République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 mars 2021 à 14h
2e législature - 3e année - 10e session - 63e séance
M 2744
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, la M 2744, classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à l'auteur du texte, M. le député Grégoire Carasso.
M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, un collègue issu des rangs du centre droit me parlait il y a quelque temps de son ami, employé dans la restauration, au chômage depuis de nombreux mois, et des dizaines, des dizaines et des dizaines de lettres qu'il était obligé d'envoyer, en sachant pertinemment leurs chances de succès proches de zéro, parce que le secteur est sinistré - non seulement il n'engage personne, mais il est contraint de licencier. Qui peut, chers collègues, en pleine période de crise sanitaire et économique, cautionner une contrainte aussi absurde, chronophage et humiliante ? Le conseiller d'Etat Mauro Poggia nous dira, en coiffant son casque à boulons... (Commentaires.) ...que c'est une obligation fédérale et que les personnes au chômage qui n'y arrivent pas méritent d'être sanctionnées. Mais qu'en est-il de la réalité de ce cadre fédéral ? Je cite un courrier du service juridique du SECO: «Dans le cadre de la prolongation de la fermeture des restaurants, des magasins [...], nous avons rendu attentifs les ORP qu'ils devaient tenir compte de ces paramètres dans le cadre des preuves de recherches personnelles d'emploi; en particulier les sanctions doivent être appliquées avec beaucoup de prudence, compte tenu de la situation difficile sur le marché du travail.» Un courrier qui date de janvier 2021.
Qu'en est-il des chiffres ? J'ai croisé les statistiques fédérales de Genève avec celles de tous les autres cantons suisses pour janvier et février 2021. Que nous disent ces chiffres ? Que Genève frappe fort ! Que Genève frappe fort et plus fort que tous les cantons suisses allemands, chers collègues ! Cette politique de sanctions, qui revient à faire les poches des personnes au chômage, est indigne. Chers collègues, en pleine crise, vous avez la possibilité d'infléchir cette politique en votant aujourd'hui cette motion. Soutenir plutôt que punir ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). A l'origine, cette motion était intitulée «Soutenir plutôt que punir». Une recommandation que nous devrions sans peine, voire sans hésitation, faire nôtre. N'est-ce pas le b.a.-ba de toute assurance sociale ? Or force est de constater que ce concept élémentaire ne guide pas assez l'action de l'OCE. Nous avons reçu lors de notre dernière session un courrier et un communiqué de presse faisant état de la détresse des personnes au chômage qui se trouvent obligées de faire des recherches d'emploi sur un marché du travail sinistré, qui le plus souvent n'est même plus en mesure de traiter ces demandes d'emploi.
Ces chômeurs et chômeuses qui ont, le plus souvent, déjà fait le tour de toutes les entreprises entrant dans leur champ de compétences - ou se situant autour - perdent courage ou savent que leur démarche est inutile, vouée à l'échec. De fait, nombreux sont ceux qui ralentissent leurs recherches ou se refusent à faire des demandes bidon. Pour cela, ils sont pénalisés par l'office cantonal de l'emploi. Or cette exigence d'un nombre donné de recherches d'emploi qui ne tient pas compte de l'offre alimente artificiellement la machine administrative. Elle surcharge inutilement les entreprises. Elle place les chômeurs et les chômeuses sous une pression néfaste. De fait, cette pratique de l'office cantonal de l'emploi n'a aucun sens et n'est pas favorable à la réinsertion professionnelle de ces personnes.
Une sanction pour ce motif, il faut le savoir, ce peut être huit jours ou plus non indemnisés par le chômage, ce qui signifie, pour une personne qui se voit ainsi pénalisée, une réduction de près de 37% de ses indemnités de chômage - 36,9%, pour être précise - qui s'ajouteront aux 20% ou 30% de réduction prévus par l'assurance-chômage au moment de l'inscription, soit respectivement 56,9% ou 66,9% de réduction de ses ressources. Allez donc payer vos charges et vivre avec ce qui vous reste ! Cette perte de ressources est non seulement hautement préjudiciable pour les chômeurs et les chômeuses, mais elle constitue surtout une bombe sociale à retardement. Comme si, de ce point de vue, nous ne marchions pas déjà sur un champ de mines, avec l'augmentation dramatique de la pauvreté et de la précarité engendrée par la crise covid. De nombreuses mesures ont été prises dans ce parlement pour aider les entreprises - nous venons de le faire à l'instant -, il est temps d'aider concrètement les travailleurs frappés par la même crise.
