République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 mars 2021 à 16h20
2e législature - 3e année - 10e session - 64e séance
PL 12406-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous passons maintenant à deux objets liés, les PL 12406-A et PL 12422-A, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole à M. Pierre Eckert, rapporteur de majorité sur le PL 12406-A.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je ne vais pas dire grand-chose sur ce projet de loi puisque celui déposé par le parti socialiste, le PL 12422, est plus intéressant. On voit bien que le PL 12406, qui demande l'incompatibilité entre le mandat de conseiller administratif en Ville de Genève et celui de conseiller national ou de conseiller aux Etats, est uniquement une lex Barazzone. Nous pensons que c'est extrêmement restrictif et extrêmement... comment dire... Nous préférons que l'ensemble de cette problématique d'incompatibilité soit regardée sous un aspect plus général, et je reprendrai la parole au moment où nous traiterons le projet de loi du parti socialiste. En attendant, je vous recommande de refuser le texte dont nous parlons ici, le PL 12406-A.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je donne la parole au rapporteur de minorité, M. Christian Flury, toujours sur le PL 12406-A.
M. Christian Flury (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais me prononcer sur les deux objets. Ces deux projets de lois visent simplement à rendre incompatibles les fonctions électives de conseiller municipal dans les communes de plus de 10 000 habitants avec celle de député au Grand Conseil, et celle de conseiller administratif avec celle de député au Grand Conseil, des mandats fédéraux ou un emploi dans l'administration de sa commune. Les auditions auxquelles la commission a procédé ont mis en évidence qu'il s'agissait essentiellement de questions d'organisation personnelle et d'agenda, subsidiairement d'écarter de potentiels conflits de compétence ou d'intérêts.
Des députés qui sont également maires dans leur commune nous ont expliqué qu'ils arrivent à harmoniser les contraintes de leurs divers horaires. D'autres députés qui sont aussi engagés dans des Conseils municipaux y parviennent également. Demeurent réservées les contraintes spécifiques de la Ville de Genève, dont les conseillers municipaux ont un emploi du temps quasiment aussi chargé que celui d'un député, avec régulièrement des collisions de séances. En l'absence de conseillers municipaux suppléants, les députés titulaires d'un double mandat privilégient alors leur présence au Conseil municipal de la Ville.
Quant au cumul des fonctions de conseiller administratif en Ville de Genève et de conseiller national à Berne, en mettant bout à bout les impacts-temps, nous obtenons un équivalent temps plein de l'ordre de 190% - pratiquement une occupation correspondant à deux emplois pleins en parallèle. La surcharge de travail et le surmenage qui en résultent ont notamment conduit à des erreurs dans l'utilisation de cartes de crédit. Par décence, nous n'aborderons pas ici l'aspect rémunératoire du cumul de ces deux mandats: 300 000 francs pour le Conseil administratif de la Ville et 180 000 francs au Conseil national. Est-ce l'image que le monde politique veut donner à la population ? (Un instant s'écoule.)
Le président. Merci...
M. Christian Flury. Mentionnons encore, à titre d'exemple, un conseiller administratif d'une commune genevoise qui est à la fois conseiller administratif, député et président de l'Association des communes genevoises.
Enfin, beaucoup de partis peinent à trouver, dans les communes, des personnes disposées à s'engager en politique, ce qui peut effectivement conduire à des cumuls de mandats. Il ne faut pas pénaliser ces partis, mais les titulaires d'un double mandat devraient cependant rester marginaux. Fort de ces explications, le groupe MCG vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir son projet de loi, le PL 12406, et à rejeter le PL 12422. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je passe maintenant la parole au rapporteur de majorité sur le PL 12422-A, M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, le projet de loi dont il est question ici tente de résoudre le problème des incompatibilités, en particulier les situations susceptibles d'être qualifiées comme telles, entre les fonctions d'élus au niveau des communes et celles d'élus sur le plan cantonal. Les commissaires ont eu l'opportunité d'entendre notamment deux anciens constituants - mais également et surtout professeurs de droit - comme d'ailleurs au moins quatre magistrats et magistrates de communes exerçant une fonction au sein de notre Grand Conseil.
