiendra à l'abri celles qui sont actuellement logées: nous aurons donc toujours une centaine de personnes à la rue, voire plus. Vous le savez, la Caravane sans frontières a ouvert un camping à Satigny: aujourd'hui, la réalité est qu'à Genève, une des villes les plus riches du monde, des gens organisent des campements de fortune pour héberger des personnes à la rue, et quand celles-ci n'ont pas la chance de trouver une place dans ce camping, elles dorment sous les ponts, le long de l'Arve ou le long du Rhône !

Mesdames et Messieurs, disons-le tout de suite, ce projet de loi est incontournable: il vise à reconduire pour la période du 1er juin au 31 octobre un dispositif qui a fait ses preuves; il propose une solution rapide et efficace pour loger jusqu'à 167 personnes - dont des familles - dans des hôtels avec un accompagnement socio-éducatif. On sait aussi que tout le monde ne peut pas aller dans ces hôtels et que le dispositif concerne un certain public: la question du sans-abrisme demeure donc massivement pendante. Le Conseil d'Etat a, là aussi, pris ses responsabilités en proposant un projet de loi pour trouver les bons arbitrages entre les communes, le canton et la Ville de Genève.

Le président. Merci, il faut terminer.

M. Sylvain Thévoz. Je terminerai là-dessus. Nous ne pouvons que placer nos espérances dans ce projet de loi, espérer qu'il soit le plus à même de développer une véritable politique publique au coeur de l'action de l'Etat et des communes afin qu'en 2021, plus personne n'ait à dormir dans la rue à Genève ! Le parti socialiste refusera le renvoi à la CACRI et soutiendra bien entendu ce texte.

M. André Pfeffer (UDC). En complément à l'intervention de mon collègue, j'aimerais juste préciser que le renouvellement de cette aide était justifié, d'une part pour proposer des logements d'urgence pour l'hiver et, d'autre part, pour doubler le nombre de lits à disposition suite à l'instauration des mesures de distanciation sociale.

Toutefois, cette aide est excessivement coûteuse: la somme par chambre et par mois est d'environ 1800 francs. Je rappelle que le salaire médian en France est d'environ 1900 euros par mois. (Commentaires.) Le salaire d'un Français sur deux correspond environ ou est même inférieur à cette indemnité mensuelle liée exclusivement à l'habitat. Merci pour votre attention !

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG votera bien sûr ce projet de loi de prolongation de l'aide apportée. Il faut quand même aussi relever qu'on donne en même temps un coup de main aux hôtels. Finalement, on peut appeler ça une aide gagnant-gagnant !

Je suis surpris par ces comparaisons: tout à l'heure, c'était Bâle, maintenant c'est la France ! Je ne sais pas quel est le salaire médian à Bâle, mais, pour l'instant, ce qui est important, c'est de savoir ce qui se passe dans le canton de Genève ! Je crois que c'est plus utile que toutes ces comparaisons hasardeuses.

C'est une bonne chose que l'on prolonge ce dispositif, mais il faut aussi relever qu'on n'a pas réglé le problème du sans-abrisme à Genève et que les solutions reposent pour l'instant sur le dos de la Ville de Genève pour l'essentiel. Il faudrait quand même que les autres communes prennent leur bâton de pèlerin, si je puis m'exprimer ainsi, qu'elles apportent leur aide et fassent leur part dans cette politique. Cette aide ne peut pas uniquement dépendre de cette commune: il s'agit de près de 20 millions de francs par année assumés par la Ville de Genève ! Ce n'est pas possible de continuer sans que les autres communes s'impliquent, et on comptait un peu sur le Conseil d'Etat ou ce Grand Conseil pour justement inciter l'Association des communes genevoises à entrer en matière et à faire plus que ce qu'elle a fait jusqu'à maintenant. Sauf erreur, elle a voté une aide d'un million de francs, mais on ne va pas très loin avec ça.

Par conséquent, je crois qu'on attend du Conseil d'Etat qu'il prenne le taureau par les cornes et qu'il convainque - avec la Ville de Genève, bien sûr - les communes de faire chacune leur part en fonction de leur population. Ça concerne évidemment surtout les communes suburbaines, mais chacun doit faire sa part ! Là-dessus, nous sommes un peu déçus par le Conseil d'Etat et son implication, mais peut-être que le magistrat va nous expliquer ce qui est en cours. J'aimerais bien l'entendre, parce que, pour l'instant, je n'entends pas grand-chose de ce côté-là - mais je suis peut-être mal informé ! C'est donc l'occasion d'en parler avec ce projet de loi que nous refuserons de renvoyer à la CACRI et que nous voterons ce soir, car il est nécessaire.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, je voudrais d'abord vous remercier pour cet accueil jusqu'à présent majoritairement favorable dans vos prises de parole sur ce projet de loi. Quelques commentaires sur ce que j'ai entendu à l'instant. Tout d'abord, j'ai entendu qu'on aurait besoin d'abris seulement en hiver et pas en été. Nous ne voulons plus de cette politique du thermomètre à Genève: que ce soit l'été, l'hiver ou, comme aujourd'hui, le printemps, mais avec un temps exécrable, les besoins des personnes sans abri sont réels ! On ne vit pas mieux dans la rue en été qu'en hiver, c'est une image fausse que je vous prie de corriger.