J'aimerais d'ailleurs revenir sur les débats de ce matin sur la pétition 2086, relative au nombre de recherches d'emploi exigé pour des chômeurs et des chômeuses. Un débat qui a fait apparaître soit une dommageable méconnaissance des difficultés auxquelles sont confrontés les chômeurs, soit un mépris de ceux-ci qui n'est pas acceptable. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Qui plus est, j'ai été atterrée par l'une des déclarations de M. Poggia, qui a dit: «Qui cherche du travail trouve !» (Commentaires.) A le bien comprendre, il en ressortirait que tous les chômeurs et les chômeuses qui se retrouvent en fin de droit le seraient par leur faute, car ils n'auraient pas assez cherché de travail ! A le bien comprendre, il n'y aurait pas de chômage structurel dans notre canton, juste des gens qui ne cherchent pas assez activement du travail !
Le président. Merci.
Mme Jocelyne Haller. Une telle déclaration n'est pas audible. Elle n'est pas digne d'un conseiller d'Etat chargé du département de l'emploi. (Applaudissements. Exclamation.)
Le président. C'est terminé.
Mme Jocelyne Haller. Enfin... (Le micro de l'oratrice est coupé.)
Le président. Monsieur le député Stéphane Florey, à vous la parole.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion est du même acabit que la pétition 2086. Ce sont à peu près les mêmes demandes, à savoir qu'elle prône l'oisiveté et demande une prise en charge totale par l'Etat de la situation des chômeurs. Cela est inacceptable. Demander à des chômeurs de se déresponsabiliser complètement de leurs obligations n'est pas sain. C'est même inadmissible, sous prétexte d'une situation économique certes difficile, d'en arriver à dire: «Non, non, mais maintenant il faut les laisser tranquilles, il faut arrêter avec ces pénalités, avec ces recherches qui ne servent à rien !» Mais c'est en partie faux, parce que malgré tout - et on a eu encore un exemple dans le journal récemment - il y a même des restaurants qui ouvrent en pleine période de pandémie ! Le dernier qui a ouvert... Alors ils se sont organisés en conséquence et actuellement, ils ne font qu'à l'emporter, mais au boulevard du Pont-d'Arve, il y a un restaurant qui a ouvert récemment ! Pas plus tard qu'il y a dix ou quinze jours ! Donc on voit que malgré tout, même si l'économie tourne au ralenti, il y a quand même des entrepreneurs qui osent se lancer, et on voit bien que le système ne s'est pas totalement arrêté ! Donc dire aujourd'hui aux chômeurs qu'il faut tout arrêter est irresponsable et n'entre dans aucune logique, sauf à leur dire: «Restez chez vous !»
Enfin, il me semble que, de toute façon, cette motion est en partie déjà obsolète, puisque, sauf erreur de ma part, les indemnités de chômage ont déjà été prolongées, et ce, me semble-t-il, pour la deuxième fois. Il me semble que si la situation devait perdurer, bien évidemment, ces indemnités seraient prolongées également. Nous refuserons donc la motion. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, on l'a dit, une bonne partie de la discussion a déjà eu lieu ce matin, à l'occasion du débat enflammé sur la pétition 2086. Bien entendu, la discussion de ce matin concernait le nombre de postulations qu'il faut soumettre; on ne va pas revenir sur ce point-là. Ce qui nous occupe ici, ce sont plutôt les conséquences et les sanctions qui sont prononcées suite à un nombre insuffisant de postulations.