A l'issue de débats fouillés et constructifs, la majorité de la commission s'est focalisée sur deux points: la fonction et la personne de l'élu, ainsi que l'aspect général et abstrait que doit revêtir n'importe quelle disposition légale. Quant au premier point, la majorité s'est refusée à ne prendre en compte que la fonction exercée in abstracto, mais a tenu à différencier cet exercice au regard de la personne qui l'exerce. On ne saurait en effet édicter les mêmes règles pour des personnes qui ont plus ou moins de disponibilités. Une règle générale ne peut pas s'appliquer indifféremment et sans nuances à des personnes élues qui seraient mariées - avec ou sans enfants -, retraitées, étudiantes, sans profession ou autres. Leur emploi du temps n'est pas le même, pas plus que leurs disponibilités. Au fil des débats et des auditions, ce sont essentiellement des problèmes de disponibilité en temps et d'agendas surchargés qui sont apparus. Or, selon la majorité, ces aspects doivent être laissés à la libre appréciation et à la responsabilité civique et citoyenne de celui qui aspire à une telle fonction.
S'agissant du deuxième point, les commissaires de la majorité ont relevé à plusieurs reprises que ce projet de loi était sous-tendu par la survenance de cas particuliers et ont dès lors refusé de légiférer dans un tel cadre. La majorité a également estimé injuste la limite de 10 000 habitants imposée par le texte, la jugeant purement arbitraire et inéquitable.
Cela étant, même si juridiquement et constitutionnellement les incompatibilités voulues par le projet de loi sont possibles, la majorité, pour les raisons que je viens d'évoquer, a rejeté cet objet et vous invite, Mesdames les députées, Messieurs les députés, à faire de même. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole va au rapporteur de minorité sur le PL 12422-A, M. le député Diego Esteban.
M. Diego Esteban (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, si les travaux en commission ont débuté de manière prometteuse, ils se sont achevés de manière décevante. Un accord semblait en effet se dessiner sur le fait que la Constituante avait été trop timide au sujet des incompatibilités, mais une majorité a finalement décidé de ne rien faire de ce projet de loi, malgré une entrée en matière nettement acquise.
Il faut rappeler que le peuple a adopté en 2009, à une écrasante majorité, la lex Cramer qui interdit le cumul de fonctions électives cantonales et fédérales. Un véritable plébiscite en faveur de notre système de milice, car l'on voyait déjà, à l'époque, le cumul des mandats comme favorisant de manière inacceptable la professionnalisation de la politique et, inévitablement, l'éloignement des élus du reste de la population.
Le cumul des mandats électifs communaux avec le Grand Conseil, respectivement l'Assemblée fédérale, reste en revanche toujours permis à Genève. Ce qui est curieux, car tous les arguments qui plaidaient contre le cumul entre canton et Confédération en 2009 restent tout aussi pertinents s'agissant des autres cumuls. En effet, et je rappelle par exemple l'article 17 de la LOIDP, être simultanément membre de l'instance de contrôle et de l'instance contrôlée favorise les conflits d'intérêts. Pourquoi le raisonnement devrait-il être différent lorsque des députés qui siègent dans un Conseil administratif peuvent participer à la révision de la LAC ou de la LRT - en d'autres termes, de l'ensemble des règles qui définissent les compétences des communes -, parfois jusqu'au sein de la commission des affaires communales ?