Deuxième élément, vous avez parlé de chantage, Monsieur le député Florey: il n'en est rien ! Il était pour moi absolument nécessaire de vous rendre attentifs à votre responsabilité en tant que parlement et il vous faut assumer cette responsabilité ! Si je ne vous avais pas dit qu'il y avait effectivement une décision à prendre aujourd'hui, vous m'auriez dit: «Mais comment ça se fait, on apprend plus tard que des contrats de travail auraient été résiliés ?» Je pense que l'honnêteté vous amènera à me rejoindre sur cette question-là.

Le projet de loi sur l'accueil des personnes sans abri que le Conseil d'Etat a déposé a fait l'objet d'un long travail avec l'Association des communes genevoises. C'est le Conseil d'Etat qui, en janvier 2020, a soumis à la consultation de l'ACG un avant-projet de loi permettant effectivement de stabiliser et de consacrer les compétences du canton et des communes. En octobre 2020, l'assemblée générale de l'ACG a refusé - très majoritairement - l'appui à ce projet de loi et je n'ai pas voulu que ce projet soit enterré. Votre serviteur a maintenu les contacts avec le président de l'ACG pour remettre l'ouvrage sur le métier et le département de la cohésion sociale a travaillé à une solution avec le comité de l'ACG dans un premier temps. Cette démarche a pu aboutir à une proposition soutenue par le Conseil d'Etat et, in fine, par l'assemblée générale de l'ACG en février 2021. Du coup, nous avons pu élaborer l'ensemble du dispositif, puis le faire adopter par le Conseil d'Etat et, enfin, le renvoyer à la commission des affaires communales, régionales et internationales, ce qui me réjouit. Tout comme me réjouit l'empressement de la commission à traiter cet objet, puisque celui-ci est à l'ordre du jour de la prochaine séance de commission ! Vous voyez bien que l'implication du Conseil d'Etat est importante, mais il a été décidé que ce type de projets ne pouvait pas se réaliser sans un appui certain et réel de l'Association des communes genevoises.

Enfin, on a souvent demandé qui sont les personnes qui fréquentent aujourd'hui ce type de dispositif. Permettez-moi de vous donner quelques exemples, autrement dit quelques vignettes, de ces personnes. Je parlerai par exemple de M. A., âgé de 76 ans, de nationalité suisse, arrivé en urgence à l'unité mobile d'urgences sociales, l'UMUS. Il dort depuis dix ans dans sa voiture: après le décès de sa femme, il a décidé de se retirer du monde et il refusait catégoriquement d'être hébergé dans des structures d'urgence. Evidemment, ce monsieur souffre, sa situation personnelle est grave et il a beaucoup de difficulté à vivre en collectivité. Néanmoins, après un long travail d'approche, il a accepté qu'un dispositif d'accompagnement et d'encadrement fasse les démarches nécessaires pour lui permettre d'entrer dans un immeuble avec encadrement pour personnes âgées.

Permettez-moi encore d'aborder la situation de Mme D., 41 ans, de nationalité espagnole, titulaire d'un permis B, à Genève depuis 2010, travailleuse du sexe. Après la crise de la covid, elle a dû mettre un terme définitif à son activité; elle vivait en colocation avec quatre autres personnes dans une chambre où elle payait 500 francs le lit. Une association de soutien aux femmes l'a orientée, dans cette terrible situation, vers le dispositif CausE qui a pu la diriger ensuite vers un logement de stabilisation au sein du dispositif que vous allez soutenir.

Pour terminer, je mentionnerai Mme J., 44 ans, de nationalité philippine, avec un permis C. Elle a un fils de 2 ans. Elle est en Suisse depuis 1996 et elle a encore deux autres enfants dont elle n'a pas la garde. A la fin de l'année 2020, conséquence évidente de la crise de la covid, elle a été licenciée en raison du manque de besoins dans son domaine. Mme J. reçoit des indemnités de chômage, mais pas suffisamment élevées pour se payer un logement avec son fils, à qui on a diagnostiqué des troubles autistiques dans l'intervalle et pour qui une prise en charge pluridisciplinaire est devenue nécessaire. Sans autres alternatives, Mme J. et son fils ont pu intégrer le dispositif CausE en janvier 2021. Depuis lors, la stabilisation offerte à cette dame par ce logement temporaire a permis de reprendre contact avec les diverses régies et de soutenir ses demandes pour l'obtention d'un logement pérenne. Comme pour toutes les 164 autres situations existantes, notre volonté commune est d'apporter de la dignité à ces personnes. Je vous remercie de votre attention et de votre appui à ce projet de loi. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais d'abord voter la demande de renvoi de ce projet de loi à la CACRI.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12939 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejeté par 80 non contre 8 oui.

Le président. Je mets à présent aux voix l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12939 est adopté en premier débat par 79 oui contre 8 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 4.

Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 5 «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 5 est adopté par 76 oui contre 8 non et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12939 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 76 oui contre 8 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12939