Je reviens sur les invites. Pour ce qui est de la première, elle nous paraît très raisonnable. Il s'agit simplement d'adapter aux réalités économiques et sanitaires les exigences de l'OCE en matière d'obligation de production de recherches. S'adapter notamment aux réalités sanitaires paraît quand même la moindre des choses. Si ce n'est plus possible de faire la queue à l'office cantonal de l'emploi, il est difficile aussi d'amener beaucoup de gens dans cette institution. Si on a des offices, des institutions, des établissements qui sont fermés, comme les restaurants, ça devient aussi difficile de faire des postulations dans le domaine de la restauration. L'adaptation à la situation sanitaire et économique nous paraît donc totalement raisonnable. Concernant les amendements proposés sur cette première invite, nous sommes d'accord d'en supprimer la fin et d'en rester à l'adaptation aux réalités économiques et sanitaires.
Les autres invites sont pleines de bon sens également; il s'agit simplement de renoncer à l'effet rétroactif et de demander au Conseil fédéral de prolonger la durée des indemnités, les délais-cadres pour toutes les personnes au chômage; cela nous paraît raisonnable aussi. Nous soutiendrons donc cette motion avec l'amendement qui sera proposé sur la première invite. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, il faut aussi faire référence à la discussion de ce matin sur la pétition 2086, qui a finalement été classée. Vous avez vu que notre groupe a été divisé sur cet objet. Raison pour laquelle, s'agissant de ce texte-ci, dont nous sommes en partie signataires, de manière à être cohérents, nous avons proposé un amendement consistant à supprimer la première invite, celle qui demande justement la suspension de l'obligation de recherches tant que la pandémie durera. En revanche, nous pouvons souscrire aux autres invites, parce que je retiens l'argument «soutenir plutôt que punir». L'idéal est bon. C'est vrai qu'on traverse une période difficile, et on est obligé d'entrer en matière sur ce genre de considérations. Nous vous invitons donc à soutenir cette motion, mais également à soutenir notre amendement, qui consiste à supprimer la première invite. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député André Pfeffer, vous avez la parole pour vingt-cinq secondes.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. En complément de ce qu'a dit mon collègue, je rappelle que l'objectif de l'OCE est de tout faire pour un retour à l'emploi. Sans effectuer de recherches d'emploi, il n'y a pas de retour à l'emploi; sans effectuer d'offres de service, le chômeur se déconnecte du marché de l'emploi. Il n'est pas question de pénaliser...
Le président. Merci.
M. André Pfeffer. ...de contraindre ou autre, mais il s'agit au contraire de favoriser un retour à l'emploi.
Le président. Merci beaucoup, c'est terminé. Je passe la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Les auteurs de cette proposition de motion font fausse route. En fait, les problèmes qu'ils dénoncent sont de faux problèmes. Le vrai problème actuellement, c'est la concurrence frontalière... (Commentaires.) ...le fait que de nombreuses personnes vont se retrouver au chômage à cause de la concurrence frontalière. (Vifs commentaires.) Ce sont des emplois perdus, et tout récemment encore, on ne les a pas entendus parler du licenciement de dix-sept personnes - ni eux ni les syndicats ! On ne les a pas vraiment entendus s'inquiéter du fait que dix-sept résidents genevois vont être licenciés à la Migros, le géant orange, qui mène une politique défavorable pour le personnel local, le personnel résident. (Commentaires.) On nous demande d'acheter des produits de la région - des salades, des tomates de la région -, mais on liquide le personnel local, le personnel genevois. Ce genre de politique est inacceptable ! C'est un silence complet et vous êtes des hypocrites, Messieurs les auteurs de cette motion, bravo l'hypocrisie ! Le groupe MCG refusera cette proposition de motion avec conviction ! Merci.