On accuse ce projet de loi de décourager les vocations, mais les mandats électifs ne sont pas des pièces de collection; il faut savoir organiser ses priorités. Le problème, c'est qu'un système qui admet des cumuls dévalorise les mandats concernés. Bon nombre d'élus dans les Conseils administratifs que la commission a auditionnés ont relevé qu'il serait inimaginable de devoir s'absenter pour trois semaines, plusieurs fois par an, pour siéger à l'Assemblée fédérale. Et l'Assemblée fédérale, parlons-en: selon une étude de l'Université de Genève datant de 2017, le taux d'activité médian des membres du Conseil national est de 71% et même de 87% pour les membres du Conseil des Etats.
Siéger au sein d'un Conseil administratif est aussi une charge lourde, et ce n'est pas celui de Collex-Bossy qui me contredira: l'intégralité de ses membres a démissionné pour cause de surcharge de travail au cours de la dernière législature. Cumuler ce mandat avec celui de député implique de faire des choix et de renoncer à une partie des charges de l'une ou l'autre fonction, voire des deux. Cela veut dire, par exemple, renoncer à représenter sa commune à certaines séances de l'ACG ou être moins présent dans les commissions parlementaires. L'on a vite tendance à oublier que ces absences sont au final compensées par les efforts des autres membres du Conseil administratif, respectivement du groupe parlementaire.
Je pourrais mentionner d'autres éléments encore, comme les trop nombreuses fois où des élus qui cumulent des fonctions profitent de la disponibilité de députées suppléantes et de députés suppléants pour privilégier leur mandat communal plutôt que de laisser leur siège à une personne plus disponible et certainement plus motivée. Il n'en reste pas moins que le cumul des mandats menace la démocratie de milice et la séparation des pouvoirs, favorise les conflits d'intérêts et alourdit la charge de travail d'élus souvent déjà débordés.
Plusieurs élus qui cumulent le Grand Conseil et un mandat communal nous ont fait part de la difficulté d'accéder aux informations concernant leur commune. Si l'on peut déplorer un accès à l'information trop limité, un renforcement des mécanismes de consultation de la LAC est nettement plus pertinent que de pratiquer le cumul des mandats. Si c'est à ces extrémités que l'on pousse les élus dans les communes, c'est que nous avons atteint les limites du système.
La minorité ne saurait se contenter du statu quo, raison pour laquelle je vous enjoins d'accepter l'entrée en matière sur le PL 12422. Si vous l'acceptez, je demanderai le renvoi de ce projet de loi en commission afin que les amendements puissent être discutés avec attention.
M. Patrick Dimier (MCG). L'incompatibilité: on parle, pour une fois, d'incompatibilité institutionnelle, parce que les incompatibilités sont fréquentes dans ce parlement et dans le monde politique en général. Je suis assez d'accord avec mon préopinant et il faut peut-être bien renvoyer ce projet de loi en commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. le député Patrick Lussi. (Un instant s'écoule.)
Une voix. Patrick !
Le président. Monsieur Patrick Lussi, c'est à vous !
M. Patrick Lussi (UDC). Excusez-moi, Monsieur le président, j'étais sur une demande de renvoi en commission: c'est pour ça que je n'ai pas réagi tout à fait immédiatement.
Le président. Je n'ai pas très bien compris: vous demandez le renvoi en commission ? (Un instant s'écoule.) Vous demandez le renvoi en commission ? (Commentaires.)
M. Patrick Lussi. Ah, ce n'est pas à moi de m'exprimer sur le renvoi en commission, mais je pense que je suis d'accord ! Merci.
M. Pierre Vanek (EAG). Rapidement, Monsieur le président: nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission du texte du parti socialiste, le PL 12422. Nous nous étions abstenus lors du vote final puisque l'état du projet pose un certain nombre de problèmes, mais on peut en effet continuer à en discuter.
Par contre - j'en viens à l'autre objet - le PL 12406 nous semble frappé au coin du bon sens ! Il est tout simple: il dit que les conseillers administratifs de la Ville de Genève ne peuvent pas, en même temps, aller faire le conseiller national ou le conseiller aux Etats. C'est une impossibilité matérielle, une surcharge évidente qu'il faut proscrire. Ce n'est bien sûr pas une loi ad hominem: le cas de Guillaume Barazzone est réglé, on le sait - il l'a réglé comme il a pu -, mais pour des raisons évidentes, ce n'est pas une bonne idée de cumuler ces deux mandats-là. L'article 103 de la constitution proscrit notamment le fait que les membres du Conseil d'Etat puissent exercer un mandat électif fédéral; raisonnablement, et on peut discuter de cette situation et des raisons qui l'expliquent, la charge des conseillers administratifs en Ville de Genève s'apparente à celle des conseillers d'Etat. Ils sont chargés, du point de vue exécutif, d'une commune qui représente la moitié du canton, mais sont cinq et non sept; logiquement, aller quatre fois par an à Berne faire l'élu fédéral durant trois semaines, ce n'est pas raisonnable ! Il y a donc là une réponse concrète à un problème concret qui est posé, nous avons soutenu ce projet de loi et nous continuerons à le soutenir.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je relève juste que M. le rapporteur de minorité sur le PL 12422-A a annoncé qu'il demanderait le renvoi en commission une fois l'entrée en matière acceptée. A ce moment-là, je demanderai aux rapporteurs de se prononcer sur le renvoi en commission; pour l'instant, le débat continue et je donne la parole à M. le député Daniel Sormanni.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous rappeler que nombre de conseillers d'Etat, il y a quelques années, siégeaient effectivement à Berne, au Conseil national et au Conseil des Etats ! Il est assez curieux de voir que les partis qui maintenant, subitement, demandent des incompatibilités maximum, je dirais, sont ceux qui justement trustaient ces sièges ! Les Verts et le parti socialiste en particulier.
Il est donc vrai que les temps ont changé, mais c'est précisément pour ça que j'ai déposé le PL 12406. Il vise effectivement une fonction importante, qui est un emploi à plein temps: conseiller administratif de la Ville de Genève. Au même titre que les conseillers d'Etat, ces élus n'ont pas non plus à cumuler leur charge et un mandat à Berne, aux Chambres fédérales. C'est pourquoi je pense qu'il est parfaitement logique de voter ce projet de loi, même si aujourd'hui le cas ne se présente plus puisque, en l'occurrence, l'élu, qui n'était pas visé personnellement, a démissionné de tous ses mandats. Il me semble que c'était assez logique: ce n'était pas normal d'exercer ces deux fonctions, qui sont deux fonctions pratiquement à plein temps. Le rapporteur, M. Flury, a démontré tout à l'heure que ça représente pratiquement 190% de temps, soit quasiment deux mandats à plein temps. Il est donc parfaitement logique de voter ce projet de loi !
S'il est logique de créer des incompatibilités entre les exécutifs et le législatif, ça ne l'est pas d'étendre ces incompatibilités: on veut créer des incompatibilités entre les conseillers municipaux et les députés alors que, je le rappelle, ce n'est pas du tout de la même nature ! Ce n'est pas du tout de la même nature ! Un Conseil municipal, ce n'est d'ailleurs même pas un parlement: c'est un délibératif avec des pouvoirs, je pense, extrêmement restreints. Cumuler un «petit» Conseil municipal - je mets ça entre guillemets, je suis concerné alors j'utilise le terme tout à fait dans un bon sens - et un mandat de député, ça n'a rien à voir: ce ne sont pas des fonctions à temps complet. Il s'agit de fonctions de milice qui peuvent absolument être assumées en parallèle pour ceux qui ont le temps de le faire. Je crois qu'avoir deux mandats de milice législatifs, ce n'est pas la même chose qu'avoir deux mandats professionnels de conseiller administratif ou de conseiller d'Etat - ce problème est maintenant réglé - et autre.