M. Alexis Barbey (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif de ces sanctions, c'est, comme on l'a dit tout à l'heure, de ne pas laisser passer du temps, car cela dessert les chômeurs, et de ne pas perdre l'habitude de travailler. La méthode proposée, c'est de faire des demandes régulières adaptées aux compétences et au secteur économique du demandeur d'emploi et de diversifier les gisements d'emploi dans différents secteurs, d'appeler les demandeurs d'emploi à effectuer des démarches créatives. Admettre de ne rien faire, c'est être sûr de ne jamais trouver de travail, et victimiser les chômeurs, c'est non seulement insultant pour leurs compétences, mais c'est aussi le meilleur moyen de créer une fabrique à chômeurs de longue durée. (Commentaires.) Le PLR acceptera l'amendement PDC et refusera la proposition de motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à M. le député Daniel Sormanni pour une minute et quarante-cinq secondes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en effet, on a déjà parlé ce matin de cette problématique et je pense qu'il ne faut pas y revenir. Tout à coup, on nous sort du chapeau des chiffres selon lesquels, soi-disant, Genève punit plus que les autres cantons. J'en doute fortement. Je pense que ce n'est effectivement pas la bonne solution. Mesdames et Messieurs, vous voulez les vrais chiffres ? Eh bien, renvoyez cette proposition de motion en commission de sorte que le département puisse fournir les vrais chiffres, parce que je ne crois pas du tout que Genève punisse davantage que les autres; je crois que Genève est plus souple que les autres cantons. Je vous invite à renvoyer cette motion en commission de façon à ce qu'on ait la vérité sur ces chiffres et sur la politique menée par l'office cantonal de l'emploi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Est-ce que vous formalisez cette demande de renvoi en commission ? Commission de l'économie ?
M. Daniel Sormanni. Oui !
Le président. Très bien. Je mettrai cette demande aux voix avant les amendements. Je passe maintenant la parole à l'auteur du texte, M. le député Grégoire Carasso, pour vingt-sept secondes et le temps de son groupe s'il le désire.
M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, je ferai deux remarques. Je ne reviendrai pas sur l'attitude du MCG, qui, sur la question du chômage, des chômeurs et des chômeuses, ne fait plus rien depuis quelque temps. Le groupe socialiste, de même que vous - simplement, nous le traduisons en actes -, dénonce des licenciements d'entreprises qui, comme la Migros, se portent à merveille d'un point de vue financier. Nous les dénonçons. Nous aurions d'ailleurs été ravis que le MCG nous propose une motion... (Remarque.) ...mais, en lieu et place, le MCG se contente de quoi ? De s'aligner derrière son magistrat et de refuser un texte qu'il aurait été en mesure de défendre, de soutenir, et même, j'ai envie de dire, de présenter il y a quelque temps encore. (Commentaires.)
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Grégoire Carasso. Ce texte-là, à la différence de la pétition de ce matin, Monsieur le président, ne porte pas directement sur les obligations de production de recherches d'emploi, mais sur les sanctions. Et là, entendre le MCG, comme le PLR et l'UDC, défendre les sanctions financières contre les chômeurs et les chômeuses, c'est juste incroyable ! J'ai même eu du mal à me convaincre que c'était Daniel Sormanni - Monsieur le président, vous transmettrez - qui prenait la parole pour défendre les sanctions contre les chômeurs - c'est hal-lu-ci-nant !
J'en terminerai avec le sous-amendement, sur le temps de mon groupe. (Protestation. Commentaires.)
Une voix. Faut assumer tes propos ! (Commentaires.)
M. Grégoire Carasso. J'en terminerai avec le sous-amendement que nous avons déposé pour aller dans le sens des discussions de ce matin et de l'amendement proposé par le groupe démocrate-chrétien. (Commentaires.) Ce sous-amendement vise, précisément... (Commentaires. Un instant s'écoule.) Ce sous-amendement vise précisément à supprimer la fin de la première invite, qui concerne la suspension de l'obligation de recherches. Cela va dans le sens des interventions de tous les collègues critiques qui se sont exprimés, de telle sorte qu'il ne resterait, dans la première invite, que: «à adapter les exigences de l'OCE en matière d'obligation de production de recherches d'emploi aux réalités économiques et sanitaires» - ce qui semble être la chose la plus élémentaire qu'on puisse proposer aujourd'hui, dans le contexte qui est le nôtre.