C'est pourquoi le MCG vous recommande bien sûr de voter le PL 12406, qui vise à rendre incompatible une fonction de conseiller administratif en Ville de Genève avec un mandat aux Chambres fédérales, parce que le cas peut se représenter demain, et de refuser le PL 12422, car il est excessif. Merci.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, je m'exprimerai en premier lieu sur le PL 12406-A et ensuite sur le PL 12422-A. Dans les deux cas, le groupe libéral-radical vous recommandera de refuser l'entrée en matière. S'agissant du PL 12406, c'est un texte qui propose une incompatibilité entre la fonction de conseiller administratif en Ville de Genève et celle d'élu aux Chambres fédérales. D'abord sur le fond: sur le fond, Monsieur le président, nous considérons que les villes ont aujourd'hui, de plus en plus, une réalité politique spécifique et doivent pouvoir être clairement représentées au niveau fédéral. Dès lors, quoi de plus utile qu'un conseiller administratif d'une ville comme Genève qui occupe également une fonction élective aux Chambres fédérales ? Sur le fond, cela ne nous apparaît donc pas comme une incompatibilité, mais plutôt comme une nécessité, dans certains cas, pour mieux articuler la réalité des villes et la réalité fédérale.
Maintenant sur la forme: je rigole, parce que j'entends des gens autour de moi me dire que quand ils ont fait leurs huit heures, ils ne peuvent pas faire plus ! Peut-être pas, pour certains, mais je pense que la grande majorité des élus fédéraux sont des indépendants ou des salariés qui s'arrangent avec leur employeur pour pouvoir effectivement cumuler, dans le cadre de la répartition de leur temps, leur mandat électif et leur activité professionnelle. Je vous rappelle que les élus fédéraux sont des miliciens et non des gens qui ont une double fonction avec un double revenu, et cet arrangement-là me paraît tout à fait possible. De même qu'il est parfaitement possible pour un conseiller administratif, fût-il considéré comme étant à plein temps - je me demande ce qu'est un plein temps pour un magistrat, il ne se limite certainement pas à quarante heures par semaine -, de s'organiser, surtout avec les moyens de communication modernes, pour être apparemment dans son bureau mais en réalité dans la salle des pas perdus à Berne. Il n'y a donc là non plus, sur la forme, aucune raison d'accepter une incompatibilité.
Et permettez-moi quand même de le dire: vouloir faire une loi spécifique - une lex Barazzone - parce que ça déplaisait à certains d'avoir un M. Barazzone qui était à la fois à Genève et à Berne, ça a quelque chose d'inacceptable. Voilà donc les arguments pour lesquels nous vous invitons à nous suivre et à refuser l'entrée en matière sur le PL 12406.
S'agissant maintenant du PL 12422, il traite également des incompatibilités. Il vise premièrement à rendre incompatible une fonction de conseiller municipal avec une fonction d'élu au Grand Conseil. Mais je reprends exactement les mêmes arguments: il est aujourd'hui essentiel que notre parlement ne travaille pas en silo, mais que nous puissions au contraire travailler en articulation avec les réalités communales ! On n'a évidemment pas besoin de multiplier le nombre de fonctions et que tous les conseillers municipaux siègent dans notre enceinte, mais il est néanmoins extrêmement important que la réalité municipale, celle qui finalement est la plus proche de la réalité populaire, soit effectivement représentée dans notre enceinte. Alors non: rejetons fermement cette incompatibilité.
Deuxièmement, le PL 12422 vise à rendre incompatible le mandat de membre d'un exécutif communal avec une fonction élective au niveau fédéral ou au niveau cantonal. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Là encore, Monsieur le président, la grande majorité des communes a des exécutifs qui ont toute leur place dans notre enceinte notamment, et ce pour les mêmes raisons que j'évoquais tout à l'heure avec le PL 12406. Finalement, c'est une autre manière de le dire, il est nécessaire d'offrir la possibilité aux exécutifs communaux d'être aussi élus à Berne.
Pour ces raisons-là, nous vous invitons à également rejeter le PL 12422 et évidemment, parce que nous travaillons sur ces objets depuis plusieurs années, à refuser le renvoi en commission. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Thierry Cerutti pour vingt secondes. (Un instant s'écoule.) Vingt secondes, Monsieur Cerutti !