Un dernier point, sur les statistiques. J'ai croisé les sanctions des ORP de tous les cantons suisses de janvier et de février 2021, ramenées à la population - ces chiffres sont à la disposition des sceptiques du MCG ou des déprimés du MCG: Genève, rapporté à sa population, frappe plus violemment que tous les cantons suisses allemands, sans exception aucune. Pour être tout à fait transparent, il y a un canton qui tape un tout petit peu plus fort - un tout petit peu plus fort: ce sont les Valaisans et les Valaisannes. (Commentaires.) Si le MCG en revient à comparer aujourd'hui la réalité du marché du travail de Genève avec celle du Valais, c'est que vraiment, vous êtes en fin de vie ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Il semble que vous ayez ulcéré M. Sormanni, à qui je donne la parole. (Rire.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. J'ai été mis en cause par M. le député Carasso, des cafés Carasso, millionnaire probablement... (Rire.)
Une voix. Oooh !
M. Daniel Sormanni. ...et qui vient donner des leçons au MCG ! Je pense que c'est tout à fait inconvenant, et on serait bien curieux d'en savoir plus sur la structure et les employés de l'entreprise Carasso SA ! Et je crois que je n'ai pas défendu les sanctions: ce que j'ai dit, c'est que Genève est probablement le canton le plus souple et le plus accommodant de toute la Suisse avec les chômeurs... (Commentaires.) ...c'est ça qu'il faut élucider et c'est pour ça que je vous demande de renvoyer cette motion en commission, pour avoir les vrais chiffres et non les balivernes qu'on a entendues tout à l'heure !
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je cède le micro à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Sandro Pistis. Et pour le renvoi en commission ? (Commentaires. Un instant s'écoule.)
Le président. Un instant ! Après le conseiller d'Etat !
M. Mauro Poggia. Après que j'ai pris la parole !
Le président. Les débats sont réellement terminés quand le conseiller d'Etat s'est exprimé, Monsieur Pistis ! (Commentaires.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Bravo ! Bravo, de m'interdire de parler ! (L'orateur rit.) Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on va essayer de s'exprimer en créant moins d'émotion que ce matin, bien que le sujet soit le même. C'est vrai qu'en politique, on peut prendre beaucoup de libertés à l'égard de la vérité, mais il y a quand même des limites à ne pas franchir. J'entends M. le député Carasso accuser M. Sormanni - qui demande simplement d'aller en commission pour avoir la réalité des chiffres - de soutenir les sanctions contre les chômeurs. Je ne vois pas quel est le pas qui permet de passer d'une affirmation à l'autre. (Remarque.) J'entends Mme Jocelyne Haller dire que j'aurais affirmé ce matin à l'égard des chômeurs: «Qui cherche trouve !» Alors que j'ai dit... (Vifs commentaires.)
Une voix. Mais oui ! (Vifs commentaires.)
M. Mauro Poggia. Vous êtes... (Brouhaha.) Ecoutez, vous relirez le Mémorial et vous verrez... (Vifs commentaires.) Exactement ! J'ai dit: «Qui ne cherche pas ne trouve pas»...
Une voix. Et qui cherche trouve ! (Vifs commentaires.)
M. Mauro Poggia. ...«et qui cherche peut trouver !» (Protestations. Applaudissements. Huées.) Exactement ! Mais évidemment, il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Cela a permis à un député socialiste de publier un post sur les réseaux sociaux, en indiquant qu'avec une phrase pareille on devrait me retirer l'emploi !
Une voix. Ouiii !
M. Mauro Poggia. Rien que ça ! Bien. (Remarque.) Bravo ! (Commentaires.) Alors écoutez...
Une voix. Ensemble à Gauche, silence !