M. Thierry Cerutti (MCG). Vingt secondes - merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ces vingt secondes suffiront pour dire que je suis à 100% d'accord avec les propos de notre collègue Pierre Conne. Il a exprimé exactement ma pensée et le fond de ce que je voulais dire par rapport à ces deux projets de lois. Merci.
Le président. Comme il s'est exprimé sur les deux, je pense que vous faisiez référence au PL 12422-A ?
M. Thierry Cerutti. Exactement.
M. Diego Esteban (S), rapporteur de minorité. Permettez quelques mots au sujet du PL 12406-A. Pour le groupe socialiste, les règles régissant les incompatibilités sont insuffisantes pour garantir le bon fonctionnement de notre système démocratique et de nos institutions. C'est justement pour cette raison que nous avons déposé le PL 12422, que nous abordons en parallèle. Une différence de fond majeure distingue toutefois les deux textes: il s'agirait ici de légiférer uniquement pour la Ville de Genève. Pour cette raison déjà, notre groupe refusera l'entrée en matière, car nous sommes attachés à l'égalité de traitement entre les communes. Combattre le cumul des mandats, oui, mais pas dans une seule des quarante-cinq communes genevoises.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Diego Esteban. Par ailleurs, les incompatibilités concernant les mandats électifs figurent toutes dans la constitution et ce projet de loi propose d'utiliser la fin d'un alinéa de l'article 142 pour modifier un élément notable de notre système démocratique par le biais de la LAC. Nous sommes d'avis que cet enjeu mérite un ancrage dans la loi fondamentale et mérite à ce titre un vote populaire, comme en 2009. Pour toutes ces raisons, nous refuserons l'entrée en matière sur le PL 12406-A et vous invitons à en faire de même.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de majorité. Tout ce qu'il fallait dire du PL 12406 a été dit. Nous le refuserons, non parce que nous soutenons le fait qu'on puisse à la fois être conseiller administratif et représentant aux Chambres fédérales, mais simplement, comme vient de l'indiquer le rapporteur, M. Esteban, il faut inclure cette incompatibilité dans un principe plus général. C'est pourquoi nous refuserons le PL 12406 et entrerons en matière sur le PL 12422. Nous pensons toutefois que ce projet de loi mérite quelques aménagements et nous soutiendrons par conséquent le renvoi en commission.
Maintenant, j'aimerais exposer une ou deux considérations sur les incompatibilités. Celles-ci peuvent revêtir, à notre sens, trois aspects. Le premier, c'est l'aspect de l'incompatibilité de temps, ou de disponibilité; on l'a déjà évoqué un certain nombre de fois. Je pense que les citoyennes et les citoyens peuvent quand même attendre d'une personne qui a été élue qu'elle se consacre entièrement à sa tâche et ne se disperse pas trop, sur plusieurs champs de bataille.
La deuxième question qui peut se poser est celle du conflit d'intérêts. Les intérêts d'une commune ne sont pas forcément ceux du canton, et on le voit assez souvent dans cet hémicycle. On nous rétorquera que c'est très bien de défendre des intérêts très locaux sans siéger dans un délibératif, mais que cela aide quand même d'en faire partie. On met aussi en avant la fluidité de passage d'une instance à l'autre, c'est-à-dire l'aisance à porter des dossiers d'un niveau à l'autre. Nous pensons qu'il s'agit d'une justification ad hoc et qu'il existe bien d'autres moyens d'assurer cette fluidité. Cet aspect pose donc à notre sens quand même partiellement un problème, ce problème de conflit d'intérêts potentiel.