M. Mauro Poggia. Venons-en maintenant au fait, avec cette motion. D'abord, on nous demande d'adapter les exigences de l'OCE en matière d'obligation de production de recherches d'emploi aux réalités économiques et sanitaires. Vous avez lu un courrier du SECO, qui dit effectivement que les offices régionaux de placement ont été invités à faire preuve de discernement, compte tenu de la situation sanitaire actuelle. Permettez-moi de vous rappeler, puisque certains ont la mémoire courte ici, que le printemps dernier, en mars et avril, Genève était le premier canton suisse à avoir décidé de suspendre totalement toute obligation de recherche. Nous avons été suivis ensuite par la Confédération, qui a reconnu le bien-fondé de la démarche. Ensuite, nous avons réduit les demandes de recherches à trois par mois pour le mois de mai, cinq pour les mois de juin, juillet et août, et nous avons repris l'obligation de dix recherches - je ne reviens pas sur la définition de recherche, qui est extrêmement large - à partir du mois de septembre. Lorsque la situation s'est aggravée en début d'année, nous avons modifié à nouveau les règles en limitant les recherches pour les secteurs dans lesquels la fermeture est ordonnée par le Conseil fédéral à quatre par mois, Mesdames et Messieurs - quatre ! Pour les secteurs ouverts - certains fonctionnent, certains fonctionnent même mieux, profitant de la crise, et c'est vrai que les crises peuvent avoir parfois des effets insoupçonnés dans certains secteurs d'activité -, nous avons maintenu le nombre à dix; et, pour le secteur particulier des intermittents du spectacle, à deux recherches par mois. Et on nous dit qu'on est des tortionnaires ? Excusez-moi, Mesdames et Messieurs !
Comme on l'a dit très justement, la recherche d'emploi n'est pas là pour sanctionner le demandeur d'emploi: la recherche d'emploi est là pour l'obliger à faire constamment une analyse de ses compétences et, le cas échéant, de sa réorientation professionnelle. Il est bien sûr aidé dans cette tâche par des conseillers en personnel. Ce n'est pas parce qu'on a perdu un emploi dans un secteur qu'il faut obligatoirement rechercher un emploi dans ce même secteur. Nous sommes tous amenés dans nos carrières professionnelles, aujourd'hui, à changer d'activité et donc à nous remettre en cause. (Remarque.) En plus, la recherche d'emploi crée l'obligation de rester connecté au marché de l'emploi, pour voir quelles sont les réalités, et de rester connecté aussi avec nos relations qui restent insérées dans le marché de l'emploi - encore une fois, le fait d'appeler un ancien collègue de travail qui, lui, a encore une activité, pour lui demander s'il n'aurait pas une opportunité et, si oui, qu'il parle à son employeur, c'est une recherche d'emploi qui vaut certainement beaucoup plus qu'une lettre envoyée à l'aveuglette à un potentiel employeur.
Tout cela pour vous dire que notre office cantonal de l'emploi fait preuve de ce discernement, de cette parcimonie aussi en matière de sanctions, mais il y a parfois des gens qui, effectivement, ne font pas de recherches ! Encouragés, aussi, par des discours comme ceux qu'on entend, du style: «Ça ne sert à rien ! Ça ne sert à rien, mon brave homme, d'aller chercher du travail: il n'y en aura pas !» Il n'y a rien de plus humiliant que de dire à quelqu'un qui est en recherche d'emploi que c'est peine perdue de continuer à chercher. Je pense qu'au contraire, nous devons être là, bien sûr sans excès, à lui rappeler qu'il a une valeur, une dignité par le travail également; non pas que ceux - je précise, parce que tout de suite, on en tire des conclusions selon lesquelles ceux qui ne travaillent pas n'ont pas de dignité... Mais j'estime que quand on est chômeur - pire encore quand on est à l'aide sociale - évidemment on ne vit pas la situation de manière correcte, ou en tout cas valorisante pour soi-même. Voilà pour ce qui concernait la première invite.