Enfin, l'aspect qui nous concerne plus spécifiquement, chez les Verts, c'est la distribution aussi large que possible des tâches dans un parti. Nous nous sommes fixé cette règle - nous l'avons adoptée - et c'est pourquoi nous soutenons cette approche: elle évite la concentration du pouvoir, voire de l'information. Quand des élus siègent dans plusieurs instances, l'information est en effet souvent concentrée sur les mêmes personnes. Nous ne soutenons donc pas ce cumul, bien que nous souhaitions qu'on puisse faire preuve d'un peu de souplesse - c'est prévu dans les statuts des Verts et c'est ce qui manque dans le PL 12422. Des exceptions pourraient par exemple être admises pour des députés suppléants ou pour terminer un mandat; nous défendons aussi la possibilité d'aller au bout d'un mandat. C'est pourquoi nous vous proposerons un certain nombre d'amendements si l'entrée en matière sur ce projet de loi est acceptée. Mais comme il s'agit, on l'a dit, d'un changement constitutionnel...
Le président. Vous parlez désormais sur le temps de votre groupe.
M. Pierre Eckert. ...nous préférerions que ces amendements soient discutés en commission. Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Je suis désolé, Monsieur le président, j'aurais aimé intervenir sur le PL 12406, pour lequel je n'ai pas pu faire part de la position de mon groupe. Je crains d'ailleurs que le fait d'avoir lié ces deux objets n'amène une certaine confusion. Est-ce que vous m'autorisez à intervenir sur le PL 12406 ?
Le président. Mais bien sûr, faites ! Ils sont liés.
M. Jean-Marc Guinchard. Vous êtes bien aimable, je vous remercie. J'aimerais souligner en premier lieu qu'un conseiller administratif de la Ville de Genève dispose d'un état-major bien construit et de collaborateurs qui connaissent extrêmement bien leurs activités. Sur le plan fédéral, un conseiller national peut s'adjoindre l'aide d'un assistant parlementaire. J'ajoute que certaines personnes ont des capacités de travail hors du commun et qu'elles arrivent parfaitement à gérer cette double situation, qui n'est pas unique à Genève, notamment grâce aux moyens de communication modernes. Preuve en est d'ailleurs que dans le double mandat qu'il exerçait à l'époque, M. Barazzone a démontré de manière non contestable que ses activités, tant à Genève qu'à Berne, ont été bien fournies et efficaces.
Enfin, j'énoncerai un dernier argument au nom de mon groupe. Je rappelle que la tâche de conseiller administratif ou de maire d'une grande commune représente un travail très important; je ne vois pas pourquoi on fait une distinction en ne légiférant que pour les gens de la Ville de Genève. Je vous remercie et j'interviendrai à nouveau comme rapporteur du PL 12422-A plus tard.
Le président. C'est-à-dire ? Parce que nous sommes arrivés à la fin des débats: la parole n'est plus demandée. Et vous voulez revenir comme rapporteur sur le PL 12422-A ? Mais vous êtes déjà le rapporteur sur cet objet !
M. Jean-Marc Guinchard. Je ne vous ai pas entendu, Monsieur le président.
Le président. Vous venez de dire que vous interviendriez plus tard ! Il n'y a plus d'inscrits et nous allons passer en procédure de vote !
M. Jean-Marc Guinchard. Très bien.
Le président. Très bien. La parole n'étant plus... (Remarque.) La parole est demandée par M. le député Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Juste pour que ce soit clair: nous demandons le vote immédiat du PL 12406-A et le renvoi en commission du PL 12422-A.
Le président. Vous surenchérissez ainsi sur la proposition de M. Diego Esteban, qui a déjà annoncé qu'il demanderait le renvoi après l'entrée en matière. Je vais donc en rester à la demande de M. Esteban et ne pas vous faire voter maintenant sur le renvoi en commission.
M. Pierre Eckert. Très bien.
Le président. Nous commençons par le vote d'entrée en matière sur le PL 12406-A.
Mis aux voix, le projet de loi 12406 est rejeté en premier débat par 73 non contre 20 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12422 est rejeté en premier débat par 52 non contre 39 oui.