S'agissant de la deuxième invite, qui demande d'annuler, le cas échéant, les sanctions, il faut savoir que celles-ci s'inscrivent dans le droit fédéral et la loi sur l'assurance-chômage. Par conséquent, si des sanctions sont prononcées, il faudrait, le cas échéant, qu'une instance judiciaire, à laquelle bien sûr tout chômeur peut s'adresser s'il considère que la sanction est infondée - ce qui arrive souvent, parce qu'il peut y avoir de bons motifs pour ne pas avoir fait de recherches d'emploi et, à ce moment-là, les décisions sont revues... De là à corriger des décisions qui ont été prises et qui sont entrées en vigueur ! La sécurité du droit s'en trouverait évidemment fortement atteinte.
La troisième invite demandant de «tout mettre en oeuvre pour changer la politique de l'OCE qui consiste à contrôler et punir avant d'aider et soutenir», c'est une pétition de principe ! Enfin... On considère qu'on punit au lieu de soutenir, et donc on dit qu'il faut arrêter. C'est comme si moi, je disais: «Mais arrêtez de dire n'importe quoi !» Vous me diriez: «Mais attendez ! Vous pouvez me dire d'arrêter de dire n'importe quoi, mais je ne dis pas n'importe quoi, ce que je dis a un fondement !» Donc excusez-moi, mais ce genre d'invite n'a rien à faire dans une motion.
En ce qui concerne la dernière invite et le prolongement des indemnités de chômage, vous savez que les indemnités ont été prolongées de 66 jours, jusqu'à fin mai pour les personnes qui sont au chômage à fin mars. Nous y arrivons, mais c'est évidemment un changement qui doit intervenir au niveau national; je rappelle à celles et ceux qui ont tendance à nous faire croire qu'ils l'ont oublié que l'assurance-chômage est une assurance de droit fédéral. Raison pour laquelle si vous considérez que la lumière doit être faite plus avant, je ne peux qu'appuyer la demande de renvoi en commission, et nous vous fournirons tous les chiffres. Je doute moi-même que les chiffres qui sont articulés - ils ne le sont en fait même pas, donc je dirais plutôt que les résultats, les conclusions que tire le premier signataire de cette motion soient réels. Que l'on ait déjà maintenant les chiffres des sanctions des mois de janvier et février, j'ai quand même quelques doutes là-dessus, excusez-moi ! (Commentaires.) Je pense qu'effectivement, il y a du travail, le cas échéant, à effectuer pour avoir la réalité dans ce domaine. En tout cas, ce que je vois dans les chiffres, c'est que, systématiquement, ces dernières années - et je suis à la tête de l'emploi depuis bientôt huit ans - le SECO reproche à notre ORP de ne pas sanctionner suffisamment. Voilà le message récurrent que je reçois du SECO. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je soumets en premier lieu à cette assemblée la demande de renvoi à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2744 à la commission de l'économie est rejeté par 77 non contre 20 oui.
M. Daniel Sormanni. Les vrais chiffres, ça ne vous intéresse pas ! (Rire.)
Le président. Bon, Monsieur Sormanni ! (Commentaires.) Nous sommes en procédure de vote, alors prenez rendez-vous avec M. Carasso et allez vous disputer dehors !
Une voix. Autour d'un café ! (Rires.)
Le président. Un bon café, pas trop serré, hein ! (Remarque.) Voilà. Nous sommes saisis de deux amendements sur la première invite. Le premier est de M. Carasso; il consiste en un sous-amendement de l'amendement du PDC. Il s'agit de maintenir le début de l'invite: «à adapter les exigences de l'OCE en matière d'obligation de production de recherches d'emploi aux réalités économiques et sanitaires;»
Mis aux voix, ce sous-amendement est adopté par 48 oui contre 41 non et 2 abstentions.
Le président. Nous passons maintenant à l'amendement du PDC, qui consistait à supprimer la première invite et qui vient d'être modifié par le sous-amendement socialiste. Il s'agit donc de ne supprimer que «et à suspendre l'obligation de recherche tant que le canton subit la pandémie». Le vote est lancé - sur l'amendement sous-amendé, donc !
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 65 oui contre 26 non et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 2744 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 49 oui contre 45 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)